3. Vers une réforme de l'assiette des cotisations sociales patronales ?

Le problème de la réforme de l'assiette des cotisations sociales patronales a fait l'objet d'importants débats à l'Assemblée nationale. Les députés ont en effet rappelé l'engagement pris par le Premier ministre le 15 novembre 1995 de procéder à une « réforme des cotisations patronales dont l'assiette devra être diversifiée en intégrant, par exemple, la notion de valeur ajoutée de l'entreprise ».

Le ministre du travail et des affaires sociales a tenu à préciser, notamment en réponse à un amendement présenté par M. Jean-Yves Chamard, que le Gouvernement souhaite en effet revoir les modalités de calcul de là cotisation patronale. A cet effet, il a chargé M. Jean-François Chadelat, actuellement directeur du Fonds de solidarité vieillesse, d'animer un groupe de travail sur ce sujet.

Il ressort des échanges qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale à l'occasion du rapport mentionné à l'article premier du projet de loi de financement de la sécurité sociale que la mise en compte du seul critère de la valeur n'est pas souhaitable. M. Jean-Yves Chamard a proposé d'y ajouter le ratio « nombre de salariés sur chiffre d'affaires ».

a) Effets macro-économiques

Sur le plan macro-économique, les simulations opérées par les institutions de prévision, tels que l'OFCE, indiquent en première analyse 14 ( * ) qu'à prélèvement global inchangé, deux types d'effets seraient à attendre :

- un transfert de charges des entreprises où la part des salaires dans la valeur ajoutée est supérieure à la moyenne vers les entreprises où cette part est inférieure à la moyenne ;

- un allégement du coût relatif du travail par rapport au capital.

Toutefois, il faut noter que ce processus n'aura d'effet qu'à moyen terme (il faut compter plus de cinq ans pour que l'essentiel des effets soit enregistré) et que son incidence sur le niveau du chômage sera secondaire par rapport à l'effet qu'aurait, par exemple, une augmentation d'un point du taux de croissance du PIB.

Par ailleurs, cette mesure aurait une incidence sur le produit des cotisations qui n'évoluerait alors plus de la même manière :

- quand les salaires augmenteraient plus vite que la valeur ajoutée des entreprises (ce qui a été le cas jusqu'au début des années quatre-vingts, le produit des cotisations assises sur la valeur ajoutée progresserait spontanément moins vite que le produit des cotisations assises sur les seuls salaires ;

- le contraire se produirait lorsque les salaires augmenteraient moins vite que la valeur ajoutée ; il est clair que, dans la première moitié des années 90, le produit des cotisations des employeurs aurait ainsi été accru si elles avaient été assises sur la totalité de la valeur ajoutée et non sur les seuls salaires.

En définitive, par rapport à l'assiette actuelle, la valeur ajoutée serait macro-économiquement plus neutre du point de vue de la substitution capital/travail et du partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits.

b) Effets ponctuels

Outre les effets rappelés ci-dessus qui ne permettent pas d'escompter une amélioration de l'emploi à court-moyen terme à la suite d'une telle mesure, divers inconvénients doivent être soulignés 15 ( * ) .

En premier lieu, cette mesure risque de pénaliser fortement les entrepreneurs individuels (la rémunération du chef d'entreprise n'étant pas entièrement assimilable à une rémunération du travail mais aussi à un revenu et un amortissement du capital), et, parmi les sociétés, les institutions financières, la location immobilière, le secteur énergétique et le commerce.

En second lieu, plus immédiatement sensible à la conjoncture économique que la masse salariale, le choix d'une assiette valeur ajoutée rendrait difficile la recherche de l'équilibre des comptes sociaux. Connue avec un délai d'un an, il faudrait prévoir un système d'acompte, un tel prélèvement ne pourrait de ce fait jouer un rôle de stabilisateur automatique.

De plus, les difficultés de gestion seraient importantes. Il faudrait tout d'abord instaurer des régimes spécifiques pour les entreprises individuelles soumises au régime forfaitaire -pour lesquelles les renseignements comptables déclarés à l'administration sont, soit inexistants soit fournis à titre purement indicatif-, pour les professions libérales (qui ne tiennent qu'une comptabilité de trésorerie), pour les banques et compagnies d'assurance (qui possèdent un plan comptable différent). Il faudrait ensuite retenir un mode de calcul de l'assiette qui ne tienne pas compte des modes d'acquisition des immobilisations. En comptabilité d'entreprise en effet, la valeur ajoutée dépend étroitement des modes d'acquisition des immobilisations, les loyers de crédit bail étant une charge prise en compte pour le calcul de la valeur ajoutée.

Une autre difficulté majeure serait celle du contrôle. La valeur ajoutée n'est pas en effet une notion utilisée par l'administration fiscale, ni pour asseoir l'impôt, ni pour le contrôler. Des obligations déclaratives nouvelles à accomplir auprès de l'administration fiscale ou d'administration sociale chargée du contrôle devraient donc être créées.

* 14 Voir note du service des Etudes du Sénat présentant les résultats d'une projection réalisée par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) à l'aide du modèle Mosaïque.

* 15 Voir rapport Le financement de la protection sociale. Commissariat général au Plan, 1995.

Page mise à jour le

Partager cette page