Rapport n° 420 (1995-1996) de M. Lucien LANIER , fait au nom de la commission des lois, déposé le 12 juin 1996

Disponible au format Acrobat (631 Koctets)

N° 420

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 juin 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de résolution , présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par MM. Pierre LAGOURGUE et Lucien LANIER sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise (n° E-405),

Par M. Lucien LANIER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir le numéro :

Sénat : 277 (1994-1995)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 13 juin 1996, sous le présidence de M. Jacques Larché, président, la commission a examiné, sur le rapport de M. Lucien Lanier, la proposition de résolution n° 277 (1994-1995) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise.

Sur proposition de son rapporteur, elle a adopté une proposition de résolution qui :

- approuve les orientations de la proposition initiale de directive,

- invite en conséquence le Gouvernement à agir au sein du Conseil pour permettre l'assimilation de l'avocat communautaire à l'avocat national à l'issue d'une période transitoire d'exercice sous le titre d'origine,

- rappelle que l'avocat communautaire exerce son activité dans le respect des règles de l'État d'accueil, y compris celles concernant la postulation,

- estime que pendant le phase d'exercice temporaire, l'avocat migrant soit tenu, le cas échéant, d'agir de concert avec un avocat local,

- demande la suppression du test d'aptitude à l'issue de la période d'exercice temporaire dès lors que l'avocat migrant justifie d'une activité effective et régulière de trois ans dans le droit de l'État d'accueil et le droit communautaire,

- insiste, comme le fait le rapport de la commission juridique du Parlement européen, sur la nécessité de préserver l'indépendance de l'avocat en ouvrant aux États membres la faculté d'interdire l'établissement, sur leur territoire, d'avocats exerçant dans une structure contrôlée, en droit ou en fait, par des personnes n'ayant pas la qualité d'avocat,

- attire l'attention sur la situation spécifique des territoires d'outre-mer et la nécessité de les consulter dans la perspective de la renégociation de la décision d'association à la Communauté européenne.

-

Mesdames, Messieurs

Conformément à l'article 88-4 de la Constitution, le Gouvernement a transmis au Parlement une proposition d'acte communautaire, distribuée le 26 avril 1995 sous la référence E 405, résultant de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise.

Cette directive viendrait compléter le cadre actuel d'exercice de la profession d'avocat dans la Communauté européenne sur le fondement de la liberté d'établissement énoncée aux articles 52 à 58 du Traité de Rome dont la directive du 21 décembre 1988, qui institue un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur, n'a pas assuré la pleine effectivité.

Parce qu'elle faciliterait le libre établissement des avocats sur l'ensemble du territoire communautaire, cette directive doit être adoptée rapidement. Elle pourrait cependant être améliorée à plusieurs égards ainsi que le suggère notre collègue M. Pierre Lagourgue et votre rapporteur, coauteurs de la proposition de résolution n° 277 (1994-1995) soumise à votre examen.

Depuis le dépôt de cette proposition de résolution, la procédure d'examen de la proposition de directive s'est poursuivie au sein des instances communautaires et la commission juridique du Parlement européen a adopté, le 25 avril 1996, sur le rapport de Madame Nicole Fontaine, un texte amendé qui doit être soumis au Parlement européen avant l'été. Conformément à la procédure de codécision, le texte sera ensuite examiné par le Conseil des ministres puis à nouveau par le Parlement, en deuxième lecture, une troisième lecture n'intervenant qu'en cas de désaccord entre le Parlement et le Conseil.

Par rapport à la proposition initiale, le texte proposé par la commission juridique marque un très sensible infléchissement qui appelle des observations de la part de votre commission des Lois, motif pour lequel elle vous proposera de retenir une résolution complétée par rapport à sa rédaction initiale afin de prendre en compte les évolutions récentes de la question.

Avant d'évoquer le cadre actuel d'exercice de la profession d'avocat sur le territoire communautaire et d'analyser les perspectives ouvertes par la proposition de directive et les améliorations qui pourraient être apportées au dispositif, votre commission des Lois tient à mettre l'accent sur l'importance des enjeux du marché européen du droit et de 1'» Europe des avocats ».

S'ils veulent préserver et développer l'influence du droit français et de ses qualités intrinsèques par rapport au droit anglo-saxon qui a d'ores et déjà conquis des pans importants de la pratique juridique, notamment du droit bancaire et, au-delà, du droit des affaires, les avocats français doivent renforcer leur dynamisme et savoir s'» exporter ». Dans cette perspective, la directive est une chance qu'il leur faudra exploiter.

*

* *

I. LES CONDITIONS ACTUELLES D'EXERCICE DE LA PROFESSION D'AVOCAT DANS UN ÉTAT MEMBRE AUTRE QUE CELUI OÙ LA QUALIFICATION A ÉTÉ ACQUISE

Le traité de Rome pose deux principes fondamentaux en matière d'exercice professionnel :

- la liberté d'établissement des personnes exerçant une activité indépendante et des entreprises ;

- la libre prestation des services.

