EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Schéma national d'accueil des gens du voyage

Cet article premier reprend la suggestion faite par la proposition de loi n° 240, dont M. Louis Souvet est le premier signataire, qui, dans son article 3 , prévoit un répertoire national des terrains aménagés pour l'accueil des gens du voyage. Cette suggestion est fondée sur la considération que les déplacements importants se renouvelant chaque année (conventions bibliques, pèlerinages) doivent être planifiés afin d'établir une liste de sites aménagés sur lesquels l'ensemble des populations migrantes pourra être réparti.

Dans le même esprit, le présent article prévoit l'établissement d'un schéma national qui devra définir les conditions d'accueil des gens du voyage dans le cadre des grandes migrations traditionnelles.

Ce schéma aura pour objet de fixer une liste de terrains susceptibles d'être utilisés pour accueillir ces grands déplacements que constituent notamment les pèlerinages. Il prévoira les aménagements nécessaires sur ces terrains.

Document d'orientation, le schéma national n'aura pas pour objet de figer les situations par une définition rigide d'une liste de terrains destinés à l'accueil des grandes migrations. Il s'agira par ce document de mettre en cohérence les mesures destinées à permettre le déroulement de ces migrations dans des conditions satisfaisantes. L'établissement d'un schéma national permettra ainsi de mieux affirmer la responsabilité de l'Etat dans un domaine où les collectivités locales se trouvent trop souvent isolées.

En outre, l'accueil des grandes migrations traditionnelles de gens du voyage ne doit pas être séparé des préoccupations d'aménagement du territoire . A cette fin, le présent article prévoit que le schéma national d'accueil des gens du voyage devra respecter les orientations de la politique nationale d'aménagement et de développement du territoire.

Le respect de ces orientations sera facilité par l'association du conseil national de l'aménagement et du développement du territoire à l'élaboration du projet de schéma national d'accueil des gens du voyage. Le conseil national donnera son avis sur ce projet.

On rappellera que, créé par l'article 3 de la loi d'orientation du 4 février 1995, le conseil national de l'aménagement et du développement du territoire est présidé par le Premier ministre. Il est composé au moins pour moitié de représentants des assemblées parlementaires et des collectivités territoriales ainsi que de représentants des activités économiques, sociales, familiales, culturelles, associatives et de personnalités qualifiées.

Le conseil national formule des avis et des suggestions sur la mise en oeuvre de la politique d'aménagement et de développement du territoire par l'Etat, les collectivités territoriales et l'Union européenne. Il est également associé à l'élaboration du schéma national d'aménagement et de développement du territoire ainsi qu'à celle des projets sectoriels. Il donne son avis sur ces projets.

Par ailleurs, le conseil national est également consulté sur les projets de directives territoriales d'aménagement prévues à l' article L 111-1-1 du code de l'urbanisme. Il peut enfin se saisir de toutes questions relatives à l'aménagement et au développement du territoire qui lui paraissent nécessiter son avis.

La commission nationale consultative des gens du voyage sera également associée, dans les mêmes conditions, à cette procédure.

Créée par le décret n° 92-262 du 24 mars 1992 , la commission nationale consultative des gens du voyage a une composition tripartite : dix représentants des ministères concernés ; dix représentants des élus (deux députés, deux sénateurs, un président de conseil général, un président de conseil régional, quatre maires dont un d'une commune de moins de 5 000 habitants) ; dix représentants des gens du voyage.

Présidée par le Premier ministre, cette commission est chargée d'étudier les problèmes spécifiques que connaissent les gens du voyage et de faire au Premier ministre les propositions de nature à les résoudre, en vue d'assurer une meilleure insertion de cette population dans la communauté nationale.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 2
Localisation des terrains d'accueil
pour les grandes migrations traditionnelles de gens du voyage

Cet article a pour objet de prendre en compte le cas où il serait nécessaire pour l'Etat de traduire dans des documents d'urbanisme les objectifs définis par le schéma national prévu à l'article premier, en ce qui concerne les grandes migrations traditionnelles.

