Rapport n° 295 (1995-1996) de M. Luc DEJOIE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 27 mars 1996

Disponible au format Acrobat (7,2 Moctets)

Tableau comparatif au format Acrobat (7,2 Moctets)

N° 295

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 27 mars 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative à l' adoption,

Par M. Luc DEJOIE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ. ) : 2251, 2449 et T.A. 449

Sénat : 173 et 298 (1995-1996).

Adoption.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunies conjointement le mercredi 20 mars 1996 sous la présidence de MM. Jacques Larché et Jean-Pierre Fourcade, les commissions des Lois et des Affaires sociales ont procédé à une matinée d'auditions sur la proposition de loi n° 173 (1995-1996) relative à l'adoption dont les rapporteurs sont, au nom de la commission des Lois, M. Luc Dejoie et, pour avis, au nom de la commission des Affaires sociales, M. Lucien Neuwirth.

M. Pierre Pascal, président du groupe de réflexion sur l'accès aux origines, a rappelé les conditions dans lesquelles Mme Simone Veil avait constitué un groupe de réflexion sur le secret des origines et insisté plus particulièrement sur les principales conclusions de son rapport, notamment la nécessité de doter d'un état-civil conforme à la réalité les enfants dont les parents ont réclamé l'anonymat, le recueil systématique, lors de l'accouchement, d'informations non identifiantes relatives aux parents et à l'enfant, l'ouverture de la possibilité pour ces parents de donner des informations permettant éventuellement leur identification, enfin l'organisation d'une procédure de médiation pour rapprocher ces enfants de leurs parents lorsqu'ils en manifestent le souhait de part et d'autre.

Mme Tondi, rapporteur du groupe de réflexion a dressé un tableau des pratiques contrastées des services départementaux d'aide sociale en matière de recueil et de communication d'informations relatives aux parents ayant demandé le secret des origines de leur enfant.

M. Gérard Cornu, professeur émérite à l'Université de Paris-II Panthéon-Assas, a observé que la proposition de loi ne modifiait pas la nature des deux formes d'adoption, simple et plénière, existant en droit français. Il a toutefois exprimé des réserves à l'égard d'une réduction excessive (de trois mois à six semaines) du délai de rétractation du consentement à l'adoption, de l'abaissement de l'âge minimum de l'adoptant célibataire et de l'élargissement de l'adoption des enfants du conjoint, avant de contester la transformation en adoption « complétive » de l'adoption simple qui ajoute à la filiation d'origine mais ne la complète pas. Il a par ailleurs écarté l'éventuelle subordination du prononcé de l'adoption à l'existence d'un agrément administratif. Enfin, il ne s'est pas déclaré hostile à la consécration dans le code civil de la jurisprudence de la Cour de cassation qui permet, sous condition du consentement éclairé de ses représentants, l'adoption de l'enfant étranger dont la loi nationale, souvent inspirée du droit coranique, ignore cette pratique.

M. Jean Benet, président de la Fédération des associations d'entraide de pupilles et anciens pupilles de l'État, a précisé qu'il était favorable au maintien de l'accouchement secret sous réserve qu'il n'interdise pas aux parents et aux enfants qui le souhaitent concomitamment d'accéder à des informations les concernant. Il a estimé qu'à cet égard, la proposition de loi constituait un recul par rapport aux pratiques actuelles de certains services sociaux. Il a suggéré qu'une instance nationale s'assure, le cas échéant, de la réalité de la volonté d'anonymat des parents et favorise, si les intéressés le souhaitent, l'échange d'informations lorsque l'enfant est devenu majeur.

Évoquant par ailleurs les modifications apportées par la proposition de loi, il a souhaité que la durée minimale de mariage exigée pour adopter reste fixée à cinq ans et qu'il soit bien précisé que le consentement éclairé des parents est nécessaire pour prononcer l'adoption d'un enfant étranger dont la loi nationale ignore cette procédure. Enfin, il a suggéré que l'acte de naissance de l'enfant remis avec demande de secret de l'identité des parents ne soit modifié sur aucun élément autre que cette identité.

Mme Housset, président de la Fédération des associations départementales des foyers adoptifs « Enfance et familles d'adoption », a approuvé la proposition de loi qui lui a semblé prendre largement en compte l'intérêt de l'enfant, avant d'insister sur l'importance de l'information préalable des adoptants et de l'agrément administratif dont le juge devrait vérifier qu'il a effectivement été accordé avant de prononcer l'adoption. Elle a également appelé de ses voeux la création d'une structure nationale centralisant les informations relatives aux enfants adoptables et aux personnes souhaitant adopter. Elle a par ailleurs suggéré que l'enfant étranger pupille de l'État acquière automatiquement la nationalité française, qu'en cas de deuxième remise de l'enfant en vue d'adoption, les parents n'aient plus la possibilité de rétracter leur consentement, enfin, que l'adoption internationale soit confortée par l'introduction d'une norme de conflit de lois dans le code civil.

Évoquant l'accès aux origines, elle a estimé que l'enfant devait pouvoir avoir connaissance de son passé afin de mieux construire son avenir, grâce aux informations non nominatives qu'il pourrait obtenir auprès de ses parents adoptifs, ou bien directement, une fois majeur, auprès des services sociaux.

***

Réunie sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission a examiné le rapport de M. Luc Dejoie le mercredi 27 mars 1996.

Elle a adopté vingt-neuf amendements sur le titre premier, s'en remettant à la commission des Affaires sociales pour les titres II à V qui constituent le volet social de la proposition de loi.

Elle a tout d'abord considéré que les assouplissements apportés aux conditions de l'adoption plénière pouvaient être retenus. En revanche, elle a supprimé la différence d'âge maximum entre l'adopté et l'adoptant introduite par l'Assemblée nationale (art. 3). Elle a par ailleurs admis que le délai de rétractation de la décision d'abandon, actuellement fixé à trois mois, pouvait être réduit à deux mois mais non à six semaines comme le souhaitait l'Assemblée nationale (art. 7 et 11).

S'agissant du prononcé de l'adoption, la commission a estimé qu'il n'était pas souhaitable de lier le pouvoir d'appréciation du juge en le subordonnant à la production de l'agrément pour adopter qui est une décision administrative (art. 14).

La commission a par ailleurs souhaité valoriser l'adoption simple, d'une part en lui conservant sa dénomination actuelle plutôt que celle d'adoption « complétive » retenue par l'Assemblée nationale qui laisse à penser que cette filiation compléterait la première alors qu'elle vient s'y ajouter, d'autre part en ne prorogeant pas la faculté de prononcer une adoption plénière au-delà de la majorité (art. 4-II), en limitant strictement les cas d'adoption plénière par le conjoint afin de préserver les liens avec la famille par le sang du parent prédécédé (art. 5), en admettant qu'une adoption simple puisse être prononcée sur une adoption plénière si le juge estime que c'est l'intérêt de l'enfant (art. 5 et add. avant l'art. 16), enfin en alignant sur le droit commun les obligations alimentaires de l'adopté (art. add. après l'art. 18).

La commission a par ailleurs admis, sous réserve de l'inscrire dans le code civil, que les parents qui remettent leur enfant aux fins d'adoption ne peuvent demander à conserver l'anonymat que si l'enfant est âgé de moins d'un an.

Elle a également admis, là encore sous réserve de le préciser dans le code civil, d'assortir la demande de secret de l'accouchement ou d'anonymat des parents de la faculté, pour les intéressés, de donner des informations sur eux-mêmes et sur l'enfant, à condition qu'elles ne permettent pas de les identifier. L'enfant pourra accéder à ces informations pendant sa minorité, avec l'accord de son représentant légal et sous réserve qu'il soit âgé de plus de treize ans, ou pendant sa majorité.

S'agissant de l'adoption internationale, la commission a préféré supprimer l'article 15 afin de ne pas heurter, dans le code civil, les principes du droit international privé à la veille de la ratification de la convention de La Haye et dans la mesure où la jurisprudence de la Cour de cassation permet de résoudre les difficultés liées à l'absence de législation sur l'adoption dans le pays d'origine de l'enfant dès lors que le représentant légal de celui-ci a consenti à son adoption en pleine connaissance de ses effets au regard de la loi française.

Enfin, elle a modifié les missions de l'autorité centrale pour l'adoption instituée par l'article 51 pour les étendre à l'adoption interne.

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner une proposition de loi relative à l'adoption examinée, en première lecture, par l'Assemblée nationale les 17 et 18 janvier 1996, à l'initiative de M. Jean-François Mattéi qui en fut l'initiateur, à l'issue de la remise au Premier ministre, en janvier 1995, de son rapport sur l'adoption 1 ( * ) , et le rapporteur au nom de la commission spéciale constituée aux fins de son examen.

Cette proposition de loi, qui tient compte de la prochaine ratification par la France de la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, signée à La Haye le 29 mai 1993, modifie les codes civil, de la famille et de l'aide sociale, de la sécurité sociale et du travail afin, précise son auteur, « de rendre les conditions et les procédures d'adoption plus simples, plus sûres et plus justes ».

Votre commission des Lois, saisie au fond, a estimé préférable de déléguer à la commission des Affaires sociales, saisie pour avis, l'examen des dispositions du volet social de la proposition de loi :

- le titre II, relatif à la procédure administrative d'agrément des adoptants et au statut des organismes servant d'intermédiaires pour l'adoption,

- le titre III, qui détermine les prestations sociales et les aides susceptibles d'être accordées aux familles adoptantes,

- le titre IV, qui fixe les modalités d'application du congé parental en cas d'adoption et du congé d'adoption,

- et le titre V qui regroupe diverses dispositions.

Elle s'en remet donc, pour ces titres, aux propositions de la commission des Affaires sociales, sous réserve, bien entendu, qu'elles ne soient pas en contradiction avec les règles modifiées dans le code civil.

Votre commission des Lois se réserve toutefois d'examiner les articles 30 et 31 qui organisent le recueil, la conservation et la communication d'informations non-identifiantes relatives aux parents par le sang d'enfants adoptés avec demande de secret de l'accouchement ou de leur état civil.

De même, elle a souhaité examiner l'article 51 qui institue, en application de la convention de La Haye, une autorité centrale pour l'adoption.

I. LE RÉGIME JURIDIQUE DE L'ADOPTION

L'adoption est une institution qui n'existe que par la loi. Elle établit un lien juridique de filiation dans l'intérêt de l'enfant, le juge s'assurant qu'elle est effectivement conforme à cet intérêt (art. 353, al. 1 et art. 361 du code civil).

L'adoption est un acte privé soumis au contrôle juridictionnel du tribunal de grande instance, autrement dit il s'agit d'un acte de juridiction gracieuse mais à l'occasion duquel le juge exerce un contrôle de légalité et d'opportunité.

Après la première guerre mondiale, la législation française, qui connaissait cette institution de longue date, est intervenue à de nombreuses reprises (loi du 19 juin 1923, décret-loi du 29 juillet 1935, loi du 8 août 1941 instituant la légitimation adoptive, ordonnance du 23 décembre 1958), avant d'être stabilisée sous sa forme actuelle par la loi n° 66-500 du 11 juillet 1966 modifiée par la loi n° 76-1179 du 22 décembre 1976.

L'ensemble de la matière figure aujourd'hui dans le code civil (art. 343 à 370-2) qui distingue deux formes de filiation adoptive :

- l'adoption plénière, héritée de la légitimation adoptive introduite en 1941, qui est irrévocable et supprime tout lien entre l'adopté et sa famille par le sang ; ainsi que le précise l'article 358 du code civil : « l'adopté a, dans la famille de l'adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu'un enfant légitime. »

- l'adoption simple qui maintient ces liens et peut être rapportée pour « motifs graves ».

La loi met avant tout l'accent sur l'adoption plénière mais il convient de rappeler que celle-ci répond avant tout à la situation des jeunes enfants remis aux fins d'adoption, et qu'elle doit être écartée dès lors qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de conserver des liens avec sa famille par le sang.

A. L'ADOPTION PLÉNIÈRE

1. Trois séries de conditions

a) Conditions tenant aux adoptants


Les adoptants doivent être soit deux époux, mariés depuis cinq ans au moins ou âgés de plus de trente ans, et non séparés de corps (art. 343), soit une seule personne, âgée de plus de trente ans, célibataire ou ayant l'accord de son conjoint (art. 343-1). La condition d'âge n'est pas exigée s'il s'agit de l'enfant du conjoint (art. 343-2).


• Le ou les adoptants doivent avoir quinze ans de plus que l'adopté (dix ans, voire moins sur dispense judiciaire, en cas d'adoption des enfants du conjoint (art. 344)).

b) Conditions tenant à l'adopté

L'enfant doit être âgé de moins de quinze ans. L'adoption plénière reste toutefois possible au-delà de cet âge lorsqu'il a été accueilli avant d'avoir atteint cet âge par des personnes ne remplissant pas alors les conditions légales pour adopter ou s'il a fait l'objet d'une adoption simple. S'il a plus de treize ans, l'enfant doit consentir à son adoption (art. 345).

L'adoption ne peut être prononcée que si l'enfant est accueilli au foyer des adoptants depuis au moins six mois (art. 345).

ï Enfin ne sont adoptables plénière ment que (art. 347) :

- les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à leur adoption ;

- les pupilles de l'État, c'est-à-dire les enfants immatriculés comme tels par décision préfectorale après avoir été confiés au service de l'aide sociale à l'enfance ; il s'agit :

- des enfants trouvés, à l'égard desquels aucune filiation n'est légalement établie (accouchement anonyme) ou connue, et qui, depuis plus de trois mois, ont été recueillis par l'aide sociale,

- des enfants abandonnés, dont la filiation est connue et établie mais qui ont été abandonnés expressément au service de l'aide sociale depuis plus de trois mois par la personne ayant qualité pour consentir à leur adoption,

- des orphelins de père et de mère qui, n'ayant pas d'ascendant auquel on puisse recourir, n'ont aucun moyen d'existence,

- des enfants dont les parents ont été déchus de l'autorité parentale ;

- les enfants judiciairement déclarés abandonnés, recueillis par un particulier, une oeuvre privée ou un service d'aide sociale, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande en déclaration d'abandon.

2. L'acte d'adoption

L'adoption plénière emporte une rupture d'avec la famille par le sang, suivie d'une étape intermédiaire de placement en vue de l'adoption qui s'achève par un jugement d'adoption.

a) Rupture d'avec la famille d'origine

Mis à part le cas des pupilles de l'État, le code civil prévoit deux modes de rupture :


La rupture volontaire

Elle résulte du consentement des parents à l'adoption (et de l'accord de l'enfant s'il est âgé de plus de 13 ans) donné par acte authentique devant un notaire, au greffe du tribunal d'instance ou au service de l'aide sociale à l'enfance (art. 348-3 et s.).

Ce consentement est en principe donné en faveur d'un adoptant mais la loi permet aujourd'hui aux parents de laisser le choix de l'adoptant au service de l'aide sociale (art. 348-4).

QUELQUES CHIFFRES SUR L'ADOPTION

L'effectif des pupilles de l'État continue de décroître rapidement, mais, malgré cette décroissance, le nombre d'enfants placés en vue de l'adoption est stable.

Parmi les pupilles pour lesquels il n'existe pas de projet d'adoption, on constate que 3 % d'entre eux ont encore des liens familiaux, 31 % sont bien insérés dans leur famille d'accueil, 3 % n'ont encore le statut de pupille qu'à titre provisoire, 34 % ont des problèmes de santé ou un handicap, 6 % ont un âge trop avancé et 7 % une situation de fratrie.

S'agissant des enfants adoptés à l'étranger, les seules informations statistiques disponibles concernent le nombre de visas d'établissement définitif délivrés par le ministère des affaires étrangères pour ces enfants.

Par ailleurs, au 1er janvier 1993, 13 500 familles avaient effectué toutes les démarches et obtenu l'agrément nécessaire à l'adoption d'un enfant.

(1) Source JO Questions Sénat - 18 mai 1995. p. 1130

Dans tous les cas, le consentement peut être rétracté dans les trois mois, voire au-delà si l'enfant n'a pas fait l'objet d'un placement.

Les parents ne disposent pas du pouvoir absolu de refuser leur consentement. Le juge peut en effet estimer qu'un tel refus est abusif lorsque les parents se sont désintéressés de l'enfant au risque de compromettre sa santé et sa moralité (art. 348-6).


La déclaration judiciaire d'abandon

La décision judiciaire rend adoptable un enfant dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande en déclaration d'abandon (art. 347).

b) Placement en vue de l'adoption

L'enfant est remis aux futurs adoptants à l'issue du délai de rétractation (art. 351). Ce placement met obstacle à toute restitution de l'enfant à sa famille d'origine (art. 352). Il tient en échec toute reconnaissance ou toute déclaration de filiation (sauf si le tribunal refuse de prononcer l'adoption).

c) Jugement d'adoption

Le TGI contrôle la légalité de l'adoption et apprécie son opportunité au regard de l'intérêt de l'enfant. La demande est formée par requête ; l'affaire est instruite et débattue en chambre du conseil et le ministère public consulté.

Le jugement n'est pas motivé. Il est susceptible d'appel par le ministère public. La tierce opposition n'est recevable qu'en cas de dol ou de fraude imputable aux adoptants (art. 353-1).

À la requête du ministère public, la décision prononçant l'adoption plénière est transcrite sur les registres de l'état civil du lieu de naissance de l'adopté. Cette transcription tient lieu d'acte de naissance à l'intéressé mais elle ne contient aucune indication relative à sa filiation réelle (art. 354).

3. Les effets de l'adoption plénière

L'adoption plénière confère à l'enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d'origine à compter de la date de dépôt de la requête en adoption (art. 356).

Elle est irrévocable. Les vices qui auraient entaché le consentement sont purgés par le jugement d'adoption qui, bien qu'étant un acte de juridiction gracieuse, a autorité de chose jugée sur tous les points que la loi soumet à son contrôle.

a) Statut familial de l'adopté


La rupture des liens avec la famille par le sang

L'enfant perd tous ses droits à l'égard de sa famille d'origine et se trouve affranchi de toute obligation à son égard, tant dans l'ordre des rapports personnels que des rapports pécuniaires. Entre sa famille d'origine et lui, ne subsistent ni vocation successorale ni vocation alimentaire.

Au lien qui tient au sang demeurent seulement attachés l'interdit de l'inceste ainsi que l'empêchement de parenté et d'alliance qui fait obstacle au mariage (art. 356).


L'intégration à la famille adoptive

L'enfant adoptif est pleinement assimilé à un enfant légitime. Il acquiert, dans la famille de l'adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu'un enfant légitime.

L'assimilation est absolue dans les rapports patrimoniaux comme dans les rapports extrapatrimoniaux : obligation parentale d'entretien, vocation successorale et alimentaire réciproque.

L'enfant bénéficie d'une intégration familiale dans toutes ses ramifications de parenté. De là naissent entre l'enfant et les ascendants de l'adopté la vocation alimentaire et la vocation successorale réservataire.

b) État-civil de l'adopté

L'adoption confère à l'enfant le nom de l'adoptant (du mari en cas d'adoption par deux époux).

À la demande de l'adoptant, le tribunal peut modifier les prénoms de l'enfant (art. 357).

L'acte de naissance originaire est annulé après avoir été revêtu, à la diligence du procureur de la République, de la mention « adoption » (art. 354). Un nouvel acte de naissance est établi par transcription du jugement d'adoption sur les registres de l'état civil. Les extraits sont délivrés à partir de cette transcription : jour, heure et lieu de naissance, sexe et prénoms résultant du jugement, nom et prénoms des adoptants. La transcription ne contient aucune indication relative à la filiation biologique de l'enfant.

B. L'ADOPTION SIMPLE

Héritière, avec des modifications, de l'adoption ordinaire, l'adoption simple ne rompt pas les liens avec la famille d'origine.

1. Des conditions aménagées

La plupart des conditions de l'adoption plénière sont applicables à l'adoption simple par effet du renvoi de l'article 361 aux dispositions édictées pour la première. Certaines libertés sont toutefois admises.

C'est ainsi que la condition d'âge ne s'impose pas à l'adopté (art. 360). Par ailleurs, si celui-ci est mineur, son consentement est requis à partir de l'âge de treize ans, ainsi que celui de ses parents.

Enfin, la phase préalable de placement n'existe plus et le juge s'assure simplement que l'adoption répond à l'intérêt de l'enfant.

2. Les effets de l'adoption simple

a) Maintien du lien d'origine

L'adopté reste membre de sa famille d'origine (art. 364). Il conserve ses droits de famille, notamment de succession par ses ascendants et sa réserve héréditaire. Ses droits alimentaires à l'égard de ses père et mère sont toutefois subsidiaires et ne s'exercent qu'à défaut de fourniture d'aliments par les adoptants (art. 367).

Réciproquement, la famille d'origine conserve ses droits. L'adopté doit des aliments à ses parents par le sang (art. 367). Sa famille par le sang peut en outre, en cas de succession, reprendre les biens que l'adopté avait reçus d'elle à titre gratuit et la moitié du surplus de ses biens.

Enfin, les empêchements au mariage demeurent (art. 364).

b) Création d'un lien d'adoption

L'adoptant et l'adopté se doivent mutuellement des aliments. L'adopté et ses descendants ont, dans la succession de l'adoptant, les mêmes droits qu'un enfant légitime (art. 368).

En revanche, l'adopté n'a ni vocation alimentaire ni réserve héréditaire à l'égard des ascendants de l'adoptant.

Enfin, les empêchements au mariage propagent leurs effets dans l'alliance et la fraternité adoptive, mais avec des dispenses (art. 366).

c) Primauté du lien d'adoption

Le nom de l'adoptant s'ajoute à celui des parents de l'adopté sauf si le tribunal décide d'une substitution (art. 363). Si l'enfant est âgé de plus de treize ans, cette substitution est subordonnée à son consentement.

L'autorité parentale est attribuée exclusivement à l'adoptant, sauf si l'adopté est l'enfant du conjoint (art. 365).

Enfin ce sont les adoptants qui assument par priorité les devoirs alimentaires envers l'adopté. Les parents par le sang n'y sont tenus qu'à titre subsidiaire (art. 367).

3. La révocation de l'adoption simple

L'adoption simple peut être révoquée par le juge pour motifs graves (art. 370), à la demande de l'adopté ou de l'adoptant, si l'adopté a plus de quinze ans.

La révocation ne rétroagit pas et le jugement est assorti de publicité légale.

II. LA PROPOSITION DE LOI

La proposition de loi présentée par M. Jean-François Mattéi reprend, pour l'essentiel, les conclusions du rapport sur l'adoption qu'il a remis au Premier ministre le 31 janvier 1995 en qualité de parlementaire en mission. Elle prend en compte la prochaine ratification par la France de la convention de la Haye. À l'issue du débat à l'Assemblée nationale, elle a subi un certain nombre d'aménagements.

A. LE RAPPORT SUR L'ADOPTION

Le très volumineux rapport sur l'adoption remis par le Professeur Mattéi et auquel votre rapporteur se permet de renvoyer, procède d'une démarche de terrain, à l'écoute des familles et de toutes les personnes et organismes entourant l'adoption.

Le sujet était difficile, tant il est vrai, comme l'écrit M. Mattéi, que l'opinion publique « fait de l'adoption un problème de société essentiel, en même temps qu'un puissant révélateur de l'état des consciences d'aujourd'hui ».

Après un préambule relatant, à travers des témoignages recueillis dans le cadre d'une enquête, les difficultés rencontrées par les enfants adoptés et les familles adoptantes, le rapport retrace, dans une première partie, l'évolution historique des idées en matière d'adoption et met en lumière la nature profonde de l'acte d'adoption : celui-ci naît de la volonté d'adultes de prendre en charge un enfant et de le considérer comme leur fils ou leur fille alors qu'il ne l'est pas naturellement ; il est consacré par un acte social, réglé en France par la loi.

Le rapport rappelle ensuite les étapes successives de la législation et l'internationalisation de l'adoption à partir des années soixante-dix dans le cadre progressivement mis en place de la convention de La Haye du 7 octobre 1964 et de la convention européenne du 24 avril 1967.

Dans une deuxième partie, il expose les données actuelles de l'adoption et ses difficultés, évoquant successivement l'agrément des candidats à l'adoption, les modalités de l'adoption, nationale et internationale, le rôle des oeuvres et les démarches individuelles. Un chapitre 2 précise le régime juridique de l'adoption. Enfin, un chapitre 3 décrit les conditions d'accueil de l'enfant dans la famille adoptive.

Une troisième partie tire les enseignements de ces observations et des dysfonctionnements constatés pour formuler vingt-quatre propositions tenant compte des exigences de la convention signée à La Haye le 29 mai 1993 et que la France devrait prochainement ratifier, dont l'objet est de « faciliter et harmoniser les procédures afin de les rendre plus simples et plus justes ».

Ces propositions qui peuvent être résumées comme suit :

LES VINGT-QUATRE PROPOSITIONS DU RAPPORT SUR L'ADOPTION

I. L'agrément

1. La reconnaissance nationale de l'agrément administratif pour adopter délivré localement.

2. Des modalités d'agrément identiques pour tous les candidats à l'adoption, que celle-ci soit interne ou internationale.

3. Des conditions de validité identiques qu'il s'agisse de l'adoption interne ou internationale.

4. L'introduction du principe de l'agrément dans le code civil « agrément préalable ou prononcé par les tribunaux français du jugement d'adoption d'un enfant né à l'étranger ».

II. Les oeuvres d'adoption

5. Le rapprochement des oeuvres, devenues « organismes agréés pour l'adoption » dans la cadre d'une confédération répondant aux nouvelles exigences de la Convention de la Haye.

III. Les enfants

6. L'affirmation des droits de l'enfant dont les parents sont défaillants.

7. L'affirmation du rôle de tuteur de l'État.

IV. Le secret des origines

8. L'organisation des modalités d'accès aux informations concernant les origines.

V. Le délai de rétractation

9. La réduction à six semaines (au lieu de trois mois) du délai de rétractation du consentement à l'adoption et du délai pour reconnaître un enfant dont la filiation n'est pas établie ou est inconnue.

VI. L'autorité centrale française et l'organisation de l'adoption internationale (dans le cadre de la convention de La Haye)

10. La définition d'une autorité centrale interministérielle.

11. La confirmation de la délégation à l'adoption internationale comme autorité publique.

12. La coordination de la délégation à l'adoption internationale avec les ministères de la Justice et des Affaires sociales

13. La délégation de certaines procédures aux organismes agréés pour l'adoption.

VII. L'organisation de l'adoption interne

14. La création d'un organisme national de concertation sur l'adoption.

VIII. Le Conseil supérieur de l'adoption

15. La modification de sa composition.

IX. Les dispositions d'ordre social

16. Le principe de l'assimilation de l'adoption à une nouvelle naissance en matière de prestations sociales.

17. Une aide pour les familles nourricières qui adoptent les enfants qu'elles élèvent.

X. Le prononcé de l'adoption

18. L'assouplissement des conditions d'âge et de durée du mariage.

19. La possibilité de prononcer l'adoption à titre posthume.

20. La possibilité de prononcer l'adoption plénière de l'enfant du conjoint dans des circonstances exceptionnelles.

21. L'introduction dans le code civil d'une norme de conflit de lois en matière d'adoption.

XI. L'adoption simple

22. La transformation de l'adoption simple en adoption « complétive ».

XII. Les échecs de l'adoption

23. La prévention des échecs de l'adoption

24. Le statut des enfants en cas d'échec de l'adoption (adoption « complétive »).

B. LA CONVENTION DE LA HA YE

Signée le 29 mai 1993, à l'issue de la dix-septième session de la Conférence de La Haye de droit international privé, par les représentants de soixante-six pays, la convention sur la protection des enfants et de la coopération en matière d'adoption internationale est ouverte à ratification.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, le Gouvernement français devrait la soumettre très prochainement à l'approbation du Parlement.

