Avis n° 88 (1996-1997) de M. Jean BESSON , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 27 novembre 1996

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N° 88

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VI

ÉNERGIE

ParM. Jean BESSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Émorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, André Vallet, Jean-Pierre Vial.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Quelques évolutions majeures caractérisent l'évolution du secteur énergétique en 1996 : adoption d'une position commune du Conseil des ministres de l'énergie sur le marché intérieur de l'électricité ; ouverture des discussions sur l'éventuelle ouverture à la concurrence du marché européen du gaz ; examen par le Parlement du projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie ; création d'un fonds d'aide aux petites stations-service en difficulté ; parution de divers rapports donnant, pour chacun d'entre eux, un éclairage sur la politique énergétique de notre pays...

Dans le cadre de son examen des crédits consacrés à l'énergie pour 1997, votre commission a souhaité faire le point sur l'ensemble de ces sujets et évoquer tant les évolutions positives du secteur que les préoccupations de ses acteurs.

CHAPITRE PREMIER - LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE L'ÉNERGIE

Deux volets essentiels de la politique européenne dans le secteur de l'énergie méritent un développement particulier cette année. Il s'agit :

- de la construction du marché intérieur de l'électricité et du gaz ;

- de projets communautaires en matière d'environnement (écotaxe et programme Save II).

I. LE MARCHÉ INTÉRIEUR DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

A. LA DÉRÉGULATION DOIT S'ACCOMPAGNER DE LA RECONNAISSANCE DES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC

L'ouverture à la concurrence de secteurs jusqu'ici réservés à des monopoles (qu'il s'agisse de l'électricité, du gaz, mais aussi des services postaux, etc..) ne peut se concevoir que si l'Europe préserve la notion même de service public.

Or jusqu'ici, la commission européenne a surtout affirmé la primauté de la concurrence.

Elle a récemment fait un pas dans la bonne direction en approuvant, le 11 septembre dernier, une « communication » dans laquelle elle propose d'inscrire parmi les actions de la Communauté énumérées dans le Traité de Maastricht : « une contribution à la promotion des services d'intérêt général ».

Cette avancée est cependant modeste et les commissaires ont décidé de revenir sur ce sujet à l'occasion des travaux de la Conférence intergouvernementale sur la réforme institutionnelle de l'Union.

A l'occasion du Conseil européen extraordinaire qui s'est réuni à Dublin le 5 octobre dernier, le Gouvernement français a proposé d'intégrer les services publics dans le Traité de l'Union (en complétant son article 90) et d'y stipuler notamment que « la Communauté tient compte à l'égard des organismes ou entreprises chargés d'assurer des missions d'intérêt général des conditions dans lesquelles ils interviennent et des contraintes auxquelles ils sont soumis ».

Votre commission attache la plus grande importance à ce que la définition et les attributs des missions de service public soient clairement précisés dans le Traité.

Dans ce contexte, quel est l'état d'avancement des projets de directives sur le marché intérieur de l'électricité et du gaz ?

B. LE MARCHÉ INTÉRIEUR DE L'ÉLECTRICITÉ

1. Un bref historique

Rappelons tout d'abord brièvement l'historique de ce débat qui a donné lieu à neuf années de négociations difficiles, avant d'aboutir à une position commune du Conseil extraordinaire des ministres de l'énergie le 20 juin 1996, position qui tient compte des thèses défendues par la France.

- Mai 1987 : début du processus de concertation enclenché avec les États membres sur le marché intérieur de l'électricité.

- Février 1992 : la commission européenne propose une directive donnant le droit à tous les clients et compagnies de distribution de choisir leur fournisseur d'électricité à partir de 1996, et imposant la séparation comptable et de gestion des activités production, transport et distribution. Ce projet proposait également un système d'accès de tiers au réseau automatique et tarifé, ignorant les notions de service public et de planification à long terme.

- Mai 1992 : le Conseil des ministres refuse le projet de directive et invite la commission à revoir son texte en tenant compte des positions des ministres de l'Énergie et de l'avis du Parlement.

- Novembre 1993 : le Parlement européen amende le projet de directive en prenant en compte la nécessité de concilier l'introduction de la concurrence et le respect des missions d'intérêt économique général confiées aux entreprises du secteur électrique. Il reconnaît également la possibilité aux pays européens de maintenir une planification des investissements à long terme. Enfin, il introduit la substitution d'un accès des tiers au réseau négocié à l'accès des tiers au réseau obligatoire préconisé par la commission.

- Février 1994 : un nouveau projet de directive tenant compte de ces suggestions est élaboré.

- Avril 1994 : la Cour de Justice rend l'arrêt Almelo. Les missions d'intérêt économique général sont reconnues pour le secteur électrique.

- Septembre 1994 : la France demande que chaque État puisse choisir le système le mieux adapté à ses spécificités nationales et propose son propre système : l'Acheteur unique.

- Novembre 1994 : le Conseil invite la commission à examiner la coexistence de systèmes différents en Europe.

- Mars 1995 : la commission prend position sur le système d'Acheteur unique.

Les aménagements qu'elle propose conduisent à dénaturer le modèle proposé par la France. - Juin 1995 : le Conseil des ministres de l'Énergie reconnaît le droit aux États qui le souhaitent de confier des missions d'intérêt économique général aux entreprises du secteur électrique.

- 7 mai 1996 : le Conseil des ministres de l'Énergie définit les principes et la structure de la proposition de directive.

- 20 juin 1996 : position commune au Conseil extraordinaire des ministres de l'Énergie réunis à Luxembourg.

2. Le contenu du projet de directive : une ouverture limitée et maîtrisée du marché

Le projet de directive comporte deux types de dispositions : celles qui sont obligatoires, qui s'imposeront donc à tous les pays, et celles qui laissent aux Etats membres une certaine marge de manoeuvre, qui leur permettra de construire un système adapté à leurs spécificités nationales.

a) Les dispositions obligatoires

Deux dispositions sont obligatoires, qui constituent les seules règles communes réelles de la proposition de directive :

- La première obligation concerne les entreprises électriques verticalement intégrées ( ( * )2) , comme EDF, qui devront tenir des comptes séparés pour les activités de production, de transport et de distribution. Il s'agit de « l'unbundling » comptable.

- La seconde obligation concerne l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence . Les Etats membres devront permettre à un certain nombre de leurs clients, correspondant à une part déterminée du marché, de choisir leur fournisseur. Il faut toutefois souligner que cette ouverture sera à la fois progressive et maîtrisée. Elle se fera sur six ans. D'environ 24 % au départ, la part du marché ouvert à la concurrence devra passer à 29 % trois ans après, pour concerner finalement environ 33 % des marchés au bout de six ans . Ces pourcentages seront calculés précisément par la commission européenne. La première ouverture correspondra au pourcentage que représente en moyenne, à l'échelle européenne, les clients consommant 40 Gwh, par an et par site. La seconde correspondra au pourcentage de clients qui consomment 20 Gwh, et la troisième ouverture au pourcentage de clients de l'Union européenne consommant au moins 9 Gwh par an.

b) Ce qui relève de la compétence des Etats-membres

- Chaque Etat membre devra définir ses propres critères d'éligibilité des clients ( ( * )3) , à partir du cadre défini par la directive, le pourcentage d'ouverture du marché devant être respecté ( ( * )4) .

Une clause de sauvegarde permettra de protéger les pays qui choisiront une définition plus large des clients éligibles. Ainsi, EDF ne pourra pas s'adresser à un client éligible à l'étranger qui ne le serait pas en France, si l'État importateur s'y oppose.

- La proposition de directive offre aussi aux Etats membres qui le souhaitent la possibilité de confier des missions d'intérêt économique général à des entreprises du secteur électrique. La France devra utiliser au mieux cette faculté pour mener une véritable politique énergétique, ceci d'autant plus que la directive reconnaît expressément à chaque État la possibilité de mettre en oeuvre une planification à long terme. Votre commission est particulièrement attachée à ces dispositions. Rappelons que les missions d'intérêt économique général comprennent le respect des obligations de service public françaises (obligation de desserte, égalité de traitement dont péréquation tarifaire...), auxquelles viennent s'ajouter la contribution à la mise en oeuvre de politiques nationales essentielles telles que l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement et la sécurité d'approvisionnement.

- Par ailleurs, pour la mise en oeuvre des nouveaux moyens de production, chaque pays aura le choix entre un régime d'autorisation ou un régime d'appels d'offres ou une combinaison des deux. Dans le système d'autorisation, chaque producteur peut, à tout moment, déposer une demande pour installer de nouvelles capacités de production et proposer son électricité à des clients éligibles. Ces demandes sont accordées ou refusées par les pouvoirs publics qui statuent en fonction des besoins énergétiques à long terme du pays et selon des critères objectifs définis à l'avance (utilisation des sols, nature des sources primaires, protection de l'environnement...). Autre possibilité, les pouvoirs publics peuvent, pour le secteur non concurrentiel, choisir de lancer des appels d'offres quand de nouvelles capacités de production sont nécessaires. Soulignons que la question du renouvellement des capacités de production d'EDF ne se posera pas avant dix-quinze ans.

- Enfin, pour la mise en oeuvre du contrat de fourniture conclu entre un producteur indépendant et un client éligible, les pouvoirs publics pourront choisir entre l'accès au réseau EDF moyennant péage (ATR négocié) et l'obligation d'achat par le gestionnaire du réseau (EDF) au lieu de production, avec revente au lieu de consommation (acheteur unique).

Au terme d'une période de neuf ans, les Etats membres décideront s'il convient de maintenir les choses en l'état ou s'il est préférable, à la lumière de l'expérience et des résultats enregistrés, de modifier tout ou partie de la directive.

Votre commission se félicite que la proposition de directive admette la coexistence en Europe de systèmes électriques différents.

Il est cependant indéniable que l'obligation d'ouvrir le tiers de notre marché intérieur au bout de six ans constitue une contrainte sérieuse qui va nécessairement imposer des adaptations non négligeables.

LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE, EN BREF :

Le texte repose sur deux types de dispositions :

1. Dispositions obligatoires pour tous les États membres :

- « unbundling » comptable pour les entreprises intégrées : publication de comptes séparés pour les activités de production, transport et distribution ;

- ouverture progressive et maîtrisée du marché électrique.

2. Points laissés à la liberté des États membres :

- choix du type des consommateurs qui seront éligibles ;

- possibilité de confier aux entreprises du secteur électrique des missions d'intérêt économique général ;

- possibilité d'introduire la mise en oeuvre d'une planification à long terme ;

- choix entre un régime d'appel d'offres ou d'autorisation pour la construction des nouveaux moyens de production ;

- modalités d'accès au réseau : ATR négocié ou Acheteur unique.

3. Quelles conséquences pour la France ?


• Le changement essentiel pour la France consiste dans l'introduction progressive de la concurrence auprès des grands consommateurs. L'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence
se fera progressivement de la manière suivante :

Quand ?

Sont éligibles ceux

qui consomment plus

de(*)

Part de marché

concernée en France

(en volume)

Nombre de clients éligibles en France

Au choix des États, entre le 01/01/97 et le 01/01/99

plus de 40 Gwh par an

1/4 du marché

environ 400

A partir du 01/01/2000

plus de 20 Gwh par an

inférieur à 30 %

environ 800

A partir du 01/01/2003

plus de 9 Gwh par an

1/3 du marché

environ 2.500

(*) Ces chiffres correspondent à des moyennes européennes. Leur application en France donnera lieu à des ajustements.

Les principes contenus dans la directive seront applicables dès son adoption définitive -qui suppose l'accord du Parlement européen-, sans doute pas avant le 1er janvier 1997. Compte tenu du délai nécessaire pour transposer la directive dans le droit national, on prévoit actuellement que l'ouverture du marché électrique français pourrait être effective d'ici au 1er janvier 1999.


• L'introduction d'une concurrence non négligeable (les 2.500 entreprises les plus grosses consommatrices d'électricité en 2003, soit le tiers du marché français), mais maîtrisée, permettra aux industries concernées d'améliorer leur compétitivité. Ceci est essentiel dans la mesure où il s'agit de secteurs largement ouverts à la compétition internationale (chimie, sidérurgie, etc.).


• Une refonte des tarifs sera d'ailleurs prochainement mise en oeuvre pour permettre à EDF d'affronter la concurrence. Elle devrait assurer une meilleure prise en compte des coûts et permettre une évolution des prix favorables aux consommateurs domestiques.

La France devra utiliser cette marge de manoeuvre pour définir des critères d'éligibilité permettant de maintenir la péréquation tarifaire et de conserver l'organisation actuelle de la distribution, puisqu'elle ne sera pas obligée d'accorder l'éligibilité aux distributeurs non nationalisés ( ( * )5) en tant que tels. Le Gouvernement s'est, en fait, prononcé à plusieurs reprises contre leur éligibilité. Ceux-ci ne pourront ainsi s'adresser à d'autres producteurs que si les clients éligibles qu'ils desservent le leur demandent. Pour les clients non éligibles, les distributeurs n'auront qu'un seul fournisseur : EDF.

Votre commission attache elle-même la plus grande importance à ce que cette évolution ne remette pas en cause le principe de la péréquation tarifaire.

Car indépendamment de ces critères, il ne faudrait pas qu'une pression des grandes communes concédantes à la baisse des prix ne s'exerce au détriment des zones rurales.

On l'a dit, les missions de service public devront être assurées. La péréquation tarifaire en est l'un des aspects majeurs. Par ailleurs, le Gouvernement s'est engagé :

- à préserver l'efficacité du système électrique français en confirmant l'entreprise publique dans ses missions de service public et dans sa situation d'entreprise d'État à caractère intégré ;

- à maintenir le statut du personnel.


• Les distributeurs locaux d'électricité doivent également se préparer à affronter la concurrence.

Rappelons que depuis la loi de nationalisation de l'électricité de 1946, le pouvoir concédant des collectivités ne peut s'exercer qu'au profit d'un concessionnaire unique : EDF. Cette loi permet cependant aux collectivités qui avaient déjà créé des régies ou des services analogues dans ce domaine de conserver leur autonomie. C'est le cas de 2.800 communes, urbaines et rurales, qui confient à près de 150 régies, SEM (sociétés d'économie mixte) ou SICAE (société d'intérêt collectif agricole d'électricité) le soin de distribuer leur courant. Celles-ci desservent environ 6 % de la population nationale en se fournissant auprès d'EDF ou d'un producteur privé, ou encore en produisant elles-mêmes leur électricité.

Les « consommateurs éligibles » pourront s'alimenter auprès de leur distributeur local ou auprès du fournisseur de leur choix en utilisant le réseau local.

C. LE MARCHÉ INTÉRIEUR DU GAZ

La discussion sur l'éventuelle ouverture à la concurrence du marché européen du gaz vient seulement de s'ouvrir (en juillet dernier) et elle s'annonce difficile.

On peut penser que, comme pour la proposition de directive sur l'électricité, celle concernant le gaz fera une large place à l'application du principe de subsidiarité, ménagera une progressivité dans sa mise en oeuvre et reconnaîtra la nécessité de disposer d'instruments de politique à long terme.

Le secteur gazier présente une spécificité liée à l'existence de situations très contrastées entre les États membres, certains étant dotés de ressources gazières et d'autres pas. Les intérêts des uns et des autres sont donc divergents et l'importance primordiale que la France accorde à l'impératif de la sécurité des approvisionnements n'est pas partagée par tous.

Pourtant, l'ensemble de l'Union européenne sera concernée à terme. En effet, d'après le Livre Blanc élaboré par la commission européenne, les importations représentent aujourd'hui près de 50 % de la consommation brute de gaz de l'Europe et pourraient atteindre 75 % d'ici à 2020, ceci en raison principalement du rapide accroissement de la demande.

