II. LES ÉLÉMENTS DU DÉBAT SUR LES TÉLÉVISIONS LOCALES

A. LES TÉLÉVISIONS LOCALES SONT-ELLES NÉCESSAIRES ?

1. La fonction locale des média s'estompe au profit du spectacle distant et universel de l'information mondiale

Le transfert de l'écrit vers l'audiovisuel a provoqué un éloignement des contenus, qui, de locaux, sont devenus nationaux puis internationaux. Il a également profondément changé la nature du message : le spectacle et le divertissement télévisés se sont progressivement substitués à l'information et au service, qui étaient des fonctions assurées par la presse locale. Faute de télévision locale, ce double phénomène d'éloignement et de spectacularisation a été amplifié.

La fonction d'apprentissage social ou d'intégration locale que remplissait le journal régional s'estompe pour être remplacée par le spectacle distant et universel aujourd'hui de TF1 ou de France 2, et demain de CNN.

Machines à enraciner, les média locaux traditionnels ont laissé la place aux machines à déraciner et à transplanter que sont les télévisions venues d'ailleurs.

Contrairement aux espoirs mis en elle en 1982, la radio n'a pas su remplir cette fonction, pour trois raisons. Tout d'abord, un support sonore n'est pas adapté à la proximité, car, pour être proche, il faut se voir. Ensuite, la radio n'est pas suffisamment fédératrice : son faible coût et la disponibilité des fréquences ont entraîné une hypersegmentation de l'offre. Enfin, la fragilité des dispositifs réglementaires destinés à garantir leur dimension locale n'a pas résisté à la démarche d'absorption par des réseaux nationaux.

2. Les collectivités locales ont besoin de média locaux

Notre civilisation devient une civilisation de citadins. La fracture sociale est un thème rebattu mais il possède une acuité particulière appliqué aux grandes villes.

Pendant un siècle, la presse locale et l'école ont su développer une culture commune et le sentiment d'appartenance à une même communauté.

Seules les télévisions nationales assurent encore cette fonction, en privilégiant toutefois des programmes « fédérateurs » de divertissement, en empruntant une démarche massifiante et globale imposée par des entreprises de spectacle, nationales aujourd'hui et apatrides demain.

Mais c'est localement que s'effectuent l'apprentissage de la société et la construction de la personnalité sociale, que se définissent les enjeux concernant la vie quotidienne, que se forment les réseaux impliqués dans la vie quotidienne. Confrontées à une crise d'identité sans précédent, nos grandes métropoles ne pourront pas faire durablement l'économie de média locaux.

L'Amérique du nord l'a compris depuis longtemps. Il est vrai que la télévision nationale s'est, aux Etats-Unis, d'abord constituée à partir d'une fédération de télévisions locales nées d'initiatives de particuliers, alors qu'en France la création de la télévision résulte d'une démarche régalienne et centralisatrice.

Les télévisions locales ont pour objectif d'enraciner, de fédérer et d'informer. Les collectivités locales ont besoin de média locaux capables de poursuivre et d'enrichir le travail d'intégration sociale et culturelle que la presse quotidienne régionale a su mener pendant près d'un siècle en « transformant vingt millions d'immigrés de l'intérieur ruraux et catholiques en citadins républicains » , selon l'expression utilisée par l'association nationale des télévisions de ville. Elles apparaissent comme des « machines à recoudre des villes qui craquent ».

En outre, les télévisions locales pourraient créer des emplois, Télé Toulouse , par exemple, salarie 55 personnes.

3. Les télévisions locales sont des télévisions professionnelles

On a longtemps reproché aux télévisions locales leur amateurisme. Ce reproche n'est plus fondé.

Si des erreurs éditoriales et une certaine improvisation ont caractérisé les balbutiements de ce média (mais pouvait-il en être autrement ?), il n'en est rien aujourd'hui. Le premier fournisseur en France de LCI pour des sujets d'informations régionales est Télé Toulouse. De nombreux journalistes et réalisateurs ont été formés dans des télévisions locales avant d'exercer sur des chaînes nationales.

La ligne éditoriale des télévisions locales a évolué. Elles ont essuyé un échec patent, en terme d'audience, lorsqu'elles ont voulu imiter les chaînes nationales et devenir de « mini TF1 ». Mais elles connaissent un succès grandissant depuis qu'elles ont axé leur ligne éditoriale sur la dimension locale.

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