Inscrite dans la suite de la convention de La Haye du 7 octobre 1964, de la convention européenne du 24 avril 1967 et de la convention internationale des Droits de l'enfant du 20 novembre 1989, cette convention s'articule autour de cinq chapitres définissant les responsabilités respectives des pays d'origine et d'accueil des enfants adoptés, dans le dessein de moraliser l'adoption d'enfants étrangers.

Elle se présente essentiellement comme un traité de coopération privilégiant les relations entre autorités pour harmoniser des solutions de conflits.

On relèvera enfin qu'elle est principalement centrée autour des phases situées en amont et en aval du prononcé de l'adoption.

1. Le contrôle de la mise en oeuvre des projets d'adoption internationale

a) Le respect des principes directeurs et des conditions de l'adoption internationale


• Quatre principes directeurs
peuvent être identifiés :

- l' intérêt supérieur de l'enfant,

- la subsidiarité de l'adoption internationale par rapport à l'adoption nationale,

- le passage obligé par des intermédiaires autorisés,

- la prohibition de paiements ou de contreparties.


• Quant aux conditions posées pour l'adoption internationale, elles n'emportent pas un rapprochement des législations nationales mais une uniformisation du droit matériel des États contractants mettant l'accent sur les conditions et la qualité de la préparation entourant le placement effectif de l'enfant chez ses futurs parents adoptifs.

Ces conditions relèvent soit du contrôle des autorités de l'État d'accueil, soit de celui de l'État d'origine.

La convention consacre ainsi le principe de la responsabilité de l'État d'origine de l'enfant pour ce qui concerne la vérification de son adoptabilité.

Il en résulte que la loi définissant l'adoptabilité est la loi nationale de l'enfant et que le consentement éclairé des représentants légaux de l'enfant à l'adoption est indispensable.

Depuis l'arrêt de la Cour de cassation Pistre du 1er janvier 1990, le droit interne français est en harmonie avec ce principe puisqu'il subordonne le prononcé de l'adoption plénière au caractère éclairé de l'autorisation donnée à cet effet par les personnes habilitées.

S'agissant de l'accueil des enfants, les autorités compétentes de l'État d'accueil doivent être en mesure de vérifier que le consentement éclairé a effectivement été recueilli et que l'enfant était adoptable.

Elles sont par ailleurs responsables de l'appréciation de l'aptitude de leurs ressortissants à adopter et de la détermination des conditions légales pour adopter.

Enfin, le projet de placement de l'enfant adoptable est élaboré par l'État d'origine mais soumis à l'accord préalable de l'État d'accueil.

b) Le contrôle s'articule autour d'une coopération internationale

Désormais, les projets individuels d'adoption dans les États signataires de la convention devront passer par des intermédiaires clairement identifiés et répondre à des principes d'organisation et de fonctionnement précis.


Les acteurs de la coopération internationale sont :

- les autorités centrales désignées par les États ;

- les organismes agréés par les États ;

- par exception, des personnes et organismes non agréés.


La coopération porte sur le contrôle des procédures.

Le point de départ de toute adoption internationale est la saisine de l'autorité centrale du pays des requérants. Celle-ci élabore un rapport sur leur situation personnelle, leur motivation, leur qualification et leur aptitude. De son côté, l'autorité centrale de l'État d'origine établit et transmet à l'autorité centrale de l'État d'accueil un rapport sur l'enfant et le placement envisagé de celui-ci au regard de sa situation personnelle.

Le placement effectif de l'enfant fait l'objet d'une gestion conjointe par les deux autorités centrales concernées.

2. La cohérence internationale du statut de l'adopté

Le chapitre V de la convention institue un principe de reconnaissance de plein droit, dans tous les États contractants, des décisions d'adoption conformes à la convention.

Il recherche par ailleurs une équivalence aux effets de l'adoption prononcée dans les différents États sans imposer la modification des législations nationales, sous réserve de quelques règles minimales relatives à l'établissement du lien de filiation adoptive, à la responsabilité parentale et à la rupture éventuelle du lien de filiation biologique.

L'article 27, repris de la jurisprudence française, autorise la conversion de la décision d'adoption simple prononcée dans l'État d'origine en adoption plénière dès lors que le consentement éclairé du représentant légal de l'enfant a été recueilli. Une certaine incertitude persiste malgré tout, la notion de « rupture définitive du lien préexistant de filiation » ne figurant pas dans la convention.

C. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale reprend les principales orientations définies par le rapport remis au Premier ministre par M Jean-François Mattéi.

1. Faciliter l'adoption en modifiant certaines de ses conditions légales

Sans bouleverser les règles de fond relatives à la filiation adoptive, la proposition de loi :

- assouplit certaines des conditions requises pour adopter,

- modifie les modalités de l'intervention du juge dans la procédure d'adoption,

- tente de résoudre les difficultés juridiques résultant de l'adoption internationale,

- et s'efforce de revaloriser l'adoption simple renommée adoption « complétive ».

a) L'assouplissement des conditions requises pour l'adoption


• L'âge minimum pour adopter

Actuellement fixé à trente ans, l'âge minimum pour adopter est réduit à vingt-huit ans, au motif qu'il s'agit de l'âge moyen de la première maternité. Quant à la durée du mariage en cas d'adoption conjointe, elle est réduite de cinq à deux ans, étant précisé que seule la condition de mariage et de vie commune est exigée lorsque les deux époux sont âgés de plus de vingt-huit ans.

À l'initiative du rapporteur de sa commission spéciale, l'Assemblée nationale a en outre institué un écart d'âge maximum de quarante-cinq ans entre l'adopté et l'adoptant, M. Jean-François Mattéi estimant qu'il est « souhaitable que la filiation adoptive soit, autant que possible, calquée sur la filiation biologique ».


La prorogation de la période d'adoption plénière

L'adoption plénière ne peut être prononcée lorsque l'enfant a atteint l'âge de 15 ans. Toutefois, lorsqu'il a été accueilli au foyer de l'adoptant avant cet âge et que celui-ci ne remplissait pas les conditions légales pour l'adopter, ou lorsqu'il a fait l'objet d'une adoption simple avant cet âge, l'enfant peut être adopté jusqu'à l'âge de 18 ans.

La proposition de loi proroge cette dérogation jusqu'à 20 ans.


• L'extension des cas d'adoption plénière de l'enfant du conjoint

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 8 janvier 1993 relative à l'état-civil, la famille, les droits de l'enfant et le juge aux affaires familiales, l'enfant du conjoint ne peut faire l'objet d'une adoption plénière que s'il n'a pas de filiation établie à l'égard d'une autre personne.

La proposition de loi élargit cette faculté au cas dans lequel l'enfant a une filiation établie à l'égard de son parent décédé sous réserve que celui-ci n'ait pas laissé d'ascendants ou que ceux-ci se soient « manifestement désintéressés » de l'enfant.


• Le prononcé d'une adoption « complétive » en cas d'échec d'une adoption plénière

Le code civil prohibe toute nouvelle adoption en cas d'adoption plénière, tirant ainsi les conséquences du caractère irrévocable du lien de filiation qu'elle fonde.

La proposition de loi autorise le prononcé d'une adoption simple en cas d'« échec avéré » de l'adoption plénière, l'existence de celui-ci devant être appréciée par le juge.


La réduction du délai de rétractation du consentement à l'adoption

Actuellement, le délai pendant lequel le consentement à l'adoption peut être rétracté est fixé à trois mois.

Considérant que « la rétractation reste très exceptionnelle et intervient presque toujours dans les premiers jours ou, mais encore plus rarement, dans les derniers jours du délai », M. Jean-François Mattéi a proposé de réduire ce délai à six semaines afin de donner au plus vite une nouvelle famille à l'enfant et de « sécuriser davantage les parents adoptifs ».


La suppression de la faculté de choix de l'adoptant par les parents

La proposition de loi supprime la faculté actuellement reconnue aux parents qui remettent un enfant de moins de deux ans aux fins d'adoption de choisir l'adoptant.

M. Jean-François Mattéi a en effet estimé que cette faculté pouvait être la source de détournements et encourager le recours à des mères porteuses. Désormais, le choix de l'adoptant est laissé au tuteur avec l'accord du conseil de famille des pupilles de l'État ou du conseil de famille de la tutelle organisée à l'initiative de l'organisme privé pour l'adoption.

b) L'intervention du juge dans la procédure d'adoption


La désignation d'un administrateur ad hoc aux fins de faire transcrire le jugement étranger d'adoption

La commission spéciale avait souhaité introduire une disposition nouvelle dans la proposition de loi pour attirer l'attention du Gouvernement sur les délais de transcription des jugements étrangers d'adoption sur les registres du service central de l'état civil. Afin d'accélérer la procédure, elle avait prévu la désignation d'un mandataire ad hoc pour faire transcrire le jugement.

En séance publique, le Gouvernement a indiqué qu'il allait renforcer les moyens du parquet du tribunal de grande instance de Nantes compétent en matière de transcription de ces jugements.

En conséquence, la commission a retiré son amendement.


L'adoption post-mortem

Le code civil admet le prononcé de l'adoption après le décès de l'adoptant si une requête en adoption a été déposée avant le décès et reprise par un ayant-droit. En revanche, il n'autorise pas le prononcé de l'adoption après le décès de l'enfant, alors même que la requête avait été introduite.

Considérant qu'en pareil cas, « la souffrance (des parents) de perdre cet enfant s'ajoute à celle de ne pouvoir le faire reconnaître comme le leur », la proposition de loi prévoit que, même si l'enfant est décédé, l'adoptant peut présenter une requête en adoption dès lors qu'il avait régulièrement recueilli l'enfant en vue de son adoption.


Le contrôle de l'agrément par le tribunal

La procédure d'adoption comporte une phase administrative et une phase judiciaire. Le contrôle de la qualité des candidats à l'adoption est effectué par les services départementaux qui, au vu de l'enquête à laquelle ils ont procédé et des motivations avancées par les parents, accordent ou non un agrément pour adopter valable pour cinq ans.

La proposition de loi, tirant notamment les conséquences de la convention de La Haye et du souci de garantir aux États d'origine la qualité des parents adoptifs, entend lier la phase administrative à la phase judiciaire en faisant obligation au juge de vérifier, avant de prononcer l'adoption, que les parents ont obtenu l'agrément.

Dans le rapport présenté au nom de la commission spéciale, M. Jean-François Mattéi indique que cette disposition est destinée à « ne pas ouvrir la porte à des trafics ». Il prévoit toutefois que le juge peut prononcer l'adoption s'il estime que celle-ci est de l'intérêt de l'enfant et que les parents sont aptes à l'accueillir. Lors de l'examen en séance publique, il a été en outre précisé que cette dérogation devait présenter un caractère exceptionnel.

c) Les conséquences juridiques de l'adoption internationale

La proposition de loi initiale entendait résoudre les difficultés juridiques auxquelles se heurte l'adoption d'un enfant étranger en introduisant dans le code civil une disposition transposant la jurisprudence de la Cour de cassation, récemment complétée par un arrêt du 10 mai 1995 prononçant l'adoption plénière d'un enfant marocain dont le représentant légal avait accepté, en l'absence de législation nationale relative à l'adoption, la rupture de la filiation d'origine

Sur proposition de Mme Véronique Neiertz, la commission spéciale a modifié la rédaction initiale pour préciser que les conditions de l'adoption sont régies par la loi du pays de l'adopté et ses effets par la loi française lorsque l'adoptant est de nationalité française ou réside habituellement en France.

La proposition de loi précise en outre qu'en l'absence dans le pays d'origine de législation retenant une forme d'adoption équivalente à l' adoption plénière, le juge français peut attacher au jugement étranger les effets d'une adoption plénière si le représentant légal de l'enfant a donné son consentement, en pleine connaissance de cause, aux effets d'une telle forme d'adoption.

Enfin, elle dispose que la loi française s'applique aux conditions et aux effets de l'adoption, lorsque la loi nationale de l'enfant ignore cette procédure.

d) La revalorisation de l'adoption simple


Une nouvelle dénomination

La proposition de loi remplace la dénomination actuelle d'adoption simple par celle d'adoption « complétive » que son rapporteur considère comme « plus parlante et moins dépréciative ».


• L'extension des effets de l'adoption simple

La proposition de loi étend le lien de parenté entre l'adopté et l'adoptant aux enfants de l'adopté, qu'ils soient légitimes (comme le prévoit le droit actuel) ou naturels. De même, elle confère aux descendants de l'adopté, qu'ils soient légitimes ou naturels les mêmes droits successoraux que ceux de l'adopté dans la famille de l'adoptant.

Enfin, il est également prévu que le parquet pourra demander la révocation de l'adoption complétive « en cas d'échec avéré » de celle-ci.

e) De la déchéance au retrait total des droits d'autorité parentale

La proposition de loi remplace la notion de déchéance de l'autorité parentale par celle de retrait total des droits de l'autorité parentale afin, précise le rapport de la commission spéciale, de « porter l'accent sur le versant positif d'une telle décision qui est une mesure de protection de l'enfant avant d'être une mesure de stigmatisation des parents ».

2. Modifications des codes sociaux afin d'améliorer la situation des adoptants, des enfants pupilles de l'État et des adoptés

a) Un volet social

La commission des Affaires sociales étant chargée d'examiner les dispositions des titres II à V du projet de loi qui modifient les codes de la famille et de l'aide sociale, de la sécurité sociale et du travail, votre commission des Lois vous renvoie à l'avis de M. Lucien Neuwirth qui a étudié ces dispositions et propose d'y apporter un ensemble de modifications qu'elle vous demande d'adopter afin d'ouvrir aux familles adoptantes des droits équivalents à ceux des familles naturelles.

b) L'anonymat des parents

L'article 30 de la proposition de loi aménage l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale pour modifier les effets de la remise de l'enfant avec demande de l'anonymat de son état-civil devait être adapté afin de ne plus supprimer, dans l'acte de naissance de l'enfant, que la seule mention de l'état civil de ses parents sans plus modifier, comme l'autorise la pratique actuelle fondée sur l'instruction générale de l'état civil de 1958, le lieu et la date de la naissance.

Cet article limite par ailleurs à la première année de l'enfant la faculté pour les parents de demander l'anonymat alors que, dans sa rédaction actuelle, l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale ne fixe aucune limite d'âge.

c) L'accès aux informations laissées par les parents sous réserve qu'elles ne permettent pas leur identification

L'article 30 de la proposition de loi prévoit que des informations relatives à l'enfant et à ses parents peuvent être recueillies auprès de ceux-ci lorsqu'ils demandent le secret ou l'anonymat. L'exercice de cette faculté est à la discrétion du ou des parents.

La proposition de loi précise en outre que seules peuvent être recueillies à cette occasion des informations non identifiantes, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

L'article 31 du texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que l'enfant peut accéder à ces informations au cours de sa minorité, dès lors qu'il a l'accord de son représentant légal, et sous réserve d'être assisté par une personne spécialement désignée à cet effet par le président du conseil général.

Une fois majeur, l'enfant exerce directement ce droit.

Les informations à caractère médical ne peuvent être communiquées que par l'intermédiaire d'un médecin désigné à cet effet par le représentant légal de l'adopté, si celui-ci est mineur, ou par l'adopté devenu majeur.

3. La mise en oeuvre de la coopération internationale

L'article 51 de la proposition de loi institue, auprès du Premier ministre, une autorité centrale pour l'adoption chargée de veiller au respect et à la mise en oeuvre de la convention de La Haye. Cette autorité centrale, composée de représentants de l'État et des conseils généraux, « définit, oriente et coordonne l'action des administrations et autorités compétentes en matière d'adoption ». Elle est également responsable de la coopération avec les institutions et autorités étrangères.

III. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

La commission des Lois approuve l'économie générale de la proposition de loi et ses objectifs. Il lui semble toutefois que certaines dispositions ne peuvent être retenues ou doivent être modifiées.

A. UN ASSOUPLISSEMENT RAISONNABLE DES CONDITIONS DE L'ADOPTION PLÉNIÈRE

1. Ne pas instituer une différence d'âge maximum

Votre commission des Lois vous propose de supprimer la différence d'âge maximum de quarante-cinq ans entre l'adoptant et l'adopté introduite par l'Assemblée nationale, dans la mesure où celle-ci pourrait conduire à rendre impossible l'adoption de fratries ou d'enfants dits « à particularités », ou encore compliquer les adoptions successives selon un rythme respectueux de l'équilibre familial (art. 3).

2. Réduire sans excès le délai de rétractation

Votre commission des Lois comprend que le souci du développement psycho-affectif de l'enfant remis aux fins d'adoption exige que son maintien dans des institutions spécialisées soit le plus bref possible. Il lui semble toutefois que l'intérêt de l'enfant, comme celui de sa mère biologique, commande que celle-ci dispose d'un délai suffisant pour se rétablir après un accouchement généralement difficile et prendre une décision en pleine connaissance de ses conséquences.

Pour ces motifs, elle vous propose de réduire le délai actuel de rétractation de trois mois à deux mois mais non à six semaines comme le propose l'Assemblée nationale, étant observé que la moitié des rétractations se font actuellement au cours des deux derniers mois et qu'un décompte simple se fait plus facilement de date à date qu'en semaines (art. 7 et 11).

3. Ne pas soumettre le prononcé de l'adoption à la production de l'agrément

Autant il est souhaitable que les familles se soumettent à la procédure administrative de contrôle de leur capacité à adopter afin que les enfants soient accueillis dans des familles dûment préparées à leur rôle, autant il ne paraît pas admissible de subordonner la décision du juge à la production de l'agrément qui est une simple décision administrative.

L'agrément, qui est valable pour cinq ans, a en effet une portée générale, alors que le juge statue sur le cas particulier d'un enfant, dans son intérêt propre et au vu de la capacité de l'accueillir de la famille qui demande à l'adopter.

De plus, l'autonomie du juge et le respect de son pouvoir d'appréciation dans cette matière éminemment personnelle interdisent que sa décision soit subordonnée à la production d'une autorisation administrative (art. 14).

B. UNE VALORISATION EFFECTIVE DE L'ADOPTION SIMPLE

Votre commission des Lois constate que tant le code civil que la proposition de loi mettent l'accent sur l'adoption plénière alors que celle-ci correspond surtout à la situation de jeunes enfants que leurs parents n'ont pas souhaiter élever eux-mêmes et avec lesquels ils ont entendu rompre tout lien. L'adoption simple, qui constitue la forme la plus ancienne et la plus universelle de filiation adoptive, ainsi que le professeur Cornu l'a rappelé lors de son audition par la commission, permet d'assurer à un enfant plus âgé ou handicapé un environnement familial mieux adapté à son épanouissement sans rompre pour autant ses liens avec sa famille par le sang.

Pour tous ces motifs, votre commission des Lois estime qu'il est nécessaire de valoriser l'adoption simple mieux que ne le fait la proposition de loi et sans pour autant modifier sa dénomination.

Le qualificatif « complétive » proposé par M. Jean-François Mattéi ne paraît en effet pas pouvoir être retenu, dans la mesure où il tendrait à suggérer que sans cette adoption, la filiation de l'enfant serait incomplète alors qu'en réalité l'adoption simple s'ajoute à la filiation initiale mais ne vient pas la compléter.

1. Ne pas proroger l'adoption plénière jusqu'à l'âge de vingt ans

Votre commission des Lois estime que la faculté actuelle de prononcer, sous certaines conditions, l'adoption plénière d'enfants âgés de quinze à dix-huit ans est suffisante et qu'il ne convient pas de la proroger jusqu'à vingt ans. L'adoption simple constitue en effet la meilleure réponse à des situations de cette nature (art. 4-II).

2. Limiter les cas d'adoption plénière par le conjoint

En 1993, le législateur, soucieux de maintenir le lien avec la famille par le sang, notamment à l'égard des grands-parents, a réduit la faculté d'adopter plénière ment l'enfant du conjoint au seul cas dans lequel l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de celui-ci.

Votre commission des Lois admet que, au vu des circonstances particulières de l'espèce, le juge puisse prononcer l'adoption plénière de l'enfant du conjoint lorsque le parent à l'égard duquel la filiation était établie est décédé et qu'il n'a laissé aucun ascendant.

Cette évolution de la règle actuelle permettra de répondre aux souhaits formulés par certains nouveaux conjoints ou encore par les enfants eux-mêmes, sans permettre qu'il soit porté atteinte aux liens par le sang lorsque ceux-ci doivent être préservés.

Le cas du désintérêt manifeste des grands-parents n'a pas été retenu dans la mesure où il paraît difficile de l'apprécier, s'agissant de personnes qui n'ont pas la responsabilité directe de l'enfant (art. 5).

3. Admettre une adoption simple sur une adoption plénière

Votre commission des Lois souscrit à la suggestion de l'Assemblée nationale d'admettre le prononcé d'une adoption simple sur une adoption plénière. Il lui semble toutefois qu'il n'est pas nécessaire de préciser que la seconde adoption doit être subordonnée à la constatation par le juge de l' « échec avéré » de l'adoption plénière.

En effet, outre que la portée de cette notion est difficile à préciser, il est préférable de s'en remettre à l'appréciation du juge qui établira si l'intérêt de l'enfant commande le prononcé d'une adoption simple (art. 5 et art. add. avant l'art. 16).

4. Aligner sur le droit commun les obligations alimentaires de l'adopté simple

Votre commission des Lois vous propose d'introduire un article additionnel après l'article 18 qui précise que les obligations alimentaires de l'adopté simple à l'égard tant de ses parents adoptifs que de ses parents biologiques s'exercent sous réserve de l'article 207 du code civil, c'est-à-dire dans la mesure où le juge n'estime pas que les intéressés ont gravement manqué à leurs obligations à l'égard de leur enfant.

5. Subordonner la demande de révocation de l'adoption simple par le ministère public à des motifs graves

La proposition de loi admet que le ministère public introduise une demande de révocation de l'adoption simple en cas d'« échec avéré » de celle-ci.

Votre commission des Lois vous propose de préférer une référence aux « motifs graves », déjà utilisée dans le code civil, alors que la notion d'« échec avéré » n'a pas de contenu juridique précis (art. 20).

C. RÉSERVER LA FACULTÉ D'ACCOUCHEMENT SECRET ET D'ANONYMAT DES PARENTS DE L'ENFANT ÂGÉ DE MOINS D'UN AN

De manière générale, votre commission des Lois a eu le sentiment que les personnes entendues lors des auditions auxquelles elle a procédé (voir annexe) considéraient, même si pour certains cette procédure ne devait pas perdurer dans l'avenir, qu'il n'était pas souhaitable de supprimer la faculté d'accoucher dans le secret, ni de priver les parents d'un enfant de moins d'un an de la possibilité de le remettre aux fins d'adoption en demandant que leur anonymat soit préservé. Dans ce dernier cas, il a toutefois été considéré par l'ensemble des intervenants que l'état civil de l'enfant ne devait être modifié que pour supprimer la mention de ses parents et non changer la date et le lieu de sa naissance.

Votre commission des Lois, qui reste très attachée à la faculté de demander le secret de l'accouchement, considère en revanche qu'il est souhaitable de limiter à la première année de l'enfant la faculté pour ses parents de demander l'anonymat. Comme le souhaitent les personnes qu'elle a entendues et comme le suggère l'Assemblée nationale, elle vous propose également de limiter aux seuls noms et prénoms des parents les mentions supprimées sur l'acte de naissance de l'enfant.

Afin que la faculté d'anonymat ainsi définie soit clairement établie, elle vous propose par ailleurs de l'inscrire dans l'article 348 du code civil qui définit les conditions de remise de l'enfant aux fins d'adoption

D. PRÉVOIR UN ACCÈS ENCADRE À DES INFORMATIONS SUR LES PARENTS SANS PORTER ATTEINTE AU SECRET DE LEUR IDENTITÉ

Votre commission des Lois a longuement écouté, à l'occasion des auditions auxquelles elle a procédé, les différents points de vues exprimés, tant par les pupilles et anciens pupilles de l'État que par les familles adoptives, à propos de l'accès aux origines. Elle a par ailleurs pris une connaissance attentive du rapport remis au ministre de la santé par M. Pierre Pascal, président du groupe de réflexion sur l'accès aux origines.

1. Prévoir la faculté de donner des informations

La nécessité, admise par la commission, de maintenir une faculté de secret ou d'anonymat interdit que la mère ou les parents puissent être contraints à fournir des informations les concernant. La commission considère toutefois que cette nécessité ne doit pas interdire aux parents qui le souhaitent de laisser des informations les concernant à destination de l'enfant afin que celui-ci puisse ultérieurement reconstituer ce que les pédopsychiatres et les psychologues appellent « une histoire ».

Là encore, le texte adopté par l'Assemblée nationale a semblé réaliser un équilibre satisfaisant que votre commission des Lois vous propose d'introduire pour partie dans le code civil, en précisant que lors de l'accouchement secret ou de la remise de l'enfant avec demande d'anonymat, la mère et, le cas échéant, le père, peuvent fournir des informations les concernant et regardant les antécédents de l'enfant, sous réserve que ces informations ne permettent pas de les identifier.

2. Admettre un accès encadré à ces informations

Votre commission des Lois estime que l'enfant peut, s'il le souhaite et sous réserve de l'accord de son représentant légal, avoir accès à ces informations à partir de l'âge de treize ans, retenu par ailleurs pour qu'il consente à son adoption. Là encore, elle vous propose d'introduire cette faculté dans le code civil.

Quant aux renseignements à caractère médical, ils ne peuvent être communiqués que par l'intermédiaire d'un médecin désigné à cet effet par l'intéressé ou, s'il est mineur, par son représentant légal.

E. LE TRAITEMENT DES ASPECTS INTERNATIONAUX

1. Ne pas anticiper sur la ratification de la convention de La Haye

Votre commission des Lois estime qu'il est possible d'adapter d'ores et déjà le droit français à certaines des orientations fixées par la convention de La Haye, ainsi en matière de désignation des organismes autorisés pour l'adoption. En revanche, il lui semble prématuré de mentionner la convention à l'article 51 qui institue une autorité centrale.

En accord avec la commission des Affaires sociales, elle vous propose de modifier cette disposition pour étendre le champ de compétences de l'autorité à la coordination de l'ensemble des démarches d'adoption, que celle-ci soit interne ou internationale, sans plus faire référence à la convention de La Haye.

Une fois celle-ci ratifiée, il appartiendra aux autorités compétentes de préciser que cette autorité centrale pour l'adoption remplit les missions que la convention assigne à un tel organisme.

2. S'en tenir à la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'adoption d'enfants étrangers

Votre commission des Lois considère que l'introduction dans le code civil d'une disposition reprenant la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'adoption d'enfants étrangers risque de soulever un certain nombre de difficultés :

- sur le terrain du droit international privé tout d'abord, dans la mesure où l'état des personnes est une compétence nationale, ce que la convention de La Haye, que la France s'apprête à ratifier, confirme expressément ;

- en matière de relations internationales dès lors que le texte voté par l'Assemblée nationale écarte de plein droit l'application de la législation nationale des pays comme le Maroc ou l'Algérie qui ignorent ou prohibent l'adoption ;

- enfin, au regard de l'efficacité de la lutte contre les trafics d'enfants, dans la mesure où les filières en provenance des pays prohibant l'adoption seraient encouragées par une disposition susceptible de laisser croire aux candidats à l'adoption qu'il est aisé d'adopter des enfants venant de pays ignorant cette procédure, alors même que les conditions du prononcé de telles adoptions sont très strictes et appréciées au cas d'espèce.

Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle vous propose, votre commission des Lois vous demande d'adopter la présente proposition de loi.

Elle souhaite par ailleurs attirer l'attention sur le cas particulier de l'adoption d'enfants polynésiens.

