TRAVAUX DE LA COMMISSION

Le mardi 24 septembre 1996, sous la présidence de M. Bernard Seillier, vice-président, la commission a procédé aux auditions sur le projet de loi n° 411 (1995-1996) adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective.

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de MM. Daniel Giron, président, et Pierre Burban, secrétaire général de l'Union professionnelle artisanale (UPA).

M. Daniel Giron a tout d'abord indiqué que les seules divergences de l'UPA sur le projet de loi concernaient l'article 6 relatif au développement de la négociation collective dans les petites entreprises. Son organisation souhaiterait en effet que les entreprises artisanales de moins de dix salariés ne soient pas concernées, comme d'ailleurs cela avait été prévu au début des négociations ayant conduit à l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995.

Malheureusement, l'accord ne fait plus la distinction entre les entreprises de moins de dix salariés et les autres. Ces obligations nouvelles de négociation heurtent les artisans qui souffrent déjà de supporter des contraintes administratives trop importantes.

Le président de l'UPA a observé qu'il était paradoxal de vouloir encourager la création d'emplois dans ce secteur, qui constitue un gisement potentiel très important (48 % des entreprises artisanales n'ont pas de salariés), et parallèlement d'augmenter les contraintes des employeurs au risque de susciter leurs réticences.

Il a en outre relevé que l'article 6 pouvait conduire l'épouse salariée du chef d'entreprise à être déléguée des salariés. Il a par ailleurs observé que la négociation de branche, qui conditionne la mise en oeuvre des nouvelles procédures de négociation, ne pouvait être équilibrée car le plus souvent les chefs d'entreprise n'étaient pas en position de négocier et de s'y faire entendre. C'est la raison pour laquelle l'UPA avait souhaité l'adoption d'un amendement excluant les entreprises de moins de dix salariés ; cet amendement avait reçu l'accord du ministre, mais n'avait pas été accepté par l'Assemblée nationale. Le président de l'UPA a donc souhaité que cet amendement soit voté par le Sénat.

En réponse à M. Louis Souvet, rapporteur , qui souhaitait davantage de précisions sur les raisons de l'opposition de l'UPA à l'accord du 31 octobre 1995, M. Daniel Giron a indiqué que l'inclusion des entreprises de moins de dix salariés dans l'accord résultait de l'interprétation d'une seule organisation syndicale, alors qu'il aurait pu être interprété comme excluant les très petites entreprises.

M. Lucien Neuwirth, questeur , a souhaité que la loi ne crée pas de nouveaux obstacles à l'embauche et s'est déclaré intéressé par l'amendement de l'UPA.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a souhaité connaître les raisons des craintes des artisans vis-à-vis de la négociation d'entreprise.

En réponse, M. Daniel Giron a déclaré que son organisation n'était pas hostile aux négociations de branche, voire même à des négociations au sein de commissions paritaires locales. En revanche, elle constatait que les chefs d'entreprises eux-mêmes étaient très réticents à toute forme de négociation au sein de l'entreprise.

M. Jean Chérioux a souhaité que soit pris en considération le caractère spécifique de l'entreprise artisanale et a souhaité en conséquence que la réforme n'y soit pas imposée.

M. André Jourdain a abondé dans le sens des propos de M. Daniel Giron et s'est interrogé sur le point de savoir si le paragraphe IV de l'article 6, qui permet aux accords de branche de fixer un seuil d'effectifs, ne répondait pas à ses inquiétudes.

En réponse à M. Jean Madelain qui s'inquiétait des possibles effets de seuils de cette disposition, M. Daniel Giron a fait observer que ceux-ci étaient plutôt d'ordre financier.

Puis, en réponse à M. Bernard Seillier, président, M. Daniel Giron a indiqué que les négociations au sein des branches de l'artisanat étaient nombreuses. M. Pierre Burban a cependant précisé qu'il voyait mal les branches du secteur de l'artisanat abdiquer une partie de leur champ de négociation pour le déléguer à la négociation d'entreprise.

La commission a ensuite entendu MM. Bernard Boisson, directeur général chargé des affaires sociales, et Dominique Tellier, directeur de la réglementation du travail au Conseil national du patronat français (CNPF).

M. Bernard Boisson a tout d'abord indiqué que son organisation n'avait pas d'observations particulières à formuler sur la partie du projet de loi transposant la directive européenne du 22 septembre 1994 dès lors que le terme « consultation » avait été précisément défini comme un échange de vues et un dialogue. Il a souhaité que ne soit pas changé l'économie générale du texte tout en indiquant qu'il souhaiterait voir préciser, au cours du débat au Sénat, que les crédits d'expertise feraient l'objet d'un accord préalable entre les représentants des salariés et la direction de l'entreprise.

Puis, M. Bernard Boisson a indiqué que son organisation attachait une très grande importance à l'accord du 31 octobre 1995 qui ouvre de nouvelles perspectives aux entreprises de petite taille. Il a rappelé que 50 % des effectifs salariés travaillaient dans des entreprises de moins de 50 personnes. L'accord devrait donc permettre aux petites entreprises de s'adapter aux évolutions des conditions de production, en permettant notamment de recourir à de nouvelles formes d'aménagement du temps de travail. Il devrait également permettre de développer le rôle des instances représentatives.

