AVIS n° 86 Tome VIII - PROJET DE LOI DE FINANCES 1998 - Recherche scientifique et technique


M. Pierre LAFFITTE, Sénateur


Commission des Affaires culturelles - Avis n° 86 Tome VIII - 1997/1998

Table des matières






N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VIII

RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

Par M. Pierre LAFFITTE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Gérard Fayolle, Alain Gérard, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Philippe Nachbar, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 et 85 (annexe n° 16 ) (1997-1998).

Lois de finances .

Mesdames, Messieurs,

Le budget civil de recherche et de développement (BCRD) pour 1998 s'élève à 53,054 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, en progression de 1,4 % par rapport à la loi de finances pour 1997. Cette progression, à structure constante, doit être ramenée à 1,13 %.

Cette année encore, laissant à la commission des finances le soin d'analyser en détail la répartition des crédits inscrits au projet de loi de finances, votre rapporteur s'attachera surtout à apprécier l'opportunité des choix que traduit le projet de budget pour 1998.

La politique publique de recherche et de développement doit constituer un élément déterminant de la croissance économique de notre pays. C'est d'une certaine façon un élément de ce qu'il est convenu d'appeler l'action régalienne de l'Etat. La situation budgétaire impose qu'elle fasse, au regard de cet impératif, l'objet d'une lecture critique exigeante, à partir d'un certain nombre de constats :

· Premier constat : la recherche publique reste insuffisamment orientée vers la préparation de l'entrée de la France dans la société de l'information. En ce domaine, il s'agit d'intensifier les recherches :

- en amont de la recherche en micro-électronique industrielle ;

- en informatique et télécommunications , y compris spatiales ;

- et en sciences humaines et sociales liées à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

La société de l'information constitue une nouvelle révolution économique dont les effets sur l'emploi, les structures sociales, la culture et l'identité nationale seront plus importants que ceux de la révolution industrielle.

Elle s'accompagne d'une compétition internationale qui s'appuie sur un processus constant et accéléré d'innovation technologique. Un effort comparable à celui engagé par la France en faveur de l'énergie nucléaire à partir des années 50 s'impose.

Or, dans ce domaine, le grand centre de compétence qu'était le centre national d'études en télécommunications, dont l'activité venait s'ajouter au financement par France Télécom de recherches externes d'un montant de l'ordre de 4 milliards de francs par an, disparaît pour une grande part.

Votre rapporteur constate qu'à l'heure actuelle il n'est pas institué de structure spécifique permanente, telle qu'une agence. Le risque est grand de voir ce pôle majeur et prioritaire de recherche créative et dynamique s'étioler au lieu de recevoir une impulsion forte. Il demande fermement au ministre responsable de prendre en compte cette nécessité dans le cadre des actions en cours.

· Deuxième constat : il ne peut y avoir croissance économique sans développement durable. La conférence de Kyoto devrait conduire à la signature d'une nouvelle convention de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La France jouit en ce domaine d'une avance considérable qu'il importe de valoriser notamment grâce à l'utilisation massive de l'énergie nucléaire. Certes, les problèmes de stockage des déchets à durée de vie longue sont complexes. La décision brutale d'arrêter le programme avalisé par la commission Curien pour Superphénix inquiète à cet égard, surtout quand on connaît l'âge du réacteur Phénix et l'absence de programmes ultérieurs. Dans cette perspective, il nous faut acquérir de nouvelles technologies, disposer de fondements scientifiques incontestables et de travaux pluridisciplinaires qui, pour l'heure, demeurent insuffisamment développés.

· Troisième constat : l'année 1998 est une année décisive pour la recherche. C'est, en effet, l'année prochaine qu'aboutiront les négociations sur le cinquième " programme - cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration " qui concernera les années 1998-2002. La France, qui apporte une contribution financière décisive à la politique européenne de recherche (17,8 %), doit à l'occasion de ces négociations affirmer la nécessité de favoriser le transfert de l'innovation technologique vers les entreprises innovantes.

Les procédures lourdes et bureaucratiques consécutives aux systématiques appels d'offres sur les thèmes définis par la commission de Bruxelles, qui s'opposent à la souplesse des procédures Eurêka, constituent à cet égard un sujet de préoccupation grave.

En effet, à l'heure actuelle, seules les PME qui ont su trouver auprès de Bruxelles des formules de lobbying appropriées peuvent espérer bénéficier d'un retour sur les dépenses que représente pour elles la présentation d'un dossier de réponse à l'appel d'offres.

· Quatrième constat : dans le projet de loi de finances pour 1998, figurent des mesures qui peuvent accroître de manière déterminante le potentiel scientifique français dans le secteur privé. C'est le cas, en particulier, de la mise en place des " stock-options " pour les créations d'entreprises.

· Cinquième constat : on ne peut en revanche considérer comme positive, l'augmentation des effectifs permanents des organismes de recherche publique dont la faible mobilité vers l'industrie est unanimement reconnue. Ceci peut constituer un handicap pour la souplesse et l'adaptabilité de ces organismes et pour l'adaptation de notre appareil industriel. Elle se traduira, en outre, par une dégradation des conditions de travail des chercheurs : en effet, les dépenses d'investissement et de fonctionnement par chercheur dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique diminuent.

Le rapporteur souhaite qu'un nombre important des postes créés serve de support à des postes d'accueil temporaires à contrats à durée déterminée pour des chercheurs étrangers ou des personnalités issues du secteur industriel d'une part et de personnels issus du CNET d'autre part.

ETABLISSEMENTS PUBLICS À VOCATION SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE

MONTANT DES CRÉDITS DE PAIEMENT PAR CHERCHEUR

Montant des crédits de paiement
(en millions de francs)


Nombre de chercheurs

Montant des crédits de paiement par chercheur
(en francs courants)

1996

4 188,5

16 726

250 418

1997

4 020,92

16 703

240 700

1998

4 072,03

17 080

238 400

Ces chiffres font apparaître en 1998 une diminution du montant des crédits de paiement par chercheur de 0,95 % par rapport à 1997 et de 4,79 % par rapport à 1996 .

Enfin, la politique de recherche doit servir les principes de la démocratie. La diffusion de la culture scientifique et technique constitue un enjeu considérable pour un Etat moderne. Votre rapporteur souhaite qu'en ce domaine soient engagées des actions plus ambitieuses que celles menées jusqu'à aujourd'hui. En effet, un égal accès de tous à la connaissance des progrès de la science permettra d'éviter que s'accroissent les phénomènes d'exclusion. Par ailleurs, une adhésion plus large des citoyens à la politique scientifique permettra d'accroître sa légitimité.

La Constitution ne permet pas au législateur de modifier les priorités ministérielles que traduit le projet de loi de finances. Si cela avait été possible, votre rapporteur aurait suggéré de remplacer une part notable des créations de postes dans les établissements publics de recherche qui démontrent une mobilité du personnel faible par des postes d'accueil d'universitaires, de chercheurs étrangers et d'industriels qui ne porteraient que sur des contrats à durée déterminée. Il aurait doté une " Agence de recherche en télécommunications " de crédits d'investissements à la mesure des moyens nécessaires et en particulier de ce qui est imposé par la loi aux opérateurs de France Télécom et augmenté les subventions d'investissements des grands établissements de recherche pour leur permettre d'attirer des savants de haut niveau des pays étrangers et développer chez nous de nouvelles compétences.

Il doit malheureusement se contenter d'analyser le projet de budget tel qu'il nous est présenté.

I. PRÉSENTATION DU BUDGET DE LA RECHERCHE POUR 1998

A. UN EFFORT QUI DEMEURE MODESTE

Le budget civil de recherche et de développement (BCRD) s'élève, pour 1998, à 53.054 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une progression de 1,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997, et à 22.262 millions de francs en autorisations de programme, soit une progression de 1,9 %. Néanmoins, il faut souligner qu' à structure constante , l'augmentation effective du BCRD n'est que de 594 millions de francs, soit une croissance de 1,13 %.

Il est, à noter que l'année 1997 servant de base aux comparaisons avait été marquée par le recul de 1,37 % du BCRD, en dépit de reports de crédits de l'année 1996 (2.000 millions de francs) et de ressources exceptionnelles.

La recherche et le développement technologique constituant désormais des éléments déterminants de la croissance économique des pays, il est essentiel d'examiner quelles sont les priorités effectivement prévues dans le projet de budget et leur adéquation à la situation de la recherche publique et privée en France.

