Rapport n° 323 (1995-1996) de M. Francis GRIGNON , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 24 avril 1996

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N° 323

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 avril 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif au contrôle de la fabrication et du commerce de certaines substances susceptibles d'être utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes,

Par M. Francis GRIGNON,

Sénateur.

1 Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2014 rect., 2578 et T.A 492.

Sénat : 267 (1995-1996).

Stupéfiants.

Mesdames, Messieurs,

Il est impossible, comme c'est le cas pour toutes les activités clandestines, de faire l'estimation précise des quantités de produits chimiques précurseurs et essentiels utilisés aux fins de production illicite de stupéfiants. En dépit de mesures de répression de plus en plus poussées et de la multiplication des saisies, la disponibilité ininterrompue de stupéfiants démontre que les trafiquants sont en mesure de se procurer d'importantes quantités de produits chimiques et que les mesures existantes du contrôle de l'accès à ces produits chimiques restent insuffisantes.

Les fabriquants et trafiquants de stupéfiants illicites obtiennent les produits chimiques soit en les achetant sur les marchés licites soit en les détournant de leur destination légitime. Un contrôle du commerce des produits chimiques essentiels à la production de stupéfiants illicites et la vérification de leur utilisation à des fins commerciales légitimes par leurs destinataires finaux pourrait restreindre efficacement la production et le trafic illicites de stupéfiants.

L'importance et la complexité du commerce intérieur et international des produits chimiques facilite le détournement de produits et ce, dans les pays de production, de transit et de consommation. Les principaux maillons de la chaîne de distribution sont la production, la vente en gros et au détail, l'exportation, l'importation et l'utilisation finale. Cette chaîne comprend également des intermédiaires : transitaires, transporteurs, courtiers, négociants du marché au comptant, stockeurs et transbordeurs. De plus, les produits chimiques utiles aux trafiquants de stupéfiants peuvent se présenter sous la forme de rebuts de première fabrication ou d'autres procédés industriels, qui sont alors pris en charge par les sociétés de recyclage ou de rebut.

La France doit contribuer et contribue à lutter contre le trafic de drogues et de stupéfiants. L'ensemble de ses administrations est mobilisé à cette fin. Les ministères de l'Intérieur et de la Justice, des Affaires sociales contribuent à la prévention ou à la répression. Les ministères des Affaires européennes et des Affaires étrangères s'attachent à la dimension internationale du dossier. Le ministère de l'Industrie est impliqué, lui aussi.

Mais, outre les administrations, c'est toute une branche de l'industrie -la chimie-pharmacie-parfumerie- qui est conviée à prendre part à la prévention. En effet, la production de stupéfiants nécessite l'utilisation des produits chimiques permettant de transformer, de raffiner certaines drogues voire d'élaborer des stupéfiants de synthèse. Or, ces produits sont, par ailleurs, d'un usage courant dans la chimie, la pharmacie ou la parfumerie.

Il convenait de déceler et de prévenir ou de réprimer d'éventuelles utilisations détournées de telles substances au profit de productions illicites. Tel est l'objet du projet de loi n° 267 qui nous est soumis.

Examiné par le Conseil des Ministres le 19 avril 1995 -il y a un an- le projet de loi relatif au contrôle de la fabrication et du commerce de certaines substances susceptibles d'être utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 12 mars 1996. Il était temps que le Sénat en fût saisi puisque le délai ouvert pour la transcription dans le droit interne de deux directives européennes -transcription qui est l'objet même du projet de loi- a pris fin il y a près de trois ans, le 1er juillet 1993. Oserait-on dire que le Gouvernement français a adopté, pour traiter ce sujet, un train de sénateur ?

Pour autant, le projet de loi qui nous est soumis se présente, après son amélioration et la modification de son intitulé par l'Assemblée nationale, sous une forme qui recueille l'approbation de l'ensemble des professionnels des industries chimiques et pharmaceutiques comme de l'industrie de la parfumerie. Ce point mérite d'être souligné car le projet de loi a été adopté à l'unanimité par nos collègues députés. Les entretiens de votre rapporteur avec les représentants des professions ont confirmé l'accord de ces dernières.

PREMIÈRE PARTIE - EXPOSÉ GÉNÉRAL

Le projet de loi n° 267 apparaît principalement comme un texte de transposition dans le droit interne. Il constitue une tentative louable d'organisation de l'inter-profession de la chimie-pharmacie-parfumerie face à la fabrication illicite et au trafic de substances chimiques. Il institue un régime de sanctions essentiellement administratives.

I. UNE TRANSCRIPTION ATTENDUE EN DROIT INTERNE

A. LA CONVENTION DE VIENNE DE 1988

Une convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes a été adoptée à Vienne le 19 décembre 1988. L'approbation de cette convention par la France a été autorisée par la loi n° 90-584 du 2 juillet 1990.

La convention comportait un article 12 relatif au contrôle du commerce international des précurseurs chimiques, c'est-à-dire des substances fréquemment utilisées dans la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes et susceptibles d'être détournées du commerce légal.

B. LE RÔLE DU GAPC

Dès le 10 juillet 1990, le sommet des États dits du « G7 » réuni à Houston décidait la constitution d'un groupe d'action sur les produits chimiques (GAPC).

Il s'agissait, selon l'expression de M. William P. Barr, deputy attorney general des États-Unis de « mettre hors de portée des criminels les produits chimiques qui leur sont nécessaires afin de produire de l'héroïne, de la cocaïne et des stupéfiants synthétiques ».

Les travaux du GAPC ont associé, pendant un an, non seulement les représentants du « G7 » mais ceux des États sur le territoire desquels la production de drogue est supposée forte (Thaïlande, Colombie, Bolivie) ainsi que ceux d'États disposant d'importants appareils industriels dans le secteur de la chimie (Australie, Belgique, Chine, Espagne, Suède, Suisse, etc). Des organisations internationales comme l'Organisation des États américains (OEA) ou l'Organe international de contrôle des stupéfiants ont été conviées aux travaux.

Trois groupes de travail ont été institués. Le premier a étudié les produits chimiques nécessaires à la fabrication de stupéfiants de synthèse et à la transformation de l'héroïne et de la cocaïne ; le second groupe a analysé le problème du détournement de ces produits, recensant les méthodes existantes et les actions de prévention et de répression déjà mises en place ou susceptibles de l'être ; quant au dernier groupe de travail, il s'est efforcé de proposer des dispositifs législatifs ou réglementaires permettant de lutter contre les détournements.

