CHAPITRE II - LES PRIORITÉS DE LA POLITIQUE EN FAVEUR DES PME, DU COMMERCE ET DE L'ARTISANAT

L'influence du ministère des PME, du commerce et de l'artisanat ne se mesure pas uniquement à l'aune des crédits budgétaires ou des concours publics aux secteurs du commerce et de l'artisanat. Le ministère joue un rôle d'impulsion important, notamment dans la définition des règles - législatives ou réglementaires - qui régissent et encadrent l'activité commerciale ou artisanale.

Sur ce point, les années 1995 et 1996 ont été riches puisqu'elles ont vu la mise en place de plans d'action ou le vote de lois réformant profondément les secteurs du commerce et de l'artisanat.

Pour l'essentiel, il s'agit du « plan PME-artisanat », annoncé les 12 octobre et 27 novembre 1995, de la réforme du financement de l'apprentissage par la loi n° 96-376 du 6 mai 1996, de la refonte du statut d'artisan et de la réforme des règles régissant l'urbanisme commercial par la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, de la réforme de la transmission et de la cession des entreprises par la loi n° 96-314 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier et enfin, des lois n° 96-588 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales et n° 96-603 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat.

A. LA MISE EN OEUVRE DU « PLAN PME-ARTISANAT »

Annoncé en octobre et novembre 1995, ce plan poursuivait trois objectifs principaux : favoriser la création d'emplois, stimuler l'environnement juridique, fiscal et social du secteur et renforcer sa compétitivité au plan européen. Pour atteindre ces objectifs, le plan PME-artisanat s'articule autour de quatre axes : le financement, les relations avec l'administration, la concurrence et la régulation de l'équipement commercial.

1. Améliorer le financement des entreprises

Les PME françaises ont généralement une insuffisance de fonds propres qui conduit à une importante fragilité de leur structure financière et freine leur développement. Des mesures ont donc été adoptées dans les domaines du renforcement des fonds propres, de l'accès au crédit, du financement des entreprises à très forte croissance, du financement des très petites entreprises.

a) Le renforcement des fonds propres

L'investissement de l'épargne a été favorisé par :

- le relèvement du plafond d'épargne ouvrant droit à une réduction d'impôt de 50.000 à 75.000 francs.

- le choix pour l'épargnant d'opter pour cette nouvelle réduction fiscale ou pour le régime de déduction autorisé en cas de perte dans une société.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 1997 (article 9) prévoit une réduction de 33 % à 19 % du taux de l'impôt sur les sociétés sur la part du bénéfice réinvestie en fonds propres.

b) L'accès au crédit

Dès juin 1995, le Gouvernement a élargi le champ d'intervention des prêts Codevi au commerce de détail et aux services aux particuliers, abondé les crédits attribués à la SOFARIS pour la garantie des prêts aux PME.

Les entreprises commerciales pourront bénéficier des interventions de la « Banque de développement des PME » qui contrôlera le crédit d'équipement des PME et la SOFARIS. Cette banque pourra proposer des interventions en garantie, des cofinancements ou des apports en capitaux propres. Le montant des fonds Codevi mis à disposition du Crédit d'équipement des PME (CEPME) sera porté de 12 à 30 milliards de francs.

c) Le financement des entreprises à très forte croissance

Le nouveau marché lancé en février 1996 par la Société des bourses française a un compartiment de cotation réservé aux entreprises jeunes, innovantes et disposant d'un fort potentiel de croissance. Trois mesures ont été prises :

- la garantie de l'ANVAR pour les frais d'introduction :

- l'exonération de l'impôt sur les opérations de bourse ;

- le bénéfice du régime fiscal du capital-risque.

d) Le financement des très petites entreprises

Afin d'alléger les obligations administratives et comptables d'un plus grand nombre d'entreprises, le plafond de chiffre d'affaires du régime des micro-entreprises a été relevé de 70.000 francs à 100.000 francs (loi n° 96-3l4 du 12 avril 1996, article 5).

