B. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE

La participation du DFA à l'Association des Etats de la Caraïbe apparaît doublement bénéfique pour la France comme pour les pays du Bassin Caraïbe.

1. Les mérites pour la France d'une meilleure insertion des départements français d'Amérique dans leur environnement

a) Un enjeu économique

L'accord devrait d'abord favoriser une meilleure insertion économique des DFA dans leur environnement régional. En effet, les DFA, partie intégrante du territoire douanier de la CEE, admettent, au titre de la convention de Lomé, les produits des Etats ACP voisins sans restriction quantitative ni droits de douane -sous réserve de certains critères de contenu local des biens concernés. Les produits agricoles relèvent pour leur part d'une organisation commune de marché ou de protocoles particuliers de la convention de Lomé relatifs au sucre, au rhum et à la banane.

En revanche, en vertu du principe de non réciprocité dans les échanges commerciaux entre la Communauté et les pays ACP (article 25 de la Convention), ces derniers peuvent imposer des restrictions quantitatives ou des droits de douane aux exportations des DOM.

Certes, la Convention de Lomé prévoit dans son Annexe XXXII la possibilité de " mesures spécifiques en faveur des DOM" , "en cas d'accords commerciaux concernant les départements français d'outre-mer".

La perspective d'accords commerciaux pourrait précisément se concrétiser dans le cadre de la présente convention dont l'article 3 envisage notamment "l'intégration économique y compris la libéralisation du commerce". De tels accords pourraient contribuer, en particulier, à éliminer les droits prohibitifs imposés, dans le cadre des " negative lists ", à nombre de produits commercialisés à partir des départements d'outre-mer. De la sorte les DFA pourraient rééquilibrer progressivement leurs échanges, aujourd'hui très déficitaires avec les Etats voisins.

Structure des échanges des DFA avec les pays de la zone Caraïbe (1993)


Amérique centrale Amérique du sud
Importations 154 MF 204 MF
GUADELOUPE

Exportations

5 MF

1 MF

Importations 194MF 237 MF
MARTINIQUE

Exportations

14 MF

0,9 MF

Importations 84 MF* 67 MF
GUYANE

Exportations

0,9 MF

2,4 MF


* dont 98 % avec Trinité et Tobago.

Par ailleurs, l'Association des Etats de la Caraïbe doit pouvoir favoriser les investissements des entreprises des DFA dans les pays voisins et ouvrir ainsi de nouveaux marchés pour nos départements.

b) Les enjeux politiques

La participation de la France à l'association des Etats de la Caraïbe présente également plusieurs avantages politiques. Elle contribuera d'abord à renforcer le rôle des DFA dans la région et permettra ensuite de conforter la place de la France dans l'espace Caraïbe .

Les DFA membres à part entière de la République française, ont eu peut être, plus de difficulté, en raison même de ce statut et à la différence des territoires dépendants britanniques et néerlandais, à s'affirmer sur la scène régionale.

Cette fois, cependant, les représentants des DFA ont été très étroitement associés à la négociation de la présente convention. Les délégations françaises aux réunions de l'AEC sont conduites par un responsable de la Guadeloupe, de la Martinique ou de la Guyane. De même, les experts des comités spéciaux chargés d'étudier les questions techniques sont choisis prioritairement au sein de ces trois départements. Cette orientation ne favorise pas seulement une meilleure concertation entre les DFA et l'Etat mais confère aussi une crédibilité renforcée aux DFA dont l'influence sur la politique française dans les Caraïbes peut être mieux reconnue par les pays voisins.

En outre, au-delà de ce seul effet bénéfique pour les DFA, la participation à l'association des Caraïbes conforte la légitimité de la présence française dans la zone . Cette reconnaissance constitue certes, avant tout, un gage de la pérennité du lien entre la France et ces DFA. Mais elle représente un atout supplémentaire pour notre diplomatie. Cette région présente en effet pour la politique étrangère trois enjeux parfois restés inaperçus :

- un appui potentiel pour les orientations françaises sur la scène internationale : dans les enceintes des Nations unies, la voix des micro-Etats représente une aide parfois décisive comme l'a d'ailleurs montré la position très mesurée de la majorité des Etats de la région lors de l'ultime campagne d'essais nucléaires français ;

- une chance pour le développement de la francophonie : les bases d'une présence francophone existent en effet -outre les DFA, trois Etats appartiennent au mouvement de la francophonie (Haïti, Sainte-Lucie et la Dominique) ; par ailleurs, la position du français s'est vue renforcée dans plusieurs pays (la République dominicaine a placé depuis septembre 1995 le français à égalité avec l'anglais à la fin du primaire ; la Jamaïque a intégré depuis 1993 l'enseignement du français dans le cursus des écoles normales ; le Salvador a réintroduit en 1990 l'enseignement obligatoire du français dans le secondaire ; le Nicaragua et le Honduras projettent de suivre cet exemple alors que le Costa Rica a rendu obligatoire notre langue dans les trois premières années du secondaire ; enfin Cuba conduit actuellement une expérience-pilote d'enseignement du français dans le primaire) ; la langue française bénéficie , il faut le souligner, dans le cadre de l'AEC, d'un statut comparable à celui de l'espagnol et de l'anglais ;