BUDGET CIVIL DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT
(dépenses ordinaires et crédits de paiement en millions de francs)

Année (Loi de finances initiale)

B. DES PRIORITÉS QUI SE TRADUISENT DE MANIÈRE CONTRASTÉE DANS LES CHIFFRES

1. L'augmentation des effectifs des personnels de recherche

a) Les créations d'emplois dans le secteur public

Le BCRD prévoit la création de 600 emplois dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST). Sont prévues d'une part, 400 créations d'emplois de chercheurs dont 121 dès la rentrée 1997 et, d'autre part, 200 emplois d'ITA (ingénieurs, techniciens et administratifs). S'y ajoutent les créations d'emplois dans l'enseignement supérieur examinées par ailleurs. En effet, il convient de rappeler que 1.800 créations de postes d'enseignants-chercheurs sont également inscrites au budget de l'enseignement supérieur.

Ces créations d'emplois ne bénéficient pas également à tous les établissements publics scientifiques et technologiques. Les deux principaux bénéficiaires sont le CNRS et l'INSERM qui se voient attribuer, respectivement, 297 et 50 emplois de chercheurs et 128 et 40 emplois d'ITA.

RÉPARTITION DES CRÉATIONS D'EMPLOIS DANS LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS
À CARACTÈRE SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE EN 1998

EPST

Créations d'emplois de chercheurs en 1998

Effectifs totaux 1998

Augmentation 1998/1997 (%)

INRA 14 1 784 0,8
CEMAGREF 2 75 2,7
INRETS 2 152 1,3
INRIA 14 341 4,28
CNRS 297 11 683 2,6
INSERM 50 2 165 2,36
ORSTOM - 823 -
INED - 57 -

Cette politique de création d'emplois appelle, de la part de votre rapporteur, trois remarques :

- cet effort est censé contribuer au développement de la mobilité entre EPST et universités, d'une part, et recherche publique et entreprises, d'autre part.

Encourager la mobilité correspond, en effet, à une nécessité. En ce qui concerne l'ensemble des EPST, le taux de mobilité des chercheurs demeure très insuffisant : il s'établit, en effet, en moyenne à 1,4 % si l'on exclut les retours dans l'enseignement supérieur des enseignants-chercheurs.

Une telle situation présente deux inconvénients. D'une part, les entreprises ne bénéficient que très peu du haut niveau de qualification des équipes de la recherche publique. D'autre part, le renouvellement des personnels des laboratoires n'est pas favorisé et sa moyenne d'âge augmente.

Mais la solution consistant à créer des emplois nouveaux et à les affecter en priorité aux organismes ou la mobilité est très faible n'est pas satisfaisante, surtout en période de quasi-stabilité budgétaire.

Or, on constate que les EPST qui bénéficient le plus des créations d'emplois ne sont pas ceux qui se distinguent par des taux de mobilité satisfaisants . C'est le cas en particulier du CNRS. Sur les dix dernières années, 700 chercheurs ont quitté le CNRS vers l'industrie, dont 7 seulement en 1997, ce qui constitue indéniablement un échec de la politique conduite par l'Etat en faveur de la mobilité des chercheurs.

- l'accroissement des effectifs des EPST se traduit mécaniquement par un alourdissement des dépenses de fonctionnement incompressibles . Dans un contexte marqué par la rigueur financière , ceci se traduit par une réduction de leur souplesse de gestion. Rappelons qu'en 1997, les dépenses de personnel représentaient 73 % des ressources des EPST, cette proportion étant plus élevée pour le CNRS.

- Enfin, il convient de souligner que, pour l'année 1998, la croissance des effectifs ne s'accompagne pas d'une augmentation suffisante des crédits d'investissement des EPST .

Le montant des crédits de paiement rapporté au nombre de chercheurs par EPST diminue en francs courants de près de 1 % entre 1997 et 1998 et de près de 5 % entre 1996 et 1998, alors que la sophistication croissante des moyens de recherche demanderait une augmentation en francs constants des investissements et frais de fonctionnement hors salaires qui avait été évaluée à environ 3 % par an. Votre rapporteur s'interroge sur le bien-fondé d'une politique visant à augmenter le nombre de chercheurs sans leur donner les moyens nécessaires pour mener à bien leurs travaux. Il suggère fortement que ces postes soient réservés pour l'essentiel à des postes d'accueil , notamment pour des scientifiques étrangers ou venant de l'industrie, et que d'autre part certains servent à l'accueil de spécialistes issus du CNET afin de créer des équipes de recherche dans le secteur hautement prioritaire des techniques de l'information et de la técommunication.

b) Des mesures destinées à augmenter le nombre de docteurs

Le nombre des allocations de recherche est augmenté afin de permettre le recrutement de 3.700 allocataires à la rentrée 1997-1998 et de 3.800 allocataires à la rentrée 1998-1999.

Il s'agit là de la poursuite de l'effort engagé en 1996, année où le nombre d'allocataires de recherche avait été porté à 3.400, soit une augmentation de près de 10 % par rapport à l'année précédente.

Les mesures destinées à augmenter le nombre de docteurs sont légitimes. En effet, l'impératif de compétitivité exige que les entreprises puissent bénéficier de compétences scientifiques de haut niveau. Votre rapporteur se félicite de cette initiative.

c) Des dispositions favorisant le recrutement des chercheurs par les entreprises

100 nouvelles bourses de conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) sont offertes, ce qui porte leur nombre à 800 en 1998. Ceci tient compte des excellents résultats de cette procédure à la fois en termes de formation doctorale et en termes d'embauches effectives en entreprises.

Par ailleurs, une incitation au développement des stages en entreprises pour la préparation du diplôme de recherche technologique (DRT) est mise en place, avec le financement de 100 diplômes en 1998.

Enfin, une provision de 50 millions de francs est prévue afin de financer un dispositif d'accueil des post-doctorants en entreprises et dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique. Les modalités pratiques de mise en oeuvre de ce dispositif sont en cours d'élaboration.

Ces mesures répondent à une nécessité. Elles ont vocation à remédier à l'insuffisance des recrutements de docteurs par les entreprises, situation propre à la France et dont les inconvénients sont doubles : d'une part, elle ne permet pas aux entreprises de bénéficier des connaissances acquises par le personnel scientifique ; d'autre part, elle constitue une des causes de la mauvaise insertion professionnelle des post-doctorants. Nous verrons par ailleurs que le projet de budget comporte des incitations à la création d'entreprises par les chercheurs, ce qui indiscutablement est une nécessité mais qui implique des actions d'accompagnement vigoureuses dans le secteur du financement des entreprises à croissance rapide, dans la ligne de ce qui avait été très heureusement lancé en 1997 (création des fonds commun de placement dans l'innovation appuyée fortement par le Sénat, notamment par le rapporteur spécial du budget de la recherche, M. René Trégouët, et par votre rapporteur). De même, les interventions de la société de bourse le Nouveau marché ont permis de développer, dans un nombre encore trop limité de sociétés, l'emploi de chercheurs.

L'étude des débouchés réalisée pour l'année 1996 par l'observatoire des flux et des débouchés de la Direction générale de la recherche et de la technologie montre que seul un docteur sur deux occupe un emploi stable un an après sa soutenance de thèse, l'insertion professionnelle définitive n'intervenant, le plus souvent dans la fonction publique, qu'après un délai dont la durée tend désormais à dépasser les deux années suivant l'accession au doctorat.

2. Le soutien au développement technologique réaffirmé

Malgré l'affirmation de cette priorité, celle-ci ne trouve pas dans le budget 1998 une traduction significative. Certes, le budget civil de recherche et de développement marque une rupture par rapport à la dégradation enregistrée au cours des années antérieures mais il ne constitue qu'une première étape vers une réelle impulsion donnée au développement technologique.

Les crédits de soutien au développement technologique (hors aéronautique) stagnent. Si on prend en compte les crédits traditionnellement compris sous le vocable " aide à la recherche industrielle ", les crédits de paiement correspondants passent de 3.415 millions de francs à 3.420 millions de francs, soit une augmentation de 0,15 % et les autorisations de programme de 3.357 millions de francs à 3.384 millions de francs soit une croissance de 0,8 %.

