Rapport n° 423 (1995-1996) de M. Luc DEJOIE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 12 juin 1996

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N° 423

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 juin 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR l'ASSEMBLEE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, relative à l 'adoption.

Par M. Luc DEJOIE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufïn, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires : Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Turk, Maurice Ulrich

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ.) : Première lecture : 2251, 2449 et TA 449

Deuxième lecture : 2727, 2794 et TA 542

Sénat : Première lecture : 173, 295, 298 et TA 112 (1995-1996)

Deuxième lecture : 396 (1995-1996)

Adoption

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 12 juin 1996 sous la présidence de M. Charles Jolibois, vice-président, la commission a examiné, sur le rapport de M. Luc Dejoie, la proposition de loi relative à l'adoption, adoptée en deuxième lecture par l'Assemblée nationale.

Sur le titre premier qui modifie le code civil, elle a adopté 13 amendements, s'en remettant, comme en première lecture, à la commission des Affaires sociales pour les titres 11 à V qui constituent le volet social de la proposition de loi.

Comme en première lecture, elle a supprimé la différence d'âge maximum entre l'adopté et l'adoptant introduite par l'Assemblée nationale (art. 3) et maintenu à trois mois le délai de rétractation de l'accord donné à l'adoption que l'Assemblée nationale a successivement réduit à six semaines puis à deux mois (art. 7 et 11).

Elle a par ailleurs préféré, comme en première lecture, garder à l'adoption simple sa dénomination actuelle plutôt que celle d'adoption « complétive » proposée par l'Assemblée nationale. Soucieuse de conserver son rôle à cette forme d'adoption, elle a en outre supprimé la prorogation, au-delà de la majorité, de la faculté de prononcer une adoption plénière (art. 4-II).

S'agissant de l'adoption plénière des enfants du conjoint, elle a souhaité, comme en première lecture, en limiter la faculté en cas de décès de l'autre parent à l'absence de tout ascendant ; en revanche, elle a admis, comme l'Assemblée nationale l'avait suggéré en deuxième lecture, que l'adoption puisse être prononcée en cas de déchéance totale des droits de l'autre parent (art. 5). Elle a par ailleurs considéré qu'une adoption simple pouvait être prononcée après une adoption plénière si le juge estime que tel est l'intérêt de l'enfant (art. 16 A).

S'agissant de l'adoption internationale, la commission a préféré supprimer une nouvelle fois l'article 15 afin de ne pas heurter, dans le code civil, les principes du droit international privé à la veille de la ratification de la convention de La Haye et dans la mesure où la jurisprudence de la Cour de cassation permet de résoudre les difficultés liées à l'absence de législation sur l'adoption dans le pays d'origine de l'enfant dès lors que le représentant légal de celui-ci a consenti à l'adoption en pleine connaissance de ses effets au regard de la loi française.

La commission a par ailleurs décidé de ne pas proposer le rétablissement dans le code civil des articles relatifs au recueil facultatif d'informations non-nominatives auprès de la mère ayant demandé le secret de son accouchement ou des parents qui remettent leur enfant aux fins d'adoption en demandant le secret de leur identité, dans la mesure où l'Assemblée nationale a estimé que la solennisait de ce dispositif n'était pas utile (art. 6 bis, 27 ter A et B). Elle a revanche précisé, à l'article 30, que le représentant légal de l'enfant est informé de la levée du secret par les parents biologiques, et elle a rétabli, à l'article 31, une limite d'âge minimum de treize ans pour accéder aux informations non nominatives.

Elle a également adopté sans modification les dispositions relatives à l'adoption posthume (art. 13), au prononcé d'une adoption simple après une adoption plénière (art. 16 A), à la reconnaissance d'enfant naturel (art. 27 ter AA) et à la notification du changement de domicile aux personnes titulaires d'un droit de visite ou d'hébergement (art. 27 quater).

Mesdames, Messieurs.

Le Sénat est appelé à examiner à nouveau la proposition de loi relative à l'adoption adoptée, en deuxième lecture, par l'Assemblée nationale le 29 mai 1996.

Rappelons que, selon les termes mêmes de son auteur. M. Jean-François Mattéi, cette proposition de loi qui ne remet pas en cause les principes fondamentaux du régime de l'adoption posés par la loi du 11 juillet 1966, a pour objet « de rendre les conditions et les procédures d'adoption plus simples, plus sûres et plus justes » .

Comme en première lecture, votre commission des Lois, saisie au fond, s'est attachée à l'examen du titre premier, qui modifie le code civil, et aux articles 30 et 31 qui organisent le recueil, la conservation et la communication d'informations non-identifiantes relatives aux parents par le sang d'enfants adoptés avec demande de secret de l'accouchement ou de l'état-civil des parents d'origine. Elle a renvoyé à la commission des Affaires sociales, saisie pour avis, l'examen des dispositions du volet social de la proposition de loi et vous demande en conséquence de suivre, pour ces dispositions, les conclusions présentées par le rapporteur pour avis, notre collègue M. Lucien Neuwirth.

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En première lecture, le Sénat avait retenu sans modification plusieurs des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, ainsi l'assouplissement des conditions d'âge et de durée du mariage (art. premier et 2), le choix de l'adoptant par le tuteur (art. 8), la transcription du jugement d'adoption de l'enfant né à l'étranger (art. 14 bis), l'extension aux enfants de l'adopté des liens de parenté entre l'adoptant et l'adopté (art. 19), l'attribution des prénoms en cas d'accouchement anonyme (art. 27 bis), enfin l'action en contestation de la reconnaissance d'un enfant naturel (art. 27 ter).

Il avait également retenu, sous réserve de préserver la pleine capacité d'appréciation du juge prononçant le jugement d'adoption, le principe de la prise en compte par celui-ci de l'agrément administratif délivré aux personnes souhaitant adopter un enfant (art. 14). De même, il avait adopté, sous réserve d'une modification rédactionnelle, les articles relatifs à l'adoption posthume (art. 13) et à la révocation de l'adoption simple à la demande du ministère public (art. 20) ainsi que le remplacement de la déchéance de l'autorité parentale par le retrait total ou partiel de cette autorité (art. 21 à 27).

Il avait en revanche écarté deux modifications que l'Assemblée nationale avait souhaité apporter au régime actuel de l'adoption, d'une part l'introduction d'un écart d'âge maximum de 45 ans entre l'adoptant et l'adopté (art. 3 et 15 bis), d'autre part la réduction à six semaines du délai de rétractation du consentement à l'adoption (art 7). Il avait en outre limité les cas dans lesquels l'enfant du conjoint peut faire l'objet d'une adoption plénière (art. 5).