Les missions successives effectuées en Polynésie française par plusieurs de ses membres l'ont en effet amenée à prendre connaissance des difficultés particulières rencontrées pour l'adoption de ces enfants qui se heurte à des obstacles de nature culturelle, au sein d'une société traditionnelle habituée à pratiquer le don et le partage de l'enfant sans admettre pour autant la rupture du lien de filiation par le sang dans la mesure où ce lien est associé à la terre et donc à l'âme.

La méconnaissance de ces spécificités conduit trop souvent des familles métropolitaines à accueillir des enfants polynésiens sous le régime de la délégation d'autorité parentale dans le cadre de l'article 377 du code civil et à se heurter ensuite à un refus de la famille d'origine lorsqu'elles demandent la conversion de la délégation en adoption plénière.

La situation démographique du territoire et ses traditions culturelles encouragent pourtant les familles polynésiennes à multiplier le placement de leurs enfants, c'est pourquoi il est indispensable que les familles métropolitaines qui accueillent ces enfants aient pleinement conscience de la précarité de leur situation, le juge n'acceptant bien entendu de prononcer l'adoption que si les parents par le sang y consentent effectivement, dans le cadre de la loi française, ou si l'abandon a été judiciairement prononcé.

Votre commission des Lois estime qu'il n'est pas possible de modifier le droit applicable mais tient à attirer tout particulièrement l'attention des autorités territoriales et des familles adoptantes sur cette situation dont elle souhaite l'évolution rapide dans l'intérêt des enfants concernés qui se trouvent actuellement trop souvent déchirés entre deux familles et deux univers culturels très éloignés l'un de l'autre.

Il lui semble notamment que l'accouchement secret devrait pouvoir être mis en oeuvre en Polynésie française ainsi que la remise d'enfant aux fins d'adoption alors que, faute de services et d'associations compétentes pour accueillir l'enfant, cette faculté n'est actuellement pas applicable.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL

Le titre premier de la proposition de loi apporte un certain nombre de modifications au titre VIII du Livre premier du code civil qui rassemble les dispositions relatives à la filiation adoptive, qu'elle soit plénière (chapitre I) ou simple (chapitre II).

Sans remettre en cause les grands principes régissant cette filiation, qui ont été peu modifiés depuis la loi du 11 juillet 1966 portant réforme de l'adoption, ces aménagements portent essentiellement sur les conditions et les effets de l'adoption.

Votre commission des Lois vous propose d'y ajouter une disposition reprise du titre II relative au recueil de renseignements non identifiants concernant les parents biologiques de l'enfant et un article alignant les obligations alimentaires de l'adopté simple sur le droit commun.

CHAPITRE PREMIER - ADOPTION PLÉNIÈRE

L'adoption plénière emporte une rupture irrévocable du lien de filiation entre l'enfant et sa famille d'origine et l'assimile à un enfant légitime de la famille adoptive.

Le chapitre premier de la proposition de loi assouplit les conditions requises des adoptants et des adoptés (section 1), complète les dispositions relatives au jugement d'adoption (section 2) et définit une règle de conflit de lois (section 3).

SECTION 1 - Conditions requises pour l'adoption plénière

La proposition de loi assouplit les règles d'âge et de durée du mariage des adoptants en cas d'adoption plénière et, par extension, en cas d'adoption simple (art. premier et 2). Elle modifie par ailleurs les conditions relatives aux enfants adoptables (art. 5 à 9).

Article premier (art. 343 du code civil) - Assouplissement des conditions exigées des époux adoptant conjointement


• L'article 343 du code civil exige en principe des époux demandant à adopter conjointement un enfant qu'ils soient mariés depuis cinq ans et qu'ils ne soient pas séparés de corps.

La loi du 22 décembre 1976 a supprimé l'exigence antérieure que l'un des conjoints au moins soit âgé de 30 ans. Aux termes de la jurisprudence, il résulte toutefois de la combinaison des articles 343 et 343-1 que la condition tenant à l'ancienneté du mariage est écartée lorsque les deux conjoints sont âgés de plus de 30 ans.


• La proposition de loi réduit à deux ans la condition tenant à la durée du mariage et la supprime dès lors que les époux sont âgés de plus de28 ans. Cette dernière disposition consacre dans la loi l'interprétation jurisprudentielle de l'articulation entre les articles 343 et 343-1, et tient compte du souhait d'abaisser de 30 à 28 ans l'âge minimum de l'adoptant agissant seul.

Cet abaissement de l'âge des adoptants résulte du souci de favoriser l'adoption des enfants par des couples jeunes. L'âge de 28 ans correspond en outre à l'âge moyen actuel des parents lors d'une première naissance.

La réduction de la durée du mariage, quant à elle, prend en compte le développement du concubinage qui précède la très grande majorité des mariages. Le rapporteur de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, M. Jean-François Mattéi, a en effet estimé que le mariage contracté en vue d'une adoption traduit suffisamment la réalité du « projet parental » sans qu'il soit besoin de faire attendre les intéressés trois années supplémentaires pour présenter une demande d'adoption.

On observera enfin que l'Assemblée nationale a expressément écarté l'adoption conjointe par des concubins, après que son rapporteur et le Garde des Sceaux eurent fait valoir que le mariage constituait le gage d'une certaine stabilité du couple adoptant et que la situation des concubins en cas de séparation comportait trop d'ambiguïtés sur le plan juridique pour assurer une protection suffisante de l'intérêt de l'enfant adopté.

Votre commission des Lois estime qu'il est nécessaire que le juge statue sur le sort des enfants adoptés en cas de rupture entre les adoptants. Il lui semble donc indispensable de maintenir l'exigence du mariage, même si, pour les raisons évoquées à l'Assemblée nationale, la durée minimum de celui-ci peut être réduite à deux ans, voire à moins lorsque les adoptants sont âgés de plus de 28 ans.

En conséquence, elle vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 2 (art. 343-1 du code civil) - Assouplissement de la condition d'âge pour l'adoptant agissant seul


• L'article 343-1 du code civil fixe à trente ans l'âge minimum de l'adoptant agissant seul. Il prévoit en outre que si l'adoptant est marié et non séparé de corps, le consentement de son conjoint est nécessaire, à moins que celui-ci soit dans l'incapacité de manifester sa volonté.

On rappellera que c'est la loi du 11 juillet 1966 qui a autorisé de telles adoptions, rompant, ce faisant, le lien traditionnel entre légitimité et mariage.


• La proposition de loi tire les conséquences de l'abaissement de trente à vingt-huit ans de l'âge minimum des conjoints adoptant mariés depuis moins de deux ans en abaissant à vingt-huit l'âge de l'adoptant agissant seul.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 3 (art. 344 du code civil) - Écart d'âge maximum entre les adoptants et les adoptés

ï L'article 344 du code civil exige que quinze années au moins séparent l'âge du plus jeune des adoptants et celui de l'adopté. Cette différence d'âge est toutefois abaissée à dix ans lorsque les enfants sont ceux du conjoint. En outre, le tribunal peut, « s'il y a de justes motifs », prononcer l'adoption même lorsque la différence d'âge est inférieure à quinze ou dix ans, selon le cas.

ï La proposition de loi complète ce dispositif par l'introduction d'un écart d'âge maximum qu'elle fixe à 45 ans, cette condition ne s'appliquant qu'au plus jeune des époux en cas d'adoption conjointe.

Un second paragraphe complète par ailleurs le second alinéa de l'article 344 pour ouvrir au tribunal la faculté de déroger, pour justes motifs, à la condition d'écart d'âge maximum.

Adopté à l'initiative de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, ce dispositif, qui ne figurait ni dans le rapport remis au Premier ministre ni dans la proposition de loi initiale, a été combattu par certains députés, notamment Mme Neiertz qui a estimé souhaitable de ne pas interdire des adoptions par les grands parents et de faciliter, le cas échéant, l'adoption d'enfants handicapés par des couples ayant une certaine expérience.

Le rapporteur a estimé que ces objections trouvaient une réponse dans la faculté ouverte au tribunal de lever la condition d'âge.

Votre commission des Lois vous demande d'adopter un amendement tendant à supprimer cet article.

Il lui semble en effet malvenu d'instituer une différence maximum d'âge entre les adoptés et les adoptants, surtout lorsque les premiers ne sont pas des nouveau-nés et qu'il est de leur intérêt de pouvoir être recueillis par des parents plus expérimentés ayant déjà élevé d'autres enfants. Tel est notamment le cas des adoptions consécutives qu'un délai suffisant doit séparer pour permettre à la famille de trouver son équilibre ou encore de l'adoption d'enfants dits « à particularités ».

Par ailleurs, le renvoi à une dérogation judiciaire risque d'être source de difficultés dans la mesure où il interdit en pratique le placement de ces enfants aux fins d'adoption.

Article 4 (art. 345 du code civil) - Allongement du délai d'adoption plénière d'un enfant âgé de plus de quinze ans


• L'article 345 du code civil prohibe l'adoption plénière des enfants âgés de plus de quinze ans et n'autorise l'adoption des enfants plus jeunes que six mois au moins après leur accueil au foyer du ou des adoptants.

Il autorise toutefois l'adoption des mineurs de quinze ans accueillis avant cet âge par le ou les adoptants si ceux-ci ne remplissaient pas les conditions légales pour les adopter ou s'ils avaient procédé à une adoption simple avant cet âge.


• Dans un paragraphe I, la proposition de loi n'apporte qu'une modification terminologique à ces dispositions par coordination avec la nouvelle dénomination d'adoption complétive qu'elle entend retenir pour l'adoption simple.

Le paragraphe II proroge de deux ans après la majorité la période pendant laquelle l'enfant accueilli par des personnes n'ayant pu l'adopter, faute de remplir les conditions légales pour ce faire, ou ayant fait l'objet d'une adoption simple, peut faire l'objet d'une adoption plénière.

Votre commission des Lois vous demande d' adopter un amendement tendant à supprimer cet article.

Il lui apparaît en effet que l'appellation d'adoption « complétive » ne servira en rien l'adoption aujourd'hui dite simple. Ce qualitatif, semble-t-il tiré de la grammaire, n'a pas sa place dans notre code civil. Il risque en outre de laisser croire qu'une filiation serait incomplète dès lors qu'il n'y aurait pas adoption complétive alors que l'adoption simple vient s'ajouter à la filiation originelle et non pas la compléter.

Quant à proroger jusqu'à 20 ans l'âge auquel il est possible de procéder à une adoption plénière si l'enfant a été accueilli depuis l'âge de 15 ans ou a fait l'objet d'une adoption simple, votre commission des Lois n'en voit pas la nécessité. Bien au contraire, il lui semble qu'après 15 ans, et a fortiori 18 ou 20 ans, l'adoption simple est beaucoup plus appropriée que l'adoption plénière.

Article 5 (art. 345-1 du code civil) - Atténuation des restrictions à l'adoption plénière de l'enfant du conjoint


• L'article 345-1 du code civil n'autorise l'adoption plénière de l'enfant du conjoint que lorsque cet enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint.

Cette restriction a été introduite par la loi du 8 janvier 1993 relative à la famille et aux droits de l'enfant pour éviter la rupture des liens avec la famille du parent décédé. La jurisprudence de la Cour de cassation avait toutefois répondu en partie à cette difficulté en admettant, de manière exceptionnelle, que les grands parents pouvaient se prévaloir d'un droit de visite et d'hébergement alors même que le lien juridique avec l'enfant avait disparu. En 1989, la Cour admettait en outre que les grands-parents pouvaient former une tierce opposition au jugement d'adoption dès lors que celle-ci avait pour objet détourné de les priver de tout lien avec l'enfant.

Face à certains abus, le législateur de 1993 a toutefois souhaité prévenir plus généralement de telles situations en privilégiant la solution de l'adoption simple par le conjoint, sauf dans le cas où l'enfant n'aurait de lien de filiation établi qu'à l'égard du conjoint ; en effet, dans ce cas, la question de la préservation des liens avec les grands-parents ne se posent pas.

ï La proposition de loi complète cette dernière exception en y ajoutant le cas dans lequel le parent décédé n'a laissé aucun ascendant au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l'enfant, cette dernière notion étant directement reprise de l'article 350 du code civil relatif à la déclaration d'abandon d'un enfant dont les parents se sont manifestement désintéressés.

ï La commission spéciale de l'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, avait souhaité aller au-delà en ouvrant au tribunal la faculté de prononcer, « en considération de situations exceptionnelles », l'adoption plénière même si l'enfant avait une double filiation légalement établie, sous réserve, si l'un des parents était décédé, qu'il n'ait pas laissé d'ascendants au premier degré ne s'étant pas manifestement désintéressés de l'enfant.

À la demande du Gouvernement, une rédaction plus simple a finalement été retenue. On observera toutefois que contrairement à ce que le Garde des Sceaux a indiqué, le texte voté par l'Assemblée nationale ne permet pas l'adoption plénière par le conjoint lorsque l'un des parents de l'enfant a été déchu de l'autorité parentale et que les grands-parents se sont manifestement désintéressés de l'enfant. En pareil cas en effet, le lien de filiation existe toujours et le texte interdit donc le prononcé d'une adoption plénière.

Votre commission des Lois observe que la notion de désintérêt manifeste appliquée grands-parents n'est pas d'un usage aisé et qu'eu égard au rôle des intéressés, il conviendrait d'éviter toute confusion avec le désintérêt manifeste des parents.

Pour ces motifs, elle vous propose de n'ouvrir au nouveau conjoint la faculté d'adopter plénière ment l'enfant du conjoint prédécédé qu'en cas d'absence d'ascendant dans cette branche de sa filiation.

Quant à la mention du caractère exceptionnel d'une telle mesure, elle préfère lui substituer celle des « justes motifs », déjà utilisés dans le code civil dès lors que le juge devra notamment prendre en compte l'existence d'oncles, de tantes et de cousins, éventuellement très proches de l'enfant et avec lesquels il serait important que celui-ci conserve des liens.

Pour tous ces motifs, votre commission des Lois vous propose d'adopter un amendement tendant à limiter au seul cas d'un parent prédécédé sans ascendant la faculté pour le juge de prononcer, pour justes motifs, l'adoption plénière de l'enfant par le nouveau conjoint.

Article 6 (art. 346 du code civil) - Possibilité de prononcer une adoption complétive sur une adoption plénière


• L'article 346 du code civil prohibe l'adoption par plusieurs personnes si ce n'est deux époux. Il prévoit toutefois, depuis la loi du 22 décembre 1976, qu'une nouvelle adoption, plénière ou simple, peut être prononcée dans trois cas :

- le décès de l'adoptant,

- le décès des deux adoptants,

- le décès de l'un des deux adoptants si la demande est présentée par le nouveau conjoint de l'adoptant survivant.


• La proposition de loi ajoute à ces cas, la faculté de prononcer une adoption « complétive » en cas d' « échec avéré » de l'adoption plénière. Les premiers adoptants étant encore en vie, l'enfant conserverait dans ce cas sa première filiation adoptive qui, comme cela est possible pour une filiation légitime, serait complétée par la filiation résultant de la nouvelle adoption.

Ainsi que la souligne le rapport de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, cette dérogation doit rester exceptionnelle et il appartiendra aux juges du fond d'apprécier souverainement si les faits invoqués à l'appui de la demande permettent de conclure à l'échec de la première adoption, de même qu'ils apprécient si des motifs graves justifient la révocation d'une adoption simple.

Votre commission des Lois estime que cette disposition, qui ne met pas en cause le caractère irrévocable de l'adoption plénière comme certains ont pu le penser, est de nature à permettre à l'enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière de bénéficier d'une adoption simple si le juge estime qu'elle est de son intérêt.

Elle vous propose en conséquence d'adopter un premier amendement supprimant l'article 6 qui figure à tord dans le chapitre relatif à l'adoption plénière et un second amendement qui introduit un article additionnel avant l'article 16 complétant, dans le chapitre relatif à l'adoption simple, l'article 360 du code civil pour admettre le prononcé d'une adoption simple sur une adoption plénière.

Cet amendement permet ainsi de rapprocher la situation de l'enfant adopté de celle de l'enfant légitime ou naturel.

Cette nouvelle rédaction a en outre l'avantage de supprimer toute référence à la notion d'échec avéré que notre code civil ignore.

Article additionnel après l'article 6 (art. 348 du code civil) - Anonymat des parents

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à introduire un article additionnel après l'article 6 pour compléter l'article 348 du code civil afin de préciser que lorsque l'enfant est âgé de moins d'un an lors du consentement à l'adoption, ces père et mère peuvent demander le secret de leur identité et que, dans ce cas, ils ont la faculté de donner des informations relatives à l'enfant et à eux-mêmes dès lors qu'elles ne permettent pas de les identifier.

Cette disposition, reprise de l'article 30 de la proposition de loi qui la faisait figurer à l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale, constitue une modification importante par rapport au droit actuel qui admet que l'anonymat puisse être demandé quel que soit l'âge de l'enfant.

Elle permet, par ailleurs, de ne plus modifier l'état civil de l'enfant que sur l'identité des parents, et donc de conserver les lieux et date réels de la naissance.

Enfin, elle ouvre aux parents qui remettent leur enfant la faculté de laisser à son intention des informations les concernant dès lors qu'elles ne Portent pas atteinte à leur anonymat.

Article 7 (art. 348-3 du code civil) - Réduction du délai de rétractation du consentement à l'adoption


• L'article 347 du code civil définit trois catégories d'enfants susceptibles d'être adoptés :

- les enfants dont les père et mère ou le conseil de famille a consenti à l'adoption,

- les pupilles de l'État,

- les enfants ayant fait l'objet d'une déclaration judiciaire d'abandon.

L'abandon résulte soit d'un consentement des parents par le sang ou du conseil de famille, soit de sa constatation par le tribunal.

Le consentement à l'adoption est normalement donné conjointement Par les parents légitimes de l'enfant ou, s'il s'agit d'un enfant naturel, par le ou les parents qui l'ont reconnu. Le consentement n'est pas exigé du (ou des) parent décédé, dans l'impossibilité de manifester sa volonté ou ayant perdu ses droits d'autorité parentale.

Le consentement est donné par le conseil de famille dans quatre cas :

- décès du ou des parents,

- impossibilité pour eux de manifester leur volonté,

- perte des droits d'autorité parentale par le ou les parents,

- filiation non établie.

Le tribunal peut aller contre le refus de consentement des parents ou du conseil de famille s'il l'estime abusif au motif que les parents se sont désintéressés de l'enfant « au risque d'en compromettre la santé et la moralité ».

L'article 348-3 du code civil précise que le consentement est reçu soit par le greffier en chef du tribunal d'instance (et non plus le juge d'instance) du domicile de celui qui le donne, soit par un notaire, soit par les agents diplomatiques ou consulaires français, soit par les agents du service d'aide sociale où l'enfance auquel l'enfant a été remis.

Le deuxième alinéa de cet article ouvre au(x) parent (s) (ou au conseil de famille) le droit de rétracter son consentement dans les trois mois.


• La proposition de loi réduit le délai de rétractation du consentement à six semaines en estimant qu'il est préférable pour l'enfant d'être accueilli le plus rapidement possible par sa nouvelle famille.

M. Jean-François Mattéi, auteur et rapporteur de la proposition de loi, a fait observer que, dans la pratique, la rétraction intervenait dans les premiers jours du délai ou, plus rarement, dans les derniers jours, mais qu'il convenait de ne pas réduire le délai en-dessous de six semaines afin de laisser à la mère le temps d'avoir surmonté « une éventuelle dépression post partum au moment où elle prend sa décision ».

L'enquête conduite auprès des départements (taux de réponse de l'ordre de 50 %) par le groupe de travail sur l'accès des pupilles et anciens pupilles de l'État, adoptés ou non, à leurs origines, montre toutefois pour 242 reprises d'enfants en 1994, 149 ont eu lieu dans le premier mois, 44 dans la deuxième et 45 dans le troisième.

Votre commission des Lois estime que, s'il est sans doute souhaitable Pour lui que l'enfant soit laissé le moins longtemps possible dans des structures d'accueil collectives et puisse rapidement trouver une mère, il est difficile de réduire à moins de deux mois le délai laissé à la mère biologique pour rétracter sa décision d'abandon à un moment où son état de santé tout comme ses conditions matérielles d'existence peuvent être précaires et l'empêcher de prendre une décision en toute maîtrise d'elle-même et de sa situation.

Elle vous demande donc d'adopter un amendement tendant à réduire, à l'article 7, de trois mois à deux mois le délai de rétraction et écartant, de ce fait, la réduction à six semaines préconisée par l'Assemblée nationale.

Article 8 (art. 348-4 du code civil) - Choix de l'adoptant par le tuteur


• L'article 348-4 du code civil laisse aux père et mère de l'enfant ou au conseil de famille le soin de choisir l'adoptant ou de s'en remettre au choix du service de l'aide sociale à l'enfant ou de l'oeuvre d'adoption autorisée qui recueille provisoirement l'enfant.


• Le texte adopté par l'Assemblée nationale confie le choix de l'adoptant au tuteur lorsque les père et mère ou le conseil de famille consentent à l'adoption de l'enfant en le remettant au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un organisme autorisé pour l'adoption. La décision du tuteur est soumise à l'accord du conseil de famille des pupilles de l'État ou du conseil de famille de la tutelle organisée à l'initiative de l'organisme autorisé pour l'adoption.

Ce nouveau dispositif revient en fait à écarter la faculté pour le ou les Parents de faire connaître leur choix de l'adoptant.

Le Gouvernement aurait souhaité que le choix des parents puisse être Pris en compte lorsque ceux-ci ont manifesté une volonté à l'égard du choix de l'adoptant.

Répondant à l'appel de son rapporteur et de sa commission spéciale, Assemblée nationale a estimé qu'il n'était pas opportun que le (ou les) parent(s) puisse faire connaître son choix de l'adoptant. Le rapporteur a notamment évoqué le risque de fraude en cas de demande émanant d'une mère porteuse avec laquelle un contrat illicite aurait été passé.

Récusant l'open adoption pratiquée aux États-Unis, le rapporteur de l'Assemblée nationale a rappelé que les parents malades pouvaient organiser l'avenir de leur enfant en choisissant un tuteur par testament ou par déclaration spéciale devant notaire en application des articles 357 et 398 du code civil (à défaut la tutelle est déférée à l'ascendant le plus proche en vertu de l'article 402). Ce tuteur peut solliciter l'organisation d'une tutelle avec constitution d'un conseil de famille sous la présidence du juge des tutelles, qui pourra consentir à l'adoption de l'enfant ; en pareil cas, celui-ci n'a donc pas vocation à devenir pupille de l'État ou d'une oeuvre d'adoption.

On rappellera par ailleurs que si l'enfant est âgé de plus de deux ans, les parents peuvent organiser l'adoption en faveur de personnes nommément désignées.

Après avoir rappelé que le tuteur auquel serait confié le choix de l'adoptant est le préfet du département lorsque l'enfant a été abandonné ou est né de parents inconnus ou orphelin, votre commission des Lois a observé que le choix du tuteur était subordonné à l'accord du conseil de famille des pupilles de l'État ou du conseil de famille de tutelle organisé à l'initiative de l'organisme autorisé pour l'adoption.

Elle a par ailleurs estimé que le souci de l'Assemblée nationale d'éviter le risque de fraude, notamment le recours à des mères porteuses, justifiait, pour les enfants âgés de moins de deux ans, la suppression de la faculté actuellement reconnue aux parents biologiques de désigner l'adoptant de leur enfant.

En conséquence, elle vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 9 (art. 348-5 du code civil) - Nouvelle dénomination des oeuvres d'adoption

Les organismes agréés en matière d'adoption sont actuellement dénommés « oe uvres d'adoption autorisées ». La proposition de loi a souhaité moderniser cette dénomination et la rapprocher des termes de la convention de La Haye signée (mais non encore ratifiée) par la France le 5 avril 1993 en les désignant sous l'appellation d' « organismes autorisés pour l'adoption », préférée à celle d'organismes agréés afin d'éviter toute confusion avec l'agrément des adoptants.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 10 (art. 360 du code civil) - Déclaration judiciaire d'abandon

L'article 350 du code civil, qui précise les cas dans lesquels peut être Prononcée une déclaration judiciaire d'abandon, indique que l'enfant concerné a été recueilli soit pas un particulier, soit par « une oeuvre privée », soit par un service d'aide sociale à l'enfance.

La proposition de loi, modifiée sur ce point par l'Assemblée nationale, substitue le terme d' « établissement » à celui d'oeuvre privée afin de viser toutes les structures d'accueil.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

SECTION 2 - Placement en vue de l'adoption plénière et du jugement d'adoption plénière

L'article 345 du code civil n'ouvre l'adoption plénière qu'aux enfants accueillis au foyer du ou des adoptants depuis au moins six mois. Les enfants ainsi accueillis doivent être devenus juridiquement adoptables à la suite soit d'un consentement à l'adoption devenu définitif (soit, aux termes de la proposition de loi, six semaines après avoir été donné), soit d'une déclaration judiciaire d'abandon.

L'enfant pour lequel aucune filiation n'est établie ne peut être placé en vue de son adoption avant trois mois (six semaines dans la proposition de loi) à compter de son recueil. Si les parents ont demandé sa restitution, il ne peut être placé tant qu'il n'a pas été statué sur le bien-fondé de leur demande.

La proposition de loi ne modifie ni les conditions ni les effets du placement en vue de l'adoption plénière. En revanche, elle apporte plusieurs compléments aux dispositions relatives au jugement d'adoption plénière. Dorénavant le tribunal devrait vérifier, avant de prononcer l'adoption, que le ou les adoptants ont obtenu l'agrément pour adopter (article 14). Il pourra par ailleurs prononcer l'adoption post mortem (article 13).

Enfin, il est prévu que lorsque l'adopté est né à l'étranger, la décision d'adoption est transcrite sur les registres du service central d'état civil du ministère des affaires étrangères.

Article 11 (art. 351 du code civil) - Réduction du délai pendant lequel il ne peut y avoir de placement en vue de l'adoption d'un enfant dont la filiation n'est pas établie

L'article 351 du code civil interdit, pendant un délai de trois mois à compter de son recueil, le placement en vue de l'adoption d'un enfant dont la filiation n'est pas établie.

Comme elle l'a fait en matière de rétractation de la décision d'abandon, la proposition de loi réduit ce délai à six semaines.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter un amendement de coordination tendant à réduire le délai de rétractation de trois mois à deux mois.

Article 12 (art. 352-1 du code civil) - Désignation d'un mandataire ad hoc


Reprenant la proposition de loi initiale de M. Mattéi, la commission spéciale de l'Assemblée nationale avait souhaité introduire un article 352-1 nouveau dans le code civil aux fins d'ouvrir au tribunal de grande instance la faculté de désigner un administrateur ad hoc pour faire transcrire le jugement étranger d'adoption d'un enfant sur les registres de l'état civil français.

Cette disposition est à première vue étrange dans la mesure où les jugements étrangers relatifs à l'état des personnes, dont font partie les jugements d'adoption, sont de plein droit exécutoires en France dès lors que leur régularité n'est pas contestée. L 'ex equatur n'est donc pas nécessaire ; il suffit simplement, pour qu'ils soient opposables aux tiers, que ces jugements soient transcrits sur les registres d'état civil français.

On relèvera à cet égard que la convention de La Haye du 29 mai 1993 stipule, dans son article 23, que les décisions étrangères rendues par un pays ayant ratifié la convention sont de plein droit exécutoires dans les autres pays l'ayant ratifiée. Sur ce point, elle ne fait donc que confirmer les principes du droit international privé applicables en la matière.

Le parquet compétent en France est celui du tribunal de grande instance de Nantes où est situé le service central de l'état civil des français nés à l'étranger. Il se contente de vérifier la conformité du jugement d'adoption à l'ordre public national avant d'en requérir la transcription sur les registres d'état civil et classe l'adoption dans l'une ou l'autre catégorie -adoption Plénière ou simple- du droit français en fonction du maintien ou non d'un lien de filiation avec la famille d'origine.