Ainsi l'Etat pourra souhaiter préciser ses objectifs en matière de localisation des terrains d'accueil des gens du voyage pour ces migrations dans le cadre des directives territoriales d'aménagement prévues par l'article L 111-1-1 du code de l'urbanisme.

On rappellera que ces directives ont été instituées par l'article 4 de la loi d'orientation du 4 février 1995. Elles peuvent fixer, sur certaines parties du territoire, les orientations fondamentales de l'Etat en matière d'aménagement et d'équilibre entre les perspectives de développement, de protection et de mise en valeur des territoires.

Elles doivent également fixer les principaux objectifs de l'Etat en matière de localisation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages. Elles peuvent préciser pour les territoires concernés les modalités d'application des lois d'aménagement et d'urbanisme, adaptées aux particularités géographiques locales.

Ces directives territoriales sont élaborées sous la responsabilité de l'Etat et à son initiative. Les collectivités locales ainsi que les groupements de communes compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme et les comités de massif sont associés à leur élaboration. Elles sont approuvées par décret en Conseil d'Etat.

Les schémas directeurs et les schémas de secteur doivent être compatibles avec les directives territoriales d'aménagement.

En l'absence de schémas de directeurs ou de schémas de secteur, les plans d'occupation des sols doivent être compatibles avec ces directives.

En visant les directives territoriales d'aménagement, le présent article souligne la responsabilité de l'Etat pour les grandes migrations traditionnelles, en concertation avec les collectivités locales.

On rappellera, par ailleurs, que le conseil national de l'aménagement et du développement du territoire est consulté sur les projets de directives territoriales.

Lorsque l'Etat aura recours à ce document d'urbanisme, celui-ci devra prendre en compte les orientations inscrites au schéma national.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 3
(article L 2215-1-1 du code général des collectivités territoriales)
Pouvoirs du représentant de l'Etat dans le département dans le cadre
des grandes migrations traditionnelles des gens du voyage

Cet article tend à insérer un article L 2215-1-1 dans le chapitre V " Pouvoirs du représentant de l'Etat dans le département " du titre premier " Police " du Livre deuxième " Administration et services communaux " du code général des collectivités territoriales, afin d'affirmer le rôle du représentant de l'Etat dans le département dans la prise en charge des grandes migrations traditionnelles des gens de voyage.

Cette disposition reprend la suggestion de la proposition de loi n° 240 ( article 3 ) dont M. Louis Souvet est le premier signataire.

Le représentant de l'Etat agira, en l'espèce, dans le cadre des pouvoirs de police qui lui sont dévolus par l'article L 2215-1 du code général des collectivités territoriales.

Rappelons qu'en application de l'article L 2215-1 , le représentant de l'Etat peut prendre, par toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la sécurité , de la sûreté et de la tranquillité publiques. Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l'Etat à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat.

En outre, lorsque le maintien de l'ordre est menacée dans deux ou plusieurs communes limitrophes, le représentant de l'Etat peut se substituer, par arrêté motivé, aux maires des communes pour leurs pouvoirs de police qui concernent la répression des atteintes à la tranquillité publique, le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes et la police des baignades et activités nautiques.

Enfin, et cette disposition est particulièrement importante en l'espèce, le représentant de l'Etat est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune.

Précisant ces pouvoirs et affirmant le rôle de l'Etat en la matière, le présent article confie au représentant de l'Etat le soin de prendre les mesures nécessaires à une répartition équilibrée des gens du voyage sur les terrains situés dans le département qui ont été inscrits au schéma national prévu par l'article premier, lequel concerne les grandes migrations traditionnelles.

Le représentant de l'Etat devra exercer sa mission conformément aux orientations retenues par le schéma national.

Il jouera donc un rôle essentiel pour veiller à éviter -comme le révèle l'exposé des motifs de la proposition de loi n° 240 - " des concentrations anarchiques dans des lieux incongrus, concentrations qui entraînent des pollutions et des dégradations des sites ainsi que des conditions d'hygiène plus que précaires pour les principaux intéressés ".

