Rapport général n° 86 (1996-1997) de M. Joël BOURDIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 4 décembre 1996

Disponible au format Acrobat (7,7 Moctets)

N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 43

PRESTATIONS SOCIALES AGRICOLES

Rapporteur spécial : M. Joël BOURDIN

1 Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0 ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et T.A. 590.

Sénat : 85 (1996-1997).

INTRODUCTION

Le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) pour 1997 se caractérise par une stabilité (+ 0,1 %) des dépenses. Cette stabilité ne fait pas obstacle à une progression de 4 % du volume des retraites, malgré une légère diminution du nombre des retraités. Cette progression significative résulte des dispositions prises respectivement dans la loi de modernisation de 1995 et lors de la dernière conférence annuelle agricole.

La mise en oeuvre définitive de la réforme de l'assiette des cotisations et la suppression des majorations "exojeunes" et "déficit" -compensée par un relèvement de la cotisation vieillesse- traduisent l'arrivée à maturité du BAPSA.

Si la discussion de la première loi de financement de la sécurité sociale a permis au Parlement d'exercer des compétences nouvelles, elle n'a pas remis en cause l'autonomie du BAPSA -qui continuera d'être voté dans le cadre de la loi de finances de l'année. Votre commission des finances demeure attachée à l'autonomie du BAPSA.

Comme l'a parfaitement indiqué le ministre de l'agriculture :

"La cohérence entre la loi de financement de la sécurité sociale et le budget annexe des prestations sociales agricoles ne pose, d'ailleurs, pas un problème différent de celle qui doit être plus généralement assurée entre la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances pour les nombreux autres concours du budget de l'Etat aux régimes sociaux.

Par ailleurs, il apparaît justifié de soumettre au Parlement, dans le cadre du budget annexe, l'ensemble des dépenses et des recettes relatives aux prestations sociales des agriculteurs, car, outre l'importance des taxes fiscales qui y sont affectées, l'équilibre du BAPSA est in fine assuré par la subvention budgétaire qui a le caractère d'une subvention d'équilibre".

I. L'EXECUTION DU BAPSA EN 1995 ET 1996

A. L'EXECUTION 1995

1. L'appréciation de la Cour des Comptes

La Cour des Comptes n'a pas apporté de critique particulière sur l'exécution 1995, si ce n'est pour rappeler son attitude globalement défavorable à l'encontre des budgets annexes :

"La loi de finances pour 1995 ayant porté de 0,4 à 0,7 % la cotisation incluse dans la TVA, il en est résulté une augmentation de son produit de 10.248 millions. Le total des concours du budget général (y compris l'allocation pour adultes handicapés) a pu être ramené de 19.271 millions à 9.555 millions. La Cour a critiqué ces transferts répétés entre budget général et BAPSA. L'allégement des charges du budget général n'est qu'apparent puisqu'une part des recettes de TVA lui est simultanément retirée. Le recours à la procédure du budget annexe ne favorise pas la réalisation des économies souhaitables dans le cadre d'une politique de maîtrise des finances publiques."

En revanche, elle a fait observer un écart important entre les prévisions et les réalisations des charges d'intérêts :

BAPSA - Ecart entre les crédits ouverts et les dépenses nettes au titre des intérêts 1992-1995

Le solde d'exécution du budget annexe, excédentaire en 1994 pour 1.285 millions, a été déficitaire en 1995 pour 1.266 millions. Le règlement du budget s'est opéré par imputation de ce déficit sur le solde cumulé des exercices antérieurs, ainsi ramené du 31 décembre 1994 au 31 décembre 1995 de 2.928 millions à 1.662 millions de francs.

2. Le collectif de fin d'année

Au total, les dépenses du BAPSA ne se sont accrues que de 2,7 % en 1995. Le collectif de fin d'année a procédé à des ajustements importants, permettant d'afficher une amélioration de 1 milliard de francs du déficit budgétaire.

Ce tableau a appelé les commentaires suivants du rapporteur général du Sénat :

"- il ne tient pas compte des moindres rentrées de TVA ;

- il impute sur les seules cotisations Amexa l'amélioration des rentrées de cotisations sociales versées par les exploitants agricoles ;

- il prend acte de la décision du Conseil constitutionnel, mais pour un montant légèrement différent (1.890 et non 1.825 millions de francs).