Constatant que dans la pratique les demandes présentées devant le parquet de Nantes tardaient à être traitées en raison de l'insuffisance des effectifs, la commission spéciale avait souhaité qu'un administrateur ad hoc Puisse être désigné par le tribunal de grande instance aux fins de faire transcrire le jugement étranger d'adoption sur les registres de l'état civil.

A la demande du Gouvernement et après que le Garde des Sceaux eut indiqué que les moyens du parquet du tribunal de grande instance de Nantes allaient être substantiellement renforcés par la nomination prochaine de dix assistants de justice, l'Assemblée nationale a accepté de supprimer cet article.

Votre commission des Lois estime que le problème soulevé par cet article est bien réel. Certains parents adoptifs d'enfants étrangers tardent en effet à faire retranscrire le jugement d'adoption émanant du pays d'origine de l'enfant, ce qui précarise la situation de l'intéressé. Toute personne ayant connaissance de ce retard, notamment les services sociaux ou scolaires, est toutefois tenue d'en avertir le parquet qui doit alors diligenter la transcription.

Votre commission des Lois estime en conséquence que les engagements pris par le Garde des Sceaux à l'Assemblée nationale sont suivis d'effets le plus rapidement possible afin de résorber le stock en retard et de traiter sans délai les nouvelles demandes.

En conséquence, elle ne vous demande pas de rétablir cet article.

Article 13 (art. 353 du code civil) - Adoption post mortem


• Le troisième alinéa de l'article 353 du code civil prévoit que si l'adoptant décède après avoir régulièrement accueilli l'enfant en vue de son adoption, la requête tendant à l'adoption simple ou plénière peut être présentée en son nom par son conjoint survivant ou l'un de ses héritiers, et l'adoption prononcée.

Dans le cas où l'enfant décède avant le dépôt de la requête en adoption, la requête ne peut être introduite si l'adoption est prononcée.


• L'Assemblée nationale a estimé que l'adoption devait être possible dans ce dernier cas, dès lors que l'enfant a été accueilli au foyer des adoptants, le rapport de sa commission spéciale précisant en effet qu'« il ne faut pas ajouter à la souffrance des adoptants de perdre cet enfant celle de ne pouvoir le faire reconnaître comme le leur ».

L'article 353 du code civil est donc complété par un quatrième alinéa qui permet l'adoption en pareil cas, de même que sont possibles le mariage, la légitimation et la reconnaissance post mortem.

Votre commission des Lois vous propose de retenir la possibilité d'une adoption post mortem de l'enfant décédé mais vous demande de modifier la rédaction de l'article 13 par un amendement tendant à préciser que le jugement d'adoption « produit ses effets » (et non pas « est réputé rendu ») le jour précédant le décès.

Article 14 (art. 353-1 et 353-2 du code civil) - Prise en compte de l'agrément administratif par le tribunal prononçant le jugement d'adoption

L'Assemblée nationale a introduit une disposition nouvelle dans le code civil, qu'elle substitue à l'actuel article 353-1, qui devrait en conséquence devenir un article 353-2, pour faire obligation au juge qui prononce le jugement d'adoption de vérifier préalablement que les adoptants ont obtenu l'agrément exigé par le code de la famille et de l'aide sociale. Afin toutefois de respecter l'i mperium du juge et donc de ne pas subordonner complètement sa décision à l'existence d'une décision administrative, le second alinéa de l'article 353-1 prévoit que si l'agrément a été refusé ou s'il n'a pas été délivré dans le délai prévu par le code de la famille et de l'aide sociale, le tribunal peut prononcer l'adoption « à titre exceptionnel, s'il estime que les requérants sont aptes à accueillir l'enfant et que celle-ci est conforme à son intérêt ».

Le Garde des Sceaux s'est vigoureusement opposé à ce dispositif, lors de la discussion à l'Assemblée nationale, en rappelant que le juge judiciaire, qui a seul capacité pour statuer sur l'état des personnes, prenait « en considération l'ensemble de la situation, en particulier la personnalité de l'enfant, ce que ne fait pas la procédure administrative d'agrément qui, elle, ne s'intéresse qu'aux candidats à l'adoption ».

Il a en outre souligné que l'introduction d'un caractère exceptionnel dans la faculté pour le juge de prononcer un jugement d'adoption au bénéfice de personnes non agréées limitait considérablement la marge d'appréciation de celui-ci.

Votre commission des Lois comprend le souci de l'Assemblée nationale de bien articuler la phase administrative de la procédure d'adoption et sa phase judiciaire. Elle sait le prix que la convention de la Haye attache, à juste titre, au contrôle de la qualité des candidats à l'adoption. Elle estime toutefois que l'agrément, qui vaut de manière générale pour cinq ans, est d'une nature distincte du jugement d'adoption qui concerne un enfant en particulier.

C'est pourquoi elle vous propose un amendement tendant à supprimer le caractère exceptionnel de l'adoption prononcée sans production de l'agrément par les adoptants. Il lui semble en effet indispensable de laisser au juge toute latitude pour apprécier l'intérêt de l'enfant et donc de ne pas lier sa compétence à la production de l'agrément qui n'est qu'une décision administrative.

La production de l'agrément ou son défaut de production font partie des éléments d'appréciation, étant entendu, aux termes de l'article 1171 du nouveau code de procédure civile, que l'agrément doit être annexé à la demande d'adoption même si son absence ne saurait rendre celle-ci irrecevable.

Article 14 bis (art. 354 du code civil) - Transcription du jugement d'adoption de l'enfant né à l'étranger

Introduit à la demande du Gouvernement, cet article complète l'article 354 du code civil pour préciser le lieu de transcription du jugement d'adoption de l'enfant né à l'étranger.

Cette transcription a lieu, comme pour les Français nés à l'étranger, sur les registres du service central d'état civil du ministère des affaires étrangères sis à Nantes.

Un paragraphe II complète en outre l'article 354 pour préciser que si l'acte de naissance originaire est conservé par un officier d'état civil français, il est alors revêtu de la mention « adoption ».

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

SECTION 3

Effets de l'adoption plénière

La proposition de loi ne modifie pas les effets de l'adoption plénière :

- elle produit ses effets à compter du jour du dépôt de la requête en adoption (art. 355 du code civil),

- elle est irrévocable même si l'enfant peut faire l'objet d'une nouvelle adoption après le décès du ou des adoptants (art. 346),

- elle assimile en tout point (nom, autorité parentale, droits successoraux et obligations alimentaires) l'enfant adopté à un enfant légitime,

- elle emporte une rupture complète des liens avec la famille par le sang sauf pour les empêchements au mariage ; toutefois, aux termes de l'article 356, l'adoption de l'enfant du conjoint laisse subsister la filiation d'origine à l'égard de ce conjoint et produit, pour le reste, les effets d'une adoption par deux époux.

La proposition de loi pose toutefois une règle de conflits de lois en matière d'adoption plénière.

Article 15 (art. 359-1 du code civil) - Règle de conflit de lois en matière d'adoption plénière

Vivement combattu par le Gouvernement, cet article introduit un article 359-1 nouveau dans le code civil pour poser une règle de conflit de lois en matière d'adoption, notamment lorsque le pays d'origine de l'enfant ne connaît pas l'adoption. Il est présenté par la commission spéciale comme la consécration dans la loi de la jurisprudence de la Cour de cassation résultant, dans sa dernière évolution, d'un arrêt de la première chambre civile, en date du 10 mai 1995, aux termes duquel les « époux français peuvent procéder à l'adoption d'un enfant dont la loi personnelle ne connaît pas, ou prohibe, cette institution, à la condition qu'indépendamment des dispositions de cette loi, le représentant du mineur ait donné son consentement en pleine connaissance des effets attachés par la loi française à l'adoption et, en particulier, dans le cas d'adoption en forme plénière, du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens entre le mineur et sa famille par le sang ou les autorités de tutelle de son pays d'origine ».

Le premier alinéa de l'article 359-1 attache à l'adoption régulièrement prononcée dans le pays d'origine de l'adopté les effets prévus par la loi française lorsque l'adoptant est de nationalité française ou réside habituellement en France.

Le deuxième alinéa reprend le principe du consentement en pleine connaissance des effets de l'adoption sur le lien de filiation, énoncé par l'arrêt de la Cour de cassation pour attacher les effets d'une adoption plénière à un jugement d'adoption étranger.

Quant au troisième alinéa, il confère à la loi française un effet plein et entier (conditions et effets de l'adoption) lorsque dans le pays d'origine de enfant n'a pas de législation sur l'adoption.

La commission spéciale justifie ce dispositif par le souci de régler le statut juridique des enfants nés dans des pays qui ignorent ou prohibent l'adoption et qui, de ce fait, n'ont pas signé la Convention de La Haye. Or, le rapport remis au Premier ministre par M. Jean-François Mattéi, estime qu'en 1994, près des trois quarts des 2 414 enfants entrés en France pour être adoptés venaient de pays non signataires de la convention de La Haye et dont la loi nationale ignorait ou prohibait l'adoption.


• Le Gouvernement a combattu le dernier alinéa de cet article en estimant qu'il conduirait à conférer à l'enfant étranger adopté un « statut boiteux » : celui que lui accorde la loi française et celui que lui donne la loi de son État d'origine.

Le Garde des Sceaux a par ailleurs craint qu'il favorise « les réseaux ou organisations illicites de pourvoyeurs d'enfants au mépris des dispositions législatives des pays concernés ».

Enfin, il a estimé que si la législation française comportait une telle disposition, elle serait « dans une situation délicate » au regard de la convention de La Haye qu'elle s'apprêtait à ratifier.

En conclusion, le Garde des sceaux a fait valoir que la jurisprudence de la Cour de cassation permettait de résoudre, en pratique, les cas dans lesquels le pays d'origine prohibe l'adoption.

Votre commission des Lois a examiné avec une particulière attention la question soulevée par l'Assemblée nationale.

Elle rappelle tout d'abord que les adoptions prononcées à l'étranger sont normalement reconnues en France avec les effets qui s'y attachent en vertu de leur contenu propre et de la législation nationale qu'elles mettent en oeuvre.

Elle rappelle ensuite que la Cour de cassation accepte d'attacher aux adoptions prononcées à l'étranger les effets d'une adoption plénière dès lors que le représentant légal de l'enfant a donné son consentement éclairé à de tels effets (rupture complète des liens de sang notamment).

Enfin, elle observe, s'agissant d'enfants dont le statut personnel prohibe l'adoption, que la Cour de cassation admet qu'en l'absence de filiation connue, leur adoption plénière puisse être prononcée en France dès lors que le représentant légal de l'enfant a donné son accord en pleine connaissance des effets s'attachant à ce consentement.

L'arrêt déjà évoqué du 10 mai 1995 (voir annexe) est venu consolider l'édifice progressivement construit par la jurisprudence et lui apporter en quelque sorte l'élément qui lui faisait encore défaut au moment où le professeur Mattéi a remis son rapport au Premier ministre. En conséquence, et dès lors que le consentement donné par le représentant légal de l'enfant étranger l'a été en pleine connaissance des effets attachés à la loi française, le juge français peut prononcer l'adoption de cet enfant.

Dans la mesure où, pour l'essentiel, les difficultés rencontrées par le passé peuvent être ainsi résolues, votre commission des Lois hésite à inscrire dans le code civil un dispositif qui fait ouvertement fi du statut personnel de l'adopté et contrevient, ce faisant, aux principes du droit international privé et à la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant (art. 20 et 21).

Le texte adopté par l'Assemblée nationale, sur proposition de Mme Véronique Neiertz, n'énonce en effet pas véritablement une règle de conflit de lois : les deux premiers alinéas traitent de l'hypothèse dans laquelle l'adoption a été régulièrement prononcée dans le pays d'origine et précisent les effets susceptibles de lui être attachés en France ; le troisième rend applicable la législation française en matière d'adoption lorsque la loi nationale de l'enfant ignore cette institution. Le cas dans lequel elle la prohibe expressément n'est en revanche pas évoqué.

Quoiqu'il en soit, le dernier alinéa est en contradiction directe avec la convention de la Haye, que la France s'apprête à ratifier, dont l'article 4 précise que les adoptions visées par la convention « ne peuvent avoir lieu que si les autorités compétentes de l'État d'origine ont établi que l'enfant est adoptable ».

Certes, les États qui prohibent l'adoption ne sont pas signataires de la convention, mais doit-on pour autant inscrire dans notre code civil que les prohibitions que leur législation nationale fait peser sur leurs ressortissants ne sont pas opposables aux autorités françaises ?

Votre commission des Lois ne l'a pas pensé. C'est pourquoi, estimant que l'édifice jurisprudentiel permettait aujourd'hui de résoudre les difficultés dans l'intérêt de l'enfant dès lors que le consentement éclairé du représentant légal de celui-ci a été donné, elle vous propose d'adopter un amendement tendant à supprimer cet article qui, en définitive, ne résout pas les problèmes auxquels il entend apporter remède, méconnaît les règles du droit international privé et risque de favoriser le développement de « filières » d'enfants qu'il faut impérativement combattre.

Article 15 bis (art. 361 du code civil) - Non application à l'adoption simple de l'écart d'âge maximum de 45 ans entre adoptants et adoptés

Cet article modifie l'article 361 du code civil pour écarter l'application à l'adoption simple du deuxième alinéa de l'article 344 du code civil.

Introduit par l'article 3 de la proposition de loi, cet alinéa interdit l'adoption lorsque plus de 45 ans sépare l'adopté de l'adoptant (ou du plus jeune des deux en cas d'adoption par des époux).

Par coordination avec la suppression de l'écart d'âge maximum entre adoptants et adoptés posé par l'article 3, votre commission des Lois vous propose d'adopter un amendement tendant à supprimer cet article.

CHAPITRE II - ADOPTION COMPLÉTIVE

Soucieuse de « revaloriser » l'adoption simple que le rapport de la commission spéciale qualifie de « parent pauvre » de l'adoption plénière, la proposition de loi modifie la dénomination de cette forme d'adoption au bénéfice de celle d'adoption complétive « puisqu'elle vient s'ajouter à la filiation d'origine et la compléter ».

Outre cette modification terminologique, la proposition de loi modifie, dans son chapitre II, les effets de cette forme d'adoption quant à l'extension du lien de parenté en résultant (article 18) et aux droits nouveaux des enfants de l'adopté (article 19). Enfin, elle prévoit, dans son article 20, que l'adoption simple peut être révoquée à la demande du ministère public en cas d'échec avéré.

Votre commission des Lois préférant maintenir le qualificatif actuel de « simple », elle vous demande d'adopter un amendement pour le substituer, dans l'intitulé du chapitre II, à celui de « complétive ».

SECTION 1

Conditions requises et jugement

Cette section ne procède qu'à des modifications terminologiques dans les dispositions du code civil relatives aux conditions applicables aux adoptants simples et au jugement d'adoption ; celles-ci sont les mêmes qu'en matière d'adoption plénière pour ce qui concerne l'âge des adoptants, la durée de leur mariage et la différence d'âge entre adoptant et adopté.

Les conditions restrictives relatives à l'adopté plénier ne sont en revanche pas applicables à l'adopté simple qui peut par exemple être majeur.

Article additionnel avant l'article 16 (art. 360 du code civil) - Adoption simple sur adoption plénière

Voir supra commentaire de l'article 6.

Article 16 (art. 360 à 362 du code civil) - Coordinations terminologiques

Cet article modifie la désignation de l'adoption simple dans les articles 360 à 362 du code civil et l'intitulé du chapitre II du titre VIII du livre premier du code civil.

Le paragraphe III de l'article complète par coordination l'article 361 du code civil pour rendre applicable à l'adoption simple le nouvel article 353-1 résultant de l'article 14 de la proposition de loi (règle de conflit de lois).

Parce qu'elle estime que la terminologie proposée par l'Assemblée nationale n'apporte rien qui soit de nature à rehausser l'image de l'adoption simple, votre commission des Lois vous propose d'adopter un amendement tendant à supprimer cet article.

SECTION 2

Effets de l'adoption complétive

L'adoption simple crée entre l'adoptant et l'adopté un lien de filiation différent de celui de la filiation légitime car elle ne rompt pas le lien de filiation avec les parents par le sang. De ce fait, elle ne fait pas obstacle à l'établissement ultérieur de liens de filiation réelle, les empêchements au mariage demeurent ainsi que l'obligation alimentaire à l'égard des ascendants et les droits successoraux, étant précisé que si l'adopté meurt sans descendant, sa succession se partage par moitié entre les familles par le sang et adoptive. On observera toutefois que les liens avec la famille par le sang sont réduits tant au regard de l'obligation alimentaire des parents, qui n'est que subsidiaire, qu'en matière d'autorité parentale dont ces derniers sont privés au bénéfice de l'adoptant ; ils peuvent toutefois se voir attribuer un droit de visite par le tribunal.

L'adoption simple confère à l'adopté le nom de l'adoptant, crée une obligation alimentaire réciproque, entraîne des empêchements au mariage et confère la qualité d'héritier réservataire à l'adopté.

Par coordination, votre commission des Lois vous demande d'adopter un amendement remplaçant le qualificatif « complétive » par celui de « simple ».

Article 17 (art. 363 du code civil) - Coordination terminologiques

Cet article modifie l'intitulé de la section 2 du chapitre II du titre VIII du livre premier du code civil et l'article 363 du code civil pour remplacer l'adoption simple par l'adoption complétive.

Votre commission des Lois vous demande, par coordination, d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Article 18 (art. 366 du code civil) - Extension des liens de parenté entre l'adoptant et l'adopté aux enfants de l'adopté

Le premier alinéa de l'article 366 du code civil étend aux enfants légitimes de l'adopté le lien de parenté résultant de l'adoption.

La proposition de loi supprime le qualificatif « légitime », dans la mesure où la loi du 3 janvier 1972 a égalisé le statut successoral des enfants légitimes et naturels. Il s'agit donc en quelque sorte d'une actualisation.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 18 (art. 367 du code civil) - Obligation alimentaire de l'adopté simple

L'article 367 du code civil maintient l'obligation alimentaire de l'enfant ayant fait l'objet d'une adoption simple tant à l'égard de ses parents adoptifs que de ses parents biologiques.

Sans remettre en cause cette double obligation, votre commission des Lois vous propose de préciser, dans un article additionnel après l'article 18, que l'intéressé peut être déchargé de cette obligation par le juge, conformément aux dispositions du second alinéa de l'article 207, dès lors que ses parents, biologiques ou adoptifs, ont gravement manqué à leurs obligations envers lui.

Article 19 (art. 368 du code civil) - Droits successoraux de l'adopté et de ses descendants

L'article 368 du code civil reconnaît à l'adopté simple et à ses descendants légitimes dans la famille de l'adoptant les mêmes droits successoraux qu'un enfant légitime sans toutefois lui attribuer la qualité d'héritier réservataire à l'égard des ascendants de l'adoptant dans la mesure où l'adoption simple ne crée pas de lien de parenté entre l'adopté et la famille de l'adoptant.

La proposition de loi actualise la rédaction de cet article pour tenir compte de la suppression de la distinction, en matière successorale, entre enfants légitimes et naturels.

Il en clarifie les différents aspects en exposant successivement la situation successorale de l'adopté, celle de ses descendants et l'exclusion de la réserve héréditaire.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 20 (art. 370 du code civil) - Révocation de l'adoption simple à la demande du ministère public

L'article 370 du code civil autorise l'adoptant à demander la révocation de l'adoption simple pour « motifs graves ».

La demande de révocation n'est toutefois recevable que si l'adopté est âgé de plus de quinze ans.

Elle peut également être présentée, lorsque l'adopté est mineur, par ses père et mère de sang ou, à leur défaut, par un membre de la famille d'origine jusqu'au degré de cousins germains inclus.

Dans tous les cas, les juges du fond apprécient la gravité des faits allégués à l'appui de la demande. Ils doivent motiver leur jugement de révocation (alors que le jugement d'adoption ne l'est pas).

La proposition de loi complète ce dispositif pour ouvrir au parquet la faculté de demander la révocation « en cas d'échec avéré » de l'adoption.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter un amendement tendant à supprimer toute référence à la notion d'échec avéré dont le contenu juridique est imprécis et de laisser au ministère public le soin d'apprécier si des « motifs graves » justifient de demander la révocation de l'adoption simple.

CHAPITRE III - RETRAIT DES DROITS D'AUTORITÉ PARENTALE

Ce chapitre ne traite pas de l'adoption. Il apporte des modifications d'ordre purement terminologique au titre IX du livre premier du code civil relatif à l'autorité parentale.

Il substitue en effet la notion de retrait total des droits d'autorité parentale à la déchéance de ces droits.

Selon le rapporteur de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, il s'agit, ce faisant, d'« insister sur l'aspect positif d'une telle décision, qui est d'abord une mesure de protection de l'enfant avant d'être une mesure de dépréciation des parents ; en outre l'enfant n'a pas à porter la culpabilité incluse dans les termes d'une décision sanctionnant ses parents ».

Votre commission des Lois vous propose d'accepter cette modification terminologique sous réserve de préciser, dans l'intitulé du chapitre III, du « retrait total ou partiel de l'autorité parentale » plutôt que du « retrait des droits d'autorité parentale ». Elle vous demande d'adopter un amendement en ce sens.

Articles 21 à 27 (art. 373, 378, 378-1, 379, 379-1, 380 et 381 du code civil) - Coordinations terminologiques

Ces articles modifient les dispositions du code civil mentionnant la déchéance de l'autorité parentale pour y substituer le retrait total des droits d'autorité parentale.

L 'article 21 procède à cette modification dans l'article 379 du code civil, qui précise les cas dans lesquels un parent est privé de l'exercice de l'autorité parentale, et l'intitulé de la section 4 du chapitre premier du titre IX du livre premier du code civil relatif à la déchéance et au retrait partiel de l'autorité parentale.

L' article 22 modifie de la même manière l'article 378 du code civil qui énumère les condamnations entraînant la déchéance de l'autorité parentale, déchéance applicable aux ascendants autres que les père et mère, pour la part d'autorité parentale qui peut leur revenir sur leurs descendants.

L' article 23 modifie dans le même sens l'article 378-1 du code civil qui fixe les cas dans lesquels la déchéance peut être prononcée en dehors de toute condamnation pénale et précise que l'action en déchéance est portée devant le tribunal de grande instance par le ministère public, un membre de la famille ou le tuteur de l'enfant. Sur proposition de Mme Neiertz, l'article 378-1 a en outre fait l'objet d'une modernisation rédactionnelle.

L' article 24 modifie pareillement la rédaction de l'article 379 du code civil qui prévoit que la déchéance porte de plein droit sur tous les attributs, tant patrimoniaux que personnels, se rattachant à l'autorité parentale, que, sauf dispositions contraires, elle s'étend à tous les enfants mineurs déjà nés au moment du jugement, enfin qu'elle emporte, pour l'enfant, dispense de l'obligation alimentaire sous réserve que le jugement n'en dispose pas autrement.

L' article 25 procède à la même coordination rédactionnelle à l'article 379-1 du code civil relatif au retrait partiel de droits.

L' article 26 fait de même à l'article 380 qui règle la situation de l'enfant en cas de carence totale des parents à la suite de la déchéance de l'un d'entre eux alors que l'autre est inconnu, décédé ou déjà déchu de l'autorité parentale.

L' article 27 enfin opère une coordination rédactionnelle à l'article 381 du code civil qui prévoit la possibilité de restituer tout ou partie des droits aux parents déchus.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter ces articles sous réserve d'y faire état du « retrait total ou partiel de l'autorité parentale » plutôt que « retrait total ou partiel des droits d'autorité parentale ».

CHAPITRE IV

AUTRES DISPOSITIONS

Article 27 bis - (art. 57 du code civil) - Attribution des prénoms en cas d'accouchement anonyme


• La loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 relative à l'état civil, à la famille, aux droits de l'enfant et au juge aux affaires familiales a consacré dans l'article 341-1 du code civil le droit pour la mère de demander, lors de son accouchement, que le secret de son admission et de son identité soit préservé.

L'article 57 du code civil précise par ailleurs, dans son deuxième alinéa, que lorsque les père et mère de l'enfant ne sont pas connus, l'officier d'état civil attribue à l'enfant plusieurs prénoms dont le dernier lui tient lieu de nom patronymique. Autrement dit, en cas d'accouchement secret, la mère ne peut pas, juridiquement, choisir les prénoms de son enfant, alors que, dans la pratique, l'établissement dans lequel elle accouche lui demande quels prénoms elle souhaite pour celui-ci. En outre, en cas de rétractation, la mère qui ne souhaite pas conserver les prénoms choisis par l'officier d'état-civil doit engager une procédure judiciaire pour les modifier.

À la demande du Gouvernement, le deuxième alinéa de l'article 57 a été modifié par l'Assemblée nationale pour consacrer la pratique actuelle en ouvrant de plein droit à la femme qui choisit d'accoucher secrètement le droit de faire connaître les prénoms qu'elle souhaite voir attribuer à l'enfant. Ce n'est qu'à défaut ou lorsque les parents ne sont pas connus que l'officier d'état civil procède lui-même à ce choix. Dans tous les cas, le dernier prénom tient lieu de patronyme à l'enfant.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 27 bis (art. 341-1 du code civil) - Informations non identifiantes en cas d'accouchement secret

L'article 341-1 du code civil introduit en 1993 ouvre à la femme le droit de demander le secret de son admission et de son accouchement.

Votre commission des Lois vous propose, sans bien entendu remettre en cause ce secret, d'ouvrir à la mère, conformément à l'article 30 de la proposition de loi (voir commentaires infra), la faculté de donner des informations relatives à l'enfant et à elle-même, dès lors qu'elles ne permettent pas de l'identifier, afin que l'enfant puisse ultérieurement, s'il le souhaite, en avoir communication et reconstituer ainsi les éléments de son histoire personnelle.

Elle vous demande d'introduire à cet effet, dans la proposition de loi, un article additionnel après l'article 27 bis.

Article additionnel après l'article 27 bis (art. 341-2 du code civil) - Accès aux informations non identifiantes

Votre commission des Lois vous propose d'introduire un second article additionnel après l'article 27 bis pour insérer un article 341-2 dans le code civil afin de préciser les conditions dans lesquelles l'enfant peut avoir connaissance des informations que son ou ses parents ayant demandé le secret ou l'anonymat ont accepté de laisser à son intention.

Cette disposition reprend pour partie l'article 31 de la proposition de loi (voir commentaire infra), sous réserve de préciser que le mineur peut, s'il le souhaite, avoir connaissance de ces informations s'il est âgé de plus de treize ans, âge à compter duquel son consentement est requis pour une adoption, et sous réserve de l'accord de son représentant légal.

Les informations de caractère médical ne peuvent être communiquées que par l'intermédiaire d'un médecin désigné à cet effet par l'intéressé ou, s'il est mineur, par son représentant légal.

Article 27 ter (art. 335 du code civil) - Action en contestation de la reconnaissance d'un enfant naturel


• L'article 339 du code civil ouvre à toutes les personnes qui y ont intérêt, y compris l'auteur de la reconnaissance de l'enfant naturel, le droit de contester celle-ci. Le droit à contestation est également ouvert au ministère public si des indices tirés des actes eux-mêmes rendent invraisemblable la filiation déclarée.

Toutefois, aucune contestation n'est plus recevable quand il existe une possession d'état conforme à la reconnaissance et qui a duré dix ans au moins depuis celle-ci, sauf de la part de l'autre parent, de l'enfant lui-même et de ceux qui se prétendent ses parents véritables.


• À l'initiative du Gouvernement, la proposition de loi complète le deuxième alinéa de l'article 339 pour ouvrir le droit au ministère public de contester la reconnaissance lorsque celle-ci est effectuée en fraude des règles régissant l'adoption.