M. Bernard Boisson a observé que, malgré une négociation longue et difficile, un texte équilibré avait pu être conclu, ajoutant que toute modification risquait de compromettre son application.

Il a également prévenu que la tâche des branches serait malaisée, car il leur faudrait se projeter dans les cinq à dix ans à venir pour imaginer comment pourraient évoluer les rapports sociaux.

Il a rappelé que l'accord offrait aux petites entreprises deux nouveaux modes de négociation : le chef d'entreprise pourrait négocier soit avec des représentants élus du personnel, l'accord étant ensuite validé par une commission paritaire de branche, soit avec un salarié de l'entreprise mandaté par une ou plusieurs organisations syndicales.

Il a souligné avec vigueur que ce dispositif, conditionné par des accords de branche, était expérimental et limité à trois ans et devrait être conduit avec la plus grande prudence, son objectif restant la modification progressive des conditions du dialogue social.

En réponse à M. Louis Souvet, rapporteur , qui l'interrogeait sur les raisons de l'application anticipée de la directive européenne par certaines entreprises et sur les inquiétudes suscitées par l'article 6 chez les inspecteurs du travail, M. Bernard Boisson a indiqué que la directive avait laissé aux entreprises un temps relativement long pour mettre en place le comité d'entreprise européen. C'est pourquoi certaines entreprises, dans la mesure où elles connaissaient le texte, avaient anticipé sur sa date d'application.

M. Dominique Tellier a précisé que plusieurs accords créant un comité d'entreprise européen étaient antérieurs à la directive, certaines entreprises ayant ressenti le besoin de disposer d'une telle instance depuis de nombreuses années.

M. Bernard Boisson a ensuite rappelé que l'accord du 31 octobre 1995 constituait une approche prospective et politique du problème de la représentation des salariés et de la négociation au sein des petites entreprises. Il a indiqué qu'un accord avait pu être trouvé parce que l'acceptation du dispositif sur la négociation d'entreprise était conditionnée par la reconnaissance du rôle des syndicats dans la négociation contractuelle par le patronat, ce que celui-ci n'avait jamais jusqu'à présent officiellement admis.

M. Guy Fischer a fait part de son inquiétude de voir la norme juridique éclatée ou appliquée avec une trop grande souplesse. Il a également souhaité des précisions sur la façon dont serait exercé le droit d'opposition.

En réponse, M. Bernard Boisson a rappelé que l'ensemble du mécanisme reposait sur une négociation de branche préalable, cette dernière étant ensuite appelée à suivre l'application des accords d'entreprise négociés dans ce nouveau cadre juridique.

L'homogénéité globale des accords, grâce à une interaction des différents niveaux, devrait donc être préservée, tout en permettant de prendre en compte les problèmes spécifiques à chaque entreprise. Il a rappelé que trois options étaient envisageables pour favoriser le développement de la négociation d'entreprise : demander une nouvelle réglementation ; ne discuter qu'en choisissant ses interlocuteurs ; ou, -ce qui avait été la position retenue-, réaffirmer le monopole syndical dans les négociations tout en recherchant le moyen de négocier lorsqu'il n'y a pas de délégués syndicaux dans l'entreprise. Cette solution a également le mérite de renforcer le rôle des instances élues.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est inquiétée d'un bouleversement possible du code du travail, avec la complicité du législateur, grâce à ces nouveaux dispositifs. Pour elle, le fait de favoriser la négociation d'entreprise lorsqu'il n'y a pas de représentation syndicale conduit à affaiblir davantage les syndicats. Cela permettra au patronat de choisir ses interlocuteurs. Les négociations seront en outre déséquilibrées, faute d'une véritable formation des salariés face à la complexité des questions soulevées. Mme Marie-Madeleine Dieulangard a alors souhaité savoir si d'autres solutions n'auraient pu être envisagées pour pallier l'absence de représentation syndicale dans les entreprises. Elle a également observé que le contrôle syndical a posteriori risquait d'être totalement inopérant dans la mesure où l'accord passé au sein de l'entreprise serait considéré par les signataires comme définitivement acquis. Elle s'est en outre inquiétée des conditions d'exercice du droit d'opposition à l'accord de branche, rappelant que la majorité des voix ne refléterait pas nécessairement la représentativité des syndicats.

En réponse, M. Bernard Boisson a fait observer que le chef d'entreprise ne choisirait pas les négociateurs qu'il aurait en face de lui puisque ceux-ci seraient des représentants élus. Il a souligné que les dispositifs de négociation prévus par l'accord du 31 octobre 1995 n'étaient en l'état pas applicables puisque les syndicats devraient signer au préalable un accord de branche qui déterminerait notamment le seuil d'effectifs en deçà duquel l'accord s'appliquerait, ainsi que les domaines susceptibles de faire l'objet de négociation.

Il a également rappelé le droit d'opposition des syndicats non signataires. Enfin, il a souhaité que la mise en oeuvre de cet accord ne soit pas suspecté a priori.

M. Jean Chérioux, tout en saluant la volonté du CNPF de développer le dialogue au sein de l'entreprise, s'est inquiété des conditions de son exercice au sein des petites entreprises.