Votre rapporteur se félicite néanmoins que soit poursuivi le plan de redressement du Fonds de la recherche et de la technologie (FRT) engagé à partir de 1994. Ce plan était en effet indispensable pour rétablir un équilibre satisfaisant des autorisations de programme et des crédits de paiement. A structure constante, la dotation du FRT s'élève donc à 412 millions de francs en autorisations de programme (+ 1,2 %) et à 726 millions de francs en crédits de paiement (+ 23 %). Ce nouvel excédent devrait permettre, s'il est reconduit en 1999, de restaurer les capacités d'incitation du fonds. Votre rapporteur avait dès 1996 insisté pour qu'un changement d'échelle dans le volume des crédits au FRT intervienne. Le projet de budget pour 1998, s'il n'accomplit pas un progrès significatif en ce sens, traduit un souci louable de recentrer l'action du FRT sur les petites et moyennes entreprises et les petites et moyennes industries. En effet, jusqu'ici, les moyens du FRT étaient pour l'essentiel répartis entre les grands programmes fédérateurs qui bénéficiaient essentiellement aux grandes entreprises.

Le ministre a, par ailleurs, annoncé que serait mis en place, entre les services des ministères chargés de la recherche et de l'industrie, un comité de gestion conjoint afin d'articuler la programmation des grands instruments publics de soutien au développement technologique.

3. Une volonté dite de " rationalisation du dispositif de recherche "

Au-delà de la priorité accordée à l'emploi scientifique et de l'effort accompli en faveur des moyens de base de la recherche, deux mesures sont destinées à " rationaliser le dispositif français de recherche ".

- En premier lieu, le projet de budget prévoit que 42 emplois sur les 600 emplois créés ne sont pas affectés à des organismes lors de l'adoption du projet de loi de finances pour 1998. Ce " volant " d'emplois sera destiné à soutenir les efforts de regroupement thématique et d'allégement des procédures. Il accompagnera la politique de redéfinition des missions des organismes de recherche. Votre rapporteur, s'il est favorable à la souplesse d'intervention que ceci introduit, en permettant en particulier d'apporter un soutien à tel ou tel centre d'excellence, espère qu'il ne s'agit pas d'une opération liée par exemple à une volonté de diminuer de façon artificielle le nombre d'organismes de recherche au profit d'une structure unique impossible à gérer ou à piloter de façon souple.

- En second lieu, cette volonté se traduit par une mesure d'économie d'un montant de 300 millions de francs sur les " très grands équipements ". Il faut souligner ici que ces derniers -souvent d'un intérêt scientifique considérable- sont d'une grande diversité. Il s'insèrent dans une politique de coopération internationale et de contractualisation avec les collectivités locales. Leurs retombées pour l'industrie, et notamment les petites et moyennes industries innovantes sont importantes. En conséquence, votre rapporteur déplore que ces décisions aient été prises un peu rapidement et avec fort peu de concertation. Les orientations à long terme, prises antérieurement ne doivent certes pas toujours rester intangibles et votre rapporteur a souvent insisté sur les excès néfastes de certains projets très lourds. Mais il faut rester prudent lorsqu'on y touche.

II. DES PROPOSITIONS POUR MIEUX ORIENTER LA POLITIQUE DE LA RECHERCHE

Votre rapporteur considère que les orientations données au BCRD par le projet de loi de finances pour 1998 ne permettent pas de répondre de manière claire aux priorités essentielles qui s'imposent aujourd'hui à la recherche.

A. PREMIÈRE PRIORITÉ : L'ENTRÉE DE LA FRANCE COMME LEADER DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION

L'année dernière, votre rapporteur soulignait que " tant qu'il n'y aura pas des programmes d'une ampleur comparable au programme nucléaire et au programme spatial, programme intégrant la sensibilisation des usagers et le financement massif des expérimentations, la France ne pourra prendre le leadership auquel la pratique du Minitel lui permet de prétendre ". Le succès de l'entrée de la France dans la société de l'information constitue la clé de la croissance économique des années à venir . Rappelons, en effet, que le marché mondial des technologies de l'information et de la communication croît de 10 % par an.

L'exemple américain est, en ce domaine, particulièrement éclairant. Les États-Unis connaissent en effet une période de croissance soutenue qui semble être durable et dont tous les analystes situent la principale origine dans l'essor des technologies de l'information et de la communication, qui sont à l'origine du tiers des nouveaux emplois créés de façon directe et sans doute d'une part notable des autres emplois. Les entreprises, de taille variable, qui se développent dans ce secteur, ont un point commun : elles entretiennent des liens étroits avec les laboratoires publics de recherche. L'effet multiplicateur de la dépense publique consacrée aux technologies de l'information et de la communication a été très bien compris par le gouvernement fédéral : la recherche publique bénéficie dans ce domaine d'une augmentation de ses crédits de l'ordre de 10 % dans le projet de budget fédéral pour 1998.

Malgré des progrès importants notamment en matière d'usage de la télématique dans les écoles, lycées et collèges, les moyens mis en oeuvre pour préparer la France à entrer dans la société de l'information restent aujourd'hui disséminés et insuffisants.

· La recherche en électronique

La recherche en micro-électrique présente un caractère stratégique évident. Elle reste déterminée essentiellement par les besoins des industries du secteur, ce qui explique que la recherche industrielle occupe en ce domaine une place prédominante.

Le secteur industriel national est dominé par les groupes SGS/Thomson, Alcatel, SAGEM et Matra... Philips et Siemens au niveau européen, NEC, Hitachi et autres japonais, Intel, Motorola et autres américains au niveau international sont des concurrents puissants.

Un effort important a été engagé afin de combler l'écart avec les principaux compétiteurs que sont les États-Unis et le Japon.

Le financement de la recherche dans ce secteur est à la fois national et européen.

Les crédits nationaux sont principalement inscrits au budget du ministère de l'industrie et, pour l'essentiel, consacrés à des contrats pluriannuels de recherche et développement. Ces contrats sont suivis par des comités interministériels 1( * ) .

Le financement total est de l'ordre de 1,3 milliard de francs en 1997. Les études (en forte diminution) passées par le ministère de la défense ne sont pas incluses dans ce chiffre.

Les crédits européens proviennent surtout des programmes Eurêka, en particulier dans le cadre du programme MEDEA. A ce titre, il importe de noter que Eurêka a compris l'enjeu que représentent les nouvelles technologies de l'information. En effet, avec 10 projets, soit plus du quart des nouveaux projets à participation française annoncés à la conférence ministérielle de Londres du 19 juin 1997, elles arrivent largement en tête des secteurs soutenus. Si on ajoute les trois projets relevant de la communication, qui font appel à des technologies de même nature, ce domaine est le plus dynamique tant en nombre de projets qu'en montant investi en recherche et développement.

La recherche publique passe pour une grande partie par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et France Télécom (CNET). Pour 1998, la situation n'est pas claire. Le budget de la recherche -qui est aussi celui de la technologie- est assez peu explicite . Le CNET, qui dépensait 2,7 milliards en recherche, ne poursuivra pas son soutien à l'industrie des composants et des équipements, et se concentrera sur les logiciels et les services. Quant au CEA, ses moyens lui permettront-ils de suivre ?

Le CNRS dispose d'équipes de qualité. Ainsi, le centre d'hétéro-épitaxie (CREAH) de Sophia-Antipolis développe des recherches innovantes dans les semi-conducteurs à large bande dont les applications pourront être spectaculaires à condition qu'une industrialisation suive.

· La recherche en informatique

Parmi les organismes qui concourent à la recherche dans ce secteur, il importe de souligner le rôle déterminant joué par l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA).

Les moyens de fonctionnement de cet organisme s'établissent pour 1998 à 321,57 millions de francs, en progression de 4,41 %. Les subventions d'investissement s'élèvent en crédits de paiement à 158,69 millions de francs, soit + 0,54 % et en autorisations de programme à 163,46 millions de francs, soit + 5,5 %. Au sein des subventions d'équipement, 80,36 millions de francs sont prévus au titre des soutiens de programme.

La qualité des activités de recherche de l'INRIA est internationalement reconnue. Ainsi l'INRIA - Sophia-Antipolis - a été choisie par l'Internet Society pour constituer le pôle du vieux continent en matière de prospective et de gestion de l'avenir d'Internet. Pour les Amériques, le pendant est le Massachussets Institute of Technology (MIT).