En conclusion, l'amendement présenté par le gouvernement et voté par l'Assemblée nationale, rétablit la vérité comptable sur le BAPSA mais nous rappelle combien cette vérité est sensible aux variations saisonnières de l'urgence budgétaire."

L'exécution 1995 a confirmé ces observations, la baisse des rentrées de TVA (- 775 millions de francs) étant particulièrement sensible.

3. L'infléchissement de la structure des recettes du BAPSA

L'exercice 1995 se caractérise par :

- un redressement modeste de la part du financement professionnel,

- une augmentation importante de la compensation démographique,

- une baisse de la contribution budgétaire et fiscale de l'Etat.

B. L'EXECUTION 1996

1. L'achèvement de la réforme de l'assiette

Les prévisions de réalisation pour 1996 font état d'une baisse sensible des dépenses, permettant d'afficher une réduction de 1,2 % par rapport à la loi de finances initiale et de 1,2 % également par rapport à l'exécution 1995.

L'année 1996 se caractérise surtout par le basculement intégral de l'assiette "revenu cadastral" vers l'assiette "revenus professionnels" et par le démantèlement définitif des taxes sur les produits agricoles. Malgré certaines difficultés, la réforme audacieuse de 1990 a donc été conduite à son terme.

Les effets de la réforme de 1990

(Source MSA OES mensuel septembre 1996)

Pour les exploitants à titre exclusif ou principal, la MSA a comparé les cotisations réellement payées en 1995 avec les cotisations qui auraient résulté du barème 1989. Les résultats de la réforme de 1990 ne sont pas encore pleinement mesurables, puisqu'en 1995 subsistaient encore des cotisations AMEXA (30 %) calculées sur l'ancienne assiette. Les résultats sont cependant déjà intéressants :

(* les résultats ne concernent que les exploitants à titre exclusif ou principal sans aide familial ni conjoint participant aux travaux)

La hausse moyenne de 11 % masque de très fortes disparités dont le régime d'imposition n'est qu'un exemple. Par ailleurs, cette hausse est légèrement plus faible que l'évolution de l'indice des prix à la consommation entre les deux périodes (+ 12 %). En termes réels, la cotisation moyenne diminue donc de 1 % sur 5 ans.

Trois remarques permettent de tempérer ces résultats :

- Premièrement, ces évolutions de cotisations ne reflètent pas les charges réellement supportées par les exploitants bénéficiaires du démantèlement de taxes BAPSA sur les céréales, les betteraves et les oléagineux. Entre 1989 et 1995, 1,2 milliard de francs de ces taxes a été démantelé.

- Deuxièmement, la CSG qui n'existe que depuis 1991 n'a pas été prise en compte dans l'étude. En 1995, la contribution des non-salariés agricoles au titre de la CSG sur revenus d'activités est de 1,3 milliard de francs.

- Troisièmement, ces évolutions en valeur absolue prises isolément ne traduisent pas le rééquilibrage de l'effort contributif des exploitants par rapport à leur niveau de revenu professionnel. En effet, même avec une hausse moyenne de + 7 % de leur cotisation (en terme réel), les exploitants au réel ont en 1995 un taux moyen de prélèvement (38 %) plus faible que celui de l'ensemble des exploitants (41 %) et a fortiori que celui des exploitants au forfait (47 %). L'existence de l'assiette minimum et du plafond par branche induit une différence en terme de taux de prélèvement.

2. La fin de l'imbroglio du F.S.V. (fonds de solidarité vieillesse)

A la suite de deux décisions curieuses du Conseil constitutionnel, la prise en charge par le F.S.V. des bonifications de retraite pour enfants à charge a connu trois imputations budgétaires successives : en 1994, prise en charge par le FSV retracée dans le BAPSA des bonifications pour enfants ; en 1995, non prise en charge de ces bonifications, que le budget annexe a dû financer sur ses autres ressources ; en 1996, prise en charge par le FSV, mais non retracée dans le budget annexe.

Il est temps que cesse ce nomadisme budgétaire.

L'article 31 de la loi de finances initiale pour 1996 a retranché du BAPSA 1996 1.943 millions de francs correspondant aux bonifications pour enfants à charge des retraités agricoles en recettes (le versement du FSV a été réduit d'autant et donc prévu à 4.180 millions de francs -ramené en gestion à 4.102 millions de francs-) et en dépenses (les crédits de prestations vieillesse ont été réduits à due concurrence). Le Conseil constitutionnel a jugé conforme ce dispositif dans sa décision n° 95-369 DC du 28 décembre 1995.