A l'initiative de notre collègue, M. Lucien Neuwirth, le Sénat avait en outre modifié l'article 350 du code civil pour préciser que, « sauf le cas de grande détresse des parents », le tribunal déclare l'abandon de l'enfant dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année précédant l'introduction de la demande en déclaration d'abandon (art. 10).

Le Sénat avait par ailleurs supprimé la règle de conflit de lois en matière d'adoption internationale dans la mesure où elle était contraire aux principes du droit international privé et n'apparaissait pas indispensable dès lors que la jurisprudence avait apporté une solution satisfaisante à la situation des enfants dont la loi nationale ignore l'adoption (art. 15).

Il avait également souhaité mettre l'accent sur le rôle de l'adoption simple qui constitue une réponse adaptée à certaines situations. Il avait donc supprimé l'allongement du délai d'adoption plénière de l'enfant âgé de plus de 15 ans (art. 4) et prévu que tout enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière puisse bénéficier ultérieurement d'une adoption simple si le juge estime que tel est son intérêt (art. 16 A). Enfin, il avait écarté la nouvelle dénomination d' « adoption complétive » que l'Assemblée nationale avait souhaité donner à l'adoption simple (art. 16 et 17).

Le Sénat avait enfin complété le titre premier de la proposition de loi par trois articles nouveaux pour introduire dans le code civil une partie des dispositions des articles 30 et 31 de la proposition de loi ouvrant aux mères qui demandent que leur accouchement soit tenu secret ou aux parents qui remettent leur enfant aux fins d'adoption en demandant le secret de leur état-civil, la faculté de donner des informations relatives à l'enfant et à eux-mêmes sous réserve qu'elles ne permettent pas de les identifier (art. 6 bis. 27 ter A et B).

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En deuxième lecture, l'Assemblée nationale n'a adopté sans modification que l'article 20 relatif à la révocation de l'adoption simple à la demande du ministère public et les articles 21 à 27 modifiant la dénomination de la déchéance de l'autorité parentale.

Elle est en revanche revenue à son texte initial pour plusieurs dispositions :

- la déclaration judiciaire d'abandon dont elle ne souhaite que l'adaptation rédactionnelle (art. 10) ;

- l'introduction d'une norme de conflit de lois en matière d'adoption internationale (art. 15) ;

- la désignation de l'adoption simple sous la qualification de « complétive » (art. 4 et 17).

Elle a par ailleurs repris, en les modifiant, certaines dispositions qu'elle avait adoptées en première lecture :

- l'introduction d'un écart d'âge maximal entre adoptants et adoptés, qu'elle a porté de 45 à 50 ans (art. 3) ;

- l'élargissement des cas d'adoption de l'enfant du conjoint en y ajoutant la déchéance de l'autorité parentale (art. 5) ;

- la réduction de trois à deux mois (au lieu de six semaines en première lecture) du délai de rétractation du consentement à l'adoption (art. 7) ;

- la prise en compte de l'agrément administratif par le juge de l'adoption, sous réserve d'une rectification de référence (art. 14) ;

- la faculté de prononcer une adoption simple sur une adoption plénière « s'il est justifié de motifs graves » (art. 16 A).

Elle a d'autre part écarté certaines des suggestions du Sénat, ainsi l'introduction dans le code civil des dispositions relatives au recueil et à la communication d'informations relatives aux parents d'origine ayant demande à conserver l'anonymat (art. 6 bis, 27 ter A et B).

Enfin l'Assemblée nationale a introduit deux dispositions nouvelles :

- à l'initiative de MM. Ehrmann et Philibert ainsi que de Mme Catala, l'information de l'autre parent en cas de reconnaissance d'un enfant naturel (art. 27 ter AA) ;

- à l'initiative du Gouvernement, la sanction du défaut de notification du changement de domicile aux personnes titulaires d'un droit de visite ou d'hébergement à l'égard d'un enfant naturel (art. 27 quater).

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• En deuxième lecture, votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification :

- l'article 13, relatif à l'adoption post mortem ;

- l'article 16 A, qui soumet le prononcé d'une adoption simple après une adoption simple à la constatation de « motifs graves » et non plus d'un « échec avéré » de l'adoption plénière.

- les deux dispositions nouvelles introduites en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, c'est-à-dire les articles 27 ter AA, qui organise l'information du premier parent qui a reconnu un enfant naturel en cas de reconnaissance par l'autre parent, et 27 quater, qui prévoit la sanction du défaut de notification du changement de domicile aux personnes exerçant à l'égard des enfants naturels un droit de visite ou d'hébergement.

Par ailleurs, votre commission des Lois ne proposant pas de rétablir dans le code civil les trois dispositions adoptées en première lecture par le Sénat pour ouvrir à la mère qui accouche anonymement ou aux parents qui remettent l'enfant aux fins d'adoption en demandant à préserver le secret de leur identité, la faculté de donner des informations les concernant dès lors qu'elles ne permettent pas de les identifier, elle vous demande de souscrire à la suppression de ces articles dès lors que l'Assemblée nationale les a considérés comme inutiles alors qu'ils étaient destinés à conférer un caractère plus solennel aux dispositions qu'elle avait proposées (art. 6 bis. 27 ter A et B).

Elle vous propose en revanche de compléter le code de la famille et de l'aide sociale pour préciser que le représentant légal de l'enfant est informé de la levée, par les parents biologiques, du secret de leur identité (art. 30). Le dispositif serait ainsi équilibré, étant clairement entendu que cette disposition ne constitue en rien un pas vers une quelconque remise en cause du secret, lorsqu'il a été demandé par les parents biologiques et qu'ils ne souhaitent pas y renoncer, ni de la liberté de l'enfant de ne pas chercher à connaître les intéressés et de ne pas être sollicité à cet effet.


• Votre commission des Lois vous demande en revanche de supprimer à nouveau l'écart d'âge maximal entre l'adoptant et l'adopté, que l'Assemblée nationale a porté à 50 ans en deuxième lecture, dans la mesure où il pourrait conduire à rendre difficile l'adoption de fratries ou d'enfants dits « à particularités », ou encore hâter des adoptions successives selon un rythme qui risque de perturber l'équilibre familial (art. 3).

Par ailleurs, si votre commission des Lois est très sensible au développement psychoaffectif de l'enfant remis aux fins d'adoption et à la nécessité de le maintenir le moins longtemps possible dans des institutions spécialisées, il lui semble toutefois que l'intérêt de l'enfant, comme celui de sa mère biologique, commande que celle-ci dispose d'un délai suffisant pour se rétablir après un accouchement généralement difficile et prendre une décision en pleine connaissance de ses conséquences.

Pour ces motifs, elle vous propose de confirmer votre vote de première lecture et de conserver au délai de rétractation sa durée actuelle de trois mois (art. 7 et 11).