Au-delà de ses activités de recherche, l'INRIA joue un rôle déterminant dans l'aide au transfert de technologie, en particulier vers les petites et moyennes entreprises du secteur des technologies de l'information et de la communication . Dans ce secteur, qui connaît une croissance remarquable, la création d'entreprises apparaît comme le meilleur moyen d'expérimenter les technologies et de faire naître de nouveaux marchés. Aux États-Unis, à côté des grands industriels, les " start up ", petites entreprises à croissance souvent très rapide, développent une dynamique extraordinaire, notamment dans les zones où se forment des communautés réactives, les " smart communities ". En France comme en Europe, quelques grands partenaires -parfois leaders mondiaux- dominent le marché. Les difficultés qu'ont les petites et moyennes entreprises à croître aussi vite sont préoccupantes. L'INRIA a mené une politique réussie d'essaimage, en soutenant et en accompagnant la création de 25 sociétés de technologie (dont 20 sont toujours en activité) qui représentent plus de 850 emplois et un chiffre d'affaires de 600 millions de francs.

Cette démarche apparaît à votre rapporteur particulièrement adaptée car elle allie activité de recherche et essaimage, qui apparaissent comme les deux conditions nécessaires au succès d'une action incitative de l'Etat en ce domaine.

Il serait souhaitable que tous les organismes de recherche, et en particulier le CNRS, suivent cette démarche. Une filiale du CNRS d'appui à la création d'entreprise serait la bienvenue dès 1998.

C'est sans doute le seul moyen efficace -et tout compte fait peu onéreux- de développer l'emploi scientifique et la création de richesses.

· La recherche en télécommunications et leurs applications

Dans ses précédents rapports et dans ses relations avec les ministres successifs chargés des télécommunications et de l'espace, votre rapporteur s'était inquiété de l'avenir du Centre national d'études en télécommunications (CNET). Compte tenu de l'évolution des télécommunications dans le monde, les recherches effectuées au sein de l'opérateur historique s'orienteront vers la seule satisfaction des besoins propres de France Télécom.

Il estime nécessaire la création d'une agence chargée d'orienter la recherche fondamentale en télécommunications, de coordonner les actions menées en ce domaine par les différents partenaires que sont les établissements publics, les écoles d'ingénieurs, les universités et les écoles spécialisées dans l'enseignement des télécommunications et d'assurer le financement de ces activités de recherche par des moyens budgétaires ou contractuels. Cette structure légère pourrait assurer une veille scientifique et socio-économique afin de faciliter l'identification des priorités, qui comportent des aspects scientifiques et techniques mais intéressent aussi les domaines des sciences humaines et sociales.

Le rapport intitulé " La recherche et développement, clé d'un nouvel essor des télécommunications en France " rédigé par M. Lombard, directeur général des stratégies industrielles et M. Kahn, directeur scientifique de l'INRIA, s'appuyant sur une analyse comparable, propose :

- de coordonner les différents pôles de compétence nationaux de la recherche en télécommunications au sein du Réseau national de recherche en télécommunications (RNRT) ;

- et de créer pour cinq ans un comité d'orientation de la recherche en télécommunications regroupant l'ensemble des acteurs concernés.

Votre rapporteur s'interroge sur l'efficacité d'un comité pour gérer effectivement une telle priorité. Il continue à prôner la création d'une agence. La capacité d'un comité (et d'un réseau aux contours et à la composition difficile à cerner) pour piloter de façon continue une action qui soit à la fois décisive, importante et efficace est difficile à admettre. Il faut être présent et pugnace pour récupérer les sommes immenses qui sont en jeu. La dilution des responsabilités fait disparaître les responsabilités ...

· Les recherches connexes en sciences humaines et sociales

Le ministère chargé de la recherche ne peut dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication se contenter d'une action limitée au seul secteur des télécommunications, de l'informatique et de la micro-électrique
.

En effet, doit être menée, en ce domaine, une action transversale qui, en favorisant les réflexions interdisciplinaires aux frontières des sciences de l'ingénieur et des sciences humaines, soutienne l'action des ministères et des organismes qui oeuvrent au développement des technologies de base et à leur transfert vers le monde industriel. Le CNRS, les écoles d'ingénieurs et de gestion ainsi que les universités doivent être incités à développer des actions en la matière.

B. DEUXIÈME PRIORITÉ : AMÉLIORER LA COMPÉTITIVITÉ SPATIALE FRANÇAISE ET EUROPÉENNE

Le Centre national d'études spatiales (CNES) a connu au cours des dernières années des difficultés financières importantes. A la fin de l'année 1995, le CNES enregistrait une dette à l'Agence spatiale européenne de 1.734 millions de francs ainsi qu'un résultat négatif de la section de fonctionnement (-208 millions de francs) et de la section en capital (- 141 millions de francs).

Les dotations du CNES pour 1998 diminuent de 7,6 % et son budget se répartit comme suit :

- 915 millions de francs de dépenses ordinaires,

- 7.400 millions de francs d'autorisations de programme,

- 7.560 millions de francs de crédits de paiement.

Une telle évolution répond à la volonté du ministre de l'Education nationale, de la recherche et de la technologie de procéder à une modification significative des orientations de la politique spatiale nationale.

Le secteur spatial a connu, au cours des dernières années, des mutations qui modifient profondément ses enjeux stratégiques. Perçu à l'origine comme un mode d'expression de la puissance stratégique et militaire, l'espace est devenu aujourd'hui un instrument de domination économique.

L'élément déterminant
est sans conteste le recours de plus en plus fréquent à l'espace pour les télécommunications et l'audiovisuel . En effet, les services de télécommunications mobiles personnels et la télédiffusion directe d'images numérisées viennent s'ajouter aux services de télécommunications fixes et mobiles et à la télédiffusion analogique.

Comme le souligne le rapport présenté en septembre 1997 par M. Michel Carpentier au nom du Conseil économique et social sur " la politique spatiale de la France dans le contexte européen et mondial ", " les satellites et leurs relais terrestres sont désormais partie intégrante des autoroutes de l'information ".

Les nouvelles applications de l'espace ont pour effet d'entraîner un développement spectaculaire du marché spatial. On prévoit pour les dix ans à venir un volume de ventes cumulées de l'ordre de 80 milliards de dollars pour le segment spatial (fabrication et lancement de satellites, revenus des exploitants), de 100 milliards de dollars pour le segment sol (stations sol, équipements et terminaux) et un montant compris entre 200 et 450 milliards de dollars pour les services applicatifs. Les études réalisées sur le marché mondial des satellites de plus de 100 kilos constituent également un indicateur laissant espérer un développement considérable de ce secteur à forte valeur ajoutée et créateur d'emplois.

ÉVOLUTION DU MARCHÉ MONDIAL (HORS CEI ET CHINE) DES
SATELLITES DE PLUS DE 100 KILOS
SUR LES PÉRIODES 1990-1994 ET 1995-1999

Type de satellite

Périodes

Evolution
(en %)

1990-1994

1995-1999

Navigation 21 14 - 33
Sciences et technologies 40 42 + 5
Observation et météo 31 59 + 90,5
Communication 83 236 + 184,3
Total 175 352 + 101
dont - civil 114 282 + 147
- militaire 61 70 + 15

(Source : Euroconsult)

Ces chiffres indiquent que l'essor du marché international des satellites se situera essentiellement dans le domaine des télécommunications.

Les nouvelles utilisations de l'espace qui apparaissent, par ailleurs, comme les plus susceptibles de se développer conduisent à une multiplication des acteurs du développement spatial et exigent qu'aux côtés des agences spatiales étroitement liées aux Etats souverains, se développent, d'une part, des grands groupes industriels capables d'affronter la concurrence internationale et, d'autre part, un réseau de PME-PMI innovantes et dynamiques.

Les États-Unis ont acquis en ce domaine une avance considérable et disposent d'un secteur spatial capable de jouer un rôle déterminant dans le développement de la société de l'information. Les actions entreprises au niveau fédéral lui ont, en effet, permis de bénéficier d'une forte compétitivité sur les marchés extérieurs et d'un niveau satisfaisant de rentabilité des investissements réalisés.

L'Europe, et en particulier la France, bénéficient d'atouts considérables. Leur engagement ancien dans le secteur spatial leur permet de bénéficier d'infrastructures scientifiques et techniques performantes, d'opérateurs de satellites compétitifs et d'une industrie de dimension mondiale. Rappelons que l'Europe maîtrise 60 % du marché mondial du lancement grâce au succès du programme Ariane.

Néanmoins, l' effort d'adaptation à la nouvelle donne spatiale reste insuffisant .