La mise en oeuvre de l'article 31 de la loi de finances pour 1996 conduit à un résultat voisin de celui recherché par l'article 34 censuré de la loi de finances pour 1995 : prise en charge par le FSV des bonifications pour enfants à charge du régime agricole. Mais la disposition censurée prévoyait que les montants en cause seraient retracés dans les recettes et les dépenses du budget annexe, ce qui a paru au Conseil constitutionnel une atteinte au principe d'universalité budgétaire (le montant en recettes étant déterminé par le montant en dépenses, puisque par définition égal).

3. Les données disponibles sur l'exécution 1996

Les dépenses du budget annexe seraient en 1996 en retrait sur les prévisions initiales du fait, principalement, d'une diminution de la part du régime agricole dans le financement du budget global hospitalier tandis que les recettes seraient à peu près stables.

a) Les dépenses

Les dépenses de maladie-maternité seraient inférieures d'environ 1,5 milliard de francs, soit 5 %, aux prévisions initiales. Ce phénomène proviendrait principalement d'un écart négatif de 1.326 millions de francs sur la participation du budget annexe au financement du budget global hospitalier ; ce montant se décomposerait en 436 millions de francs de baisse des dépenses effectives de 1996 et 890 millions de francs de régularisations des exercices antérieurs au profit du BAPSA. S'agissant de l'ensemble des dépenses de maladie maternité hors budget global, la prévision de réalisation, à 18.928 millions de francs, est inférieure de 158 millions de francs aux prévisions initiales.

En invalidité, le montant prévu des dépenses a été légèrement revu à la baisse ; les versements prévisibles passeraient de 505 à 496 millions de francs.

En prestations familiales, les dépenses, après prise en compte de la majoration exceptionnelle de l'allocation pour rentrée scolaire, seraient en diminution de 20 millions de francs du fait de la révision à la baisse des effectifs de bénéficiaires de l'allocation parentale d'éducation.

En assurance vieillesse, les dépenses relatives aux retraites contributives (non compris la bonification pour enfants) ont été revues à la hausse : 42.335 millions de francs contre 41.972 millions de francs, soit + 363 millions de francs. Cet écart (+ 0,9 %) provient pour l'essentiel d'un champ d'application légèrement plus large que prévu des mesures d'amélioration des retraites.

b) Les recettes

D'après les données disponibles, le montant (net de restitutions) des taxes affectées au BAPSA devrait atteindre 25.360 millions de francs, en retrait de 402 millions de francs par rapport au budget voté, du fait de la médiocrité des recettes de TVA.

Les versements au titre de la compensation démographique s'élèveraient à 33.075 millions de francs -contre 33.478 millions de francs initialement prévus-, dont 31,692 milliards de francs d'acomptes au titre de l'exercice 1996 (24,242 milliards de francs en vieillesse et 7,449 en maladie) et 1,383 milliard de francs de régularisation dont 806 millions de francs en vieillesse au titre de l'année n-1. Les versements de la CNAF (hors DOM) correspondent aux sommes inscrites en loi de finances (2.076 millions de francs).

II. LE PROJET DE BAPSA POUR 1997 : UNE QUASI STABILITE

A. LES DEPENSES

Dépenses du BAPSA 1997 hors bonification pour enfants à charge

Les dépenses totales du BAPSA 1997 s'établissent à 87,2 milliards de francs. Elles sont quasiment stables, + 0,1 %, par rapport à la loi de finances votée pour 1996 mais augmentent de 1,3 % par rapport aux prévisions de réalisation 1996. Cet écart vient de ce que les dépenses prévues en loi de finances pour 1996 ont été revues en baisse.

En dépenses d'assurance vieillesse du BAPSA 1997 ne figurent pas les majorations de pensions de vieillesse. Le Fonds de solidarité vieillesse les versera directement aux Caisses de mutualité sociale agricole (M.S.A.) pour un montant voisin de 2 milliards de francs en 1997.

En assurance maladie, les dépenses s'établissent à 33,8 milliards de francs. Elles diminuent de 2,7 % par rapport à la loi de finances pour 1996 mais augmentent de 1,8 % par rapport aux prévisions de réalisation.

Hors régularisations, les dépenses d'assurance maladie diminuent de 1 % entre 1996 et 1997 comme entre 1995 et 1996, soit environ 300 millions de francs par an.