La directive 77/249 du 22 mars 1977 a fixé les conditions de l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats tandis que le libre établissement s'exerce dans le cadre de la directive 89/48 du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes de l'enseignement supérieur.

A. LA LIBRE PRESTATION DE SERVICES

Les articles 59 à 66 du traité posent, pour leur part, le principe de la libre prestation de services, c'est-à-dire de toute activité professionnelle indépendante exercée au-delà des frontières à partir d'un établissement situé dans un État membre ; autrement dit, ils autorisent l'exercice temporaire d'une activité professionnelle indépendante transnationale dans la mesure où celle-ci n'est pas déjà régie par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.

Aux termes du traité, les prestations de services ainsi exécutées doivent être limitées dans le temps et présenter un caractère occasionnel.

1. La directive « libre prestation des services par les avocats »

En vertu de la directive 77/249 du 22 mars 1977 tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats, un avocat peut librement donner des consultations dans tout État membre, tant dans le droit de son pays d'origine, que dans celui du pays d'accueil, en droit international ou communautaire. La directive pose donc le principe de la reconnaissance mutuelle des autorisations d'exercer.

Il exerce cette activité de consultation sous son titre d'origine.

La prestation de services n'est pas subordonnée à une condition de résidence ni d'inscription auprès de l'organisme professionnel de l'État d'exercice occasionnel ; elle est toutefois soumise au respect des règles déontologiques de l'État d'accueil. La Cour de justice des Communautés européennes a confirmé avec fermeté le caractère impératif de cette disposition, notamment dans son arrêt Gullung du 19 janvier 1988.

En outre, la représentation et la défense en justice peuvent être subordonnées à la présence d'un avocat local avec lequel l'avocat communautaire agit « de concert » . La Cour de justice des Communautés européenne a explicité la portée de cette règle dans un arrêt du 25 février 1985, Commission contre Allemagne , en précisant qu'elle avait pour but de fournir à l'avocat communautaire « l'appui nécessaire en vue d'agir dans un système juridictionnel différent de celui auquel il est habitué, et de donner au tribunal saisi l'assurance que l'avocat prestataire de services dispose effectivement de cet appui et est ainsi en mesure de respecter pleinement les règles procédurales et déontologiques applicables » .

2. Une application complexe

L'application de cette directive a soulevé un certain nombre de difficultés.

C'est ainsi que dans un arrêt du 10 juillet 1991, Commission contre France, la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que la réglementation française résultant du décret n° 79-233 du 22 mars 1979 (abrogé depuis) ne respectait pas les obligations communautaires dans la mesure où elle imposait à l'avocat prestataire de services d'agir de concert avec un avocat établi sur le territoire français même dans le cas où l'assistance d'un avocat n'était pas obligatoire.

Dans une décision Gebhard, très attendue, du 30 novembre 1995, la Cour de justice des Communautés européennes a par ailleurs précisé que le caractère temporaire de la prestation de services devait être apprécié en fonction « de sa durée, de sa fréquence, de sa périodicité et de sa continuité, et que le prestataire de services pouvait à bon droit se doter, dans l'État membre d'accueil, de l'infrastructure nécessaire aux fins d'accomplissement de sa prestation » . La ligne de partage entre la prestation de services et l'établissement ne passe donc pas par l'appréciation du caractère stable et continu de l'activité exercée dans l'État membre d'accueil à partir, le cas échéant, d'un domicile professionnel établi dans cet État.

Dans un cadre aussi difficile à cerner, la proposition de directive constitue une avancée importante puisqu'elle prévoit un établissement temporaire dans l'État d'accueil pour un exercice non limité sous le titre d'origine. Elle permettrait en outre de répondre aux incertitudes actuelles auxquelles la France est particulièrement sensible, la Commission lui ayant adressé une mise en demeure en octobre 1995, à la suite d'une plainte du Royaume-Uni, à propos des conditions d'établissement en France d'un avocat communautaire ne souhaitant exercer que le droit international, le droit communautaire et le droit de son État d'origine, à l'exclusion du droit français.

B. LE LIBRE ÉTABLISSEMENT

Les articles 52 à 58 du traité de Rome consacrent la liberté d'établissement des personnes exerçant une activité indépendante et des entreprises. A ce titre, les ressortissants d'un État membre bénéficient de l'égalité de traitement avec les nationaux pour l'exercice de leurs activités professionnelles dans tout État de l'Union.

1. La directive « équivalence des diplômes »

En application de la directive 89/48 du 21 décembre 1988 instituant un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur sanctionnant des formations professionnelles postérieures au bac d'une durée minimale de trois ans, un avocat détenteur d'un diplôme retenu par un État membre pour accéder à la profession d'avocat peut s'établir dans un autre État membre pour exercer sa profession dès lors qu'il a effectué un stage d'adaptation ou subi une épreuve d'aptitude, au choix dudit État.