Or, la plupart des pays qui exportent du gaz disposent de structures centralisées (Gazprom en Russie, Gasurie aux Pays-Bas, Sonatrach en Algérie...). Face à cette organisation oligopolistique, il est impératif d'éviter un « émiettement » des achats.

Votre commission souhaite donc que soit préservée la capacité des opérateurs à prendre des risques associés à la conclusion des contrats d'approvisionnement à long terme. Seuls ces derniers sont, en effet, de nature à garantir la sécurité de nos approvisionnements.

Elle souhaite également que, comme pour l'électricité, les Etats membres gardent la faculté de définir les missions de service public du secteur gazier.

D. LES RÉSEA UX TRANSEUROPÉENS

Rappelons que les propositions concernant un marché intérieur de l'énergie ne pourront promouvoir efficacement le commerce intracommunautaire que si les infrastructures de transport d'énergie sont renforcées et intégrées au niveau communautaire. Dans cette optique, le Traité de Maastricht consacre trois articles aux réseaux transeuropéens, l'objectif visé étant « l'interconnexion et l'interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l'accès à ces réseaux ». Le Conseil des ministres est parvenu cette année à une position commune sur l'identification des objectifs, les priorités et les projets d'intérêt commun, ainsi que sur la définition des mesures de soutien. La seconde lecture du Parlement a entraîné l'ouverture d'une conciliation sur les décisions du Conseil. Un soutien financier a d'ores et déjà été décidé pour une première série d'études de faisabilité.

II. LES PROJETS EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT ET D'ÉCONOMIES D'ÉNERGIE

A. LE PROJET D'ÉCOTAXE : UN DOSSIER EN SOMMEIL

Dans son précédent avis, votre commission avait consacré un développement au nouveau projet d'écotaxe proposé par la commission européenne le 2 mai 1995 et rejeté par la France.

Le dossier n'a pas progressé depuis lors et le Conseil des ministres demeure divisé sur les propositions de Bruxelles visant à établir une période transitoire, allant jusqu'en janvier 2000, au cours de laquelle les États membres seraient libres de prendre des mesures fiscales à l'intérieur d'un cadre de paramètres communs.

Il a cependant de fortes chances d'être à nouveau évoqué au plan communautaire dans les prochains mois, en raison des nouveaux engagements qui devront être pris par l'Union européenne en matière de lutte contre l'effet de serre dans les négociations internationales qui se déroulent actuellement dans le cadre de la Convention sur les changements climatiques.

Les négociations porteront, pour l'essentiel, sur les compromis qui devront être trouvés sur un certain nombre de points majeurs :

- Comment déterminer le caractère juridiquement contraignant du futur protocole, ainsi que celui des objectifs quantitatifs de réduction d'émissions ? Quelles éventuelles sanctions pourraient-elles être mises en oeuvre ?

- Comment concilier les vues de la majorité des pays qui se sont prononcés en faveur d'objectifs quantifiés différenciés et la position allemande qui privilégie les taux uniformes de réductions par pays ?

- Comment pourra-t-on trouver un accord pour définir des politiques et mesures efficaces, donc contraignantes et harmonisées, quand certains pays -comme les États-Unis- considèrent que leur choix relève de la souveraineté des États ?

Ces positions sont difficilement compatibles avec celles qui ont toujours été défendues par la France, qui s'est jusqu'à présent opposée à la définition d'objectifs quantitatifs de réduction d'émissions par pays.

Rappelons en effet que :

- ces objectifs ne tiennent pas compte des situations de départ et favorisent les pays qui n'ont pas accompli d'efforts significatifs avant la date de référence prise en compte et qui peuvent mettre en oeuvre des actions de maîtrise à des coûts inférieurs (exemple : remplacement de centrales électriques fonctionnant au charbon par des centrales à gaz) à celles que peuvent réaliser des pays comme la France ;

- des objectifs quantitatifs seraient irréalistes dans la mesure où les projections d'émissions montrent que les pays industrialisés ne seront pas capables de stabiliser leurs émissions en l'an 2000, émissions qui sont appelées à augmenter sensiblement comme dans le reste du monde après l'an 2000.

En revanche, l'élaboration d'objectifs de moyens -par la négociation de protocoles techniques ou visant des instruments économiques présente- de nombreux avantages :

- des politiques et mesures harmonisées permettent une répartition équitable de l'effort en homogénéisant le coût des mesures prises ;

- des objectifs de « moyens » permettent de réduire les émissions de façon progressive et réaliste ; ils évitent une longue et complexe négociation globale sur des objectifs de résultat ;

- enfin, des protocoles reposant sur des politiques et mesures harmonisées sont largement ouverts à toutes les parties et permettront à des pays n'appartenant pas actuellement aux pays soumis à des engagements quantitatifs d'y adhérer et de contribuer aux efforts. Car l'objectif ultime de la convention ne peut être atteint sans la participation des pays nouveaux émetteurs de CO 2 .

En effet, imposer des réductions d'émissions aux seuls pays industrialisés compromettrait leur croissance sans pour autant infléchir la tendance des émissions au plan mondial. Il conviendra donc de promouvoir, au plan international, des actions visant à développer le recours aux énergies moins génératrices de CO 2 : remplacer l'usage du charbon et du pétrole par le gaz, recourir de façon plus large à la production d'électricité issue du nucléaire et intensifier le développement des énergies renouvelables rentables.

B. LE PROGRAMME SAVE II

Le programme SAVE relatif à la promotion de l'efficacité énergétique dans la Communauté européenne a été doté de 35 millions d'écus sur cinq ans (1991-1995).

Ce programme avait un objectif essentiellement réglementaire mais il a également permis de financer des actions pilotes, des études et des actions d'information. Un appel d'offre a été lancé chaque année et le taux de retour français s'est avéré très variable : 11,8 % en 1993, 41,9 % en 1994 et 9,9 % en 1995.

La commission a soumis une proposition pour un nouveau programme (1996-2000) au Conseil et au Parlement européen à l'automne 1995, avec des missions élargies par rapport à SAVE I. La commission proposait en conséquence un budget en progression très forte, de 150 millions d'écus.

Le Conseil des ministres a arrêté une position commune le 7 mai 1996.

Plusieurs pays, dont la France, s'étant élevés contre l'augmentation du budget, le budget arrêté par le Conseil pour ce programme SAVE II s'élève à 45 millions d'écus pour cinq ans.

En juin dernier, votre commission des affaires économiques a adopté une Résolution ( ( * )6) -devenue Résolution du Sénat- qui :

- s'associe à la demande de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale tendant à ce qu'un audit global soit diligenté par le Conseil sur l'ensemble des actions menées par la Communauté dans le domaine de l'énergie. Il apparaît, en effet, essentiel qu'une évaluation du programme SAVE I précède l'adoption du programme SAVE II, si l'on veut employer les fonds publics avec discernement ;

- se félicite de la fixation du budget de SAVE II à 45 millions d'écus (et non à 150 millions d'écus, comme le préconisait la commission européenne);

- en revanche, regrette la base juridique retenue par le Conseil (majorité qualifiée, au lieu de la décision unanime qui avait prévalu pour SAVE I).

Cette position méritait d'être rappelée. La prochaine étape réside dans la seconde lecture à laquelle le Parlement européen doit procéder prochainement.

CHAPITRE II - LE BILAN ÉNERGÉTIQUE FRANÇAIS

I. LA FRANCE DE L'ÉNERGIE EN 1995

A. UNE LÉGÈRE PROGRESSION DE LA PRODUCTION NATIONALE D'ÉNERGIE


• La production nationale d'énergie primaire a légèrement progressé en 1995, à 116,2 Mtep ( ( * )7) , contre 114,0 Mtep en 1994, soit +1,9 %. Elle se répartit en charbon (5,5 Mtep, soit 4,7 %), pétrole (3,1 Mtep, soit 2,7 %), gaz (2,7 Mtep, soit 2,3 %) énergies renouvelables (4,2 Mtep, soit 3,6 %) et surtout électricité primaire : hydraulique (17 Mtep, soit 14,6 %) et nucléaire (83,7 Mtep, soit 72 %).


• Pour la troisième année consécutive, plus de la moitié de l'énergie consommée en France a été produite nationalement.

B. UNE STAGNATION DE LA CONSOMMATION

Connaissant une quasi-stagnation, la consommation totale d'énergie primaire s'est établie en 1995 à 229,3 Mtep, après correction climatique, comme en 1994.


• Cette consommation d'énergie primaire se répartit de la façon suivante :

- pétrole : 41,5%

- électricité : 37,5 %

-gaz : 13,2%

- charbon : 6,4 %

- énergies renouvelables : 1,8 %


• Notons que le taux de disponibilité du parc électronucléaire s'est établi à 81 % en 1995 (contre 81,2 % en 1994).


• 83,6 % de la consommation d'énergie est à usage énergétique, soit 191,6 Mtep, dont près de la moitié est consacrée au résidentiel-tertiaire.


L'intensité énergétique ( ( * )8) a diminué, en 1995, pour la deuxième année consécutive. On peut cependant regretter que cette évolution favorable ne soit pas liée à des efforts en matière de maîtrise de l'énergie, mais plutôt à un effet « d'économie d'échelle » lié à la reprise, la croissance du PIB ayant été supérieure à celle de la consommation d'énergie.

C. UNE ÉVOLUTION TRÈS POSITIVE DE LA FACTURE ÉNERGÉTIQUE ET DU TAUX D'INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE


La facture énergétique
-solde entre les importations et les exportations de produits énergétiques- s'est élevée à 58,9 milliards de francs en 1995, en baisse de 10,2 % par rapport à 1994. En 1985, la facture énergétique atteignait 180,6 milliards de francs courants (236,7 milliards de francs de 1995), de sorte qu'en dix ans la facture énergétique a été divisée par 4 en volume. Elle ne représente plus que 0,93 % du PIB marchand, contre 6,11 % en 1981. Le total des importations de produits énergétiques représente 6,9 % des importations totales de 1995, contre 7,9 % en 1994.

Cette baisse a plusieurs origines :

- une diminution des importations de produits pétroliers : - 5,9 % en valeur pour l'ensemble brut et raffiné, - 3,1 % en quantité ;

- une forte hausse des exportations d'électricité : + 18,9 % en valeur, + 16,5 % en quantité ; cette hausse a effacé la baisse des exportations de produits pétroliers (- 8 % en valeur) ;

- la baisse des prix moyens en francs des énergies importées, résultant notamment du faible niveau du dollar (4,99 francs en moyenne en 1995, contre 5,55 francs en 1994).


• Le taux d'indépendance énergétique s'est, quant à lui, établi à 51,4 % en 1995, contre 51,2 % en 1994.

Rappelons que ce bon résultat, au regard du taux de 22,5 % affiché en 1973, résulte largement de la montée en charge du programme électro-nucléaire.

D. LE BILAN MITIGÉ ÉTABLI PAR L'AGENCE INTERNATIONALE DE L'ÉNERGIE (AIE)

En tant que membre, depuis 1992, de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la France fait l'objet tous les quatre ans d'un « examen en profondeur » de la politique énergétique effectué par une équipe d'experts désignés par les autres pays membres. Cet examen est destiné à évaluer les résultats de la politique énergétique au regard des objectifs communs de l'AIE. Ces derniers ont été arrêtés par les pays membres principalement en réponse au choc pétrolier de 1973 et ont été complétés depuis dans les domaines de la préservation de l'environnement, du commerce (concurrence) et de la coopération internationale.

Soulignons que deux de ces objectifs communs marquent l'esprit libéral prédominant au sein de l'AIE et expliquent par là même certaines des critiques que l'organisation a formulées à rencontre de la France. Il s'agit de l'absence de distorsions dans les prix et de « la liberté et l'ouverture des échanges ».

1. Les satisfecit

Pour ce qui concerne la satisfaction des objectifs clés que sont la sécurité des approvisionnements, la compétitivité économique et le respect de l'environnement, le rapport de l'AIE apporte quelques appréciations très positives essentiellement dues « au programme nucléaire et à la continuité exceptionnelle de la politique énergétique menée depuis les années 70 ». Ces succès se sont traduits concrètement par une diminution des importations d'énergie, par une réduction des pollutions (en particulier pour l'effet de serre) et par une intensité énergétique nationale parmi les meilleures des pays membres.

Le rapport approuve également les mesures prises plus récemment pour organiser « le repli ordonné de l'industrie charbonnière », pour libéraliser les importations de charbon et pour réformer la législation du secteur pétrolier (ouverture du marché à la concurrence et constitution du stock de crise).

L'AIE estime cependant qu'à beaucoup d'égards la politique énergétique française se trouve à un tournant et elle a formulé critiques et recommandations.

2. Les principales critiques et recommandations


• La principale recommandation concerne la libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz.

Si l'accord européen sur le marché de l'électricité représente un progrès incontestable, le rapport n'en recommande pas moins la révision de la péréquation géographique des tarifs, la suppression des subventions croisées entre secteurs et l'interdiction pour EDF de promouvoir le chauffage électrique. De même, le rapport insiste sur les réformes structurelles qu'il serait souhaitable d'apporter au système gazier français, les monopoles d'import-export, de transport et de distribution de GDF étant jugés « insuffisamment fondés sur des critères économiques ».

Le gouvernement français a souligné les divergences qui l'opposait à l'AIE sur ces recommandations.

Il s'est, en particulier, opposé à toute avancée supplémentaire en matière d'ouverture du marché électrique, a rappelé son attachement aux principes de la programmation à long terme, du service public, de l'obligation de desserte et de la péréquation tarifaire. Il a également indiqué que les droits exclusifs de GDF n'entravaient pas le développement de l'industrie gazière et que, en outre, une disposition législative adoptée en avril 1996 avait étendu, dans le domaine de la desserte gazière, l'activité des régies et des sociétés d'économie mixte aux communes voisines.


• L'AIE a, par ailleurs, relevé des distorsions de concurrence entre les produits énergétiques, introduites notamment par la fiscalité . Elle a ainsi relevé les différences de taux existant entre les produits pétroliers et leurs concurrents, ou, au sein des produits pétroliers, entre l'essence et le gazole, alors qu'elles n'ont « aucune justification évidente, ni économique, ni environnementale ».

S'agissant de la fiscalité de l'énergie, le Gouvernement a fait remarquer que, par exemple pour la TIPP, il s'agit aussi de financer des infrastructures à l'usage des véhicules, dont la finalité dépasse largement l'aspect énergétique.

Sur les différences de taux existant entre l'essence et le gazole, votre commission des affaires économiques reconnaît les problèmes qu'elles posent et les déplorent.


• Enfin, parmi les recommandations à noter, l'AIE conseille à la France de mettre en oeuvre un programme d'efficacité énergétique dans tous les secteurs, particulièrement dans les transports, et de renforcer les actions et le financement de l'Ademe.

On verra ultérieurement que votre commission partage ces préoccupations.


• S'agissant de la nécessité, relevée par l'AIE, d'améliorer la communication et la concertation démocratique dans le domaine énergétique, votre commission relève que les débats organisés au Parlement sur la politique énergétique se font effectivement trop rares...

CHAPITRE III - LES AXES MAJEURS DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE

I. MAINTENIR LA PLACE DE LA FRANCE DANS L'INDUSTRIE NUCLÉAIRE MONDIALE

A. PRÉPARER L'AVENIR

La stabilisation de la demande, l'amélioration de la disponibilité du parc nucléaire, le développement de la production autonome d'électricité -en particulier de la cogénération- et la prolongation de la durée de vie des centrales expliquent la « baisse de charge » de l'industrie nucléaire française, dont le prochain défi réside dans le renouvellement du parc nucléaire vers 2010 environ.

C'est dans ce contexte qu'elle doit assurer le maintien de ses compétences et de sa place dans l'industrie nucléaire mondiale.