Le rapport final du GAPC a été approuvé lors de la réunion du « G7 » à Londres le 15 juillet 1991.

Le GAPC a identifié vingt-deux produits chimiques susceptibles d'être utilisés à des fins illicites et les a classés en trois catégories, définies en fonction de la nature des substances et du risque que représente leur usage illicite.

La première est composée de 11 substances dont la composition moléculaire comporte le principe actif de drogues de synthèse, dont les usages légaux répondent pour la plupart aux besoins de l'industrie pharmaceutique, mais dont certaines connaissent des utilisations plus disséminées et sont dont employées dans des entreprises moins préparées à des contrôles. La deuxième catégorie comporte 4 substances qui sont soit des précurseurs éloignés de drogues de synthèse, soit des réactifs pratiquement indispensables pour l'élaboration du stupéfiant. La troisième catégorie, enfin, est composée de sept produits beaucoup plus courants : soit des agents d'acidification ou d'oxydation, soit des solvants. Naturellement, ces différentes catégories requièrent des niveaux de contrôle différents, la première nécessitant la plus grande attention, tandis que la troisième concerne des zones de production localisées dans le monde -culture de coca en Amérique latine ou de pavot en Asie.

La liste des 22 substances et leur répartition en trois catégories ont été avalisées par la commission des stupéfiants de l'ONU en avril 1992, dans le cadre juridique de la convention de Vienne.

En outre, le GAPC a dégagé cinq mesures que les États doivent prendre pour lutter contre le détournement des produits chimiques :

1. Vigilance : les pays devront demander aux opérateurs commerciaux de signaler aux autorités compétentes toute transaction suspecte portant sur ces produits. Les pouvoirs publics devraient mettre en oeuvre des programmes de coopération avec les opérateurs commerciaux.

2. Surveillance administrative : il sera demandé aux opérateurs commerciaux de tenir des registres et de conserver des documents concernant toutes les transactions portant sur les produits chimiques en question. Ces écritures seront soumises à l'inspection des autorités compétentes et ce pour une période allant bien au-delà de deux ans.

3. Habilitation et autorisation accordées aux opérateurs : les opérateurs commerciaux doivent être soumis à un système de licences ou d'autorisations leur permettant de procéder à des transactions afférent à ces produits chimiques.

4. Autorisation d'exporter : les exportations devront dépendre de l'octroi d'un permis d'exporter pour chaque transaction ayant trait aux produits chimiques spécifiés. Le pays exportateur demandera aux exportateurs d'indiquer l'identité exacte des destinataires finaux dans le pays importateur, ainsi que celle de tous les récipiendaires intermédiaires (y compris les courtiers), et ce, avant toute autorisation d'exporter.

5. Autorisation d'importer : les pays importateurs devront exercer une stricte diligence lors de l'autorisation des importations : il conviendra donc de s'assurer de la compétence et de l'intégrité de l'importateur ainsi que des fins auxquelles les produits chimiques sont importés.

C. LES DIRECTIVES EUROPÉENNES

Pour tenir compte de la convention de Vienne et des prescriptions du « G7 », deux textes ont été édités par le Conseil de la Communauté européenne :

- un règlement en date du 31 mars 1992 ;

- une directive n° 92/109 du 14 décembre 1992 relative à la fabrication et à la mise sur le marché de certaines substances utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ; cette directive a été modifiée par la directive n° 93/46 du 22 juin 1993.

Ce sont ces deux directives que le présent projet de loi a pour objet de transcrire en droit interne.

II. UNE LOUABLE TENTATIVE D'ORGANISATION DES PROFESSIONS

Le projet de loi qui nous est soumis a été élaboré au terme d'une large concertation avec les professions concernées. Ses dispositions en portent la marque.

A. LA LICÉITÉ DE LA PRODUCTION ET DU COMMERCE DES PRODUITS

Les professionnels de l'industrie chimique et pharmaceutique ainsi que ceux de la parfumerie ressentaient mal les conséquences du vide juridique entourant le commerce des produits utilisés dans la fabrication de stupéfiants et de substances psychotropes. Ils avaient le sentiment d'être désignés comme des complices implicites de la production de drogue.

Le projet de loi dissipe, à cet égard tout malentendu : le caractère licite de la production et du commerce des produits est implicitement reconnu. C'est la production illicite qui, au contraire est au cause. Une telle distinction n'est pas le moindre des mérites de ce projet de loi, et votre commission des Affaires économiques accueille ce fait avec satisfaction.

B. L'AGRÉMENT DES ENTREPRISES

Le projet de loi soumet à un agrément du ministre chargé de l'industrie la fabrication et le commerce des produits chimiques classés en première catégorie.

C. L'INCITATION À LA COOPÉRATION DES ENTREPRISES

Le projet de loi a pour intérêt d'associer étroitement les professionnels à la recherche des opérateurs qui pourraient être tentés de détonner à des fins illicites les substances qu'ils produisent.

Le projet de loi impose aux opérateurs de déclarer les locaux dans lesquels sont fabriqués les produits chimiques de deuxième catégorie ou à partir desquels il en est fait commerce.

Les produits de troisième catégorie devront être identifiés par un marquage approprié en raison de leur sensibilité pour certains pays.

Le projet fait obligation aux opérateurs de tenir une documentation relative aux opérations commerciales concernant ces produits et d'accepter la visite d'agents de l'État, dont la mission est de vérifier la conformité des déclarations et la bonne tenue de cette documentation. Il est prévu d'autoriser le prélèvement d'échantillons.

Enfin, les articles 6 à 8 du projet ont pour objet d'obtenir des opérateurs qu'ils déclarent toutes les opérations inhabituelles qui pourraient laisser penser à une possibilité de détournement, ainsi que d'exonérer de toute poursuite pénale ou en responsabilité les auteurs de ces déclarations de bonne foi, à l'instar de ce qui se pratique déjà dans les affaires de blanchiment d'argent.

III. UN RÉGIME DE SANCTIONS ESSENTIELLEMENT ADMINISTRATIVES

A. LE RÔLE DÉVOLU AUX SERVICES DU MINISTÈRE DE L'INDUSTRIE

Afin de faire face aux obligations auxquelles il avait souscrit, notre pays s'est doté d'une autorité compétente pour la mise en oeuvre de la collaboration administrative internationale, intra ou extra-communautaire. Les réflexions interministérielles conduites sous l'impulsion de la délégation générale à la lutte contre la drogue et la toxicomanie, ont conclu que l'organisation du dispositif devait incomber au ministère chargé de l'industrie.

