B. L'EXPERIENCE DES ZONES FRANCHES À L'ETRANGER ET EN FRANCE

Plusieurs siècles ont passé depuis la création de la première zone franche dans l'île grecque de Delos en 166 avant l'ère chrétienne, mais la logique reste la même : attirer l'activité économique par un statut fiscal et administratif privilégié.

C'est au retour d'un voyage dans le sud-est asiatique, en 1977, que Peter Hall, professeur à l'université de Reading, attire l'attention de Sir Geoffrey Howe, chancelier de l'échiquier, sur l'opportunité de s'inspirer des zones franches pour sauver "l'Ile aux chiens", ce quartier du sud-est de Londres du déclin économique et social. Face à l'échec de toutes les tentatives centralisées de revitalisation des centres urbains laissés à l'abandon, il s'agissait de stimuler l'initiative individuelle et l'investissement privé par la création d'un climat propice à l'activité entrepreneuriale et à la création d'entreprises.

C'est ainsi que 27 zones d'entreprises ont vu le jour en Grande-Bretagne en 1982. Elles ont été suivies par la création de 6 zones d'emploi en Belgique en 1983, puis par celle de trois zones d'entreprises en France en 1986 et par celle de 100 zones d'entreprises fédérales aux États-Unis en 1987 (nombre porté à 225 en 1989). Il existe aujourd'hui 1 840 zones franches dans 82 pays.

Si elles poursuivent le même objectif, les zones franches urbaines dont la création est proposée par le présent projet de loi diffèrent cependant, dans leur principe, des zones d'entreprises créées dans les années 1980 dans le monde entier et notamment en France en 1986. Elles s'inspirent en revanche des « Empowerment zones » instituées aux États-Unis en janvier 1995.

1. Les expériences étrangères des zones d'entreprises

a) Les premières zones d'entreprises en Europe

La Grande-Bretagne et la Belgique ont été les premiers pays d'Europe à se doter de zones d'entreprises. Dès 1980, le Chancelier de l'Echiquier en prévoit la création dans le budget britannique. Ainsi, 27 zones seront instituées pour une durée de vie initialement fixée à dix ans.

En Belgique, l'arrêté royal n° 118 de décembre 1982 décide la création de six zones d'emploi (3 en Wallonie, 3 en Flandre), qui verront le jour en 1984.

Par leur nature même, les zones d'entreprises et les zones d'emploi ne peuvent être que des secteurs limités en nombre et en surface. En Grande-Bretagne, la surface varie de 20 à 400 hectares, sans que la Communauté européenne en ait limité le périmètre. En revanche, la commission de Bruxelles a imposé à la Belgique une surface totale de 150 hectares en Wallonie et de 150 hectares en Flandre. En Grande-Bretagne, le découpage des zones a exclu au maximum les installations et les entreprises déjà existantes et a tenu compte des terrains aménagés vacants et des bâtiments industriels disponibles. En Belgique, il s'agissait généralement de terrains nus et disponibles.

Ces zones existent généralement là où aucun instrument classique d'aménagement du territoire ne peut se révéler efficace. Il s'agit généralement de zones touchées par l'effacement des secteurs industriels traditionnels, comme la sidérurgie ou les mines. Par ailleurs, leur statut ne suffit pas à lui seul à en assurer le succès. Leur localisation doit tenir compte de l'existence d'infrastructures répondant aux attentes des entreprises. Enfin, le concours actif des acteurs économiques locaux et des responsables territoriaux conditionne leur réussite.

L'objectif des zones était double : diminuer le poids de la fiscalité qui trappe les entreprises et faciliter leur implantation par un allégement des procédures administratives.

