EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER - PRINCIPES GÉNÉRAUX

Composé de deux articles, le titre premier du projet de loi tend, d'une part à définir la politique de la ville (article premier) et, d'autre part, à redéfinir les zones urbaines prioritaires (article 2).

ARTICLE PREMIER - Définition de la politique de la ville

La loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville (LOV) a posé plusieurs principes généraux toujours en vigueur.

Ainsi, l'article premier de la loi d'orientation précitée dispose-t-il « qu'afin de mettre en oeuvre le droit à la ville, les communes et les autres collectivités territoriales et leurs établissements publics assurent à tous les habitants de villes des conditions de vie et d'habitat favorisant la cohésion sociale et de nature à éviter ou à faire disparaître tous les phénomènes de ségrégation [...]. À ces fins, l'État et les autres collectivités publiques doivent en fonction de leurs compétences, prendre toutes mesures tendant à diversifier, dans chaque agglomération, commune ou quartier des types de logements, d'équipements et de services nécessaires :

- au maintien et au développement du commerce et des autres activités économiques de proximité ;

- à la vie collective dans les domaines scolaire, social, sanitaire, sportif culturel et récréatif ;

- aux transports ;

- à la sécurité des biens et des personnes » .

L'article 2 de la loi précitée dispose en outre que la politique de la ville « est un élément de la politique d'aménagement du territoire » .

Le cadre géographique de la politique de la ville résulte, quant à lui, de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire qui dispose que « des politiques renforcées et différenciées de développement sont mises en oeuvre en premier lieu dans les zones caractérisées par des handicaps géographiques, économiques ou sociaux » et qui a créé les zones prioritaires d'aménagement du territoire au nombre desquelles on compte en premier lieu les zones urbaines sensibles et en second lieu les territoires ruraux de développement prioritaire.

Le texte du projet de loi initial s'inscrit dans la droite ligne des deux lois d'orientation précitées. Il dispose tout d'abord que la « politique de la ville et du développement urbain » - qui reçoit pour la première fois une appellation législative -, est une politique partenariale « conduite par l'État et les collectivités locales dans le respect de la libre administration de celles-ci et selon les principes de l'aménagement du territoire » (article 1 er alinéa 1 er ). Cette formulation est reprise de l'article premier de la loi d'orientation du 4 février 1995 précitée.

Aux objectifs fixés par la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville, le texte du projet de loi initial qui n'a pas été modifié sur ce point lors de son examen par l'Assemblée nationale, ajoute une précision d'importance puisqu'il dispose que la politique de la ville et du développement social urbain a pour but « de lutter contre les phénomènes d'exclusion dans l'espace urbain et de favoriser l'insertion professionnelle sociale et culturelle des populations habitant dans des grands ensembles ou des quartiers d'habitat dégradé » .

Le troisième alinéa de l'article premier prévoit en outre, que « des dispositions dérogatoires du droit commun sont mises en oeuvre [...] en vue de compenser les handicaps économiques ou sociaux des zones urbaines sensibles, des zones de redynamisation urbaine et des zones franches urbaines » . Cette disposition constitue le fondement législatif d'une discrimination positive, en faveur des espaces relevant de la politique de la ville qui sous-tend l'ensemble des mesures du Pacte de relance.

À l'initiative de M. Gilles Carrez, l'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'article premier présenté par son auteur comme tendant « à indiquer clairement que l'ensemble des mesures proposées par le projet de loi s'insère dans l'objectif de mixité sociale et de diversité de l'habitat fixé par la loi d'orientation pour la ville (LOV) » . Cet amendement dispose que la politique de la ville et du développement social urbain « s'inscrit dans le cadre des objectifs de diversité de l'habitat et de mixité sociale » définis par la LOV.

Votre commission spéciale estime que cette rédaction de l'article premier pourrait être améliorée. En effet, la politique de la ville dépasse très largement la diversité de l'habitat et la mixité sociale qui en sont eux-mêmes des composantes importantes. L'objet du Pacte de relance est précisément d'apporter une réponse aussi bien par des mesures réglementaires que par des dispositions législatives aux problèmes de la ville, dans leur diversité.