Par arrêté du 11 mars 1993, fut ainsi créée une mission nationale de contrôle des précurseurs chimiques, constituée d'agents du ministère et de fonctionnaires mis à disposition par la police et les douanes.

Les pouvoirs propres au directeur général des douanes et des droits indirects ont, par ailleurs, permis d'appliquer assez simplement, par des mesures réglementaires, les prescriptions du règlement communautaire : avis aux exportateurs mis à jour le 6 décembre 1994 ; décret n° 95-106 du 31 janvier 1995 relatif au contrôle du commerce des produits chimiques précurseurs de drogues ou de substances psychotropes avec les pays n'appartenant pas à la Communauté européenne et arrêté d'application du même jour ; avis aux importateurs du 27 octobre 1995.

Les contrôles effectués dans les entreprises prévus par le projet de loi qui nous est soumis feront l'objet d'une coordination entre les administrations compétentes et donneront lieu à l'établissement de procès-verbaux transmis au ministre chargé de l'Industrie qui, en cas de manquement de l'opérateur et après avoir recueilli ses observations, prendra une décision motivée pouvant conduire à des sanctions.

B. UN CARACTÈRE ESSENTIELLEMENT ADMINISTRATIF

La collaboration des entreprises s'effectuera avec les différentes administrations impliquées dans la lutte contre les stupéfiants, les sanctions en cas d'infraction à la présente loi pour le commerce intra-communautaire et au règlement communautaire en ce qui concerne le commerce avec le pays tiers sont uniquement à caractère administratif.

Elles ne se substituent bien évidemment pas aux sanctions déjà prévues par le code pénal, qui pourraient être appliquées si était mise en évidence une complicité dans l'organisation d'un trafic de stupéfiants. L'action du ministère de l'industrie céderait alors le pas à celle de la justice et des services de répression.

Le projet fixe la liste des sanctions administratives applicables en cas d'infraction aux règles du commerce extracommunautaires, telles qu'elles avaient été énoncées par le décret n° 95-106 du 31 janvier 1995.

DEUXIÈME PARTIE - EXAMEN DES ARTICLES

Article premier - Champ d'application et classement des substances

L'article premier du projet qui nous est soumis a pour objet de délimiter le champ d'application de ce texte. Six opérations entrent en compte : fabrication, transformation, transport, stockage, courtage, mise à disposition à titre onéreux ou gratuit.

Le premier alinéa présente l'intérêt de préciser le concept de « fabrication illicite de stupéfiant » qui conduit, a contrario et de façon implicite, à reconnaître la licéité d'une telle fabrication dans un but industriel. Une telle précision est importante pour les professionnels du secteur de la chimie-pharmacie-parfumerie.

Les substances visées à l'article premier sont à la fois des produits chimiques essentiels (c'est-à-dire des solvants, des agents réactifs et des catalyseurs) utilisés pour la transformation et le raffinage de l'héroïne et de la cocaïne ainsi que pour la production de drogues synthétiques et des produits chimiques au sens strict qui ne sont employés que dans la fabrication de stupéfiants de synthèse et qui font partie du produit fini. Par commodité, l'ensemble de ces produits est couramment dénommé « précurseurs chimiques ».

Les substances servant à la fabrication illicite de stupéfiants et de substances psychotropes seront, par intensité de risque, réparties en trois catégories dont la composition sera fixée par décret. Le classement devrait, selon les précisions fournies à votre rapporteur, reprendre celui annexé à la directive européenne n° 93/46 du 22 juin 1993.

CLASSIFICATION EUROPÉENNE DES PRODUITS CHIMIQUES SERVANT À LA FABRICATION ILLICITE DE STUPÉFIANTS OU DE SUBSTANCES PSYCHOTROPES

(Source : Dir. n° 93/46/CEE du 22 juin 1993)

Catégorie 1

Substances

Stupéfiants ou psychotropes produits à partir de ces substances

Ephédrine

Métamphétamines

Ergométrine

LSD

Ergotamine

LSD

Acide lysergique

LSD

Phényl-1 propanone-2 ou phénylacétone

Amphétamines métamphétamines

Pseudo-éphédrine

Métamphétamines

Acide N - acétylanthranilique ou acide-2 acétamidobensoïque

Méthaqualone

3,4-Méthylènedioxyphénylpropane-2-one

MDA/MDMA/MDE

Isosafrole (cis -i- trans)

MDA/MDMA/MDE

Pipéronal

MDA/MDMA/MDE

Safrole

MDA/MDMA/MDE

Catégorie 2

Substances

Stupéfiants ou psychotropes produits à partir de ces substances

Anhydride acétique

Héroïne, méthaqualone

Acide anthranilique

Méthaqualone

Acide phénylacétique

Phényl propanone 2

Pipéridine

Phényclidine

Catégorie 3

Substances

Stupéfiants ou psychotropes produits à partir de ces substances

Acétone

Cocaïne, héroïne, autres

Ether éthylique ou eter diéthylique

Cocaïne, héroïne, autres

Méthyléthylcétone (MEK) ou butanone

Cocaïne

Toluène

Cocaïne

Permanganate de potassium

Cocaïne

Acide sulfurique

Cocaïne, autres

Acide chlorhydrique ou chlorure d'hydrogène

Cocaïne, héroïne, autres

La classification européenne appelle quelques commentaires.

Certes, en 1994, 15 des 22 produits inscrits ont été saisis dans des laboratoires clandestins de l'Union européenne situés dans cinq pays (Allemagne, Belgique, Finlande, Italie, Pays-Bas), en revanche, les dernières découvertes de ce type en France datent des années 1991-1992. Cinq produits de la troisième catégorie furent saisis ainsi qu'un produit de la première catégorie (safrole).

Figurent dans la troisième catégorie, des produits essentiels servant à la production d'héroïne ou de cocaïne. On observera cependant qu'il est bien difficile d'encadrer la fabrication et les transactions sur des produits aussi utilisés -et dans des quantités considérables mesurables en millions de tonnes-que l'acétone, le permanganate de potassium, l'acide sulfurique et l'acide chlorhydrique. La troisième catégorie apparaît, de fait, comme une catégorie dont les contours ont été définis, en marge des négociations de Vienne, de façon un peu « politique » en considération des zones sensibles de production de la cocaïne dont la consommation constitue un fléau aux États-Unis.

