Rapport n° 15 (1996-1997) de M. Philippe FRANÇOIS , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 9 octobre 1996

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N° 15

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 octobre 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Philippe FRANÇOIS sur la proposition de règlement (CE) du Conseil prévoyant la réduction du taux applicable aux importations réalisées en application du contingent tarifaire OMC pour certains animaux bovins vivants (n° E-676) ,

Par M. Philippe FRANÇOIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, André Vallet, Jean-Pierre Vial,

Voir le numéro :

Sénat : 507 (1995-1996).

Union européenne

INTRODUCTION

Mesdames. Messieurs.

Dans le cadre des accords du GATT, les Communautés se sont engagées à ouvrir un contingent annuel de 169.000 têtes d"animaux bovins vivants à un taux de 16 % auquel s'ajoute un droit spécifique de 582 écus par tonne.

En général, les importations au titre de ce contingent proviennent des Pays Associés d'Europe Centrale (PECO). Conformément aux mesures, transitoires arrêtées par le Conseil pour les importations préférentielles en application des accords européens (règlement (CEE) n° 3066/95), il est prévu que la commission puisse réduire à 399 écus/tonne le montant spécifique du taux applicable dans le cadre de ce contingent. C'est ce qu'elle a effectivement fait dans le cas des PECO.

La proposition E 676 (document COM (96) 324 final) vise à étendre à toutes les importations, au titre du contingent GATT, cet abaissement du droit spécifique, avec effet rétroactif au 1er juillet 1995.

La commission avance, pour justifier sa proposition, des arguments tant administratifs que commerciaux. Elle invoque, tout d'abord, la simplification administrative qu'induirait une telle mesure. En second lieu, il lui paraît peu « compatible avec les obligations de la Communauté » contractées dans le cadre du GATT d'appliquer le taux réduit uniquement aux bovins importés d'Europe de l'Est.

Malgré le caractère assez limité de la portée pratique de cette mesure, une telle décision semble totalement inopportune, non seulement compte tenu de la crise profonde que traverse le marché de la viande bovine, mais surtout parce qu'elle est révélatrice de l'absence de vision d'ensemble de la commission en matière agricole.

I - UNE MESURE APPAREMMENT SANS CONSÉQUENCE SUR LE COMMERCE ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LES PECO EN MATIÈRE D'IMPORTATIONS DE BOVINS VIVANTS

Avant d'examiner la portée pratique de cette proposition, il est nécessaire de la resituer dans le cadre des importations de bovins vivants dans l'Union européenne en provenance des PECO.

A. LES IMPORTATIONS DE BOVINS VIVANTS DANS L'UNION EUROPÉNNE AU TITRE DES ACCORDS EUROPÉENS

1. Les conditions juridiques régissant les importations de bovins vivants dans l'Union européenne au titre des accords européens

Outre les « engagements OMC » (Organisation Mondiale du Commerce) concernant les importations de bovins vivants destinés à l'engraissement ou à la boucherie en provenance de pays tiers au titre de l'Accord de Marrakech, l'Union européenne a conclu avec les six PECO des accords européens, signés et entrés en vigueur en 1993 et 1994. Ces accords prévoyaient, dans leur version initiale, une part minimum dans un contingent d'importation total de 425.000 têtes par an à réserver aux PECO, qui bénéficiaient d'un droit préférentiel.

Après la signature de l'Accord de Marrakech, le Conseil a donné mandat à la commission, le 6 mars 1995, de renégocier les accords européens. En ce qui concerne les importations de bovins vivants, le Conseil a demandé à la commission de rechercher une simplification du régime et de prévoir des contingents d'importation pour un total n'excédant pas 500.000 têtes par an (contingent OMC de 169.000 têtes, et deux contingents préférentiels PECO de 153.000 et de 178.000 têtes), la différence entre 425.000 et 500.000 têtes s'expliquant par l'élargissement de l'Union.

Les négociations avec les PECO, ouvertes depuis mars 1995, n'ont pas encore abouti.

En attendant l'achèvement des négociations, le Conseil a pris des règlements provisoires portant mesures autonomes (non négociées et unilatérales).

