CHAPITRE II - LE PROJET DE ZONE FRANCHE

C'est dans ce contexte économique et politique difficile qu'a été élaboré le projet de zone franche, après une nouvelle phase d'échange de vues entre le Gouvernement et la collectivité territoriale de Corse.

I. UN NOUVEAU DIALOGUE ENTRE L'ÉTAT ET LA CORSE

A. L'ASSEMBLÉE TERRITORIALE : PO UR UN PROGRAMME D'OPTIONS SPÉCIFIQUES À L'ÉLOIGNEMENT ET À L'INSULARITÉ ("POSEI")

L'Assemblée territoriale de Corse a fait connaître, dans une délibération du 13 février 1996, son souhait de voir l'île bénéficier d'un « POSEI », programme européen d'aide aux îles éloignées des continents.

Après avoir exposé la spécificité de la situation corse, de son régime fiscal, et les aides communautaires accordées à l'île dans le cadre du "DOCUP", complétées par quelques programmes spécifiques, l'Assemblée a exposé le contenu de sa demande.

1. La justification du « POSEI »

a) Les contraintes fiscales européennes

Dans sa délibération, l'Assemblée rappelle justement que le Conseil des ministres européen a adopté une directive, le 19 octobre 1992, fixant les taux de TVA et de droits d'accises sur tout le territoire de la communauté à compter du 1er janvier 1993 et qu'une déclaration du Conseil et de la commission a prévu des dérogations provisoires pour la Corse :

- jusqu'au 31 décembre 1994, maintien des réductions des taux d'accises sur les huiles minérales,

- jusqu'au 31 décembre 1996, maintien des taux de TVA spécifiques pour la Corse,

- jusqu'au 31 décembre 1997, relèvement progressif des droits de consommation sur les tabacs spécifiques qui doivent rejoindre le taux de droit commun.

L'Assemblée fait valoir que la stricte application de ces règles entraînerait un prélèvement fiscal sur la Corse de l'ordre de 500 millions de francs par an (TVA : 380 millions de francs, tabacs : 104 millions de francs, produits pétroliers : 78 millions de francs), et entraînerait une forte augmentation des prix dans l'île.

b) Les contraintes européennes sectorielles

L'Assemblée territoriale fait valoir en outre les effets négatifs de la réglementation européenne dans plusieurs domaines :

- en agriculture (contraintes de la politique agricole commune sur le vin et les céréales, des aides à l'investissement pour la filière porcine, limitation...),

- dans le secteur de la pêche (plafonnement des dépenses éligibles,...),

- dans le domaine des aides aux entreprises (plafonnement des aides à 30 % de l'investissement),

- dans le domaine des transports (mise en concurrence de toutes les compagnies européennes).

c) Les conséquences d'une éventuelle sortie de l'objectif n° 1

L'Assemblée souligne qu'une sortie éventuelle de la Corse de l'objectif n° 1, dans le cadre, par exemple, d'une réforme des fonds structurels européens, aurait plusieurs conséquences dommageables.

La Corse deviendrait principalement éligible à l'objectif 5b destiné " à la préservation et au développement des zones rurales fragiles ou dépeuplées" ; elle serait en concurrence avec un nombre beaucoup plus élevé de régions, et certains investissements ne pourraient plus être subventionnés...

Au total : « il est plus que probable que l'enveloppe finalement attribuée serait loin des 250 Mécus obtenus par la Corse pour la période 1994-1999.»

"Or, la nature insulaire de la Corse fait que l'objectif 5b est inadapté à ses besoins qui supposent des mesures pour l'ensemble de son territoire, notamment dans le domaine des transports et de la compensation des handicaps de l'insularité.

"L'ensemble de ces contraintes, de même que les conséquences qui découleraient d'une harmonisation sans nuances, rendent indispensable la mise en oeuvre de mesures spécifiques s'inscrivant dans la continuité des politiques déjà menées par l'État et l'Union européenne.»

2. Les demandes exprimées

L'Assemblée territoriale demande que les mesures mises en oeuvre dans le cadre du DOCUP puissent être poursuivies au-delà de 1999 "sans préjudice des nouvelles mesures qui apparaîtraient alors nécessaires".

L'Assemblée demande donc que le POSEI prévoie qu'il pourra, par voie d'avenant, inclure des mesures « au cas où elles ne pourraient plus être prises en compte dans un autre cadre juridique » .

a) La fiscalité

L'Assemblée demande que soit consacrée une fiscalité corse indirecte Particulière contribuant au développement économique et social et permettant de compenser les contraintes spécifiques que subit la Corse (régime de TVA et d'accises, fiscalité des successions).

b) Les mesures sectorielles

L'Assemblée présente, dans les domaines de l'agriculture, de la Pêche, de l'artisanat, des entreprises, des technologies nouvelles, des transports, du tourisme, de l'énergie, de l'environnement, de l'investissement des collectivités publiques, une liste de demandes d'aides ciblées sur la situation spécifique de la Corse.

3. Le cadre juridique de la demande

L'Assemblée se réfère aux POSEI adoptés en faveur des DOM français, des îles Canaries de Madère et des Açores, ainsi qu'au règlement du Conseil portant mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des îles de la mer Égée, mis en place le 19 juillet 1993.

Tout en reconnaissant l'absence « d'ultrapériphéricité » pouvant être reconnue à la Corse, l'Assemblée invoque notamment l'article 235 du Traité de Rome qui permet au Conseil d'agir si cela apparaît nécessaire pour réaliser « l'un des objectifs de la Communauté », et l'article 130 B qui prévoit l'adoption de mesures spécifiques en dehors des fonds, par le Conseil à l'unanimité.

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