En Grande-Bretagne, l'entreprise qui s'installe en zone d'entreprises peut amortir dès la première année la totalité de ses investissements immobiliers. Elle peut également l'échelonner sur plusieurs années en procédant la première année à l'amortissement qu'elle souhaite et ensuite par tranches de 25 %, si son bénéfice imposable est trop faible par rapport à l'amortissement possible. Une telle flexibilité d'amortissement se révèle particulièrement intéressante pour les sociétés en croissance qui investissent, d'autant que les règles d'amortissement britanniques sont relativement strictes. Ce régime s'applique aussi bien aux propriétaires qui utilisent leurs bâtiments qu'à ceux qui les louent. Il concerne les immeubles industriels et commerciaux les plus divers, alors même que les immeubles à usage d'entrepôts, d'emmagasinage, de bureaux et de commerce de détails ne sont en principe pas amortissables.

D'autre part, les entreprises installées en zones bénéficient des avantages suivants :

- exonération des impôts locaux pour les utilisateurs des bâtiments industriels et commerciaux sur lesquels ces impôts reposent ;

- exonération de la taxe sur les terrains à bâtir ;

- exonération de la taxe de formation professionnelle.

Le dispositif fiscal belge, fondamentalement différent du britannique, se caractérise par une exonération de l'impôt sur les sociétés (taux de 45 %) pendant dix ans, ainsi que par plusieurs autres dispositions :

- exonération du précompte immobilier, c'est-à-dire de l'impôt dû par le propriétaire sur le revenu cadastral des immeubles construits ou non, du matériel et de l'outillage (taux de 3 % environ) ;

- exonération du précompte mobilier, c'est-à-dire de la retenue à la source applicable aux dividendes, intérêts et royalties (taux de 25 %) ;

- exonération de droit proportionnel sur L'apport de capitaux ;

- exonération de droits d'enregistrement sur les apports.

En matière administrative, le Gouvernement britannique a tâché de réduire au minimum les contraintes procédurales dans les zones d'entreprises. Ainsi, les entreprises sont dispensées de répondre aux questionnaires concernant la formation professionnelle et bénéficient d'une simplification des formalités douanières et d'un allégement des renseignements à fournir à l'administration (à l'exception de ceux concernant la TVA et l'emploi). Par ailleurs, la délivrance des permis de construire est automatique à l'intérieur d'un cadre général fixant certaines normes (hygiène, sécurité, pollution, bâtiments). Les réglementations administratives ont été également allégées en Belgique, et notamment celles relatives à l'urbanisme et à la construction de bâtiments.

En Grande-Bretagne, toutes les entreprises sont admises en zone, sans condition d'activité ou de création d'emplois. En revanche, dans le cas précis des activités commerciales de détail, la plupart des zones ont fixé des limites de taille maximale afin que de nouvelles installations n'affectent pas gravement le commerce local.

En Belgique, les conditions d'éligibilité sont en revanche particulièrement rigoureuses. Seules sont admises les nouvelles sociétés ayant leur siège social et leur exploitation dans la zone d'emplois, ce qui exclut les simples établissements et succursales. Les activités doivent être de caractère industriel ou de services et concerner la recherche dans le domaine de la technologie de pointe. Les effectifs des firmes éligibles doivent atteindre dix salariés au moins dans les deux années qui suivent le commencement de l'activité et ne pas dépasser 200 salariés ensuite.

Les zones britanniques ont connu un incontestable succès. En août 1996, 8 zones d'entreprises étaient encore actives en Grande-Bretagne. Un audit sur les résultats montre qu'au cours de l'exercice allant du 1er avril 1994 au 31 mars 1995, plus de 60 000 mètres carrés ont été aménagés sur les quatre zones étudiées et que 122 entreprises installées représentaient plus de 6 000 emplois. Le coût du dispositif pour l'État était estimé à 22 millions de livres, soit environ 29 000 francs par emploi. Dans l'ensemble, la plupart des zones ont atteint leur objectif et le Gouvernement n'envisage pas d'étendre leur statut à de nouveaux sites, sauf en cas de circonstances exceptionnelles (telles que la fermeture d'un grand chantier naval).