Comme en première lecture, votre commission des Lois vous propose de conserver sa dénomination actuelle à l'adoption simple qui constitue la forme la plus ancienne et la plus universelle de filiation adoptive.

Le qualificatif de « complétive » proposé par M. Jean-François Mattéi lui paraît en effet pour le moins inhabituel et inadapté dans la mesure, notamment, où il tendrait à suggérer que, sans cette adoption, la filiation de l'enfant serait incomplète alors qu'en réalité l'adoption simple s'ajoute à la filiation initiale mais ne vient pas la compléter.

Votre commission des Lois estime par ailleurs, comme en première lecture, que la faculté actuelle de prononcer, sous certaines conditions, l'adoption plénière d'enfants âgés de quinze à dix-huit ans est suffisante et qu'il ne convient pas de la proroger jusqu'à vingt ans. L'adoption simple constitue en effet la meilleure réponse à des situations de cette nature (art. 4-II).

S'agissant de l'adoption des enfants du conjoint, votre commission des Lois vous propose d'admettre, comme l'Assemblée nationale l'a souhaité en deuxième lecture, qu'elle puisse être prononcée en cas de déchéance totale des droits de l'autre parent. En revanche, il lui semble nécessaire de limiter l'adoption en cas de décès de l'autre parent à la situation dans laquelle ce parent n'a laissé aucun ascendant ; dans tous les autres cas, il est en effet important que l'enfant conserve ses liens avec la famille de ce parent (art. 5).

S'agissant du prononcé de l'adoption, votre commission des Lois vous propose simplement de prévoir que le juge vérifie que le ou les demandeurs sont titulaires de l'agrément pour adopter ou en sont dispensés, sans procéder, dans le code civil, par référence au code de la famille et de l'aide sociale (art. 14).

En matière d'adoption internationale, la commission des Lois persiste à penser que l'introduction dans le code civil d'une disposition reprenant la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'adoption d'enfants étrangers risque de soulever un certain nombre de difficultés :

- sur le terrain du droit international privé tout d'abord, dans la mesure où l'état des personnes est une compétence nationale, ce que la convention de La Haye, que la France s'apprête à ratifier, confirme expressément ;

- en matière de relations internationales dès lors que le texte voté par l'Assemblée nationale écarte de plein droit l'application de la législation nationale des pays qui ignorent ou prohibent l'adoption ;

- enfin, au regard de l'efficacité de la lutte contre les trafics d'enfants, dans la mesure où les filières en provenance des pays prohibant l'adoption seraient encouragées par une disposition susceptible de laisser croire aux candidats à l'adoption qu'il est aisé d'adopter des enfants venant de pays ignorant cette procédure, alors même que les conditions du prononcé de telles adoptions sont strictes et appréciées au cas d'espèce.

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Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle vous propose, votre commission des Lois vous demande d'adopter les dispositions restant en discussion de la présente proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL

Le titre premier de la proposition de loi apporte certaines modifications au titre VIII du Livre premier du code civil qui rassemble les dispositions relatives à la filiation adoptive, qu'elle soit plénière (chapitre I) ou simple (chapitre II). Ces aménagements portent essentiellement sur les conditions et les effets de l'adoption.

CHAPITRE PREMIER - ADOPTION PLÉNIÈRE

SECTION 1

Conditions requises pour l'adoption plénière

Article 3 (art. 344 du code civil) - Écart d'âge maximal entre l'adoptant et l'adopté


• L'article 344 du code civil exige que quinze années au moins séparent l'âge du plus jeune des adoptants de celui de l'adopté. Cette différence d'âge minimum est toutefois abaissée à dix ans lorsque les enfants sont ceux du conjoint. En outre, le tribunal peut, « s'il y a de justes motifs » , prononcer l'adoption même lorsque la différence d'âge est inférieure à quinze ou dix ans, selon le cas.


• La proposition de loi adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale ajoutait à ce dispositif un écart d'âge maximal entre l'adoptant et l'adopté qu'elle fixait à 45 ans. Un second paragraphe complétait toutefois le second alinéa de l'article 344 pour ouvrir au tribunal la faculté de déroger, pour justes motifs, à la condition d'écart d'âge maximal.

Cet écart d'âge maximal ne figurait ni dans le rapport remis au Premier ministre ni dans la proposition de loi initiale. Le rapport de la commission spéciale le justifiait par la nécessité de rapprocher le plus possible la famille adoptive de la famille biologique.


• A la demande de votre commission des Lois, le Sénat a supprimé cet article.

Il lui a en effet paru inopportun d'instituer un écart d'âge maximal entre les adoptés et les adoptants, surtout lorsque les premiers ne sont pas des nouveau-nés et qu'il est de leur intérêt de pouvoir être accueillis par des parents plus expérimentés ayant déjà élevé d'autres enfants. Tel est notamment le cas des adoptions successives qu'un délai suffisant doit séparer pour permettre à la famille adoptive de trouver son équilibre ou encore de l'adoption d'enfants dits « à particularités » qui sont plus facilement accueillis par des parents expérimentés, ayant déjà élevé, au moins pour partie, leurs autres enfants.

Votre commission des Lois avait en outre fait valoir que le renvoi à une dérogation judiciaire n'était pas la bonne réponse à ces situations, dans la mesure où le juge n'intervenant qu'en fin de procédure, les services départementaux pourraient hésiter à placer des enfants chez des parents atteints par la limite d'âge en raison de l'incertitude pesant sur leur capacité à adopter.


• En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli son dispositif initial portant toutefois l'écart d'âge de 45 à 50 ans, sans doute pour se rapprocher des conditions biologiques.

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Votre commission des Lois persiste à penser que l'introduction d'un écart d'âge maximal n'est pas opportune et que la stricte assimilation à la famille biologique n'est pas pertinente dans certains cas, l'accueil d'un enfant par des parents un peu plus âgés que ne le sont habituellement les parents biologiques mais capables d'entourer l'enfant d'affection et de préparer son avenir même s'ils n'étaient pas en mesure de l'accompagner jusqu'à un âge avancé étant préférable au maintien dans des structures collectives.

Pour ces motifs, elle vous demande d'adopter un amendement tendant à supprimer une nouvelle fois cet article.

Article 4 (art. 345 du code civil) - Allongement du délai d'adoption plénière d'un enfant âgé de plus de quinze ans


• L'article 345 du code civil prohibe l'adoption plénière de l'enfant âgé de plus de quinze ans sauf s'il a été accueilli avant cet âge au foyer de celui ou de ceux qui souhaitent l'adopter plénièrement et que celui-ci ou ceux-ci ne remplissaient pas les conditions légales pour l'adopter ou s'il(s) avai(en)t procédé à une adoption simple avant cet âge.