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 4
(article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990)
Modalités d'aménagement des aires d'accueil des gens du voyage

Cet article tend à modifier l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, afin de mieux définir les obligations des communes pour l'aménagement d'aires d'accueil des gens du voyage.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 prévoit l'élaboration d'un schéma départemental qui détermine les conditions d'accueil spécifiques des gens du voyage, en ce qui concerne le passage et le séjour, en y incluant des conditions de scolarisation des enfants et celles d'exercice d'activités économiques.

En outre, l'article 28 fait obligation aux communes de plus de 5 000 habitants de prévoir les conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur son territoire par la réservation de terrains aménagés à cet effet. A partir des informations transmises par 85 préfectures, le ministère de l'intérieur recense 378 aires municipales en métropole pour 1739 communes soumises à l'obligation légale, une cinquantaine d'aires étant gérées sur un mode intercommunal.

En contrepartie, dès la réalisation d'une aire d'accueil, le maire ou les maires des communes qui se sont groupées pour sa réalisation peuvent, par arrêté, interdire le stationnement des gens du voyage sur le reste du territoire communal.

Bien que la procédure du schéma départemental n'ait pas été appliquée dans tous les départements, votre commission juge préférable de ne pas la remettre en cause ni même de prévoir des modifications substantielles de cette procédure. D'une part, le niveau départemental paraît le niveau adéquat pour définir un cadre cohérent de l'accueil des gens du voyage dès lors que ne sont pas en cause de grandes migrations qui, elles, doivent être planifiées au niveau national. D'autre part, si des schémas n'ont pas été mis en place dans tous les départements, il ne paraît pas souhaitable de définir de nouveaux principes qui impliqueraient nécessairement la révision des schémas existants.

En revanche, les obligations imposées aux communes par la loi du 31 mai 1990 méritent d'être corrigées .

En premier lieu, le seuil de 5 000 habitants retenu pour la création obligatoire d'aires d'accueil ne correspond pas aux réalités locales . Il peut être plus logique, dans certains départements de créer des aires d'accueil dans des communes de taille inférieure. En outre, cette obligation uniforme ne peut avoir de sens que dans certains départements qui sont les plus concernés par les déplacements des gens du voyage. Enfin, la définition d'un seuil uniforme ne permet pas de prendre en compte suffisamment la coopération intercommunale . Or, celle-ci semble dans bien des cas la solution adéquate pour l'aménagement d'aires d'accueil. Elle favorise, en effet, la concertation entre les communes pour le choix des terrains et permet une mutualisation des coûts au niveau tant de l'investissement que du fonctionnement.

C'est pourquoi, tout en maintenant l'obligation faite aux communes par la loi du 31 mai 1990, le présent article supprime tout seuil de population. Par conséquent, il ne reprend pas la suggestion de la proposition de loi n° 240 tendant à moduler cette obligation à partir de strates de population. Il définit une obligation pour les communes et leurs groupements de concourir à la mise en oeuvre du schéma départemental par la réservation de terrains aménagés en vue du passage et du séjour des gens du voyage, en fonction des orientations retenues par le schéma départemental.

Cette nouvelle rédaction conduit ainsi à privilégier une approche départementale pour la définition des orientations et une approche intercommunale pour l'aménagement des aires d'accueil.

En outre, le second alinéa du présent article prévoit la conclusion d'une convention qui associera tous les partenaires concernés par l'aménagement d'aires d'accueil et évitera ainsi l'isolement des communes.

Cette convention devra être conclue obligatoirement entre l'Etat, la région, le département et la commune d'accueil. Un établissement public de coopération intercommunale qui aurait été doté de cette compétence par les communes adhérentes mais aussi tout autre organisme public susceptible d'intervenir dans ce domaine pourra participer à la convention.

Celle-ci devra préciser les modalités d'aménagement de l'aire. A cet égard, votre rapporteur relève -à partir des exemples d'aires d'accueil qui fonctionnent bien- que, pour être opérationnelles, celles-ci ne doivent pas être trop étendues, faire l'objet d'une gestion par un personnel permanent et être différenciées selon la population concernée. A partir des données recensées dans le schéma départemental et les objectifs fixés par celui-ci, la convention devra donc permettre de concevoir une aire d'accueil adaptée aux besoins.