Assimilé à un confrère de l'État d'accueil, l'avocat migrant doit s'inscrire à l'Ordre des avocats, cotiser et s'affilier au régime de retraite, appliquer les règles locales en matière de déontologie, de calcul des honoraires et d'incompatibilités professionnelles.

Il exerce sous le titre de l'État d'accueil sans aucune limite d'activité autre que celle prévue par la réglementation de cet État.

2. Une portée effective limitée

La directive 89/48 est avant tout destinée aux jeunes diplômés dans la mesure où elle ne prend pas en compte l'expérience professionnelle des candidats à l'intégration dans la profession de l'État d'accueil et que l'épreuve d'aptitude se présente parfois comme un véritable examen comparable à celui auquel est soumis l'avocat local. Elle s'assimile alors à un véritable instrument de protectionnisme.

Le rapport d'information déposé au nom de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne (n° 2262, dixième législature) par M. Xavier de Roux le 10 octobre 1995, montre ainsi, par un examen détaillé des épreuves auxquelles sont soumis les candidats à l'établissement en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Italie qu'en pratique « certains États membres ont mis en place des tests d'aptitude qui se révèlent tout à fait dissuasifs et présentent en outre de fortes disparités de niveaux » .

En France, le test d'aptitude complet se compose d'un écrit et d'un oral : l'écrit porte sur la rédaction en deux fois trois heures de conclusions en matière civile et d'une consultation juridique, au choix du candidat, sur le droit administratif, le droit commercial, le droit du travail ou le droit pénal ; l'oral comporte un exposé de vingt minutes sur un sujet de procédure civile, pénale ou administrative, ou sur l'organisation judiciaire française, et d'un entretien d'une quinzaine de minutes avec le jury portant notamment sur la réglementation et la déontologie.

L'article 99 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, pris pour l'application de la directive à la profession d'avocat, précise que le Conseil nationale des barreaux (CNB) arrête la liste des avocats susceptibles de bénéficier de la reconnaissance mutuelle des diplômes ; dans ses décisions, celui-ci précise s'il y a lieu de soumettre les intéressés à un examen d'aptitude et, le cas échéant, les matières dans lesquelles ils seront interrogés.

Pour les trois premières années d'application, le nombre des demandes présentées sur le fondement de cette disposition s'est élevé à 145 ; certains dossiers étant incomplets ou ayant été retirés, le CNB a rendu 101 décisions : 6 rejets directs, 17 admissions sans examen et 78 autorisations de subir un examen portant le plus souvent sur deux épreuves, voire seulement sur la réglementation professionnelle.

II. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

L'élaboration de la proposition de directive a fait l'objet d'une très longue maturation dont elle ne constitue finalement pas le dernier état si l'on veut considérer la portée très significative des amendements proposés par la commission juridique du Parlement européen.

A. UNE ÉLABORATION LABORIEUSE

Depuis l'origine, les diverses délégations nationales composant le Conseil des barreaux de la Communauté européenne (CCBE) ont travaillé sur un projet de directive de nature à permettre, pour les avocats, la mise en oeuvre des principes de libre circulation définis par le Traité de Rome.


• En 1988, trois projets furent établis à la demande de la CCBE :

- un projet de type anglo-saxon d'établissement sous le titre d'origine,

- un projet de type continental, rédigé par la Délégation française, d'établissement avec inscription au barreau de l'État d'accueil et même capacité que les avocats de cet État,

- un projet intermédiaire établi par la Délégation allemande.


• Un projet fut finalement proposé à Dublin, en mai 1991, dont l'économie consistait à créer un « avocat enregistré » aux capacités réduites et un « avocat intégré » ayant les mêmes capacités que l'avocat du pays d'accueil, avec, dans l'un et l'autre cas, une inscription au barreau de l'État d'accueil et la soumission à sa déontologie, aux incapacités et aux incompatibilités. Ce projet fut repoussé, n'ayant obtenu que huit voix favorables, la France, l'Espagne et le Luxembourg votant contre.


• A la séance plénière de La Haye quelques mois plus tard, la Délégation française proposait un amendement tendant à limiter à trois ans la durée de l'enregistrement, l'avocat étant automatiquement intégré à l'issue de ce délai.

La Délégation allemande suggérait, pour sa part, de laisser à l'État d'accueil le choix entre la formule de l'avocat enregistré sans limite dans le temps et celle de l'avocat enregistré pour une durée limitée avec obligation d'intégration.


• De nouvelles propositions furent élaborées en mars 1992 par les barreaux de Paris et Barcelone « considérant que l'établissement implique, à plus ou moins long terme, l'intégration complète de l'avocat communautaire au sein du barreau d'accueil, avec le titre local et la plénitude de compétence qui en découle » .