Les quatre produits inscrits dans la deuxième catégorie à l'exception de l'anhydride acétique servent à l'élaboration de stupéfiants synthétiques. Ces produits seront soumis à une obligation de suivi documentaire et, à l'exportation vers des pays tiers, à une licence.

Enfin et surtout, la plupart des produits de la première catégorie sont employés par l'industrie pharmaceutique. L'isosafrole, le pipéronal et le safrole que la directive européenne n° 93/46 du 22 juin 1993 a fait passer de la deuxième catégorie à la première catégorie sont notamment utilisés par le secteur de la parfumerie et des cosmétiques. En cas de détournement, ces produits ne peuvent servir qu'à la fabrication de stupéfiants de synthèse. Certains sont si proches des produits finis que le droit français -plus sévère en la matière que le droit communautaire- les a inclus dans la liste des substances stupéfiantes élaborée par le ministre chargé de la santé conformément à l'article R.5171 du code de la santé publique. Tel est par exemple le cas de l'acide lysergique, précurseur du LSD, et du phénylaclétone, substance utilisée dans la fabrication d'amphétamines.

Il n'a pas été jugé opportun d'inclure dans le champ d'application de la loi, les mélanges de précurseurs chimiques. Une telle mesure aurait considérablement alourdi le dispositif législatif pour un résultat aléatoire. La difficulté technique de l'extraction des précurseurs et son coût rendent, selon les indications fournies à votre rapporteur, théorique le risque représenté par le détournement de produits précurseurs issus de tels mélanges. En outre, le nombre de produits concernés atteint plusieurs milliers, chiffre qui montre à quel point les contrôles seraient difficiles. Ceux-ci, en étant limités aux 22 produits de la liste devraient faire la preuve de leur efficacité.

L'article premier a été adopté par l'Assemblée nationale dans le texte du projet gouvernemental. Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE PREMIER - Des échanges intra-communautaires

Article 2
Agrément des personnes effectuant certaines opérations sur les produits de première catégorie

L'article 2 vise à transposer en droit interne les dispositions du premier paragraphe de l'article 4 de la directive européenne n° 92/109 du 14 décembre 1992, selon lequel « les États membres [doivent prendre] toutes les mesures appropriées pour que la fabrication ou la mise sur le marché dans la Communauté des substances classifiées de la catégorie 1 (...) soient subordonnées à la possession d'un agrément octroyé par les autorités compétentes. »

Le projet de loi étend cette obligation aux opérations de transformation des produits chimiques et précise que les échanges ne sont possibles qu'entre personnes -physiques ou morales- agréées. L'Assemblée nationale a, sur ce point, adopté un amendement clarifiant la rédaction initiale du texte.

Il devenait urgent de transcrire cette disposition dans notre droit car les industriels français se trouvaient pénalisés par l'absence de toute procédure d'agrément. En effet, la plupart des États membres de l'Union européenne -à l'exception pourtant de certains États comme l'Espagne- ont déjà procédé à la transposition de la directive dans leur droit interne et ils exigent, en bonne logique, que tout échange de substances inscrites au tableau des produits utilisés pour la fabrication de stupéfiants se fasse entre opérateurs agréés. Les industriels français éprouvaient, de ce fait, certaines difficultés à commercer avec nos partenaires européens.

Les modalités d'attribution et de retrait de l'agrément seront fixées par un décret pris en Conseil d'État. Elles devraient, selon les précisions fournies à votre rapporteur, s'inspirer des règles définies par les articles premier à 6 du décret n° 95-106 du 31 janvier 1995 relatif au contrôle du commerce des produits chimiques précurseurs de stupéfiants ou de substances psychotropes avec les pays n'appartenant pas à l'Union européenne.

Il appartiendra donc au ministre de l'industrie de délivrer les agréments, après instruction des demandes par la mission nationale de contrôle des précurseurs chimiques. Cette mission, mise en place par le décret n° 95-106 du 31 janvier 1995, regroupe des fonctionnaires de trois ministères : le ministère de l'industrie est représenté par des membres du service des industries de base et des biens d'équipement (SER1BE), le ministère de l'intérieur par des fonctionnaires de police de l'Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCTRIS) et le ministère de l'économie et de finances par des personnels de la direction nationale des recherches et enquêtes douanières (DNRD). Il existe, au sein de cette direction, un observatoire des précurseurs chimiques.

L'agrément pourrait être, concrètement, délivré pour une période de trois ans reconductible sur nouvelle demande du bénéficiaire. Un agrément provisoire valable pendant trois mois pourrait, en outre, être octroyé pendant l'instruction de la demande. Le ministre de l'industrie aurait la faculté de retirer l'agrément dès que son titulaire ne réunirait plus les conditions de son octroi.

Ainsi qu'il est déjà prévu pour les personnes commerçant avec des pays tiers, c'est-à-dire, n'appartenant pas à l'Union européenne, une procédure simplifiée sera mise en place pour les laboratoires de pharmacie humaine et vétérinaire. En effet, l'ouverture de ces établissements est déjà subordonnée à une autorisation administrative conformément aux dispositions des articles L.598 et L.616 du code de la santé publique. En conséquence, leur agrément pour procéder à la fabrication, à la transformation ou à la mise à disposition de substances de la première catégorie devrait être de droit, l'exploitant étant seulement tenu d'adresser au ministre de l'industrie une copie de son autorisation accompagnée de la liste des substances de première catégorie concernées.

Enfin, le dernier alinéa de cet article prévoit que, lorsqu'une personne est domiciliée ou a son principal établissement dans un autre État membre de l'Union européenne, les règles d'agrément applicables sont celles de cet État.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 sans modification.

Article 3
Déclaration de locaux

S'agissant des substances de deuxième catégorie, l'agrément ne sera pas requis pour les personnes les fabriquant, les transformant ou les mettant à disposition de tiers. En revanche, celles-ci devront déclarer au ministre de l'industrie les adresses des locaux dans lesquels elles exercent ces activités.