C'est pourquoi ses activités s'orientent désormais essentiellement selon trois axes : l'amélioration de l'achèvement du cycle du combustible, le développement à l'international et la préparation des réacteurs du futur.

Un développement sera consacré à ce dernier point. Dans ce contexte, les activités nucléaires de Framatome devront être garanties.

1. Préparer les réacteurs du futur

a) 2010 : l'échéance du renouvellement du parc nucléaire


• Il y a quelques semaines, l'unité de Chooz était couplée au réseau, inaugurant la nouvelle génération de centrales nucléaires. Il s'agit du premier standard de réacteur à eau pressurisée de conception entièrement française. Il devrait monter à pleine puissance en février 1997 (1.450 mégawatts). La centrale de Chooz affiche des coûts d'exploitation de l'ordre de 10 centimes par kilowattheure, contre 13 centimes pour les centrales au charbon et 15 centimes pour celles au gaz. Mais, faute de marché -dans le contexte actuel de surcapacité - cette nouvelle génération ne devrait compter que quatre tranches : les deux prévues à Chooz, puis celles en construction à Cirvaux (dans la Vienne), pour un coût total de 44 milliards de francs.

Ensuite, les nouvelles tranches seront lancées vers 2010.

b) Le « réacteur européen du futur »

Plutôt que de prolonger cette génération de centrales, la France devrait s'engager sur une nouvelle voie ouverte par le « réacteur européen du futur » ou EPR (« European Pressurized Reactor »).

Une première phase du programme EPR s'est déroulée entre fin 1990 et début 1992. Associant EDF, les électriciens allemands,

Framatome et Siemens, elle a permis de définir la stratégie d'ensemble du projet et les objectifs d'amélioration de sûreté susceptibles d'être poursuivis. Cette phase a été suivie d'une autre permettant d'établir un avant-projet simplifié, de janvier 1992 à septembre 1993.

Dans le même temps, les autorités de sûreté française et allemande ont créé une structure de travail conjointe qui a émis, en juillet 1993, un document sur les objectifs de sûreté des futurs réacteurs à eau sous pression.

Sur la base de ce document, les industriels ont transmis fin 1993 aux autorités de sûreté des deux pays un dossier décrivant les grandes options de sûreté du réacteur. Ce dossier a fait l'objet, début 1995, d'un accord des autorités de sûreté sur les principales options. Cette prise de position a permis aux partenaires industriels du projet d'engager la phase d'avant-projet détaillé en février 1995.

La viabilité technique et économique du futur réacteur franco-allemand n'est pas encore démontrée, mais fait précisément l'enjeu des études qui sont en cours.

Quelle est, dans ce contexte, la situation de Framatome ?

2. Quel avenir pour Framatome ?

Le groupe Framatome est doté depuis 1990 d'un actionnariat éclaté : Alcatel-Alsfhom (44 %), CEA-Industrie (36 %), EDF (11 %), Crédit Lyonnais (4 %).

Premier constructeur mondial de réacteurs nucléaires, le groupe Framatome s'est, depuis trois ans, diversifié dans des domaines voisins : la connectique et les équipements industriels.

Le chiffre d'affaires du groupe s'est élevé à 17,9 milliards de francs en 1995, avec un résultat net de 663 millions de francs, soit un taux de rentabilité de près de 4 %. Ce chiffre d'affaires est en baisse de 20 % par rapport à 1994 en raison de la constitution de provisions pour dépréciation de titres, notamment ceux de la Compagnie de navigation mixte.


L'activité nucléaire et ses perspectives

Coeur du métier de Framatome, elle représente 67 % du chiffre d'affaires du groupe. Cette activité vitale pour le groupe est confrontée à la baisse du marché de la construction et du renouvellement des centrales nucléaires, tant en France -on l'a vu- qu'au plan mondial.

L'atonie des marchés mondiaux entraîne une vive concurrence sur les rares projets existants. C'est notamment le cas en Chine et à Taïwan, où se présentent les grandes sociétés comme General Electric associé à Hitachi et Toshiba, ABB Combustion Engineering, Westinghouse et Mitsubishi.

Framatome compte cependant accentuer sa présence sur les marchés à l'exportation et notamment en Chine, dont le développement économique très rapide permet d'envisager de nouvelles tranches. A cet égard, l'entreprise a pu signer avec ce pays, en janvier 1995, une lettre d'intention portant sur la commande à Lingao de deux îlots nucléaires de 985 mégawatts. Les contrats finaux ont été signés le 15 octobre 1995.

Depuis plus de 15 ans, Framatome s'est préparé à la baisse de la construction de centrales en renforçant ses activités liées à la maintenance des réacteurs. Ainsi, les activités de service d'ingénierie de maintenance et de ventes du combustible représentant 60 % des activités nucléaires du groupe.

On a vu que dans le cadre du projet EPR, Framatome poursuivait sa collaboration avec EDF, Siemens et les électriciens allemands. Les études liées à l'avant-projet détaillé, qui devraient se poursuivre jusqu'en 1997, représentent un coût de 750 millions de francs dont 16 % directement financés par Framatome.


Les autres activités

Les activités connectiques représentent 4,3 milliards de francs, soit 24 % du chiffre d'affaires du groupe. Après des années difficiles, liées à l'affaiblissement des marchés militaires et aéronautique, l'année 1995 est marquée par une très forte progression des ventes de Framatome Connectors International (FCI), essentiellement dans la branche automobile et électrique. Cet aspect favorable permet de conforter Framatome dans ses choix de diversification.

Les activités mécaniques, avec 1,6 milliards de francs, représentent 9 % des activités du groupe.

Le groupe Framatome doit donc poursuivre ses efforts de diversification et maintenir sa capacité de recherche et développement pour rester compétitif.

A cet égard, il faut souligner qu'en 1995, les dépenses de recherche et développement du groupe sont restées soutenues, à 920 millions de francs, et les investissements industriels consacrés aux nouveaux produits et services ont atteint 698 millions de francs.


La privatisation éventuelle de Framatome

Alcatel Alsthom et le groupe britannique GEC ont souhaité ouvrir des négociations en vue d'une fusion de GEC Alsthom et Framatome et le Gouvernement a donné son accord pour que les actionnaires publics de Framatome participent à l'étude de ce rapprochement.

Le Gouvernement souhaite que le rapprochement des deux sociétés, dont les modalités restent à déterminer, soit fondé sur un véritable projet industriel. L'objectif de cette opération serait de constituer un ensemble qui offrirait dans le domaine de l'énergie une gamme complète de centrales électriques, nucléaires et conventionnelles, et qui disposerait d'une taille (chiffre d'affaires d'environ 80 milliards de francs et 90.000 salariés) lui permettant de rivaliser avec ses concurrents internationaux, de conforter l'activité et l'emploi des deux groupes actuels et de poursuivre les coopérations internationales.

Le Gouvernement souligne que l'ensemble des actionnaires actuels des deux sociétés pourraient participer au nouvel ensemble, en tenant compte de leurs apports respectifs. Rappelons que GEC Alsthom est détenu à parité par Alcatel Alsthom et GEC, alors que Framatome est détenue majoritairement par des actionnaires publics français (CEA-Industrie, EDF et CDR), à 44 % par Alcatel Alsthom et par ses salariés.

Compte tenu de l'importance de l'enjeu industriel de la filière nucléaire française, d'aucuns s'étaient inquiétés du calendrier qui aurait pu voir se succéder l'opération de privatisation de Thomson et la fusion de Framatome avec GEC-Alsthom et de ses conséquences éventuelles en termes de pérennité de l'entreprise, d'emploi et d'avenir de la filière nucléaire française.

M. Franck Borotra, Ministre de l'Industrie, de la Poste et des Télécommunications, a récemment défini les quatre conditions qui devront être respectées dans le cadre du rapprochement de ces deux entreprises :

- maintenir la maîtrise française sur la filière nucléaire ;

- respecter les engagements pris avec Siemens sur le réacteur du futur ;

- préserver la structure et les choix de stratégie industrielle de Framatome ;

- assurer le maintien des réserves de l'entreprise.

A cet égard, il faut rappeler que Framatome dispose d'une trésorerie de 8 milliards de francs.

Un éclairage intéressant sur ce dossier a été fourni à la commission à l'occasion de l'audition deM. Jean-Claude Leny, président de Framatome, dont le compte-rendu figure en annexe au présent rapport.

B. POURSUIVRE LES RECHERCHES CONCERNANT LES DÉCHETS RADIOACTIFS

1. L'implantation de laboratoires souterrains

Rappelons que la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs fixe le principe d'une diversification des voies de recherche, avant qu'une décision sur un éventuel stockage en profondeur de ces déchets ne soit soumise dans un délai de 15 ans au législateur, si cette option est validée par le résultat des recherches.

Ainsi, elle prévoit les études suivantes :

- aptitude des formations géologiques profondes à stocker, dans des conditions de sûreté optimales, les déchets fortement radioactifs et à longue durée de vie ;

- possibilité de réduire la nocivité de ces déchets, en séparant certains des éléments les plus toxiques pour les transformer en éléments radioactifs à vie plus courte (retraitement poussé et transmutation) ;

- procédés de conditionnement et d'entreposage de ces déchets.

S'agissant de l'implantation de laboratoires souterrains, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) a identifié, début 1995, trois sites potentiels dans le Gard, la Vienne et dans l'Est : sur une zone commune à la Haute-Marne et à la Meuse.

Les travaux réalisés sur ces trois sites ont fait l'objet d'un rapport de synthèse de l'ANDRA transmis au Gouvernement en avril 1996.

Le bilan de ces travaux a conduit le directeur de la sûreté des installations nucléaires à estimer qu'à ce stade, aucun site ne présente de caractère rédhibitoire du point de vue de la sûreté.

En conséquence, le Gouvernement a décidé d'autoriser l'ANDRA à déposer des demandes d'autorisation d'installation et d'exploitation de laboratoires souterrains pour les trois sites identifiés. A l'issue des procédures comprenant enquête publique et avis des collectivités locales concernées, le Gouvernement sera amené à se prononcer sur le nombre et l'implantation des laboratoires souterrains.

Les recherches font l'objet d'une double évaluation, scientifique et parlementaire, dont les conclusions sont rendues publiques. La commission nationale d'évaluation, formée de scientifiques indépendants, et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ont rendu chacun leurs premières conclusions sur les recherches conduites en application de la loi.

2. Superphénix

La centrale de Creys-Malville a récemment fait couler beaucoup d'encre à la suite de la parution du rapport annuel de la Cour des Comptes.

Cette dernière a chiffré le coût du surgénérateur Superphénix à 60 milliards de francs, dans l'hypothèse de sa fermeture en l'an 2000, comme le prévoit le contrat entre EDF et ses partenaires étrangers, tout en relevant des « choix comptables contestables » et des « lacunes » dans la gestion de la centrale.

En conclusion, indique le rapport, le « bilan de l'expérience » de Superphénix « apparaît aujourd'hui défavorable dans tous les cas sur le plan financier » et « des interrogations demeurent sur la pérennité de cet équipement ».

Ce coût est effectivement considérable et l'analyse de la Cour pose légitimement le problème de l'utilisation des fonds concernés. Elle néglige cependant les retombées attendues de Superphénix en matière de recherches et de solution aux problèmes de retraitement des combustibles et d'élimination des déchets radioactifs.

Or, il faut rappeler qu'à la suite des conclusions de la commission Castaing, l'intérêt de Superphénix comme outil de recherche a été confirmé par le Gouvernement en juillet 1996.

Dans son rapport, cette commission avait considéré « comme légitime le désir de tirer tous les enseignements possibles des investissements considérables, intellectuels et financiers, qui ont déjà été consentis pour la réalisation de Superphénix ».

Au-delà de la qualification industrielle d'un prototype de réacteurs à neutrons rapides, Superphénix présente un intérêt scientifique de portée plus générale, notamment au regard des recherches à effectuer d'ici 2006 dans le cadre de la loi du 30 décembre 1991 précitée.

A cet égard, le CEA a engagé le programme CAPRA (Consommation accrue de Plutonium dans les Rapides) pour démontrer la faisabilité des réacteurs à neutrons rapides à brûler du plutonium.

C. LES DOTATIONS BUDGÉTAIRES

1. Le CEA

Rappelons que le contrat d'objectifs du CEA, signé en mars 1995 avec l'État, lui assigne pour mission centrale de donner à la France la maîtrise de l'atome dans les secteurs de la recherche, de la santé, de l'énergie, de l'industrie et de la sûreté, ceci pour le court, moyen et long terme.

Le contrat d'objectifs doit permettre au CEA de concentrer ses efforts sur les grands enjeux actuels de recherche pour l'industrie nucléaire en France : montrer la capacité de gérer les déchets radioactifs à vie longue, assurer le recyclage du plutonium, étudier les procédés d'enrichissement de l'uranium par laser, préparer des nouvelles générations de réacteurs encore plus sûrs.

Il prévoit que les ressources publiques concourant au financement des activités civiles du CEA seront stables en francs constants sur la durée du contrat. Pour conjuguer cette évolution et la mise en oeuvre de ses objectifs, qui nécessitent une reprise de ses investissements, le CEA devra mobiliser au-delà de la subvention budgétaire, les recettes externes provenant de ses partenariats, ainsi que des ressources propres provenant de la valorisation de ses actifs.

Ainsi, le projet de loi de finances pour 1997 propose-t-il une augmentation de + 1,8 % de la subvention civile totale accordée au CEA (6,4 milliards de francs). Mais, seuls 50 millions de francs sont inscrits à cet effet au Titre VI du budget de l'industrie.

Au total, le budget d'investissement du CEA est maintenu à un niveau élevé (1.200 millions de francs), mais il ne figure que pour partie dans le titre VI :

- ce dernier est réduit à 100 millions de francs en 1997, dont 50 millions de francs inscrits sur le budget de l'Industrie et 50 millions de francs inscrits sur le budget de la Recherche. Ce montant était de 400 millions de francs en 1996 ;

- 200 millions de francs devront être transférés en 1997 du budget de la Défense pour financer les activités civiles du CEA ;

- 350 millions de francs proviendront du compte d'affectation spéciale des produits de privatisation ;

- une part croissante (550 millions de francs) des ressources nécessaires pour assurer le budget d'investissement devra provenir de CEA-Industrie (en sus des 470 millions de francs annuels de dividendes et frais de groupe déjà versés par cette entreprise et qui constituent l'intégralité du résultat de cette société). Cette contribution supplémentaire vient après une mesure de même nature en 1996 (495 millions de francs). Compte tenu de la trésorerie de CEA-Industrie, elle nécessitera des cessions d'actifs.

On peut donc s'inquiéter du caractère précaire d'une partie non négligeable des ressources affectées aux investissements du CEA. En outre, affecter ainsi le produit de la cession d'actifs au financement des investissements ne risque-t-il pas, à terme, de faire courir des risques sur le financement du démantèlement des installations civiles du CEA que ces actifs sont censés gager ?

Préoccupé par les suppressions d'emplois qui devraient accompagner la fermeture de certains sites, y compris pour la COGEMA, votre rapporteur pour avis souhaite que les nouveaux programmes en ce domaine soient développés sur les sites existants.

Votre commission a auditionné M. Yannick d'Escatha, administrateur général du CEA. Le compte-rendu de cette audition figure en annexe au présent rapport.

2. Les autres dotations

Dans le domaine des matières premières, il faut noter que la dotation au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) connaît une nouvelle baisse, de 4,7 %, pour s'élever à 325 millions de francs. Cette dernière résulte essentiellement d'une économie sur les crédits de prospection et développement miniers.

II. UNE PRISE EN COMPTE CROISSANTE DES PRÉOCCUPATIONS EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT

Les Français se montrent de plus en plus sensibles à la qualité de leur environnement. La politique énergétique doit à l'évidence tenir le plus grand compte de cette préoccupation majeure. La politique nucléaire suivie avec constance par les gouvernements successifs répond à cette attente.