Puis, la commission a procédé à l'audition de M. Roland Metz, de Mme Michèle Doussineau et de M. Pascal Rennes, collaborateurs, respectivement, au département « garanties collectives », au secteur « droits et libertés » et au secteur « comité d'entreprise », de la Confédération générale du travail (CGT).

A titre liminaire, M. Roland Metz, collaborateur au département « garanties collectives » de la CGT, a souhaité préciser que son organisation plaçait à part l'article 6 du présent projet de loi, car elle considérait que le Gouvernement avait « greffé in extremis » celui-ci par lettre rectificative. Il a également estimé que ce projet de loi était d'une portée considérable, concernant tant l'architecture de la garantie collective que la représentation des salariés. Il a regretté que seule une sous-commission ait été saisie plutôt que la commission nationale de la négociation collective tout entière.

M. Roland Metz a déclaré que cet article n'avait pas de rapport avec le reste du texte et que son organisation manifestait, outre les réserves précitées sur la procédure suivie, une opposition de fond reposant sur trois types de critiques.

Tout d'abord, M. Roland Metz a estimé que l'article 6 du projet de loi ne favorisait pas, comme cela était avancé, la négociation collective. Reprenant le contenu de l'article L. 131-1 du code du travail sur la négociation collective, ainsi que celui des articles L. 132-4 et L. 132-23 du même code, il a rappelé que le principe de l'accord collectif était qu'il devait être plus favorable que la situation existante. Or, selon lui, dans le cadre de l'article 6, il n'y avait pas amélioration, mais seulement mise en oeuvre de mesures. Il a regretté également que l'accord de branche puisse, du fait de l'article 6, prévoir des dérogations aux garanties existantes alors que jusqu'à présent cela était du ressort de la loi.

Par ailleurs, quelle que soit la forme retenue, M. Roland Metz a déploré le fait que, désormais, compte tenu de ces nouvelles dispositions, il appartiendrait à un salarié isolé de conclure un accord collectif alors qu'il ne disposerait pas, selon son syndicat, des moyens notamment d'expertise, pour ce faire.

Il a déclaré que la CGT, qui souhaitait le maintien du monopole syndical, souhaitait le retrait de cet article du texte. Il a également souligné le fait que le salarié habilité à signer un accord collectif ne bénéficierait pas d'une protection légale. Il a rappelé que, selon son organisation, il existait d'autres moyens pour développer la négociation collective.

Ensuite, M. Roland Metz a porté une deuxième critique à l'article 6 du projet de loi, selon laquelle celui-ci privait de garanties essentielles les salariés et serait source d'insécurité juridique et de contentieux.

Enfin, troisième critique, M. Roland Metz a considéré que l'article 6 du projet de loi désarticulait le système de représentation des salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise, et remettait en cause tout le livre IV du code du travail sur la représentation et l'information des salariés. Il a conclu son propos en demandant à la commission le retrait de l'article 6 du projet de loi, retrait qui lui semblait non seulement légitime sur un plan juridique, mais également sur un plan humain.

Ensuite, Mme Michèle Doussineau s'est exprimée sur les autres articles du texte. Elle s'est félicitée de la modification de l'article L. 439-1 du code du travail (comité de groupe) mais n'a pas approuvé les dispositions contenues dans l'article 4 autorisant la fusion du comité de groupe français avec le comité d'entreprise européen. Elle a, en effet, estimé que le comité de groupe français ne correspondait pas au droit européen. En conséquence, elle a simplement souhaité des aménagements pour permettre la coexistence des deux instances.

Mme Michèle Doussineau a, ensuite, souligné les ambiguïtés du titre X et la lourdeur de la procédure de consultation. Elle s'est inquiétée de la possibilité laissée par le texte de négocier la création d'un ou plusieurs comités d'entreprise européens, même si elle a reconnu qu'il existait dans certains pays des comités d'entreprise regroupant plusieurs structures. Elle a estimé qu'en cas d'échec de la négociation, le temps laissé avant de créer un comité d'entreprise européen sur une base légale et non plus contractuelle était trop long. Elle a également évoqué la question de la proportionnalité de la représentation, ainsi que celle des droits des membres du comité d'entreprise européen. Elle a souhaité, à cet égard, que leur soient octroyées 120 heures de délégation. Elle s'est interrogée, enfin, sur la légitimité des représentants des salariés dans l'entreprise et sur la manière dont ils pourraient intervenir s'ils n'étaient pas membres du comité d'entreprise.

En conclusion, Mme Michèle Doussineau a déclaré, s'agissant de la première partie du projet de loi, en approuver l'économie générale sous réserve des modifications qu'elle avait mentionnées.

La commission a alors entendu M. Claude Companie, délégué national au département travail emploi de la Confédération générale des cadres (CGC) et Mme Monique Vinzant, chef du service juridique de la même organisation.

M. Claude Companie a d'abord prié M. Bernard Seillier, président, de bien vouloir excuser M. Jean-Louis Walter, secrétaire national chargé du département travail, emploi de la CGC.