Le projet de loi répond ainsi à l'exigence du paragraphe 4 de l'article 4 de la directive européenne n° 92/109 du 14 décembre 1992. Celle-ci impose, en effet, aux « opérateurs intervenant dans la fabrication ou la mise sur le marché de substances classifiées de la catégorie 2 (...) [à] déclarer et [à] actualiser auprès des autorités compétentes les adresses des locaux dans lesquels ils fabriquent ces substances ou à partir desquels ils en font commerce. »

Selon les précisions fournies à votre rapporteur, la déclaration devrait faire l'objet d'une simple lettre adressée par le professionnel concerné au ministre ; il n'est, en effet, pas envisagé de créer un formulaire-type pour répondre à cette obligation. Rappelons qu'une formalité de ce genre est déjà imposée aux opérateurs participant au commerce international des substances des deuxième et troisième catégories par l'article 2 bis du règlement européen 3677/90 du 13 décembre 1990.

L'Assemblée nationale a adopté l'article 3 dans la rédaction du projet gouvernemental. Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 4
Obligation de transmission de documents à l'administration

Opérant une transposition des dispositions de l'article 2 de la directive européenne n° 92/109 du 14 décembre 1992, l'article du projet qui nous est soumis impose aux personnes mettant à disposition de tiers des substances des première et deuxième catégories de détenir et, le cas échéant, de présenter à l'administration des documents permettant d'identifier la nature et la quantité de produits ayant fait l'objet d'une transaction ainsi que l'identité des vendeurs et acheteurs. Il impose, en outre, à ces derniers d'indiquer l'usage qu'ils ont l'intention de faire de ces substances. La directive du 14 décembre 1992 précisait la nature des documents visés. Il s'agissait des « documents commerciaux, tels que les factures, les manifestes, les pièces administratives, [des] documents de transport et autres documents d'expédition. » Reprenant les termes de la directive, le décret à prendre devrait, selon les informations fournies à votre rapporteur, préciser que les documents doivent être conservés pendant une durée minimale de trois ans à partir de la fin de l'année civile au cours de laquelle a été réalisée l'opération qu'ils mentionnent.

En ce qui concerne les substances de deuxième catégorie, la procédure devrait être simplifiée afin d'alléger les formalités pour certains établissements comme les laboratoires de recherche qui travaillent souvent sur de faibles quantités de produits chimiques.

Le dernier alinéa de l'article 4 prévoit une levée de l'obligation de détention et de présentation des documents lorsque les transactions sont répétitives ou qu'elles portent sur des quantités n'excédant pas certains seuils.

Pour les transactions répétées, une déclaration unique par substance portant sur une durée de douze mois est actuellement envisagée. Quant aux seuils en deçà desquels, les professionnels ne sont plus soumis aux obligations du présent article, ils devraient reprendre ceux mentionnés à l'annexe II de la directive européenne n° 93/46 du 22 juin 1993, à savoir : 20 litres pour l'anhydride acétique ; un kilogramme pour l'acide anthranilique et des sels, ainsi que pour l'acide phénilacétique et ses sels ; cinq cents grammes pour la pipéridine et ses sels.

Une telle disposition présente l'intérêt, notamment pour des branches comme la pharmacie et la parfumerie, de permettre la protection des secrets de fabrication et, par là, des marques.

L'Assemblée nationale a adopté l'article 4 dans la rédaction du projet gouvernemental. Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE II - Dispositions communes aux échanges intra-communautaires et extracommunautaires

Article 5
Marquage des produits chimiques précurseurs de stupéfiants ou de substances psychotropes

Le titre II du projet de loi qui nous est soumis vient combler un vide juridique. Jusqu'à présent, en effet, des règles restrictives étaient appliquées s'agissant des échanges de produits avec les pays tiers, à l'extérieur de l'Union européenne, mais sans véritable base égale. Le titre II comble ce vide et vise, en outre, les transactions intra-communautaires.

L'article 5 transpose en droit français l'obligation de marquage mentionnée au paragraphe 3 de l'article 2 de la directive européenne n° 92/109 du 14 décembre 1992 selon lequel les précurseurs chimiques doivent, lorsqu'ils sont mis sur le marché, importés, exportés ou en transit, faire l'objet d'un marquage.

L'ensemble de ces produits fait déjà l'objet d'un marquage en application de l'arrêté du 28 mars 1989 fixant la liste et les conditions d'étiquetage et d'emballage des substances et préparations dangereuses ou vénéneuses, de l'arrêté du 20 avril 1994 relatif à la déclaration, la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances, et des différents arrêtés portant règlement pour le transport des matières dangereuses.

L'article 5 présente l'intérêt d'imposer un marquage reprenant le nom exact de la substance tel qu'il est inscrit sur la liste fixant les trois catégories de produits.

L'Assemblée nationale a adopté cet article dans la rédaction du projet gouvernemental. Votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Article 6
Déclaration des opérations pouvant laisser à penser à l'existence d'un détournement de substances

L'article 6 constitue la disposition la plus novatrice du projet qui nous est soumis. Il s'agit, en effet, de permettre aux professionnels d'effectuer, lorsque certaines opérations leur paraissent douteuses, une véritable déclaration de soupçon.

Certes, l'arsenal juridique mis en place par les articles 2 à 4 du projet de loi et le décret n° 95-106 du 31 janvier 1995 portant spécifiquement sur le commerce extra-communautaire des précurseurs chimiques sera efficace mais il devra être complété par une auto-surveillance exercée par les professionnels sur les mouvements de produits.

Le présent article qui reprend presque intégralement la rédaction du deuxième alinéa l'article 5 de la directive européenne n° 92/109 du 14 décembre 1992, oblige les personnes fabricant, transformant, transportant, stockant mettant à disposition ou faisant le courtage des précurseurs à signaler au ministre de l'industrie les opérations « laissant à penser » que ces substances peuvent servir à la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes.

Une telle disposition présente une communauté d'inspiration avec l'article 3 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic de stupéfiants. Selon cette disposition, les organismes financiers sont tenus de déclarer à l'autorité administrative les sommes inscrites dans leurs livres leur paraissant provenir de l'une des infractions prévues par l'article L.627 du code de la santé publique (trafic de drogue, blanchiment) ou par l'article 415 du code des douanes (opérations financières entre la France et l'étranger portant sur des fonds provenant du trafic de stupéfiants ainsi que les opérations portant sur ces sommes). Dans les deux textes, les expressions retenues (« sommes qui paraissent provenir » dans la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990, « opérations qui laissent à penser » dans le présent projet de loi) sont volontairement imprécises avant d'obliger les professionnels concernés à déclarer leurs soupçons.