Le Garde des Sceaux a indiqué que cette disposition était destinée à permettre la sanction des détournements de la procédure d'adoption par des candidats à l'adoption « dont le dossier ne semble pas aboutir » et qui reconnaissent un enfant confié à l'aide sociale à l'enfance puis demandent qu'il leur soit immédiatement remis en leur qualité de parents titulaires de l'autorité parentale.

Alertés par les services d'aide sociale à l'enfance sur le caractère frauduleux d'une telle reconnaissance, les parquets pourraient diligenter immédiatement une action en contestation de la reconnaissance et de saisir au besoin, dans l'attente de la décision, le juge des enfants si la démarche de reprise de l'enfant par les parents qui ont fait une déclaration détournée est de nature à compromettre sa sécurité.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE II - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA FAMILLE ET DE L'AIDE SOCIALE

Votre commission des Lois vous demande de suivre les propositions de la commission des Affaires sociales sur les titres II à IV de la proposition de loi dont elle lui a délégué l'examen au fond.

Toutefois, il lui est apparu que les articles 30 et 31 qui ouvrent la faculté de conserver et de communiquer à l'enfant adopté devenu majeur qui le souhaite des « renseignements non identifiants » sur ses parents par le sang méritaient un examen particulier et, si le principe en était admis, d'être introduits dans le code civil (voir supra articles additionnels après l'article 6 et l'article 27 bis).

Article 30 et 31 (art. 62 et 62-1 du code de la famille et de l'aide sociale) Conservation et communication d'éléments non identifiants sur les parents par le sang d'enfants adoptés

L'article 30 modifie le code de la famille et de l'aide sociale pour fixer une limite dans le temps à la faculté actuellement ouverte aux père et mère qui remettent un enfant au service de l'aide sociale à l'enfance de demander le secret de l'état civil de l'enfant (art. 62-4°).

Dorénavant, cette faculté ne serait plus ouverte que pendant la première année de l'enfant. Autrement dit, toute remise ultérieure s'accompagnerait pour l'enfant de l'identité de ses parents dès lors que des liens de filiation sont établis. En outre, la demande de secret est présentée comme l'exception puisqu'elle doit être formulée expressément et mentionnée au procès-verbal de remise de l'enfant.

La proposition de loi prévoit par ailleurs qu'en cas de demande de secret de l'identité par les parents, et non plus de l'état civil de l'enfant (ce qui comprend également la réalité des lieux, dates et heures de naissance), ceux-ci sont informés de la possibilité qui leur est offerte de donner des renseignements non identifiants.

Le contenu et les modalités de recueil de ces informations sont renvoyés à un décret en Conseil d'État puis après avis de la CNIL.

L'article 31 introduit un article 62-1 nouveau dans le code de la famille et de l'aide sociale pour préciser que les renseignements non identifiants sont conservés au service de l'aide sociale à l'enfance qui les tient à la disposition de l'enfant ou de son représentant légal.

S'il en manifeste le désir pendant sa minorité, l'enfant peut obtenir communication des informations non nominatives avec l'assistance d'une personne habilitée à cet effet par le président du conseil général et après accord de son représentant légal.

Les renseignements à caractères médicaux ne peuvent être communiqués à l'enfant devenu majeur ou au représentant légal de l'enfant mineur que par l'intermédiaire d'un médecin désigné à cet effet par l'intéressé.

Ce dispositif ouvre deux brèches importantes dans l'anonymat et le secret qui entourent les origines des enfants remis aux fins d'adoption.

Votre commission des Lois a toutefois estimé qu'il pouvait être retenu sous réserve qu'il soit inscrit dans le code civil pour ce qui concerne le recueil des informations et les modalités d'accès à celles-ci (voir articles additionnels après les articles 6 et 27 bis).

La commission des Affaires sociales qui a également examiné les articles 30 et 31 procèdera bien entendu aux coordinations nécessaires avec les dispositions introduites par la commission des Lois dans le code civil.

TITRES III ET IV - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ET LE CODE DU TRAVAIL

Pour ces titres, votre commission des Lois s'en remet à l'avis de M. Lucien Neuwirth, au nom de la commission des Affaires sociales.

TITRE V - AUTRES DISPOSITIONS

Article 51 Autorité centrale pour l'adoption

L'article 51 de la proposition de loi institue, auprès du Premier ministre, une autorité centrale pour l'adoption, chargée « de veiller au respect et à la mise en oeuvre de la convention de La Haye,... de définir, d'orienter et de coordonner l'action des administrations et autorités compétentes en matière d'adoption ». Il est en outre précisé qu'« elle est également responsable de la coopération avec les institutions et autorités étrangères ».

L'autorité centrale pour l'adoption est conçue par M. Jean-François Mattéi comme une structure administrative légère, chargée de coordonner les administrations compétentes en matière d'adoption internationale et d'assumer les fonctions d'autorité centrale définie par la convention de La Haye.

Sans remettre en cause le bien-fondé de ce dispositif, votre commission des Lois estime qu'il n'est pas opportun d'anticiper sur la ratification de la convention et qu'il est donc préférable de ne pas en faire mention dans la loi.

Par ailleurs, en accord avec la commission des Affaires sociales, elle considère qu'il est indispensable d'assurer une coordination au niveau national des adoptions internes, le caractère national de l'agrément devant permettre de rapprocher, le cas échéant, des pupilles et des familles résidant dans des départements différents.

En conséquence, elle vous propose d'adopter un amendement tendant à une nouvelle rédaction des deux premiers alinéas de l'article afin de préciser que l'autorité centrale pour l'adoption est chargée d'orienter et de coordonner l'action des administrations et des autorités compétentes en matière d'adoption, que celle-ci soit interne ou internationale.

S'agissant de la composition de l'autorité centrale qui sera fixée par décret en Conseil d'État, votre commission des Lois tient simplement à faire observer que les organismes agréés pour l'adoption n'ont pas vocation à y figurer dans la mesure où il s'agit bien d'une structure administrative dont le rôle ne se substitue pas à celui des organismes mais qui constitue au contraire leur interlocuteur privilégié.

ANNEXES

ANNEXE I :

Bulletin du 20 mars 1996 : Auditions

ANNEXE II :

Étude de législation comparée sur l'adoption

ANNEXE III :

Convention sur la protection des enfants et de la coopération en matière d'adoption internationale

ANNEXE IV :

Cour de Cassation -10 mai 1995

ANNEXE I : BULLETIN DU 20 MARS 1996

Présidence de MM. Jacques Larché et Jean-Pierre Fourcade, présidents . Au cours d'une première séance tenue dans la matinée conjointement avec la commission des affaires sociales, la commission a procédé à des auditions sur la proposition de loi n° 173 (1995-1996) relative à l'adoption.

M. Jacques Larché, président, s'est réjoui que les commissions des lois et des affaires sociales procèdent conjointement à des auditions sur l'adoption et a souligné le caractère fructueux de leur collaboration.

La commission a tout d'abord entendu M. Pierre Pascal, président du groupe de réflexion sur l'accès aux origines, président de l'Office des migrations internationales, et Mme Tondi, rapporteur de ce groupe.

M. Pierre Pascal a tout d'abord rappelé que le groupe de réflexion sur l'accès aux origines avait été créé à l'initiative de Mme Simone Veil, alors ministre des affaires sociales, après la remise par M. Jean-François Mattéi, député, de son rapport sur l'adoption. Celui-ci préconisait le recueil systématique d'informations non identifiantes sur l'enfant dont la mère biologique avait choisi l'anonymat au moment de l'accouchement ou de la remise aux fins d'adoption. Il a indiqué que la lettre de mission rédigée par Mme Veil mettait l'accent sur la nécessité de répondre à la souffrance morale des pupilles et anciens pupilles tout en respectant la volonté des parents ayant remis leur enfant en vue d'adoption. Il a précisé que le groupe était composé de vingt-et-une personnalités choisies par le ministre parmi les associations familiales représentatives, les services sociaux départementaux, des magistrats et des professeurs de droit, les administrations centrales concernées, auxquelles s'étaient joints un représentant du médiateur et un représentant de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), avant de signaler que, compte tenu de cette composition, il avait été quasiment impossible de formuler des propositions susceptibles de recueillir l'unanimité, ce qui expliquait que des observations dissidentes aient été annexées au rapport.

M. Pierre Pascal a ensuite souligné que deux principes fondamentaux n'étaient pas remis en cause : d'une part, l'accouchement anonyme, d'autre part, le secret de l'identité demandé lors de la remise de l'enfant. Puis, il a rappelé les grandes lignes du droit positif et l'éparpillement des sources avant d'évoquer la diversité des pratiques suivies par les services départementaux d'aide sociale mise en lumière par les réponses apportées au questionnaire envoyé par le groupe de réflexion par quatre-vingt-onze présidents de conseil général et confirmée par l'enquête réalisée auprès de onze départements.

Évoquant l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale relatifs à la situation des pupilles de l'État, il a estimé souhaitable de corriger les inexactitudes, incohérences, contradictions et aberrations qu'il contient. Il a notamment signalé que le texte confondait les cas de recueil d'un enfant trouvé ou orphelin avec la remise de l'enfant par une personne habilitée. Il a par ailleurs estimé indispensable d'exiger que la personne remettant l'enfant apporte la preuve d'une habilitation indiscutable. Enfin, il s'est réjoui que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale limite à la première année de l'enfant la faculté pour ses parents de demander que leur anonymat soit préservé.

M. Pierre Pascal a ensuite évoqué l'instruction générale de l'état civil qui prévoit l'établissement d'un acte de naissance provisoire pour les enfants remis aux fins d'adoption par des parents ayant réclamé la préservation de leur anonymat. Il a estimé que la modification complète du lieu et de la date de naissance était d'autant plus préjudiciable que les intéressés l'ignoraient. Il a considéré que dans nombre de cas, la pratique administrative était allée très au-delà du code civil lorsque le secret n'avait pas été réclamé par les parents, et qu'elle conduisait notamment à priver les fratries de la connaissance même de leur existence. Il a rappelé que le rapport remis en 1983 par le Conseil supérieur de l'adoption évoquait déjà cette difficulté mais que la Chancellerie s'était contentée de renvoyer au dernier alinéa de l'article 58 du code civil qui prévoit l'annulation de l'acte provisoire de naissance à la requête du procureur de la République ou des parties intéressées.

M. Pierre Pascal a estimé que la proposition faite par M. Mattéi de réduire à un an le délai pendant lequel les parents peuvent demander le secret de leur identité devait être retenue et surtout complétée par une modification de l'article 58-1 du code civil garantissant à l'enfant remis dans ces conditions que son acte d'état civil était conforme à la réalité.

S'agissant du recueil d'éléments non identifiants, il a fait observer que la proposition de loi ne mentionnait que la mère alors que le père pouvait également remettre l'enfant et fournir le cas échéant de telles informations. Il a également souligné qu'elle était en retrait par rapport à la réalité des pratiques actuelles des services sociaux qui, dans nombre de cas, procèdent au recueil d'informations beaucoup plus nombreuses que celles envisagées par le rapport de M. Mattéi. Enfin, il a suggéré que la loi autorise également le recueil de documents éventuellement identifiants comme des lettres ou des photos.

M. Pierre Pascal a ensuite constaté que l'égalité des droits n'était pas respectée entre les enfants selon qu'ils étaient remis à l'aide sociale à l'enfance ou aux oeuvres pour l'adoption. Il a estimé que le passage par le service public se révélait en définitive plus contraignant et plus pénalisant pour les pupilles.

Il a par ailleurs relevé que le secret de l'identité des parents ne pouvait être demandé en cas de déchéance de l'autorité parentale ou d'abandon judiciaire alors que ce secret répondrait parfois à l'intérêt de l'enfant.

De manière générale, M. Pierre Pascal a considéré que le point d'équilibre se trouvait dans une juste conciliation des droits des parents et des enfants, inscrite dans l'évolution internationale qui conduit à reconnaître de plus en plus de droits propres aux enfants.

En conclusion, il a insisté sur cinq propositions fondamentales :

- l'établissement d'un véritable état civil pour les enfants remis par des parents ayant souhaité conserver l'anonymat,

- le recueil systématique des éléments non identifiants au moment de l'accouchement ou de la remise de l'enfant,

- le recueil d'informations identifiantes dès lors que les parents le souhaitaient,

- l'information des parents sur la faculté de revenir sur leur décision d'anonymat,

- la mise en place d'une structure de médiation permettant de rapprocher, le cas échéant, les parents d'origine et les enfants dès lors que ce souhait serait formulé de part et d'autre.

Il a estimé que cette dernière évolution devait être encouragée sauf à accepter le développement d'enquêtes privées incontrôlées, susceptibles de constituer à terme un marché des origines.

Mme Laurie Tondi a évoqué les enseignements tirés des questionnaires adressés à l'ensemble des présidents de conseil général et fait valoir notamment que de nombreux départements n'appliquaient d'ores et déjà l'anonymat qu'aux enfants âgés de moins d'un an et considéraient que celui-ci ne portait que sur l'identité des parents et non sur la totalité de l'état civil de l'enfant. Elle a par ailleurs relevé que de nombreux services d'aide sociale à l'enfance encourageaient les parents à communiquer des informations non identifiantes dont le contenu allait parfois très au-delà de ce qui était envisagé par le professeur Mattéi. Elle a signalé que certains services faisaient état du recueil de lettres, de photos, d'objets, voire même, ce qui était choquant, d'informations relatives à la conduite, à la moralité ou à l'intelligence de la mère. Elle a par ailleurs précisé que plus de 26.000 demandes d'information avaient été présentées au cours des cinq dernières années, soit par des pupilles ou anciens pupilles soit par leurs descendants, et que les réponses apportées par les services étaient très variables, certains d'entre eux ayant même pris l'initiative d'organiser des rapprochements entre les pupilles ou anciens pupilles et leurs parents d'origine.

Elle a donc conclu à la nécessité d'une clarification et d'un encadrement des pratiques actuelles.

M. Luc Dejoie, rapporteur, a rappelé que l'instruction générale tendait à garantir effectivement le respect de l'anonymat souhaité par les parents, lequel exigeait dans certains cas une modification du lieu ou de la date de naissance afin de prévenir une identification indirecte. Il a par ailleurs indiqué qu'il lui paraissait difficile d'accepter le dépôt de lettres ou de photos, et de prétendre respecter simultanément l'anonymat souhaité par les parents. En conclusion, il a souhaité savoir comment M. Pascal conciliait son souci de favoriser le plus possible l'information de l'enfant désireux de connaître ses origines et le maintien de l'anonymat aujourd'hui garanti par la loi, soit lors de l'accouchement, soit lors de la remise de l'enfant aux services sociaux.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, a souhaité connaître la forme juridique que pourrait prendre l'instance de médiation et son rôle. Il a craint que l'ouverture d'un accès illimité aux origines fragilise l'adoption plénière.

M. Claude Huriet a évoqué l'hypothèse de la création d'un conservatoire du secret.

M. Georges Mazars a estimé qu'il était important d'entendre les souhaits des pupilles et de ne pas simplement songer à préserver à tout prix le secret imposé unilatéralement par les parents d'origine.

Mme Michelle Demessine a considéré que l'examen de la proposition de loi donnait aux parlementaires l'occasion de mieux comprendre les souffrances des pupilles de l'État. Elle s'est par ailleurs déclarée choquée que des parents puissent remettre des enfants âgés de cinq ou six ans et demander la préservation de leur anonymat. Enfin, elle a estimé que le secret de l'accouchement devait pouvoir être protégé à la demande de la mère.

M, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales, a estimé que la rédaction de l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale devait être revue si la clarification du régime juridique de la remise de l'enfant l'exigeait. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'opportunité de communiquer des renseignements non identifiants au risque de créer un sentiment de frustration pour les adoptés et de faire éclater la famille adoptive.

M. Jacques Larché, président, a estimé qu'il convenait de trouver un équilibre prenant en compte l'ensemble des préoccupations des familles d'origine, des familles adoptives et des enfants adoptés, sans compromettre la nouvelle stabilité à laquelle l'enfant serait parvenu dans sa famille adoptive.

M. Pierre Pascal a estimé qu'une proposition de loi relative à l'adoption n'était pas le meilleur cadre pour aborder dans leur ensemble les problèmes soulevés par les origines des pupilles de l'État. Il a notamment rappelé que de très nombreux pupilles n'étant pas adoptés, la question de leurs origines revêtait pour eux une importance toute particulière. Il a par ailleurs confirmé que les ouvertures proposées par le rapport du groupe de réflexion n'avaient pas pour objet de permettre aux enfants abandonnés d'engager des actions en recherche de maternité et de paternité.

Il a enfin précisé que l'instance de médiation était destinée à favoriser un rapprochement entre les parents d'origine et l'enfant dès lors qu'un souhait d'échange d'informations ou de rencontre était formulé de part et d'autre. Il a considéré que cette structure devait être administrative et non juridictionnelle, et que son rôle consisterait essentiellement à vérifier que les parents d'origine et l'enfant souhaitaient effectivement échanger des informations identifiantes, voire même se rencontrer.

**La commission a ensuite entendu M. Gérard Cornu, professeur émérite à l'Université de Paris - II Panthéon-Assas.

Le Doyen Cornu a rappelé que l'adoption était une institution au même titre que le mariage mais qu'elle faisait en outre l'objet d'un double contrôle, administratif et juridictionnel. Il a constaté que la proposition de loi restait fidèle à ces principes mais que les modifications qu'elle apportait pouvaient susciter certaines réserves. Il a ainsi considéré que l'abaissement à vingt-huit ans de l'âge minimum pour adopter et la réduction du délai de rétractation à six semaines pouvaient constituer un gain de temps mais risquaient de nuire dans certains cas aux intérêts de l'enfant et, en raison d'un décompte malaisé, de compliquer la situation des mères en détresse. Il a jugé préférable de fixer un délai exprimé en mois et non en semaines. Il a en outre considéré qu'il n'était probablement pas souhaitable d'encourager l'adoption d'enfants par des célibataires et suggéré que pour eux l'âge minimum pour adopter soit maintenu à trente ans.

Évoquant ensuite le changement de dénomination de l'adoption simple qui deviendrait l'adoption « complétive », il a estimé que le nominalisme législatif n'était pas ici fondé à s'appliquer dès lors que la proposition de loi ne comportait aucune modification fondamentale de cette forme d'adoption. Il a par ailleurs considéré que le qualificatif de « complétif » ne correspondait pas à la réalité de cette forme d'adoption dans la mesure où l'adoption simple ne vient pas compléter une filiation qui sans cela serait incomplète mais au contraire s'ajoute à la filiation existante.

Enfin, il a fait observer que cette appellation pouvait être perçue comme péjorative par les intéressés et qu'elle ne saurait de ce fait valoriser l'adoption simple. Il a rappelé que celle-ci était pourtant la forme la plus ancienne et la plus universelle d'adoption, qu'elle constituait un véritable arrangement de famille à caractère quasi-contractuel que l'on pourrait d'ailleurs imaginer passer devant notaire. Il a suggéré de parler éventuellement d'adoption « jointe » ou d'adoption « d'alliance ».

Abordant ensuite l'adoption plénière des enfants du conjoint, il a incité le législateur à ne pas sacrifier à un effet de mode de la famille dite recomposée. Il a estimé que celle-ci mériterait sans doute un jour une consécration juridique, peut-être sous la forme d'un parrainage permettant au nouveau conjoint d'exercer certaines des prérogatives de l'autorité parentale, mais qu'il convenait de ne pas faire prévaloir la satisfaction des parents sur l'intérêt supérieur de l'enfant. Il a rappelé, que ces dispositions ayant fait l'objet d'une modification récente, toute ouverture devait être envisagée avec prudence. Il a notamment évoqué le cas de la déchéance de l'un des parents et considéré que l'adoption plénière en pareil cas pouvait être regardée comme une aggravation de la sanction.

M. Jacques Larché, président, a fait observer qu'il était important de maintenir un lien avec la famille d'origine, notamment avec les grands-parents. Il a par ailleurs déploré que le droit français, notamment en matière de successions, malmène les droits du conjoint survivant alors que l'allongement de la durée de la vie exigerait de les prendre en meilleur compte qu'autrefois. Il a souhaité que l'adoption ne vienne pas aggraver cette situation.

Le professeur Cornu a suggéré une réforme du régime fiscal des libéralités entre beaux-parents et beaux-enfants plutôt qu'une ouverture excessive des cas d'adoption plénière par le nouveau conjoint. Il a fait observer que les familles recomposées étaient aussi fragiles que les autres et qu'il était donc préférable de favoriser l'adoption simple par le conjoint plutôt que l'adoption plénière.

Évoquant ensuite la subordination éventuelle du prononcé de l'adoption par le juge à l'existence d'un agrément administratif préalable, il a considéré que le fait pour le juge d'être lié par le défaut d'agrément méconnaissait le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs.

S'agissant de l'adoption internationale, le professeur Cornu a constaté que la jurisprudence apparaissait fixée dans le sens de la norme de conflit proposée par le texte adopté par l'Assemblée nationale autour de la garantie du consentement éclairé du représentant légal de l'enfant. Rappelant que la loi avait l'usufruit de la jurisprudence, il s'est interrogé sur l'opportunité d'une consécration législative de celle-ci. Observant que l'approche unilatérale préconisée par M. Mattéi avait le mérite, sous réserve d'être complétée pour introduire le consentement éclairé lorsque la loi de l'enfant ne connaît pas l'adoption, de bien régler les difficultés posées par certaines adoptions internationales.

M. Patrice Gélard a souligné que l'adoption de l'enfant du conjoint répondait à une très forte demande, tant de la part du nouveau conjoint que de celle des enfants que celui-ci a élevés. Il a par ailleurs suggéré que les dispositions fiscales régissant les donations entre beaux-parents et beaux-enfants soient revues. S'agissant de l'agrément administratif pour adopter, il a fait observer qu'en droit public il n'était pas rare que la décision du juge administratif soit subordonnée à l'existence d'une décision administrative préalable. Enfin, il a considéré qu'en matière d'adoption internationale, il était nécessaire de clarifier la situation et de consacrer dans le code civil une norme de conflit de lois.

M. Luc Dejoie, rapporteur, s'est réjoui des observations formulées par le professeur Cornu en faveur de la promotion de l'adoption simple, d'une réduction mesurée du délai de rétractation et d'une ouverture prudente des cas d'adoption plénière des enfants du conjoint. Il a par ailleurs estimé qu'il n'était pas possible de soumettre l'appréciation du juge à l'existence de l'agrément, Enfin, s'agissant de l'adoption internationale, il a constaté que les dernières évolutions de la jurisprudence étaient très récentes et qu'il convenait sans doute de les éprouver avant d'envisager leur codification.

**La commission a ensuite entendu M. Jean Benet, président de la Fédération des associations d'entraide de pupilles et anciens pupilles de l'État.

M. Jean Benet a tout d'abord indiqué que la fédération qu'il présidait était favorable à la proposition de loi. Il a ensuite rappelé que l'adoption consistait en une rencontre entre des parents d'origine, un enfant et des parents adoptifs, et que l'arrivée d'un enfant dans une famille d'adoption n'était pas l'équivalent d'une naissance mais l'entrée dans une nouvelle histoire. Évoquant la faculté d'accouchement secret, il a souhaité que l'appellation « sous X » soit proscrite eu égard à son caractère humiliant pour les enfants nés dans de telles conditions. Il a par ailleurs confirmé que la Fédération souhaitait le maintien de cette procédure.

Abordant ensuite le texte de la proposition de loi, il a tout d'abord fait observer que les modifications des critères d'âge et de durée du mariage auraient peu de conséquences dans la mesure où elles ne s'appliquaient qu'au moment de la présentation de la requête en adoption mais n'étaient pas exigées pour l'obtention de l'agrément. Il a toutefois suggéré que la durée actuelle de cinq années de mariage soit conservée afin de garantir à l'enfant un foyer durable. S'agissant du délai de rétractation, il a fait observer que les pratiques montraient un étalement des rétractations sur l'ensemble du délai actuel de trois mois et qu'il était difficile de considérer que les décisions prises dans les derniers jours n'étaient pas le fruit d'une réflexion nécessaire. Il a toutefois estimé que la réduction à six semaines pouvait être envisagée et qu'il conviendrait de réduire également de moitié le délai de recherche du père.

M. Jean Benet a fait observer que l'article 207 du code civil permettant à l'enfant de ne pas exécuter ses obligations alimentaires à l'égard de ses ascendants, n'était pas applicable aux enfants ayant fait l'objet d'une adoption simple alors qu'il était souhaitable que ceux-ci puissent demander au juge d'être déchargés de ces obligations lorsque leurs parents d'origine, voire leurs parents adoptifs, ont manqué à leurs obligations à leur égard.

Il a par ailleurs souhaité que la mère ayant choisi d'accoucher dans le secret puisse choisir les prénoms de l'enfant et qu'un changement ne soit admis que dans l'intérêt de celui-ci et pour de justes motifs.

Il a également recommandé que l'acte de naissance de l'enfant remis avec demande de secret de l'état civil des parents soit simplement modifié pour y supprimer les noms et prénoms des parents au lieu d'être remplacé, comme c'est le cas actuellement, par un faux acte de naissance provisoire.

Il a par ailleurs regretté que le mandat des membres du conseil de famille puisse être renouvelé sans limite.

Il a également appelé de ses voeux une reformulation de l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale afin de favoriser l'uniformisation des pratiques des services sociaux. Il a en outre souligné certaines des incohérences du code de la sécurité sociale qui se réfère à l'arrivée de l'enfant au foyer pour ouvrir le droit à certaines prestations sociales en cas d'adoption alors que, dans la plupart des cas, l'enfant est déjà dans le foyer au moment où l'adoption est prononcée.

S'agissant de l'accès des pupilles à leurs origines, M. Jean Benet a indiqué qu'il aurait préféré une plus grande liberté mais que la société continuant de juger sévèrement les parents qui remettent leur enfant aux fins d'adoption, il convenait de ne pas interdire les demandes de secret et d'anonymat dans l'intérêt tant des mères que des enfants. Il a toutefois estimé souhaitable de favoriser le plus possible l'expression des libertés de chacun afin de permettre aux parents et aux enfants, s'ils le souhaitaient concomitamment, d'échanger le plus grand nombre possible d'informations, voire même de se rencontrer. À cet égard, il a estimé que la proposition de loi ne constituait pas un progrès mais bien plutôt un recul, les services sociaux ayant développé depuis longtemps des pratiques de recueil d'informations non identifiantes assorti éventuellement de photos, de lettres ou d'objets.

Il a considéré que le secret ne devait pas nécessairement être opposé à l'enfant dès lors qu'il n'était pas avéré que tel était le souhait de sa mère. En conséquence, il a suggéré que les parents soient fortement incités à fournir un grand nombre d'informations non identifiantes, voire même identifiantes pour le cas où ils décideraient de revenir sur leur anonymat. Il a par ailleurs recommandé que les mères reçoivent systématiquement une copie du procès verbal de remise afin de conserver une trace matérielle de l'existence de l'enfant remis aux fins d'adoption. Il a en outre appelé de ses voeux la création d'une instance nationale de médiation répondant au souhait formulé en 1983 par le Conseil supérieur de l'adoption et aux conclusions du rapport publié par le Conseil d'État en 1990. Il a précisé que cette structure administrative légère serait en relation étroite avec les services d'aide sociale à l'enfance pour lesquels elle constituerait une instance de recours. Enfin, il a indiqué que, contrairement à certains propos tenus à l'Assemblée nationale, l'enquête effectuée par la Fédération montrait que plus de 70 % des pupilles et anciens pupilles souhaitaient accéder à leurs origines.

M. Jacques Larché, président, a souligné l'importance des responsabilités incombant au législateur dans de telles matières et la nécessité d'une réflexion mesurée. Il a estimé que des priorités devaient être clairement dégagées et que l'adoption consistait à donner non seulement une famille à un enfant mais également un enfant à une famille.