En outre, la convention doit favoriser une mutualisation des coûts entre les différentes parties intéressées tant pour l'investissement que pour le fonctionnement.

Le coût d'une place peut être évalué à 100 000 francs en investissement et à 20 000 francs par an en fonctionnement.

La contribution de l'Etat par l'intermédiaire du chapitre 65-48 s'élève actuellement à 35 % des investissements. Ce taux est probablement insuffisant, comme en témoigne notamment la faible consommation des crédits.

L'Etat devrait donc, en fonction des objectifs arrêtés par la convention, accroître sa contribution. Il pourrait également envisager de la moduler en fonction du calendrier de réalisation de l'aire d'accueil. Le département, la région et, le cas échéant, des organismes publics intéressés pourraient également financer le programme d'aménagement d'aires d'accueil.

En outre, comme votre rapporteur l'a indiqué ci-dessus, l'intervention d'un établissement public de coopération intercommunale ne peut que renforcer cette nécessaire mutualisation des coûts.

Pour donner toute son efficacité à ce cadre conventionnel, il serait vraisemblablement utile de pouvoir faire bénéficier les communes ou leurs groupements d'" opérateurs techniques " ayant une bonne connaissance de réalisations antérieures ayant réussi.

Enfin, le présent article ne reprend pas la faculté ouverte au maire d'une commune ayant créé une aire d'accueil d'interdire le stationnement des gens du voyage sur le reste du territoire communal, cette faculté étant codifiée dans le code général des collectivités territoriales par l'article 6.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 5
Création d'une commission consultative
départementale des gens du voyage

Cet article a pour objet de prévoir la possibilité de créer une commission consultative départementale des gens du voyage, afin de favoriser la mise en place d'un cadre de concertation et de médiation au plan local.

Cette commission, à l'instar de la commission nationale consultative des gens du voyage associera des représentants de l'Etat, des collectivités locales et des gens du voyage. En outre, des personnalités qualifiées devront y siéger. Elle sera coprésidée par le représentant de l'Etat dans le département et par le président du conseil général.

Sa création ne sera pas rendue obligatoire, afin de tenir compte de la diversité des situations dans les départements au regard du problème des gens du voyage.

La commission consultative exercera une double mission. En premier lieu, elle devra établir chaque année un bilan de l'application du schéma national défini par l'article premier et du schéma départemental prévu par l'article 28 de la loi du 31 mai 1990.

La commission pourra ainsi identifier les difficultés rencontrées et proposer des solutions pour y remédier. Cette mission devra la conduire à examiner non seulement le fonctionnement des aires d'accueil mais aussi, le cas échéant, les difficultés suscitées par un stationnement illicite en dehors de ces aires. Elle sera ainsi appelée à favoriser la recherche de solutions amiables et, si nécessaire, à promouvoir une action coordonnée de l'Etat et des maires des communes concernées pour y mettre un terme.

En second lieu, la commission consultative exercera une fonction de médiation dont la nécessité est clairement mise en évidence par la " confrontation de points de vue " opposés que l'on peut observer dans certaines communes.

Cette fonction de médiation est évidemment étroitement liée à la première mission de la commission consultative telle qu'elle a été décrite ci-dessus. Elle conduira, en effet, la commission à chercher à remédier aux difficultés concrètes dans le fonctionnement des aires d'accueil. Elle pourra également la conduire à rechercher une solution amiable pour faire cesser un stationnement illicite.

Pour exercer cette médiation, la commission désignera l'un de ses membres qui devra lui rendre compte de sa mission. La composition de la commission lui permettra de choisir , selon la nature du problème en cause, celui de ses membres qui lui paraîtra le plus qualifié pour le résoudre.

On notera que la création d'une commission consultative au plan local devrait atténuer les difficulés trop souvent rencontrées par les élus locaux pour s'adresser à des interlocuteurs qualifiés issus de la communauté des gens du voyage.