L'article 6 du projet de loi, qui nous est soumis n'instaure pas un système de dénonciation d'infractions mais de dénonciation d'opérations suspectes qui pourront éventuellement permettre de découvrir des opérations illicites. Ces opérations suspectes peuvent être décelées par différents indices. L'Union des industries chimiques (UIC) a déjà dressé, à l'intention de ses adhérents, une liste non exhaustive de ces indices. Celle-ci s'inspire d'un document de l'US Drug Enforcement Administration (DEA), le bureau fédéral américain de lutte contre les stupéfiants. Compte tenu de son intérêt documentaire, nous la reproduisons ci-après :

INDICES PERMETTANT DE DÉCELER LES OPÉRATIONS SUSPECTES

Identité du client

- Nouveau client

- Client se présentant sans contact préalable

- Client manquant de sens des affaires

- Réticence ou refus de donner un numéro de téléphone ou une adresse, ou encore de fournir un bon de commande écrit

- Absence de papier à lettres à en-tête

- Commandes émanant de sociétés qui ne sont pas connues ou qui sont difficiles à localiser dans les annuaires professionnels

- Client n'appartenant pas à une association commerciale ou professionnelle

- Commandes émanant de sociétés incapables de fournir les références commerciales habituelles

Pratiques commerciales

- Adresse de livraison des produits ou d'origine de la commande correspondant à un domicile privé ou à une boîte postale

- Commandes passées à des intervalles irréguliers

- Paiement en espèces, par mandat postal ou chèque certifié

- Procédure de paiement non conforme aux pratiques en vigueur dans la région du monde d'où provient la commande

- Proposition de payer un prix excessif pour un certain type de produits ou pour une livraison rapide

- Commandes émanant d'universités ou compagnies connues qui sont passées selon des procédures habituelles mais pour lesquelles une livraison à une personne nommément désignée est demandée

- Fait d'indiquer un transitaire ou un négociant/distributeur inhabituel comme destinataire final des produits

- Fait de demander que la livraison soit effectuée à un intermédiaire dont les activités et/ou la localisation sont sans rapport avec l'activité prétendue de l'utilisateur finalIl convient de préciser qu'en cas de non déclaration, le professionnel pourra être considéré comme le complice des producteurs, transporteurs et trafiquants de stupéfiants et tombera ainsi sous le coup des sanctions prévues par les articles 222-35 et 222-37 du code pénal.

L'Assemblée nationale a adopté l'article 6 dans le texte du projet gouvernemental. Votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Article 7
Communication des informations susceptibles de modifier la « déclaration de soupçon »

L'article 7 constitue le corollaire du précédent article. Il oblige toute personne se livrant à la fabrication, à la transformation, au transport, au stockage, au courtage de précurseurs chimiques ou mettant ces substances à disposition de tiers à communiquer immédiatement au ministre de l'industrie, les informations susceptibles de modifier la déclaration qu'il lui a faite lorsque des opérations lui ont semblé douteuses.

Une telle disposition s'inspire directement de l'article 4 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic de stupéfiants qui impose la même obligation aux organismes financiers en cas de « modification de l'appréciation » portée par ceux-ci dans la déclaration à l'autorité administrative.

L'Assemblée nationale a adopté l'article 7 dans la rédaction du projet gouvernemental. Votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Article 8
Levée du secret professionnel et absence de responsabilité civile ou administrative des personnes ayant fait des déclarations de bonne foi

Comme les précédents, l'article 8 du projet de loi a été inspiré par les dispositions adoptées dans la loi sur le « blanchiment ».

Le premier alinéa interdit d'intenter toute poursuite fondée sur l'article 226-13 du code pénal contre les personnes qui ont, de bonne foi, déclaré des opérations anormales au ministre de l'industrie.

« Art. 226-13. - La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 1000 000 F d'amende. »

L'article 226-13 du code pénal réprime les atteintes au secret professionnel. Or, la déclaration de « soupçon » mentionnée à l'article 6 du projet de loi peut conduire un professionnel à lever des secrets de fabrication. Il ne faut pas oublier que les deux branches les plus directement concernées par ce texte sont l'industrie pharmaceutique et l'industrie de la parfumerie et des cosmétiques, dans lesquelles les travaux de recherche, les procédés de fabrication, la composition des produits (pour les parfums par exemple) sont entourés de secret. L'article 8 du projet de loi permettrait, en théorie, d'éviter à un salarié d'un laboratoire d'être victime d'un licenciement si, pour informer l'administration d'opérations inhabituelles portant sur des précurseurs chimiques, il a été contraint de ne pas respecter la clause de secret incluse dans son contrat de travail.

Le critère de la « bonne foi » pourra, en outre, être opposé aux personnes qui seraient tentées d'attirer l'attention du ministère de l'industrie sur de pseudo-trafics ou productions illicites dans le but d'en camoufler d'autres moins avouables.

Le dernier alinéa de l'article 8 dispose qu'aucune action en responsabilité civile ou administrative ne pourra être engagée contre une personne ayant fait une déclaration de bonne foi ; il ajoute qu'en cas de préjudice résultant directement de la déclaration, l'État répondra du dommage subi. Ces dispositions s'appliqueront même si la preuve des faits délictueux n'est pas apportée ou s'il y a non-lieu, relaxe ou acquittement. Une telle solution s'impose dès lors que la déclaration est faite de bonne foi, l'opérateur ne pouvant savoir, au moment où il a des soupçons, si ceux-ci se trouveront confirmés par la suite.

L'Assemblée nationale a adopté l'article 8 dans la rédaction du projet gouvernemental. Votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Article 9
Communication d'informations à la demande du ministre de l'Industrie

L'article 9 du projet de loi reprend, pour l'essentiel, les dispositions de l'article 5 et du deuxième alinéa de l'article 6 de la directive européenne, déjà évoquée à plusieurs reprises, n° 92/109 du 14 décembre 1992.

Dans le but de compléter le dispositif de surveillance des opérations réalisées sur les précurseurs chimiques, il ouvre au ministre chargé de l'industrie la faculté de demander des informations aux professionnels :

- qu'il s'agisse de données de caractère global ;

- qu'il s'agisse de précisions relatives à une commande précise de substances ou à une opération mettant en jeu de telles substances.