En revanche, les zones d'emploi en Belgique ont connu un quasi-échec, dû pour une large part à leur localisation qui n'a pas tenu compte des infrastructures. Elles étaient par conséquent peu susceptibles d'attirer le personnel qualifié que l'on souhaitait y faire venir. Mais ce semi-échec trouve pour l'essentiel son explication dans la procédure de contrôle de l'éligibilité des entreprises, à la fois complexe, longue et décourageante.

L'existence des zones d'entreprises en Grande-Bretagne et des zones d'emploi en Belgique ont aidé à définir le régime des zones d'entreprises en France.

b) Les « Empowerment Zones » américaines

Aux États-Unis, la loi du 12 janvier 1995 a autorisé la création de deux programmes fédéraux visant à lutter contre l'exclusion et la pauvreté dans les quartiers en difficulté. Il s'agit des « Empowerment Zones » (EZ) et des « Entreprise Communities » (EC). À ce jour, il existe 9 « Empowerment Zones » (6 en zone urbaine et 3 en zone rurale), et 95 « Entreprise Communities » (65 en zone urbaine et 30 en zone rurale).

Ces outils de politique publique visent plusieurs objectifs :

- attirer du capital ;

- attirer des entrepreneurs ;

- alléger le coût du travail ;

- financer les services publics locaux.

En plus des programmes fédéraux, les collectivités locales accordent leurs propres subventions ou aides fiscales.

Chaque « Empowerment Zones » peut recevoir une subvention forfaitaire d'un montant pouvant atteindre 40 millions de dollars en zone rurale et 100 millions en zone urbaine.

Les entreprises qui remplissent les critères de sélection et opèrent à l'intérieur des « Empowerment Zones » peuvent bénéficier de trois avantages fiscaux pour une durée de dix ans :

- allègement plafonné du coût du travail : l'employeur peut obtenir un crédit d'impôt équivalent à 20 % des 15 000 premiers dollars de salaire brut pour chaque employé résidant et travaillant dans l'» Empowerment Zone ». Cela équivaut à une réduction du coût du travail de 17,4 % pour un salarié rémunéré au salaire minimum.

- élargissement de la procédure d'amortissement accéléré : le plafond du montant que les contribuables peuvent déduire de leur revenu imposable l'année d'acquisition de certains types d'équipements au titre de l'amortissement est porté de 17 500 dollars à 37 500 dollars et est étendu aux immeubles.

- possibilité de se financer par émission d'obligations bénéficiant d'une exemption fiscale : l'épargnant qui investit dans ce type de titres n'est pas imposé sur les intérêts reçus.

Les entreprises qui remplissent les critères de sélection et opèrent à l'intérieur des « Entreprise Communities » peuvent bénéficier de la dernière de ces incitations fiscales.

Étant donné la création récente des « Empowerment Zones » et des « Entreprise Communities », aucune étude n'a encore été menée pour évaluer l'efficacité des dispositifs mis en oeuvre. En revanche, les zones d'entreprises instituées au début des années 1980 ont fait l'objet d'évaluations. L'objectif et les moyens étaient assez proches : il s'agissait de revitaliser l'économie des quartiers pauvres des grandes villes et de créer des emplois pour les résidents en instituant des incitations fiscales pour les entreprises et des subventions publiques destinées à recréer des services publics locaux.

Au regard des évaluations, il ressort que ces zones d'entreprises constituent un instrument extrêmement coûteux de création d'emplois dans les zones défavorisées. Le coût de création d'un emploi pour un résident de la zone est évalué entre 40 000 et 60 000 dollars, pour des emplois dont le salaire ne dépasse pas 10 000 dollars par an. De plus, il est difficile de savoir si les emplois créés dans la zone sont véritablement des créations nettes ou le résultat de simples déplacements d'entreprises attirées par les avantages fiscaux.

Selon les mêmes évaluations, il apparaît que la principale faiblesse de ce dispositif est que les incitations fiscales sont trop orientées vers le capital et pas assez vers l'emploi. Or les abattements sur le coût du travail sont considérés comme des instruments plus efficaces de création d'emplois que les incitations à l'investissement.