A l'occasion de son précédent avis, votre rapporteur avait fait le bilan de la politique de maîtrise de l'énergie, qui a pour objectif principal la réduction de la dépendance énergétique, mais a également un impact positif en matière d'environnement.

Cette année, il consacrera un développement particulier d'une part, aux mesures du projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie de nature à favoriser le développement des véhicules et des carburants propres et, d'autre part, à deux types d'énergies renouvelables : le bois et l'énergie éolienne, qui sont un peu le « parent pauvre » de notre politique d'incitation en faveur de ce type d'énergie.

A. LE PROJET DE LOI SUR L'AIR ET L'UTILISATION RATIONNELLE DE L'ÉNERGIE

On rappellera brièvement que ce projet de loi, en cours d'examen par le Parlement, prévoit un renforcement de la réglementation en vigueur et un dispositif d'incitations fiscales.


• C'est ainsi que son article 19 fixe pour l'ensemble des carburants et combustibles liquides une obligation d'incorporation d'un taux minimal d'oxygène avant le 1er janvier 2000. Votre commission s'est félicitée de cette disposition.


• Par ailleurs, le projet de loi encourage la mise en circulation de véhicules électriques et de véhicules fonctionnant au gaz naturel (GNV) ou au gaz de pétrole liquéfié (GPL).

- En outre, pour donner une nouvelle impulsion au développement du véhicule électrique, le Premier ministre a récemment demandé à chaque département ministériel et aux grands établissements publics (La Poste, France Télécom, EDF...) de se doter d'un plan d'électrification de leur parc automobile de sorte que 10% des véhicules acquis soient des véhicules électriques.

Le parc des véhicules électriques se composait, en 1995, de 1.500 véhicules.

- A l'heure actuelle, le parc mondial de véhicules GNV est estimé à environ 900.000 unités, dont 250.000 en Italie. Il convient d'encourager son développement en France.

Le GPL a des atouts en termes d'environnement et d'indépendance énergétique, puisqu'il est constitué à 50 % de butane, produit excédentaire, et à 50 % de propane, dont les trois quarts proviennent des raffineries françaises.

- Plusieurs milliers de véhicules à gaz de pétrole liquéfié ont circulé en France dans les années 80. Le relèvement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) sur le gaz de pétrole liquide carburant a gravement nui à la compétitivité de ces véhicules. Le nombre de véhicules en circulation dans notre pays a été jusqu'à ces derniers mois en régression. La consommation annuelle de GPLc en 1995 s'est élevée à seulement 26.100 tonnes distribuées dans 712 points de vente.

La réduction de la TIPP intervenue début 1996 sur le GPLc -que votre commission avait soutenue- a permis d'inverser la tendance.

Cette évolution sera encore amplifiée avec l'application des mesures en faveur des véhicules GPLc prévues par le projet de loi précité. Une niche de développement a été retenue : le transport en commun. Les autobus supportent en effet la charge supplémentaire due aux réservoirs et peuvent se satisfaire d'un seul point de ravitaillement. Deux cents bus à gaz naturel sont en construction en France et devraient être commercialisés dès 1997.


S'agissant des mesures fiscales proposées :

- L'article 23 du texte gouvernemental autorise un remboursement partiel de taxes en faveur des exploitants de transport public de voyageurs utilisant des énergies peu polluantes. Ce remboursement porte sur la taxe intérieure de consommation pour le GNV, et sur la TIPP pour le GPL.

- L'article 24 propose une exonération de la taxe sur les véhicules de société pour les véhicules électriques ainsi que pour ceux fonctionnant au GNV ou au GPL.

- L'article 25 ouvre aux conseils généraux la possibilité d'exonérer de la vignette automobile les véhicules qui fonctionnent au moyen de l'énergie électrique, du GNV ou du GPL.

- L'article 26 reprend le même dispositif que l'article précédent en ce qui concerne les véhicules visés, pour ouvrir aux conseils régionaux la faculté d'exonérer ces véhicules de la taxe proportionnelle sur les certificats d'immatriculation.

- L'article 27 étend le dispositif d'amortissement exceptionnel, dont seuls bénéficient les véhicules électriques, aux autres véhicules utilisant le GNV ou le GPL.

Ces dispositions ont cependant fait l'objet de nombreux amendements de la part des assemblées. Le projet de loi sera adopté définitivement d'ici fin décembre 1996.

B. LE POINT SUR DEUX TYPES D'ÉNERGIES RENOUVELABLES INSUFFISAMMENT ENCOURAGÉS : LE BOIS ET L'ÉNERGIE ÉOLIENNE

Grâce notamment à l'hydroélectricité (58,6 %) et au bois combustible, la France est le premier producteur européen d'énergies renouvelables, avec 29 millions de tonnes-équivalent-pétrole en 1995, soit le tiers de notre production d'électricité nucléaire.

Cependant le bois ou l'énergie éolienne mériteraient d'être davantage encouragés.

1. Le bois combustible

Certes, le bois représente déjà 36 % de l'ensemble de la production d'énergies renouvelables dans notre pays, mais il pourrait être davantage exploité et représente l'une des énergies renouvelables les plus prometteuses. En effet, la France dispose d'un important potentiel en matière de bois combustible, avec 16 millions d'hectares de sol boisé, soit 29% de sa superficie totale.

Il est vrai que le prix du pétrole n'a, ces dernières années, pas incité au développement de la filière. En outre, ce dernier se heurte au montant élevé des investissements nécessaires au développement de chaufferies automatiques au bois déchiqueté et au manque d'organisation des circuits d'approvisionnement en bois énergie.

Pour lever ces obstacles, les efforts portent actuellement sur un développement local de promotion de la filière.

C'est ainsi qu'à l'initiative des ministères de l'Industrie, de l'Agriculture et de l'Environnement, l'ADEME a lancé en 1994 un appel à proposition en direction des collectivités locales, visant à développer durablement le chauffage collectif au bois.

Dans le cadre de ce plan « bois-énergie », l'objectif est de créer une dynamique locale, de mobiliser acteurs professionnels et industriels autour d'un programme concerté pluriannuel. Il s'agit de réussir à substituer plus de 60.000 tonnes-équivalent-pétrole et à créer 500 emplois environ d'ici l'an 2000.

L'État s'est engagé à apporter 74 millions de francs de subventions sur quatre ans, soit autant que les collectivités locales, sur les 500 millions que devraient coûter les projets.

Cependant, il semble que certains projets devront être révisés à la baisse faute d'un « coup de pouce » des pouvoirs publics.

En outre, le développement de la filière est handicapé par un taux de TVA qui passe de 5,5 % à 20,6 % sur les bûches de plus d'un mètre de long. Or, le bois de chauffage est souvent déchiqueté.

Quant à la TVA sur les déchets de bois (20,6 % ou 0 %), « sa définition est si floue qu'on assiste sur le terrain à une véritable foire d'empoigne, chacun interprétant la réglementation à sa façon » d'après l'ADEME 1 . Cette situation d'autant plus inadaptée qu'elle génère un marché noir important.

Interview deM. Ballaire, direction de l'agriculture et des bio-énergies de l'ADEME dans Agra Presse n° 2563 du 6 mai 1996.

Votre commission souhaite que le Gouvernement expose ses intentions sur ces points et encourage plus nettement la filière bois-énergie.

2. L'énergie éolienne

A ce jour, le paysage français ne compte que quelques éoliennes pour une puissance de quelques 4 MW , un niveau d'équipement qui relègue la France en queue du peloton européen (1.800 MW installés, soit près de la moitié de la puissance éolienne mondiale). Le gros handicap de l'énergie du vent réside dans son prix. En effet, le coût moyen du kWh produit par les éoliennes les plus performantes est de 1,5 à 2 fois plus cher que celui du réseau EDF.

Le potentiel total recensé dans l'Hexagone est évalué à 1.000 MW. Le développement de l'énergie éolienne ne pourrait donc couvrir au mieux que 1 % de nos besoins.

Mais il présente un double avantage :

- il a pour mérite de permettre l'électrification de sites isolés.

On compte, en effet, sur le territoire national environ 20.000 foyers installés dans des sites isolés et non raccordés au réseau (dont 15.000 dans les territoires et départements d'outre-mer). Relier ces sites aux lignes EDF reviendrait plus cher que de les doter d'installations autonomes utilisant l'énergie solaire ou éolienne, voire les deux, en complément. Les petites éoliennes permettent de charger des batteries alimentant un réfrigérateur, par exemple, ou des lampes dans une bergerie. Ce programme d'électrification par le vent des sites isolés s'effectue dans le cadre d'un accord signé en 1993 par EDF et l'ADEME. Il sera prochainement reconduit pour une durée de trois ans.

Votre commission se félicite de cet intérêt -malheureusement un peu tardif- porté au développement de cette énergie d'avenir, notamment pour les DOM-TOM et pour de nombreux pays en développement. Il lui apparaît, en effet, essentiel que les industriels français proposent une offre diversifiée et compétitive concernant l'ensemble des sources d'énergie ;

- le développement de l'énergie éolienne permet, par ailleurs, de créer des références françaises et d'acquérir des connaissances dans cette technologie et dans le montage des projets afin d'avoir des opérateurs de dimension mondiale. Il s'agit ici de raccorder des installations de grande puissance au réseau (300 à 600 kW). EDF participe d'ailleurs déjà à plusieurs opérations : deux en France (Dunkerque et sa future ferme de 2,7 MW, La Désirade) et une au Maroc (ferme de 50 MW à Tetouan).

En effet, dans les pays où le réseau électrique est peu dense, c'est-à-dire en-dehors de l'Europe et de l'Amérique du Nord, ce marché offre de vastes perspectives pour lesquelles certains pays -notamment d'Europe du Nord- ont pris une certaine avance.

L'un des leviers de ce développement sera le programme éolien annoncé en février 1996.

En effet, conformément à l'objectif du Gouvernement de diversifier les modes de production de l'énergie électrique en favorisant la création d'unités de production utilisant l'énergie éolienne, le ministre de l'industrie a récemment lancé le programme « EOLE 2005 » qui doit porter le parc éolien français à un niveau de puissance installée situé entre 250 et 500 MW à l'horizon 2005.

Ce programme, conduit par EDF dans le cadre de sa mission de service public, consistera en une série d'appels à candidature pour la fourniture d'électricité d'origine éolienne par des producteurs autonomes, distincts de l'entreprise publique.

La puissance de chaque installation, qui devra être réalisée en métropole ou dans un département d'Outre-mer desservi par EDF, sera comprise entre 1,5 et 8 MW (plafond légal imposé aux producteurs indépendants). Les candidats doivent fixer eux-mêmes le prix d'achat de leur électricité, au risque de ne pas être retenus si leur prix est trop élevé.

L'écart entre le tarif d'achat en vigueur et ceux requis pour garantir la rentabilité des projets retenus sera compensé par EDF, l'ADEME et les collectivités locales.

Votre commission relève, à cet égard, avec satisfaction qu'EDF doublera le budget qu'elle consacre au développement des énergies solaire et éolienne, pour le porter à 25 millions de francs par an pendant 5 ans.

C. UNE CHUTE SPECTACULAIRE DES CRÉDITS CONSACRÉS À L'ADEME

Dans le domaine de l'énergie, les missions de l'ADEME consistent essentiellement à promouvoir l'efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables et à inciter à une plus grande maîtrise de la demande d'électricité.

Le projet de loi de finances pour 1997 prévoit une chute drastique des crédits de cet organisme de :

- 5 % pour les crédits de fonctionnement,

- surtout pour les crédits d'intervention :

- 50 % en autorisations de programme (à 75 millions de francs)

- et - 27,5 % en crédits de paiement (après une baisse de plus de 23 % en 1996 !), soit 87 millions de francs.

Le Gouvernement justifie cette évolution par « la nécessaire rigueur budgétaire et la contribution des crédits industrie au financement de la loi sur l'air ».

Les moyens d'intervention de l'ADEME en matière de maîtrise de l'énergie représentent désormais le quart de ceux dont elle disposait en 1990 !

Votre commission s'inquiète des conditions dans lesquelles l'ADEME pourra désormais poursuivre ses missions.

Les solutions avancées par le Gouvernement apparaissent limitées, surtout si l'on veut bien se souvenir qu'il y a un an le ministre de l'industrie avait souhaité donner un nouveau départ à la politique de la maîtrise de l'énergie... Il s'agirait de :

- concentrer les moyens sur les missions et sur les actions présentant le meilleur rapport coût/efficacité ;

- inciter les opérateurs français à recourir plus largement aux appels à propositions européens portant sur l'utilisation rationnelle de l'énergie et les énergies renouvelables (THERMIE, Joule, SAVE, ACTENER...).

L'ADEME souffre, de plus, d'un déficit de trésorerie. L'Inspection Générale des Finances a estimé que pour faire face à ce déficit et lui permettre de réduire ainsi ses dettes, un apport supplémentaire de 250 millions de francs sur 3 ans apparaîtrait comme un niveau raisonnable.

Elle a suggéré que cet apport soit constitué à hauteur de 180 millions de francs sur trois ans des produits financiers résultant du placement des taxes fiscales et parafiscales dont l'ADEME assure la gestion.

III.CONFORTER LA COMPÉTITIVITÉ DES GRANDS OPÉRATEURS FRANÇAIS

A. L'ÉLECTRICITÉ

1. L'évolution des résultats d'EDF

a) 1995 : des résultats obérés par une ponction croissante de l'Etat


• Grâce aux ventes d'énergie qui ont progressé de 3 % (181,9 millions de francs) en 1995 -largement tirées par les exportations- le chiffre d'affaires d'EDF a enregistré une hausse de 2,8 % par rapport à l'exercice précédent, après deux années consécutives pratiquement stables.

Les exportations ont, en effet, continué à croître, permettant de dégager un solde en devises de 17,7 millions de francs. Les exportations d'électricité représentent ainsi près de 20 % du solde de la balance commerciale de notre pays.


• En 1995, les investissements d'EDF se sont établis à 35,5 milliards de francs, en légère augmentation (+ 1,1 %) par rapport à l'année précédente.


• Le contrat de plan a prévu que l'endettement à la fin de 1996 devrait être inférieur de 40 milliards de francs à celui du début du contrat (1993).

A la fin de 1995, la dette s'est ainsi élevée à 145,5 milliards de francs et le désendettement cumulé depuis le début du contrat a atteint 54,9 milliards de francs au sens du contrat de plan, dont 17,7 milliards de francs en 1995.

A cette date, le désendettement a été supérieur de 10 milliards de francs environ à la trajectoire prévue et on peut se féliciter de ces résultats.


• Le résultat d'exploitation a quant à lui fortement diminué (à 12,9 milliards de francs), ceci s'expliquant notamment par une hausse des provisions.


• Le résultat net avant prélèvement de l'Etat s'établit à 2.731 milliards de francs, soit une baisse de 14,6 %.

Le résultat net après prélèvement de l'Etat a diminué de 2,2 % pour s'établir à 1.231 millions de francs.

Globalement, l'entreprise a souffert d'une augmentation de la ponction opérée par l'Etat.

En effet, on peut estimer à 11 milliards de francs, les sommes qui ont été prélevées sur la trésorerie d'EDF pour alimenter le budget de l'Etat en 1995. Il suffit de se souvenir qu'EDF a dû à la fois répercuter la hausse de la TVA sur les abonnements, participer au financement du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables prévu par la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et assumer les mesures de déplafonnement de la taxe professionnelle, sans oublier les acomptes sur dividendes et la rémunération du capital. N'est pas ce qu'on appelle une merveilleuse « vache à lait » ?