En assurance vieillesse, les prévisions de réalisation pour 1996 dépasseraient de 350 millions de francs les montants votés à l'automne 1995. Entre 1996 et 1997, la hausse en terme de loi de finances est supérieure à la hausse par rapport aux prévisions de réalisations de 1996 : 2,4 % au lieu de 1,7 %.

Le BAPSA 1997 enregistre la première étape de revalorisation des retraites annoncée lors de la Conférence annuelle de février 1996.

Le poste "prestations familiales" diminue de 4,6 % en termes de loi de finances et de 4 % par rapport aux prévisions de réalisation 1996. Il ne tient pas compte d'une éventuelle majoration de l'allocation de rentrée scolaire en 1997.

Compte tenu des conséquences de la crise de la filière bovine, la baisse du poste "étalements et prises en charge de cotisations" apparaît a priori trop importante.

B. LES RECETTES

Recettes du BAPSA 1997 hors bonification pour enfants à charge

Les taxes sur les produits étant démantelées en raison de la réforme de l'assiette et la cotisation additionnelle à la TPFNB étant marginale, l'essentiel du financement professionnel provient des cotisations assises sur le revenu. Celles-ci s'accroîtraient donc de 4,3 %. Ces prévisions intègrent les pertes prévisibles provenant du dossier de l'E.S.B. (- 300 millions de francs de cotisations), mais non les conséquences de la transformation d'1,3 point de cotisation maladie en 1 point de cotisation C.S.G.

De plus, la mesure de l'effort contributif des exploitants agricoles devrait intégrer la C.S.G. déjà versée (1,41 milliard de francs en 1996) ainsi que les cotisations complémentaires.

Les concours des autres régimes au BAPSA sont calculés en fonction de paramètres connus, mais versés à des intervalles irréguliers, ce qui fausse les comparaisons d'une année sur l'autre. La baisse des versements du F.S.V. (allocations différentielles du "minimum vieillesse") traduit l'amélioration progressive des pensions de retraite en agriculture.

Pour assurer l'équilibre dépenses/ressources, la subvention de l'Etat augmenterait de 12,9 % pour atteindre 7,279 milliards de francs.

C. LES EVOLUTIONS TENDANCIELLES

Les évolutions du BAPSA pour 1997 s'inscrivent dans une perspective de moyen terme que la Cour des Comptes a bien mise en valeur.

Pour le risque vieillesse , les projections démographiques laissent prévoir, à moyen terme, une baisse sensible du nombre des retraités non salariés (conjoints et veuves incluses) après 2005 : leur nombre devrait évoluer de 2.108.387 personnes en 1994 à 1.587.500 en 2015. Le rapport démographique entre actifs cotisants et total des retraités (titulaires de droits directs âgés de plus de 60 ans) devrait néanmoins continuer à se dégrader, surtout entre 1994 et 2000, passant de 0,441 en 1994 à 0,402 en 2000 et 0,39 en 2015.

Pour les salariés, le rapport 20-60 ans/+ 60 ans devrait augmenter régulièrement jusqu'à l'an 2000, puis se stabiliser. Il n'est pas possible d'établir, comme pour les non salariés, des projections relatives au rapport entre les actifs et les retraités. En effet, la carrière des salariés est généralement courte et s'accompagne fréquemment de migrations vers un autre régime.

Pour le risque maladie, la situation est très contrastée entre les salariés et les non salariés. S'il est difficile d'établir des projections à long terme pour les salariés, on peut toutefois anticiper une relative stabilité compte tenu, notamment, de la structure démographique de ce régime. La population des non salariés devrait nettement diminuer au cours des prochaines décennies mais connaître également un vieillissement important. Les projections démographiques établies par la caisse centrale en 1993 laissent prévoir une nette diminution de la population protégée, qui passerait
• de 5.133.000 à 3.405.000 personnes entre 1990 et 2010.

III. LES OBSERVATIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES

A. LE RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES : FAUT-IL "BANALISER" LE BAPSA ?

1. L'analyse de la Cour des Comptes

Dans son deuxième rapport annuel sur la Sécurité Sociale, la Cour des Comptes a longuement traité de la protection sociale agricole. Comme la Cour l'indique, "le régime des exploitants agricoles se singularise ainsi doublement par rapport aux autres : son financement est entièrement budgétisé et son équilibre garanti par la solidarité nationale".