Il existe donc :

- un contingent ouvert au titre de l'accès courant du GATT : 169.000 animaux moins de 300 kg, destinés à l'engraissement, soumis à un droit de douane de 16 % 582 écus/t ;

- au titre spécifique des accords d'association, deux contingents tarifaires spécifiques, avec réduction du droit de douane de 80 % : un contingent de 178.000 petits veaux d'un poids inférieur à 80 kg et un contingent de bovins d'un poids vif supérieur ou égal à 160 kg et inférieur ou égal à 300 kg, soit 153.000 têtes.

Enfin, le Conseil en 1996 a porté à 500.000 têtes la quantité globale annuelle de bovins vifs qui peuvent être importés dans la Communauté. Si les importations de toutes provenances dépassent cette quantité, la Communauté peut adopter les mesures de gestion nécessaires pour la protection du marché communautaire.

Ainsi, la proposition de la Communauté concerne donc le contingent ouvert au titre de l'accès courant du GATT, c'est-à-dire 169.000 animaux de moins de 300 kg, destinés à l'engraissement, pour lequel l'Union européenne a décidé, à titre transitoire, pour les produits originaires de ces pays et pour ceux originaires des pays baltes, de réduire le montant spécifique applicable à l'intérieur du contingent ouvert dans le cadre du GATT jusqu'à 399 écus par tonne.

Engagements internationaux de l'Union européenne concernant les importations de bovins vivants destinés à l'engraissement ou à la boucherie en provenance de pays tiers

contingent

bovins vivants

< 80 kg

bovins vivants

entre 160 et 300 kg

Engagements OMC erga omnes

droit NPF

-

droit ad valorem de 16 % + montant spécifique de 1 367 Ecus/tonne

droit réduit

169 000 têtes (
•)

droit ad valorem de 16 % + montant spécifique de 582 Ecus/tonne

Engagements accords européens PECO (**) :

droits super

réduits

(169 000 têtes)(***)

droit ad valorem de 16 % + montant spécifique de 399 Ecus/tonne

153 000 têtes

20 % du droit NPF, c'est-à-dire droit ad valorem de 2,82 % + montant spécifique de 256 Ecus/tonne

178 000 têtes

20% du droit NPF, c'est-à-dire droit ad valorem de 2,82 % + montant spécifique de 256 Ecus/tonne

Total OMC + PECO

500 000 têtes

(*) Les quantités ouvertes au titre de l'accès courant étant supérieures aux 3 % de la consommation intérieure, il n'y a pas de contingents ouverts au titre de l'accès minimum.

(**) Pologne, Hongrie. République tchèque, Slovaquie, Bulgarie, Roumanie

(***) Dans le cadre du contingent OMC

2. Les flux d'importation de bovins vivants dans l'Union européenne

La quasi-totalité des importations de bovins vivants dans l'Union européenne provient des PECO, principalement de Pologne. On peut également remarquer que la quasi-totalité du contingent de 500.000 têtes est effectivement importée.

Importations de bovins vivants destinés à l'engraissement ou à la boucherie dans l'Union européenne -1995

Pays partenaire

Nombre de têtes

Pologne

304 852

République tchèque

49 614

Slovaquie

20 274

Hongrie

26 607

Roumanie

50 295

Bulgarie

3 643

Albanie

0

Ukraine

0

Biélorussie

54

Moldavie

0

Russie

0

Slovénie

0

Croatie

0

Serbie-Monténégro

0

Ancienne Rép. yougoslave

33

Total

455 372

Source : Union européenne

B. UNE MESURE DONT LA PORTÉE PRATIQUE EST TRÈS LIMITÉE

Une telle proposition apparaît sans réelle portée pratique, notamment au niveau financier, compte tenu du fait qu'aujourd'hui seuls les pays précités d'Europe centrale exportent vers l'Union européenne au titre du contingent GATT.

Cependant, malgré sa faible incidence, une telle proposition apparaît malvenue, voire choquante, compte tenu des difficultés que rencontre actuellement la filière bovine en France. De plus, elle s'inscrit dans une démarche hautement contestable de la gestion de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).

II. UNE MSURE INOPPORTUNE

Inopportune, en premier lieu, car la proposition de la commission, intervient dans un contexte d'excédents importants sur le marché de la viande bovine, dus à la crise de la vache folle.

Inopportune, en second lieu, car elle s'insère dans un dispositif qui consiste à remettre en cause en permanence des règles de politique agricole préalablement fixées, démontrant ainsi une regrettable absence de vision à long terme de la commission, et cela à la veille de futures négociations internationales.