Mais cette « politique » trouve ses limites :

- dans l'impossibilité de voir nos opérateurs -car GDF est également concerné- vivre avec cette épée de Damoclès que représente le risque permanent de subir une intervention inopinée des pouvoirs publics pouvant remettre en cause leur stratégie, alors même qu'ils seront confrontés à une concurrence croissante ;

- plus prosaïquement, dans une probable baisse des prévisions de résultats pour 1996.

b) 1996 : des résultats revus à la baisse

Alors qu'il tablait sur un bénéfice net de 3,5 milliards de francs, M. Edmond Alphandery, président d'EDF, a récemment annoncé aux personnels de l'entreprise qu'il fallait sans doute s'attendre à des résultats plus modestes pour 1996.

Deux raisons principales peuvent expliquer cette évolution :

- la faible croissance de l'économie française ;

- de moindres performances commerciales, l'entreprise ayant perdu des parts de marché dans le chauffage électrique.

Dans tous les cas, le nouveau contrat de plan devra impérativement clarifier les relations entre l'Etat et l'entreprise publique.

2. Quelles perspectives pour le nouveau contrat de plan Etat-EDF ?

S'il est encore trop tôt pour présenter les grands axes du prochain contrat de plan entre l'Etat et EDF -qui est en cours de préparation-, il est cependant permis d'énoncer deux principes qui devraient présider à son élaboration.

Le premier, dans la droite ligne de ce qui vient d'être exposé, concerne les prélèvements opérés par l'Etat sur la trésorerie de l'entreprise.

Votre commission estime qu'on ne peut continuer à multiplier ce type de prélèvements de façon non concertée et non programmée. Il est donc impératif que le contrat de plan fixe clairement les relations entre l'Etat et EDF, de façon à ne pas entraver l'entreprise dans sa politique de désendettement et de compétitivité.

A cet égard, la libéralisation progressive du marché de l'électricité incite EDF à accentuer ses efforts en matière de réduction des tarifs.

Déjà, en 1995, ces derniers ont diminué de 1,7% de plus que l'engagement du contrat de plan (qui était de 1,25 %).

Sur la période 1997-2000, la baisse des prix de l'électricité devrait atteindre 12 à 15 % en francs constants par rapport aux tarifs actuels. Cet objectif devrait s'accompagner d'un réajustement de la grille tarifaire de façon à refléter davantage la vérité des coûts. Le premier ministre a demandé à ce que cette évolution soit favorable aux consommateurs domestiques.

Cette baisse des tarifs devrait s'accompagner d'une réduction des coûts proportionnelle.

B. LE GAZ

1. Les importants changements en cours dans les approvisionnements

D'importantes évolutions caractérisent le domaine des approvisionnements gaziers. La forte croissance de la demande en Europe occidentale, l'épuisement progressif de certains gisements comme celui de Lacq, l'essor et la diversification de l'offre, conduiront au lancement et bientôt à la mise en service de nouvelles connexions gazières de plusieurs milliers de kilomètres, qui viennent des grandes zones de production que sont la Mer du Nord, l'Algérie et la Sibérie. Ces projets sont, dans l'ordre chronologique :

- le gazoduc Maghreb-Europe, qui devrait entrer en service avant la fin de l'année 1996 ;

- les projets d'extension des capacités existantes entre la Norvège et le continent, et en particulier la mise en service du gazoduc Norfra, entre Troll et Dunkerque, opérationnel en 1998 ;

- « l'Interconnector », c'est-à-dire la liaison Grande-Bretagne-continent, qui devrait fonctionner vers la fin de 1998 ;

- le projet de doublement de la ligne de gazoduc allant de la Sibérie vers l'Europe occidentale.

Tous ces changements représentent des investissements très lourds, mais aussi très porteurs de renouveau pour l'approvisionnement de notre pays et de l'Europe occidentale.

Progressivement développé au cours des trente dernières années, le réseau européen poursuit donc son expansion et son interconnexion. Tous les pays européens seront bientôt reliés au réseau de transport. Cette interconnexion totale constituera un élément majeur et renforcera la sécurité d'approvisionnement du marché européen.

Cependant, cette nouvelle souplesse dans les livraisons de gaz ne pourra pas ne pas avoir d'incidence sur l'organisation du marché et sur la stratégie des acteurs. Le transit du gaz, par exemple, devrait jouer un rôle de plus en plus important. Certains pays, comme la Belgique ou la France, bénéficient d'une position géographique privilégiée pour effectuer des transferts Nord-Sud. Dans un contexte d'évolution vers la libéralisation du marché, ces nouveaux développements entraîneront probablement l'émergence de nouveaux services en matière de commercialisation du gaz peu ou pas développés actuellement.

Le fonctionnement du marché gazier est lui-même en train d'évoluer. Ce point -lié au projet de directive concernant le marché intérieur du gaz- a été évoqué dans le premier chapitre du présent rapport.

2. L'évolution des résultats de GDF

a) 1995 : des résultats très positifs


En 1995, GDF a poursuivi ses efforts pour améliorer ses performances et la qualité de ses services tout au long de la chaîne gazière. L'ensemble de ces actions a permis de maintenir une augmentation des ventes de 2,9 % en année climatique moyenne (353 milliards de kwh), malgré un recul de la croissance française et une concurrence énergétique accrue.


• Son chiffre d'affaires a atteint 49,3 milliards de francs, en hausse de 4,5 % par rapport à 1994.


• Son résultat net s'est élevé à 1,920 milliards de francs après versement de 1,167 milliards de francs au titre de l'impôt sur les sociétés, en hausse de 42 % par rapport à 1994.

Le prélèvement de l'Etat s'est élevé à 970 millions de francs.


• GDF a poursuivi son désendettement à hauteur de 2,2 milliards de francs. Son taux d'endettement est ainsi passé de 192 % en 1994 à 136 % en 1995. Le contrat d'objectif prévoit un taux inférieur à 100 % à fin 1996.


• L'entreprise a respecté ses objectifs de productivité et réduit le coût du Kwh de 3,2 % en 1995 ; les tarifs domestiques ont baissé de 6 % entre janvier 1994 et avril 1996.

b) 1996 : l'embellie des résultats devrait perdurer

M. Pierre Gadonneix, Président de Gaz de France, a récemment annoncé que les bénéfices de l'entreprise publique pour 1996 seront sensiblement supérieurs à ceux de l'année précédente.

Les ventes de gaz ont, en effet, enregistré une progression de 9 % au premier semestre et les résultats prévisionnels de mai dernier affichaient un résultat net après impôt et prélèvement de l'Etat de 2,5 milliards de francs.

c) Vers un troisième contrat d'objectifs

Le troisième contrat d'objectifs entre l'Etat et Gaz de France devrait être signé d'ici à la fin de cette année.

Dans ce cadre, GDF entend conquérir 1 millions de clients en France et envisage d'atteindre cet objectif pour moitié par le jeu de la concurrence entre les offres d'énergie, pour 20 % par le développement de produits comme la cogénération et le gaz naturel liquéfié et pour 20 % par le développement de la desserte.

Pour ce faire, GDF envisage d'investir à concurrence de :

- 5 milliards de francs en France, dont 500 millions de francs pour connecter 200 à 250 communes nouvelles par an, pendant 5 à 10 ans, et autant pour améliorer et rénover le réseau existant ;

- 5 milliards de francs pour nouer des partenariats et prendre des participations.

S'agissant de la cogénération, il convient de préciser que de nouvelles conditions d'achat de l'électricité produite seront proposées par EDF. Ces conditions d'achat seront déterminées de façon à refléter correctement les coûts évités pour le système électrique, à limiter les risques pesant sur les cogénérateurs en cas de défaillance et à inciter à un dimensionnement et à un fonctionnement des cogénérations en fonction des besoins de vapeur et non en fonction des niches tarifaires.

Comme pour EDF, votre commission souhaite que le contrat d'objectifs de GDF fixe clairement les relations entre l'Etat et l'entreprise.

3. L'extension des activités des autres distributeurs gaziers

Rappelons que la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz a confié à Gaz de France l'exécution du service public de distribution de gaz au travers d'un réseau.

Cette loi a toutefois prévu quelques exceptions à ce monopole, en faveur des régies et sociétés d'économie mixte gazière existants, lors de la promulgation de la loi.

Un arrêt du Conseil d'Etat du 28 mars 1990 a interprété cette loi comme réservant à Gaz de France la desserte des communes non encore desservies, ce qui interdisait aux régies et aux sociétés d'économie mixte de desservir de nouvelles communes.

La loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a modifié quelque peu ce dispositif, puisqu'elle prévoit que les distributeurs existants, autres que Gaz de France, pourront étendre leur activité aux communes connexes à celles qu'elles desservent, dès lors que ces communes ne disposent pas d'un réseau public de gaz.

Elle permettra localement aux régies et aux sociétés d'économie mixte existantes de proposer aux communes une offre de raccordement au réseau, qui pourra être, dans certains cas, mieux adaptée que celle de Gaz de France. Il se peut, en effet, que pour des raisons tenant à la géographie ou à la configuration des réseaux, un tel distributeur puisse desservir une nouvelle commune dans de meilleures conditions techniques et économiques que GDF.

En revanche, le Parlement n'ayant pas souhaité remettre en question l'équilibre de la loi de 1946, ni le monopole de la distribution inscrit dans cette loi et dévolu à GDF, la loi ne permet pas la création de nouvelles distributions par les collectivités locales elles-mêmes.

Cette loi prévoit, en outre, que la concession par une commune de la distribution gaz sur son territoire sera subordonnée au respect d'une rentabilité suffisante des investissements à réaliser. Cette rentabilité sera appréciée en prenant en compte les recettes et les dépenses prévisionnelles actualisées.

Il s'agit par là de veiller à ce que l'extension de la desserte en gaz ne se fasse pas au détriment du respect des règles normales de concurrence entre énergies substituables, et plus largement de l'optimum économique et social.

Ces règles qui s'appliquaient déjà à GDF devront donc être respectées pour la création de toute nouvelle desserte, quelque soit le distributeur. En outre, les subventions éventuelles, locales, nationales ou européennes, ne doivent pas avoir pour conséquence de rendre rentable un projet qui ne l'est pas.

C. LE PÉTROLE

1. Une embellie conjonturelle des résultats du secteur pétrolier

Après des résultats très négatifs en 1995, l'industrie pétrolière a affiché une forte hausse de ses résultats pour le premier semestre 1996.

Ainsi, le bénéfice semestriel net de Total a progressé de 45 %, à 2,6 milliards de francs, pour un chiffre d'affaires en hausse de 20 % (à 80,7 milliards de francs).

De même, Elf Aquitaine a vu son bénéfice semestriel progresser de 24 %, à 3,6 milliards de francs.

Cette évolution est liée à une hausse de la production et des cours du pétrole, ainsi qu'à la remontée des marges de raffinage.

Au premier semestre 1996, le cours du « brent » de la mer du Nord a, en effet, dépassé 19 dollars le baril, contre 17,5 dollars un an auparavant.

Cette augmentation des prix du pétrole résulte essentiellement de la rigueur de l'hiver 1995-1996, d'une baisse des stocks et de l'agitation politique au Moyen-Orient.

En raison de l'abondance de l'offre dans les pays non OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), elle ne peut cependant être considérée comme durable.

C'est pourquoi, confrontée à des difficultés structurelles, les compagnies pétrolières poursuivront leurs efforts en matière de réduction des coûts.

L'objectif des deux grands groupes français est de porter, dès 1998, la rentabilité de leurs fonds propres au-dessus de 10 %, comme leurs concurrents étrangers (contre 7,3 % en 1995 pour Total, par exemple).

2. Des problèmes structurels persistants

a) Production : une nécessaire adaptation de la fiscalité

Le montant des recettes fiscales en 1995 issues du secteur de l'amont pétrolier a été d'environ 719 millions de francs (MF), dont 195 MF de redevances progressives, 210 MF de redevances départementales et communales des mines, 277 MF d'impôt sur les sociétés et 38 MF de prélèvement exceptionnel, pour une production de 2,5 millions de tonnes de pétrole brut et de 3,4 milliards de m 3 de gaz commercialisé.

Le poids de ces redevances sur le résultat opérationnel des compagnies pétrolières représente environ 2 $ par baril de pétrole produit, non compris l'impôt sur les sociétés.

Or, l'activité pétrolière française, quoique rentable, reste trop mal placée à l'échelle mondiale pour apparaître suffisamment attractive.

La France doit donc adapter sa fiscalité, afin de tenir compte de la maturité de son domaine minier et de la situation économique du moment. C'est ce qui a été fait, par exemple, par les Etats-Unis ou même, plus récemment, par la Grande-Bretagne.

A l'instar de ces pays, il est donc essentiel qu'un juste équilibre puisse être trouvé entre les intérêts respectifs des opérateurs pétroliers et l'Etat, propriétaire du sous-sol : c'est le principe du partage équitable de la rente. Ce partage doit nécessairement s'adapter à la situation économique mondiale (prix du baril) et à l'état des réserves potentielles ou prouvées. Il faut donc savoir adapter une fiscalité créée en période d'abondance et la réorienter de telle manière qu'elle ne participe pas à la fuite des investisseurs pétroliers vers de nouveaux domaines jugés plus rentables.

Or, la production française est actuellement en déclin et si la fiscalité à la production a connu des ajustements positifs ces dernières années, elle nécessite encore des adaptations pour inverser cette tendance néfaste, y compris au plan des recettes fiscales.

C'est pourquoi le Gouvernement étudie actuellement des mesures visant, d'une part, à favoriser l'arrivée de nouveaux opérateurs sur le domaine minier français et, d'autre part, à encourager les opérateurs existants à prolonger l'exploitation des champs anciens.

Dans cet esprit, est mise à l'étude l'extension du principe de la provision pour reconstitution de gisements (PRG) ( ( * )9) qui permettrait d'attirer de nouveaux opérateurs en France. En effet, le mécanisme de la PRG n'est actuellement incitatif qu'à partir du moment où l'entreprise a déjà commencé à produire. Il est donc envisagé de proposer à ces nouveaux investisseurs de les faire bénéficier du même avantage fiscal, à condition que ces travaux de recherche génèrent une production d'hydrocarbures.

Est également envisagée la possibilité de supprimer le prélèvement exceptionnel pour tous les gisements, mesure qui avait été introduite en 1980 à une époque où les cours du brut étaient élevés. Il est d'ailleurs significatif de constater que tous les pays industrialisés à régime de concession ont supprimé le prélèvement exceptionnel, ou leur équivalent, depuis les années 1986-1988, après le deuxième contre-choc pétrolier. Ce « super-impôt » exerce une influence psychologique particulièrement négative en particulier auprès d'investisseurs potentiels anglo-saxons, pour des recettes désormais modestes.

Enfin, dans le souci de tirer le meilleur parti des ressources du sous-sol national, il est également important de veiller à ce que la fiscalité pétrolière n'incite pas les opérateurs à abandonner prématurément les gisements en fin de production. Il s'agit ici des champs mis en exploitation avant le 1er janvier 1992 et qui subissent le taux plein de la redevance départementale et communale des mines (RDCM) ( ( * )9) . Or, ces taux sont ajustés chaque année en fonction de l'évolution du PIB en valeur tel qu'il est défini dans le projet de loi de finances de l'année. Il en est résulté depuis une quinzaine d'années une augmentation de plus de 200 % de ces taux. A l'évidence, le poids de la RDCM sur la rentabilité des champs marginaux, particulièrement en fin de vie, peut être déterminant pour un opérateur de continuer ou non l'exploitation, surtout en période de prix bas des hydrocarbures. C'est pourquoi, pour prolonger la vie des anciens gisements, il serait sans doute économiquement souhaitable d'aligner la progression de la RDCM sur l'indice des prix tel qu'il est estimé dans la projection économique présentée en annexe au projet de loi de finances de l'année, comme c'est déjà le cas pour les nouveaux gisements.