• La proposition de loi adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale apportait deux modifications à ce dispositif :

- le paragraphe I modifiait la dénomination de l'adoption simple pour la transformer en adoption « complétive » ;

- le paragraphe II prorogeait de deux ans après la majorité la période pendant laquelle l'enfant accueilli avant l'âge de 15 ans par des personnes n'ayant pu l'adopter, faute de remplir les conditions légales pour ce faire, ou ayant procédé à son adoption simple, peut faire l'objet d'une adoption plénière.


Le Sénat a supprimé cet article en première lecture.

Il lui est en effet apparu que l'appellation d'adoption « complétive » n'apporterait rien à l'adoption aujourd'hui dite simple et que ce qualitatif, laissait en outre croire qu'une filiation serait incomplète dès lors qu'il n'y aurait pas d'adoption complétive ; or l'adoption simple vient s'ajouter à la filiation originelle et non la compléter.

Quant à proroger jusqu'à 20 ans l'âge auquel il est possible de procéder à une adoption plénière si l'enfant a été accueilli depuis l'âge de 15 ans ou a fait l'objet d'une adoption simple, le Sénat a estimé qu'il n'était pas souhaitable d'y souscrire, l'adoption simple constituant le cadre le plus approprié pour des jeunes âgés de plus de 18 ans.


• En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli l'article, le rapporteur de la commission spéciale insistant sur le caractère péjoratif du qualificatif « simple » et estimant que la valorisation de cette forme d'adoption passait nécessairement par un changement de dénomination.

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Votre commission des Lois n'a pas été convaincue par le changement terminologique proposé, d'autant que celui-ci ne s'accompagne pas d'une revalorisation effective de l'adoption simple ; bien plus, et ainsi que le montre notamment le second paragraphe du présent article, les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale encouragent à l'adoption plénière, qu'il s'agisse de l'enfant âgé de plus de 18 ans ou des enfants du conjoint.

Elle vous propose en conséquence une nouvelle fois de ne pas retenir sur ce point les propositions de l'Assemblée nationale et de conserver à l'adoption simple sa dénomination actuelle qui ne paraît pas soulever dans la pratique les difficultés évoquées en séance publique par le rapporteur de l'Assemblée nationale.

Pour les mêmes motifs, elle vous propose de ne pas proroger le délai d'adoption plénière au-delà de 18 ans.

En conséquence, elle vous propose d'adopter un amendement tendant à une nouvelle fois à supprimer cet article.

Article 5 (art. 345-1 du code civil) - Atténuation des restrictions à l'adoption plénière de l'enfant du conjoint


• Depuis la loi du 8 janvier 1993 relative à la famille et aux droits de l'enfant et dans le souci de préserver les liens avec la famille du parent décédé, l'article 345-1 du code civil n'autorise l'adoption plénière de l'enfant du conjoint que lorsque cet enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint.


• La proposition de loi adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale complétait cette exception en y ajoutant le cas dans du parent décédé qui n'a laissé aucun ascendant au premier degré ou dont les ascendants au premier degré se sont manifestement désintéressés de l'enfant.


• Votre commission des Lois ayant fait observer que la notion de désintérêt manifeste appliquée grands-parents n'était pas d'un usage aisé et qu'eu égard au rôle des intéressés, il convenait d'éviter toute confusion avec le désintérêt manifeste des parents, le Sénat avait modifié ce dispositif pour n'ouvrir au conjoint la faculté d'adopter plénièrement l'enfant de son conjoint en cas de décès l'autre parent qu'en l'absence d'ascendant dans cette branche de la filiation de l'enfant.

Quant à la mention du caractère exceptionnel d'une telle mesure, elle lui avait substitué celle des « justes motifs » , déjà utilisée dans le code civil.


• En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a procédé à une nouvelle rédaction de l'ensemble de l'article 345 du code civil qui rétablit la faculté qu'elle avait introduite en première lecture, sans tenir compte des limites que le Sénat avait souhaité y apporter, et la complète par un nouveau cas d'adoption plénière par le conjoint : le retrait total de l'autorité parentale à l'autre parent.

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Après avoir rappelé qu'il s'agit de situations limites dans lesquelles le juge veillera à l'opportunité de rompre les liens avec la famille du parent déchu, votre commission des Lois vous propose de retenir le nouveau cas d'ouverture introduit en deuxième lecture par l'Assemblée nationale.

S'agissant de la situation dans laquelle le parent est décédé, elle vous demande d'adopter à nouveau un amendement tendant à limiter la faculté de prononcer une adoption plénière au seul cas dans lequel ce parent n'a laissé aucun ascendant. Elle estime en effet que le décès d'un parent ne doit normalement pas être une cause de rupture des liens familiaux dont l'enfant a sans doute tout spécialement besoin en pareilles circonstances. Elle relève par ailleurs que le critère proposé par l'Assemblée nationale, -le « désintérêt manifeste » des ascendants du parent décédé-, n'est pas d'une portée claire s'agissant de grands-parents et non de parents.

Article 6 bis (art. 348 du code civil) - Consentement à l'adoption avec secret de l'identité des parents


• Cet article a été introduit en première lecture par le Sénat pour faire figurer dans le code civil, à l'article 348, une disposition reprise de l'article 30 de la proposition de loi précisant que lorsque l'enfant est âgé de moins d'un an lors du consentement à l'adoption, ses père et mère peuvent demander le secret de leur identité et que, dans ce cas, ils ont la faculté de donner des informations relatives à l'enfant et à eux-mêmes dès lors qu'elles ne permettent pas de les identifier.


• L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition car, précise le rapport écrit de sa commission spéciale, « il lui a paru inutile de transposer dans le code civil les dispositions introduites par l'article 30 de la proposition de loi dans le code de la famille et de l'aide sociale » .

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Votre commission des Lois avait estimé souhaitable de solenniser cette disposition dans le code civil qui définit le statut de l'adopté.

Toutefois, dans la mesure où l'Assemblée nationale, qui est l'auteur de ces dispositions, ne partage pas ce point de vue, elle vous propose de ne pas rétablir cet article.

Article 7 (art. 348-3 du code civil) - Réduction du délai de rétractation du consentement à l'adoption


• Aux termes de l'article 348-3 du code civil, le consentement à l'adoption peut être rétracté pendant trois mois.


• La proposition de loi initialement adoptée par l'Assemblée nationale réduisait ce délai à six semaines au motif qu'il est préférable pour l'enfant d'être accueilli le plus rapidement possible dans sa nouvelle famille.