A. UNE PROPOSITION INOPPORTUNE DANS UN CONTEXTE DE CRISE DE LA FILIÈRE BOVINE

La proposition E 676 intervient dans un contexte de crise profonde du secteur bovin liée à la propagation de l'ESB qui a provoqué une baisse très importante de la consommation, une chute brutale des prix et une forte diminution du revenu des éleveurs.

Ainsi, il est proposé de baisser des droits tarifaires à l'importation, alors qu'au même moment l'Europe tente de rétablir l'équilibre du marché de la viande bovine et qu'on enregistre une fragile progression de la consommation. La situation excédentaire en Europe sur le marché bovin paraît peu propice à une baisse des droits de douane ; si limitée soit cette proposition, elle n'en demeure pas moins malvenue.

La proposition de résolution n° 507 (1996-1997) de M. Philippe FRANÇOIS adoptée par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne retrace l'ensemble du dispositif mis en place par la Communauté pour faire face à la crise.

1. Les mesures communautaires


• Dans le courant de l'été, la Communauté a décidé des mesures exceptionnelles pour faire face à cette situation :

- pour l'année 1996. un complément a été ajouté à la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA) et à la prime spéciale au bovin mâle (PSBM) ; la PMTVA et la PSBM ont été ainsi respectivement augmentées de 27 et 23 Ecus :

- les broutards (animaux de moins de dix mois et de moins de 300 kg vifs) ont été admis à l'intervention, c'est-à-dire ont fait l'objet d'achats publics.

Ces mesures d'urgence n'ont pas suffi à résoudre les difficultés du secteur qui, avant même la crise de la « vache folle », souffrait d'une tendance à un excès de l'offre.


• La proposition présentée par la commission européenne le 30 juillet tend à réformer durablement l'OCM de la viande bovine. Elle prévoit :

- une réduction des plafonds concernant le nombre maximum de bovins mâles susceptibles d'ouvrir droit à la PSBM. Ces plafonds seraient fixés au nombre de primes versées en 1995, diminué de cinq pour cent ;

- l'obligation pour les États membres de mettre en place le programme dit de « transformation » des jeunes veaux. Ce programme, défini lors de la réforme de la PAC de 1992, n'a été appliqué jusqu'à présent qu'au Royaume-Uni ; il prévoit le versement d'une prime pour l'abattage des veaux mâles de moins de dix jours, issus de vaches allaitantes non destinés à la consommation. En outre, la prime de « transformation » pourrait être désormais versée, à l'initiative des États membres, pour les veaux mâles abattus jusqu'à l'âge de vingt jours à condition qu'ils soient exclus de la chaîne d'alimentation humaine. La prime serait également versée pour les jeunes veaux appartenant à une race à viande et abattus avant l'âge de six semaines :

- la modification des conditions d'octroi de la prime à l'extensification. Le taux de chargement pour bénéficier de cette prime passerait de 1,4 à 1,2 UGB (unité de gros bétail) par hectare. Le montant de la prime (36,23 Ecus/tête) passerait à 54 Ecus pour un taux de chargement inférieur à 1 UGB/hectare ;

- le relèvement des plafonds des achats à l'intervention, qui atteindraient 720.000 tonnes en 1996 (la réforme de la PAC de 1992 prévoyait 400.000 tonnes) et 500.000 tonnes en 1997 (contre 350.000 tonnes selon la réforme) ;

- l'introduction d'une mesure spéciale d'intervention pour les jeunes bovins mâles âgés de 7 à 9 mois et de moins de 300 kg ;

- une réforme du volet « structures » de l'OCM, rendant plus restrictifs les critères d'éligibilité aux aides. Seules subsisteraient les aides aux jeunes agriculteurs et les aides aux investissements concernant la protection de l'environnement, l'hygiène et le bien-être des animaux à condition qu'il n'en résulte aucune augmentation de la capacité de production.

Certaines mesures ainsi proposées constituent un premier pas en vue d'un nouvel équilibre du marché. Cependant, elles restent manifestement insuffisantes pour résoudre les difficultés particulières des éleveurs de broutards, qui appelleraient une forte revalorisation de la PMTVA.