La Cour réfute cette double singularité et organise son rapport autour de l'idée d'une banalisation nécessaire (suppression du BAPSA, organisation des Caisses de M.S.A. se rapprochant du modèle du régime général, non prise en compte de toutes les spécificités agricoles et des nécessités du développement rural). Votre rapporteur spécial estime que la double singularité doit être préservée, ainsi que la Haute Assemblée l'a toujours souhaité.

Ce rapport est toutefois fort instructif, et plusieurs de ses recommandations appellent un examen attentif. On ne peut que regretter un écart de plume qui fait écrire au rédacteur : "Cette question de la parité a donné lieu à des contestations répétées de la part de la profession, relayées par la M.S.A., dont les débats parlementaires lors du vote du BAPSA se sont fait Pécho". Le Parlement n'est pas une chambre d'enregistrement et une lecture attentive des rapports de la Commission des Finances aurait conduit à des propos plus mesurés.

Le tableau ci-après résume les principales propositions avancées par la Cour :

ANNEXE

PROPOSITIONS FORMULEES PAR LA COUR DANS LE CHAPITRE VI SECTION I

1 - Faire figurer dans les lois de financement de la sécurité sociale l'ensemble des
ressources et des charges de tous les régimes de sécurité sociale en n'inscrivant plus au budget
de l'Etat que les seules contributions ou concours que la collectivité nationale décide d'apporter au régime agricole, comme aux autres régimes.

2 - Dans l'attente de la suppression du BAPSA, confier au Trésor public le financement des besoins de trésorerie du BAPSA ou, à tout le moins, demander à la caisse centrale d'opérer une mise en concurrence entre les principaux établissements financiers de la place.

3 - Mettre en place une centralisation de l'information sur les disponibilités financières des caisses permettant aux pouvoirs publics d'ajuster, au jour le jour, les avances nécessaires aux besoins réels des caisses, dans la limite des concours ouverts en loi de finances.

4 - Doter la caisse centrale de la compétence pour négocier, au plan national, les conditions faites aux CMSA pour la gestion de leurs fonds auprès des établissements bancaires, en vue d'engager une centralisation de la gestion des réserves et des fonds des CMSA.

5 - Substituer aux réserves générales, constituées par les caisses pour équilibrer le montant de leurs restes à recouvrer, des provisions pour risque de non recouvrement.

6 - Étendre le régime des incompatibilités pour les fonctions d'administrateurs et de directeurs de CMSA aux fonctions équivalentes au sein de l'ensemble des établissements financiers et des compagnies d'assurance, sans exception.

SECTION III

7 - Maintenir le financement actuel des dépenses de gestion des CMSA par le produit des cotisations complémentaires à la condition de mettre fin aux variations annuelles de leur taux par rapport à ceux des cotisations techniques.

8 - Étendre le système actuel de compensation pour le financement du fonctionnement des CMSA en le faisant porter sur 100 % du produit attendu des cotisations complémentaires.

9 - Mettre en place dans les CMSA un système de comptabilité analytique permettant d'inclure, parmi les critères retenus pour la détermination des allocations de gestion, à la fois une mesure fiable du volume de gestion de chaque caisse mais aussi une référence au coût moyen de chaque type d'acte de gestion et à la performance de gestion des caisses (taux de recouvrement par exemple).

10 - Assortir l'accès au fonds d'adaptation d'une durée limitée et d'engagements formels pris par la caisse candidate.

2. La position du gouvernement

Dans sa réponse au rapport de la Cour des Comptes, le gouvernement a apporté des arguments que votre rapporteur spécial ne peut que partager. S'agissant de la subvention d'équilibre, il a notamment répondu :

" Il serait évidemment pour le moins paradoxal de demander au Parlement de voter cette subvention qui constitue un solde entre les dépenses et les recettes sans qu'il se prononce sur ces dépenses et ces recettes. Cette spécificité justifie que le Parlement examine les dépenses de prestations sociales agricoles et leur financement d'une manière plus approfondie qu'il le fera pour les opérations des autres régimes dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.

C'est, d'ailleurs, dans cet esprit que la Cour propose de supprimer le caractère de subvention d'équilibre s'attachant au concours de l'Etat au financement des prestations sociales agricoles et d'aligner ainsi la situation du régime des agriculteurs sur celle des autres régimes "qui ne sont pas assurés, dans les mêmes conditions, du soutien de l'Etat".