2. Les zones d'entreprises et les zones d'investissement privilégié françaises

a) Les zones d'entreprises

L'ordonnance n° 86-1113 du 15 octobre 1986 a créé trois zones d'entreprises en France, à proximité des chantiers navals de la Normed, dont la fermeture était prévue. La délimitation des zones (200 à 300 hectares en moyenne) autour de Dunkerque, de La Ciotat-Aubagne et de La Seyne-Toulon a été effectuée à partir des surfaces vacantes, en s'efforçant d'exclure les immeubles déjà occupés par des entreprises. En tout état de cause, seules les entreprises créées postérieurement au décret instituant la zone d'entreprises pouvaient prétendre aux avantages fiscaux.

Les zones d'entreprises visaient à réanimer l'activité économique dans les trois bassins d'emploi touchés par la faillite des chantiers navals. Il s'agissait d'une part d'accélérer et de simplifier les procédures administratives par la mise en place d'un interlocuteur unique et d'une commission permanente, et d'autre part d'exonérer d'impôt sur les sociétés les bénéfices des entreprises s'installant sur place, pendant une durée suffisamment importante pour être incitative.

À l'image de ce qui existe en Grande-Bretagne et en Belgique, la nomination d'un interlocuteur unique issu de l'administration dans chaque zone devait aider à l'établissement, au dépôt et au suivi des dossiers des entreprises. C'est dans le même état d'esprit qu'a été créée une commission permanente p résidée par le préfet en vue d'accélérer l'obtention des autorisations administratives (telles qu'un permis de construire) en faveur des entreprises s'installant en zone d'entreprises. Chaque administration compétente est représentée et au cas où l'une d'entre elles ne participerait pas à l'une des réunions, il est convenu qu'elle ne pourra en aucune mesure retarder la procédure en cours.

Les mesures fiscales d'exception consistaient en :

- une exonération de l'impôt sur les sociétés pendant dix années suivant la
création de l'entreprise ;

- une exonération de l'imposition forfaitaire annuelle à laquelle sont soumises les entreprises qui ne font pas de bénéfices.

Étaient éligibles à ce dispositif les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés et créées dans les cinq ans suivant l'institution de la zone (à l'exclusion des concentrations ou restructurations d'activités préexistantes dans la zone ou pour la reprise de telles activités). La possibilité ouverte aux entreprises de bénéficier de l'avantage fiscal a donc pris fin en 1992 mais le régime fiscal se prolonge jusqu'en 2002 pour les dernières entreprises installées.

L'octroi de l'avantage fiscal était subordonné aux conditions suivantes :

- les entreprises devaient avoir leur siège social, leurs activités et leurs moyens d'exploitation dans la zone ;

- elles devaient présenter au moins dix emplois au bout de trois ans ;

- elles devaient appartenir à l'industrie ou au tertiaire industriel.

La commission européenne a imposé trois contraintes supplémentaires : les implantations d'entreprises ne devaient pas conduire à un nombre de créations d'emplois supérieur au nombre d'emplois perdus par la Normed ; les entreprises ne devaient pas avoir plus de 200 salariés ; les activités appartenant à des secteurs surcapacitaires de la communauté, tels que le textile-habillement ou les chantiers navals étaient exclues du régime.

Le bilan des zones d'entreprise, 10 ans après leur création est globalement positif, bien que le développement reste inégal selon les zones, surtout entre le Nord et le Sud. Les zones d'entreprises du Var et des Bouches-du-Rhône comptent aujourd'hui 300 entreprises, essentiellement des PME, après en avoir attiré 391, de 1987 à 1992, représentant 9 800 emplois et 4 milliards de francs d'investissement. De son côté, Dunkerque accueille 150 entreprises, en majorité des sociétés issues de grands groupes qui ont créé 5 600 emplois et représenté un investissement de 12 milliards de francs.