La France, qui possède 40 % de la capacité industrielle européenne, et qui contribue à hauteur de 30,7 % au budget de l'Agence spatiale européenne, est en position de jouer un rôle déterminant dans cette restructuration.

Le contexte de rigueur budgétaire constitue un argument supplémentaire pour que soient définies des priorités susceptibles d'améliorer en ce domaine la compétitivité et l'indépendance nationales.

Votre rapporteur souhaite donc que deux secteurs de la politique spatiale, dont les enjeux lui semblent décisifs pour l'avenir, fassent l'objet d'un effort particulier. Il s'agit, d'une part, des systèmes de lancement et, d'autre part, des satellites de télécommunications.

· Les systèmes de lancement

La réussite d'Ariane a donné à l'Europe un accès privilégié à l'espace. Le programme Ariane 5-Evolution permet d'adapter le lanceur européen aux exigences engendrées par l'évolution du marché.

Le succès du vol 502 le 30 octobre 1997 ouvre en ce domaine des perspectives intéressantes.

En effet, ce programme porte la performance du lanceur à 7,4 tonnes pour un lancement double en orbite géostationnaire, ce qui lui permet de répondre à la concurrence des lanceurs américains Atlas 2 AR et Delta 3 qui visent 3,8 tonnes en lancement simple. Par ailleurs, le potentiel d'Ariane 5 est susceptible d'être exploité en vue du développement du marché des constellations de satellites (programme Versatile) et des lancements doubles en orbite héliosynchrone.

Enfin, il convient, au-delà du succès d'Ariane, d'élargir la gamme des lanceurs européens. Cette politique se réduit aujourd'hui à la commercialisation des lanceurs moyens Soyouz dans le cadre de la coopération franco-russe.

La concurrence internationale est d'ores et déjà très vive. Les premiers satellites Iridium de Motorola ont été lancés à partir des lanceurs russe Proton, chinois Longue Marche et américain Delta. Ceux de Globalstar de Loral seront portés par des Delta.

La poursuite de l'effort s'avère nécessaire pour garantir la compétitivité du lanceur européen .

· Les satellites de télécommunications

Les services offerts par les satellites de télécommunications se multiplient : au-delà des systèmes de messagerie et de téléphonie mobile personnelle à vocation mondiale, est envisagé le développement des services offrant des capacités de communication à très large bande compatibles avec des applications multimédia qui devraient se développer dans des domaines diversifiés dans les années à venir (télémédecine, télé-éducation, télétravail, Internet haut débit, visioconférence...).

Les États-Unis possèdent, en ce domaine, une avance décisive . En effet, beaucoup d'initiatives en ce domaine sont venues des États-Unis sous l'impulsion des concepts de NII (National information infrastructure) puis de GIS (Global infrastructure system). Ces initiatives font appel à de nouvelles constellations de satellites, soit géostationnaires, soit en orbite basse. Elles bénéficient des soutiens indirects importants qu'assurent à l'industrie américaine les contrats de recherche et de développement et les grands programmes fédéraux. C'est le cas, en particulier, du projet américain Teledesic, initié notamment par M. Bill Gates, président de Microsoft.

Au niveau européen et national, plusieurs initiatives concurrentes sont proposées par des grands maîtres d'oeuvre : Skybridge par Alcatel associé à l'Aérospatiale, West par Matra Marconi Space, Globalstar (groupe FT), Euroskyway par Alenia Spazio. Il importe de mettre en évidence l'intérêt du projet Skybridge et de mobiliser des partenaires de poids non seulement européens mais aussi américains et japonais. La constellation Skybridge s'appuiera sur 74 satellites. Si le nombre est moins élevé que le système Teledesic, il semble essentiel qu'il se mette en place rapidement.

Néanmoins, l'effort consenti dans le domaine des télécommunications est appelé à se renforcer pour soutenir les développements nationaux et européens face à l'offensive américaine. La volonté de préserver l'indépendance nationale et européenne doit tenir lieu de priorité dans ce domaine caractérisé par l'évolution rapide des technologies et des besoins du marché dans un environnement très concurrentiel.

Le programme technologique en télécommunications STENTOR fédère les efforts de la délégation générale à l'armement, de France Télécom, du CNES et des industriels maîtres d'oeuvre. Engagé à la fin de l'année 1995, il est destiné à améliorer la compétitivité des industriels français. Il comprend des activités de recherche et développement, des développements au sol, un satellite et l'insertion de technologies nouvelles à application industrielle. L'échéancier du programme prévoit le lancement du satellite au premier semestre 2000 et une phase d'expérimentation en vol des technologies nouvelles pendant au moins les deux premières années de la vie du satellite (qui sera de 9 ans).

Au delà de cette première étape, l'effort doit être intensifié afin de renforcer la position de la France dont la part sur le marché international des satellites de télécommunications ne s'élève aujourd'hui qu'à 15 % .

Parallèlement à l'effort de recherche et d'expérimentation, il apparaît indispensable que la France puisse ainsi que ses partenaires, bénéficier de fréquences suffisantes pour lancer les nouveaux systèmes satellitaires placés en moyenne ou basse orbite. Ceux-ci exigent, en effet, des fréquences plus nombreuses que les satellites géostationnaires, compte tenu du nombre important de satellites nécessaires à leur fonctionnement. Il convient donc de rechercher des alliances avec d'autres pays demandeurs et de mener une concertation poussée avec les Etats membres de l'Union européenne pour, d'une part, obtenir plus facilement les orbites et fréquences nécessaires aux systèmes de satellites de télécommunications construits par les industriels européens ou positionnés sur des réseaux exploités par des sociétés européennes et, d'autre part, pour négocier une révision des méthodes et procédures actuellement en vigueur au sein de l'UIT, agence spécialisée des Nations Unies chargée de gérer la répartition des fréquences. En effet, celle-ci est aujourd'hui sous l'influence quelque peu hégémonique des Etats-Unis comme l'ont montré les récentes conférences mondiales des radio-télécommunications organisées dans son cadre. Cette préoccupation géopolitique doit guider tous les responsables politiques, français ou européens.

C. TROISIÈME PRIORITÉ : POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE ET CONNAISSANCES SUR LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE

Lors de la prochaine conférence de Kyoto qui se réunira du 1er au 12 décembre prochains, sera signé un nouveau protocole de réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO 2 ).

Celui-ci s'inscrit dans la réflexion plus vaste, conduite depuis près d'un quart de siècle par les Nations Unies, sur le concept de " développement durable " qui fut popularisé à la suite du rapport de la commission mondiale pour l'environnement et le développement, plus connu sous le nom de " rapport Bruntland ".

On notera que dès 1984, un colloque international sur le dioxyde de carbone atmosphérique et sur les changements de climat réunissait des opérateurs énergétiques et scientifiques à Sophia-Antipolis.

En ce domaine, la négociation internationale a connu trois étapes :

- la première a été celle de la conférence de Rio au cours de laquelle a été signée la convention-cadre par laquelle les pays développés s'étaient engagés, d'une part, à ramener, en l'an 2000, leurs émissions de gaz à effet de serre au niveau atteint en 1990 et, d'autre part, à aider les pays en développement à prendre part aux efforts de lutte contre les changements climatiques. Les pays partie à cette convention sont essentiellement les pays de l'OCDE ;

- une conférence de suivi s'est réunie à Berlin en avril 1995, au cours de laquelle il a été reconnu que les mesures envisagées à Rio étaient inadaptées pour stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre sur le long terme. Un groupe de travail a donc été chargé de préparer un nouveau protocole de réduction d'émissions, au-delà de l'an 2000, pour les pays qui avaient signé la convention-cadre de Rio ;

- le protocole devrait être signé, lors de la Conférence de Kyoto, prévue pour la fin de l'année 1997. Il devrait indiquer les objectifs quantifiés et préciser les échéances envisagées ainsi que les politiques et mesures à mettre en oeuvre pour les atteindre.

· Un enjeu économique considérable

Il semble aujourd'hui n'exister aucune position commune aux Etats parties à la négociation. Plusieurs doctrines se dégagent :

- Les pays en développement comme les pays producteurs de combustibles fossiles refusent de souscrire à des engagements qui se traduiraient par des contraintes susceptibles d'entraver leur croissance.

- Les Etats-Unis, le Canada et l'Australie ont une position originale parmi les pays développés. Ils se prononcent en faveur d'une stabilisation des émissions de gaz carbonique à leur niveau de 1990 entre 2008 et 2012 et sont favorables au principe d'engagements volontaires de la part des secteurs ou des entreprises. Ils privilégient deux démarches : la mise en oeuvre de crédits d'émission ou celle d'un marché de droits d'émissions avec possibilité de mise en réserve et d'emprunts.