Votre commission se félicite de ce souhait du Gouvernement de poursuivre l'adaptation de la fiscalité supportée au stade de la production pétrolière. Elle souhaite que le Gouvernement fasse des propositions précises en la matière et en définisse le calendrier de mise en oeuvre.

b) Raffinage : la restructuration tarde

Comparé aux autres pays européens, le raffinage français est handicapé par une structure de marché particulière :

- part grandissante du gazole, en inadéquation avec la capacité des raffineries, qui est liée à l'évolution de la fiscalité sur les carburants.

La France est le pays de l'Union européenne (sauf la Finlande) où la différence de prix à la pompe entre l'essence et le gazole est la plus élevée (1,80 F/litre). Par ailleurs, la part du gazole atteint 55 % de la consommation de carburant et la « diésélisation » du parc de voitures particulières progresse (50 % des nouvelles immatriculations) ;

- demande en fioul lourd en déclin constant, et exceptionnellement basse, compte tenu du programme nucléaire qui a supprimé le débouché des centrales électriques (le marché du fioul lourd a été divisé par 7 en 20 ans).

En outre, l'industrie européenne du raffinage est en surproduction.

Ces derniers mois, la réflexion s'est poursuivie sur l'éventualité de la fermeture d'une raffinerie française d'ici la fin de l'année 1996.

Les discussions se sont concentrées sur la situation dans le Sud-Est, où Total, Esso, Shell, BP et Elf disposent chacun d'une raffinerie. Shell et BP ont annoncé leur volonté de vendre chacun la leur. Pour déterminer la meilleure façon de réduire les surcapacités dans cette zone, les raffineurs concernés ont fait réaliser une étude par un cabinet américain. Depuis, les cinq compagnies étudient la possibilité de cofinancer la fermeture d'un des sites, les coûts d'arrêt d'une raffinerie étant évalués entre 500 et 600 millions de francs. Mais aucun groupe ne s'est encore résolu à fermer son unité.

c) Distribution : l'évolution est-elle inéluctable ?

Le raffinage ne peut s'appuyer sur la distribution pour compenser ses difficultés, car le marché français est l'un des moins rentables d'Europe : le poids exceptionnel de la grande distribution explique que les marges de distribution (et les prix de vente hors taxes) soient les plus faibles de l'Union européenne. Il faut souligner que les conséquences de cette politique ont été très lourdes en termes d'emploi et d'aménagement du territoire : fermeture de 30.000 stations-services depuis 20 ans et perte de 120.000 emplois (selon l'évaluation de la profession).

Le graphique ci-dessous illustre la part de marché croissante de la grande distribution dans la vente des carburants. En 1995, cette part s'est encore accrue, à 46,5 %, contre 49,9 % pour les marques des pétroliers.

Le rapport Boisson-Lepine remis au Gouvernement en 1995 sur les problèmes de la distribution en France dégageait notamment des pistes possibles en vue d'une amélioration des marges de distribution (ventes de produits annexes, frais de cartes bancaires réduits, remboursement de la TIPP sur les impayés, etc..) et abordait leurs conséquences sur le raffinage (10 c/litre sur la distribution correspondraient à une marge supplémentaire de 60 francs par tonne de brut traité).

Rappelons que cet important et délicat problème a fait l'objet d'un récent débat au Parlement, à l'occasion de l'examen :

- de la loi du 1er juillet 1996 relative à la loyauté et à l'équilibre des relations commerciales ;

- de la loi du 5 juillet 1996 relative à la promotion et au développement du commerce et de l'artisanat.

Dans le cadre de la première, avait été étudiée la possibilité de soumettre les ventes de carburant à la nouvelle infraction du prix abusivement bas, dans le but de lutter contre la pratique du « prix d'appel », dont la grande distribution est coutumière.

En définitive, cette idée a été abandonnée au profit de la création d'un nouveau système d'aide aux petites stations-service, particulièrement en zone rurale, auxquelles 60 millions de francs seront consacrés.

Votre commission souhaite que le Gouvernement précise ses intentions sur les modalités d'allocation de cette aide. Elle veillera avec vigilance à son efficacité.

Par ailleurs, dans le cadre de la loi du 5 juillet 1996, sont dorénavant soumis à autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet la création ou l'extension de toute installation de distribution au détail en carburants, quelle qu'en soit la surface de vente, annexée à un magasin de commerce de détail ou à l'ensemble commercial d'une surface de vente dépassant 300 mètres carrés.

De plus, la taxe dont sont redevables les magasins de plus de 400 mètres carrés est étendue aux stations-service des grandes surfaces, dans le but de venir en aide aux petits détaillants en difficultés.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement vient de présenter au Parlement un rapport sur l'utilisation du gazole.

d) Le rapport sur l'utilisation du gazole conclut à un nécessaire rééquilibrage de la fiscalité sur les carburants

L'article 20 de la loi de finances pour 1996 avait prévu que le Gouvernement présenterait au Parlement un rapport sur les conséquences de l'utilisation du gazole dans différents domaines (industrie pétrolière, industrie de la construction automobile, santé publique et environnement, distribution des carburants, aménagement du territoire et besoins professionnels, carburants les moins polluants).

Le Gouvernement vient de déposer ce rapport sur le Bureau du Parlement, avec retard d'ailleurs, puisque la date de sa parution avait été fixée au 30 juin dernier.

Le rapport met en avant la « spécificité française » en faveur du diesel, liée aux avantages dont il bénéficie (fiscalité bien moindre que celle des autres carburants, abattement de 30 % pour le calcul de la puissance fiscale qui détermine les prix de la vignette et de la carte grise). A l'inverse, l'Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas et la Suède pénalisent le diesel !

Au chapitre de la pollution, le rapport ne laisse guère plus de place à l'équivoque. Après avoir rappelé que le moteur diesel « est le principal émetteur de particules » et qu'il « émet plus d'oxydes d'azote » que le moteur à essence, il avance que ces oxydes jouent un rôle «.probablement prépondérant », en favorisant la formation d'ozone, « sur la morbidité respiratoire inflammatoire et la sensibilité des asthmatiques ».

L'encadré ci-dessous expose les principales conclusions du rapport.

PRINCIPALES CONCLUSIONS DU RAPPORT SUR L'UTILISATION DU GAZOLE

1) La fiscalité des produits pétroliers se caractérise, en France, par un écart de taxation entre l'essence et le gazole beaucoup plus important que dans les autres pays de l'Union européenne (hors TVA : 1,43 francs par litre, contre 0,92 francs par litre).

2) Les progrès réalisés par la motorisation diesel en terme de puissance et de confort d'utilisation sont venus s'ajouter aux avantages traditionnels (longévité, consommation).

3) Dans le cas de la France, la fiscalité contribue à orienter les choix des utilisateurs vers les véhicules diesel (46 % des immatriculations de véhicules neufs en 1995, contre 22 % dans l'ensemble de l'Union européenne ).

4) La situation actuelle est source de déséquilibre pour l'industrie française du raffinage.

L'industrie automobile française a une spécialisation diesel marquée, ce qui comporte des avantages mais aussi des risques en cas de retournement du marché.

5) Les effets respectifs des deux types de véhicules sur la santé et l'environnement ne justifient pas aujourd'hui l'existence d'avantages fiscaux pour la motorisation diesel.

6) La croissance de l'utilisation du carburant le moins taxé (doublement de la consommation entre 1984 et 1994) pèse sur le rendement de la fiscalité pétrolière.

7) Une politique nationale en matière de taxation des carburants s'inscrit dans le cadre de l'harmonisation des taux d'accises au sein de l'Union européenne.

Sa principale conclusion va ainsi à rencontre de la politique française en matière de fiscalité pétrolière : les effets sur la santé et sur l'environnement « ne justifient pas l'existence d'avantages fiscaux pour la motorisation diesel ».

Logiquement, le Gouvernement aurait donc dû proposé au Parlement un début de rééquilibrage de la fiscalité pétrolière.

Or, c'est une hausse uniforme de 6 centimes par litre, identique pour le gazole et le super sans plomb, que prévoit le projet de loi de finances pour 1997 !

Certes, l'écart entre les deux carburants est gelé. Mais, votre commission souhaite que le Gouvernement ait le courage politique de réduire progressivement cet écart.

Parallèlement, des solutions devront être trouvées pour que la compétitivité du secteur des transports routiers n'en souffre pas. Il faut, en effet, rappeler que le gazole représente, en moyenne, 17 % des charges d'exploitation des transporteurs routiers.

De la même manière, il conviendra de prendre en considération les répercussions d'un tel rééquilibrage sur l'attitude des consommateurs. Très légitimement, ceux-ci ont porté un intérêt soutenu au diesel et l'industrie automobile française, s'adaptant à la demande, a orienté une part importante de ses recherches et de son appareil de production vers cette motorisation. Un retournement brutal de tendance pourrait gravement déstabiliser ce secteur d'activité.

D. LE CHARBON

1. La mise en oeuvre du Pacte charbonnier

Signés le 20 octobre 1994, les différents volets du Pacte charbonnier font l'objet d'une mise en oeuvre progressive.


Dans le domaine social, les protocoles d'application du Pacte sur les mesures d'âge, la mobilité géographique et professionnelle, le déroulement de carrière et la formation professionnelle ont été signés en avril 1995. Leurs dispositions, destinées à donner la possibilité aux mineurs de poursuivre leur activité au sein de Charbonnages de France (CDF) jusqu'à bénéficier d'une mesure d'âge, commencent à être mises en oeuvre.

Les mesures d'âge concernent les mineurs âgés d'au moins 45 ans. Pour les agents plus jeunes, une bonne application du Pacte nécessite une amélioration substantielle des incitations à la conversion. Les ministres de l'Industrie et du Budget ont approuvé, en juin 1996, les propositions de Charbonnages de France en ce sens : les aides à la conversion seront revalorisées, passant en moyenne de 400 à 600.000 francs par agent. Elles ne seront plus proportionnelles à l'ancienneté, pour permettre le départ des plus jeunes, une garantie de retour en cas de licenciement économique jusqu'en 2005 sera offerte, mais les conditions seront plus avantageuses pour les agents qui y renonceront. On escompte de ces mesures une augmentation de 400 du nombre des conversions.


• Dans le domaine de l'exploitation charbonnière,
on prévoit en 1996 une baisse de la production et une baisse des effectifs ; la fermeture effective des sites de la Mure, Carmaux et Forbach est prévue en 1997.


• Dans le domaine industriel, la création du pôle électrique,
destinée à conforter l'activité industrielle de CDF, est intervenue juridiquement en début d'année 1995. L'opération a été concrétisée par l'entrée minoritaire d'EDF au capital de la nouvelle entité et le contrat commercial CDF-EDF.

La nouvelle entité électrique est constituée de la SNET, société de holding et de deux sociétés régionales, la SETCM et la SETNE, en charge des outils industriels et de l'activité de production électrique. Ces sociétés utilisent des personnels mis à leur disposition par voie de détachement des Houillères de bassins et bénéficient, de leur part, de prestations diverses sur la base de conventions qui en définissent la nature et les conditions techniques et financières.

2. Les résultats de Charbonnages de France


• En 1995,
les pertes à la tonne de charbon extraite ont atteint 412 francs (contre 210 francs en 1993). Le chiffre d'affaires a baissé de près de 32 %, ce qui s'explique partiellement du fait que la production électrique et sa commercialisation sont désormais du ressort de nouvelle entité électrique précitée.

Le résultat final s'établit ainsi à + 1.652 millions de francs, contre - 65 millions de francs en 1994, soit un écart de + 2.303 millions de francs.


Pour 1996, le résultat d'exploitation est prévu en amélioration (perte inférieure à 3 milliards de francs) grâce aux efforts d'économie entrepris qui feront plus que compenser la réduction du chiffre d'affaires.

Quant au résultat financier, il devrait enregistrer une dégradation liée à l'accroissement de l'endettement d'environ 3,4 milliards de francs.

Le résultat final prévisionnel devrait être d'environ - 4,6 milliards de francs après subvention, le résultat positif de 1995 étant dû à la plus-value comptable exceptionnelle apportée par la filialisation de l'activité électrique au 1er janvier 1995.

L'endettement total de Charbonnages de France s'est élevé à 20,2 milliards de francs à la fin de l'année 1995 et devrait atteindre 24 milliards à la fin de l'année 1996 (hors pôle électrique).

Votre commission s'inquiète de cet accroissement de l'endettement de Charbonnages de France, dont la charge sera probablement supportée à terme par les finances publiques.

3. Les dotations budgétaires

Comme le CEA, les Charbonnages de France risquent de souffrir de la technique de débudgétisation proposée par le projet de loi de finances pour 1997.

En effet, la subvention qui lui sera allouée se trouve réduite de 1,6 milliard de francs, pour s'élever à 2,94 milliards de francs. Elle serait ainsi inférieure de moitié à son niveau de 1994.

Le Gouvernement s'engage cependant à apporter aux CDF une dotation en capital de 2,44 milliards de francs, qui devra être couverte par les recettes de privatisation dégagées en 1997 (et sera inscrite sur compte d'affectation spéciale).

On peut toutefois s'inquiéter du caractère aléatoire de ces recettes et de leur affectation.

La même solution de débudgétisation a été retenue pour les crédits de reconversion des zones minières, le fonds d'industrialisation des bassins miniers (FIBM) devant bénéficier d'une dotation de 160 millions de francs.

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits en faveur de l'énergie dans le projet de loi de finances pour 1997.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 31 octobre 1996, sous la présidence de M. Jean Huchon, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis du budget de l'énergie pour 1997.

A l'issue de l'exposé du rapporteur pour avis, la commission a procédé à un échange de vues.

M. Francis Grignon s'est inquiété de l'abandon d'un site par Elf Aquitaine, dans son département, sans que la compagnie n'en assure la dépollution.

Le rapporteur pour avis lui a conseillé de saisir le ministre de ce dossier, les compagnies étant tenues de dépolluer les sites abandonnés.

M. Alain Pluchet a félicité le rapporteur pour avis pour le tableau très complet du paysage énergétique qu'il avait brossé, tableau pratiquement idyllique, la France bénéficiant d'une énergie à la fois abondante et bon marché.

Il a déclaré partager la position du rapporteur pour avis concernant la nécessité de maintenir les services publics, le soutien apporté au ministre dans les négociations européennes, ainsi que la nécessité de clarifier les relations entre EDF et l'Etat. Il a souligné que le contrat de plan d'EDF serait très bénéfique pour les consommateurs, qui profiteraient de réductions de tarifs dans les années à venir.

Après avoir estimé que le fonctionnement de la centrale Superphénix était indispensable,M. Alain Pluchet a relevé que les cessions d'actifs que devrait opérer le CEA ne semblaient pas soulever de difficultés.

M. Alain Pluchet a déclaré que son analyse de l'évolution des crédits de l'ADEME divergeait quelque peu de celle du rapporteur pour avis. Il a rappelé que le produit de la taxe de mise en décharge, considérable, permettrait à l'ADEME de poursuivre toutes ses actions.

Dans ces conditions, il a exposé qu'il ne pourrait suivre le rapporteur pour avis dans sa sagesse et qu'il recommandait pour sa part de se prononcer favorablement sur les crédits consacrés à l'énergie.

M. Jean-Marc Pastor a indiqué que, par cohérence avec la position adoptée sur le budget de l'industrie, son groupe donnerait un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'énergie pour 1997. Il a estimé qu'au travers de sa politique tant industrielle qu'énergétique, le Gouvernement donnait l'impression d'abandonner une partie de l'économie française.

Puis, après la proposition deM. Jean Besson, rapporteur pour avis, que la commission s'en remette à la sagesse du Sénat pour l'examen des crédits, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits en faveur de l'énergie dans le projet de loi de finances pour 1997.