Toutes ces entreprises n'ont pourtant pas bénéficié de l'exonération fiscale. Au 1 er janvier 1993, seules 139 entreprises sur 391 bénéficiaient du régime d'exonération dans les deux zones de la région P.A.C.A. A Dunkerque, 47 entreprises sur 100 étaient implantées au titre de l'exonération de l'impôt sur les sociétés. Selon la direction générale des impôts, au 31 décembre 1994, seules 103 entreprises bénéficiaient du régime de défiscalisation. Elles ont permis la création de 4 852 emplois pour un coût fiscal en 1995 de 1,1 milliard de francs. Le coût total de ces zones, qui est estimé à 4 ou 5 milliards de francs, ne pourra cependant être déterminé avant l'extinction définitive du régime en 2002.

Au surplus, certaines de ces entreprises ont pu bénéficier d'un allègement de leur imposition locale. En effet, les collectivités locales concernées étaient toutes situées dans des zones où, conformément à l'article 1465 du code général des impôts, elles pouvaient notamment, dans le cadre de l'aménagement du territoire, exonérer de taxe professionnelle les créations et extensions d'activités indutrielles pour une durée maximum de cinq ans. En fait, entre 1986 et 1992 les trois quarts des collectivités locales situées dans le périmètre des zones d'entreprises ont pris une délibération en ce sens.

Les zones d'entreprises ont servi de catalyseur au développement local. Si l'attrait de la défiscalisation a été l'élément déterminant dans le choix d'implantation de certaines entreprises, en particulier pour celles d'origine internationale qui pouvaient faire jouer la concurrence entre différents pays, les zones d'entreprises ont créé une dynamique, laquelle a suscité l'implantation d'autres entreprises non éligibles au régime de défiscalisation ou ne souhaitant pas en bénéficier. Pour les PME, cet outil a permis de dégager plus rapidement des bénéfices et d'accroître leurs fonds propres et leur effort de recherche.

Les phénomènes de transfert ont été relativement marginaux. Sur la zone de Dunkerque, les entreprises implantées sont toutes extérieures à la région Nord-Pas-de-Calais. Les seuls transferts de proximité se sont produits à Marseille (22 entreprises) sur Aubagne-La Ciotat. Ils ont d'ailleurs été un élement de démarrage des premiers sites, et tous ont donné lieu à des accroissements d'activité et d'emplois. La majorité de ces transferts ont été justifiés par un manque de possibilité de croissance sur leur précédente implantation. Ils n'ont fait l'objet d'aucune aide publique.

b) Les zones d'investissement privilégié (Z.I.P.)

Le Comité interministériel d'aménagement du territoire (CI.A.T.) du 5 novembre 1990 avait décidé d'engager les démarches auprès de la commission européenne, afin d'obtenir son accord pour la création d'une nouvelle zone d'entreprises en région Nord-Pas-de-Calais, localisée pour partie dans la Sambre-Avesnois et pour partie dans le bassin minier.

Après de longues et difficiles négociations, la commission a donné son accord pour la création, sur les sites envisagés, d'un dispositif différent de celui des zones d'entreprises, mais participant du même esprit (défiscalisation temporaire).

La loi de finances rectificative pour 1992 prévoit dans ces zones dénommées « zones d'investissement privilégié » (Z.I.P.) l'octroi aux entreprises qui s'y implantent d'un crédit d'impôt égal à 22 % du prix de revient hors taxes des investissements industriels qu'elles réalisent jusqu'au terme du trente-sixième mois suivant celui de leur constitution. Ce crédit d'impôt est imputable sur le montant de l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise pendant dix ans. Il n'est pas restituable.

Ce dispositif, appliqué dans le respect des règles communautaires concernant notamment les règles de cumul des aides et l'exclusion de certains secteurs d'activité, est réservé aux entreprises industrielles ou exerçant une activité de services directement nécessaire à une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers, et qui emploient au moins dix salariés à compter de leur troisième exercice.