Lors de la session plénière de Barcelone en mai 1992, un nombre significatif de délégations manifestèrent leur accord sur les principes suivants :

- recherche d'un seul système,

- attachement à ce que celui qui porte le titre du pays d'accueil ait une certaine connaissance du droit de ce pays, dans un but de protection du public,

- possibilité de combler le déficit de formation (au sens de la directive « diplôme ») par une période d'adaptation,

- éventuel test d'aptitude mais sans que celui-ci soit une barrière artificielle.


• En octobre 1992 à Lisbonne, un projet fut approuvé par dix délégations sur douze qui prévoyait :

- que l'avocat qui désire s'établir auprès d'un État membre doit s'inscrire auprès de l'autorité compétente de celui-ci,

- qu'il peut s'établir sous son titre d'origine et que si après trois ans d'exercice effectif et permanent dans l'État d'accueil il veut devenir avocat à part entière de cet État, l'autorité compétente, statuant sur sa demande d'admission dans le cadre de la directive 89/48, est tenue de le dispenser de la totalité ou d'une partie substantielle du test d'aptitude,

- qu'il est soumis aux mêmes obligations, règles professionnelles et déontologiques, incapacités et incompatibilités que les avocats de l'État membre d'accueil,

- enfin qu'il relève du contrôle déontologique de celui-ci.

La Délégation française soutenait ce texte tout en soulignant que le statut de l'avocat établi sous son titre d'origine ne pouvait être qu'un statut provisoire.


• Les disparités considérables constatées dans les tests d'aptitude devaient finalement conduire la France à dénoncer, en 1994, son vote de 1992 et à mettre l'accent sur la nécessité d' assurer l'unité territoriale de la profession d'avocat, autrement dit de ne pas faire coexister indéfiniment sur le territoire de chaque État membre autant de professions qu'il y a d'États membres.

B. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE : FACILITER L'ÉTABLISSEMENT

Aux termes mêmes de son exposé des motifs, la proposition de directive entend définir « le cadre juridique permettant de rendre effectif le droit d'exercer la profession d'avocat, de façon permanente, ailleurs que dans l'État membre où l'on a acquis sa qualification » . Elle assouplit à cet effet les conditions d'insertion dans la profession de l'État d'accueil, améliore le fonctionnement des structures d'exercice en commun et garantit un meilleur service aux usagers du droit.

1. Le droit d'exercer temporairement sous le titre professionnel d'origine

La proposition de directive autorise les avocats communautaires à exercer leur profession, pendant une période maximale de cinq ans, dans un État membre autre que celui dans lequel ils ont acquis leur qualification.

Cet exercice est subordonné à quelques règles :

a) le même domaine d'activité que /'avocat national

L'avocat migrant exerce, sous son titre professionnel d'origine, formulé dans la langue ou l'une des langues de l'État d'origine, les mêmes activités que l'avocat exerçant sous le titre professionnel de l'État d'accueil. La réglementation de celui-ci peut en outre exiger que la mention de l'organisation professionnelle d'origine ou de l'État d'origine figure après le titre professionnel.

Cet avocat a le droit de représenter et de défendre son client en justice, sous réserve, le cas échéant, d'agir de concert avec un avocat local. Cette disposition constitue la simple reprise d'une règle applicable en matière de libre prestation de services dont la mise en oeuvre, rappelons-le, est subordonnée au choix de l'État d'accueil.

b) l'inscription auprès du barreau d'accueil

Inscrits auprès des barreaux du pays d'accueil, ces professionnels sont soumis aux obligations, règles professionnelles et déontologiques applicables aux professionnels de cet État. Ils doivent par ailleurs bénéficier d'une représentation dans les organes professionnels des avocats de l'État membre d'accueil. Enfin, ils peuvent être soumis à une obligation d' assurance par la réglementation de cet État, garantissant le cas échéant un complément de couverture si celle que prévoit l'État d'origine n'est pas équivalente à celle exigée dans l'État d'accueil.

Pour ce qui concerne la discipline afférente à l'activité exercée dans l'État membre d'accueil, la décision relève de l'autorité professionnelle de celui-ci, l'autorité compétente de l'État membre d'origine pouvant en tirer les conséquences.

En cas de retrait temporaire ou définitif de l'autorisation d'exercer la profession par l'État membre d'origine, la même interdiction pèse de plein droit sur l'activité dans l'État membre d'accueil ainsi que le prévoit d'ores et déjà la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes en matière de prestation de services.

c) un exercice temporaire sous lFRAD077_188E17e titre professionnel d'origine

L'établissement dans l'État d'accueil sous le titre d'origine est limité à cinq ans ; autrement dit, à l'expiration de ce délai et si l'intéressé ne demande pas son intégration dans la profession de l'État d'accueil, il doit cesser son activité dans cet État (sous réserve de la libre prestation de services).

