II. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA POLITIQUE FAMILIALE DU PLAN DIT JUPPÉ TROUVENT LEUR PROLONGEMENT DANS LES MESURES CONTENUES DANS LE PRÉSENT PROJET DE LOI OU ANNONCÉES DANS CE CADRE ET SE SONT ACCOMPAGNÉES D'UN NÉCESSAIRE MÉCANISME DE CONCERTATION, LA CONFÉRENCE DE LA FAMILLE

A. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA POLITIQUE FAMILIALE DU PLAN DIT JUPPÉ TROUVENT LEUR PROLONGEMENT DANS LES MESURES CONTENUES DANS LE PRÉSENT PROJET DE LOI OU ANNONCÉES DANS CE CADRE

Les dispositions annoncées dans le cadre du plan du 15 novembre 1995 et qui ont été détaillées par M. Charles Descours, rapporteur de votre Commission pour le projet de loi d'habilitation étaient au nombre de sept. Parmi celles-ci, l'une a été déplorée par votre Commission qui maintient son sentiment. Il s'agit de la mise sous condition de ressources intégrales de l'allocation pour jeune enfant (APJE). Votre Commission, cohérente dans son souhait de voir la situation de la démographie et de la mortalité infantile de la France s'améliorer, avait regretté que, d'une part, cette allocation n'ait plus son aspect de prime à la naissance et que, d'autre part, elle perde, par le canal des visites médicales obligatoires pour le versement de cette prestation pour la femme enceinte et l'enfant de moins de trois mois, la possibilité de mener une politique de santé publique efficace parce que touchant dès la naissance l'ensemble d'une classe d'âge. Pour ces effets négatifs, l'économie envisagée apparaissait faible. Même s'il est mentionné que seules 20 % des familles sont exclues du bénéfice de l'APJE, votre rapporteur estime que les seuils de ressources sont peu élevés dans la mesure où un couple bi-actif gagnant 16.000 francs par mois ne peut obtenir cette prestation. De plus, selon le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin 1996, la mise sous condition de ressources de l'APJE courte a provoqué plus d'économies que prévu, ce qui semble donc signifier que les familles exclues sont plus nombreuses que cela n'était envisagé à l'origine. En effet, alors que la mesure était prévue pour économiser 600 millions de francs, son rapport devrait être de 730 millions (cf. tableau ci-dessous).

Plan de réforme de la sécurité sociale du 15 novembre 1995

Ecarts entre les chiffrages initiaux et les estimations actuelles

(Source : rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin 1996)

(en milliard de francs)

Chiffrage initial

Chiffrage actuel

TOTAL

7,2

5,125

Stabilité de la BMAF en 1996

2,6

2.6

Mise sous condition de ressources de l'APJE courte

0,6

0,730

Rationalisation des prestations familiales

0,6

0,18

Rationalisation des aides au logement

1,2

0,9

Mesures de gestion (1)

1.5

0,272

Réforme des régimes spécifiques (2)

0.7

0,443

1) La somme initialement inscrite concerne l'ensemble des organismes de sécurité sociale. Le chiffrage actualisé ne concerne que la branche famille

2) Cette réforme ne sera finalement réalisée qu'au 1er janvier 1997

Extrait de l'addendum au projet de loi de financement de la sécurité

sociale pour 1997 intitulé « mise en oeuvre du plan de réforme de la

sécurité sociale annoncé le 15 novembre 1995 »

Effets des mesures d'urgence en 1996

(en milliards de francs)

Mesures annoncées le 15 novembre

1995

Prévision

Réalisation

Branche Famille

5,7

4,3

Stabilité de la base mensuelle des

allocations familiales en 1996

2,6

2,6

Recentrage de l'APJE sur les familles les

plus modestes

0.6

0.6

Rationalisation des prestations familiales

et des aides au logement

1.8

M

Hausse du taux de cotisations familiales

des entreprises publiques

0,7

0

Il faut noter, d'ailleurs, que si l'on confronte les deux tableaux, les chiffrages en réalisation ne sont pas tout à fait identiques et que l'annexe au projet gouvernemental ne mentionne pas la part imputable à la branche famille pour les économies de gestion.

