N° 51

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 30 octobre 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan sur le projet de loi complétant, en ce qui concerne certains contrats de services et de fournitures, la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence et la loi n° 92-1282 du 11 décembre 1992 relative aux procédures de passation de certains contrats dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications,

Par M. Henri REVOL,

Sénateur.

1 Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud. Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, André Vallet, Jean-Pierre Vial.

Voir le numéro :

Sénat : 9 (1994-1995).

Marchés publics.

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui est soumis aujourd'hui à l'examen de notre Haute Assemblée vise à permettre la transposition en droit interne d'une partie des dispositions des directives européennes sur les marchés publics prises par le Conseil des Ministres des Communautés européennes en 1992 et 1993 dans la perspective de l'achèvement du marché intérieur.

Ce projet de loi, déposé sur le Bureau du Sénat le 6 octobre 1994, sera le dernier texte de nature législative adopté pour transposer les directives qui soumettent à des obligations de publicité et de mise en concurrence la passation des marchés de fournitures, de travaux et de services :

- la directive n° 93-36 du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures ;

- la directive n° 93-37 du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux ;

- la directive n° 92-50 du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services ;

- la directive n° 93-38 du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications ;

- ainsi que la directive n° 92-13 du 25 février 1992 portant coordination des dispositions législatives réglementaires et administratives relatives à l'application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications.

La transposition en droit interne de ces directives a déjà donné lieu à l'adoption de plusieurs textes de nature législative ou réglementaire, mais il restait à transposer les dispositions relatives aux marchés de services et certaines dispositions relatives aux marchés de fournitures. Tel est l'objet du présent projet de loi.

En effet, bien que certaines de ces directives fassent déjà l'objet, au niveau communautaire, de négociations en vue de leur modification 1 ( * ) , au sujet desquelles notre Haute Assemblée a pris position 2 ( * ) , la France s'est vue condamnée en manquement le 2 mai 1996 par la Cour de Justice des Communautés européennes à cause de son retard à transposer en droit interne les directives concernées. C'est dans ce contexte que la discussion du présent texte a été inscrit à l'ordre du jour, deux ans après son dépôt au Parlement.

Ce projet intervient dans un domaine d'importance puisque les marchés visés représentent une part non négligeable de l'activité économique. Néanmoins, il est d'une portée juridique limitée au regard de l'objet des dispositions communautaires qui l'ont institué.

Il se contente, en effet, de définir quels sont les contrats et les organismes de droit privé les souscrivant qui se trouvent inclus dans le champ d'application national de la directive. La fixation des obligations contenues dans la directive et la détermination des seuils à partir desquels ces obligations s'imposent relèvent du pouvoir réglementaire.

De même, le projet de loi ne transpose pas les obligations communautaires s'appliquant aux personnes publiques et principalement aux établissements publics. Toutes ces mesures relèvent, en effet, du code des marchés publics.

Les enjeux économiques que représentent les marchés publics ont amené les institutions communautaires à poser des règles pour leur passation (I), ce qui a induit des transformations importantes du droit national (II). Le présent projet de loi a pour objet de clore le cycle national des transpositions nécessaires pour rendre applicables les directives européennes adoptées dans ce domaine (III).

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES MARCHÉS PUBLICS : UN ENJEU ÉCONOMIQUE D'IMPORTANCE QUI A PROGRESSIVEMENT ÉTÉ RÉGLEMENTÉ PAR LES INSTANCES COMMUNAUTAIRES

A. LES MARCHÉS PUBLICS REPRÉSENTENT UNE PART SIGNIFICATIVE DE L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE EN EUROPE

1. Dans les pays de l'Union européenne

Le constat, dans la dernière moitié des années 1980, du poids des marchés publics dans l'activité économique des pays européens est à la base de la décision des instances communautaires d'élaborer des règles communes pour la passation de ces marchés.

En effet à la fin de la dernière décennie, la Commission européenne évaluait à 15% du PIB des Douze le montant des marchés publics passés chaque année. Ce pourcentage représente aujourd'hui, pour les quinze pays membres de l'Union européenne, un montant supérieur à 5.500 milliards de francs.

2. En France

a) Marchés de l'État, des collectivités locales, de leurs établissements publics et des entreprises publiques

La Commission centrale des marchés fournit les chiffres concernant les marchés publics. Elle est habilitée, par l'article 35 du code des marchés publics, à recenser les marchés passés par les personnes publiques assujetties au respect des dispositions de ce code (l'État, ses établissements publics administratifs, les collectivités locales et leurs établissements publics), ainsi que les personnes publiques qui n'y sont pas assujetties (établissements publics à caractère industriel et commercial, entreprises nationales et sociétés d'économie mixte).