2. Un intégration définitive dans la profession de l'État d'accueil

L'article 10 de la proposition de directive dispose qu'après trois ans d'un exercice effectif et permanent dans le droit de l'État membre d'accueil, y compris dans le droit communautaire, l'avocat peut accéder de plein droit à la profession dudit État. Si l'intéressé n'a pas exercé son activité dans le droit de l'État d'accueil, il peut être soumis à une épreuve d'aptitude mais limitée à la procédure et à la déontologie.

Cet article pose donc le principe de l'assimilation à l'avocat de l'État d'accueil.

3. L'encadrement de l'exercice en groupe

L'article 11 de la proposition de directive traite de l'exercice en groupe par des avocats établis temporairement sous leur titre professionnel d'origine ; il en résulte que les avocats qui souhaitent exercer en groupe disposent de trois formules leur permettant d'exercer :

- soit sous leur titre d'origine en créant des succursales ou des agences dans l'État membre d'accueil ;

- soit en constituant, entre avocats d'un même État d'origine, une structure d'exercice collectif dans l'État membre d'accueil qui devra respecter le droit national de celui-ci en matière d'exercice en groupe ;

- soit en créant, entre avocats venant de différents États d'origine, un cabinet multinational associant éventuellement des avocats de l'État d'accueil.

-La proposition de directive entend en outre garantir le respect du principe d'indépendance de l'avocat et autorise en conséquence l'État d'accueil qui n'admet pas l'exercice interdisciplinaire de ses nationaux à s'opposer à l'établissement d'avocats communautaires exerçant dans leur État d'origine au sein de structures pluri-professionnelles dans lesquelles le pouvoir de décision n'appartient pas majoritairement à des avocats.

C. LE TEXTE AMENDÉ PAR LA COMMISSION JURIDIQUE DU PARLEMENT EUROPÉEN

L'adoption de la directive étant soumise à la procédure de codécision, la commission juridique du Parlement européen a rendu ses conclusions le 25 avril 1996, sur le rapport de Madame Nicole Fontaine.

Le texte amendé, dont l'élaboration a pris plus d'un an, traduit un souci de compromis entre les positions anglaise et allemande, d'une part, et française de l'autre. De ce fait, il apporte des modifications substantielles aux principes et aux modalités retenus par la Commission.

1. L'exercice permanent sous le titre d'origine

Les amendements tendent à supprimer la période transitoire d'exercice sous le titre d'origine et à ouvrir à l'avocat migrant le choix entre exercer dans l'État d'accueil sous ce titre et demander à être intégré à la profession de l'État d'accueil pour exercer sous le titre de celle-ci.

Cette solution rompt avec le principe d'assimilation au national et conduirait, si elle était retenue, à faire coexister dans tous les États membres autant de professions d'avocat qu'il y a d'États membres.

2. Une intégration facultative sous réserve d'une activité régulière de trois ans dans l'État d'accueil

Le texte adopté par la commission juridique préfère à l'exigence d'une activité « effective et permanente » de trois ans dans le droit de l'État d'accueil, y compris le droit communautaire, celle d'une activité « régulière » dans ce droit, critère qui permet à l'avocat d'exercer auprès de plusieurs barreaux. Cette activité serait appréciée notamment au vu des documents sur les affaires traitées par l'intéressé avec un entretien éventuel dans le but de vérifier ces informations.

La commission juridique précise en outre que sont également prises en compte toute connaissance et expérience professionnelle en droit de l'État membre d'accueil ainsi que la participation à des cours ou à des séminaires portant sur ce droit, y compris le droit professionnel et la déontologie.

L' épreuve d'aptitude étant supprimée , l'intégration se fait de plein droit dès lors que la condition d'activité est remplie, sous réserve de considérations tirées de l' ordre public , « notamment en cas de poursuites disciplinaires, plaintes ou incidents de toute nature » .

3. Des précisions sur l'exercice en groupe

Le rapport de la commission juridique précise les critères d'appréciation du contrôle en fait ou en droit des structures d'exercice interprofessionnelles par des non-avocats. Le texte proposé retient trois critères dont un seul suffit à établir le contrôle par des non avocats :

- la détention majoritaire du capital,

- la dénomination d'exercice,

- le pouvoir de décision.

Il considère en outre que l'incompatibilité entre les règles régissant un tel groupe et les règles en vigueur dans l'État d'accueil justifie que celui-ci interdise l'ouverture d'une succursale ou d'une agence sur son territoire.

III. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

A. LA PROPOSITION N° 277

La proposition de résolution, présentée en application de l'article 88-4 de la Constitution par notre collègue M. Pierre Lagourgue et votre rapporteur, approuve les orientations contenues dans la proposition d'acte communautaire sous réserve de deux modifications et d'une clarification.

1. Deux modifications pour faciliter le libre établissement

a) la suppression du test d'aptitude

La proposition de résolution préconise la suppression du test d'aptitude susceptible d'être imposé à l'avocat dont l'activité effective et permanente dans l'État membre d'accueil n'a pas porté sur le droit de l'État, y compris le droit communautaire.