M. Jean-François Mattéi, auteur et rapporteur de la proposition de loi, avait en outre fait observer que, dans la pratique, la rétraction intervenant dans les premiers jours du délai ou, plus rarement, dans les derniers jours, il était possible de réduire celui-ci sans toutefois le fixer en-dessous de six semaines afin de laisser à la mère le temps de surmonter « une éventuelle dépression post partum au moment où elle prend sa décision » .


• Le Sénat avait préféré en rester au délai actuel de trois mois.

Votre commission des Lois avait estimé que le souci de maintenir le moins longtemps possible l'enfant dans des structures d'accueil collectives pouvait justifier une réduction de ce délai à deux mois mais elle avait également insisté sur la nécessité de laisser à la mère un délai suffisant pour rétracter sa décision d'abandon à un moment où son état de santé tout comme ses conditions matérielles d'existence peuvent être précaires et l'empêcher de prendre une décision en toute maîtrise d'elle-même et de sa situation.

Elle avait en outre relevé que l'enquête conduite auprès des départements par le groupe de travail sur l'accès des pupilles et anciens pupilles de l'État, adoptés ou non, à leurs origines, montrait que pour 242 reprises d'enfants en 1994 (pour la moitié des départements), les trois cinquièmes avaient eu lieu dans le premier mois, un cinquième dans le deuxième et un cinquième au cours du troisième.


• En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, sensible au souci du Sénat de ménager à la mère un temps de réflexion d'une durée suffisante, a fixé le délai de rétractation à deux mois.

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Votre commission des Lois estime que le délai actuel constitue un point d'équilibre qu'il est préférable de ne pas modifier. Elle vous propose en conséquence de réitérer votre vote de première lecture en adoptant un amendement tendant à supprimer cet article.

Article 10 (art. 350 du code civil) - Déclaration judiciaire d'abandon


• A l'article 350 du code civil, qui précise les cas dans lesquels peut être prononcée une déclaration judiciaire d'abandon, la proposition de loi initialement adoptée par l'Assemblée nationale s'était limitée à substituer le terme d'établissement à celui, désuet, d'oeuvre privée.


• A l'initiative de MM. Jean Chérioux et Lucien Neuwirth, le Sénat a modifié le premier alinéa de l'article 350 pour faire obligation au juge de déclarer l'abandon de l'enfant dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année précédant l'introduction de la demande en déclaration d'abandon, sauf si les parents sont en situation de « grande détresse » ou si, conformément au quatrième alinéa de l'article 350, un membre de la famille se déclare prêt à assumer la charge de l'enfant.

Cette nouvelle rédaction était destinée à mettre l'accent sur le fait qu'il est de l'intérêt de l'enfant que la déclaration d'abandon soit prononcée sans trop attendre ; il devient ainsi adoptable et peut espérer trouver une nouvelle famille plutôt que de rester dans des structures d'accueil collectives. On observera par ailleurs que le juge n'est pas privé de son pouvoir d'appréciation dans la mesure où il peut refuser la déclaration s'il estime qu'il n'y a pas désintérêt manifeste ou si les parents sont dans une situation de grande détresse.


• L'Assemblée nationale a rétabli son texte de première lecture de façon, précise son rapporteur, « à n'obliger le juge en aucun cas à prononcer l'abandon » .

Il lui a par ailleurs semblé que la notion nouvelle de grande détresse risquait d'être affaiblie si le juge en faisait systématiquement usage dans les cas où il estime que l'intérêt de l'enfant commande que les liens de filiation ne soient pas rompus.

Enfin, le rapporteur de l'Assemblée nationale a fait valoir que les enfants dont les parents sont effectivement dans une situation de grande détresse risquaient, pour ce motif, ne pas pouvoir bénéficier d'une déclaration judiciaire d'abandon alors que leur intérêt serait d'être accueillis dans une nouvelle famille, leurs parents par le sang s'étant manifestement désintéressés d'eux.

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Votre commission des Lois vous propose de laisser aux auteurs de l'amendement adopté en première lecture l e soin d'apprécier s'il est ou non opportun de le reprendre après en avoir éliminé les ambiguïtés relevées par l'Assemblée nationale.

SECTION 2

Placement en vue de l'adoption plénière
et du jugement d'adoption plénière

Article 11 (art. 351 du code civil) - Réduction du délai pendant lequel il ne peut y avoir de placement en vue de l'adoption d'un enfant dont la filiation n'est pas établie

L'article 351 du code civil interdit, pendant un délai de trois mois à compter de son recueil, le placement en vue de l'adoption d'un enfant dont la filiation n'est pas établie.

Comme elle l'avait fait en matière de rétractation du consentement à l'adoption, la proposition de loi adoptée initialement par l'Assemblée nationale réduisait ce délai à six semaines.

Pour les motifs énoncés à l'occasion de l'examen de l'article 7, le Sénat a souhaité maintenir le délai actuel de trois mois.

En deuxième lecture et par coordination avec le délai de rétraction qu'elle a fixé à deux mois, l'Assemblée nationale a réduit le délai avant placement à deux mois.

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Votre commission des Lois vous propose d'adopter par coordination un amendement tendant à supprimer cet article afin de conserver le délai actuel de trois mois.

Article 13 (art. 353 du code civil) - Adoption post mortem


• Le troisième alinéa de l'article 353 du code civil prévoit que si l'adoptant décède après avoir régulièrement accueilli l'enfant en vue de son adoption, la requête tendant à l'adoption simple ou plénière peut être présentée en son nom par son conjoint survivant ou l'un de ses héritiers, et l'adoption prononcée. En revanche, dans le cas où c'est l'enfant qui décède avant le dépôt de la requête en adoption, celle-ci ne peut être introduite.


• L'Assemblée nationale a estimé que l'adoption devait être possible dans ce dernier cas, dès lors que l'enfant a été accueilli au foyer des adoptants. Elle a donc complété en ce sens l'article 353.


• Le Sénat a retenu la possibilité d'une adoption post mortem de l'enfant décédé mais en modifiant la rédaction de l'article pour préciser que le jugement d'adoption « produit ses effets » (et non pas « est réputé rendu ») le jour précédant le décès.


• En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a apporté une modification rédactionnelle.

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Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 14 (art. 353-1 et 353-2 du code civil) - Prise en compte de l'agrément administratif par le tribunal prononçant le jugement d'adoption


• L'Assemblée nationale a souhaité introduire une disposition nouvelle dans le code civil, substituée à l'actuel article 353-1 qui devrait en conséquence devenir un article 353-2, pour faire obligation au juge qui prononce le jugement d'adoption de vérifier préalablement que les adoptants ont obtenu l'agrément exigé par le code de la famille et de l'aide sociale.