Mme Nicole Borvo s'est interrogée sur l'articulation entre la création d'une instance nationale d'accès aux origines et le maintien de la faculté de demander le secret de l'accouchement.

M. Alain Vasselle a craint qu'un accès trop large aux origines mette en difficulté la famille adoptive dont l'équilibre ne devait être perturbé à aucun prix dans l'intérêt même de l'enfant.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis, a estimé que la généralisation de l'accès aux origines conduirait à doter l'enfant de deux familles au lieu d'une alors même que l'adoption plénière supprimait le lien de filiation d'origine.

M. Alain Gournac a considéré qu'il était important de ne pas mettre en difficulté la famille adoptive, raison pour laquelle le statut de l'enfant devait rester incontestable. Il a estimé qu'une généralisation de l'accès aux origines risquait de déstructurer tant la famille d'accueil que l'enfant adopté.

M. Jean Benet a fait valoir que l'intérêt de l'enfant était primordial et que la connaissance qu'il pourrait avoir de ses origines faciliterait son intégration dans sa famille d'accueil. Il a estimé qu'il n'était pas possible de laisser sans réponse un enfant adopté devenu majeur.

M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales, a considéré qu'il n'était pas cohérent de poser le principe de l'accouchement secret et d'établir ensuite des règles propres à le remettre en cause. Il a estimé qu'un compromis devait être trouvé entre la réponse à apporter à la souffrance de l'enfant abandonné et la préservation de la stabilité de la famille adoptive. Il a craint qu'un développement excessif de l'accès aux origines conduise à décourager les personnes susceptibles d'adopter des pupilles et n'aboutisse à maintenir ces enfants dans des structures d'État jusqu'à leur majorité.

**La commission a enfin entendu Mme Danielle Housset, présidente de la Fédération des associations départementales des foyers adoptifs « Enfance et familles d'adoption ».

Mme Danielle Housset a estimé que la proposition de loi prenait en compte l'intérêt de l'enfant et tirait les conséquences de la meilleure connaissance du développement de l'enfant et du renforcement de son autonomie juridique. Elle a toutefois considéré que seule l'expérience quotidienne pouvait véritablement éclairer la compréhension du sujet. Enfin, elle a souligné que l'adoption ne devait pas être la rencontre de deux souffrances mais la rencontre d'une souffrance, celle de l'enfant abandonné, avec une sérénité, celle de la famille adoptive.

Évoquant ensuite le rôle de l'agrément, elle a fait valoir l'importance de la recherche des meilleurs parents possible pour chaque enfant et insisté sur l'état d'esprit des candidats à l'adoption qui devaient avoir fait le deuil de leur stérilité, être prêts à accepter l'histoire de l'enfant, enfin, ne pas rechercher dans l'adoption la solution de tous leurs problèmes.

Mme Danielle Housset a estimé que si les enfants devaient pouvoir être accueillis par des parents jeunes, l'institution d'un écart d'âge maximum entre l'adoptant et l'adopté risquait d'avoir certains effets pervers, notamment en obligeant à des adoptions trop rapprochées au sein d'une même famille et en rendant plus difficile encore l'accueil des enfants dits « à particularités ».

Elle a par ailleurs considéré qu'il serait utile de créer un office national rassemblant les informations relatives aux parents candidats à l'adoption et aux enfants adoptables afin de favoriser les rapprochements hors du seul cadre départemental. Elle a toutefois précisé que cet organisme n'avait pas vocation à réunir ultérieurement les parents d'origine et les enfants adoptés.

Elle s'est réjouie que l'agrément acquière une portée nationale ; elle a toutefois souhaité qu'un seul agrément soit délivré pour adopter, en France comme à l'étranger. Elle a par ailleurs recommandé que l'agrément fasse l'objet d'un suivi annuel afin que les parents confirment l'existence de leur projet d'adoption et indiquent les modifications qu'ils souhaitaient y apporter. Enfin, elle a considéré que le prononcé de l'adoption devait être subordonné à l'agrément administratif, faute de quoi il n'y aurait pas de contrôle effectif de la qualité des parents. Elle a suggéré qu'une meilleure articulation puisse être trouvée entre la procédure administrative et la procédure judiciaire grâce au transfert au juge judiciaire du contentieux des décisions d'agrément.

Mme Danielle Housset a approuvé les dispositions proposées par M. Mattéi pour interdire aux parents d'un enfant de moins de deux ans qu'ils remettent aux fins d'adoption, de choisir les parents adoptifs. Elle a indiqué que d'autres techniques permettaient de répondre à certaines situations particulières, notamment la tutelle transformable en adoption après deux ans en Polynésie française ou encore la tutelle testamentaire lorsque les parents savaient qu'ils étaient atteints d'une maladie mortelle.

Elle a par ailleurs approuvé la substitution de la privation de l'autorité parentale à la déchéance de celle-ci. Elle a en outre suggéré que les enfants étrangers admis en qualité de pupilles bénéficient automatiquement de la nationalité française ; elle a indiqué que cette solution était particulièrement nécessaire lorsque l'enfant n'était pas ultérieurement adopté.

Elle a également estimé qu'un enfant remis une deuxième fois aux fins d'adoption ne devrait pas pouvoir faire l'objet d'une seconde rétractation.

S'agissant de l'adoption internationale, elle a considéré que les termes du rapport de M. Mattéi traduisaient très exactement son sentiment et qu'il n'était pas admissible de refuser de prononcer l'adoption d'enfants dont la loi nationale ignorait cette faculté alors même que les autorités du pays de naissance consentaient à la sortie de ces enfants de leur territoire aux fins d'adoption. Elle a indiqué que la première rédaction retenue par la proposition de loi était plus claire que le texte adopté par l'Assemblée nationale dans la mesure où il mettait l'accent sur la vérification du consentement éclairé des parents aux effets de l'adoption prononcée en France.

Mme Danielle Housset a souhaité que la France ratifie sans attendre la convention de La Haye afin de garantir une meilleure sécurité des adoptions internationales. Elle a par ailleurs suggéré que les sanctions applicables aux intermédiaires soient aggravées.

Évoquant l'adoption simple, elle a estimé que la substitution du qualificatif « complétive » était heureuse dans la mesure où elle valorisait cette forme d'adoption. Elle a suggéré que l'obligation alimentaire des enfants ayant fait l'objet d'une telle adoption soit alignée sur le droit commun.

S'agissant de l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, elle a recommandé que le texte actuel soit assoupli afin de permettre, dans l'intérêt de l'enfant, une adoption en cas de déchéance ou d'abandon comme en cas de décès.

Pour ce qui concerne l'accès aux origines, Mme Danielle Housset a tout d'abord précisé que son association exprimait le point de vue des familles, c'est-à-dire aussi bien des enfants adoptés que des parents adoptifs. Elle a approuvé le principe du choix des prénoms par la mère en cas d'accouchement secret, le recueil d'informations non identifiantes, la limitation à un an de l'âge en deçà duquel les parents qui remettent leur enfant aux fins d'adoption ont la faculté de demander l'anonymat. Elle a par ailleurs estimé choquant que l''instruction générale relative à l'état civil favorise l'établissement d'actes de naissance inexacts.

De manière générale, elle a souhaité que l'enfant adopté puisse connaître son histoire et recevoir des réponses aux questions qu'il se pose, lorsqu'il prend conscience de l'abandon dont il a été victime. À cet égard, elle a estimé que les parents adoptifs étaient les mieux à même d'apaiser ses inquiétudes en lui donnant au moment opportun des informations sur ses origines. Elle a considéré en conséquence indispensable que les services sociaux conservent des informations non nominatives sur les enfants qui leur sont confiés, et que les conditions d'accès au dossier de l'enfant soient clairement établies.

Elle a par ailleurs fait valoir que les parents devaient avoir toute latitude pour changer ou conserver les prénoms de l'enfant. Enfin, elle a souhaité que le contrôle exercé sur les enfants placés ne soit pas poursuivi une fois l'adoption prononcée, que celle-ci résulte d'un jugement français ou d'un jugement étranger. Elle a toutefois considéré que la faculté prévue par l'Assemblée nationale de demander aux services sociaux un suivi en cas de difficulté constituait une solution équilibrée susceptible de répondre aux besoins de certains parents.

Évoquant le volet social de la proposition de loi, Mme Danielle Housset a souhaité qu'en cas d'adoption, et quel que soit l'âge de l'enfant, les droits à congés soient les mêmes qu'en cas de naissance. Elle a également estimé que le versement des prestations sociales devait s'effectuer en considérant que l'adoption était assimilable à une naissance. Enfin, elle a craint qu'une discrimination ne soit introduite entre l'adoption nationale et l'adoption internationale, dans la mesure où celle-ci serait facilitée par l'octroi de prêts.

En réponse à M. Jacques Larché, président, qui l'interrogeait sur les démarches engagées par les familles adoptives pour connaître l'histoire de leur enfant, Mme Danielle Housset a évoqué plusieurs exemples montrant la diversité des comportements des services sociaux et la nécessité pour les parents de disposer d'informations suffisantes pour pouvoir apaiser les inquiétudes de leur enfant.

M. André Jourdain s'est inquiété des effets déstabilisants qu'un accès trop ouvert aux origines pourrait avoir sur les familles adoptives. Il a par ailleurs évoqué les risques de conflit entre les parents adoptifs et l'enfant qui souhaitait connaître son passé.

Mme Danielle Housset a estimé indispensable de faire comprendre aux familles engageant une démarche d'adoption que l'enfant avait un passé qu'elles ne pourraient effacer. Elle a souligné le rôle des associations à cet égard. Elle a par ailleurs précisé que l'enfant adopté n'avait pas deux familles mais un premier épisode qu'il devait à la fois accepter et dépasser, puis une famille. Enfin, elle a estimé que les informations ne sauraient avoir un caractère identifiant sauf si, une fois devenu adulte, l'enfant souhaitait connaître ses parents d'origine et sous réserve que ceux-ci aient accepté la levée du secret.

M. Bernard Seillier a insisté sur la nécessité de préparer les familles adoptives à la spécificité de leur situation. Il a par ailleurs souhaité qu'une différenciation nette soit introduite entre informations et identification, l'enfant ayant besoin, pour dépasser ses difficultés, de connaître les raisons de son abandon mais pas de pouvoir identifier ni rencontrer ses parents d'origine.

ANNEXE II

ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE

LES DOCUMENTS DE TRAVAIL DU SENAT

Série LÉGISLATION COMPARÉE

L'ADOPTION

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à l'intention des Sénateurs par la Division des études de législation comparée du Service des affaires européennes. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

n° LC 12 Février 1996

SÉNAT

SERVICE Le 7 février 1996

DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Division des Études de législation comparée

L'ADOPTION

Sommaire

SÉNAT

SERVICE DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Division des Études de législation comparée

L'ADOPTION

Le droit français de l'adoption, que la proposition de loi adoptée le 17 janvier 1996 par l'Assemblée nationale cherche à modifier, reste très marqué par la loi du 11 juillet 1966, même si des évolutions législatives sont intervenues ultérieurement.

Comme les législations de nos principaux voisins (Allemagne, Angleterre et Pays de Galles, Belgique, Espagne et Italie) sont toutes plus récentes que la nôtre, il a semblé intéressant de comparer certaines des dispositions de la proposition de loi aux dispositions étrangères équivalentes.

La proposition de loi tend à modifier non seulement le code civil mais également celui de la famille et de l'aide sociale, ainsi que ceux de la sécurité sociale et du travail. On a donc, en limitant le champ de l'étude à l'adoption des mineurs, retenu les cinq points suivants :

- les conditions relatives aux adoptants ;

- les droits de l'enfant dans la procédure ;

- la valeur, nationale ou non, de l'agrément donné aux candidats à l'adoption ;

- le secret des origines ;

- les prestations sociales liées à l'adoption.

I - C'est en Italie que les conditions relatives aux adoptants sont les moins souples.

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale vise à réduire l'âge minimal requis pour adopter ainsi que la durée minimale de mariage lorsque l'adoption est le fait d'un couple.

1) L'âge minimal requis est de 21 ans en Angleterre et au Pays de Galles et de 25 ans en Allemagne, en Belgique et en Espagne.

De plus, en Allemagne et en Espagne, lorsque l'adoption est réalisée par un couple, il suffit qu'un seul des deux conjoints ait 25 ans.

2) Aucune durée minimale de mariage n'est exigée dans ces quatre pays.

L'Espagne admet même qu'un couple non marié adopte un enfant.

3) Les dispositions italiennes sont plus strictes.

Seul un couple marié depuis au moins 3 ans peut adopter un enfant. La loi ne prescrit pas d'âge minimal, mais la différence d'âge entre l'adoptant et l'adopté doit être comprise entre 18 et 40 ans.

II - Les lois espagnole et italienne sont les plus explicites sur les droits de l'enfant.

La proposition de loi cherche à renforcer les droits de l'enfant en prévoyant sa consultation sur toute question relative à son placement ou à son adoption dès lors qu'il est capable de discernement.

1) À l'exception de la loi anglaise, toutes les lois requièrent le consentement explicite de l'enfant à partir d'un certain âge.

Cet âge est fixé à 12 ans en Espagne, à 14 ans en Allemagne et en Italie, et à 15 ans en Belgique.

En Angleterre et au Pays de Galles, la loi de 1976 sur l'adoption retient un critère pragmatique. Elle exige que les tribunaux décident de l'adoption dans le seul intérêt de l'enfant en prenant en considération « ses désirs et ses sentiments » compte tenu de « son âge et de sa compréhension » .Toutefois, le livre blanc sur la réforme de l'adoption prévoit le renforcement des droits de l'enfant, notamment par son consentement explicite à partir de l'âge de 12 ans.

2) Seules les lois espagnole et italienne prévoient l'audition des enfants trop jeunes pour donner leur consentement.

D'après le code civil espagnol, lorsqu'il a moins de 12 ans, l'enfant adopté doit être entendu par le juge à condition d'avoir « suffisamment de discernement ».

Le code civil italien oblige le juge à entendre l'enfant âgé de moins de 14 ans et de plus de 12 ans. En dessous de 12 ans, l'audition n'a lieu que si le tribunal le souhaite.

III - L'agrément donné aux candidats à l'adoption n'est pas toujours reconnu au plan national.

Pour faciliter les démarches entreprises par les candidats à l'adoption, la proposition de loi tend à donner une valeur nationale à l'agrément qui leur est accordé.

1) En Allemagne, en Espagne et en Italie, on peut considérer que l'agrément donné aux candidats a une valeur nationale.

En Allemagne, des organismes agréés, publics ou privés, sont chargés de sélectionner les candidats. À l'intérieur d'une filière donnée, il y transmission des dossiers. Ainsi, lorsqu'un candidat à l'adoption change de domicile, il n'a pas à recommencer l'intégralité de la procédure.

De même, en Espagne, où l'adoption relève de la compétence des communautés autonomes, les services sociaux des différentes communautés se transmettent les dossiers.

En Italie, un couple qui désire adopter un enfant doit déposer une demande écrite auprès d'un tribunal des mineurs. Il peut présenter plusieurs demandes à différents tribunaux, à condition que chaque tribunal en soit informé.

Les tribunaux, qui ont la possibilité de faire réaliser des enquêtes sur les couples candidats, échangent les renseignements dont ils disposent.

2) En Angleterre et au Pays de Galles ainsi qu'en Belgique, l'agrément des candidats à l'adoption n'a pas de valeur nationale.

En Angleterre et au Pays de Galles, la sélection des candidats à l'adoption est effectuée par des agences agréées. Or, la plupart des agences répugnent à prendre en compte les demandes de personnes qui sont déjà entrées en contact avec d'autres agences. Une personne qui s'adresse à une agence dont la couverture géographique est limitée doit donc reprendre l'intégralité des démarches après un changement de domicile.

En Belgique, la procédure d'agrément des candidats est réglementée différemment dans les trois communautés. En outre, à l'intérieur de chacune des trois communautés, chaque organisme d'adoption agréé établit ses propres critères de sélection.

IV - Sauf en Italie, la recherche des origines est facilitée par l'impossibilité de l'accouchement anonyme.

Tout en maintenant l'accouchement anonyme, la proposition de loi prévoit le recueil auprès de la mère d'éléments d'information « non identifiants », mais susceptibles de faciliter la recherche ultérieure des origines.

1) L'accouchement anonyme n'existe qu'en Italie.

Un dossier médical comportant des renseignements médicaux sur la mère et sur l'enfant est alors constitué. Seul le médecin traitant peut y avoir accès. Même devenu majeur, l'enfant adopté ne peut en avoir connaissance.

Dans les autres pays, l'accouchement anonyme est impossible. En Belgique, une proposition de loi tendant à l'introduire a été déposée à la Chambre des représentants en 1982. Discutée par la commission compétente, elle n'a pas été retenue.

2) L'information sur les origines est très diversement assurée.

a) En Allemagne, la Cour constitutionnelle garantit à chacun le droit de connaître sa propre filiation.

À partir de 16 ans, l'enfant adopté peut consulter les registres d'état civil le renseignant sur sa filiation d'origine.

b) En Angleterre et au Pays de Galles, la loi a organisé la communication des informations sur les origines.

Une copie de tous les jugements d'adoption est adressée au greffe central de l'état civil qui tient le « registre des adoptions ». Or, le greffe central a l'obligation de fournir à toute personne de plus de 18 ans les renseignements lui permettant d'obtenir une copie de son acte de naissance, lequel mentionne les noms et adresse(s) des parents au moment de la naissance.

En outre, depuis 1989, il existe un « registre des contacts » qui permet aux parents naturels et aux enfants adoptés devenus majeurs de demander les informations dont ils ont besoin pour prendre contact. L'information n'est fournie que si les deux parties sont d'accord.

c) En Belgique, en Espagne et dans une moindre mesure en Italie, les mentions portées en marge de l'acte de naissance garantissent une certaine transparence.

Dans chacun de ces trois pays, l'adoption est mentionnée dans l'acte de naissance. Or, ce dernier révèle nécessairement l'identité de la mère, sauf en Italie en cas d'accouchement anonyme.

Comme les actes d'état civil et les mentions marginales font respectivement en Belgique et en Espagne l'objet d'une publicité restreinte, le secret des origines est garanti à l'égard des tiers, mais pas de l'adopté.

En Italie, les copies des actes d'état civil des adoptés doivent être délivrées avec la seule indication du nouveau nom, sans la moindre mention relative à l'adoption. Il faut une autorisation expresse du tribunal pour que l'officier d'état civil communique les mentions marginales concernant l'adoption.

V - L'arrivée d'un enfant adopté ouvre droit à des prestations sociales spécifiques dans tous les pays sauf en Angleterre et au Pays de Galles.

La proposition vise à étendre aux familles adoptantes le bénéfice des prestations et des congés accordés actuellement au moment de la naissance d'un enfant ou en raison de la présence de très jeunes enfants au foyer.

1) L'Allemagne, la Belgique, l'Espagne et l'Italie assimilent plus ou moins adoption et naissance.

En Allemagne, la législation sur le congé parental d'éducation prend en compte le cas particulier des enfants adoptés. L'enfant adopté n'étant pas nécessairement un nourrisson, le congé peut être pris jusqu'à ce que l'enfant ait 8 ans, au lieu de 4 ans dans le cas d'un enfant non adopté.

En Belgique, les parents adoptifs reçoivent une prime d'adoption lors de l'arrivée de l'enfant. Le montant de cette prime est le même que celui de l'allocation versée pour la naissance d'un premier enfant. En outre, les agents de l'État ont droit à un congé rémunéré de 4 ou 6 semaines selon que l'enfant adopté a plus ou moins de 3 ans.

En Espagne et en Italie, l'arrivée d'un enfant adopté ouvre doit à un congé comparable au congé de maternité.

2) En Angleterre et au Pays de Galles, l'arrivée d'un enfant adopté ne s'accompagne d'aucune prestation spécifique.

Les organismes de protection sociale ne fournissent aucune aide particulière lors de l'arrivée d'un enfant adopté. En revanche, les agences d'adoption accordent parfois des aides financières aux adoptants.

L'ADOPTION

ALLEMAGNE

La loi du 2 juillet 1976 sur l'adoption (document n° l) a profondément modifié le code civil et distingué l'adoption des mineurs de celle des majeurs. La première constitue l'adoption plénière et la seconde s'apparente à l'adoption simple.

En outre, l'adoption résulte désormais d'une décision judiciaire, et non d'un contrat.

I - LES CONDITIONS RELATIVES AUX ADOPTANTS

1) L'âge minimum

Il est de 25 ans, mais est réduit à 21 ans pour toute personne qui veut adopter son enfant naturel ou l'enfant de son conjoint.

Dans le cas d'un couple marié, il suffit que l'un des époux ait au moins 25 ans et l'autre au moins 21 ans.

2) La différence d'âge avec l'adopté

La loi ne pose aucune condition.

3) L'état civil

Seuls un célibataire ou un couple marié peuvent adopter un enfant. Dans le second cas, aucune durée de mariage minimale n'est exigée. Un célibataire ne peut, hormis l'hypothèse de l'adoption de son propre enfant, adopter un enfant qu'à titre tout à fait exceptionnel. L'adoption par un seul conjoint est également exceptionnelle : la loi énumère limitativement les cas dans lesquels elle est possible (adoption de l'enfant naturel du conjoint, conjoint incapable...).

II - LES DROITS DE L'ENFANT

Le code civil donne explicitement la priorité à l'intérêt de l'enfant. L'adoption nécessite donc le consentement de l'enfant. Cependant, si celui-ci n'a pas 14 ans, seul le représentant légal peut exprimer le consentement de l'enfant.

Au-delà de 14 ans, l'enfant exprime seul son consentement, mais il a besoin de l'accord de son représentant légal.

III - L'AGRÉMENT DES CANDIDATS À L'ADOPTION

Sauf lorsque l'adopté est un parent de l'adoptant, la loi du 2 juillet 1976, modifiée en 1989, sur la médiation en matière d'adoption (document n° 2) rend obligatoire l'intervention :

- de l'office local de protection de la jeunesse, à condition qu'il ait mis en place un bureau compétent ;

- ou d'un organisme agréé pour l'adoption. La loi énumère trois oeuvres agréées au niveau fédéral : l'Assistance sociale aux travailleurs, ainsi que Caritas et Diacona, qui sont confessionnelles. Cette liste n'est pas limitative : tout autre organisme ou oeuvre privée peut jouer ce rôle d'entremise, à condition d'être reconnu par l'autorité administrative compétente. Ces habilitations permettent de vérifier qu'il y a, au sein de chaque oeuvre, des spécialistes (psychologues, éducateurs...) susceptibles de garantir la qualité de chacune des adoptions.

Le choix des parents adoptifs s'effectue en deux temps. L'organisme de médiation vérifie successivement :

- l'aptitude générale à adopter un enfant,

- l'aptitude à adopter un enfant nommément désigné.

La première phase peut être assimilée à la procédure d'agrément. Au cas où la personne qui souhaite adopter un enfant déménage, la procédure n'a pas à être recommencée car les offices locaux de protection de la jeunesse se transmettent les dossiers. Il en va de même pour les bureaux locaux des oeuvres agréées.

IV - LE SECRET DES ORIGINES

1) L'accouchement anonyme

Il n'existe aucune procédure comparable à l'accouchement sous « x ». Le code civil établit automatiquement un lien entre la maternité et la naissance.

D'ailleurs, « l'adoption en blanc », réclamée à plusieurs reprises pour protéger les mères qui ne veulent en aucun cas garder leur enfant, est implicitement exclue par le code civil. En effet, à l'article 1747-3, il précise que le consentement des parents (ou de la mère) à l'adoption est valable même quand celui qui le donne ne connaît pas les adoptants, qui doivent être déjà désignés. Or, le terme « adoptants déjà désignés » interdit précisément l'adoption en blanc.

2) Les informations sur les origines

La Cour constitutionnelle a, dans une décision de janvier 1989, consenti à l'enfant un droit constitutionnellement protégé à connaître sa propre filiation. Ce droit émane du droit, au « libre développement de sa personnalité » que la Loi fondamentale reconnaît à chacun. Selon la Cour constitutionnelle, la seule limite au droit de l'enfant à connaître sa filiation est constituée par la protection que l'article 6 de la Loi fondamentale garantit à la famille et au mariage. L'enfant adopté ne peut donc pas se prévaloir de ce droit si sa demande risque de mettre en péril l'unité de sa famille adoptive ou d'un autre couple.

Cependant, le secret des origines à l'égard des tiers est maintenu. En effet, l'article 1748 du code civil interdit la divulgation et la recherche de « faits susceptibles de dévoiler l'adoption et ses circonstances » sans le consentement de l'adoptant ou de l'enfant, à moins que des raisons particulières d'intérêt public ne l'exigent.

La loi sur l'état civil prévoit que seuls l'administration, les adoptants, les représentants légaux de l'enfant et l'enfant lui-même, s'il a plus de 16 ans, puissent consulter les registres d'état civil ou en obtenir un extrait. En effet, l'adoption fait l'objet d'une mention sur l'acte de naissance de l'adopté et sur le livret de famille de l'adoptant.

V - LES PRESTATIONS SOCIALES LIÉES À L'ADOPTION

Les personnes qui adoptent un enfant peuvent bénéficier du congé parental d'éducation d'une durée de trois ans. Pour tenir compte du fait que l'enfant adopté n'est pas nécessairement un nourrisson, le congé peut être pris jusqu'à ce que l'enfant ait 8 ans (au lieu de 4 ans dans le cas d'un enfant non adopté).

Les bénéficiaires du congé parental touchent l'allocation correspondante.

L'ADOPTION

ANGLETERRE ET PA YS DE GALLES ( ( * )1)

La loi de 1976 sur l'adoption (document n° 3) a « consolidé » la législation antérieure, auparavant contenue dans plusieurs textes, parmi lesquels la loi de 1975 sur les enfants.

Il n'existe qu'un type d'adoption, que l'on peut assimiler à l'adoption plénière. Seule l'adoption des mineurs est possible. La procédure se termine par un jugement d'adoption.

La législation devrait être modifiée prochainement. En effet, le gouvernement a déposé devant le Parlement en novembre 1993 un livre blanc dans lequel il présentait les dispositions susceptibles d'être amendées.

I - LES CONDITIONS RELATIVES AUX ADOPTANTS

1) L'âge minimum

Il est de 21 ans, mais est réduit à 18 ans pour toute personne qui veut adopter l'enfant de son conjoint, à condition que ce dernier ait au moins 21 ans.

2) La différence d'âge avec l'adopté

La loi ne pose aucune exigence.

3) L'état civil

Seuls un célibataire ou un couple marié peuvent adopter un enfant. Toutefois, un homme seul ne peut adopter un enfant de sexe féminin.

Dans le cas d'un couple marié, aucune durée minimale de mariage n'est exigée, mais, dans la pratique, il est rare que des couples mariés depuis moins de deux ou trois ans puissent adopter un enfant.

Le livre blanc ne prévoit aucune modification dans ce domaine. Au contraire, il insiste sur le fait que les adoptants devraient en priorité être choisis parmi les couples mariés.

II - LES DROITS DE L'ENFANT

La loi anglaise donne explicitement la priorité à l'intérêt de l'enfant, « tout au long de l'enfance », mais elle ne requiert pas son consentement exprès à partir d'un certain âge.

L'article 6 de la loi de 1976 exige que les tribunaux décident de l'adoption dans le seul intérêt de l'enfant, en prenant en considération, dans la mesure du possible, « ses désirs et ses sentiments », compte tenu de « son âge et de sa compréhension ». En pratique, les tribunaux n'imposent jamais l'adoption à un enfant qui a atteint l'âge de raison et qui y serait opposé.

Le livre blanc propose le renforcement des droits de l'enfant :

- par la prise en compte de ses intérêts, y compris à son entrée dans l'âge adulte,

- par son consentement explicite à l'adoption à partir de l'âge de 12 ans.