Selon l'exposé des motifs, un tel dispositif conduirait en effet, en cas d'échec au test d'aptitude, à interdire l'exercice de l'activité dans l'État membre d'accueil, c'est-à-dire à placer l'intéressé dans une situation plus défavorable que celle qu'il connaît actuellement.

b) l'exercice transitoire sous le titre de l'État membre d'accueil tout en conservant le titre d'origine

Les auteurs de la proposition de résolution font valoir que l'utilisation du seul titre d'origine pendant la période transitoire « risque de faire naître certaines confusions vis-à-vis des justiciables » . Ils s'interrogent en outre sur la compatibilité de cette formule avec le Traité de Rome.

2. Une clarification nécessaire : la situation des TOM

a) l'applicabilité de la directive

La proposition de résolution souhaite que le Gouvernement précise dans quelle mesure la directive est applicable aux territoires d'outre-mer.

b) la consultation des autorités territoriales

La proposition de résolution recommande que les autorités territoriales soient consultées dès lors que la directive est applicable dans les territoires d'outre-mer.

B. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION DES LOIS

Après que votre rapporteur eût exposé l'économie de la proposition de directive et les modifications qu'il suggérait d'apporter à la proposition de résolution, la commission a engagé un large débat.

M. Jacques Larché, président, a estimé que la question soulevée par la proposition de résolution était importante en raison des implications considérables de la bataille du droit engagée depuis plusieurs années. Il a souhaité que le Sénat affirme avec la plus grande fermeté les positions auxquelles il est attaché.

M. Jean-Jacques Hyest a fait valoir que la proposition de directive posait à nouveau le problème du périmètre du droit, rappelant que cette difficulté s'était déjà posée lors de la réforme de 1990. S'agissant de l'exercice interprofessionnel, il a estimé qu'il convenait d'être vigilant. En revanche, il a insisté sur la nécessité d'une attitude dynamique encourageant les avocats français à s'installer à l'étranger ; il a conclu à l'approbation des orientations définies par la proposition initiale de résolution en vue de surmonter l'attitude très protectionniste de certains États.

M. Daniel Millaud a remercié le rapporteur d'avoir posé la question des modalités d'application du libre établissement dans les territoires d'outre-mer et rappelé l'importance que ces territoires attachaient à leur consultation par le Gouvernement sur des questions relatives à leur économie.

M. Pierre Fauchon s'est inquiété des conséquences néfastes de la suppression du test d'aptitude alors qu'il serait très difficile de contrôler le caractère effectif d'une pratique professionnelle continue de trois ans dans le droit de l'État d'accueil.

M. Charles Jolibois a estimé que les frontières devaient être ouvertes dans les deux sens, avant d'opposer le dynamisme de certains cabinets anglo-saxons aux réticences des avocats français à s'expatrier. Il a par ailleurs évoqué la séparation entre le droit et le chiffre et insisté sur la nécessité d'adopter des dispositions particulièrement claires afin d'écarter de l'exercice en France de la profession d'avocat les professionnels appartenant à un groupe interprofessionnel non contrôlé par des avocats.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a souhaité avoir des informations sur le déroulement de la procédure devant les instances communautaires. Il a également appelé à une particulière vigilance quant à l'exercice par des avocats appartenant à des structures interprofessionnelles. Enfin, il a souhaité savoir dans quelles conditions les barreaux nationaux allaient contrôler l'activité des avocats communautaires.

Évoquant le marché international du droit, M. Robert Badinter a indiqué que la mondialisation de ce marché révélait une bataille du droit qui marquait un point de fracture entre le droit français et le droit anglo-saxon. Il a évoqué, à cet égard, les conditions dans lesquelles les avocats aujourd'hui établis à Hong-Kong et bénéficiant de la nationalité anglaise viendraient bientôt s'établir à Paris pour le compte de cabinets anglo-saxons et concurrencer de ce fait les avocats français dans les affaires concernant le marché sud-asiatique qui est aujourd'hui le plus prometteur. Il a par ailleurs considéré que la suppression du test ne permettrait pas de s'assurer que l'avocat communautaire maîtrise effectivement le droit et la procédure de l'État d'accueil dans la mesure où l'exigence d'une pratique de trois ans posée par la proposition de directive pouvait porter indifféremment sur le droit communautaire ou le droit national. Il a estimé qu'il était préférable de conserver un test même si celui-ci était exigeant à l'instar de l'examen actuellement organisé par le barreau britannique.

M. Jacques Larché, président, s'est inquiété du respect, par les avocats communautaires, des règles relatives à la postulation et à l'assistance juridique.

Votre rapporteur lui a précisé que les avocats communautaires exerçant en France seraient tenus aux règles d'exercice de la profession dans ce pays, y compris celles concernant la postulation. S'agissant du test, il a indiqué que les avocats français n'y étaient pas favorables dans la mesure où celui-ci pouvait être utilisé dans d'autres pays européens comme un moyen de protectionnisme déguisé et qu'il leur semblait que le contrôle du caractère effectif de la pratique professionnelle dans le droit de l'État d'accueil constituait une garantie suffisante.