Nos collègues députés ont opportunément précisé le délai de transmission imposé aux industriels pour la transmission des informations de caractère global.

Votre commission a estimé souhaitable d'étendre la même condition de délai aux informations de caractère précis relatives aux commandes aux opérations.

Sous le bénéfice de cet amendement de précision, votre commission vous propose d'adopter l'article 9.

Article 10
Contrôle de l'administration

L'article 10 a pour objet de définir les personnes habilitées à exercer les contrôles et les actions que ces personnes peuvent mener aux fins du contrôle.

Sont investis du pouvoir de contrôle :

- les agents de l'administration des douanes ;

- les agents assermentés habilités par le ministre chargé de l'Industrie. Ces agents seront ceux relevant soit de la Mission nationale de contrôle, soit, éventuellement, des directions régionales (les DRIRE).

Ces agents pourront :

- accéder aux établissements industriels et locaux professionnels de fabrication et de stockage des produits ;

- prendre communication et copie de l'agrément des personnes physiques et morales en cause ;

- prendre connaissance et copie des documents commerciaux, des documents de transport, d'expédition, d'importation, d'exportation et de transit des substances ;

- prélever ou -la précision apportée sur ce point par l'Assemblée nationale est importante car elle devrait permettre de prévenir des accidents susceptibles de porter atteinte à l'environnement ou à la sécurité- faire prélever en leur présence, par des tiers, des échantillons.

L'expérience a, en effet, montré, dans le passé, que certains prélèvements trop hâtifs pouvaient engendrer des conséquences dommageables.

Concrètement, les prélèvements d'échantillons donneront lieu à placement sous scellés.

Observant que les dispositions qui précèdent sont clairement distinctes des procédures de constatation d'infractions pénales et que, de ce fait, il n'y aura lieu ni à perquisition, ni à saisine, ni contrainte matérielle -ce qui est conforme à la décision du Conseil constitutionnel du 19 janvier 1988 sur la loi relative aux bourses de valeur-, votre commission souligne que ces mêmes dispositions ne limitent en rien les pouvoirs que détient, par ailleurs, la police.

Elle émet le souhait que la coopération la meilleure sera assurée entre services de l'industrie, des douanes et de la police nationale.

Elle vous propose d'adopter l'article 10 sans modification.

Article 11
Règles relatives aux contrôles et prélèvements

Reprenant un principe déjà contenu dans plusieurs textes de police administrative -comme par exemple, la loi n° 92-1443 du 31 décembre 1992 portant réforme du régime pétrolier, dont l'article 12 porte sur le contrôle des stocks stratégiques d'hydrocarbures-, cet article n'autorise l'accès aux locaux professionnels pour les agents chargés du contrôle et du prélèvement d'échantillons que pendant les heures de travail des services concernés de l'établissement ; il impose, de surcroît, la présence du directeur de l'établissement ou de son représentant.

L'Assemblée nationale a adopté l'article 11 dans le texte du projet gouvernemental. Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 12
Procès-verbal

Les constatations des agents du ministère de l'Industrie ou de l'administration des douanes ayant effectué les contrôles doivent être inscrites dans un procès-verbal dont copie est remise à l'opérateur contrôlé, l'original étant adressé au ministre de l'Industrie. Là encore, il s'agit d'une disposition classique en matière de police administrative.

Votre commission observe qu'aucune condition de délai n'est mise à l'établissement ni à la remise de la copie du procès-verbal, et que l'autorité chargée de la remise du procès-verbal.

Sous réserve d'un tel amendement, votre commission vous propose d'adopter l'article 12.

Article 13
Sanctions du défaut d'agrément

L'article 13 constitue l'une des dispositions introduisant des sanctions dans le projet de loi dont nous sommes saisis.

Il vise les manquements aux dispositions de l'article 2 (agrément) du projet et de l'article 2 bis du règlement européen n° 3677/90 du 13 décembre 1990.

Le premier alinéa définit d'abord le délai dans lequel le ministre chargé de l'Industrie invite les personnes physiques ou morales dont l'activité a donné lieu à constatation d'un manquement à prendre connaissance du dossier. Ce délai, fixé à un an, pourrait sembler d'une excessive longueur. En réalité, il a pour objet de permettre aux services de l'Industrie de renouveler, si besoin était, les contrôles pour s'assurer de certains faits. À l'inverse, tout procès-verbal ne conduira pas systématiquement à constitution d'un dossier.

La personne concernée disposera d'un délai d'un mois pour présenter ses observations.

Passé ce délai, et au vu du procès-verbal, le ministre prendra une décision ordonnant le paiement d'une amende. Cette décision devra être motivée.

L'article 13 précise ensuite le montant de l'amende.

Pour les mises à disposition de tiers faites sans agrément à titre onéreux -précision apportée par l'Assemblée nationale-, l'amende serait égale au total du chiffre d'affaires en résultant depuis le 1er janvier de la troisième année précédant l'année de constatation du manquement.

On observera qu'une telle amende n'est à redouter que par les entreprises ou personnes dont l'activité serait ancienne et qu'elle serait peu opérante à l'encontre des entreprises éphémères.

Le bilan et les factures de l'entreprise permettront le calcul du chiffre d'affaires en cause.

Pour les fabrications, transformations et mises à disposition de tiers à titre gratuit faites sans agrément, l'amende serait égale au triple de la valeur en stock des produits à la date de la constatation du manquement.

L'Assemblée nationale ; n'a, pour l'essentiel, apporté que des modifications d'ordre rédactionnel à l'article 13. Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un amendement rédactionnel.

Article 14
Sanctions en cas de manquement à diverses obligations

L'article 14 organise les sanctions aux manquements pour les articles 3 à 5 du projet de loi, ainsi que du 2 de l'article 2 bis ou de l'article 3 du règlement européen n° 3677-90 du 13 décembre 1990, cette dernière disposition ayant été insérée par un règlement n° 900/92 du 31 mars 1992.

Sont, en conséquence, visés :

- la déclaration de locaux pour les fabricants, transformateurs ou personnes mettant à disposition des substances de deuxième catégorie (article 3 du projet de loi) ainsi que pour les importateurs, exportateurs et transitaires des mêmes produits et les exportateurs de substances de troisième catégorie (2 de l'article 2 bis du règlement européen n° 3677/90 modifié du 13 décembre 1990) ;

- la détention et la présentation à l'administration de documents pour les personnes mettant sur le marché des substances des première et deuxième catégories (article 4 du projet de loi) ;

- le marquage de l'ensemble des produits pour les personnes mettant à disposition ainsi que pour les importateurs, les exportateurs et les transitaires (article 5 du projet de loi).