- La deuxième disposition, mais la plus importante en ce qu'elle engendrait le plus d'économie était la dérogation à l'indexation inscrite dans la loi relative à la famille, qui aboutissait à ne pas revaloriser la base mensuelle des prestations familiales en 19%. Ceci devait économiser 2,6 milliards de francs.

- La troisième disposition visait à imposer les prestations familiales à l'impôt sur le revenu, disposition pour laquelle votre Commission était très réservée. Compte tenu de l'opposition des mouvements familiaux, cette mesure n'a pas été mise en oeuvre.

Quant à la quatrième disposition sur la rationalisation des prestations familiales qui devait rapporter 600 millions de francs, elle n'a été mise en oeuvre qu'en partie, puisque, sous l'action de votre Commission, la réduction des délais de prescription pour les usagers n'a pas été mise en oeuvre.

Quant à la cinquième disposition, elle concernait la rationalisation des aides au logement et devait permettre d'économiser 1,2 milliard de francs. Le résultat est un peu moindre, soit 900 millions de francs.

- La sixième disposition était, en fait, la contribution de la branche famille aux mesures d'économie concernant la gestion administrative des organismes sociaux. Ceci devait engendrer une économie globalement évaluée à 1,5 milliard. Limitée à la branche famille, cette disposition devrait permettre d'économiser 0,272 milliard de francs.

Enfin, l'harmonisation des modalités de gestion des prestations familiales pour l'ensemble des entreprises publiques qui devaient augmenter leur taux de cotisations d'allocations familiales de 4,8 % à 5,2 % à compter du 1er janvier 1996, harmonisation qui devait rapporter à la branche famille 0,700 milliard de francs, n'est finalement pas entrée en application.

Globalement, le plan du 15 novembre 1995 prévoyait donc, dès 1996, des mesures d'économies et l'affectation, dès 1997, de ressources nouvelles à la branche famille grâce à l'élargissement de l'assiette de la CSG. Ce plan devait ramener, en 1996, le déficit de la branche à 4,8 milliards de francs, hors frais financiers. Or, ce dernier devrait être, selon le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 19%, de 12,8 milliards de francs.

Hormis les exceptions déjà mentionnées, le dispositif a été mis en oeuvre par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 dans ses titres II et, pour partie, III.

Ainsi, l'article 2 de cette ordonnance prévoit-il que les bases mensuelles de calcul des prestations familiales ne sont pas revalorisées.

De même, l'article 5 mentionne la mise sous condition de ressources de l'APJE courte à laquelle votre Commission continue d'être hostile pour des raisons déjà évoquées.

Ensuite, les articles 3 et 4 de cette même ordonnance ont prévu le gel des plafonds de ressources en 1996 et leur indexation sur les prix à partir de 1997. Un décret intègre, à cet égard, dans les ressources prises en compte pour l'attribution des prestations sous condition de ressources les indemnités journalières maladie et accidents du travail. Le rendement de ces mesures devrait être de 0,18 milliard, l'écart avec la prévision du plan du 15 novembre 1995 résultant de la non intégration dans la base ressources précitée, des rentes d'accidents du travail.

Par ailleurs, certaines mesures prises en mars 1996, en ce qui concerne les aides au logement ont dû limiter l'amélioration du solde de la branche à 0,4 milliard de francs. Mais, du fait de la non revalorisation du barème des aides au logement au 1er juillet 1996, une économie induite supplémentaire apparaît cette même année, légèrement supérieure à 0,5 milliard.

Enfin, l'article 7 de cette ordonnance qui prévoit le transfert progressif de la gestion des prestations familiales des entreprises publiques à la CNAF n'a pas encore été appliqué.

Les dispositions, peu nombreuses, qui concernent la branche famille dans le présent texte et celles qui ont été annoncées dans ce cadre se situent dans le prolongement du plan du 15 novembre 1995. Et si votre Commission juge certaines d'entre elles positives, elle peut s'interroger sur les conséquences, pour les familles modestes, d'autres comme la réforme des aides au logement.