Votre commission spéciale observe qu'en 1991, le Sénat avait estimé que le texte de la LOV marquait certes une étape importante mais qu'il n'abordait pas tous les problèmes posés par la ville et qu'il était susceptible d'amélioration.

Aussi, votre commission spéciale vous propose-t-elle un amendement rédactionnel tendant à préciser que les objectifs assignés à la politique de la ville et du développement social urbain comprennent la diversité de l'habitat et la mixité sociale mais qu'ils les dépassent puisqu'ils visent également la lutte contre l'exclusion ainsi que l'insertion professionnelle sociale et culturelle des populations habitant dans les espaces urbains sensibles, les zones de redynamisation urbaines et les zones franches urbaines.

Votre commission spéciale estime également souhaitable de préciser clairement que la politique de la ville s'inscrit dans le cadre plus vaste de la politique d'aménagement du territoire. L'article premier de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire dispose que cette politique « corrige les inégalités des conditions de vie des citoyens liées à la situation géographique et à ses conséquences en matière démographique, économique et d'emploi [...] vise à compenser les handicaps territoriaux [...] fixe les dispositions dérogatoires modulant les charges imposées à chacun [...] tend à réduire les écarts de ressources entre les collectivités territoriales en tenant compte de leurs charges » .

Elle vous propose également un amendement à cette fin.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter l'article premier ainsi modifié.

ARTICLE 2 - (Art. 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et de développement du territoire) - Redéfinition des zones urbaines prioritaires

La géographie de la politique de la ville repose actuellement sur la distinction entre les zones urbaines sensibles (ZUS) et les zones de redynamisation urbaine (ZRU).

Le Pacte de relance pour la ville prévoit, en outre, de créer des zones franches urbaines (ZFU).

À cette fin, l'article 2 du projet de loi tend à modifier l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée qui définit les caractères des zones urbaines sensibles et des zones de redynamisation urbaine, et à y ajouter la définition des zones franches urbaines.

L'article 42 précité dispose que « des politiques renforcées et différenciées de développement sont mises en oeuvre dans les zones caractérisées par les handicaps géographiques, économiques ou sociaux » .

Ces dispositions dérogatoires ont été soumises à l'examen du Conseil constitutionnel qui a considéré que les principes posés par l'article 42 ne méconnaissaient pas le principe d'égalité des citoyens, et que l'édiction, par le législateur, d'avantages fiscaux et de mesures d'incitation au développement et à l'aménagement de certaines parties du territoire national, dans un but d'intérêt général, ne constituaient pas une atteinte à la libre administration des collectivités locales 13 ( * ) .

Les zones prioritaires caractérisées, aux termes de l'article 42 précité par « des handicaps géographiques, économiques ou sociaux », comprennent donc actuellement :

- les zones d'aménagement du territoire, caractérisées par leur faible niveau de développement économique et par l'insuffisance du tissu industriel ou tertiaire. Elles sont éligibles à la prime d'aménagement du territoire (PAT) et correspondent à une population d'environ 23,1 millions d'habitants ;

- les territoires ruraux de développement prioritaire ou TRDP qui recouvrent les zones défavorisées caractérisées par leur faible niveau de développement économique qui représentent 12,7 millions d'habitants ;

- les zones urbaines sensibles qui dans la rédaction adoptée en 1994 sont « caractérisées par la présence de grands ensembles ou de quartiers d'habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi », soit une population d'environ 3,6 millions d'habitants. Ces zones comprennent les zones de redynamisation urbaine dont on rappelle la définition ci-dessous.

L'article 2 du projet de loi modifie le « 3 » de l'article 42 précité relatif aux zones urbaines sensibles.

Notons, avant d'en exposer l'économie générale, qu'hormis une modification tendant à préciser que la liste des zones urbaines sensibles est fixée par décret, l'Assemblée nationale n'a pas apporté de modifications au premier alinéa de l'article 42. Les ZUS restent par conséquent définies comme les zones « caractérisées par la présence de grands ensembles ou de quartiers d'habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi » .

La liste des zones urbaines sensibles résulte actuellement du décret n° 93-203 du 5 février 1993 pris pour l'application de l'article 1466-A-I du code général des impôts qui résulte lui-même de l'article 26 de la loi d'orientation pour la ville précitée et vise les zones qui peuvent faire l'objet d'une exonération facultative de la taxe professionnelle par les communes.

Cette liste des ZUS fera l'objet d'une actualisation qui comprendra environ 700 quartiers métropolitains et une trentaine de quartiers d'outre-mer qui représentant une population de près de 4 millions de personnes. Une préfiguration de cette liste est donnée par le décret n° 96-454 du 28 mai 1996 relatif aux emplois de ville pour les jeunes résidant dans les grands ensembles et les quartiers d'habitat dégradé 14 ( * ) .

L'article 2 du projet de loi tend à remplacer le texte en vigueur du second alinéa du « 3 » de l'article 42 par un « A » relatif aux zones de redynamisation urbaine et un « B » relatif aux zones franches urbaines.

I - Définition des zones de redynamisation urbaines (ZRU)

Actuellement, les ZRU sont définies comme celles des zones urbaines sensibles qui sont « confrontées à des difficultés particulières et correspondantes aux quartiers définis à l'alinéa précédent dans les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine » (DSU).

En l'état du droit, leur liste résulte de la combinaison de la liste fixée par le décret n° 93-203 du 5 février 1993 pris pour l'application de l'article 1466-A-I du code général des impôts et de la liste des communes éligibles à la DSU l'année précédente.

Dans ces 470 zones vivent 3 millions de personnes.

L'étude d'impact jointe au projet de loi indique que l'actuelle référence à la DSU n'est pas assez discriminante pour le classement des zones puisque trois quarts des communes de plus de 10.000 habitants y sont éligibles. Or le projet de loi tend à réduire de 470 à environ 350 le nombre des ZRU afin de prendre en compte le coût du renforcement du dispositif d'exonération fiscale qui sera mis en place.

Dans le but de restreindre le nombre des ZRU, le texte du projet de loi initial, qui n'a subi que des modifications rédactionnelles à l'Assemblée nationale, prévoit que les ZRU correspondront à ceux des quartiers définis à l'alinéa précédent qui sont « confrontés à des difficultés particulières » appréciées d'une part en fonction de leur situation géographique et d'autre part en fonction d'un indice synthétique établi par décret compte tenu :

- de la population du quartier ;

- du taux de chômage ;

- de la proportion de jeunes de moins de 25 ans ;

- de la proportion des personnes sorties du système scolaire sans diplôme ;

- du potentiel fiscal des communes intéressées.

Hormis le potentiel fiscal, ces divers éléments seront appréciés en fonction des données issues du recensement de la population de 1990.

Un décret fixera la liste des ZRU.

Le même article prévoit en outre que la liste des zones de redynamisation urbaine des communes des départements d'outre mer sera également définie par décret parmi les quartiers visés au premier alinéa du 3°, qui sont confrontés à des difficultés particulières appréciées en fonction :

- du taux de chômage ;

- du pourcentage déjeunes de moins de 25 ans ;

- de la proportion des personnes sorties du système scolaire sans diplôme.

Au cours de ses travaux, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel qui clarifie le premier alinéa du 3 de l'article 2 de la loi du 4 février 1995 précitée et un second amendement qui précise que la liste des ZUS est fixée par décret. Elle a également apporté plusieurs modifications rédactionnelles aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du A du 3 du même article, qui en améliorent la lisibilité.

Outre la modification de la définition des ZRU, l'apport majeur de l'article 2 est la création des zones franches qui constitue l'une des principales innovations du projet de loi.