Votre commission partage l'analyse de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne qui précise que 2 ( * ) : « les mesures de gestion du marché proposées, mesures de court terme, détournent l'intervention de son caractère d'instrument de régulation et de soutien des cours, pour en faire le moyen de réduire le capital productif suivant une inspiration malthusienne, particulièrement défavorable à l'élevage français, compte tenu de l'importance de son troupeau allaitant et de sa spécialisation dans la production de broutards. Ces mesures sont d'autant plus pernicieuses qu'on peut légitimement redouter que leurs effets pratiques, loin de concorder avec le calendrier de la crise, apparaissent soit trop tardifs soit trop précoces.

Plus généralement, on peut regretter l'absence de vision d'ensemble, replaçant la crise dans le contexte plus large de l'évolution passée et à venir de la filière bovine. L'accumulation de décisions partielles, prises au coup par coup, a des conséquences néfastes. Sans nier la difficulté de gérer une crise majeure comme celle de l'ESB, il faut néanmoins insister pour que les exigences de la communication « à chaud » ne fassent pas perdre de vue les conditions de fond permettant un équilibre durable du secteur ».

2. Les aides nationales

Outre les aides communautaires qui se sont élevées à 1,44 milliard de francs, le Gouvernement français a décidé d'octroyer un montant équivalent d'aides nationales.

Les mesures nationales comprennent :

- 600 millions de francs -dont 300 millions apportés par l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture (OFIVAL) et 300 millions issus de la solidarité des producteurs de céréales et de végétaux. Ces fonds ont été répartis entre les départements pour être attribués en tenant compte des situations locales par les commissions départementales d'orientation agricole. Les paiements sont en cours dans soixante départements ;

- 840 millions de francs affectés à l'allégement des charges, soit sociales, par un report de la moitié des cotisations sociales dues pour 1996, soit d'emprunt, par la prise en charge des annuités correspondant, pour les plus endettés, à la période comprise entre juillet 1996 et juin 1997. Le bénéfice de ces allégements est réservé aux exploitants qui tirent de l'élevage bovin plus de 50 % de leurs recettes totales d'exploitation.

B. UNE PROPOSITION INOPPORTUNE DU FAIT DE LA REMISE EN CAUSE DE RÈGLES PRÉALABLEMENT FIXÉES

1. Le dispositif proposé

La commission européenne prévoit, en effet, de compenser le coût des mesures concernant la réforme de l'OCM de la viande bovine par une réduction des aides directes instituées en 1992 pour les grandes cultures. La commission propose ainsi une diminution :

- de l'aide pour les céréales de 54.34 écus/tonne à 50.37 écus/tonne ;

- de l'aide pour le blé dur dans les zones traditionnelles de 358,6 écus/hectare à 332,42 écus/hectare et dans les zones non traditionnelles de 138,9 écus/hectare à 128,76 écus/hectare ;

- du montant de référence pour les graines oléagineuses (utilisé pour le calcul de l'aide) de 433,5 Ecus/hectare à 415,24 Ecus/hectare ;

- de l'aide pour le gel des terres de 68,83 Ecus/tonne à 50,37 Ecus/tonne ;

- du montant de référence pour le lin non textile de 105,1 Ecus/tonne à 97,43 Ecus/tonne.

Ainsi, les aides compensatoires diminueraient de 7,3 % pour les céréales et le blé dur et de 4,2% pour les oléagineux, tandis que l'indemnisation pour le gel des terres diminuerait de 26,8 %.

Ces propositions ne s'appliquant qu'à partir de la récolte de 1997, les économies obtenues concerneront en fait le budget de 1998. La commission propose donc de retarder en 1997 le paiement de l'avance pour les graines oléagineuses, de manière à disposer dans le budget 1997 d'une marge permettant de financer les mesures concernant la viande bovine.

2. Un mode de financement inacceptable

Il est pour le moins paradoxal de financer de manière pérenne des mesures dont l'impact sur le budget communautaire sera conjoncturel. La réduction des aides compensatoires pour les grandes cultures entraînera ainsi des économies d'environ 1,3 milliard d'Ecus en 1997 et 1998, puis de 1,65 milliard d'Ecus en 1999 et 2000, alors que les mesures concernant la viande bovine n'entraîneraient pas de surcoût après 1998. Dans ces conditions, il est difficile de se défendre du sentiment que la crise de la « vache folle » sert de justification à une remise en cause subreptice des règles de la politique agricole commune concernant les grandes cultures.