Afin toutefois de respecter l ' imperium du juge et donc de ne pas subordonner complètement sa décision à l'existence d'une décision administrative, le second alinéa du nouvel article 353-1 prévoit que si l'agrément a été refusé ou s'il n'a pas été délivré dans le délai prévu par le code de la famille et de l'aide sociale, le tribunal peut prononcer l'adoption « à titre exceptionnel, s'il estime que les requérants sont aptes à accueillir l'enfant et que celle-ci est conforme à son intérêt » .


• Le Sénat, a adopté ce dispositif en première lecture après avoir supprimé le caractère exceptionnel de l'exercice de son pouvoir d'appréciation par le juge.


• En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rectifié une référence au code de la famille et de l'aide sociale après avoir souscrit à la suppression du caractère exceptionnel de l'exercice de son pouvoir d'appréciation par le juge, admettant ainsi, à la suite des observations tant du Garde des sceaux que de votre commission des Lois, que les deux procédures, -administrative pour l'agrément et judiciaire pour le jugement d'adoption-, ont chacune leur vocation propre, même si elle doivent être coordonnées afin de s'assurer par avance de la qualité des familles qui accueillent des enfants en vue de les adopter.

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Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un amendement supprimant les références au code de la famille et de l'aide sociale pour le moins inhabituelles dans le code civil.

SECTION 3

Effets de l'adoption plénière

Article 15 (art. 359-1 du code civil) - Règle de conflit de lois en matière d'adoption plénière


• Vivement combattu par le Gouvernement tant en première qu'en deuxième lecture, cet article introduit un article 359-1 dans le code civil pour poser une règle de conflit de lois en matière d'adoption, notamment lorsque le pays d'origine de l'enfant ne connaît pas l'adoption.

Il est présenté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale comme la consécration dans la loi de la jurisprudence de la Cour de cassation résultant, dans sa dernière évolution, d'un arrêt de la première chambre civile. en date du 10 mai 1995, aux termes duquel les « époux français peuvent procéder à l'adoption d'un enfant dont la loi personnelle ne connaît pas, ou prohibe, cette institution, à la condition qu `indépendamment des dispositions de cette loi, le représentant du mineur ait donné son consentement en pleine connaissance des effets attachés par la loi française à l'adoption et, en particulier, dans le cas d'adoption en forme plénière, du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens entre le mineur et sa famille par le sang ou les autorités de tutelle de son pays d'origine » .

Le premier alinéa de l'article 359-1 attache à l'adoption régulièrement prononcée dans le pays d'origine de l'adopté les effets prévus par la loi française lorsque l'adoptant est de nationalité française ou réside habituellement en France.

Le deuxième alinéa reprend le principe du consentement en pleine connaissance des effets de l'adoption sur le lien de filiation, énoncé par l'arrêt de la Cour de cassation pour attacher les effets d'une adoption plénière à un jugement d'adoption étranger.

Quant au troisième alinéa, il confère à la loi française un effet plein et entier (conditions et effets de l'adoption) lorsque le pays d'origine de l'enfant n'a pas de législation sur l'adoption.

La commission spéciale justifie ce dispositif par le souci de régler le statut juridique des enfants nés dans des pays qui ignorent ou prohibent l'adoption et qui, de ce fait, n'ont pas signé la convention de La Haye. Or, le rapport remis au Premier ministre par M. Jean-François Mattéi, estime qu'en 1994, près des trois quarts des 2 414 enfants entrés en France pour être adoptés venaient de pays non signataires de la convention de La Haye et dont la loi nationale ignorait ou prohibait l'adoption.


• Le Gouvernement a vivement combattu cet article, notamment son dernier alinéa, en estimant qu'il conduirait à conférer à l'enfant étranger adopté un « statut boiteux » : celui que lui accorde la loi française et celui que lui donne la loi de son État d'origine.

Le Garde des sceaux a par ailleurs craint qu'il favorise « les réseaux ou organisations illicites de pourvoyeurs d'enfants au mépris des dispositions législatives des pays concernés » .

Enfin, il a estimé que si la législation française comportait une telle disposition, elle serait « dans une situation délicate » au regard de la convention de La Haye qu'elle s'apprêtait à ratifier.

En conclusion, le Garde des sceaux a fait valoir que la jurisprudence de la Cour de cassation permettait de résoudre, en pratique, les cas dans lesquels le pays d'origine prohibe l'adoption.


Le Sénat, à la demande de sa commission des Lois et du Gouvernement, a supprimé cette disposition.

Votre commission des Lois avait en effet rappelé que les adoptions prononcées à l'étranger étaient reconnues de plein droit en France, et donc sans qu'il soit besoin de le préciser, avec les effets s'y attachant en vertu de leur contenu propre et de la législation nationale qu'elles mettent en oeuvre.

Elle avait ensuite rappelé que le droit national de l'enfant prévalant, la situation particulière des adoptants étrangers résidant régulièrement en France n'avait pas à être mentionnée.

Elle avait ensuite précisé que la Cour de cassation acceptait d'attacher aux adoptions prononcées à l'étranger les effets d'une adoption plénière dès lors que le représentant légal de l'enfant avait donné son consentement éclairé à de tels effets (rupture complète des liens de sang notamment), autrement dit que l'absence d'adoption plénière dans le droit national de l'enfant pouvait être surmontée sous certaines conditions précises de consentement du représentant légal de l'enfant, la loi française étendant alors ses effets sur l'enfant étranger.

Enfin, elle observait, s'agissant d'enfants dont le statut personnel prohibe l'adoption, que la Cour de cassation admettait qu'en l'absence de filiation connue, leur adoption plénière puisse être prononcée en France dès lors que le représentant légal de l'enfant avait donné son accord en pleine connaissance des effets s'attachant à ce consentement.

La jurisprudence permet donc de résoudre, pour l'essentiel, les difficultés rencontrées par le passé, dès lors que la sortie de l'enfant de son territoire d'origine et son entrée sur le territoire français se sont effectuées dans des conditions de parfaite légalité et que le consentement du représentant légal aux effets de l'adoption a été recueilli.

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Votre commission des Lois vous demande de confirmer votre vote de première lecture et donc d'adopter un amendement tendant à supprimer une nouvelle fois cet article.

L'introduction dans le code civil du dispositif proposé par l'Assemblée nationale met entre parenthèses le statut personnel de l'adopté et contrevient, ce faisant, aux principes du droit international privé et aux articles 20 et 21 de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant.

Il est également en contradiction directe avec la convention de La Haye, que la France s'apprête à ratifier, dont l'article 4 précise que les adoptions visées par la convention « ne peuvent avoir lieu que si les autorités compétentes de l'État d'origine ont établi que l'enfant est adoptable ». Le fait, invoqué en deuxième lecture par le rapporteur de l'Assemblée nationale, que cette convention ne soit pas signée par les pays qui ignorent ou prohibent l'adoption ne peut emporter la conviction.