- La position de l'Union européenne revêt une importance déterminante pour la France. En effet, lors de la Conférence de Rio, l'Union européenne a été considérée comme participant à part entière, assimilé à un Etat souverain. Sa position prévaudra donc sur les revendications françaises. Le Conseil a adopté une position reposant sur un engagement des parties à réduire de 15 % leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici l'an 2010 par rapport à l'année de référence 1990. Or, le choix de 1990 comme année de référence s'avère très défavorable pour la France . En effet, à la différence de certains autres Etats membres, la France, avait, à cette date, déjà effectué un effort considérable de réductions de ses émissions de gaz à effet de serre.

La France est un des Etats où le taux d'émission de dioxyde de carbone par habitant est le plus bas. Une rapide comparaison avec l'Allemagne est de ce point de vue frappante : un ressortissant allemand émet, en moyenne annuelle 10,8 tonnes de dioxyde de carbone ; un français en émet, pour sa part, 6,1 tonnes. La comparaison avec les Etats-Unis est encore plus intéressante puisqu'un ressortissant américain émet près de 20 tonnes de dioxyde de carbone par an.

Cette situation originale de la France résulte du recours massif à des sources énergétiques peu polluantes qui s'est traduit par une diminution sensible du taux national des émissions de gaz à effet de serre tout au long des années 1980 (- 26,5 %), limitant d'autant les marges de manoeuvre pour parvenir à de nouvelles réductions. Entre 1990 et 1994, la France a réduit ses émissions de 4,4 %.

La position de la commission qui consiste à créer un engagement uniforme pour l'ensemble des Etats membres quel que soit leur niveau d'émission s'avère peu équitable pour la France qui grâce à son programme nucléaire a déjà accompli des efforts considérables.

Les réductions des émissions devraient donc en priorité porter sur les pays dont le taux d'émission est supérieur à celui de la France.

· Un effort nécessaire de recherche

La négociation sur l'effet de serre engage donc l'avenir économique de la France. Elle a une influence déterminante sur les politiques industrielles et énergétiques que devra conduire le Gouvernement .

Il paraît évident que la priorité absolue est la diminution de l'emploi des combustibles fossiles. En pratique, cela veut dire économies d'énergie, énergies renouvelables (dont la biomasse) et énergie nucléaire .

A ce titre, elle doit reposer sur des fondements scientifiques incontestables.

En ce qui concerne l'énergie nucléaire, son acceptation généralisée suppose un progrès dans la gestion des déchets radioactifs. A cet égard, la décision prise concernant Superphénix parait fort peu écologique car Phénix est vieillissante et ne peut apporter de solution en tant que centre de recherche et d'expérimentation, pour assurer à terme la destruction des transuranides.

Les conclusions du rapport Curien restent valables ; même si le " surrégénérateur " n'a pas été conçu pour être un appareil industriel consommateur de transuranides, il permettait d'étudier les caractéristiques scientifiques dans des situations à haut flux.

Par ailleurs, des études sur les changements de climats dus aux effets de serre, basées sur des statistiques géologiques qui démontreraient sans doute que le climat tempéré de vastes surfaces de la planète constitue une anomalie du quaternaire récent, permettrait sans doute de mieux cerner l'amplitude des effets économiques induits par l'effet de serre.

Un renforcement des recherches en matière d'usage de la biomasse et en matière d'énergie est également nécessaire.

Il serait également souhaitable d'examiner les conditions d'amélioration de tout ce qui, dans l'habitat, l'électroménager, les transports, consomme de l'énergie.

Car d'ici peu chacun comprendra que le développement durable est une priorité incontournable.

III. UN IMPÉRATIF ESSENTIEL : AMÉLIORER ENCORE LE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE VERS LES ENTREPRISES INNOVANTES

Rappelons en premier lieu que si la France figure au 4e rang des pays industrialisés pour son effort en recherche et développement technologiques, elle n'occupe que le 22e rang quand on se réfère à sa réussite en termes de mise sur le marché de produits ou de prise de brevets d'innovation.

Si l'on veut citer des exemples français de ces " poules aux oeufs d'or " de l'économie que sont les entreprises dont la croissance annuelle dépasse pendant dix ans les 30 % par an, comme Gemplus ou Business Object, on est vite limité à quelques sociétés, alors qu'elles se comptent par centaines dans le seul Etat de Californie.

Ces entreprises se caractérisent pas un taux de croissance particulièrement élevé (15 % à 20 % par an), et des besoins de financement très supérieurs à ceux des PME traditionnelles.

Il s'avère en outre que désormais l'innovation technologique intéresse non seulement les entreprises de haute technologie mais l'ensemble des entreprises. En effet, celles-ci sont confrontées à un double défi : celui de la mondialisation des marchés et celui de la réactivité qui s'impose désormais face à l'accélération de la mise sur le marché de produits nouveaux. L'appropriation la plus rapide de l'innovation technologique apparaît alors comme la seule solution susceptible de garantir la rentabilité financière des entreprises et plus généralement la compétitivité nationale.

Il importe donc de créer les conditions d'une valorisation satisfaisante de l'innovation technologique. Votre rapporteur s'y attache avec une constance qui ne s'est pas démentie depuis plus de dix ans. C'est en effet la seule manière stable de relancer l'emploi de nos compétences sur notre territoire.

L'effort doit, en ce domaine, s'orienter dans trois directions :

- coordonner les initiatives en matière de transfert de technologies ;

- orienter l'épargne vers les entreprises innovantes ;

- favoriser l'attribution des fonds nationaux et européens aux PME innovantes.

A. UN IMPÉRATIF : COORDONNER LES INITIATIVES EN MATIÈRE DE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE

A la différence des grandes entreprises dont la demande d'innovation répond généralement à un besoin clairement identifié, celle des PME-PMI reste le plus souvent imprécise, diffuse et mal formulée. C'est la raison pour laquelle le transfert de technologie vers les petites entreprises s'effectue le plus souvent par l'intermédiaire d'une structure d'aide dont la compétence s'étend du diagnostic à la formulation de la demande, de la recherche de la technologie au choix d'une ingénierie financière adaptée.

Il existe en France un potentiel très important capable de fournir aux PME les partenaires dont elles ont besoin.

Des structures de valorisation nombreuses, dans les laboratoires de la recherche publique, dans les universités, les écoles d'ingénieurs, les Instituts universitaires et technologiques, les lycées techniques et les organismes de recherche se sont mises en place.

D'autres structures se sont spécialisées dans la diffusion de l'information technique ou dans le transfert de technologie. Celles-ci sont d'autant plus nombreuses que les efforts accomplis par l'Etat ont été relayés par les collectivités locales.

Le résultat de cette multiplicité de partenaires s'est traduit par un foisonnement de l'offre.

L'agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) continue à occuper un rôle central. La politique de l'Agence est principalement axée sur l'aide aux projets innovants , l'accompagnement des créations d'entreprises innovantes, l'augmentation du potentiel de ressources des PME-PMI par l'aide au recrutement de cadres de recherche, le soutien des transferts de technologies, le développement du partenariat européen et régional et la sensibilisation des jeunes à l'innovation. Son rôle a été réaffirmé par le décret n° 97-682 du 31 mai 1997 relatif à l'aide à l'innovation. La mission d'évaluation du dispositif français en faveur de l'innovation industrielle et du développement technologique confiée à M. Henri Guillaume sera l'occasion de renforcer ses moyens.

L'ANVAR a une bonne pratique du travail en réseau -qu'il soit intrarégional (réseau de diffusion technologique, Directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, collectivités locales...) ou international (Eurêka, réseau européen des agences).

En outre, les délégations larges accordées aux délégués régionaux lui permettent une rapidité d'action très rare pour un organisme dépendant de l'Etat.

Quelques chiffres permettent de prendre la mesure de son action auprès des petites et moyennes entreprises innovantes.

En ce qui concerne l'aide à l'innovation, sur les 1800 PME-PMI dont l'effort de recherche-développement a été soutenu en 1996 à hauteur de 1,207 milliard, 55% ont fait appel à l'ANVAR pour la première fois. Ce taux s'élève à 66% si on considère celles qui n'avaient pas eu de contacts avec l'Agence depuis au moins quatre ans. Près de la moitié de ces PME-PMI (45,3%) sont des entreprises jeunes, de moins d'un an d'existence, en croissance ou présentant un potentiel de croissance, avec une progression du chiffre d'affaires d'au moins 25% sur les deux derniers exercices.