III - L'AGRÉMENT DES CANDIDATS À L'ADOPTION

En dehors du cas où l'adoptant est un membre de la famille de l'adopté, la loi de 1976 rend obligatoire l'entremise d'une agence d'adoption agréée. Les infractions à cette règle sont passibles de sanctions pénales.

C'est le ministère compétent qui agrée les agences pour une durée limitée, au-delà de laquelle la demande doit être renouvelée.

Une personne qui souhaite adopter un enfant doit donc s'adresser à une agence. Il peut s'agir d'une agence dite volontaire, c'est-à-dire d'un organisme caritatif, ou d'une agence relevant d'une collectivité locale.

En effet, la loi de 1976 oblige les collectivités locales à mettre en place des services chargés de répondre aux besoins :

- des enfants qui ont été adoptés ou qui pourraient l'être ;

- de leurs parents ou de leurs tuteurs ;

- des personnes qui ont adopté des enfants ou qui souhaiteraient le faire.

Les agences locales ont une couverture géographique limitée, qui correspond à la circonscription des collectivités qui les ont créées. Les agences volontaires couvrent un secteur géographique plus large qui est régional, voire national.

Les futurs adoptants s'adressent donc soit à l'agence locale de leur domicile, soit à une agence volontaire. L'agence mène une enquête, organise des réunions de préparation avec ses travailleurs sociaux... Compte tenu de l'importance de la préparation, la plupart des agences répugnent à prendre en compte les demandes de personnes qui sont déjà entrées en contact avec une autre agence. L'agrément des candidats à l'adoption n'est donc en général valable que pour une agence.

IV - LE SECRET DES ORIGINES

1) L'accouchement anonyme

Il n'existe pas. Toute femme qui est hospitalisée pour un accouchement doit décliner son identité. Toute naissance doit être enregistrée.

Les nom et adresse de la mère figurent obligatoirement sur l'acte de naissance. Ceux du père n'y figurent obligatoirement qu'en cas de naissance légitime.

2) Les informations sur les origines

Dans les huit jours qui suivent le jugement d'adoption, le greffier du tribunal doit en envoyer une copie au greffe central de l'état civil qui tient un registre central des adoptions.

À moins d'y être autorisé par une décision de justice, personne ne peut consulter le registre des adoptions. Cependant, depuis 1975, la loi oblige le greffe central à fournir à toute personne âgée de plus de 18 ans qui a fait l'objet d'une adoption, les renseignements nécessaires pour lui permettre d'obtenir une copie de son acte de naissance, qui mentionne en principe les noms des parents et leur(s) adresse(s) au moment de la naissance.

Si une personne adoptée âgée de moins de 18 ans souhaite se marier, le greffe central doit lui indiquer si les recherches faites dans les registres de l'état civil établissent l'existence entre elle et son futur conjoint d'un lien de parenté prohibé pour contracter un mariage.

En outre, le bureau des recensements tient, depuis 1989, un registre dit des contacts qui permet aux parents biologiques et aux enfants adoptés qui ont atteint leur majorité de demander les informations dont ils ont besoin pour prendre contact les uns avec les autres. L'information n'est fournie que si chacune des deux parties est d'accord.

Le livre blanc propose que ce registre contienne explicitement la mention relative au souhait d'une des deux parties de ne pas être contactée.

Le livre blanc propose également que :

- des informations médicales connues seulement après l'adoption puissent être fournies confidentiellement au médecin généraliste qui s'occupe d'un enfant adopté ainsi qu'à ses parents adoptifs ;

- les agences se voient confier la mission de préparer un dossier contenant les antécédents médicaux et l'histoire de la famille biologique des enfants adoptés. Ce dossier serait naturellement destiné aux familles adoptives.

V - LES PRESTATIONS SOCIALES LIÉES À L'ADOPTION

L'adoption n'est pas assimilée à la naissance. La famille adoptive ne perçoit aucune prestation à l'arrivée de l'enfant.

L'ADOPTION

BELGIQUE

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 21 mars 1969, plusieurs fois modifiée depuis lors, notamment par la loi du 27 avril 1987 (document n° 4), il existe deux formes d'adoption : « l'adoption » qui correspond à l'adoption simple, et « l'adoption plénière ».

De façon générale, l'adoption constitue un contrat entre l'adoptant et l'adopté, ou une personne qui le représente, si ce dernier a moins de 15 ans. La convention d'adoption est soumise pour homologation au tribunal.

I - LES CONDITIONS RELATIVES AUX ADOPTANTS

1) L'âge minimum

Il est de 25 ans, mais est réduit à 18 ans, âge de la majorité, en cas d'adoption de l'enfant du conjoint.

2) La différence d'âge avec l'adopté

Elle doit être d'au moins 15 ans, mais peut être réduite à 10 ans en cas d'adoption de l'enfant du conjoint.

3) L'état civil

Seuls un célibataire ou un couple marié peuvent adopter un enfant. Dans le second cas, aucune durée minimale de mariage n'est exigée.

II - LES DROITS DE L'ENFANT

L'adoption étant un contrat, le consentement de l'adopté est requis. Toutefois, si celui-ci n'a pas encore atteint l'âge de 15 ans, le consentement émane du représentant légal de l'enfant.

III - L'AGRÉMENT DES CANDIDATS À L'ADOPTION

Il existe 2 filières pour l'adoption : la filière libre qui échappe à toute réglementation, et la filière officielle, qui n'est donc pas obligatoire et qui est réglementée différemment dans chacune des trois communautés.

Dans le cadre de la filière officielle, chaque candidat fait l'objet d'une enquête de la part des organismes d'adoption agréés ; chacun de ces organismes établit sa propre procédure et ses propres critères de sélection.

IV - LE SECRET DES ORIGINES

1) L'accouchement anonyme

Il n'est pas possible. Aux termes de l'article 57-2 du code civil, l'acte de naissance précise nécessairement l'identité de la mère : « l'année, le jour et le lieu de la naissance, le nom, les prénoms et le domicile de la mère et du père, si la filiation paternelle est établie » doivent y figurer.

2) Les informations sur les origines

Le jugement qui homologue l'adoption indique les identités complètes de l'adoptant et de l'adopté. Il doit être mentionné en marge de l'acte de naissance de l'adopté. Or, ce dernier révèle l'identité de la mère.

Par ailleurs, une copie de l'acte d'état civil mentionnant la filiation ne peut être délivrée qu'à l'intéressée ou à toute personne « justifiant d'un intérêt familial, scientifique ou de tout autre intérêt légitime ».

Dans ces conditions, les parents adoptifs et l'adopté peuvent découvrir l'identité de la famille d'origine dans l'acte de naissance de l'adopté.

Avant l'adoption des lois de 1987 sur l'adoption et sur la filiation, plusieurs voix se sont élevées en faveur du secret des origines. Ainsi, le rapport de la Commission nationale des problèmes éthiques en 1977 prônait une plus grande discrétion autour de l'adoption, afin de la substituer à l'avortement. Il proposait notamment la rédaction d'un second acte de naissance fictif n'indiquant pas l'adoption et mentionnant seulement l'identité des parents adoptifs. Le nouvel acte de naissance aurait remplacé l'acte de naissance original qui aurait porté en marge la mention « non communicable ». Ces propositions, reprises dans un projet de loi, ne furent finalement pas retenues par le législateur.

En 1982, un député déposa à la Chambre une proposition de loi dont l'économie générale consistait à « permettre à une femme qui ne souhaite pas éduquer elle-même son enfant de lui donner naissance dans la plus grande discrétion, tout en cherchant un foyer d'accueil pour l'enfant ». Discutée par la commission de la justice, cette proposition ne fut pas retenue.

V - LES PRESTATIONS SOCIALES LIÉES À L'ADOPTION

Les caisses de compensation pour allocations familiales accordent une prime d'adoption de 18.331 francs belges (c'est-à-dire environ 3.050 F) pour chaque enfant adopté. Le montant de cette prime correspond à celui de l'allocation de naissance versée pour le premier enfant.

En outre, les agents de l'État, fonctionnaires ou non, peuvent bénéficier d'un congé d'accueil lorsqu'ils adoptent un enfant de moins de 10 ans. La durée de ce congé est de six ou quatre semaines, selon que l'enfant a moins ou plus de 3 ans.

Le bénéficiaire conserve son salaire pendant toute la durée du congé.

L'ADOPTION

ESPAGNE

Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique 21/1987 du 11 novembre 1987, l'adoption « simple », qui s'opposait à l'adoption plénière a disparu. Il n'y a plus qu'une seule forme d'adoption, équivalente à l'ancienne adoption plénière.

Les articles 175 à 180 du code civil (document n° 5) contiennent les dispositions du droit commun relatives à l'adoption. Certains droits régionaux comportent des dispositions dérogatoires. Toutefois, leur nombre et leur portée sont assez restreints et ne justifient pas de développement particulier.

I - LES CONDITIONS RELATIVES AUX ADOPTANTS

1) L'âge minimum

Il est de 25 ans. En cas d'adoption par deux conjoints, il suffit que l'un d'entre eux ait atteint cet âge.

2) La différence d'âge avec l'adopté

Elle doit être d'au moins 14 ans.

3) L'état civil

La loi ne pose aucune exigence : les célibataires et les couples, mariés ou non, peuvent adopter un enfant.

II - LES DROITS DE L'ENFANT

Lorsqu'il a plus de 12 ans, l'adopté doit consentir personnellement à son adoption.

Lorsqu'il a moins de 12 ans, l'adopté doit être entendu par le juge, à condition d'avoir « suffisamment de discernement ».

III - L'AGRÉMENT DES CANDIDATS À L'ADOPTION

Les questions relatives à l'enfant ont été transférées aux communautés autonomes. Par ailleurs, en cas de défaillance parentale, la loi de 1987 a créé une tutelle automatique de l'administration publique. Il existe donc dans chaque communauté un organisme administratif compétent pour toutes les questions relatives à l'adoption. Il s'agit le plus souvent de la direction générale des services de l'aide sociale.

Plusieurs communautés autonomes ont même développé leur propre législation relative à l'adoption sur la base de la loi nationale de 1987.

L'agrément des candidats à l'adoption constitue donc une compétence des communautés autonomes, sans valeur nationale.

Cependant, les services compétents des communautés autonomes se communiquent les dossiers, ce qui évite aux candidats à l'adoption de recommencer les formalités en cas de déménagement.

IV - LE SECRET DES ORIGINES

1) L'accouchement anonyme

La loi sur la santé publique prévoit le droit de chaque malade à l'intimité et à la confidentialité des informations relatives à sa maladie et à son séjour dans les institutions sanitaires. La femme qui va accoucher peut se prévaloir de ces dispositions.

Son anonymat n'est que provisoirement préservé car, au moment de l'enregistrement de l'enfant à l'état civil, le nom de la mère doit être déclaré ( ( * )1) .

2) Les informations sur les origines

La décision judiciaire constitutive de l'adoption fait l'objet d'une mention marginale sur l'acte de naissance. Cette inscription mentionne l'identité du ou des adoptants et spécifie les modifications de nom consécutives à l'adoption.

Ces renseignements marginaux sont soumis à un régime de publicité restreinte : les employés de l'état civil ne peuvent donner aucune information révélant l'origine de l'adopté, ou sa qualité de personne adoptée, sans autorisation spéciale du juge.

Toutefois, les parents adoptifs et la personne adoptée devenue majeure peuvent obtenir ces informations sans autorisation spéciale.

V - LES PRESTATIONS SOCIALES LIÉES À L'ADOPTION

Depuis 1992, les personnes qui adoptent un enfant de moins de cinq ans ont la possibilité de bénéficier, au moment de l'arrivée de l'enfant de la famille, d'un congé de six ou de huit semaines selon que l'enfant a plus ou moins de 9 mois.

Lorsque l'adoption est réalisée par un couple, un seul des deux parents adoptifs peut bénéficier du congé.

Pendant toute la durée du congé, des indemnités journalières sont versées. Elles sont identiques aux indemnités journalières dont bénéficient les femmes en congé de maternité, soit 100 % du salaire de référence.

L'ADOPTION

ITALIE

La loi du 4 mai 1983 réglementant l'adoption et le placement des mineurs (document n° 6) a profondément modifié le régime de l'adoption en distinguant « l'adoption des majeurs » et « l'adoption des mineurs ».

Deux régimes différents sont prévus pour l'adoption des mineurs : l'un pour les mineurs abandonnés, l'autre pour quelques cas particuliers limitativement énumérés, et qui concernent notamment les adoptions de membres de la famille. Seul le premier régime est examiné ici.

Les dispositions applicables à l'adoption des mineurs ne sont pas encore incorporées au code civil.

I - LES CONDITIONS RELATIVES AUX ADOPTANTS

1) L'âge minimum

Il n'y a pas d'âge minimum. La différence d'âge entre l'adoptant et adopté doit être comprise entre 18 et 40 ans.

2) La différence d'âge avec l'adopté

Elle doit être d'au moins 18 ans et ne pas dépasser 40 ans.

3) L'état civil

Seuls deux époux mariés depuis au moins trois ans et non séparés peuvent présenter une demande d'adoption.

II - LES DROITS DE L'ENFANT

À partir de 14 ans, l'enfant doit consentir personnellement à son adoption. À partir de 12 ans, il doit être entendu par le tribunal. L'enfant de moins de 12 ans peut être entendu si le tribunal le souhaite et si son audition ne risque pas de lui nuire.

III - L'AGRÉMENT DES CANDIDATS À L'ADOPTION

La procédure d'agrément est prévue par la loi de 1983. Un couple qui désire adopter un enfant ou plusieurs frères et soeurs doit adresser une demande écrite au tribunal des mineurs. Un même couple peut présenter successivement plusieurs demandes à différents tribunaux des mineurs, à condition que chaque tribunal concerné en soit informé.

Les tribunaux échangent les renseignements dont ils disposent sur les candidats à l'adoption. Ils ont en effet la possibilité de réaliser les enquêtes qu'ils estiment opportunes pour choisir le couple qui répond le mieux aux besoins de l'enfant à adopter, la loi exigeant que les adoptants soient aptes à « éduquer, instruire et entretenir » les enfants qu'ils ont l'intention d'adopter.

La demande est caduque au bout de deux ans, mais elle peut être renouvelée.

IV - LE SECRET DES ORIGINES

1) L'accouchement anonyme

L'article 250 du code civil accorde à la femme la possibilité de ne pas reconnaître son enfant. Pour cela, elle doit demander à l'hôpital de préserver son anonymat lors de l'accouchement.

Dans ce cas, un dossier médical comportant des renseignements médicaux sur la mère et l'enfant est constitué. Seul le médecin traitant de l'enfant peut y avoir accès sur autorisation du tuteur de l'enfant.

2) Les informations sur les origines

La loi de 1983 sur l'adoption garantit le secret des origines sauf si l'autorité judiciaire donne une autorisation expresse.

En effet, la décision d'adoption, une fois prise par le tribunal, est communiquée aux services de l'état civil pour être mentionnée en marge de l'acte de naissance. Or, les copies des actes d'état civil de l'adopté doivent être délivrées avec la seule indication de son nouveau nom, sans mention de la paternité ou de la maternité d'origine ni de l'annotation relative à l'adoption. Toutefois, si l'officier d'état civil a une autorisation expresse du tribunal, il peut communiquer ces renseignements.

Par ailleurs, la loi de 1983 prévoit des sanctions à l'égard des personnes qui dévoileraient des renseignements relatifs à la filiation naturelle des enfants adoptés (amende de 900 000 lires, ce qui correspond à environ 2.700 F, réclusion d'une durée de six mois à trois ans si les renseignements sont fournis par un employé du service public).

La loi ne prévoit pas que l'enfant né à la suite d'un accouchement anonyme et devenu majeur ait accès à son dossier médical.

V - LES PRESTATIONS SOCIALES LIÉES À L'ADOPTION

En cas d'adoption, les droits sont les mêmes qu'à l'occasion d'une naissance : l'un des deux parents a droit à un congé de trois mois à partir de l'arrivée de l'enfant dans la famille.

Il peut ensuite prendre, éventuellement sous forme fractionnée, un congé de six mois avant la fin de la première année de présence de l'enfant adopté dans la famille.

L'ADOPTION

LISTE DES TEXTES ANALYSES

Document n° 1 Allemagne - Articles 1741 à 1772 du code civil sur l'adoption (langue originale)

Document n° 2 Allemagne - Loi du 2 juillet 1976 modifiée sur la médiation en matière d'adoption (langue originale)

Document n° 3 Angleterre et Pays de Galles - Adoption Act de 1976 (langue originale)

Document n° 4 Belgique - Loi du 21 mars 1969, modifiée par la loi du 27 avril 1987, sur l'adoption

Document n° 5 Espagne - Articles 175 à 180 du code civil sur l'adoption (langue originale)

Document n° 6 Italie - Loi n° 184 du 4 mai 1983 sur l'adoption et le placement des mineurs (langue originale)

ANNEXE III

CONVENTION SUR LA PROTECTION DES ENFANTS ET DE LA COOPÉRATION EN MATIÈRE D'ADOPTION INTERNATIONALE

Acte final de la dix-septième session La Haye, le 29 mai 1993.

Les soussignés, Délégués des gouvernements de l'Allemagne, de l'Argentine, de l'Australie, de l'Autriche, de la Belgique, du Canada, du Chili, de la Chine, de Chypre, du Danemark, de l'Égypte, de l'Espagne, des États Unis d'Amérique, de la Finlande, de la France, de la Grèce, de la Hongrie, de l'Irlande, d'Israël, de l'Italie, du Japon, du Luxembourg, du Mexique, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Pologne, du Portugal, de la Roumanie, du Royaume Unie de Grande Bretagne et de l'Irlande du nord, de la Slovénie, de la Suède, de la Suisse, de la République Tchèque, de la Turquie, de l'Uruguay et du Venezuela, États membres, ainsi que les Délégués des gouvernements d'Albanie, du Bélarus, du Bénin, de la Bolivie, du Brésil, de la Bulgarie, du Burkina Faso, de la Colombie, de la République de Corée, du Costa-Rica, d'El Salvador, de l'Équateur, d'Haïti, du Honduras, de l'Inde, de l'Indonésie, du Kenya, du Liban, de Madagascar, de Maurice, du Népal, du Panama, du Pérou, des Philippines, de la Fédération de Russie, du Saint-Siège, du Sénégal, du Sri Lanka, de la Thaïlande et du Viêt-Nam, participant à titre d'invités se sont réunis à La Haye le 10 mai 1993, sur invitation du gouvernement des Pays-Bas, en Dix-septième session de la Conférence de La Haye de droit international privé.

À la suite des délibérations consignées dans les procès-verbaux, ils sont convenus de soumettre à l'appréciation de leurs Gouvernements :

À Le Projet de Convention suivant :

CONVENTION SUR LA PROTECTION DES ENFANTS ET DE LA COOPÉRATION EN MATIÈRE D'ADOPTION INTERNATIONALE

Les États signataires de la présente Convention,

Reconnaissant que, pour l'épanouissement harmonieux de sa personnalité, l'enfant doit grandir dans un milieu familial, dans un climat de bonheur, d'amour et de compréhension,

Rappelant que chaque État devrait prendre, par priorité, des mesures appropriées pour permettre le maintien de l'enfant dans sa famille d'origine.

Reconnaissant que l'adoption internationale peut présenter l'avantage de donner une famille permanente à un enfant pour lequel une famille appropriée ne peut être trouvée dans son État d'origine.

Convaincus de la nécessité de prévoir des mesures pour garantir que les adoptions internationales aient lieu dans l'intérêt supérieur de l'enfant et le respect de ses droits fondamentaux, ainsi que pour prévenir l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants.

Désirant établir à cet effet des dispositions communes qui tiennent compte des principes reconnus par les instruments internationaux, notamment par la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant du novembre 1989, et par la Déclaration des Nations Unies sur les principes sociaux et juridiques applicables à la protection et au bien-être des enfants, envisagés surtout sous l'angle des pratiques en matière d'adoption et de placement familial sur les plans national et international (Résolution de l'Assemblée générale 41/85, du 3 décembre 1986).

Sont convenus des dispositions suivantes :

CHAPITRE I - CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION

Article premier

La présente Convention a pour objet :

a)- d'établir des garanties pour que les adoptions internationales aient lieu dans l'intérêt supérieur de l'enfant et dans le respect de ses droits fondamentaux qui lui sont reconnus en droit international ;

b)- d'instaurer un système de coopération entre les États contractants pour assurer le respect de ces garanties et prévenir ainsi l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants ;

c)- d'assurer la reconnaissance dans les États contractants des adoptions réalisées selon la Convention.

Article 2

1 - La Convention s'applique lorsqu'un enfant résidant habituellement dans un État contractant (" l'État d'origine ") a été, est ou doit être déplacé vers un autre État contractant (" l'État d'accueil "), soit après adoption dans l'État d'origine par des époux ou une personne résidant habituellement dans l'État d'accueil, soit en vue d'une telle adoption dans l'État d'accueil ou dans l'État d'origine.

2 - La Convention ne vise que les adoptions établissant un lien de filiation.

Article 3

La Convention cesse de s'appliquer si les acceptations visées à l'Article 17, lettre c, n'ont pas été données avant que l'enfant n'ait atteint l'âge de dix-huit ans

CHAPITRE II - CONDITIONS DES ADOPTIONS INTERNATIONALES

Article 4

Les adoptions visées par la Convention ne peuvent avoir lieu que si les autorités compétentes de l'État d'origine :

a)- ont établi que l'enfant est adoptable ;

b)- ont constaté, après avoir dûment examiné les possibilités de placement de l'enfant dans son État d'origine, qu'une adoption internationale répond à l'intérêt supérieur de l'enfant ;

c)- se sont assurées :

1)- que les personnes, institutions et autorités dont le consentement est requis pour l'adoption, ont été entourées des conseils nécessaires et dûment informées sur les conséquences de leur consentement, en particulier sur le maintient ou la rupture, en raison d'une adoption des liens de droit entre l'enfant et sa famille d'origine ;

2)- que celles-ci ont donné librement leur consentement dans les formes légales requises, et que ce consentement a été donné ou constaté par écrit ;

3)-- que les consentements n'ont pas été obtenus moyennant paiement ou contrepartie d'aucune sorte et qu'ils n'ont pas été retirés, et

4)- que le consentement de la mère, s'il est requis, n'a été donné qu'après la naissance de l'enfant ; et

d)- se sont assurées, eu égard à l'âge et à la maturité de l'enfant :

1)- que celui-ci a été entouré de conseils et dûment informé sur les conséquences de l'adoption et de son consentement à l'adoption, si celui-ci est requis ;

2) - que les souhaits et avis de l'enfant ont été pris en considération,

3) - que le consentement de l'enfant à l'adoption, lorsqu'il est requis, a été donné librement dans les formes légales requises et que son consentement a été donné et constaté par écrit, et

4)- que ce consentement n'a pas été obtenu moyennant paiement ou contrepartie d'aucune sorte.

Article 5

Les adoptions visées par la Convention ne peuvent avoir lieu que si les autorités compétentes de l'État d'accueil :

a)- ont constaté que les futurs parents adoptifs sont qualifiés et aptes à adopter ;

b)- se sont assurées que les futurs parents adoptifs ont été entourés des conseils nécessaires ; et

c)- que l'enfant est ou sera autorisé à entrer et à séjourner de façon permanente dans cet État.

CHAPITRE III - AUTORITÉS CENTRALES ET ORGANISMES AGRÉES

Article 6

1. Chaque État contractant désigne une Autorité centrale chargée de satisfaire aux obligations qui lui sont imposées par la Convention.

2. Un État fédéral, un État dans lequel plusieurs systèmes de droit sont en vigueur ou un État ayant des unités territoriales autonomes est libre de désigner plus d'une Autorité centrale et de spécifier l'étendue territoriale ou personnelle de leurs fonctions. L'État qui fait usage de cette faculté désigne l'Autorité centrale à laquelle toute communication peut être adressée en vue de sa transmission à l'Autorité centrale compétente au sein de cet État.

Article 7

1. Les Autorités centrales doivent coopérer entre elles et promouvoir une collaboration entre les autorités compétentes de leurs États pour assurer la protection des enfants et réaliser les autres objectifs de la Convention.

2. Elles prennent directement toutes mesures appropriées pour :

a)- fournir des informations sur la législation de leurs États en matière d'adoption et d'autres informations générales, telles que des statistiques et formules types ;

b)- s'informer mutuellement sur le fonctionnement de la Convention et, dans la mesure du possible, lever les obstacles à son application.

Article 8

Les autorités centrales prennent, soit directement, soit avec le concours d'autorités publiques, toutes mesures appropriées pour prévenir les gains matériels indus à l'occasion d'une adoption et empêcher toute pratique contraire aux objectifs de la Convention.

Article 9

Les Autorités centrales prennent, soit directement, soit avec le concours d'autorités publiques ou d'organismes dûment agréés dans leur État toutes mesures appropriées notamment pour :

a)- rassembler, conserver et échanger des informations relatives à la situation de l'enfant et des futurs parents adoptifs, dans la mesure nécessaire à la réalisation de l'adoption ;

b)- faciliter, suivre et activer la procédure en vue de l'adoption ;

c)- promouvoir dans leurs États le développement de service de conseils pour l'adoption et pour le suivi de l'adoption ;

d)- échanger des rapports généraux d'évaluation sur les expériences en matière d'adoption internationale.

e)- répondre, dans la mesure permise par la loi de leur État, aux demandes motivées d'informations sur une situation particulière d'adoption formulées par d'autres Autorités centrales ou par des autorités publiques.

Article 10

Peuvent seuls bénéficier de l'agrément et le conserver les organismes qui démontrent leur aptitude à remplir correctement les missions qui pourraient leur être confiées.

Article 11

Un organisme agréé doit :

a)- poursuivre uniquement des buts non lucratifs dans les conditions et limites fixées par les autorités compétentes de l'État d'agrément ;

b)- être dirigé et géré par des personnes qualifiées par leur intégrité morale et leur formation ou expérience pour agir dans le domaine de l'adoption internationale ; et

c)-- être soumis à la surveillance d'autorités compétentes de cet État pour sa composition, son fonctionnement et sa situation financière.

Article 12

Un organisme agréé dans un État contractant ne pourra agir dans un autre État contractant que si les autorités compétentes des deux États l'ont autorisé.

Article 13

La désignation des autorités centrales et, le cas échéant, l'étendue de leurs fonctions, ainsi que le nom et l'adresse des organismes agréés, sont communiqués par chaque État contractant au bureau permanent de la Conférence de La Haye de droit international privé.

CHAPITRE IV - CONDITIONS PROCÉDURALES DE L'ADOPTION INTERNATIONALE.

Article 14

Les personnes résidant habituellement dans un État contractant, qui désirent adopter un enfant dont la résidence habituelle est située dans un autre État contractant, doivent s'adresser à l'Autorité centrale de l'État de leur résidence habituelle.

Article 15

1. Si l'autorité centrale de l'État d'accueil considère que les requérants sont qualifiés et aptes à adopter, elle établit un rapport contenant des renseignements sur leur identité, leur capacité légale et leur aptitude à adopter, leur situation personnelle, familiale et médicale, leur milieu social, les motifs qui les animent, leur aptitude à assumer une adoption internationale ainsi que sur les enfants qu'ils seraient aptes à prendre en charge.

2. Elle transmet le rapport à l'Autorité centrale de l'État d'origine.

Article 16

1. Si l'Autorité centrale de l'État d'origine considère que l'enfant est adoptable.

a)- elle établit un rapport contenant des renseignements sur l'identité de l'enfant, son adoptabilité, son milieu social, son évolution personnelle et familiale, son passé médical et celui de sa famille, ainsi que sur ses besoins particuliers ;

b)- elle tient dûment compte des conditions d'éducation de l'enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse et culturelle ;

c)- elle s'assure que les consentements visés à l'Article 4 ont été obtenus ; et

d)- elle constate, en se fondant notamment sur les rapports concernant l'enfant et les futurs parents adoptifs, que le placement envisagé est dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

2. Elle transmet à l'Autorité centrale de l'État d'accueil son rapport sur l'enfant, la preuve des consentements requis et les motifs de son constat sur le placement en veillant à ne pas révéler l'identité de la mère ou du père, si. dans l'État d'origine, cette identité ne peut pas être divulguée.