Les conditions de délai après la constatation, de prise de connaissance par la personne concernée et de décision motivée du ministre sont les mêmes que celles définies à l'article 13.

La sanction est une amende de 10.000 francs par manquement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un amendement rédactionnel.

Article 15
Sanctions en cas de retard dans la transmission d'une information au ministre de l'Industrie

L'article 15 prévoit le paiement d'une astreinte journalière pour tout opérateur ne transmettant pas au ministre de l'Industrie les informations de caractère global exigées au dernier alinéa de l'article 3 du règlement européen n° 3677-90 modifié du 13 décembre 1990 et du premier alinéa de l'article 9 du présent projet de loi ainsi que les renseignements portant plus spécifiquement sur toute commande de précurseurs chimiques conformément au dernier alinéa de ce même article 9.

Après la notification par le ministre de l'Industrie fixant un délai à l'opérateur pour satisfaire à ses obligations, celui-ci devra à l'expiration de ce délai, s'il persiste à ne pas communiquer les documents et informations demandés, payer une astreinte journalière de 1.000 francs.

Outre un amendement corrigeant une erreur de référence, nos collègues députés ont adopté deux amendements précisant les délais mentionnés au présent article. L'article 15 sanctionnant un retard, les délais procéduraux se doivent, en effet, d'être brefs. Lorsqu'une personne ne produit pas les informations demandées par le ministre de l'Industrie dans un délai que le décret pourrait ultérieurement de fixer à un mois, cette personne dispose d'un premier délai de huit jours pour présenter ses observations à l'autorité administrative puis d'un second délai de huit jours pour satisfaire à ses obligations.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 16
Sanctions en cas de refus de se soumettre aux opérations de contrôle

Si une personne empêche les agents de l'administration d'exercer leur mission de contrôle, soit en leur refusant l'accès à un établissement ou à un local professionnel, soit en ne leur communiquant pas certains documents tels le justificatif de l'agrément, les documents commerciaux ou les documents de transport, soit encore en s'opposant à la prise d'échantillon, celle-ci sera passible d'une astreinte pouvant atteindre 5.000 francs par jour.

La décision de mise sous astreinte sera prise par le ministre de l'Industrie après qu'il aura invité la personne intéressée à prendre connaissance du dossier et à formuler ses observations (dans les trois mois suivant le procès-verbal constatant le refus) et, le cas échéant, après qu'il aura accordé un délai permettant à l'opérateur de satisfaire à son obligation.

Afin d'aligner cette procédure sur celle prévue à l'article 15, nos collègues députés ont adopté une rédaction précisant que la personne concernée dispose d'un délai de huit jours pour mettre fin à son opposition.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 16 sans modification.

Article 17
Prescription

L'article 17 du projet dispose que des faits remontant à plus de trois ans ne pourront faire l'objet d'amendes ou d'astreintes à condition qu'aucun acte « tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction » n'ait été accompli pendant cette période.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans le texte du projet gouvernemental. Votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Article 18
Recouvrement des astreintes et des amendes

L'article 18 s'inspire des termes de l'article 15 de la loi n° 92-1443 du 31 décembre 1992 portant réforme du régime pétrolier. Les amendes et astreintes prévues par le projet seront versées au Trésor et leur recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions relatives au contentieux douanier contenues dans le titre XII du code des douanes.

L'Assemblée nationale a adopté cet article dans le texte du projet gouvernemental. Votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Article 19
Recours de pleine juridiction

Les décisions du ministre de l'Industrie sanctionnant les personnes contrevenant aux dispositions de la présente loi sont susceptibles de recours de pleine juridiction. De tels recours confèrent au juge des pouvoirs étendus puisque leur effet ne se borne pas à l'examen d'une décision administrative et, le cas échéant, à son annulation mais peut donner lieu à réformation ou à remplacement de l'acte contesté.

Seront susceptibles de ce type de recours :

- les amendes ordonnées par le ministre de l'industrie conformément aux articles 13 (défaut d'agrément) et 14 (défaut de déclaration de locaux, non-détention et non-présentation de documents, non-respect des règles de marquage) ;

- les astreintes prononcées par le même ministre en application des articles 15 (retard dans la transmission d'une information) et 16 (refus d'accès à un local professionnel, refus de communication de documents, refus de prélèvement d'échantillon).

L'Assemblée nationale a adopté l'article 19 dans le texte du projet gouvernemental. Votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Article 20
Non application de la loi à Saint-Pierre-et-Miquelon

L'article 20 prévoit que les dispositions de la future loi ne s'appliqueront pas à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Il convient, en effet, de rappeler que la collectivité ne relève pas de l'Union européenne. Dès lors, il apparaît logique, si l'on souhaite que les dispositions en question lui soient applicables, que soit consultée l'assemblée territoriale de la collectivité.

Or, pour que soit respectée une telle procédure, l'article 22 de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon impose que la loi précise expressément qu'elle n'est pas applicable à cette collectivité.

L'Assemblée nationale a adopté l'article 20 dans le texte du projet gouvernemental. Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TROISIÈME PARTIE - EXAMEN PAR LA COMMISSION

Réunie le 24 avril 1996 sous la présidence de M. Jean François-Poncet, président, la commission des Affaires économiques a procédé, sur le rapport de M. Francis Grignon, rapporteur, à l'examen du projet de loi n° 267, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, relatif au contrôle de la fabrication et du commerce de certaines substances susceptibles d'être utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes.

À l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Michel SOUPLET s'est enquis des conditions éventuelles d'application du projet à Saint-Pierre et Miquelon.

La commission a alors adopté quatre amendements aux articles 9, 12, 13 et 14. Sous réserve de ces amendements, la Commission a décidé, à l'unanimité des présents, de proposer l'adoption du projet de loi n° 267.

ANNEXE - PRÉSENTATION DES PRINCIPAUX PRODUITS CHIMIQUES DE PREMIÈRE ET DEUXIÈME CATÉGORIES

(Source : ministère de l'Industrie)

Annexe consultable au format pdf

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