Puis, évoquant la partie du projet de loi qui transpose la directive européenne, il a indiqué que le texte adopté par l'Assemblée nationale convenait à son organisation. Il a rappelé que ce projet de loi s'inscrivait dans une évolution de la société qui résultait elle-même d'une évolution de l'Europe.

M. Claude Companie a ensuite indiqué que la CGC, signataire de l'accord du 31 octobre 1995, n'apportait aucune critique à l'article 6 du projet de loi qui lui donne une base légale.

M. Louis Souvet, rapporteur, a constaté que la première partie du projet de loi transposant la directive européenne convenait à peu près à toutes les organisations syndicales. Il a remarqué, qu'en revanche, la deuxième partie faisait l'objet de critiques dont certaines n'étaient pas sans fondement. Il a demandé aux représentants de la CGC leur opinion sur le fait qu'une organisation syndicale majoritaire puisse être mise en minorité dans le cadre de l'application des dispositions du projet de loi, en raison du mode de décompte des voix retenu.

Mme Monique Vinzant a reconnu que cela pouvait présenter des inconvénients, mais qu'en l'absence de projet de loi, une organisation syndicale majoritaire pouvait bloquer tout processus conventionnel et qu'il y avait alors un risque de vacuité. Reconnaissant que les dispositions du projet de loi n'étaient pas parfaites, elle a estimé qu'il fallait choisir entre plusieurs inconvénients et que ces derniers avaient été pesés lors de la négociation qui a abouti à l'accord du 31 octobre 1995.

M. Claude Companie a rappelé que l'enjeu du projet de loi était de favoriser le dialogue social dans les petites et moyennes entreprises, en prolongement des accords de branche.

M. Jean Madelain lui a demandé quelle serait la position de sa Confédération sur un amendement qui exclurait les entreprises de moins de dix salariés du champ d'application du projet de loi.

M. Claude Companie a estimé qu'un tel amendement ne serait pas gênant. Il a toutefois rappelé que cette question devrait être réexaminée en fonction des pratiques « d'externalisation ».

M. Louis Souvet, rapporteur, a observé que dans les entreprises dont l'effectif était inférieur à dix salariés il n'y avait pas beaucoup de cadres.

Revenant sur le comité d'entreprise européen, M. Claude Companie a indiqué qu'il constituerait une instance de dialogue et d'échange de vues dont la nature dépendrait de ce que voudraient en faire les entreprises. Il a insisté sur la nécessité d'un suivi qui pourrait être réalisé par la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES).

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a demandé aux représentants de la CGC s'ils ne craignaient pas qu'avec l'adoption de ce projet de loi, on assiste à la multiplication d'accords collectifs prévoyant des conditions de travail moins favorables pour les salariés.

Mme Monique Vinzant a reconnu que ce risque existait.

M. Guy Fischer a estimé que l'issue probable d'accords dérogatoires concernant les salaires et l'aménagement du temps de travail serait des conditions de travail plus défavorables pour les salariés.

Mme Monique Vinzant a rappelé que ce n'était pas dans cette optique que sa confédération avait signé l'accord interprofessionnel, mais que le risque souligné par M. Guy Fischer existait. Elle a indiqué que sa confédération effectuerait un travail de suivi approfondi au niveau des branches.

M. Claude Companie a rappelé que toute expérimentation comportait des risques d'effets pervers, mais qu'il croyait beaucoup au rôle d'arbitre reconnu aux branches professionnelles.

M. Jean Madelain a estimé qu'il fallait faire confiance aux négociateurs dans l'entreprise, qui n'étaient de surcroît jamais obligés de signer un accord.

M. Guy Fischer a indiqué que le chantage à l'emploi pouvait constituer une forte incitation à conclure des accords dérogatoires.

Mme Monique Vinzant a rappelé qu'un délégué syndical prenait toujours contact avec son organisation avant de signer un accord dérogatoire.

M. Claude Companie s'est, en conclusion, prononcé pour un droit à l'expérimentation, assorti d'un bilan.

Ensuite, la commission a auditionné M. Gérard Sauty, responsable du service Europe sociale et M. Michel Charbonnier, chargé des affaires juridiques à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

A titre liminaire, M. Gérard Sauty a fait part du voeu de la CFTC que la construction européenne soit aussi une construction sociale. Il a ensuite exposé deux réserves de la CFTC sur les dispositions du projet de loi.

La première réserve a trait au risque d'exclusion d'une partie des organisations syndicales qui découle, d'une part, du fait que le modèle choisi est celui du comité de groupe français et, d'autre part, des conditions de la négociation, le groupe spécial de négociation décidant à des majorités variables suivant les décisions à prendre.

La deuxième réserve concerne la protection contre le licenciement des salariés qui négocient. A cet égard, M. Michel Charbonnier a estimé que les termes « pourront prévoir », à l'article 6 devraient être remplacés par « devront prévoir » afin que la nécessaire protection des salariés ne soit pas occultée lors des négociations.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a rappelé que, de plus en plus souvent, l'enjeu de la négociation collective dans l'entreprise n'était plus de favoriser de nouvelles avancées sociales mais le maintien de l'emploi. Elle a demandé aux représentants de la CFTC s'ils ne craignaient pas que les salariés soient soumis à une sorte de chantage à l'emploi dans les négociations d'entreprises.