M. Luc Dejoie a considéré que la dualité des approches au sein de la Communauté traduisait en fait l'opposition entre un système de droit écrit et un système de droit anglo-saxon. Il a estimé qu'il n'était pas souhaitable de faciliter l'emprise de ce dernier.

M. Jacques Larché, président, a marqué que la profession d'avocat avait fondamentalement changé dans la mesure où la France se mettait progressivement à la pratique américaine caractérisée par l'intervention préventive du juriste.

M. Pierre Fauchon a écarté toute analyse manichéenne de la position des États avant de considérer que l'exigence de trois ans d'exercice effectif dans le droit du pays d'accueil pouvait s'avérer totalement inefficace, l'intéressé pratiquant dans certains cas exclusivement le droit communautaire. Il a par ailleurs estimé que le maintien d'un test d'aptitude ne soulevait pas de difficulté de principe dès lors que sa pertinence pouvait toujours être contestée devant la Cour de justice des communautés européennes. Il a considéré qu'il était indispensable d'exiger à tout le moins un test portant sur la connaissance des règles déontologiques. Il a conclu en avouant sa perplexité.

Votre rapporteur a précisé qu'après avoir partagé les incertitudes exprimées par certains membres de la commission, il avait finalement souscrit à la position du barreau français dès lors qu'il y aurait un contrôle effectif sur l'activité de l'avocat pendant les trois années d'exercice sous le titre d'origine.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a souhaité que l'examen de la proposition de loi soit renvoyé à huitaine, afin qu'il puisse prendre connaissance des travaux de la commission juridique du Parlement européen.

Votre rapporteur a précisé que le Parlement européen devant examiner la proposition de directive à la fin du mois de juin, il était préférable d'adopter sans tarder une résolution, d'autant qu'il avait largement explicité les propositions de la commission juridique.

La commission a tout d'abord refusé de reporter à huitaine le vote de la proposition de loi.

Elle a ensuite décidé de recommander la suppression du test d'aptitude sous réserve que les propositions du rapporteur relatives à la période d'exercice transitoire soient effectivement retenues.

A la demande du président Jacques Larché, elle a souhaité rappeler que l'avocat communautaire était soumis, dans l'État d'accueil, au respect des règles de celui-ci, y compris, le cas échéant, la postulation.

Enfin, après les observations de M. Maurice Ulrich sur le poids politique des résolutions adressées au Gouvernement, elle a adopté la proposition de résolution présentée par son rapporteur.

C. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

La proposition de résolution adoptée par votre commission des Lois a été modifiée et complétée par rapport à la proposition initiale afin de réagir aux amendements de la commission juridique du Parlement européen.

1. Le choix de l'assimilation

a) la proposition de directive constitue une avancée certaine

La proposition de directive consacre trois principes fondamentaux de tout exercice cohérent et concurrentiel dans un État membre d'accueil :

- l'inscription obligatoire auprès de l'État d'accueil,

- l'application des règles professionnelles et déontologiques de cet État,

- l'exercice du contrôle disciplinaire par celui-ci et celui-ci seul.

Pour ce motif, les auteurs de la proposition de résolution comme votre commission des Lois en recommandent l' adoption rapide afin de supprimer les situations actuelles d'exercice quasi-clandestin qui ne sont pas satisfaisantes et de rendre enfin effective la liberté d'établissement.

b) le caractère temporaire de l'exercice sous le titre d'origine doit être maintenu

La proposition initiale de directive respectait le principe assimilationniste qui préside à la liberté d'établissement depuis le traité de Rome en prévoyant que l'exercice sous le titre d'origine ne serait que transitoire et que l'objectif était l'intégration à la profession de l'État d'accueil.

Les amendements de la commission juridique du Parlement européen tendent à mettre en cause cette logique et à organiser la coexistence, sur le territoire de chaque État membre, d'autant de statuts différents qu'il y a d'États dans l'Union.

Pour prévenir cette situation, votre commission des Lois invite le Gouvernement français à agir au sein du Conseil afin que l'objectif assimilationniste initial de la directive soit préservé.

Elle propose en outre de reprendre, pour la période transitoire, les

suggestions de la proposition de résolution initiale, c'est-à-dire la réduction à trois ans de la durée de cette période.

2. Préciser les modalités de l'exercice sous le titre d'origine

a) le rappel des conditions d'exercice de l'État d'accueil

Votre commission des Lois souhaite rappeler que l'avocat communautaire exerçant sous son titre d'origine est tenu de respecter les règles d'exercice de la profession dans l'État d'accueil, y compris, notamment en France, l'obligation de postulation.

b) la suppression du test d'aptitude : l'intégration comme droit

Que l'exercice sous le titre d'origine soit finalement autorisé pour une durée limitée ou sans limitation dans le temps, votre commission des Lois recommande la suppression du test d'aptitude pour l'intégration dans la profession de l'État d'accueil.