- un moyen de conjurer les turbulences : la coopération régionale doit en effet permettre de lutter contre le trafic des stupéfiants qui n'épargne pas les DFA -Ainsi, du fait de son rôle de plaque tournante, le port franc de Saint-Martin apparaît au premier chef concerné par la recrudescence du narcotrafic ;

En outre, la concertation a aussi pour vocation de mieux maîtriser l'immigration clandestine, problème permanent pour le département de la Guyane.

2. Une présence bénéfique pour la région

a) une aide française encore dispersée

L'aide que la France apporte à la région doit être pensée dans cette perspective et s'inscrire comme l'un des instruments du renforcement de la présence française. La France peut fournir en effet une aide précieuse aux pays de la zone. Cette aide repose non seulement sur les instruments classiques de l'aide française, mais aussi depuis 1990 sur un outil plus original, le Fonds interministériel de Coopération Caraïbes-Guyane destiné à financer des actions de coopération impliquant directement des instances publiques ou privées des DFA. Chaque année, ce fonds, doté de crédits de l'ordre de 7 à 8 millions de francs, réalise une trentaine de projets en moyenne -classés en sept rubriques : enseignement-formation, culture, recherche, santé, environnement, entreprises-échanges commerciaux, développement rural.

L'aide française apparaît aujourd'hui cependant limitée et encore trop éparpillée. Elle doit mieux faire valoir encore les secteurs dans lesquels les DFA apparaissent performants afin de promouvoir l'insertion de ces départements dans leur environnement régional.

b) Un large champ offert à la coopération française

Quatre domaines d'excellence se prêtent à une coopération privilégiée.

La formation constitue en premier lieu un champ prioritaire pour l'aide française. L'expérience conduite dans le cadre du centre Trainmar basé en Guadeloupe apparaît exemplaire. Cette institution, créée en 1986 sous les auspices de la CNUCED, assure la formation des professionnels des communautés portuaires et maritimes de la Caraïbe et dispose de correspondants en Jamaïque, à Trinidad, à Cuba et en République dominicaine. Dans le même esprit, les centres de télécommunications des deux Antilles françaises reçoivent chaque année plusieurs stagiaires d'Amérique Latine.

Il reste cependant beaucoup à faire. Ne nous y trompons pas, les pays de la Caraïbe ne possèdent pas les structures scolaires et universitaires à la mesure de leurs besoins. Au moment où la francophonie connaît un regain dans cette région, notre pays se doit de prendre en compte ces nouvelles aspirations à travers la formation et le recyclage des enseignants de français, l'octroi de bourses, l'organisation de stages...

La recherche fournit un autre terrain propice aux actions de coopération. Les principaux instituts de recherche (BRGM, Cirad, l'Ifremer, l'IRA, l'Institut Pasteur et l'ORSTOM) sont présents dans les trois départements français. L'Ifremer et l'ORSTOM ont constitué avec le concours de l'institution universitaire un pôle de recherche océanographique et halieutique. Les contrats de plan Etat-région prévoient d'ailleurs au titre de la recherche scientifique un volet consacré à la valorisation et au transfert de techniques dans les pays voisins.

Un soutien pourrait être également apporté dans le secteur sanitaire où nombre de pays apparaissent démunis alors que les équipements et le savoir-faire réunis à Fort-de-France comme à Pointe-à-Pitre se placent au meilleur niveau.

Enfin, l'expérience acquise par la France dans le domaine de la sécurité civile peut être utilement mise au service des Etats voisins -comme du reste ce fut déjà le cas à plusieurs reprises, notamment lors des interventions rapides de l'armée et de l'aide sanitaire françaises après les cyclones qui ravagèrent certaines des îles des Caraïbes.

Les différents domaines de coopération évoqués n'épuisent certes pas le champ du possible mais ils ouvrent quelques voies prometteuses pour la coopération régionale.

La présence française dans la région représente, enfin, un dernier atout pour les pays de la zone : notre pays compte parmi les meilleurs intercesseurs des intérêts de la Caraïbe auprès des instances communautaires. Or, on le sait, Bruxelles apporte une aide considérable aux pays ACP. Ce soutien se traduit notamment par le régime préférentiel accordé aux producteurs de bananes auxquels 30 % du marché européen sont réservés. En outre les arrangements bilatéraux avec d'autres Etats comme le Costa-Rica, le Nicaragua, le Vénézuela et la Colombie concèdent des facilités comparables.

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