2. Assouplir les relations avec l'administration

D'ores et déjà, les entreprises bénéficient de toute une série d'allégements de formalités :

- déclaration unique d'embauche (décret n° 95-l355 du 29 décembre 1995). Elle reste une faculté et devrait être rendue obligatoire par voie législative :

- déclaration unique sociale depuis le 1 er janvier 1996 :

- contrat unique d'apprentissage :

- états annuels des certificats sociaux et fiscaux ;

- création du centre de formalités des entreprises (décret n° 96-650 du 19 juillet 1996) qui instaure un interlocuteur unique pour toutes les formalités relatives aux entreprises :

- franchissement du seuil des dix salariés et atténuation des incidences financières (loi n° 96-314 du 12 avril 1996, article 11) ;

- amélioration des relations avec l'URSSAF (remise des pénalités, taux de majoration pour retard, etc...) ;

- accord tacite de l'administration en cas de silence pendant un délai de trois mois (loi n° 96-314 du 12 avril 1996, article 12).

Sont en préparation le chèque premier salarié, la simplification du bulletin de salaire et la fusion de certaines déclarations fiscales. Une charte des droits de l'entreprise devrait être prochainement élaborée.

3. La moralisation de la concurrence

La plupart des décisions annoncées par le Gouvernement dans ce domaine ont trouvé une traduction législative dans deux textes récemment adoptés par le Parlement : la loi n° 96-588 du 1 er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales et la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat.

Ont été traités : la libéralisation du refus de vente en faveur des PME, la lutte contre l'abus de dépendance économique, l'encadrement de certaines pratiques liées au prix des marchandises (règles de facturation, prix abusivement bas, soldes, etc...). Un sujet particulier a été plus particulièrement traité : la lutte contre le paracommercialisme, notamment dans le secteur de la brocante et du tourisme.

4. La régulation de l'équipement commercial

Partant du constat que la loi était contournée ou mal appliquée et qu'elle avait conduit à des dérives en matière d'équipements commerciaux, le plan PME-artisanat proposait quatre grandes mesures :

- l'abaissement à 300 m 2 des seuils au-delà desquels les magasins doivent obtenir une autorisation d'exploitation commerciale ;

- l'obligation de soumettre à une enquête publique les projets de plus de 6.000 m 2 ;

- le rééquilibrage des commissions départementales d'équipement commercial (CDEC) en faveur des professionnels et des consommateurs ;

- l'alourdissement des sanctions encourues pour dépassement des surfaces autorisées ou réalisation d'implantation sauvages.

L'ensemble de ces mesures figurent au sein du titre I de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat. Elles reprennent les mesures transitoires qui avaient été votées dans le cadre de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 (articles 89 et 90, décret d'application n° 96-473 du 31 mai 1996).

Avant la fin de l'année 1996, le Gouvernement définira et rendra public un programme national de développement et de modernisation activités commerciales et artisanales. Les professionnels seront consultés pour l'élaboration de ce programme qui exposera les priorités publiques en matière de localisation des activités, de pratiques commerciales, de respect de l'environnement et l'adaptation aux besoins réels des consommateurs, au regard desquels seront examinés les projets d'extension.

Les commissions d'équipement commercial auront connaissance de ce document qui, ajouté aux éléments fournis par les travaux des observatoires départementaux, leur permettront d'éclairer leur décision. Les préfets, présidents des CDEC, auront la charge, au cours des séances, d'informer les commissions sur le contenu du programme national.

À moyen terme, la généralisation de schémas de développement commercial devrait permettre de maîtriser l'évolution des surfaces et de l'adapter aux réalités locales, assurant ainsi une meilleure régulation de équipement commercial. À cet égard, la loi dispose que le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées, avant la fin de 1997, un rapport sur la mise en place et le contenu prévisionnel des schémas de développement commercial.

Bilan des autorisations accordées par les commissions d'urbanisme commercial
(1990-1995)

(en millions de m 2 )

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Nombre d'autorisations

590

873

936

123

736

769

M 2 autorisés

1,7

1,8

1,9

0,2

0,969

0,813

Votre rapporteur spécial se félicite de la bonne application du « plan PME-artisanat ». La plupart des mesures annoncées ont été prises ou sont en cours de mise en oeuvre.

La conférence annuelle des PME qui se réunira pour la première fois, fin novembre 1996, devrait faire le point sur l'engagement de l'État en faveur des PME, du commerce et de l'artisanat.