Trois ans après leur institution, force est de constater que la situation demeure préoccupante dans ces zones et qu'une seule entreprise avait bénéficié à la mi-1995 du régime fiscal privilégié. Des facteurs externes comme la mauvaise conjoncture depuis 1993 en Europe ou le caractère innovant du mécanisme fiscal qui s'est traduit pas des lourdeurs administratives dans son application, expliquent en partie l'apparent échec des Z.I.P. En outre, le dispositif était conçu et adapté pour des investissements capitalistiques lourds. Son mécanisme impose que les résultats de l'entreprise soient très rapidement positifs et que la durée d'amortissement de ses investissements ne soit pas supérieure à dix ans, ce qui est rarement le cas pour des investissements lourds.

Par ailleurs, certaines entreprises ont renoncé au dispositif après qu'une analyse financière eut conclu à la moindre attractivité du système par rapport à d'autres régimes d'aides, français ou étrangers (prime à l'aménagement du territoire notamment).

3. L'originalité des zones franches urbaines prévues par le projet de loi

Les zones franches urbaines telles qu'elles sont prévues par le présent projet de loi diffèrent fondamentalement et à double titre des zones d'entreprises évoquées ci-dessus.

Premièrement, loin de se situer dans des zones de friches industrielles bien dotées en infrastructures et en locaux, les zones franches urbaines se situeront dans les quartiers d'habitation les plus dégradés du territoire. Ainsi, alors que l'ordonnance du 15 octobre 1986 prévoyait que les zones d'entreprises étaient délimitées « en tenant compte des éléments de nature à faciliter l'implantation d'entreprises et notamment des infrastructures existantes, des possibilités d'aménagement et des conditions de la maîtrise des sols », les zones franches urbaines sont, aux termes de l'article 2 du projet de loi, « créées dans des quartiers de plus de 10 000 habitants particulièrement défavorisés au regard des critères pris en compte pour la détermination des zones de redynamisation urbaine » , ces dernières étant définies en fonction d'un indice synthétique plus social qu'économique (taux de chômage, proportion de jeunes de moins de 25 ans, proportion de personnes sorties du système scolaire sans diplôme).

En second lieu, loin de se limiter aux entreprises qui viendraient s'installer sur ces portions de territoire, les exonérations de charges fiscales et sociales bénéficieront à l'ensemble des établissements pré-existants dans les quartiers visés.

Le plafonnement de l'exonération d'impôt sur les sociétés ou sur le revenu à 400 000 francs de bénéfices et la fixation à 50 du seuil de l'effectif salarié à ne pas excéder pour pouvoir bénéficier de l'exonération maximale de taxe professionnelle en zone franche urbaine ont été institués pour respecter les normes communautaires en matière d'aides aux entreprises.

Ainsi, l'objet des zones franches urbaines est de susciter, grâce à des leviers économiques, une « dynamique urbaine » autour d'activités de proximité dans des quartiers conçus dans les années soixante et soixante-dix comme des cités-dortoirs.

L'étude d'impact fournie par le Gouvernement à l'appui du projet de loi énonce en ces termes l'objectif poursuivi :

« En dépit d'apparentes similarités avec les zones d'entreprises créées en où ou les zones d'investissement privilégiées instituées à partir de 1992, l'objectif poursuivi par la mise en place des zones franches urbaines n'est pas une logique d'industries ou de reconversion de sites industriels en difficulté, mais une logique de revitalisation de sites urbains caractérisés par la mono-fonctionnalité et le cumul des handicaps les plus graves en matière de chômage ou de sous-qualification. »

« L'objectif poursuivi par la mise en place d'un régime fortement dérogatoire dans les zones franches urbaines est de conforter le tissu économique existant, le plus souvent composé de micro ou de petites entreprises, et de faciliter la création d'activités de services ou de proximité dans les quartiers. »

Le Gouvernement envisage un objectif de création de 5 000 à 7 000 emplois à terme (soit l'équivalent des emplois créés dans les deux zones d'entreprises de La Seyne et de La Ciotat), en complément du stock existant, pour un coût estimé à 1,5 milliard de francs par an (exonérations fiscales et exonérations de charges sociales).

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