B. LES PROPOSITIONS DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE L'ASSURANCE MALADIE

Les propositions du présent projet de loi de financement de l'assurance maladie viennent compléter la réforme mise en place par les ordonnances du 24 avril 1996.

Elles reposent sur une tentative de définition d'une politique de santé amorcée avec le rapport de la conférence nationale de santé, que nous examinerons en premier lieu.

Ces propositions, que nous évoquerons en second lieu mais qui seront plus longuement étudiées dans le rapport consacré à l'examen des articles du projet de loi, sont caractérisées par trois axes majeurs :

- la définition d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie ;

- l'amorce d'une réforme du financement de l'assurance maladie ;

- la réduction du déficit de l'assurance maladie.

1. La Conférence nationale de santé : malgré une certaine impréparation et les conséquences d'un nécessaire rodage, des travaux qui peuvent être très utiles au Parlement

a) L'ordonnance n° 96-345 exprime la volonté de définir une politique de santé

En application de l'ordonnance n° 96-345, la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale a été précédée par la réunion d'une Conférence nationale de santé, chargée d'éclairer le Gouvernement et le Parlement en proposant des priorités de santé publique, dont il est tenu compte dans la définition d'un objectif de dépenses de l'assurance maladie.

La loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 a en effet prévu, en son article premier, que la loi de financement « approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale » et « fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoire de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

C'est l'article premier de l'ordonnance n° 96-345 qui a institué la conférence nationale de santé ; le gouvernement a souligné par cette place l'importance qui sera accordée à ses travaux dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses de soins.

Cet article dispose que le ministre chargé de la santé réunit chaque année une conférence nationale de santé. Destinataire d'un rapport du Haut Comité de la santé publique, elle a reçu deux missions :

« - analyser les données relatives à la situation sanitaire de la population ainsi que l'évolution des besoins de santé de celle-ci ;

- proposer les priorités de la politique de santé publique et des orientations pour la prise en charge de soins compte tenu de l'évolution des techniques préventives, diagnostiques et thérapeutiques. »

Elle est chargée de rédiger un rapport au gouvernement dont « il est tenu compte pour l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale » ; ce rapport est aussi transmis au Parlement.

L'ordonnance n° 96-345 ayant été publiée le 24 avril 1996, le décret d'application des dispositions relatives à la conférence nationale de santé n'a été publié qu'au Journal Officiel du 13 août, pour une réunion annuelle devant se dérouler 15 jours plus tard... Les membres de la conférence n'ayant été désignés qu'à la suite de la publication du décret, la première réunion de s'est organisme s'est donc tenue dans un climat de totale impréparation.

b) Les travaux de la conférence et les 10 priorités de santé publique

La grande majorité des représentants des établissements et professionnels de santé qui ont été entendus par le rapporteur de votre commission ont pourtant été unanimes à considérer qu'après quelques flottements de départ, la conférence a procédé à d'utiles travaux, dont le contenu et le résultat sont prometteurs pour l'avenir.

En effet, conformément aux dispositions du décret n° 96-720 du 13 août 1996 relatif à la conférence nationale de santé, elle se réunira à la même époque l'an prochain, sur convocation du ministre, pendant une durée de trois jours.

Votre commission établira, en temps utiles pour ses membres, les contacts nécessaires avec le président de la conférence nationale de santé afin de l'éclairer sur les voeux du Parlement : il est en effet indispensable que les travaux de la conférence fournissent toutes les informations indispensables pour articuler les dispositions du projet de loi de financement avec une politique de santé publique.

Elle estime que la conférence ne pourra utilement travailler que si sa réunion annuelle est précédée de travaux préparatoires tout au long de l'année.

Après une intéressante réflexion sur les notions de « critères de choix de priorités de santé publique » et d'orientations pour la prise en charge de soins, le rapport de la conférence nationale de santé définit dix priorités d'égale importance :

1- donner les moyens à la promotion de la santé et à son évaluation ;

2- coordonner les actions en faveur de l'enfance pour mieux en assurer la continuité de la maternité à l'adolescence ;

3- renforcer immédiatement les actions et les programmes de prévention-éducation visant à éviter la dépendance chez l'adolescent (alcool, tabac, drogue, médicaments psychotropes) ;

4- maintenir en milieu de vie ordinaire les personnes âgées dépendantes qui en font librement le choix ;

5- améliorer les performances de la lutte contre le cancer ;

6- prévenir les suicides ;

7- obtenir plus d'informations sur les morts accidentelles (hors accidents de la route et du travail) ;

8- réduire l'incidence des accidents iatrogéniques évitables, médicamenteux et non médicamenteux ;

9- garantir à tous l'accès à des soins de qualité ;

10- réduire les inégalités de santé intra et interrégionales.

c) La prise en considération des 10 priorités

Dans la mesure où les priorités définies par la conférence de santé couvrent l'ensemble du champ de la santé publique, il est logique que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne puisse pas assumer à lui seul leur traduction dans la politique de santé.