B. LA RÉFORME DU FINANCEMENT DE L'APPRENTISSAGE

L'apprentissage a pris une part de plus en plus importante dans le système de formation professionnelle. Aux lois n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage et n° 93-963 du 27 juillet 1993 relative au développement de l'emploi et de l'apprentissage a correspondu une hausse significative des effectifs d'apprentis. Entre 1990/91 et 1995/96, le nombre d'apprentis a progressé chaque année d'environ 5 % en moyenne, soit de 220.300 à 277.300 apprentis.

Les chambres de métiers consacrent 1,3 milliard de francs par an à l'apprentissage, soit 50 % de leur budget ; 66 centres de formation des apprentis (CFA) accueillent actuellement près de 100.000 jeunes. S'ajoutent au financement des chambres de métiers, les subventions accordées par les conseils régionaux aux CFA (600 à 700 millions de francs). Les entreprises, par la taxe d'apprentissage, apportent 200 millions de francs au CFA. Les crédits nationaux et européens viennent compléter cet effort.

La loi n° 96-376 portant réforme du financement de l'apprentissage instaure un certain nombre de dispositions visant à accroître et à mieux répartir les moyens financiers issus de la taxe d'apprentissage.

La première innovation consiste à mettre en place un système unifié d'aides liées à l'embauche et à la formation d'apprentis. Une indemnité compensatrice forfaitaire unique versée à l'embauche (6.000 francs) et à la fin de chaque année de formation (10.000 francs) pendant trois ans au plus, majorable selon l'âge de l'apprenti et la durée de formation, est instaurée. Cette prime se substitue à la prime à l'embauche, à la compensation du fonds interconsulaire de compensation, à certaines exonérations ainsi qu'au crédit d'impôt.

En second lieu, la contribution des entreprises au fonds national interconsulaire de compensation est supprimée. Parallèlement, le « quota » (part de la taxe d'apprentissage destinée au financement des centres de formation d'apprentis) passe de 20 à 40 % de la taxe d'apprentissage (soit désormais 0,2 % de la masse salariale de l'entreprise).

En concours financier des entreprises aux CFA qui forment leurs apprentis est désormais obligatoire. Le but de cette mesure est d'améliorer l'adéquation entre les effectifs d'apprentis du CFA et ses ressources, ainsi que les relations entre l'entreprise et le CFA.

Enfin, à compter du 1 er janvier 1997, des mécanismes de péréquation seront instaures aux niveaux national et régional, visant à corriger les disparités de ressources entre les CFA et entre les régions. Cette mesure devrait être bénéfique aux CFA du secteur des métiers.

Au niveau régional, les CFA et sections d'apprentissages qui dépasseront un niveau maximal déterminé en fonction des effectifs d'apprentis et d'un barème de coûts, devront reverser l'excédent au profit des CFA dont les ressources sont inférieures à un minimum fixé par décret au Conseil d'État, par le biais du fonds régional d'apprentissage.

Au niveau national, une fraction du quota sera reversée par les entreprises au Trésor public, puis redistribuée aux fonds régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle chargés d'effectuer la répartition entre les CFA.

Votre rapporteur spécial souligne la nécessité d'une parution rapide du décret régissant la péréquation entre les niveaux national et régional.

C. LE STATUT DE L'ARTISAN

L'année 1996 a été l'occasion d'améliorations du statut des professionnels de l'artisanat et d'une profonde réforme du statut de l'artisan.

1. Les améliorations du statut des professionnels de l'artisanat (1995-1996)

a) Le conjoint collaborateur

Le décret n° 95-605 du 6 mai 1995 a pris en compte les modifications du code de la sécurité sociale : le conjoint collaborateur peut désormais exercer une activité salariée à l'extérieur de l'entreprise à la condition que la durée de cette activité soit au plus égale à la moitié de la durée légale du travail.

La loi n° 95-1347 de finances rectificative pour 1995 a, par ailleurs, permis la déductibilité fiscale des cotisations volontaires des conjoints collaborateurs aux contrats de groupe (article 26).

Enfin, un décret n° 96-107 du 6 février 1996 a amélioré les modalités de rachat des cotisations d'assurance vieillesse pour les conjoints collaborateurs.

b) Le droit de suite

Le décret n° 95-1287 du 14 décembre 1995 a autorisé le droit de suite pour les entreprises qui augmentent le nombre de leurs salariés au-delà du plafond de dix. Ainsi :

- l'immatriculation au répertoire des métiers des personnes qui ont la qualité d'artisan ou le titre de maître artisan ou le brevet de maîtrise est maintenue sauf demande de radiation, sans limitation de durée :

- si les conditions de qualification ne sont pas remplies, l'immatriculation est maintenue pendant une période de trois ans non renouvelable.