La diminution des aides compensatoires instaurées par la réforme de 1992 compromettrait l'équilibre de cette réforme, décidée pour la période 1992-1999. Ces modifications remettraient en cause les engagements pris vis-à-vis des agriculteurs lors de la réforme de la politique agricole commune (PAC) et de la conclusion des accords de Marrakech. Pour la première fois depuis l'instauration de la ligne directrice agricole, le budget adopté en 1997 ne serait pas établi à la hauteur des engagements.

Les mesures proposées pèseraient dans la durée sur toutes les exploitations engagées dans les grandes cultures alors que certaines de celles-ci sont encore dans une situation fragile et que nul ne peut garantir que la conjoncture plus favorable que connaît actuellement le secteur va se prolonger.

En outre, par ces mesures, la Communauté affaiblirait elle-même singulièrement sa position dans la perspective de la reprise des négociations agricoles au sein de l'OMC.

La démarche de la commission européenne ne peut, au demeurant, s'appuyer sur des considérations d'équité. Il n'y a, à l'évidence, aucun lien entre les paiements compensatoires aujourd'hui remis en cause et la crise du marché bovin.

Si le financement des mesures nécessaires au rééquilibrage du marché de la viande bovine peut appeler un effort de solidarité, celui-ci ne peut prendre la forme de mesures à caractère permanent, altérant l'équilibre de la réforme de 1992 et revenant sur les engagements pris par la Communauté

D'une manière générale, ces mesures témoignent d'une inaptitude persistante à définir une stratégie agricole sur le plan international, alors qu'au même moment, les États-Unis se dotent d'un arsenal législatif pour les sept ans à venir tendant à améliorer la compétitivité de leur agriculture dans la perspective des futures négociations commerciales.

Il convient donc de refuser toute modification du règlement de base aboutissant à une révision déguisée, mais réelle, de la PAC.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION


On ne peut manquer d'être frappé du manque de cohérence d'un dispositif qui prévoit d'abattre les veaux de moins de huit jours, contre une prime de 800 francs, et qui laisse subsister, au titre des accords d'association avec les pays d'Europe centrale et orientale, un contingent d'importation de 178,00 veaux de moins de 80 kg, avec des droits super réduits (droit ad valorem de 2,82 % + montant spécifique de 256 écus par tonne), soit environ 168 francs pour un veau de 500 francs.

Il apparaît donc logique d'examiner si la mise en oeuvre des accords internationaux, en application des différents accords préférentiels, en particulier avec les PECO, ne devrait pas être suspendue en raison de la situation d'extrême urgence dans laquelle se trouve le marché communautaire.


• Si les conditions de déclenchement tant des clauses de sauvegarde de l'OMC que des clauses de sauvegarde générales des accords européens (nécessaire augmentation des importations) ne semblent pas, l'Union européenne peut à bon droit invoquer les clauses de sauvegarde spéciales agricoles des accords européens conclus avec les PECO prévues par exemple à l'article 22 de l'accord avec la Roumanie.

Il convient de rappeler les termes mêmes de ces clauses :

« Sans préjudice des autres dispositions du présent accord (...), si, vu la sensibilité particulière des marchés agricoles, les importations de produits originaires de l'une des parties, qui font l'objet de concessions (...) entraînent une perturbation grave des marchés dans l'autre partie, les deux parties entament immédiatement des consultations afin de trouver une solution appropriée. Dans l'attente de cette solution, la partie concernée est autorisée à prendre les mesures qu'elle juge nécessaires ».

Comme l'indique la Délégation de l'Assemblée Nationale pour l'Union européenne, on peut considérer que les conditions de déclenchement de ces clauses de sauvegarde sont réunies.

La première condition de déclenchement, relative à la « sensibilité particulière des marchés » agricoles, est manifestement remplie, dans le cas de la viande bovine.

La deuxième condition, relative aux importations, peut prêter à interprétation : si ce ne sont pas les importations qui ont provoqué la crise actuelle, on peut cependant remarquer qu'en raison de leur part relative, elles provoquent, compte tenu de la situation actuelle du marché de la viande bovine, un déséquilibre entre l'offre et la demande. Les importations aggravent manifestement une situation dramatique, du fait de l'épizootie d'ESB. De plus, ce déséquilibre n'était pas prévu au moment de la négociation des accords européens.

La mise en oeuvre de ces clauses de sauvegarde permettrait concrètement de revenir, jusqu'au 31 décembre 1996, sur les droits super réduits accordés aux PECO et applicables aux contingents d'importation de 169.000, 153,000 et 178,000 têtes (jeunes bovins de l'espèce bovine d'un poids inférieur à 300 kg). Bien sûr, des compensations pourraient être négociées avec les PECO, pour atténuer l'effet économique de ces mesures.