La commission consultative constituera enfin un cadre adéquat pour évoquer les autres aspects de la situation des gens du voyage, notamment ceux liés à la sédentarisation. Elle pourra ainsi utilement se rapprocher du conseil départemental d'insertion et de la commission locale d'insertion.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 6
(articles 2213-6-1 et 2213-6-2
du code général des collectivités territoriales)
Moyens d'action du maire pour faire cesser
le stationnement irrégulier

Cet article a pour objet d'insérer deux nouveaux articles L. 2213-6-1 et L. 2213-6-2 dans la section 1 (" Police de la circulation et du stationnement ") du chapitre III (" Pouvoirs de police portant sur des objets particulier ") du titre premier (" Police ") du livre deuxième (" Administration et services communaux ") du code général des collectivités territoriales, afin de renforcer les moyens d'action du maire pour faire cesser le stationnement irrégulier.

Dans le droit en vigueur, le maire dispose en premier lieu de ses pouvoirs de police municipale qui lui permettent de réglementer les conditions de stationnement et de séjour des gens du voyage sur le territoire communal ( articles L. 2212-2, 2° et 3°, L. 2213-2, 2° du code général des collectivités territoriales).

La jurisprudence a confirmé la faculté de réglementer ces conditions de stationnement afin d'éviter qu'elles ne créent un danger pour la salubrité , la sécurité ou la tranquillité publique.

En fonction des circonstances locales le maire peut ainsi limiter la durée du stationnement sur le territoire communal aussi bien sur le territoire de passage que sur le reste du territoire communal si le stationnement y est toléré.

Néanmoins, sont illégales les mesures comportant une interdiction totale du stationnement et de séjour. Il en est de même de celles qui aboutissent en fait à une impossibilité pour les nomades de stationner pendant le temps minimum qui leur est nécessaire. La jurisprudence n'admet ainsi une limitation inférieure à 48 heures qu'en cas d'absolue nécessité résultant de troubles graves à l'ordre public.

Par ailleurs, la loi du 31 mai 1990 a confirmé la solution jurisprudentielle reconnaissant au maire d'une commune qui met à la disposition des gens du voyage un terrain aménagé la faculté d'interdire leur stationnement sur le reste du territoire communal. Elle a étendu la même faculté aux maires des communes qui se sont groupées pour réaliser un tel équipement.

Le code de l'urbanisme réglemente par ailleurs le stationnement des caravanes et reconnaît dans ce cadre un certain nombre de prérogatives au maire.

L' article R. 443-4 subordonne un stationnement pendant plus de trois mois par an, consécutif ou non, d'une caravane à l'obtention par le propriétaire du terrain sur lequel elle est installée d'une autorisation qui est délivrée par le maire ou le préfet, selon que la commune est ou non dotée d'un plan d'occupation des sols approuvé. Cette autorisation ne peut être délivrée pour une période supérieure à trois ans mais qui est renouvelable. Lorsque les caravanes constituent l'habitat permanent de leurs utilisateurs, l'autorisation n'est exigée que si le stationnement est continu.

L'autorisation peut elle-même être subordonnée à des prescriptions spéciales notamment si le mode d'occupation des sols est susceptible de porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publique ( article R. 443-10 ).

Dans le même esprit, lorsque plus de six caravanes stationnent de façon habituelle sur un terrain, le propriétaire de celui-ci ou la personne en ayant la jouissance doit avoir obtenu l'autorisation de l'aménager conformément aux dispositions du code de l'urbanisme ( article R. 443-7 ).

Le code de l'urbanisme réglemente, par ailleurs, le stationnement sur des terrains appartenant aux collectivités publiques, en l'interdisant de manière générale dans certaines zones protégées ( article R. 443-9 ) ou en permettant au maire de le prohiber également en-dehors des terrains aménagés, après avis de la commission départementale d'action touristique et pour des motifs limitativement énumérés ( article R. 443-10 ).

Le non respect de cet ensemble de dispositions fait l'objet de sanctions , lesquelles ne sont pas toujours suffisamment dissuasives.

Ainsi, l'inobservation des arrêtés de police en matière de stationnement donne lieu à une contravention de première classe (amende de 30 à 250 francs) prévue par l' article R. 610-5 du code pénal.