ANNEXES

ANNEXE N° 1 - Audition deM. Yannick d'Escatha, administrateur général du CEA

Au cours de sa réunion du mardi 22 octobre 1996, sous la présidence deM. Jean François-Poncet, président, la commission a procédé à l'audition deM. Yannick d'Escatha, administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), sur l'avenir de la filière nucléaire française.

Après avoir présenté M. Yannick d'Escatha, M. Jean François-Poncet, président, lui a demandé d'exposer devant la commission les missions et les perspectives de développement des activités du CEA, les conséquences de l'éventuelle privatisation de Framatome et, plus généralement, d'éclairer la commission sur les perspectives de la filière nucléaire française,

M. Yannick d'Escatha a tout d'abord indiqué qu'il s'attacherait à présenter le rôle du CEA, ses objectifs en insistant davantage sur les aspects civils et sur les perspectives stratégiques pour la conduite à long terme.

Il a rappelé que le CEA était un établissement public de recherche dont la spécificité était de préparer l'avenir de la filière nucléaire française à échéance de 20 à 30 ans, voire davantage.

S'agissant des objectifs de la recherche civile, il a précisé que toutes les recherches du CEA étaient finalisées, certaines missions lui étant confiées par le Gouvernement, d'autres résultant spécifiquement de la demande de ses clients industriels, ce qui impliquait une exigence de performance dans les résultats de ces recherches.

M. Yannick d'Escatha a indiqué que 70 % de la recherche civile concernait le domaine nucléaire, 15 % la recherche technologique, notamment la microélectronique et les matériaux, 15% la recherche fondamentale (en support du nucléaire, mais également en matière de physique des particules, de climatologie, radiobiologie ou de médecine nucléaire par exemple). Il a, par ailleurs, souligné que le CEA avait un rôle de diffusion technologique à l'égard des petites et moyennes entreprises, et qu'il faisait l'objet d'une évaluation externe.

Il a exposé que les recherches à court et moyen terme étaient généralement financées majoritairement par les clients industriels, celles à long terme l'étant majoritairement par l'État.

M. Yannick d'Escatha a ensuite exposé les différentes missions du CEA en matière nucléaire, notamment la prolongation de la durée de vie du parc nucléaire existant, ainsi que la préparation des réacteurs de deuxième génération, qui devront offrir encore davantage de sécurité et de compétitivité économique. Ces réacteurs font l'objet du programme European Pressurized Reactor (EPR), pour lequel la coopération franco-allemande -dont Framatome est partie prenante- est stratégique et dont il a estimé qu'elle devait être impérativement maintenue.

Évoquant l'amont du cycle et les techniques d'enrichissement de l'uranium, il a souligné l'intérêt du nouveau procédé « SILVA » d'enrichissement par laser, qui permet de diviser les coûts par deux ou trois.

S'agissant du combustible nucléaire,M. Yannick d'Escatha a indiqué que l'enjeu consistait à avoir le plus haut taux possible de combustion de l'uranium et que l'objectif à long terme résidait dans le recyclage du plutonium. Il s'agit d'obtenir, à partir de l'uranium naturel, le maximum de matières fissiles, ce qui implique un passage par le plutonium et par le combustible « mox ». Il a estimé, en effet, que seuls le charbon et l'énergie nucléaire, à condition de brûler tout l'uranium, permettraient de passer le « mur » énergétique dans quelques dizaines d'années, caractérisé par la raréfaction des autres combustibles fossiles.

Rappelant ensuite les trois voies de recherche tracées par la loi du 31 décembre 1991 pour la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue (séparation et transmutation, stockage en formation géologique profonde ou entreposage de longue durée), il a insisté sur le fait que le CEA travaillait avec l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), de façon à apporter au Parlement une palette de solutions permettant à ce dernier de décider des voies à retenir. Il a rappelé que la décision de création des laboratoires souterrains devrait intervenir en 1998, la décision finale concernant la gestion des déchets à vie longue devant être prise en 2006, date dont il a estimé qu'il était essentiel qu'elle puisse être respectée.

M. Yannick d'Escatha a indiqué que le dernier enjeu, mais pas le moindre car correspondant à un besoin de société et parce qu'il sous-tendait tous les autres, concernait la nécessité de garantir un niveau de sûreté toujours plus important. A cet égard, il a souligné qu'il convenait de poursuivre des objectifs ambitieux en matière d'aide à la sûreté aux pays d'Europe de l'Est, dans le cadre de consortiums industriels bénéficiant de financements internationaux, dans la mesure où le niveau et la culture de sûreté dans ces pays étaient insuffisants et inférieurs aux standards occidentaux.

Il a indiqué que les perspectives énergétiques liées à la fusion thermo-nucléaire contrôlée étaient plus lointaines, mais qu'il convenait de poursuivre les recherches pour y parvenir.

PuisM. Yannick d'Escatha a rappelé que les missions du Commissariat avaient fait l'objet d'une remise à plat dans le cadre de son plan stratégique, l'objectif étant de les concentrer sur les domaines de recherche les plus importants pour la France et où le CEA disposait des meilleurs atouts.

Il en est résulté une reconversion profonde du CEA, accompagnée d'une réduction drastique, voire d'un arrêt, de certains programmes, d'une diminution des effectifs (- 25 % en dix ans) et des frais de structure. Parallèlement, de nouveaux programmes ont été lancés et la capacité d'investissement du Commissariat a été améliorée.

Recentrées sur les métiers de base du CEA, ces recherches font dorénavant toutes l'objet d'une contractualisation :

- avec l'État, dans le cadre du contrat d'objectif pour 1995-1998 ;

- avec les partenaires industriels ;

- avec les autres organismes de recherche, sans oublier les coopérations internationales qui sont essentielles dans le domaine nucléaire.

M. Yannick d'Escatha a précisé que le CEA s'était doté d'un plan stratégique glissant, à cinq ans pour les programmes et à dix pour les investissements.

Présentant la structure du budget du CEA pour 1997, dont les dépenses s'élèvent à 11 milliards de francs, il a détaillé les prévisions de dépenses et de ressources :

- 5,8 milliards de francs pour les dépenses ordinaires financés par le titre III ;

- 1,2 milliard de francs pour les dépenses d'équipement, dont il a estimé que le financement restait fragile, dans la mesure où 550 millions de francs étaient débudgétisés, le CEA devant les financer sur son patrimoine propre.

De plus, les recettes extérieures se montent à près de 4 milliards de francs.

Soulignant que la vétusté de nombreuses installations du CEA nécessiterait leur prochain démantèlement,M. Yannick d'Escatha a souligné que les actifs détenus par le CEA dans différentes filiales et participations jouaient le rôle de provisions, dont la réalisation devrait être consacrée à ce démantèlement des installations civiles et non aux dépenses d'équipement précitées. Il a insisté sur le fait que la crédibilité du nucléaire et la politique de sûreté elle-même étaient liées à la possibilité de financer ces travaux de démantèlement, qui sont inscrits en engagements hors bilan pour plus de 11 milliards de francs. Il note qu'il convenait de réserver la mobilisation de ces actifs à ce financement, ce qui impliquait de rebudgétiser les dépenses d'équipement.

Il a brièvement évoqué les activités de la direction des applications militaires (DAM) qui connaît également une reconversion importante des personnels, des métiers et des installations, en raison notamment du défi scientifique du passage à la simulation.

Après avoir félicité l'orateur pour l'intérêt et la clarté de son exposé,M. Jean François-Poncet, président, a souligné la durable atteinte dont souffrait l'énergie nucléaire dans son image, dans l'ensemble du monde développé. Il a relevé que le blocage était total dans l'opinion publique, tant en Allemagne qu'aux États-Unis, même si les recherches en matière nucléaire se poursuivaient dans ces pays. Il a rapproché cet état de fait des risques existants à l'Est. Il a ensuite interrogéM. Yannick d'Escatha sur le point de savoir, s'agissant des déchets, s'il existait d'autres voies pour les éliminer que celles recensées par le législateur. Enfin, il a souhaité recueillir son avis sur le rapprochement entre Alcatel et Framatome.

En réponse,M. Yannick d'Escatha a indiqué que le Gouvernement allemand souhaitait garder ouverte l'option nucléaire, que les Etats-Unis comptaient deux fois plus de réacteurs que la France ; quant au Japon, qui était dans une situation analogue à la France en terme de ressources énergétiques, il a noté qu'il poursuivait de façon volontariste son programme nucléaire. Il a estimé essentiel de poursuivre la coopération franco-allemande en ce domaine, dans la mesure où le programme EPR sera le seul moyen dont disposeront les Allemands pour opérer un retour vers le nucléaire.

Il a partagé le souci du président d'améliorer encore la communication en matière nucléaire.

S'agissant des différentes voies de recherche concernant la gestion des déchets, il a indiqué que celles prévues par le législateur permettraient de choisir les meilleures solutions techniques et ainsi de ne pas léguer ce problème aux générations futures.

S'agissant du rapprochement entre Framatome et GEC-Alsthom, il a estimé que le périmètre et l'identité de Framatome devaient être préservés dans la négociation vis-à-vis des Britanniques.

Répondant au président et à une question deM. Fernard Tardy sur la sûreté dans les pays de l'Est, il a insisté sur la nécessité d'intensifier les efforts aujourd'hui entrepris au travers de consortiums industriels auxquels participaient EDF, Framatome et Siemens.

Répondant à Mme Anne Heinis qui s'interrogeait sur le retraitement des déchets nucléaires américains,M. Yannick d'Escatha a confirmé que le groupe COGEMA avait obtenu des marchés dans l'assainissement du centre militaire de Hanford. Il a également indiqué qu'une réunion d'experts représentant les pays du G7 et la Russie se tiendrait la semaine prochaine à Paris sur le thème de l'élimination du plutonium issu du démantèlement des armes nucléaires. Il a espéré que ces experts internationaux reconnaîtraient que les deux solutions possibles résidaient dans le passage par le combustible « mox », ainsi que dans la vitrification et l'enfouissement du plutonium accompagné de produits de fission.

Répondant àM. Jean Besson qui demandait si les nouveaux programmes du CEA étaient envisagés sur les sites faisant l'objet de fermeture d'établissements,M. Yannick d'Escatha a précisé que les nouvelles installations nucléaires lourdes seraient concentrées sur les centres à vocation nucléaire (Marcoule et Pierrelatte pour l'amont et l'aval du cycle, et Cadarache pour les réacteurs et le combustible).

M. Jean Besson a, par ailleurs, fait connaître l'opposition des viticulteurs et habitants de la rive droite du Rhône où il est prévu l'installation de l'un des laboratoires souterrains.M. Yannick d'Escatha a confirmé que seule la décision de lancer les procédures était prise en ce domaine.

M. Michel Souplet a indiqué que le Gouvernement suédois avait renoncé à son projet de fermer des centrales, dans la mesure où il n'y avait pas de solution alternative, et que l'Allemagne, confrontée au problème politique de l'exploitation du charbon, serait sans doute amenée à reprendre son programme nucléaire.

Enfin, il a insisté sur la nécessité que la communication et les visites de centrales organisées pour les citoyens rassurent ces derniers.

M. François Gerbaud a déploré certains comportements regrettables de l'ANDRA dans le passé. Il a également estimé indispensable de vulgariser la communication en matière nucléaire pour lutter contre des craintes « moyenâgeuses ». Enfin, il a demandé si la COGEMA s'était vue confier le retraitement des déchets nucléaires américains.

Sur ce dernier point,M. Yannick d'Escatha a indiqué que cet assainissement représentait la somme colossale de plus de 500 milliards de dollars sur au moins cinquante ans ; c'est dans ce cadre que les États-Unis avaient fait appel aux technologies nucléaires françaises, ce qui constituait une belle reconnaissance.

Répondant àM. Félix Leyzour qui s'interrogeait sur la possibilité que les déchets stockés puissent être réutilisés dans l'avenir,M. Yannick d'Escatha a indiqué que l'on vitrifiait les déchets ultimes issus du retraitement et que plus aucun élément combustible n'était récupérable.

M. Félix Leyzour a ensuite demandé si les projets de nouvelles centrales seraient implantés sur les sites existants ou sur de nouveaux sites.

M. Yannick d'Escatha a indiqué qu'il n'était pas prévu de nouvelles tranches avant la génération EPR et a estimé qu'il serait de bonne politique de construire un premier réacteur EPR dans les années 2000.

Après avoir rappelé que la Meuse était l'un des sites retenus pour l'implantation d'un laboratoire souterrain et félicité l'administrateur général pour la clarté de son exposé,M. Rémi Herment a indiqué que l'information sur le terrain réalisée par l'ANDRA était aujourd'hui parfaite et que la décision prise par son département résultait d'une volonté politique unanime.

Il a, cependant, insisté sur deux difficultés tenant, d'une part, à la réaction des écologistes, qui s'opposent au projet quelle que soit la qualité des informations qu'on leur apporte ; d'autre part, au refus des assemblées départementales de la Meuse et de la Haute-Marne de partager les sommes qui leur avaient été initialement promises à chacune. Il a souligné que si cette position était maintenue, une décision politique risquait de remettre en cause un dossier pourtant bien engagé.

AM. Jean Huchon qui l'interrogeait sur les prix comparés du kilowatt/heure d'origine nucléaire, thermique et hydraulique,M. Yannick d'Escatha a indiqué qu'une étude actualisée était établie tous les deux ans par le ministère de l'industrie sur ce sujet et qu'il en ressortait une érosion de la compétitivité relative du nucléaire.

Répondant àM. Roger Rinchet qui s'interrogeait sur l'avenir de la centrale Superphenix,M. Yannick d'Escatha a rappelé qu'elle ne pouvait fonctionner qu'à la condition d'être jugée tout à fait sûre par les autorités de sûreté -ce qui était le cas aujourd'hui- et qu'elle seule permettrait de réaliser certaines expérimentations concernant les neutrons rapides, notamment celles prévues par la loi du 30 décembre 1991. Il fallait toutefois pour cela -a-t-il précisé- que la centrale ait un niveau de disponibilité suffisant, ce qui permettrait également de couvrir ses frais de fonctionnement.

ANNEXE N° 2 - Audition deM. Jean-Claude Leny, président de Framatome

Au cours de sa réunion du mardi 29 octobre 1996, sous la présidence deM. Jean François-Poncet, président, la commission a procédé à l'audition deM. Jean-Claude Leny, président de Framatome.

Après avoir souligné que Framatome constituait une pièce maîtresse du programme électro-nucléaire français et présentéM. Jean-Claude Lény comme l'un des fondateurs de l'industrie nucléaire française,M. Henri Revol, président, lui a demandé d'exposer sa position sur la privatisation envisagée de Framatome ainsi que sur l'avenir du programme électro-nucléaire français.

M. Jean-Claude Leny, président de Framatome, a souligné que s'il s'était abstenu d'intervenir publiquement sur le dossier de la fusion entre Framatome et GEC-Alsthom, dans la mesure où la grande majorité des actionnaires de Framatome s'était prononcée en faveur de cette opération, il ne se sentait pas tenu par ce devoir de réserve devant la commission. Etant à quelques semaines de sa retraite, il a déclaré ne pas venir défendre une position personnelle, mais un programme, un principe : le programme nucléaire développé par la France depuis la Libération, lui-même ayant parcouru toute l'aventure nucléaire française depuis quarante ans.

Il a ensuite présenté le groupe Framatome, qui était en bonne santé, n'exigeait aucune restructuration urgente et apportait à ses actionnaires et à l'Etat des dividendes et des impôts significatifs. Il a indiqué que la Cour des Comptes avait élaboré, en juin 1996, un rapport confidentiel sur le groupe, dont les conclusions étaient clairement positives.