IV. L'EXAMEN DE LA PROPOSITION DE RESOLUTION N° 507

La proposition de règlement (CE) du Conseil prévoyant la réduction du taux applicable aux importations réalisées en application du contingent tarifaire OMC pour certains animaux bovins vivants (n° E-676) a fait l'objet d'une proposition de résolution n° 507 de M. Philippe FRANÇOIS, en date du 20 septembre 1996.

Cette proposition de résolution invite le Gouvernement à s'opposer à la proposition d'acte communautaire n° E-676 et à veiller à

ce que le financement des mesures rendues nécessaires par la crise du marché de la viande bovine soit assuré dans le respect des équilibres de la réforme de la politique agricole commune de 1992, et selon des modalités préservant l'avenir de cette politique dans la perspective des prochaines négociations internationales.

Rejoignant cette proposition de résolution, votre commission estime qu'il convient de demander au Gouvernement de repousser ce règlement, l'invite à invoquer dans les délais les plus brefs la mise en oeuvre des clauses de sauvegarde spéciales prévues dans les accords européens et lui demande de s'assurer que la Communauté agit selon des modalités préservant l'avenir de la PAC dans la perspective des prochaines négociations internationales.

C'est pourquoi votre commission a décidé d'adopter la présente proposition de résolution ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat.

Vu l'article 88,4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement (CE) du Conseil prévoyant la réduction du taux applicable aux importations réalisées en application du contingent tarifaire OMC pour certains animaux bovins vivants (COM (96) 324 final/n° E 676),

Considérant la crise actuelle du marché communautaire de la viande bovine, due à la propagation de l'épizootie d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) :

Considérant que cette crise rend inopportune toute mesure susceptible de favoriser, fût-ce pour des quantités réduites, les importations sur le marché communautaire de la viande bovine ;

Considérant que cette proposition tend à appliquer à toutes les importations de bovins vivants réalisées au titre du contingent tarifaire prévu par les accords de l'Organisation mondiale du commerce, quelle que soit leur origine, le tarif préférentiel accordé aux importations en provenance des pays associés d'Europe centrale et orientale ;

Considérant que la proposition de règlement précitée, même si elle est dépourvue, dans l'immédiat, de portée pratique, n'en est pas moins inopportune, puisque seuls les PECO exportent vers l'Union européenne au titre du contingent GATT ;

Considérant, par ailleurs, que la proposition n° E 676 doit être replacée dans le contexte de l'ensemble des mesures proposées par la commission européenne pour rétablir l'équilibre du marché communautaire de la viande bovine ; que, pour le financement de ces mesures, la commission européenne prévoit de diminuer de manière permanente les aides compensatoires instituées pour les grandes cultures par la réforme de la politique agricole commune adoptée en 1992 pour la période 1992-1999 ; qu'une telle diminution serait contraire à l'engagement de stabilité des aides pris lors de cette réforme, et affaiblirait la position de la Communauté dans la perspective de la reprise des négociations commerciales multilatérales.

Invite le Gouvernement à s'opposer à la proposition d'acte communautaire n° E 676 ;

Estime que le Gouvernement français est en droit de demander l'invocation immédiate des clauses de sauvegarde spéciales pour l'agriculture prévues dans les accords européens conclus avec les PECO, pour suspendre, jusqu'au 31 décembre 1996, les contingents annuels d'importations à droits préférentiels, en provenance de ces pays :

Demande au Gouvernement de faire en sorte qu'avant l'expiration de la période de mise en application de ces mesures de sauvegarde le mandat du Conseil pour la renégociation des accords européens soit modifié afin de reconsidérer le niveau des contingents d'importations préférentielles en provenance des PECO, qui a été porté, pour 1996, sur une base purement autonome, à 500.000 têtes par an :

Invite le Gouvernement à veiller à ce que le financement des mesures rendues nécessaires par la crise du marché de la viande bovine soit assuré dans le respect des équilibres de la réforme de la politique agricole commune de 1992, et selon des modalités préservant l'avenir de cette politique dans la perspective des prochaines négociations internationales.

* 2 Rapport d'information n° 2990 déposé par la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne présenté par MM. François GUILLAUME, Patrick HOGUET et Yves VAN HAECKE.

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