M. Gérard Sauty a reconnu que de telles pressions existaient, mais il a indiqué que l'enjeu du projet de loi était de favoriser la négociation dans des petites entreprises où, actuellement, les salariés ne bénéficiaient d'aucun accord collectif. Il a rappelé que, très sagement, le projet de loi avait prévu que la mise en oeuvre de ses dispositions ferait l'objet d'un suivi et d'un bilan.

Évoquant la protection contre le licenciement des salariés négociateurs, M. André Jourdain a demandé aux représentants de la CFTC si les termes « pourront prévoir » étaient prévus par l'accord de 1995.

M. Gérard Sauty a répondu positivement. Il a fait part de sa crainte que les branches disent qu'une protection existe, mais qu'elle ne s'applique pas dans les faits.

M. Guy Fisher lui a demandé s'il n'avait pas le sentiment que l'on se dirigeait vers une déréglementation et un démantèlement du droit du travail.

M. Gérard Sauty a rappelé que l'accord prévoyait un garde-fou, à savoir la priorité de la négociation de branche.

Puis, la commission a procédé à l'audition de M. Robert Santune, secrétaire confédéral chargé du secteur juridique de la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) et de Mme Michèle Biaggi, secrétaire confédéral chargé du secteur négociation collective de ce syndicat.

M. Robert Santune s'est interrogé sur la régularité de l'article 6 du projet de loi dans la mesure où l'accord du 31 octobre 1995 n'avait pas été signé par toutes les centrales syndicales. Il a également manifesté la crainte que les salariés appelés à négocier soient sollicités par l'employeur lui-même, ce qui ne pourrait naturellement garantir leur indépendance. Ces observations expliquent que la CGT-FO n'ait pas signé l'accord.

S'agissant de la transposition de la directive, il a souhaité en premier lieu que, compte tenu de la grande diversité du syndicalisme dans notre pays, toutes les organisations syndicales de l'entreprise puissent participer au comité spécial de négociation, à l'instar de ce qui existe déjà pour les comités de groupe. Il a demandé par ailleurs que les comités de groupe puissent continuer à coexister avec les comités d'entreprises européens.

Revenant sur l'article 6, Mme Michèle Biaggi s'est interrogée sur l'isolement des salariés appelés à négocier au sein des entreprises, et sur leur sort ultérieur, car, même mandatés par un syndicat, ils ne pourraient bénéficier de la protection qu'offre celui-ci à ses délégués.

M. Louis Souvet, rapporteur, s'est interrogé sur les moyens de rendre les organisations syndicales plus présentes dans les petites et moyennes entreprises conformément à l'objectif poursuivi par l'article 6.

M. Robert Santune a souligné que même si un syndicat n'était pas officiellement représenté dans une petite ou moyenne entreprise, il pouvait compter des adhérents dans cette entreprise, ceux-ci ne souhaitant pas prendre de responsabilités, même minimes, en raison du risque de sanctions de la part de leur employeur.

Il a rappelé que son organisation proposait que la négociation n'ait pas lieu dans la petite ou moyenne entreprise mais à l'échelon de la branche professionnelle dans un cadre départemental, mais qu'elle n'avait jamais été entendue.

Il a remarqué par ailleurs que dans les petites entreprises, le chef d'entreprise, déjà fortement sollicité, était peu disponible pour se former à la négociation de conventions collectives, les textes étant d'un accès très difficile.

En réponse à Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Robert Santune a indiqué qu'il existait déjà des dispositifs de négociation au niveau territorial.

Mme Michèle Biaggi a souhaité, pour améliorer la représentation des syndicats, que le seuil de cinquante salariés au-dessus duquel le délégué syndical est obligatoire, soit abaissé et que des informations sur les unions syndicales départementales soient diffusées dans chaque entreprise.

La commission a poursuivi ses travaux par l'audition de représentants de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Mme Christine Reffet, secrétaire confédérale au département de l'activité revendicative et MM. Gabriel Coin et Michel Marti, respectivement responsable du service juridique et secrétaire confédéral au département international-Europe.

Après que M. Michel Marty a fait part du voeu de la CFDT que le projet de loi en discussion entre rapidement en vigueur, Mme Christine Reffet a rappelé quels avaient été les objectifs de la CFDT dans la négociation qui a conduit à l'accord du 31 octobre 1995. Il s'agissait de reconnaître et d'articuler les différents niveaux de négociation ainsi que de développer la négociation collective afin d'en favoriser l'accès à tous les salariés, quelle que soit la taille de leur entreprise. Elle a indiqué qu'actuellement, seul un salarié sur cinq bénéficiait d'un accord d'entreprise et que les deux tiers des salariés travaillaient dans des petites ou moyennes entreprises, dans lesquelles la négociation collective était peu ou pas développée. Il existait donc de grandes inégalités entre salariés.

Mme Christine Raffet a précisé que la négociation de l'accord avait comporté trois thèmes, la reconnaissance des partenaires sociaux, l'amélioration de la représentation dans les petites et moyennes entreprises et la possibilité d'expérimenter de nouvelles formes de négociation dans ces entreprises.