Une sanction identique est encourue en cas de stationnement ininterrompu d'une caravane sur une dépendance du domaine public routier, pendant une durée excédant sept jours , en infraction avec les dispositions de l' article R 37 du code de la route.

L'occupation sans titre du domaine public routier constitue, par ailleurs, une contravention de voirie sanctionnable par le juge pénal.

Le stationnement abusif, gênant ou dangereux au sens des articles R. 37 et suivants du code de la route est lui-même passible des sanctions prévues par les articles R. 233-1 et suivants du même code.

L'article L. 480-4 du code de l'urbanisme sanctionne pour sa part pénalement la violation des règles d'urbanisme, en édictant une peine d'amende qui ne peut être inférieure à 8 000 francs et, en cas de récidive, une peine de six mois d'emprisonnement.

L'ensemble de ces sanctions ne suffit cependant pas toujours à mettre un terme au stationnement irrégulier. Le maire peut alors saisir les tribunaux aux fins de faire ordonner l'évacuation des contrevenants. Il s'agit du tribunal administratif dans le cas d'un occupant sans titre du domaine public et du juge judiciaire si le terrain appartient au domaine privé de la commune. En cas d'urgence, la procédure de référé peut être utilisée.

Il reste que ces procédures juridictionnelles peuvent, dans certains cas, paraître lourdes à mettre en oeuvre pour des élus locaux confrontés à des situations d'urgence. En outre, le maire se trouve relativement démuni pour faire cesser un stationnement irrégulier sur un terrain privé alors même que ce stationnement peut avoir des effets néfastes pour l'ordre public.

Votre commission des Lois tient à souligner que la recherche d'une application effective des mesures destinées à faire cesser le stationnement illicite doit constituer un objectif prioritaire .

- Le présent article prévoit, en premier lieu de codifier dans le code général des collectivités territoriales les dispositions du dernier alinéa de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 qui permettent au maire d'une commune qui a aménagé une aire d'accueil d'interdire le stationnement sur le reste du territoire communal et étendent cette même faculté aux maires des communes qui se sont groupées aux mêmes fins.

Cette codification permet de répondre aux préoccupations exprimées par les propositions de loi n° 240 et n° 259.

On rappellera qu'une circulaire du 16 octobre 1991 a défini deux facteurs principaux sur lesquels devrait se fonder le contrôle de légalité s'exerçant sur des arrêtés d'interdiction du stationnement en dehors des aires aménagés : d'une part, les conditions générales d'accueil en fonction des besoins locaux, en particulier la capacité de l'aire qui peut être appréciée par référence au schéma départemental; d'autre part, dans le cas d'un regroupement intercommunal, l'aire géographique desservie, laquelle " si elle peut raisonnablement correspondre aux limites d'un canton en zone rurale (...) doit être appréciée, en zone urbaine et périurbaine, en fonction des réalités locales (itinéraires pratiqués et structures intercommunales existantes) ".

En outre, la même circulaire indiquait " qu'il ne peut être envisagé de prendre un arrêté d'interdiction de stationnement sur des terrains privés permettant l'accueil des caravanes en application des prescriptions du code de l'urbanisme (articles R. 443-7 et R. 443-4 de ce code) ".

- En second lieu, le présent article ouvre au maire la faculté de saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés lorsque le stationnement irrégulier de caravanes sur un terrain privé ou sur le domaine privé communal est de nature à porter atteinte à la salubrité , à la sécurité ou à la tranquillité publique, afin d'obtenir l'évacuation ce ces caravanes.

Dans le droit en vigueur, comme votre rapporteur l'a indiqué précédemment, le maire se trouve, en effet, relativement démuni pour faire cesser un stationnement irrégulier sur un terrain privé. Certes, des sanctions pénales sont prévues par le code de l'urbanisme mais leur application reste subordonnée à la mise en ouvre de l'action publique, dont l'objectif est d'obtenir une condamnation pénale. En outre, si l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme permet au tribunal de statuer sur la remise en conformité des lieux, force est d'observer que ces dispositions -qui ont été conçues pour des ouvrages ou constructions- peuvent être d'application plus délicate s'agissant de caravanes.