En effet, sur les aspects positifs, puisqu'ils donnent de nouvelles ressources à la branche famille, votre Commission en note deux : tout d'abord, le passage des taux de cotisation de l'État et des entreprises publiques, en matière d'allocations familiales, de 4,8 % à 5,2 %, ce qui les rapproche du taux de droit commun qui est de 5,4 %. Cela devait déjà être effectué au 1 er janvier 1996, selon l'application du plan du 15 novembre 1995, mais ne l'a pas été. Il est, d'ailleurs, permis de s'interroger sur la date à laquelle les taux deviendront parfaitement identiques.

Ensuite, et c'est la mesure la plus importante, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit l'extension de l'assiette de la CSG qui permettra à la branche famille à qui en est affectée 1,1 % de bénéficier de 3,1 milliards de francs supplémentaires.

À côté de ces recettes supplémentaires, figurent deux mesures d'économies dont Tune est inscrite dans l'article 33 du présent projet de loi, et qui ont trait, globalement, aux aides au logement.

Ainsi, l'article 33 précité prévoit une harmonisation avec le RMI de la prise en compte des aides au logement dans les ressources qui sont prises en considération pour l'attribution de l'allocation parent isolé (API). Toutefois, votre rapporteur espère qu'une telle disposition n'aboutira pas à exclure complètement de l'API des personnes en réelle difficulté. L'application de la mesure devrait, en effet, conduire à une économie de 150 millions de francs.

Par ailleurs, mais ceci est d'ordre réglementaire, une réforme des aides au logement a été annoncée dans le cadre du projet de loi de finances pour 1997. Cette réforme qui, selon les chiffres gouvernementaux, permettrait d'économiser en 1997 environ 600 millions de francs, consisterait globalement, sous certaines conditions, à la prise en compte de certains revenus de transfert pour le calcul des aides au logement. De plus, les deux aides personnalisées au logement APL 1 et APL 2 devraient être unifiées.

Or, l'ensemble de ces deux mesures logement ont suscité nombre d'interrogations et également de critiques.

En effet, le présent projet de loi de financement a fait l'objet d'un vote partagé par le Conseil d'administration de la CNAF, avec 11 voix pour (3 CFDT, 2 CFTC, 2 CFE-CGC, 4 personnes qualifiées), 11 voix contre (3 CGT, 3 FO et 5 UNAF) et 13 abstentions (patronat et travailleurs indépendants). Toutefois, même les avis favorables ont été assortis de certaines réserves dans la mesure où les administrateurs CFDT se sont montrés sceptiques sur les réformes prévues en matière d'aides personnelles au logement et concernant l'allocation de parent isolé (API).

Plus précisément, le conseil d'administration de la CNAF a émis le mardi 22 octobre 1996 un avis défavorable au projet de réforme des aides au logement qui risque, selon lui, d'avoir « un impact à la baisse » pour les familles modestes. Ainsi, l'ensemble des représentants des organisations syndicales et des associations familiales du conseil d'administration, soit 18 administrateurs, ont émis un avis défavorable, tandis que 13 administrateurs représentant les employeurs et travailleurs indépendants ont voté pour.

S'agissant de la fusion de l'APL 1 et de l'APL 2, certains craignent, notamment, que celle-ci ne se fasse en faveur de la plus basse des APL et que l'on organise un transfert des aides entre les moins pauvres des bénéficiaires -revenus entre 1 et 2 SMIC et les plus pauvres -revenus entre 0,5 et 1 SMIC ce qui est le cas de 60 % des bénéficiaires.

Parallèlement, le président de la CNAF, M. Jean-Paul Probst a fait part de ses inquiétudes sur les conséquences de l'impact de cette réforme tant au ministre concerné M. Jacques Barrot, qu'à votre rapporteur. Ses préoccupations concernaient trois points que votre Commission a souhaité rappeler.

Tout d'abord, pour une réforme qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 1997, la CNAF ne connaît pas encore les nouveaux barèmes des aides au logement qui ne lui seront communiqués qu'à la fin du mois de novembre, ce qui est trop court tant sur le plan informatique que sur le plan de la formation des personnels, alors même que son conseil d'administration a dû se prononcer sur le bien fondé de ladite réforme sans en connaître le chiffrage.