Elle a souligné que la CFDT ne voulait pas remettre en cause la législation actuelle sur la négociation collective, mais privilégier l'expérimentation afin que tous les salariés puissent bénéficier des effets d'une telle négociation. Cette expérimentation sera maîtrisée par les partenaires sociaux, avec des garanties au niveau des branches : toutes les entreprises ne sont pas concernées, les thèmes de la négociation sont limités par la branche et cette dernière bénéficie d'un droit d'opposition. En outre, l'expérimentation se déroulera pendant une durée limitée à trois ans.

Mme Christine Raffet a enfin souligné la nécessité que les salariés mandatés pour négocier bénéficient d'une protection contre le licenciement.

M. Louis Souvet, rapporteur, a remercié la représentante de la CFDT pour la clarté de son exposé. Il a fait part d'un entretien avec des représentants de l'inspection du travail qui ne partagent pas le point de vue exprimé par la CFDT.

Mme Christine Raffet a indiqué que les décisions prises par la CFDT en la matière l'avaient été conformément aux procédures prévues par les statuts de la confédération. Comprenant le souci des inspecteurs du travail d'éviter toute remise en cause du droit de la négociation collective, elle a cependant rappelé que le projet de loi ne prévoyait qu'une expérimentation contrôlée.

M. Guy Fisher lui a demandé si l'on entrait pas dans une phase de déréglementation et si les auteurs de l'accord avaient inventé un nouvelle sorte de droit d'opposition en faveur des branches.

M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que les inspecteurs du travail qu'il avait rencontrés craignaient que le système mis en place par l'accord de 1995 et le projet de loi en discussion ne puissent fonctionner à cause des multiples contentieux dont il serait l'origine.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est inquiétée des régressions des conditions de travail que pourraient induire de tels accords dérogatoires, et de la portée de l'éventuelle opposition des branches une fois qu'ils seraient entrés en application.

Répondant aux orateurs, M. Gabriel Coin a constaté que toutes les personnes qui étaient opposées à l'accord de 1995 et aux dispositions du projet de loi raisonnaient comme si les salariés des petites et moyennes entreprises étaient sur un pied d'égalité avec ceux des grandes entreprises. Il a estimé que le projet de loi ne supprimerait rien, mais qu'il rétablirait au contraire une certaine égalité entre salariés.

En tant que responsable juridique, il a observé que la majorité des contentieux surgissait dans des petites et moyennes entreprises dans lesquelles le salarié était seul face à l'employeur, et ne concernaient donc pas la négociation collective.

Il a rappelé que le droit d'opposition prévu par l'accord n'était pas d'un type nouveau, mais qu'il s'inspirait au contraire de celui qui existait déjà dans le code du travail.

En conclusion, il a témoigné de la préférence marquée de son organisation pour les expérimentations maîtrisées par les partenaires sociaux plutôt que pour de grands bouleversements dont on ne mesure jamais les conséquences.

M. Bernard Seillier, président, a évoqué la question de la protection des salariés négociateurs contre le licenciement. Il a interrogé les représentants de la CFDT sur la nécessité de l'imposer, comme le souhaiterait la CFTC.

M. Gabriel Coin a indiqué que les dispositions de l'accord avaient été introduites volontairement : il y a toujours protection des salariés négociateurs, mais les partenaires sociaux ont le choix entre la protection légale et une protection conventionnelle.

La commission a ensuite entendu deux représentants de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), M. Pierre Gilson, vice-président, chargé des affaires sociales, et M. Georges Tissé, directeur des affaires sociales.

M. Pierre Gilson a précisé que ce texte n'appelait pas beaucoup de commentaires de la part de la CGPME qui en était à l'origine. Il a souligné son urgence dans la mesure où 98 % des entreprises françaises ont moins de 50 salariés et sont donc concernées.

Après avoir rappelé le contenu de l'article 6 du projet de loi, il a regretté que sa portée ait été amoindrie par rapport à l'accord du 31 octobre 1995. Même s'il ne s'agit que d'une expérimentation, il a émis la crainte que seules les petites et moyennes entreprises les plus tenaces en bénéficient tant les obstacles paraissaient importants, alors que les enjeux étaient la compétitivité des entreprises concernées. Il a estimé que les mesures liées à la réduction du temps de travail seraient sans doute plus efficaces si la loi permettait de négocier directement au niveau des entreprises sans passer par la branche.

M. Georges Tissé a toutefois insisté sur le fait que l'article 6 reprenait bien les termes de l'accord du 31 octobre 1995 et qu'il n'appelait pas d'observations particulières.

Puis, M. Louis Souvet, rapporteur, les a interrogés sur les raisons des réserves émises par le président de la CGPME quant à l'accord du 31 octobre 1995.

M. Guy Fischer s'est inquiété des conséquences de la trop grande souplesse de négociation ainsi donnée aux entreprises.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a évoqué la capacité des petites entreprises à créer des emplois et a reconnu la faiblesse du nombre de salariés couverts par des accords d'entreprise, mais s'est interrogée sur les conséquences du dispositif pour les entreprises visées.

M. Jean Madelain a souhaité que se développe la négociation au niveau des branches professionnelles et qu'elle soit encouragée.