Aussi, le présent article reconnaît au maire un intérêt à agir devant le juge civil aux fins d'obtenir l'évacuation de caravanes d'un terrain privé à la double condition que le stationnement de ces caravanes soit irrégulier et que leur présence soit de nature à porter atteinte à la salubrité , à la sécurité ou à la tranquillité publique.

On rappellera que le droit en vigueur prévoit d'ores et déjà une faculté d'intervention du maire ou du représentant de l'Etat, s'agissant de propriétés privées, pour des motifs d'ordre public.

Dans le cas des immeubles insalubres , l'article L. 30 du code de la Santé publique prévoit que le préfet est recevable à engager une action aux fins d'expulsion des occupants d'un tel immeuble, lorsque, à l'expiration du délai fixé pour le départ de ces occupants, les locaux n'ont pas été libérés et à défaut pour le propriétaire ou l'usufruitier d 'avoir engagé cette action. Le maire peut, pour sa part, saisir le juge des référés afin de faire autoriser l'exécution d'office de travaux aux frais du propriétaire.

En ce qui concerne les bâtiments menaçant ruine , les articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation reconnaissent au maire un certain nombre de prérogatives, notamment celle de provoquer la nomination d'un homme de l'art par le tribunal d'instance. Si le rapport de l'expert constate l'urgence ou le péril grave et imminent le maire peut ordonner l'évacuation de l'immeuble.

En matière de lutte contre le bruit , l'article 27 de la loi du 31 décembre 1992 permet, indépendamment des poursuites pénales, à l'autorité administrative compétente de demander au juge que l'objet ou le dispositif facteur de trouble soit rendu inutilisable ou détruit.

Dans le droit en vigueur, le maire peut, par ailleurs, dans certains cas être habilité à ordonner des mesures sur des propriétés privées. Ainsi, l'article 94 de la loi du 2 février 1995 a permis au maire, pour des motifs d' environnement , de notifier par arrêté au propriétaire qui n'entretient pas son terrain l'obligation d'exécuter à ses frais les travaux de remise en état du terrain après mise en demeure. Faute d'exécution de ces travaux dans les délais prescrits, le maire peut procéder d'office à ces travaux aux frais du propriétaire.

En vertu du présent article, le président du tribunal de grande instance statuera en la forme des référés . Cette procédure est prévue dans un certain nombre de domaines par le droit actuel : lorsque le juge relève le défendeur de la forclusion ( article 540 du nouveau code de procédure civile); lorsqu'il statue sur des demandes d'institution d'une servitude d'utilité commune ( article R. 451-1 du code de l'urbanisme); pour la désignation d'un expert afin de procéder à une évaluation des droits sociaux ( article 1843-4 du code civil); pour la prescription de mesures d'urgence en matière d'indivision ( article 815-6 du code civil); lorsque le juge aux affaires familiales statue après le prononcé du divorce et de la séparation de corps; pour certains contentieux en matière de marchés publics (article 11-1 de la loi du 3 janvier 1991 modifiée).

Dans toutes ces hypothèses, le juge statue comme juge du fond. Son ordonnance est donc prise au principal et non pas au provisoire. Elle a donc autorité de la chose jugée . Elle peut bénéficier dune exécution provisoire mais conformément à l'article 515 du nouveau code de procédure civile, soit à la demande des parties soit d'office chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.

En outre, l'assignation à peine d'irrecevabilité devra obligatoirement être notifiée au propriétaire du terrain, à l'usufruitier ou à tout autre titulaire du droit d'usage. Ainsi, celui-ci pourra contester le motif d'ordre public qui fonde la démarche du maire ou exciper de l'illégalité de l'arrêté du maire interdisant le stationnement sur ce terrain.

On notera, enfin, que les dispositions des articles 61 et 62 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, qui concernent les mesures d'expulsion pourront s'appliquer.

Ainsi conçu ce dispositif paraît de nature à concilier de manière satisfaisante le respect de l'ordre public qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle et le droit de propriété.

Votre commission vous propose d'adopter cet article 6 dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Intitulé de la proposition de loi

Votre commission des Lois vous propose un intitulé qui vise les conditions de stationnement des gens du voyage.

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