En 1996, l'ANVAR a soutenu 86 transferts de technologies pour un montant de 88 millions de francs, auxquels il convient d'ajouter 13 recours à des conseils destinés à préparer des transferts pour un montant de 1 million de francs.

L'ANVAR a aidé en 1996 à la création de 398 jeunes entreprises pour un montant total de 179 millions de francs. Ces PME nouvelles représentent 19,3% des projets d'innovation, 27,6% des recrutements de cadres de recherche et de développement et 27% des acquisitions de technologies aidés par l'ANVAR. Il faut, par ailleurs, souligner que 44% des projets soutenus concernent les secteurs de haute technologie.

A ses côtés, sont apparus de nombreux partenaires qui, sous des statuts divers proposent aux PME une offre très hétérogène . On peut citer, outre les agences régionales d'information scientifique et technique (ARIST), les centres régionaux d'innovation et de transfert de technologie (CRITT). Sous des formes juridiques variées (le plus souvent il s'agit d'associations type loi de 1901 ), les CRITT permettent une mise en commun des compétences d'organismes publics ou privés existant dans les régions en matière de recherche, de formation et de technologie (Centres de recherche, Universités, écoles d'ingénieurs, IUT, lycées techniques). Ils peuvent connaître la demande industrielle représentée par les chambres de commerce et d'industrie, les syndicats professionnels et les groupements d'industriels, de financiers. Ils sont au nombre de 130 environ répartis sur l'ensemble du territoire.

Mais, outre les CRITT, existent bien d'autres organisations . On peut citer les centres techniques, les centres technologiques qui regroupent des compétences parfois très ciblées, les sociétés spécialisées de recherche sur contrat, les consultants privés ou encore les conseillers technologiques.

L'analyse des différentes structures d'aide au transfert fait apparaître un ensemble assez hétérogène.

Cette hétérogénéité soulève plusieurs difficultés. Les PME-PMI ont souvent du mal à identifier l'interlocuteur ou le prestataire dont elles ont besoin, la confusion naissant entre une mission de service public (conseiller l'entreprise et déceler ses vrais besoins) et une activité de consultant (vendre des services de conseil, éventuellement pour partie financés par des aides de l'Etat).

Les pouvoirs publics ont tenté de définir un concept de Centres de ressources technologiques (CRT), structure capable de réaliser des prestations technologiques sur mesure pour des PME dans les conditions professionnelles du monde industriel. Annoncée dans le cadre des contrats de plan Etat-régions (1994-1998), leur mise en place est encore en cours.

La qualification des CRT, précisée par un label national, se définit à partir de critères qui ont varié, mais qui pour l'essentiel se résument ainsi :

- le professionnalisme dans l'exécution des prestations, notamment en termes de résultat, de coût, de délai et de confidentialité ;

- le partenariat par la constitution, le cas échéant, d'une équipe mixte avec une PME sur un projet innovant de l'entreprise ;

- la compétence qui implique souvent l'adossement à un ou plusieurs laboratoires de recherche.

Aujourd'hui, 21 centres de ressources technologiques, sélectionnés parmi 43 dossiers examinés, ont été labellisés par la " commission nationale des CRT ". Une première sélection avait été préalablement effectuée par les comités de pilotage en région (constitués dans chaque région par le délégué régional à la recherche et à la technologie, le directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, le délégué de l'ANVAR et le représentant du Conseil régional) parmi les 120 demandes recensées dans les 14 régions qui avaient déposé des dossiers.

Une augmentation des moyens des CRT labellisés est prévue pour couvrir le surcoût occasionné par l'activité de prestataire technologique des PME (20 millions de francs en 1997 de délégation de crédits en région).

Une évaluation des CRT et de leur labellisation est en cours avec les divers partenaires (CRT, PME, comité de pilotage en région, évaluateurs et ministères de tutelle).

Elle portera notamment sur les conséquences économiques de l'action des CRT dans les entreprises clientes en termes d'emplois, de chiffre d'affaires, d'exportation et de création d'entreprises.

Une autre initiative intéressante peut être citée . Il s'agit de la " route des hautes technologies ", organisme chargé de coordonner et d'impulser l'ensemble du dispositif de transfert qui a été lancée en région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Elle a pour mission d'améliorer la cohérence et la lisibilité du dispositif d'aide au transfert, de mener des actions ciblées ou transversales de nature à rendre plus efficaces et plus proches des préoccupations des entreprises les structures de transfert de technologie, de faciliter la création de clubs d'entreprises analogues, de diffuser les expériences étrangères, de mettre en réseau les compétences, de faciliter l'implantation de structures de financement.

B. CRÉER LES CONDITIONS NÉCESSAIRES AU FINANCEMENT DES ENTREPRISES INNOVANTES

En France, le financement du développement des entreprises innovantes se heurte à deux handicaps : une faiblesse relative de l'épargne longue, aggravée par son insuffisante orientation vers les fonds communs de placement innovation, les sociétés de capital risque, les banques d'investissement et le marché boursier spécialisé (le Nouveau marché) .

La rareté de l'épargne longue disponible s'explique pour une large part par l'absence de fonds de pension d'une surface suffisante pour qu'une part des sommes qui y sont investies soient consacrées au capital-risque. Par ailleurs, les sommes dégagées par l'assurance vie, qui représentent un volume significatif, restent insuffisamment orientées vers des placements dans l'industrie. La principale raison de la désaffection des épargnants à l'égard de l'investissement dans les entreprises innovantes résidait jusqu'à présent dans son caractère insuffisamment liquide.

1. L'investissement de " semence " des organismes

Votre rapporteur avait évoqué l'intérêt de mettre en place dans les établissements de recherche les moyens d'assurer un investissement de semence. C'est ainsi qu'il se félicite que l'INRIA puisse désormais par le canal de ses structures filiales (INRIA source et INRIA transfert) assurer un appui tant financier que moral vis-à-vis du système bancaire aux créateurs d'entreprises issus de son sein. Il souhaite que, très vite, d'autres organismes, et en particulier le CNRS et les universités, utilisent un système analogue par le moyen d'un fonds d'investissement de semence géré par une filiale spécialisée.

2. Des dispositifs fiscaux perfectibles

a) L'orientation de l'épargne vers la création d'entreprises innovantes

Depuis près de dix ans votre rapporteur insiste pour que les entreprises innovantes puissent draîner de l'épargne privée avec une incitation fiscale spécifique.

Force est de constater que l'Etat assure la majeure partie du financement de l'innovation avec quelques 3 milliards de francs accordés au titre de l'ANVAR et du crédit d'impôt recherche alors que les capitaux privés n'apportent que 400 millions de francs alors qu'il s'agit d'un secteur fortement créateur d'emplois.

- Les fonds communs de placement dans l'innovation

L'article 102 de la loi de finances pour 1997 a enfin mis en place un système nouveau : les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), afin d'orienter l'épargne des particuliers vers le financement d'entreprises innovantes.

Ceci doit être spécialement salué par votre commission qui, depuis plus de dix ans, propose des formules analogues toujours récusées par le service de législation fiscale, " le redoutable SLF ".

Un FPCI est une variété de fonds communs de placements à risques (FCPR) qui a vocation à investir 60 % de ses fonds dans des entreprises innovantes non cotées, comptant moins de 500 salariés, dont le capital est détenu majoritairement par des personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des personnes physiques et qui remplissent l'une des conditions suivantes :

- avoir réalisé, au cours des trois exercices précédents, des dépenses cumulées de recherche, d'un montant égal au tiers du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours de ces trois exercices ;

- justifier d'une activité dont le caractère innovant a été reconnu par l'ANVAR pour une durée de trois ans renouvelable.

Ils permettent aux personnes physiques qui souscrivent aux FCPI de bénéficier d'une réduction d'impôt de 25 % du montant investi plafonné à 150.000 francs.

Les FCPI devaient, d'une part, remédier à l'insuffisante participation des organismes de crédits au financement des entreprises innovantes et, d'autre part, permettre une mobilisation de l'épargne de proximité qui joue souvent un rôle déterminant dans la création de ces entreprises.