Ensuite, en lien avec ce qui précède, le président de la CNAF a souhaité qu'en même temps que ces barèmes, lui soient communiquées des simulations sur l'impact de la réforme sur les familles, car il craint une réduction des droits avec des incidences sur les familles les plus fragiles.

Enfin, M. Probst souhaite pouvoir bénéficier d'un argumentaire simple tant pour ses services que pour les familles qui voient changer les critères d'attribution selon la prestation concernée et qui ne s'y retrouvent plus.

Votre rapporteur estime également qu'il convient de simplifier l'ensemble des milliers de règlements qui régissent les prestations familiales, les prestations elles-mêmes, qui souffrent d'un manque de lisibilité pour leurs bénéficiaires et même pour les personnels de la CNAF et souhaite également que ne soient pas fréquemment modifiés les accès aux droits pour les plus faibles, ce qui est facteur d'inquiétude pour ceux-ci. Il ne faut pas oublier, en effet, le rôle d'amortisseur de crise et de tensions sociales que jouent les prestations familiales dans une conjoncture aussi difficile que la nôtre. Ainsi, si elles ne constituent que 12 % des ressources des familles de deux enfants, elles représentent 25 % du budget des familles de 3 enfants et 45 % des familles de quatre enfants et plus.

B. ... ET SE SONT ACCOMPAGNÉES D'UN NÉCESSAIRE MÉCANISME DE CONCERTATION, LA CONFÉRENCE DE LA FAMILLE

Même si des conférences de la famille avaient pu être réunies auparavant, c'est la loi n° 94-624 du 25 juillet 1994 relative à la famille, qui, par son article 41, a institutionnalisé une conférence nationale de la famille. Ainsi, d'après cet article 41, le Gouvernement devait organiser celle-ci annuellement et y convier le mouvement familial et les organismes qualifiés.

Mais ce n'est que le 6 mai 19% qu'a été effectivement réunie cette conférence depuis le vote de la loi de 1994. À cet égard, votre rapporteur estime que le Parlement aurait pu être plus étroitement associé à celle-ci ainsi qu'aux groupes de travail constitués à son issue. Il pense également qu'une telle manifestation instaure un mécanisme de concertation et d'échange nécessaire pour l'élaboration d'une politique familiale ambitieuse pour l'avenir de notre pays. Il convient, en effet, que celui-ci reste en pointe sur le plan européen par l'effort qu'il consacre aux familles, y compris sur le plan fiscal. Votre Commission salue donc, à cet égard, le remplacement de la décote par une tranche d'imposition à taux zéro fortement élargie.

Afin de remettre la famille au coeur de notre société, votre Commission souhaite que soit solennisée cette instance de concertation qu'est la conférence de la famille en inscrivant son principe et ses modalités de fonctionnement au sein du code de la famille et de l'aide sociale. Lesdites modalités pourraient s'inspirer fortement de celles qui ont été définies pour la conférence nationale de la santé qui a été inscrite dans le code de la santé publique par l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins.

S'agissant de la conférence de la famille tenue le 6 mai 1996, à Matignon, sous l'égide du Premier ministre, M. Alain Juppé, elle a été suivie par la mise en place de cinq groupes de travail qui ont été chargés d'examiner l'ensemble des problèmes des familles et d'entreprendre une réflexion approfondie sur la politique familiale. La coordination de ces travaux a été confiée à Mme Hélène Gisserot.

Les cinq groupes de travail ont eu pour thème, respectivement, la famille aujourd'hui, la compensation des charges familiales et les aides aux familles, la famille avec enfant et son environnement, les relations intergénérations, la famille et le travail.

Ces différents groupes doivent remettre leurs conclusions au comité de pilotage à la fin du mois de novembre ou au début du mois de décembre. À cet égard, un véritable regret de la part de votre Commission : elle aurait souhaité pouvoir en disposer pour pouvoir se prononcer, en toute connaissance de cause, sur le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle estime que les propositions de cette conférence auraient pu, avec profit, être soumises à l'examen des parlementaires surtout dans la mesure où ces derniers n'avaient pas été associés à ses travaux. Ces propositions devraient être discutées lors d'une prochaine conférence de la famille qui se tiendrait au début de 1997.

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