Enfin, votre commission des Lois demeure persuadée que le texte adopté par l'Assemblée nationale risque, par l'effet d'annonce qu'il comporte, de favoriser le développement de « filières » d'enfants alors que celles-ci doivent impérativement être combattues.

CHAPITRE II - ADOPTION COMPLÉTIVE

Votre commission des Lois préférant, pour les motifs exposés à l'occasion de l'examen de l'article 4, maintenir le qualificatif actuel de « simple » , elle vous demande d'adopter un amendement pour le substituer une nouvelle fois, dans l'intitulé du chapitre II, à celui de « complétive » .

SECTION 1

Conditions requises et jugement

Article 16 A (art. 360 du code civil) - Possibilité de prononcer une adoption simple après une adoption plénière


• En première lecture, l'Assemblée nationale avait adopté un article 6 autorisant le prononcé d'une adoption simple après une adoption plénière en cas d' « échec avéré » de celle-ci.


• Votre commission des Lois et le Sénat avaient estimé que cette disposition trouvait mieux sa place dans la section relative à l'adoption simple et surtout que la situation de l'enfant adopté pouvait être rapprochée de celle des autres enfants sans qu'il soit nécessaire d'introduire un critère particulier dont la portée paraissait difficile à apprécier et risquait d'être comprise comme une révocation de l'adoption plénière alors que celle-ci est intangible.


• En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a souscrit à la nouvelle insertion de cette disposition et a modifié le critère pour faire référence à la justification de « motifs graves » .

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Votre commission des Lois estime qu'il peut être admis que le prononcé d'une adoption simple de l'enfant qui a déjà bénéficié d'une adoption plénière doit faire l'objet d'une particulière attention du juge, c'est pourquoi elle vous propose d'adopter sans modification le texte modifié par l'Assemblée nationale, la justification de « causes graves » renvoyant à des appréciations de fait dans l'intérêt de l'enfant.

Article 16 (art. 360 à 362 du code civil) - Coordinations terminologiques

Cet article modifie la désignation de l'adoption simple dans les articles 360 à 362 du code civil et dans l'intitulé du chapitre II du titre VIII de son Livre premier.

Le paragraphe III de l'article complète par coordination l'article 361 du code civil pour écarter l'application à l'adoption simple de l'écart d'âge maximal entre l'adoptant et l'adopté et lui rendre applicable le nouvel article 353-1 résultant de l'article 15 de la proposition de loi (règle de conflit de lois).

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Parce qu'elle a supprimé les deux dispositions exigeant une coordination dans le texte en vigueur et parce qu'elle estime que la terminologie proposée par l'Assemblée nationale n'apporte rien qui soit de nature à rehausser l'image de l'adoption simple, votre commission des Lois vous propose de confirmer votre vote de première lecture et d'adopter un amendement tendant à supprimer cet article.

SECTION 2

Effets de l'adoption complétive

Par coordination, votre commission des Lois vous demande d'adopter un amendement remplaçant, dans l'intitulé de cette section, le qualificatif « complétive » par celui de « simple » .

Article 17 (art. 363 du code civil) - Coordination terminologiques

Cet article modifie l'intitulé de la section 2 du chapitre II du titre VIII du Livre premier du code civil et l'article 363 du code civil pour remplacer l'adoption simple par l'adoption « complétive » .

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Votre commission des Lois vous demande, par coordination, d'adopter un amendement de suppression de cet article.

CHAPITRE IV - AUTRES DISPOSITIONS

Article 27 ter AA ( nouveau) (art. 57-1 et 335 du code civil) - Information de l'autre parent de la reconnaissance d'un enfant naturel

L'Assemblée nationale a introduit en deuxième lecture, à l'initiative de MM. Charles Ehrmann et Jean-Pierre Philibert ainsi que de Mme Nicole Catala, une disposition nouvelle, étrangère à l'objet de la proposition de loi et qui concerne la reconnaissance d'enfant naturel.

Dans un paragraphe I, cet article insère un article 57-1 dans le code civil pour faire obligation à l'officier d'état-civil du lieu de naissance d'un enfant naturel qui porte mention de la reconnaissance dudit enfant en marge de l'acte de naissance, d'aviser l'autre parent de cette reconnaissance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; si ce parent ne peut être avisé, l'officier d'état civil en informe le procureur de la République qui fait procéder aux diligences utiles.

Ce dispositif, qui ne remet pas en cause le caractère strictement volontaire du système actuel de reconnaissance, a été retenu à la demande du Gouvernement qui a également souhaité que n'y figure pas le cas de la reconnaissance prénatale dans la mesure où l'adresse de l'autre de parent n'est alors pas nécessairement connue.

L'Assemblée nationale a en revanche écarté un autre sous-amendement du Gouvernement tendant à ne prévoir l'information du premier parent que si la filiation est établie à son égard depuis plus de six mois.

Le paragraphe II complète l'article 335 du code civil pour préciser que l'acte de reconnaissance de l'enfant naturel comporte la mention que l'auteur de la reconnaissance a été informé du caractère divisible du lien de filiation.

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Votre commission des Lois estime que ce dispositif, bien qu'étranger à l'objet de la proposition de loi, doit être retenu dans la mesure où il permettra d'éviter la découverte fortuite, par l'enfant ou par l'autre parent, de la reconnaissance et facilitera la recherche de la contribution alimentaire du parent qui reconnaît tardivement l'enfant.

Elle vous demande donc d'adopter cet article sans modification.

Article 27 ter A (art. 341-1 du code civil) - Possibilité de donner des informations non identifiantes en cas d'accouchement secret


• L'article 341-1 du code civil ouvre à la femme le droit de demander le secret de son admission et de son accouchement.

En première lecture, le Sénat avait souhaité le faire suivre d'un article 341-1 qui sans bien entendu remettre en cause ce secret, ouvre à la mère, conformément à l'article 30 de la proposition de loi (voir commentaire infra), la faculté de donner des informations relatives à l'enfant et à elle-même, dès lors qu'elles ne permettent pas de l'identifier, afin que l'enfant puisse ultérieurement, s'il le souhaite, en avoir communication et reconstituer ainsi des éléments de son histoire personnelle.


• L'Assemblée nationale a estimé inutile de faire figurer ces dispositions dans le code civil ; elle a donc supprimé cet article.

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Votre commission des Lois avait pensé que les dispositions imaginées par l'Assemblée nationale auraient pu être confortées par leur insertion dans le code civil qui fixe le statut de l'adopté. Devant les réticences de l'Assemblé nationale, elle estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre dans cette voie et vous propose en conséquence de souscrire à la suppression de cet article.