M. Jean-Claude Leny a précisé que Framatome avait réalisé un chiffre d'affaires de 18 milliards de francs en 1995, dont 40 % à l'exportation, disposait de fonds propres de 6 milliards de francs (qui atteindraient 7 milliards en l'an 2000) et une trésorerie largement excédentaire d'environ 9 milliards. Après avoir souligné l'absence d'endettement de Framatome, il a précisé que sa structure de bilan était excellente et pouvait lui permettre de recourir à l'effet de levier de l'emprunt.

Il a exposé que cette situation ne serait pas amenée à se dégrader, en dépit du défi que constituait la contraction du marché des centrales nucléaires, le groupe s'y étant préparé.

Il a réfuté l'ensemble des arguments avancés pour justifier la fusion de Framatome et de GEC-Alsthom.

Il a jugé que l'argument tenant à l'avantage que présenterait la possibilité d'offrir un « catalogue » complet de centrales énergétiques était un contresens complet, dans la mesure où il n'existait rien de commun entre les centrales nucléaires et conventionnelles. Il a souligné que le choix nucléaire demeurait un choix lourd, un choix qu'un Etat ne peut prendre que s'il peut obtenir des garanties tant sur l'amont que sur l'aval de la filière. C'était le cas en France, avec la synergie existant entre l'électricien EDF, le constructeur de chaudières Framatome, ainsi que la COGEMA qui s'occupe du cycle du combustible. Cette synergie avait expliqué la réussite de l'industrie nucléaire française en Chine. Il a relevé qu'au cours des dix dernières années, seuls la France et le Canada avaient pu vendre des centrales nucléaires à l'étranger, ces ventes étant le fait de sociétés indépendantes, appartenant non à une grande société énergétique, mais à un complexe nucléaire permettant d'assurer l'exploitation, la sûreté, etc... Il a jugé que, dans ce domaine, vouloir fusionner les activités de Framatome et de GEC-Alsthom était aussi illusoire que de vouloir fusionner, dans le domaine de l'aéronautique, les activités de motoriste et de constructeur d'avions. Il a, par ailleurs, avancé que sur le marché asiatique, principal marché porteur pour les prochaines années, la tendance n'était pas aux appels d'offres groupant au sein d'une même entreprise le nucléaire et la partie conventionnelle (le turbot alternateur), le client cherchant à fractionner l'offre en plusieurs lots.

M. Jean-Claude Leny a ensuite réfuté l'argument tenant à la synergie qui existerait entre le nucléaire et les métiers nombreux de GEC-Alsthom, dans la mesure où les cultures étant très différentes, Framatome plaçait la sûreté en critère n° 1 et le facteur économique en critère n° 2, alors que GEC-Alsthom avait un ordre de priorité inverse.

Il a ensuite jugé impossible, comme l'engagement avait pu être pris, de préserver l'avenir de Framatome dans la nouvelle structure qui résulterait de la fusion, dans la mesure où le nucléaire ne représenterait plus que 10 % au maximum du chiffre d'affaires du nouveau groupe, devenant par là même noyé par d'autres préoccupations.

Enfin,M. Jean-Claude Leny a ensuite dénigré l'argument qu'il a qualifié de « traversée du désert », l'idée avancée étant d'aider Framatome à faire face à la fin du programme électro-nucléaire.

A cet égard, il a souligné que Framatome s'était préparé à ce défi en redéployant ses ingénieurs sur les activités de maintenance, de services et de combustibles nucléaires. Il a indiqué que ces activités récurrentes représentaient aujourd'hui 44 % du chiffre d'affaires de Framatome et qu'elles n'étaient pas menacées.

Il a exposé que l'entreprise avait également diversifié ses activités dans la connectique (avec FCI) et les équipements industriels, secteurs qui représentaient aujourd'hui le tiers de ses résultats et plus de la moitié de son personnel.

Il a précisé que, dans ces conditions, l'activité de construction de chaudières neuves ne représentait plus que moins du quart du chiffre d'affaires de l'entreprise.

Après s'être montré confiant dans l'avenir de Framatome,M. Jean-Claude Leny s'est interrogé sur les raisons réelles pouvant motiver l'opération de fusion entre Framatome et GEC-Alsthom et il a jugé que la réponse pouvait résider dans le fait que la situation de Framatome faisait des envieux. Après avoir rappelé que l'entreprise avait démarré son activité en 1970 avec un capital de 1,5 million de francs, il a souligné qu'elle avait mis vingt-cinq ans pour bénéficier d'une situation caractérisée par l'existence d'une trésorerie de 9 milliards de francs, de 7 milliards de fonds propres et d'un endettement nul.

M. Jean-Claude Leny a déclaré ne pas comprendre comment on pouvait accepter la tentative d'une entreprise privée d'accaparer ainsi en quelques mois le résultat de vingt-cinq ans de travail. Relevant que, pour la première fois, le partenaire étatique de Framatome ne s'opposait pas à cette stratégie, il a jugé périlleuse la situation du groupe et s'est montré préoccupé pour la pérennité de la filière nucléaire française.

Evoquant ensuite l'avenir de l'industrie nucléaire,M. Jean-Claude Leny a estimé que cet avenir était européen. A cet égard, il a souligné l'importance du rapprochement franco-allemand, depuis 1989, Framatome et Siemens concevant ensemble le futur réacteur européen (European Pressurized Reactor : EPR). Il a jugé que ce programme était essentiel dans la perspective d'une éventuelle reprise du programme nucléaire allemand.

Il s'est interrogé sur l'avenir du projet EPR, dans le cadre du rapprochement avec GEC, alors notamment que cette entreprise était concurrente de Siemens sur de très nombreux marchés.

Dans le cadre d'une fusion, il s'est inquiété de voir une industrie stratégique risquée d'être contrôlée par une entreprise britannique, alors même que les anglais ne faisaient plus du nucléaire une priorité depuis longtemps.

Soulignant les difficultés de la négociation de l'accord de confidentialité entre les deux entreprises, il s'est inquiété de voir les anglais prendre ainsi connaissance de documents confidentiels concernant Framatome.

M. Jean-Claude Leny s'est interrogé sur la signification de l'engagement du Gouvernement relatif à la préservation du périmètre nucléaire de Framatome dans la nouvelle entité. Si tel était le souhait du Gouvernement, il a jugé que la préservation de ce périmètre ne pouvait être mieux garantie qu'au sein du groupe Framatome.

M. Henri Revol, président, a remercié l'orateur pour son exposé désintéressé et plein de franchise.

Répondant àM. Marcel-Pierre Cleach qui s'inquiétait des possibles répercussions d'une santé peut-être déficiente de la filiale connectique de Framatome sur le département de la Sarthe,M. Jean-Claude Leny a indiqué qu'après avoir subi un effondrement du marché pendant deux ans à l'issue de la guerre du Golfe, l'activité de FCI se développait de façon significative. Il a indiqué que ses activités dans le département de la Sarthe étaient aujourd'hui bien reparties et que FCI pourrait devenir la deuxième entreprise de connectique mondiale si elle bénéficiait d'un soutien raisonnable.

Répondant ensuite àM. Pierre Hérisson qui s'interrogeait sur les concurrents auxquels Framatome et Siemens seraient confrontés dans l'avenir,M. Jean-Claude Leny a estimé qu'au moment de la reprise du programme nucléaire français (vers 2010-2015) seules les entreprises s'y étant préparé sortiraient gagnantes de cette période. A cet égard, il a estimé qu'un grand groupe européen devrait exister, dont Framatome et Siemens constitueraient le noyau et qui devrait s'étendre à la Russie. Selon lui, les Etats-Unis seraient également présents, à travers une alliance entre Westinghouse et Mitsubishi, et entre General Electric et Hitachi, ainsi que les canadiens, soutenus par leur Gouvernement, et que les coréens déjà très présents en Chine.

Répondant àM. Pierre Hérisson qui lui demandait son avis sur l'avenir de Superphénix,M. Jean-Claude Leny s'est déclaré heureux que le réacteur ait atteint 90 % de sa puissance nominale. Il a déclaré que les vicissitudes qu'avait subi ce prototype montraient à quel point le nucléaire était difficile et que c'était une erreur de chercher à le banaliser.

Après s'être déclaré très séduit par les explications de l'orateur,M. Jean Boyer a indiqué que, de retour d'une mission au Caucase avec le ministre des affaires étrangères, il avait été alerté sur les besoins immédiats de réparation des centrales caucasiennes et avait été saisi d'une demande de participation de la France par les autorités de cette région.

M. Jean-Claude Leny a indiqué que Framatome avait travaillé avec les arméniens avant la chute de l'Union soviétique de même que dans une période plus récente. Il a insisté sur le fait que toute coopération en ce domaine avec les pays de l'ex-URSS n'était possible qu'avec l'aval de la Russie, les réacteurs de ces pays étant de conception soviétique. Il a jugé essentiel de développer ce type de coopération, de nature à ouvrir les marchés concernés. Citant l'exemple du remplacement éventuel des deux centrales arméniennes, il a indiqué qu'on ne pouvait espérer vendre des centrales françaises mais plutôt un concept d'origine russe, « occidentalisé » dans le cadre d'accords industriels.

Après avoir remercié l'orateur pour la clarté et la franchise de ses propos,M. Claude Billard a déclaré partager ses préoccupations. Il a jugé que si la fusion était menée à son terme, on tournerait une page de l'histoire du nucléaire civil à laquelle la France avait grandement contribué. Après avoir souligné les inquiétudes manifestées par l'ensemble des organisations syndicales au sein de Framatome (quant à la fusion et à ses répercussions sur l'emploi), il a demandé à l'orateur comment il envisageait la politique énergétique française dans un proche avenir.

M. Jean-Claude Leny a relevé que le parc nucléaire français en était encore à sa genèse, la centrale de Fessenheim I ayant à peine vingt ans, la première tranche de la centrale de Chooz venant d'être inaugurée et de nouvelles tranches devant être ouvertes d'ici l'an 2000 à Chooz et à Civeaux. Il a estimé que le parc nucléaire, auquel il convenait d'adjoindre l'énergie produite par des indépendants ou issue du programme éolien, répondrait ainsi aux besoins énergétiques pour les dix ans à venir.

A cet égard,M. Jean-Claude Leny a souhaité que la filiale Jeumont Industrie du groupe joue un rôle dans le programme éolien, mais il a craint qu'elle ne soit condamnée dans le cadre de la fusion.

Il a estimé que le problème énergétique se poserait à partir de 2010-2015, et qu'il convenait donc d'arrêter un programme avant 2005. D'ici là, il a souhaité que la France ne perde pas sa compétence nucléaire aujourd'hui exceptionnelle.

Après avoir félicité l'orateur pour sa clarté, sa franchise et sa détermination,M. Jean Huchon lui a demandé si l'entreprise ne pouvait résister à ce « mariage forcé ».

M. Jean-Claude Leny a indiqué qu'il n'avait pas été informé de ce projet de fusion, avant le 30 août 1996, date à laquelle le ministre de l'industrie lui avait annoncé le lancement imminent de communiqués de presse annonçant l'étude de cette fusion. Il a souligné qu'il n'avait pas été destinataire d'informations complémentaires depuis lors.

Répondant àM. Henri Revol, président, qui l'interrogeait sur l'état de la procédure,M. Jean-Claude Leny a indiqué que les procédures d'évaluation des deux sociétés (Framatome et GEC-Alsthom) avaient été longues à démarrer, en raison du retard lié à la signature du nécessaire accord de confidentialité, mais qu'elles semblaient maintenant avoir commencé. Précisant que cet accord avait été signé la veille, il a indiqué qu'il ne pouvait juger du délai nécessaire au travail considérable d'évaluation. Exposant que chacune des banques-conseil des parties intervenantes établirait sa propre évaluation de chacune des sociétés, il a indiqué qu'on était entré dans un processus très lourd et très long, dont l'inconvénient tenait au fait que l'on oubliait alors le caractère prioritaire de l'industrie proprement dite, risquant de mettre les sociétés concernées en difficulté.

Répondant àM. Pierre Hérisson qui s'interrogeait sur la répartition du capital des deux sociétés,M. Jean-Claude Leny a indiqué que le capital de GEC-Alsthom était partagé par moitié entre l'anglais GEC et Alcatel Alsthom, celui de Framatome se décomposant comme suit : 5 % au personnel de l'entreprise, 44 % à Alcatel Alsthom et 51 % aux autres actionnaires, que sont le CDR (4 %), EDF (11 %) et CEA Industrie (36 %).

Répondant àM. François Gerbaud qui lui demandait de préciser les différences entre Framatome et GEC-Alsthom,M. Jean-Claude Leny a souligné que les métiers des deux entreprises ne permettaient pas d'identifier de synergies. La seule synergie-métier qui pourrait exister entre les deux groupes concernerait la fabrication de turbines, qui ne représentait que 3 % de l'activité du groupe.

M. François Gerbaud s'est ensuite inquiété de l'avenir des bureaux d'études des deux entreprises, jugeant qu'ils devaient rester indépendants.

M. Jean-Claude Leny est convenu que les projets conçus par ces bureaux d'études respectifs n'étaient pas transférables. Il a indiqué que seule existait en matière nucléaire une synergie entre Framatome, EDF et COGEMA, ainsi qu'avec les partenaires étrangers comme Siemens.

Répondant àM. François Gerbaud qui s'inquiétait de la perte de substance intellectuelle et du préjudice en matière de recherche qui résulterait de la fusion,M. Jean-Claude Leny a indiqué que le plus petit partenaire serait inévitablement « laminé ».

Répondant ensuite àM. Jean Boyer qui s'interrogeait sur les réserves financières de GEC,M. Jean-Claude Leny a indiqué que cette entreprise disposait d'une trésorerie supérieure à celle de Framatome mais qu'elle enregistrait également des dettes. Il a relevé que si la trésorerie nette des deux entreprises était du même ordre de grandeur, c'était pour des chiffres d'affaires cependant très différents (55 milliards contre 18 milliards de francs pour Framatome).

* (2) Selon la proposition de directive, une « entreprise verticalement intégrée est définie comme une entreprise assurant au moins deux des fonctions suivantes : production, transport ou distribution d'électricité. »

* (3) Les clients « éligibles » sont ceux qui auront le droit, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, de faire appel aux producteurs d'électricité de leur choix

* (4) Seuls les clients consommant plus de 100 Gwh devront obligatoirement être éligibles dans tous les pays.

* (5) Distributeurs non nationalisés : l'ensemble des régies municipales, sociétés d'économie mixte (SEM), et sociétés d'intérêt collectif agricole pour l'électricité (SICAE), distributeurs d'électricité qui n'ont pas été nationalisés en 1946. Ceci concernait début 1991, 180 entreprises dont 4 SEM et 26 SICAE, desservant une population totale de 3,3 millions d'habitants.

* (6) Résolution n° 175- Rapport n° 443 présenté par M. Henri Revol au nom de la commission des Affaires économiques.

* (7) Mtep : millions de tonnes-équivalent- pétrole.

* (8) intensité énergétique : consommation d'énergie primaire, corrigée du climat, divisée par le PIB.

* (9) La provision pour reconstitution de gisements, destinée à compenser la non prise en compte sur le plan fiscal, de la dépréciation d'actifis que constitue, pour une société, l'épuisement progressif des réserves du gisement exploité, consiste à autoriser les compagnies pétrolières à déduire de leurs bénéfices imposables des sommes qui devront être obligatoirement réemployées, dans un certain délai, à la recherche de nouveaux gisements ou à l'amélioration du rendement de gisements anciens.

* (9) Rappelons que cette redevance, perçue sur chaque tonne de produit extrait selon des taux révisés annuellement par arrêté, est destinée aux départements et communes sur le territoire desquels se situent les installations d'extraction et de production d'hydrocarbures liquides ou gazeux. Pour les gisements mis en exploitation à compter du 1er janvier 1992, les taux de ces redevances ont été divisées par deux et leur évolution annuelle a été indexée sur l'indice des prix.

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