Cette préoccupation est compréhensible. Toutefois, on doit constater que les prestations sociales agricoles sont financées pour environ 85 % par les concours des autres régimes sociaux, des taxes fiscales et des concours budgétaires, ce qui différencie la structure du financement du régime agricole de celle des autres grands régimes. On voit dès lors mal les mesures utiles que les gestionnaires du régime pourraient prendre face, par exemple, à une modification des règles de la compensation démographique ou à de moindres recettes de TVA qui peuvent se chiffrer à plusieurs milliards, alors que les cotisations demandées aux agriculteurs sont de l'ordre d'une quinzaine de milliards. On peut craindre dès lors que, dans de pareils cas, le déficit ne doive être comblé a posteriori par l'Etat sans avoir accru pour autant la responsabilisation des gestionnaires du régime.

En outre, dès lors que les garanties s'attachant à la gestion des opérations dans le cadre d'un budget annexe disparaîtraient, il est évident, vu l'importance des fonds enjeu et leur origine très majoritairement publique ou interprofessionnelle, qu'il serait nécessaire de transformer l'organisation du régime, notamment le statut actuel de la caisse centrale de mutualité sociale agricole, pour les rapprocher des organismes du régime général, notamment des caisses nationales de ce régime."

B. L'HARMONISATION DES CONDITIONS D'EXAMEN DU BAPSA ET DE LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SECURITE SOCIALE.

Comme le souligne avec pertinence le rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, il convient sans cloute de s'interroger sur les problèmes de cohérence résultant de l'examen concomitant du budget annexe et de la loi de financement. Le BAPSA a été arrêté bien avant que celle-ci ne fût déposée par le Gouvernement. Il en résulte que le projet de BAPSA ne tient pas compte d'éléments de la loi de financement qui se répercuteront pourtant directement sur le budget annexe, comme le basculement d'une partie des cotisations maladies sur la CSG ou l'affectation supplémentaire de droits sur les alcools.

Toutefois, celui-ci permet à la Représentation nationale de se pencher sur la protection sociale des agriculteurs avec un luxe de détails impossible dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale. De plus, le monde agricole est attaché à un dispositif qui crée pour l'Etat une obligation d'assurer l'équilibre du régime agricole et donc le versement des prestations légales.

Le vote du BAPSA autorise un contrôle plus approfondi que ne le permet la loi de financement : dans celle-ci, les recettes sont approuvées par "catégorie" (cotisations, impositions, subventions...) et pour l'ensemble des régimes de sécurité sociale, alors que le BAPSA présente chaque ligne de recettes du régime agricole ; de même, les objectifs de dépenses sont fixés dans ce cadre par branche mais pour l'ensemble des régimes, sans individualisation de chaque régime.

Moins détaillée à certains points de vue que le budget annexe, la loi de financement offrira au Parlement, dans l'autre sens, l'opportunité de se prononcer sur des aspects de la protection sociale des exploitants agricoles qui lui échappent pour partie dans le BAPSA : ainsi, la loi de financement annuelle comportera-t-elle un rapport amendable relatif aux orientations de la politique de santé et de sécurité sociale - dont on pourrait imaginer qu'il comprenne un développement consacré au régime agricole ; par ailleurs, dans le même cadre, seront fixées, pour chacun des régimes "qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ses besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources". Cette formule conduira le Parlement à voter pour chaque régime un ou des plafonds de recours à l'emprunt de trésorerie ; pour le budget annexe, il s'agira de donner une valeur législative au plafond fixé annuellement à son découvert vis-à-vis d'Unicrédit (Crédit agricole), ce plafond étant jusque-là déterminé par la convention annuelle entre les deux partenaires.

Par ailleurs, la loi de financement devrait permettre d'avoir une vue plus exhaustive du régime des exploitants agricoles : le BAPSA, en effet, malgré ses 87 milliards de francs, ne couvre ni les bonifications de retraites pour enfants à charge, ni les prestations d'accidents du travail des exploitants, ni les dépenses de gestion et d'action sanitaire et sociale de la Mutualité sociale agricole (7 milliards de francs par an, la MSA gérant aussi les salariés agricoles).

C. PEUT-ON EN FINIR AVEC LE DEBAT SUR LA PARITE DE L'EFFORT CONTRIBUTIF ?

Le débat ouvert l'année dernière par le rapport du Conseiller d'Etat Yannick Moreau a connu des prolongements significatifs en 1996. En effet, s'agissant des taux de cotisations, le "décret de cotisations" de juillet 1996 ne comporte plus les majorations antérieurement prévues pour compenser les exonérations de cotisations des jeunes agriculteurs et la déduction des déficits. En revanche, le taux des cotisations vieillesse est majoré d'un point. Le taux global de cotisations sur le revenu professionnel est ainsi stable, à 38,855 % .