Aussi, votre commission ne peut pleinement s'associer aux critiques selon lesquelles le projet de loi de financement qui est soumis à votre examen serait trop « financier ».

Par la réforme constitutionnelle et organique mise en oeuvre depuis un an, le Parlement a conquis un droit de regard sur les finances sociales. Ce droit de regard s'exprime par le vote annuel d'un projet de loi de financement, qui est par nature un texte financier.

Ce texte financier doit s'appuyer sur des priorités de santé, mais il ne peut s'y résumer ; si le Parlement avait pour mission de dresser un catalogue des priorités de santé sans les articuler avec des choix financiers, il ne serait plus le Parlement de la République mais une instance consultative cherchant à inspirer l'institution investie du pouvoir de décision.

Ceci étant dit, votre commission exprime certaines critiques, présentera un amendement tendant, dès cette année, à médicaliser l'objectif de dépenses et formulera des voeux pour l'an prochain ; mais une grande partie des « défauts » du présent projet de loi de financement, notamment en ce qui concerne l'insuffisance de sa médicalisation, tient à sa nouveauté et à un nécessaire rodage.

A cet égard, votre commission rappelle qu'à l'occasion du débat sur le projet de loi organique, elle avait souhaité que le Parlement soit appelé à se prononcer, par un vote, sur des priorités de santé publique et de protection sociale. Elle avait préféré un tel dispositif à celui qui a finalement été retenu, et qui fait du rapport annexé au projet de loi une simple annexe dépourvue de valeur contraignante.

Mise en oeuvre des priorités :

Priorité n° 1 : les propositions relatives aux taxes sur le tabac et l'alcool sont retenues par le projet de loi.

Votre commission veillera, à l'occasion de la discussion budgétaire et des divers projets de loi qui pourraient être soumis à son examen, que la législation concernant l'alcool et le tabac soit renforcée ou, du moins, ne soit pas remis en cause.

Elle avait déjà agi ainsi lors du débat du printemps dernier concernant les « buvettes dans les stades », et obtenu satisfaction en commission mixte paritaire.

Malheureusement, un texte réglementaire publié pendant les mois d'été, qui présentent entre autres avantages d'être les plus discrets de l'année pour publier des textes réglementaires, est venu anéantir l'effort réalisé par le Parlement.

Priorités n° 2 et 3 : ces priorités ressortent plus du domaine du budget de l'État que de celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Priorité n° 4 : le Sénat, en adoptant la proposition de loi présentée par notre président Jean-Pierre Fourcade relatif à la dépendance des personnes âgées, a fait un grand pas dans cette direction. Votre commission a en outre obtenu du gouvernement l'engagement de créer 4 000 places nouvelles de soins infirmiers à domicile ; elle compte formaliser l'expression de cet engagement par un amendement au rapport annexé au présent projet de loi.

Priorité n° 5 : pour partie, la mise en oeuvre de cette priorité relève du budget de l'État.

Pour partie aussi, la mise en place d'une assurance maladie universelle va poser la question de l'organisation et du financement de la prévention dans notre pays. Votre commission retient cette priorité pour les prochains débats qui auront lieu sur ce sujet.

Pour partie enfin, la satisfaction de cette priorité fait appel aux travaux de la future Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé. Le rapport de la conférence nationale de santé fait en effet référence à la nécessité de supprimer des pratiques « inutiles, inefficaces ou inefficientes » et aux actions d'évaluation nécessaires pour détecter les manques de coordination, les défauts dans les critères de qualité nécessaires au dépistage, au traitement et au suivi, les redondances dans la pratique des examens de dépistage et les stratégies pronostiques inutiles. Au vu de ces nécessaires travaux pourront être prévus les financements nécessaires pour de nouveaux traitements des cancers.

Priorités n° 6 et 7 : elles relèvent du ministère de la santé et du budget de l'État.

Priorité n° 8 : la satisfaction de cette priorité repose sur les travaux de l'Agence du médicament et de la future ANAES.

Priorité n° 9 : l'amorce d'une réforme du financement de l'assurance maladie proposée par le présent projet de loi et la prochaine création d'une assurance maladie universelle vont dans ce sens, de même que l'amélioration de la qualité de l'offre de soins attendue des travaux de la future ANAES, du développement de l'opposabilité de références professionnelles et de l'institution d'une formation continue obligatoire pour les médecins.

Priorité n° 10 : la réforme hospitalière mise en place par l'ordonnance du 24 avril va dans ce sens pour ce qui la concerne. Votre commission est favorable à ce que pareil effort soit accompli pour la médecine de ville.

Nous reviendrons plus longuement dans le rapport consacré à l'examen des articles sur la nécessaire articulation entre les « choix de santé publique et les orientations pour la prise en charge des soins » et l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie.

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