M. André Jourdain a suggéré d'exclure du dispositif les entreprises ayant moins d'un certain nombre de salariés afin de tenir compte des réserves de l'UPA.

MM. Pierre Gilson et Georges Tissé ont notamment apporté les précisions suivantes :

- la représentation syndicale dans les PME-PMI ne se heurte pas à l'hostilité de leur direction mais est souvent assez mal adaptée à l'évolution des entreprises quelquefois uniquement composées de cadres ou de personnel provenant de très grands groupes ;

- les entreprises de moins de cinquante salariés ont créé près de 100.000 emplois par an depuis quinze ans. Il convient donc de les aider, notamment en allégeant les formalités administratives. C'est pourquoi la CGPME encourage les formations d'adjoint au chef d'entreprise au sein des PME-PMI afin de décharger ce dernier ;

- les mesures d'aménagement du temps de travail n'étaient jusqu'à présent pas accessibles à toutes les entreprises. L'accord du 31 octobre 1995 a le mérite de donner à la majorité des PME la possibilité de moduler le temps de travail et même d'aller au-delà ;

- le projet de loi est un dispositif a minima, qui va dans le bon sens, même si les objections des artisans sont compréhensibles.

Présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président - La commission a alors procédé à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur le projet de loi n° 411 (1995-1996) adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective.

Après avoir rappelé que le projet de loi regroupait deux textes distincts et de nature différente, le premier transposant la directive européenne du 22 septembre 1994 et le second transposant une partie de l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995, M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné que la marge du législateur était relativement étroite dans la mesure où des modifications de fond apparaîtraient comme contraires au texte européen ou à la volonté des partenaires sociaux et où les modifications de forme risquaient d'être interprétées comme des modifications de fond.

Abordant la transposition de la directive du 22 septembre 1994, le rapporteur a rappelé que celle-ci venait après une longue série de démarches non abouties en raison des réticences britanniques et de la diversité des systèmes européens de représentation. Il a également rappelé que les entreprises transnationales elles-mêmes avaient ressenti le besoin de mettre en place des procédures ou des instances d'information et de dialogue, afin notamment de favoriser une certaine cohérence de leur politique locale et de préparer les esprits aux mutations et aux décisions.

M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que 1.152 entreprises dans 25 pays d'Europe seraient concernées par le projet de loi, dans 17 pays appartenant à l'Union européenne et à l'Espace économique européen.

Le rapporteur a ensuite souligné que la directive, en instituant un droit à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises multinationales, entendait néanmoins laisser aux partenaires sociaux et aux États signataires une grande liberté de mise en oeuvre.

C'est ainsi qu'un choix était offert entre le comité d'entreprise européen et une procédure d'information et de consultation des salariés. Il peut également être décidé de ne pas appliquer la directive. Toutefois, en cas d'opposition du chef d'entreprise ou de retard important dans les négociations, le texte prévoit l'institution obligatoire d'un comité d'entreprise européen dont il définit les conditions de mise en oeuvre, la composition et l'objet.

Le rapporteur a ensuite résumé le champ d'application de la directive ; celle-ci s'adresse aux entreprises ou aux groupes d'entreprises de dimension communautaire occupant au moins 1.000 travailleurs dans les États membres et au moins 150 salariés par État dans au moins deux États membres différents.

Il a indiqué qu'à cette occasion étaient définies les notions d'entreprise qui exerce le contrôle, dite entreprise dominante, et d'entreprise contrôlée.

Il a également souligné que des entreprises ou des établissements relevant des pays non signataires pouvaient être concernés, s'ils possédaient des établissements répondant aux critères sur les territoires de l'un des pays signataires.

M. Louis Souvet, rapporteur, a ensuite rappelé que la création d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation devait être négociée au sein d'un groupe spécial de négociation et que l'accord devait déterminer les conditions de mise en oeuvre de ces instances ou procédures, notamment en se référant au droit existant dans chaque État. Le rapporteur a ensuite résumé les principales dispositions de la directive concernant le comité d'entreprise européen institué en l'absence d'accord.

Puis, M. Louis Souvet, rapporteur, a rapidement présenté le projet de loi en soulignant que celui-ci restait fidèle à l'esprit de la directive en privilégiant l'accord des partenaires sociaux chaque fois que cela était possible et en reprenant les solutions traditionnelles du droit du travail en matière de représentation des salariés et d'instances représentatives. Le projet de loi prévoit également une harmonisation de la définition de l'entreprise dominante dans les comités de groupe avec celle retenue par la directive, des sanctions pénales en cas d'entrave du chef d'entreprise ainsi que des dispositions transitoires, notamment pour valider les accords passés avant la date d'application de la directive.

Le rapporteur a ensuite indiqué que l'Assemblée nationale n'avait pas modifié le texte sur le fond et que lui-même ne le proposerait pas. En revanche, il a indiqué qu'il suggérerait quelques amendements rédactionnels ou de coordination.

Intervenant ensuite sur l'article 6, M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que ce texte visait à prendre les dispositions législatives nécessaires à l'application des orientations définies en matière de négociation collective d'entreprise par l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 sur la politique contractuelle.