En 1993, dernière année connue, la Commission centrale des marchés a dénombré plus de 180.000 marchés passés pour un montant total de l'ordre de 300 milliards de francs.

MONTANT DES MARCHÉS PASSÉS EN 1991, 1992 ET 1993

Pouvoir adjudicateur

1991

1992

1993

État et établissements publics nationaux à caractère administratif

104,6

127,4

117,3

Collectivités locales et établissements publics locaux

103,2

91,6

98,2

Entreprises publiques

103,5

75,1

73,8

Ensemble

311,3

294,1

289,3

( En milliards de francs - Source : Commission centrale des marchés)

Notons que l'impact économique réel des marchés publics est supérieur à ces 300 milliards, puisque les commandes (700 milliards de francs) passées en-dessous du seuil à partir duquel il est nécessaire de se plier aux obligations de mise en concurrence ne sont pas recensées.

Au total, les marchés publics représentent près de 11 % du Produit Intérieur Brut.

L'État et ses établissements publics administratifs passent le plus grand nombre de marchés (plus du tiers en 1993).

Les branches économiques les plus concernées sont le bâtiment et le génie civil ainsi que la construction navale, l'aéronautique et l'armement qui représentent plus de 50 % du montant total annuel.

Des données plus précises sont fournies par le tableau suivant :

RÉPARTITION PAR BRANCHE ÉCONOMIQUE DES MARCHÉS PASSÉS EN 1993

Branche économique

Montant des marchés en millions de francs

En pourcentage du total

Agriculture, sylviculture, pêche

163,4

-

Viande, produits laitiers

632,6

-

Autres produits agricoles et alimentaires

820,3

-

Combustibles minéraux solides, coke

17,5

-

Produits pétroliers, gaz naturel

1.467,7

-

Minerais et métaux ferreux

1.072,7

-

Minerais et métaux non ferreux

370,7

-

Matériaux de construction

1.670,0

-

Verre

59,6

-

Chimie de base, fibres synthétiques

1.019,0

-

Parachimie, pharmacie

4.543,3

1,75 %

Fonderie, travail des métaux

2.002,2

-

Construction mécanique

13.325,1

5,14 %

Matériels électriques professionnels

31.383,6

12,11 %

Biens d'équipement ménager

315,9

-

Automobile, matériel de transport terrestre

5.531,4

2,13 %

Construction navale, aéronautique, armement

47.153,2

18,20 %

Branche économique

Montant des marchés en millions de francs

En pourcentage du total

Textile, habillement

6.180,2

2,38 %

Cuirs et chaussures

2.699,9

-

Bois, meubles, industries diverses

7.200,9

2,78 %

Papier, carton

3.485,8

-

Imprimerie, presse, édition

463,9

-

Caoutchouc, matières plastiques

488,3

-

Bâtiment, génie civil

95.401,4

36,80 %

Réparation, commerce automobile

623.1

-

Hôtels, cafés, restaurants

275,7

-

Transports

965,7

-

Services marchands aux entreprises

26.189,5

10,11 %

Services marchands aux particuliers

3.567,9

-

Location, crédit-bail immobilier

42,5

-

TOTAL

259.132,7

100 %

(Source : commission centrale des marchés)

b) Les opérateurs de réseaux

Pour ce qui concerne les principaux acteurs publics qui opèrent plus précisément dans les secteurs de l'énergie, du transport et des télécommunications, le montant des marchés passés en 1991 était le suivant :

MONTANT DES MARCHÉS ENTRANT DANS LE CADRE DE LA DIRECTIVE N° 93-38 PASSÉS EN 1991 PAR LES OPÉRATEURS DE RÉSEAUX

(En milliards de francs)

RATP

FRANCE TÉLÉCOM

EDF

SNCF

ADP

TOTAL

3,3

18

36

31,5

2,5

91,3

Ces chiffres, qui ne prennent pas en compte les marchés passés par les opérateurs (à statut privé) dans le domaine de l'eau, soulignent l'importance économique des marchés couverts par les directives communautaires.

Ce poids économique certain a conduit la Communauté européenne à instaurer des règles communes pour la passation des marchés publics.

* 1 Dans cette perspective, la Commission européenne a d'ailleurs publié, en août 1996, un Livre vert sur « les marchés publics dans l'Union européenne : pistes de réflexion pour l'avenir »

* 2 Voir pour la directive n° 93-38, la Résolution du Sénat (n° 1, 1995-1996) et le rapport n°355 de M. Henri Revol (Sénat, 3° session extraordinaire de 1994-1995), présenté au nom de la Commission des Affaires économiques.

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