Article 17

Toute décision de confier un enfant à de futurs parents adoptifs ne peut être prise dans l'État d'origine que :

a)- si l'Autorité centrale de cet État s'est assurée de l'accord des futurs parents adoptifs ;

b)- si l'Autorité centrale de l'État d'accueil a approuvé cette décision, lorsque la loi de cet État ou l'Autorité centrale de l'État d'origine le requiert ;

c)- si les Autorités centrales des deux États ont accepté que la procédure en vue d'adoption se poursuivent ; et

d)- s'il a été constaté conformément à l'article 5 que les futurs parents adoptifs sont qualifiés et aptes à adopter et que l'enfant est ou sera autorisé à entrer et à séjourner de façon permanente dans l'État d'accueil.

Article 18

Les Autorités centrales des deux États prennent toutes mesures utiles pour que l'enfant reçoive l'autorisation de sortie de l'État d'origine ainsi que celle d'entrée et de séjour permanent dans l'État d'accueil.

Article 19

1. Le déplacement de l'enfant vers l'État d'accueil ne peut avoir lieu que si les conditions de l'Article 17 ont été remplies.

2. Les Autorités centrales des deux États veillent à ce que ce déplacement s'effectue en toute sécurité, dans des conditions appropriées et, si possible, en compagnie des parents adoptifs ou des futurs parents adoptifs.

3. Si ce déplacement n'a pas lieu, les rapports visés aux Articles 15 et 16 sont renvoyés aux autorités expéditrices.

Article 20

Les Autorités centrales se tiennent informées sur la procédure d'adoption et les mesures prises pour la mener à terme, ainsi que sur le déroulement de la période probatoire, lorsque celle-ci est requise.

Article 21

1. Lorsque l'adoption doit avoir lieu après le déplacement de l'enfant dans l'État d'accueil et que l'Autorité centrale de cet État considère que la maintien de l'enfant dans la famille d'accueil n'est plus de son intérêt supérieur, cette autorité prend les mesures utiles à la protection de l'enfant, en vue notamment :

a)- de retirer l'enfant aux personnes qui désiraient l'adopter et d'en prendre soin provisoirement ;

b)- en consultation avec l'Autorité centrale de l'État d'origine, d'assurer sans délai un nouveau placement de l'enfant en vue de son adoption ; ou à défaut une prise en charge durable ; une adoption ne peut avoir lieu que si l'Autorité centrale de l'État d'origine a été dûment informée sur les nouveaux parents adoptifs ;

c)- en dernier ressort, d'assurer le retour de l'enfant si son intérêt l'exige.

2. Eu égard notamment à l'âge et à la maturité de l'enfant, celui-ci sera consulté et, le cas échéant, son consentement obtenu sur les mesures à prendre conformément au présent Article.

Article 22

1. Les fonctions conférées à l'Autorité centrale par le présent chapitre peuvent être exercées par des autorités publiques ou par des organismes agréés conformément au chapitre III, dans la mesure prévue par la loi de son État.

2. Un État contractant peut déclarer auprès du dépositaire de la Convention que les fonctions conférées à l'Autorité centrale par les Article 15 à 21 peuvent aussi être exercées dans cet État, dans la mesure prévue par la loi et sous le contrôle des autorités compétentes de cet État, par des personnes ou organismes qui :

a)- remplissent les conditions de moralité, de compétence professionnelle, d'expérience et de responsabilité requises par cet État, et

b)- sont qualifiées par leur intégrité morale et leur formation ou expérience pour agir dans le domaine de l'adoption internationale.

3. L'État contractant qui fait la déclaration visée au paragraphe 2, informe régulièrement le bureau permanent de la Conférence de La Haye de droit international privé des noms et adresses de ces organismes et personnes.

4. Un État contractant peut déclarer auprès du dépositaire de la Convention que les adoptions d'enfants dont la résidence habituelle est située sur son territoire ne peuvent avoir lieu que si les fonctions conférées aux Autorités centrales sont exercées conformément au paragraphe premier.

5. Nonobstant toute déclaration effectuée conformément au paragraphe 2, les rapports prévus aux Articles 15 et 16 sont, dans tous les cas, établis sous la responsabilité de l'autorité centrale ou d'autres autorités ou organismes conformément au paragraphe premier.

CHAPITRE V - RECONNAISSANCE ET EFFETS DE L'ADOPTION

Article 23

1. Une adoption certifiée conforme à la Convention par l'autorité compétente de l'État contractant où elle a eu lieu est reconnue de plein droit dans les autres États contractants. Le certificat indique quand et par qui les acceptations visées à l'Article 17, lettre c ont été données.

2. Tout État contractant, au moment de la signature, de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion, notifiera au dépositaire de la Convention l'identité et les fonctions de l'autorité ou des autorités qui, dans cet État, sont compétentes pour délivrer le certificat. Il lui notifiera aussi toute modification dans la désignation de ces autorités.

Article 24

La reconnaissance d'une adoption ne peut être refusée dans un État contractant que si l'adoption est manifestement contraire à son ordre public, compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Article 25

Tout État contractant peut déclarer au dépositaire de la Convention qu'il ne sera pas tenu de reconnaître en vertu de celle-ci les adoptions faites conformément à un accord conclu en application de l'Article 39, paragraphe 2.

Article 26

1. La reconnaissance de l'adoption comporte celle :

a)- du lien de filiation entre l'enfant et ses parents adoptifs ;

b)- de la responsabilité parentale des parents adoptifs à l'égard de l'enfant ;

c)- de la rupture du lien préexistant de filiation entre l'enfant et sa mère et son père, si l'adoption produit cet effet dans l'État ou elle à lieu.

2. Si l'adoption a pour effet de rompre le lien préexistant de filiation, l'enfant jouit, dans l'État d'accueil et dans tout autre État contractant où l'adoption est reconnue, des droits équivalents à ceux résultant d'une adoption produisant cet effet dans chacun de ces États.

3. Les paragraphes précédents ne portent pas atteinte à l'application de toute disposition plus favorable à l'enfant, en vigueur dans l'État contractant qui reconnaît l'adoption.

Article 27

1. Lorsqu'une adoption faite dans l'État d'origine n'a pas pour effet de rompre le lien préexistant de filiation, elle peut, dans l'État d'accueil qui reconnaît l'adoption conformément à la Convention, être convertie en une adoption produisant cet effet.

a)- si le droit de l'État d'accueil le permet ; et

b)- si les consentements visés à l'Article 4 lettre c et d, ont été ou sont donnés en vue d'une telle adoption.

2. L'article 23 s'applique à la décision de conversion.

CHAPITRE VI - DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 28

La Convention ne déroge pas aux lois de l'État d'origine qui requièrent que l'adoption d'un enfant résidant habituellement dans cet État doive avoir lieu dans cet État ou qui interdisent le déplacement de l'enfant dans l'État d'accueil ou son déplacement vers cet État avant son adoption.

Article 29

Aucun contact entre les futurs parents adoptifs et les parents de l'enfant ou toute autre personne qui a la garde de celui-ci ne peut avoir lieu tant que les dispositions de l'Article 4, lettre a à c et de l'Article

5, lettre a, n'ont pas été respectées, sauf si l'adoption a lieu entre membre d'une même famille ou si les conditions fixées par l'autorité compétente de l'État d'origine sont remplies.

Article 30

1. Les autorités compétentes d'un État contractant veillent à conserver les informations qu'elles détiennent sur les origines de l'enfant, notamment celles relatives à l'identité de sa mère et de son père, ainsi que les données sur le passé médical de l'enfant et de sa famille.

2. Elles assurent l'accès de l'enfant ou de son représentant à ces informations, avec les conseils appropriés, dans la mesure permise par la loi de leur État.

Article 31

Sous réserve de l'Article 30, les données personnelles rassemblées ou transmises conformément à la Convention, en particulier celles visées aux Articles 15 et 16, ne peuvent être utilisées à d'autres fins que celles pour lesquelles elles ont été rassemblées ou transmises.

Article 32

1. Nul ne peut tirer un gain matériel indu en raison d'une intervention à l'occasion d'une adoption internationale.

2. Seuls peuvent être demandés et payes les frais et dépenses, y compris les honoraires raisonnables des personnes qui sont intervenues dans l'adoption.

3. Les dirigeants, administrateurs et employés d'organismes intervenant dans une adoption ne peuvent recevoir une rémunération disproportionnée par rapport aux services rendus.

Article 33

Toute autorité compétente qui constate qu'une des dispositions de la Convention a été méconnue ou risque manifestement de l'être en informe aussitôt l'Autorité centrale de l'État dont elle relève. Cette autorité centrale a la responsabilité de veiller à ce que les mesures utiles soient prises.

Article 34

Si l'autorité compétente de l'État destinataire d'un document le requiert, une traduction certifiée conforme doit être produite. Sauf dispense, les frais de traduction sont à la charge des futurs parents adoptifs.

Article 35

Les autorités compétentes des États contractants agissent rapidement dans les procédures d'adoption.

Article 36

Au regard d'un État qui connaît, en matière d'adoption, deux ou plusieurs systèmes de droit applicables dans des unités territoriales différentes :

a)- toute référence à la résidence habituelle dans cet État vise la résidence habituelle dans une unité territoriale de cet État ;

b)- toute référence à la loi de cet État vise la loi en vigueur dans l'unité territoriale concernée ;

c)- toute référence aux autorités compétentes ou aux autorités publiques de cet État vise les autorités habilitées à agir dans l'unité territoriale concernée ;

d)- toute référence aux organismes agréés de cet État vise les organismes agréés dans l'unité territoriale concernée.

Article 37

Au regard d'un État qui connaît, en matière d'adoption, deux ou plusieurs systèmes de droit applicables à des catégories différentes de personnes, toute référence à la loi de cet État vise le système de droit désigné par le droit de celui-ci.

Article 38

Un État dans lequel différentes unités territoriales ont leurs propres règles de droit en matière d'adoption ne sera pas tenu d'appliquer la Convention lorsqu'un État dont le système de droit est unifié ne serait pas tenu de l'appliquer.

Article 39

1. La Convention ne déroge pas aux instruments internationaux auxquels des États contractants sont Parties et qui contiennent des dispositions sur les matières réglées par la présente Convention, à moins qu'une déclaration contraire ne soit faite par les États liés par de tels instruments.

2. Tout État contractant pourra conclure avec un ou plusieurs autres États contractants des accords en vue de favoriser l'application de la Convention dans leurs rapports réciproques. Ces accord ne pourront déroger qu'aux dispositions des Articles 14 à 16 et 18 à 21. Les États qui auront conclu de tels accords en transmettront une copie au dépositaire de la Convention.

Article 40

Aucune réserve à la Convention n'est admise.

Article 41

La Convention s'applique chaque fois qu'une demande visée à l'Article 14 a été reçue après l'entrée en vigueur de la Convention dans l'État d'accueil et l'État d'origine.

Article 42

Le Secrétaire général de la Conférence de La Haye de Droit international privé convoque périodiquement une Commission spéciale afin d'examiner le fonctionnement pratique de la Convention.

CHAPITRE VII - CLAUSES FINALES

Article 43

1. La Convention est ouverte à la signature des États qui étaient membres de la conférence de La Haye de Droit international privé lors de sa dix-septième session et des autres États qui ont participé à cette session.

2. Elle sera ratifiée, acceptée ou approuvée et les instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation seront déposes auprès du ministère des Affaires Étrangères du Royaume des Pays-Bas, dépositaire de la Convention.

Article 44

1. Tout autre État pourra adhérer à la Convention après son entrée en vigueur en vertu de l'Article 46, paragraphe 1.

2. L'instrument d'adhésion sera déposé auprès du dépositaire.

3. L'adhésion n'aura d'effet que dans les rapports entre l'État adhérant et les États contractants qui n'auront pas élevé d'objection à son encontre dans les six mois après la réception de la notification prévue à l'Article 48 lettre b. Une telle objection pourra également être élevée par tout État au moment d'une ratification, acceptation ou approbation de la Convention, ultérieure à l'adhésion. Ces objections seront notifiées au dépositaires.

Article 45

Un État qui comprend deux ou plusieurs unités territoriales dans lesquelles des systèmes de droit différents s'appliquent aux matières régies par cette Convention pourra, au moment de la signature, de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion, déclarer que la présente Convention s'appliquera à toutes ses unités territoriales ou seulement à l'une ou à plusieurs d'entre elles, et pourra à tout moment modifier cette déclaration en faisant une nouvelle déclaration.

1. Ces déclarations seront notifiées au dépositaire et indiqueront expressément les unités territoriales auxquelles la Convention s'applique.

2. Si un État ne fait pas de déclaration en vertu du présent Article, la Convention s'appliquera à l'ensemble du territoire de cet État.

Article 46

1. La Convention entrera en vigueur le premier jour du mois suivant l'expiration d'une période de trois mois après le dépôt du troisième instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation prévu par l'Article 43.

2. Par la suite, la Convention entrera en vigueur :

a)- pour chaque État ratifiant, acceptant ou approuvant postérieurement, ou adhérant, le premier jour du mois suivant l'expiration d'une période de trois mois après le dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion ;

b)- pour les unités territoriales auxquelles la Convention a été étendue conformément à l'Article 45, le premier jour du mois suivant l'expiration d'une période de trois mois après la notification visée dans cet Article.

Article 47

1. Tout État Partie à la Convention pourra dénoncer celle-ci par une notification adressée par écrit au dépositaire.

2. La dénonciation prendra effet le premier jour du mois suivant l'expiration d'une période de douze mois après la date de réception de la notification par le dépositaire. Lorsqu'une période plus longue pour la prise d'effet de la dénonciation est spécifiée dans la notification, la dénonciation prendra effet à l'expiration de la période en question après la date de réception de la notification.

Article 48

Le dépositaire notifiera aux États membres de la conférence de La Haye de Droit international privé, aux autres États qui ont participé à la dix-septième session, ainsi qu'aux États qui auront adhéré conformément aux dispositions de l'Article 44 :

a) - les signatures, ratifications, acceptations et approbations visées à l'Article 43 ;

b)- les adhésions et les objections aux adhésions visées à l'Article 44 ;

c)- la date à laquelle la Convention entrera en vigueur conformément aux dispositions de l'Article 46 :

d)- les déclarations et les désignations mentionnées aux Articles 22, 23, 25 et 45 ;

e)- les accords mentionnés à l'Article 39 ;

f)- les dénonciations visées à l'Article 47.

En foi de quoi les soussignés, dûment autorisés, ont signé la présente Convention.

Fait à la Haye, le 23 mai 1993, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire, qui sera déposé dans les archives du Gouvernement du Royaume des Pays-Bas et dont une copie certifiée conforme sera remise, par la voie diplomatique, à chacun des États membres de la Conférence de La Haye de Droit international privé lors de la Dix-septième session, ainsi qu'à chacun des autres États ayant participé à cette Session.

ANNEXE IV

COUR DE CASSATION - 10 MAI 1995

ADOPTION * Adoption internationale * Loi applicable * Adoption plénière * 1. Loi étrangère * Enfant marocain * Prohibition * Requête * Rejet * 2. Consentement * Loi marocaine * Famille d'origine * Liens * Rupture * Irrévocabilité * Enfant * Représentant légal. -- CONFLITS DE LOIS * Adoption * Loi applicable * Adoption plénière * 1. Loi étrangère * Prohibition * 2. Consentement * Loi nationale * Enfant marocain * Famille d'origine * Liens * Rupture * Irrévocabilité * Représentant légal.

La requête en adoption plénière d'un enfant marocain régulièrement recueilli en France par des ressortissants français convertis à l'islam doit être refusée dès lors que n'est pas rapportée la preuve que les autorités marocaines ont consenti à son adoption : en effet, le code du statut personnel marocain exclut l'adoption et tes autorités judiciaires du Maroc ont réfuté l'hypothèse d'une filiation adoptive et donc d'une rupture totale de l'enfant avec sa famille d'origine ; de plus, la loi interne du Maroc prohibe l'adoption :

En se convertissant à la religion islamique, les demandeurs en adoption ont expressément consenti à se soumettre aux principes de droit résultant de cette profession de foi : leur requête en adoption plénière constitue donc une fraude à la loi marocaine, qui a seulement admis la prise en charge sociale de l'enfant, sans que cela produise des effets sur la filiation :

Par ailleurs, la Convention de New York exige simplement que l'enfant privé de son milieu familial se voit assurer une protection de remplacement ; la loi française permet de l'assurer autrement que par l'adoption plénière qui est de nature à nuire gravement à l'enfant adopté lorsque son pays d'origine s oppose expressément à la rupture de ce dernier avec sa culture d'origine (1re espèce) [1].

Deux époux français peuvent procéder à l'adoption d'un enfant dont la loi personnelle (loi marocaine) ne connaît pas, ou prohibe, cette institution, à la condition qu'indépendamment des dispositions de cette loi, le représentant du mineur ait donné son consentement en pleine connaissance des effets attachés par la toi française à l'adoption et, en particulier, dans le cas d'adoption en forme plénière, du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens entre le mineur et sa famille par le sang ou les autorités de tutelle de son pays d'origine (2e espèce) [2].

Rép. civ. et Mise à jour, v° Adoption, par S. Bétant-Robet, n° 40.

1re Espèce : -- (Proc. Rép. Tarbes cl Épx X...) -- ARRET

Prétentions et moyens des parties : -- Les époux X... ont présenté une requête en adoption plénière d'un enfant prénommé Mergem Dahhou, né au Maroc. Par jugement en date du 29 nov. 1993 le Tribunal de grande instance de Tarbes a fait droit à cette demande. Le ministère public a relevé appel de ce jugement dans des conditions de régularité qui ne sont pas contestées par les parties. Il expose qu'en matière d'adoption internationale les conditions du consentement et de la représentation de l'adopté sont régies par la loi personnelle de ce dernier ce qui suppose que cette loi connaisse et autorise l'adoption. En l'espèce, la loi marocaine prohibe cette institution ; en conséquence aucun consentement ne peut être donné ce qui ne heurte pas la conception française de l'ordre public international dès lors que le droit interne français et les dispositions de la Convention des Nations unies relatives au droit de l'enfant assurent à l'enfant privé de son milieu familial une protection de remplacement qui prenne en considération l'ensemble de ses intérêts. Ceci est prévu par le droit français qui a mis en place des moyens légaux d'assurer la protection et l'assimilation de l'enfant, comme la délégation d'autorité parentale ou la tutelle.

Il fait valoir ensuite que selon le principe d'allégeance perpétuelle l'enfant adopté ne perd ni sa nationalité marocaine, ni sa religion musulmane comme il ne peut rompre tous ses liens avec sa famille d'origine, quant à la succession et quant à ses obligations envers ses père et mère.

Il ajoute qu'il n'est pas démontré que le Maroc en ratifiant la Convention des Nations unies ait admis une coopération en matière d'adoption internationale et que le juge marocain en l'espèce n a pas consenti à une adoption plénière.

Il soutient enfin qu'il n'est pas de l'intérêt d'un enfant de se voir confier un statut contraire à celui de son pays d'origine.

Les requérants font valoir d'abord que le Coran n'interdit pas l'adoption et qu'on ne saurait faire état de la succession et des obligations de l'enfant envers les père et mère alors qu'il s'agit d'enfant né de parents inconnus. Ils précisent que les parents ont été autorisés à recueillir l'enfant par une décision judiciaire.

Ils soutiennent ensuite que nonobstant l'avis des autorités diplomatiques marocaines contenu dans une circulaire reçue par le ministère français de la Justice le 17 janv. 1990, l'intérêt supérieur de l'enfant tel que le principe en est retenu par la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant (an. 7 et 21) commande l'adoption plénière. Celle-ci lui donne un nom et le rejet de l'adoption plénière placerait l'enfant dans une situation précaire en cas notamment de décès des parents adoptifs.

Enfin, les requérants font état de divers jugements qui ont consenti à cette adoption plénière. Ils concluent donc à la confirmation du jugement déféré.

LA COUR : -- Motifs : -- Attendu qu'il n'est pas contesté que les requérants remplissent les conditions légales notamment de différence d'âge, de mariage pour fonder leur requête ; que le présent débat est circonscrit uniquement aux conditions relatives au consentement à l'adoption et à l'intérêt supérieur de l'enfant : -- Attendu, sur le consentement à l'adoption, que celui-ci doit être apprécié uniquement en fonction de la volonté expresse ou présumée de la personne qui a consenti et qu'il a été donné en toute connaissance de cause ; -- Attendu qu'en l'espèce, si l'enfant a pu quitter le Maroc, la preuve doit être rapportée de ce que les autorités de ce pays ont expressément consenti à son adoption plénière ; qu'il résulte d'abord de l'art. 83 du code du statut personnel marocain que « l'adoption n'a aucune valeur et n'entraîne aucun des effets de la filiation » ; que les autorités judiciaires de ce pays saisies du problème ont réfuté l'hypothèse d'une filiation adoptive et donc une rupture totale de l'enfant avec sa famille d'origine ; qu'elles ont fait valoir que « selon le principe de l'allégeance perpétuelle, l'enfant adopté ne perd ni sa qualité, ni sa nationalité marocaine, ni sa religion musulmane comme il ne peut rompre tous ses liens avec sa famille d'origine quant à ses obligations envers ses père et mère » ; qu'ainsi, l'enfant actuellement recueilli par les requérants demeure soumis au contrôle des services sociaux du consulat du Maroc du Maroc du lieu de résidence du tuteur ;

Attendu, de surcroît, que la loi interne du Maroc prohibe l'institution de l'adoption ; qu'il résulte d'une circulaire n° 3126-2 du 23 janv. 1985 à l'intention de notaires du Royaume du Maroc que la loi interne de ce pays « n'autorise pas l'adoption entre musulmans, encore moins entre eux et d'autres qui ne sont pas de confession musulmane » ; que seul un statut proche de la tutelle est admis devant ces notaires ; que les demandeurs étaient convertis à la religion islamique et qu'ils portaient d'ail leurs des prénoms musulmans ; que dès lors, ils ont expressément consenti à se soumettre aux principes de droit résultant de cette profession de foi ; qu'en conséquence et cause, leur requête en adoption plénière constitue une fraude à la loi marocaine laquelle a seulement consécutif la prise en charge sociale de l'enfant sans que cela produise des effets sur la filiation ; qu'un tel comportement peut engendrer d'ailleurs de réelles difficultés di l'enfant est conduit à séjourner dans son pays d'origine où il conservera son état civil d'origine ;

Attendu, sur les dispositions de la Convention des Nations unies relatives aux droits de l'enfant, qu'elle exige seulement que l'enfant privé de son milieu familial se voit assuré d'une protection de remplacement qui prenne en considération l'ensemble de ses intérêts ; que les dispositions de l'art. 20 de cette convention prévoient pour l'enfant temporairement ou définitivement privé de son mi lieu familial une protection conforme à leur législation nationale » ; qu'une décision d'adoption plénière d'un enfant dont le pays d'origine s'oppose expressément à la rupture de ce dernier avec son pays d'origine et sa culture est de nature à nuire gravement à l'enfant ainsi adopté qu'enfin la loi française prévoit d'autres moyens légaux d'assurer la protection et l'assimilation de l'enfant ; - Attendu en conséquence qu'il convient d'infirmer le juge ment déféré et de rejeter la requête en adoption plénière.

Par ces motifs, statuant publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil, en matière civile et en dernier ressort, dit recevable en la forme d'appel interjeté par le ministère public ; au fond, infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré et rejette la requête en adoption plénière formée par M. et Mme X dit que les intimés supporteront les dépens.

CA PAU, 2 e ch., 12 déc. 1994. - MM. Cadi, 1 er prés. Poque, subst. gén. - Laventure. Mme Grenier, conseillers - M e Record (au barreau de Tarbes), av. -Infirmation de TGI Tarbes. 29 nov. 1993.

2 e Espèce : -- (Épx Y... c/ Proc. gén. CA Limoges)

ARRÊT

LA COUR : -- Sur le moyen unique, pris en sa première branche : -- Vu l'art. 3 c. civ. et les principes généraux qui régissent l'adoption en droit international ; - Attendu que deux époux français peuvent procéder à l'adoption d'un enfant dont la loi personnelle ne connaît pas, ou prohibe, cette institution, à la condition qu'indépendamment des dispositions de cette loi, le représentant du mineur ait donné son consentement en pleine connaissance des effets attachés par la loi française à l'adoption et, en parti culier, dans le cas d'adoption en forme plénière, du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens entre le mineur et sa famille par le sang ou les autorités de tutelle de son pays d'origine ; -- Attendu qu'il a été constaté, par un acte du Tribunal de Rabat chargé du notariat, que les époux Jean-Luc et Éliane Y..., tous deux convertis à l'Islam. ont, le 22 mai 1992, avec l'autorisation Wali de Rabat-Salé, reçu du centre d'éducation Lalla Mariam un enfant né de parents inconnus le 26 mars 1989 et pré nommé Salim Salah, « dans le but de l'adopter, d'assurer son cautionnement {sic) et sa subsistance et de veiller sur son instruction et son éducation », étant précisé que « les intéresses l'instituent comme leur propre enfant, du fait qu'il aura droit à une part héréditaire de leur succession » ; que. par ordonnance du 27 mai 1992, le président du Tribunal de première instance de Rabat a autorisé M. Y... à adopter le jeune Salim Salah et à le prendre avec lui en France, après avoir toutefois indiqué que les autorités diplomatiques marocaines étaient chargées de veiller sur les conditions de vie de l'enfant et de les contrôler ; que les époux Y... ont présenté devant le tribunal de grande instance une requête en adoption plénière qui a été accueillie : que, saisie d'un appel du ministère public, la cour d'appel a infirmé cette décision ;

Attendu que. pour rejeter la requête des époux Y.... l'arrêt attaque (CA Limoges. 1 re ch. civ., 24 juin 1993) énonce que le consentement à l'adoption n'a pu être donné par le président du Tribunal de Rabat qu'en application de la loi marocaine selon laquelle l'adoption n'a pas de valeur juridique et n'entraîne aucun des effets de la filiation ; qu'il ajoute que les restrictions mentionnées dans l'ordonnance du 27 mai 1992 sont incompatibles avec les effets normaux de l'adoption plénière ; -- Attendu qu'en se déterminant ainsi, au vu de ce seul document, sans rechercher quel était le représentant légal de l'enfant, et en quels termes il avait consenti à la remise du jeune Salim Salah aux époux Y... la cour d'appel n'a pas donne de base légale à sa décision ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres branches du moyen, casse [...] renvoie devant la Cour d'appel de Paris ; [...]

CASS. l re CIV, 10 mai 1995. - MM. Grégoire, f. f. prés. - Gélineau-Larrivet, rapp. - Mme Le Fover de Costil, av. gen. - M e Thomas-Raquin, av. - Cassation de CA Limoges, 24 juin 1993 [l re ch. civ.].

* 1 Enfant d'ici, enfant d'ailleurs - L'adoption sans frontière - La Documentation française, 1995.

* (1) Les règles applicables en Ecosse sont légèrement différentes.

* (1) En Catalogne, la législation sur l'adoption, contenue dans la loi du 2 août 1995 sur l'enfant prévoit le droit pour la mère d'accoucher anonymement si elle en exprime le désir auprès des autorités hospitalières. Elle dispose de trente jours après l'accouchement pour revenir sur sa décision.

Page mise à jour le

Partager cette page