Ce mode de calcul continue à diviser les experts, car il ne tient pas compte de certaines spécificités agricoles, plus particulièrement des efforts contributifs respectifs des cotisants ayant un revenu inférieur ou supérieur au SMIC. La CCMSA aurait sans doute préféré s'agissant du taux de cotisation vieillesse "un relèvement des cotisations minimales, qui rééquilibrerait les cotisants en dessous du SMIC, sans pénaliser les autres".

On doit, en outre, rappeler que la mise en oeuvre de la réforme de l'assiette a entraîné d'importantes modifications dans la répartition des charges sociales supportées par les agriculteurs. Une remise à niveau a été réalisée dans les cotisations minimum en assurance maladie et en vieillesse. En même temps, de nombreux exploitants à revenus élevés ont subi une forte augmentation de leurs charges sociales : ainsi, pour les agriculteurs mettant en valeur des exploitations de plus de 80 hectares en polyculture (ou des exploitations équivalentes), un tiers ont vu leurs cotisations sociales augmenter de 1989 à 1996 de plus de 50 %, la hausse dépassant 100 % pour la moitié d'entre eux. Parallèlement, la création pendant cette période transitoire, de nouveaux prélèvements, CSG et CRDS, assis également sur les revenus professionnels, a eu pour effet d'accentuer les transferts de charges provoqués par la réforme des cotisations.

En outre, la portée de cette réforme tend à s'accroître au fur et à mesure que la part des revenus agricoles relevant du régime fiscal du forfait, avec la sous évaluation rappelée par le Cour, diminue et que la proportion des revenus imposés au réel, maintenant les 2/3 de l'assiette sociale totale, augmente.

De plus, une appréciation plus équilibrée de l'effort contributif des exploitants exigerait la prise en compte de la C.S.G. et de la CRDS, ainsi que les caractéristiques propres de l'assiette C.S.G. des ressortissants de la M.S.A.

D. LA REVALORISATION DES RETRAITES, TOUJOURS A L'ORDRE DU JOUR

Le niveau des retraites agricoles continue de représenter un enjeu significatif de solidarité.

Le tableau ci-après rappelle la faiblesse de ces retraites.

Il n'en demeure pas moins que ce n'est que depuis 1993 que des mesures significatives ont été prises en faveur de ces retraites (revalorisation des retraites des anciens aides familiaux, cumul entre les droits propres à pension de retraite et la pension de réversion dont peut bénéficier le conjoint survivant de l'exploitant agricole et passage de 50 à 54 % du maximum de ce cumul, mesures décidées lors de la conférence agricole du 8 février 1996).

La désignation récente d'un député en mission, M. Daniel Garrigue, sur ce dossier des pensions de retraite est de nature à permettre un débat de fond, qui pourrait avoir lieu lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole 1 ( * ) .

IV. ARTICLE 84 RATTACHE : REVALORISATION DES RETRAITES AGRICOLES DE FAIBLE MONTANT

Cet article, conformément aux décisions prises lors de la conférence annuelle agricole du 8 février 1996, vise à revaloriser progressivement les faibles retraites des chefs d'exploitation et des actifs familiaux ayant participé aux exploitations, en leur accordant en 3 ans des points supplémentaires de retraite proportionnelle ou une majoration de leur retraite forfaitaire.

Il permettra de garantir un minimum de pension aux chefs d'exploitation qui prendront leur retraite à compter du 1er janvier 1997 et qui justifieront d'une carrière complète. Pour une carrière complète de chef d'exploitation, le montant minimum de pension ainsi garanti sera d'un peu plus de 37.000 francs (soit + 8.175 francs) et sera proche du minimum contributif du régime général.

Il permettra également de revaloriser les pensions servies aux chefs d'exploitation actuellement retraités ayant accompli une carrière complète en agriculture et ayant été pendant la majeure partie de celle-ci chefs d'exploitation à titre exclusif ou principal. Pour une carrière complète accomplie en tant que chef d'exploitation, le nombre total de points de retraite proportionnelle sera porté au minimum de 750 et la retraite annuelle totale de l'intéressé sera ainsi de 32.000 francs (soit + 2.991 francs). Cette mesure bénéficiera à environ 220.000 retraités.