Les pratiques restrictives constatées en matière d'application de la directive sur l'équivalence des diplômes montrent en effet que la liberté d'établissement ne serait pas effective si un test était maintenu.

Les propositions formulées par la commission juridique du Parlement européen vont d'ailleurs heureusement en ce sens. Il conviendrait simplement d'en modifier la rédaction sur un point pour faire clairement apparaître que l'intégration dans la profession de l'État d'accueil est un droit.

c) l'obligation d'agir de concert avec un avocat local

La commission des lois recommande en outre que soit prévue l'obligation d'agir de concert avec un avocat du barreau d'accueil en cas d'exercice sous le titre d'origine. Il convient en effet de protéger les justiciables locaux dans les mêmes conditions que celles prévues par la directive libre prestation de services.

d) le double titre

Afin d'assurer une bonne information du public et comme l'Assemblée nationale l'a suggéré dans la résolution qu'elle a adoptée le 26 novembre 1995 sur la proposition de directive, votre commission des Lois recommande que l'exercice précédant l'intégration s'effectue sous le double titre, celui de l'État d'origine et celui de l'État d'accueil.

3. Préserver l'indépendance

La commission des Lois souhaite mettre tout particulièrement l'accent sur la nécessité d'assurer l'indépendance de l'avocat, c'est pourquoi elle se réjouit des précisions et adjonctions proposées par la commission juridique du Parlement européen en cas d'exercice dans des structures interprofessionnelles. Elle incite le Gouvernement à y souscrire.

4. Prendre en compte la situation particulière des territoires d'outre-mer

Les directives sont assimilables à des conventions internationales et elles ne sont pas directement applicables en droit interne ; or, aux termes de la Constitution, seule la loi effectuant la transposition des directives dans notre droit interne doit être soumise à la consultation des assemblées territoriales lorsque la loi a vocation à s'appliquer dans les territoires. Il apparaît toutefois indispensable de clarifier la situation des TOM au regard de la liberté d'établissement, c'est pourquoi cette question a été longuement évoquée par votre commission des Lois lors de sa réunion du 5 juin 1996, sur le rapport de notre collègue M. Paul Masson, à l'occasion des travaux préparatoires à la révision de la décision d'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne.

Votre commission des Lois se permet de renvoyer au rapport publié à la suite de cette réunion et de demander au Gouvernement de consulter sur ce point les assemblées territoriales.

*

* *

Votre commission des Lois a adopté le texte de la proposition de résolution reproduit ci-après :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

(texte adopté par la commission en application
de l'article 73 bis du Règlement du Sénat)

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition d'acte communautaire n° E-405,

Vu le projet de résolution législative adopté le 25 avril 1996 par la commission juridique et des droits des citoyens du Parlement européen

Considérant que la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil a pour objectif de faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise,

Considérant que ce texte favorisera la disparition de barrières qui entravent le libre établissement des avocats sur l'ensemble du territoire communautaire,

Considérant cependant que certaines améliorations peuvent être apportées :

- approuve les orientations contenues dans le document E-405 ;

- invite en conséquence le Gouvernement à agir au sein du Conseil afin de conserver à la proposition de directive son objectif initial d'assimilation de l'avocat communautaire à l'avocat national à l'issue d'une période transitoire d'exercice sous le titre d'origine ;

- rappelle que l'avocat exerce son activité dans l'État d'accueil dans le respect des règles en vigueur, y compris celles concernant la postulation ;

- estime que pendant cette phase d'exercice temporaire, l'avocat ne peut pratiquer le droit de l'État membre d'accueil qu'en respectant les conditions posées par la directive sur la libre prestation de services, c'est-à-dire en agissant, le cas échéant, de concert avec un avocat local ;

- propose que les avocats justifiant d'une activité effective et régulière d'une durée d'au moins trois ans dans l'État membre d'accueil, portant sur le droit de cet État et, le cas échéant, sur le droit communautaire, soient en droit d'accéder automatiquement à la profession d'avocat dans cet État sans être soumis à un test d'aptitude ;

- estime hautement souhaitable que :

- l'exercice de la profession d'avocat puisse être interdit par l'État membre d'accueil dès lors que l'avocat exerce au sein d'une structure contrôlée, en droit ou en fait, par des personnes n'ayant pas la qualité d'avocat ;

- l'État membre d'accueil puisse également s'opposer à l'ouverture sur son territoire d'une succursale ou d'une agence d'une telle structure ;

- demande enfin au Gouvernement de faire prendre en compte la situation spécifique des territoires d'outre-mer au regard du libre établissement des avocats dans la perspective de la révision de la décision d'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne et de consulter sur ce point les autorités territoriales.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page