Le rapporteur a rappelé que l'objectif était de relancer le dialogue social dans les petites entreprises ne disposant pas de représentation syndicale, sur la base de trois thèmes de négociation : la reconnaissance réciproque des interlocuteurs syndicaux et patronaux, la recherche des conditions d'une amélioration de la représentation du personnel dans les entreprises pour tenter de pallier les carences en ce domaine et, enfin, le développement de la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux.

Le rapporteur a cependant précisé que, s'agissant de dispositions novatrices, les dispositifs étaient expérimentaux, limités dans le temps et encadrés par des accords de branche ; il revient en effet à la branche d'autoriser les nouveaux modes de négociation, de fixer les thèmes susceptibles d'y être abordés et de valider les accords ainsi négociés. Par ailleurs, un droit d'opposition est institué au niveau de la branche en faveur des organisations non signataires.

M. Louis Souvet, rapporteur, a alors indiqué que le projet de loi reprenait intégralement le contenu de l'accord et qu'il prévoyait une information régulière du Parlement.

Il a ensuite rappelé que l'Assemblée nationale avait réécrit cet article pour incorporer au texte les nouveaux dispositifs plutôt que de renvoyer à l'accord. Elle avait en effet considéré qu'il comportait une atteinte aux pouvoirs du législateur. Elle n'a cependant rien modifié quant au fond.

M. Louis Souvet, rapporteur, a alors proposé à la commission d'adopter cet article sans modification. Néanmoins, il a fait part de certaines interrogations que lui inspirait le texte, concernant notamment l'exercice du droit d'opposition et les conditions de vote au sein de la commission paritaire.

Il a également relevé les difficultés qu'éprouverait l'inspection du travail pour contrôler ces accords si ceux-ci devaient se multiplier de façon importante. Il a indiqué qu'il attirerait l'attention du ministre sur ces quelques difficultés.

M. Bernard Seillier s'est déclaré en accord avec les positions du rapporteur et a souligné la nécessité de conduire l'expérimentation à son terme, le caractère expérimental du dispositif lui semblant apporter suffisamment de garanties.

M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que les auditions auxquelles lui-même et la commission avaient procédé montraient bien que le texte était l'aboutissement de compromis équilibrés.

M. Jean Chérioux a souhaité que la question des petites entreprises artisanales soit posée au ministre.

M. Guy Fischer a indiqué que son groupe déposerait des amendements. Il a reconnu que la négociation sociale se trouvait actuellement dans une période charnière et s'est inquiété du risque d'éclatement de la norme juridique. Selon lui, le droit d'opposition est mal défini alors que les accords dérogatoires, notamment sur les salaires et les congés, pourraient se multiplier. Il a manifesté sa crainte que ces accords, dans les cinq ou dix ans à venir, ne conduisent à une dégradation des droits des salariés.

M. Bernard Seillier a souligné que l'article 6 constituait une petite révolution culturelle. Pour lui il ne s'agit pas de déréglementer mais de confier aux partenaires sociaux l'élaboration de leur propre régime de protection.

M. Jean Madelain a observé que l'article 6 prévoyait de nombreuses dispositions qui constituaient autant de garanties. Il a ensuite indiqué que rien ne prouvait que ce texte génère de nombreux accords.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, constatant que le texte résultait d'un accord interprofessionnel négocié par des syndicats responsables et représentatifs et que le projet de loi y restait fidèle, a souhaité que l'expérience soit menée à son terme sans en modifier les conditions et qu'un bilan en soit tiré.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. Guy Fischer ont observé que la CFDT seule en était le principal artisan.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a indiqué que de nombreuses entreprises, notamment dans le secteur tertiaire, pouvaient être intéressées par ce type d'accord. Par ailleurs, ces accords permettront d'encourager la représentation des salariés dans les entreprises où elle n'existe pas, ce qui constitue, selon lui, une avancée importante.

M. Bernard Seillier, tout en reconnaissant la qualité de l'argumentation de la CGT, a constaté que cette organisation s'en tenait au statu quo.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est inquiétée d'un probable déséquilibre de la négociation au sein des entreprises, le rapport de forces étant défavorable aux salariés.

M. Louis Souvet, rapporteur, a observé que dans beaucoup de petites entreprises les patrons n'étaient pas mieux préparés que les salariés à ce type de négociation.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est déclarée sceptique à propos de l'intervention a posteriori de la commission paritaire de branche, car elle ne pourrait pas remettre en cause les accords déjà signés.

M. Jacques Bimbenet a objecté que les rapports entre les chefs d'entreprise et les salariés n'étaient pas nécessairement antagonistes.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a rappelé que la négociation se ferait souvent sous la pression d'une menace de licenciement. Elle a suggéré que les négociations se passent non au sein de l'entreprise, mais au sein d'instances territoriales proches de l'entreprise.

La commission a ensuite adopté deux amendements rédactionnels à l'article 3 portant sur les articles L. 439-17 et L. 439-24-1 insérés dans le code du travail, un amendement de coordination à l'article 5 et un amendement de suppression de l'article 7, tous deux rendus nécessaires par le fait que la promulgation de la loi interviendrait après le 22 septembre 1996, date à laquelle la directive est devenue applicable.

La commission a ensuite adopté le projet de loi ainsi modifié.

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