Les autres actifs familiaux agricoles (conjoints, aides familiaux) ainsi que les personnes à carrière mixte (c'est-à-dire ayant exercé pour partie leur activité en l'une ou l'autre de ces qualités et pour partie comme chef d'exploitation), pourront, s'ils ont une carrière complète ou quasi-complète en agriculture, bénéficier d'un relèvement de leur retraite forfaitaire. Ce relèvement sera, pour une carrière complète, de 1.000 francs en 1997 et de 500 francs en 1998 ; cette mesure bénéficiera à environ 300.000 retraités titulaires de faibles pensions.

Le coût net pour l'Etat de ces mesures devrait être, en 1997, d'environ 214 millions de francs, et, au terme de la réforme, de 518 millions de francs en Tan 2000.

Cet article ciblé, et donc complexe, va créer quelques distorsions selon la date du départ à la retraite. Il n'en constitue pas moins une avancée tout à fait appréciable.

L'article a été amélioré par l'Assemblée nationale. Comme l'a indiqué le ministre de l'Agriculture : "Pour certains retraités ayant une carrière complète en agriculture, la majoration forfaitaire de 1.500 francs peut être plus avantageuse que la revalorisation de la retraite à laquelle ils pourraient prétendre en tant qu'anciens chefs d'exploitation. Le Gouvernement vous propose donc de laisser aux intéressés la liberté de choisir le dispositif qui leur sera le plus favorable. Cette amélioration du texte peut être réalisée dans les limites des crédits inscrits au BAPSA, notamment en ajustant, dans le décret d'application, la modulation du relèvement pour les retraités n'ayant pas eu une carrière complète."

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 novembre 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a examiné, sur le rapport de M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, les crédits du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA).

Après avoir décrit l'exécution du BAPSA en 1995 et 1996, première année d'application intégrale de la réforme de 1990 sur l'assiette des cotisations sociales agricoles, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a rappelé les caractéristiques essentielles du projet du BAPSA pour 1997, tant en dépenses qu'en recettes. L'année prochaine, les dépenses totales s'établissent à 87,2 milliards de francs. Elles sont quasiment stables (+ 0,1 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 1996, mais augmenteraient de 1,3 % par rapport aux prévisions de réalisation pour l'exercice en cours. En recettes, les cotisations professionnelles assises sur le revenu d'exploitation enregistreraient une hausse de 4,3 % et la subvention de l'Etat s'établirait à 7,279 milliards de francs (+ 12,9 %).

Le rapporteur spécial a ensuite souligné la nécessité de préserver les spécificités du régime de protection sociale agricole, dont le financement est entièrement budgétisé et dont l'équilibre est garanti par la solidarité nationale. En revanche, il a estimé souhaitable une harmonisation des conditions d'examen du BAPSA et de la loi de financement de la sécurité sociale. M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a jugé souhaitable de clore le débat sur la mesure de la parité de l'effort contributif des exploitants en mettant mieux en lumière les effets de la contribution sociale généralisée (CSG) et ceux de la forte dispersion statistique des revenus des agriculteurs. Il a enfin souligné les progrès sensibles enregistrés depuis 1993 dans la mise à niveau des retraites des agriculteurs et s'est félicité de la désignation d'un parlementaire en mission.

Sur proposition de son rapporteur spécial, la commission a adopté, sans le modifier, l'article 84 (revalorisation des retraites agricoles de faible montant) ainsi que l'ensemble du projet de BAPSA.

Réunie le mercredi 20 novembre 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat, sur le rapport de M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, l'adoption du projet de BAPSA pour 1997

* 1 Selon un communiqué du ministre de l'agriculture du 15 novembre : "La mission de M. Garrigue a pour objet de réaliser un bilan des mesures prises ces dernières années en faveur des retraités agricoles bénéficiaires des plus petites pensions et d'examiner des mesures nouvelles qui pourraient être envisagées ainsi que leur incidence sociale et financière. Très attaché aux engagements pris vis-à-vis des retraités agricoles pour revaloriser les plus petites retraites, M. Philippe Vasseur, souhaite qu'au-delà des mesures importantes d'ores et déjà prévues par le projet de loi de finances pour 1997, des avancées nouvelles puissent être envisagées dans le cadre de la loi d'orientation agricole en préparation".

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page