Article 27 ter B (art. 341-2 du code civil) - Accès aux informations non identifiantes


• A la demande de sa commission des Lois, le Sénat avait introduit en première lecture un article additionnel en insérant un article 341-2 dans le code civil afin de préciser les conditions dans lesquelles l'enfant peut avoir connaissance des informations que son ou ses parents ayant demandé le secret ou l'anonymat ont accepté de laisser à son intention.

Cette disposition reprenait pour partie l'article 31 de la proposition de loi (voir infra), sous réserve de préciser que le mineur peut, s'il le souhaite, avoir connaissance de ces informations à partir de l'âge de treize ans, -âge à compter duquel son consentement est par ailleurs requis pour une adoption-, et sous réserve de l'accord de son représentant légal.

Les informations de caractère médical ne peuvent être communiquées que par l'intermédiaire d'un médecin désigné à cet effet par l'intéressé ou, s'il est mineur, par son représentant légal.


• L'Assemblée nationale a supprimé cet article, préférant que ces dispositions ne figurent que dans le code de la famille et de l'aide sociale.

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Votre commission des Lois vous propose d'accepter la suppression de cet article.

Article 27 quater (nouveau) (art. 227-6 du code pénal) - Sanction du défaut de notification du changement de domicile aux personnes exerçant à l'égard des enfants naturels un droit de visite ou d'hébergement

L'Assemblée nationale a introduit en deuxième lecture, à la demande du Gouvernement, une seconde disposition étrangère à l'objet du texte, qui punit de six mois d'emprisonnement et de 50 000 francs d'amende le défaut de notification de changement de domicile aux personnes titulaires, à l'égard d'un enfant naturel, d'un droit de visite ou d'hébergement, défaut de notification qui n'est actuellement sanctionné que dans les cas de divorce, de séparation de corps ou d'annulation du mariage.

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Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification cet article qui complète utilement le code civil.

TITRE II - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA FAMILLE ET DE L'AIDE SOCIALE

Comme en première lecture, votre commission des Lois vous demande de suivre les propositions de la commission des Affaires sociales sur les titres II à IV de la proposition de loi dont elle lui a délégué l'examen au fond.

Elle s'est toutefois réservée d'examiner conjointement avec la commission des Affaires sociales les articles 30 et 31 qui ouvrent la faculté de conserver et de communiquer à l'enfant adopté qui le souhaite des « renseignements non identifiants » sur ses parents par le sang.

Article 30 (art. 62 du code de la famille et de l'aide sociale) - Secret des origines


• Dans la rédaction initialement adoptée par l'Assemblée nationale, cet article modifiait le code de la famille et de l'aide sociale pour fixer tout d'abord une limite dans le temps, -la première année de l'enfant-, à la faculté actuellement ouverte aux père et mère qui remettent un enfant au service de l'aide sociale à l'enfance de demander le secret de leur identité (art. 62-4°). Dorénavant, cette faculté ne serait plus ouverte que pendant la première année de l'enfant. En outre, la demande de secret était présentée comme l'exception puisqu'elle devait être formulée expressément et mentionnée au procès-verbal de remise de l'enfant.

La proposition de loi initiale prévoyait par ailleurs qu'en cas de demande de secret de leur identité par les parents, et non plus de l'état civil de l'enfant (ce qui permet de conserver les lieux, dates et heures réels de naissance), ceux-ci étaient informés de la possibilité de donner des renseignements non identifiants relatifs à eux-mêmes.

Le contenu et les modalités de recueil de ces informations étaient renvoyés à un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL.


• Le Sénat a souscrit à l'économie générale de ce dispositif mais il l'a partiellement réécrit à l'initiative de sa commission des Affaires sociales pour clarifier l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale (voir à cet égard le rapport pour avis présenté par M. Lucien Neuwirth au nom de la commission des Affaires sociales).

S'agissant plus particulièrement des renseignements non identifiants relatifs à la famille d'origine de l'enfant, le Sénat a préféré parler de « renseignements ne portant pas atteinte au secret » demandé par les parents.


• L'Assemblée nationale a complété cet article en deuxième lecture, notamment pour supprimer la condition d'âge introduite par le Sénat et pour préciser que celui qui demande le secret de son identité doit être informé de la possibilité de faire connaître ultérieurement son identité, celle-ci étant communiquée à l'enfant devenu majeur à condition qu'il en formule la demande expresse.

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Votre commission des Lois considère que l'adjonction proposée par l'Assemblée nationale peut être retenue dans la mesure où il paraît difficile de considérer que celui qui a demandé à bénéficier de la protection d'un secret ne puisse pas renoncer ultérieurement à cette protection. Il lui semble toutefois qu'il serait souhaitable que les parents adoptifs de l'enfant ou son représentant légal soient informés de la demande de levée du secret afin de préparer l'enfant qui pourra, s'il le souhaite, accéder à l'identité de ses parents biologiques lors de sa majorité.

Article 31 (art. 62-1 du code de la famille et de l'aide sociale) - Modalités de conservation et de communication des renseignements non-identifiants


• Cet article complète le code de la famille et de l'aide sociale par un article 62-1 nouveau qui précisait initialement que les renseignements non-identifiants étaient conservés au service de l'aide sociale à l'enfance qui les tenait à la disposition de l'enfant ou de son représentant légal.

Il précisait que, s'il en manifeste le désir pendant sa minorité, l'enfant peut obtenir communication des informations non-nominatives avec l'assistance d'une personne habilitée à cet effet par le président du Conseil général et après accord de son représentant légal.

Les renseignements à caractère médical ne peuvent être communiqués à l'enfant devenu majeur ou au représentant légal de l'enfant mineur que par l'intermédiaire d'un médecin désigné à cet effet par l'intéressé.


• Le Sénat a précisé ce dispositif à l'initiative de la commission des Affaires sociales et fixé à treize ans l'âge à partir duquel l'enfant peut demander à avoir connaissance des informations le concernant, sous réserve de l'accord de son représentant légal.


• En deuxième lecture l'Assemblée nationale a supprimé la limite d'âge.

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Votre commission des Lois vous propose d'adopter un amendement tendant à rétablir l'âge minimum de treize ans à partir duquel l'enfant peut demander à avoir connaissance des informations non nominatives le concernant, sous réserve de l'accord de son représentant légal.

TITRES III ET IV - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ET LE CODE DU TRAVAIL

Pour ces titres, votre commission des Lois s'en remet, comme en première lecture, à l'avis présenté par M. Lucien Neuwirth, au nom de la commission des Affaires sociales.

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