2. Le statut d'artisan

Ce statut proprement dit a été profondément modifié par la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat. En effet, elle prévoit :

- une qualification professionnelle pour l'exercice de certaines activités susceptibles de mettre en cause la santé et la sécurité des consommateurs (article 16) ;

- la valeur législative du répertoire des métiers ; sa gestion devrait en être facilitée (article 19) ;

- l'existence juridique du fonds artisanal ainsi que son nantissement. Cette possibilité devrait contribuer à améliorer les conditions d'accès au crédit pour les artisans (article 22) ;

- la simplification de la réglementation de la coiffure (article 18) ;

- l'amélioration des prestations maternité des conjointes collaboratrices (article 35) : leur montant sera identique à celui qui est attribue jusqu'à maintenant aux femmes chefs d'entreprises.

D. LA TRANSMISSION ET LA CESSION DES ENTREPRISES

Sur les 2,4 millions d'entreprises recensées en France, environ 50.000 changent de mains chaque année. 400.000 emplois environ sont ainsi concernés (23.000 entreprises sans salarié, 29.800 d'un à neuf salariés, 3.400 d'au moins dix salariés).

Une entreprise sur deux est transmise dans le cadre familial contre deux sur trois il y a dix ans. L'autre est cédée à titre onéreux.

Et, en cas de cession de l'entreprise, la moitié est reprise par un cadre ou par le personnel, l'autre est vendue à un repreneur extérieur.

Deux constatations, l'une structurelle, l'autre conjoncturelle, doivent être faites.

D'après une enquête du CEPME portant sur 160.000 PME, 90 % sont détenues par des actionnaires familiaux (78 % indépendantes et 12 % filiales d'une autre PME) et l'âge moyen de leurs dirigeants est proche de cinquante ans. Le nombre d'entreprises à transmettre va donc augmenter indiscutablement dans les années à venir.

Or, si un flux constant d'affaires à transmettre continue d'alimenter le marché, le marché est en forte baisse. La chute constatée est de 10 % depuis 1991.

L'action que le Gouvernement a menée a consisté à introduire un ensemble de dispositions pour alléger le coût des transmissions d'entreprises ou des cessions d'entreprises.

La loi n° 96-314 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier qui a allégé la fiscalité de la transmission et de la cession des entreprises bénéficie notamment au secteur du commerce et de l'artisanat.

Les mesures suivantes ont été prises :

- augmentation de 10 % de l'abattement fiscal en cas de donation partage. Cette disposition porte la réduction d'impôt de 25 % à 35 % en cas de donation partage d'un bien au-delà de 300.000 francs :

- extension du régime de la donation partage aux enfants uniques ;

- réduction de droits étendue à l'ensemble des donations, quel que soit le donataire, dès lors que le donateur a moins de 75 ans :

- baisse du taux d'intérêt applicable en cas de paiement différé des droits : le taux sera dorénavant réduit pour les transmissions d'entreprises ;

- engagement d'une concertation sur les méthodes d'évaluation en matière de cession ou de donation, afin d'offrir aux chefs d'entreprise ou au repreneurs, une plus grande sécurité juridique :

- réduction des droits d'enregistrement sur les cessions de fonds de commerce de 11,40 % à 9 % du taux des droits d'enregistrement applicable à la tranche la plus élevée du barème prévu à l'article 719 du code général des impôts (traction de la valeur taxable supérieure à 700.000 francs). Il s'agit là d'une nouvelle étape vers l'harmonisation des taux de cession d'actions des SA et de parts de SARL :

- paiement différé de la TVA sur les stocks lors de la cession du fonds de commerce d'une entreprise artisanale.

Votre rapporteur spécial souligne que ces mesures devraient permettre tout à la fois :

- d'une part, d'assurer la pérennité des entreprises économiquement viables :

- d'autre part, de faire en sorte que la transmission ou la cession d'entreprises ne soit plus un risque mais une chance, en permettant notamment l'arrivée de nouvelles équipes dirigeantes.

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