II - Définition des zones franches urbaines

L'étude d'impact présentée par le Gouvernement indique que, malgré « d'apparentes similarités avec les zones d'entreprises créées en 1986 ou les zones d'investissement privilégié instituées à partir de 1992, l'objectif poursuivi par la mise en place des zones franches urbaines n'est pas une logique de création d'industries ou de reconversion de sites industriels en difficulté, mais une logique de revitalisation de sites urbains caractérisés par la mono-fonctionnalité et le cumul des handicaps les plus graves en matière de chômage et de sous qualification » .

Aux termes du « B » de l'article 2, les zones franches seront créées dans les quartiers de plus de 10.000 habitants « particulièrement défavorisés » au regard des critères pris en compte pour la détermination des zones de redynamisation urbaine.

L'étude d'impact précitée indique que les 38 zones franches urbaines situées en métropole ont pour caractéristiques de concerner des communes qui connaissent :

- un taux de chômage supérieur à 13,5 % ;

- un pourcentage déjeunes de moins de 25 ans supérieur à 36 % ;

- un pourcentage de non diplômés supérieur à 29 % ;

- un potentiel fiscal communal inférieur à 3.800 francs.

La liste des zones franches urbaines est annexée au projet de loi.

Au cours de ses travaux, l'Assemblée nationale qui n'a pas modifié les critères de définition des ZRU a ajouté le site du quartier du port, à Cayenne, à la liste des zones franches urbaines annexée au projet de loi.

Elle a en outre adopté deux modifications de portée rédactionnelle au « B » du 3 de l'article 42.

Votre commission spéciale suggère d'apporter trois précisions au texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, concernant l' outre-mer :

- pour prévoir que dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte, les zones urbaines sensibles seront délimitées en tenant compte des caractéristiques particulières de l'habitat local ;

- pour confirmer que la collectivité territoriale de Mayotte entre bien dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire et que des zones de redynamisation urbaine pourront être créées ;

- pour permettre d'adapter les critères prévus en métropole pour les zones franches urbaines en, prenant en compte les éléments de nature à faciliter l'implantation d'entreprises ou le développement d'activités économiques.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter l'article 2 ainsi modifié.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 2 - Création de comités d'orientation et de surveillance dans les zones franches urbaines

Après l'article 2, votre commission spéciale vous propose, par amendement, d'insérer un article additionnel, afin d'instituer, dans chaque zone franche urbaine, un comité d'orientation et de surveillance.

Une telle structure paraît, en effet, nécessaire pour prévenir la survenance de certains risques qui pourraient résulter de l'application des mesures dérogatoires dont bénéficieront ces zones : distorsions de concurrence à l'intérieur de la zone et avec sa périphérie; mise en cause de la cohérence économique et sociale de la zone; échec dans la recherche d'une certaine mixité sociale; implantations d'entreprises uniquement motivées par le bénéfice d'avantages fiscaux et sociaux.

Le comité d'orientation et de surveillance sera chargé d'apprécier les conditions de mise en oeuvre des mesures dérogatoires prévues au profit de ces zones au regard des objectifs de la politique de la ville, tels qu'ils sont définis par l'article premier du projet de loi.

Il devra, en conséquence, évaluer l'effet de ces mesures dérogatoires sur la restauration de l'équilibre économique et social de la zone franche urbaine, sur les conditions d'exercice de la concurrence et sur l'appareil commercial et artisanal.

Il établira, chaque année, un bilan de la situation de la zone. Ce bilan devra faire ressortir l'évolution des activités économiques au cours de l'année écoulée.

Le comité pourra, en outre, présenter aux pouvoirs publics toute proposition destinée à améliorer le dispositif en vigueur.

Présidé par le préfet, le comité d'orientation et de surveillance sera composée, en outre, du maire de la commune d'implantation de la zone franche urbaine, du président du conseil général ou son représentant, du président du conseil régional ou son représentant, de représentants des services de l'État et des chambres consulaires départementales.

Votre commission spéciale relève que ce comité devra être doté des moyens adaptés pour mener à bien les missions qui lui sont assignées par le présent article.

Elle vous demande d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

* 13 cf. Décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995, annexée au présent rapport.

* 14 JORF du 29 mai 1996 p. 7940

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