Grâce à cette mesure, il a été prévu de pouvoir mobiliser 500 millions de francs. Ceci devrait avoir un important effet de levier sur l'emploi puisqu'il est constaté que 0,4 million de francs d'aide à l'innovation permet de créer un emploi dans une PME.

A ce jour, le Groupe Banques Populaires vient de lancer le premier FCPI sur le marché, après agrément de la Commission des opérations de bourses en date du 3 juin 1997.

D'autres FCPI devraient être créés d'ici la fin de l'année 1997, en particulier Innovafrance.

Votre rapporteur regrette que l'incitation fiscale consentie en faveur des souscripteurs de parts de FCPI ne soit pas supérieure à celle que prévoit plus généralement l'article 199 terdecies OA du Code général des impôts au bénéfice des particuliers investissant dans les sociétés non cotées sur le marché financier. Une incitation supplémentaire permettrait peut-être d'accélérer le rythme de création des FCPI. Par ailleurs, il note que les délais très courts imposés par les textes réglementaires à l'investissement de 60 % du capital collecté par les FCPI dans les sociétés innovantes en création entravent dans les faits, par suite du volume insuffisant des investissements par rapport aux frais de gestion, la constitution de FCPI régionaux, ce qui est susceptible d'accroître une concentration non souhaitée des PME innovantes en région parisienne. Il souhaite que le décret qui impose ce délai court puisse être revu par les ministres concernés.

- les produits d'assurance-vie

Par ailleurs, il est à noter que le projet de loi de finances pour 1998 apporte à ce dispositif une amélioration de nature à orienter plus largement l'épargne vers le capital-risque et les sociétés innovantes.

Jusqu'à présent, les fonds investis dans les produits d'assurance-vie profitaient peu aux PME-PMI et s'orientaient vers des placements financiers permettant d'optimiser le rendement à court terme du capital investi.

Afin de tenter de corriger cette situation, l'article 17 du projet de loi de finances aménage le régime fiscal des produits des contrats d'assurance-vie et des bons de capitalisation. Il prévoit, en effet, que les souscripteurs de contrats d'assurance-vie investis à plus de 50 % dans des sociétés financières d'innovation, des fonds communs de placement à risques, des fonds communs de placement dans l'innovation, des actions de sociétés de capital risque ou directement dans des titres de sociétés par actions non cotées ou cotées au Nouveau marché bénéficieront d'une exonération d'impôt sur le revenu.

Cette mesure sera d'autant plus susceptible d'avoir un impact sur l'orientation de l'épargne que le projet de loi de finances réduit parallèlement les avantages fiscaux qui étaient jusqu'ici attachés aux produits des contrats d'assurance-vie.

b) Des mesures destinées à faciliter la création des petites et moyennes entreprises

Votre rapporteur souligne depuis de nombreuses années la nécessité d'encourager les vocations d'entrepreneurs dans le secteur des PME-PMI innovantes. A ce titre, il se félicite que le projet de loi de finances adapte le système des bons de souscription plus connus sous le nom de stock-options aux spécificités qu'elles présentent.

L'article 50 du projet de loi de finances pour 1998 rend possible la création de bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises . Un amendement rédactionnel sera présenté à titre personnel par votre rapporteur pour éviter des interprétations possibles qui limiteraient par trop sa portée.

Les entreprises innovantes à fort potentiel de croissance ne peuvent -du moins dans leurs premières années d'existence- offrir des salaires élevés à leurs dirigeants. Afin de leur permettre d'attirer des cadres et des scientifiques de haut niveau, elles pourront en compensation d'un manque à gagner immédiat, les intéresser à leur croissance, en leur proposant des bons de souscription.

Ainsi, les dirigeants des entreprises innovantes disposeront de la faculté de capitaliser leur investissement personnel et de compenser le risque élevé que représente l'entreprise créée en termes financiers.

Le dispositif prévoit que les petites et moyennes entreprises créées depuis moins de cinq ans peuvent proposer à leur personnel et à leurs dirigeants des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise à un prix définitivement fixé lors de leur attribution donnant le droit de souscrire une part du capital de l'entreprise.

En cas de cession ultérieure des titres attachés à ces bons, et sous réserve du respect de certaines conditions, le gain net réalisé serait soumis à l'impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 30 % ou de 16 % si le bénéficiaire exerce son activité depuis au moins deux ans dans la société émettrice.

Ce dispositif concerne les sociétés par actions dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé et qui remplissent notamment deux conditions. En premier lieu, il doit s'agir d'une véritable création d'activité nouvelle, la société ne doit pas résulter d'une concentration ou d'une restructuration.

L'amendement évoqué ci-dessus permet de considérer que la reprise d'activités préexistantes avec d'autres objectifs de marché et une structure indépendante de celle qui gérait l'activité préexistante constitue une vraie création.

En second lieu, 75 % au moins du capital de la société doit être détenu directement et de manière continue par des personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des personnes physiques, ce qui est de nature à circonscrire le champ de l'avantage fiscal aux hypothèses d'entreprises contrôlées par leurs créateurs. Néanmoins, afin de garantir la cohérence d'ensemble du dispositif d'aides à la création de PME-PMI innovantes, il est prévu que pour déterminer la part du capital détenu par des personnes physiques, il n'est pas tenu compte des participations des sociétés de capital risque, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ainsi que des FCPI et FCPR.

Votre rapporteur approuve vivement cette disposition qui correspond à un souhait qu'il avait exprimé à plusieurs reprises.

c) La nécessité de maintenir le crédit d'impôt recherche

Le crédit d'impôt recherche institué par l'article 67 de la loi n° 82-1126 du 29 décembre 1982 (article 244 quater du code général des impôts) a été reconduit par l'article 73 de la loi de finances pour 1996 jusqu'au 31 décembre 1998.

La question de son maintien au-delà de cette date se trouve donc posée. Dans cette perspective, il semble donc opportun à votre rapporteur d'insister sur la nécessité de pérenniser ce dispositif .

En effet, le crédit d'impôt recherche est une mesure fiscale générale qui contribue à promouvoir une recherche compétitive et crée un environnement stable permettant le développement de l'innovation technologique des entreprises. Il permet aux entreprises de rester maîtresses de leur développement et de l'intensité technologique de ce dernier.

Ce dispositif neutre du point de vue de la dépense engagée et de l'activité de recherche envisagée correspond à la volonté d'orienter la recherche française vers les secteurs les plus profitables et les plus compétitifs sur le plan international . Il rompt avec la logique des aides sectorielles qui ont révélé leurs limites. Il est particulièrement éclairant de ce point de vue d'analyser les effets des modifications du dispositif destinées à moduler le montant des dépenses éligibles au titre du crédit d'impôt recherche en fonction des préoccupations liées à l'aménagement du territoire. Cette mesure introduite par la loi d'orientation pour l'aménagement du territoire du 4 février 1995 n'a pas eu d'autre impact qu'un effet d'aubaine et n'a pas permis de parvenir à une meilleure répartition géographique de l'effort de recherche.

Il apparaît donc que la neutralité du dispositif et l'automaticité de l'octroi de l'aide renforcée par le décret du 16 mai 1997 contribuent de manière déterminante à son succès. Il importe, par ailleurs, de noter que depuis le 1er juin 1997, le crédit d'impôt-recherche est déconcentré en région auprès des DRRT afin de le rendre plus proche des PME. Votre rapporteur souligne, à ce titre, qu'il serait souhaitable qu'un effort supplémentaire d'information sur le crédit d'impôt-recherche, et notamment sa modulation régionale, puisse être accompli en direction des chambres de commerce, des petites et moyennes entreprises et, plus particulièrement, de l'association France-Technopoles.

Le crédit d'impôt recherche joue indiscutablement un rôle important pour permettre aux entreprises les plus dynamiques de maintenir malgré un contexte économique général difficile un effort très significatif de recherche et de développement, ce qui est indispensable pour renforcer l'emploi scientifique en milieu industriel et éviter le départ des compétences, le " drainbrain " , vers l'étranger.

3. L'amélioration de la prise en compte du capital compétence

La compétence et le savoir faire jouent un rôle essentiel dans le développement des entreprises innovantes.

a) Le report d'imposition des plus-values de cession de droits sociaux en cas de remploi dans les PME nouvelles

Le projet de loi de finances fait un premier pas dans le sens d'une meilleure prise en compte du capital-compétence, en prévoyant la possibilité pour des dirigeants de sociétés de bénéficier d'un avantage fiscal lorsqu'il vendent les parts de leurs sociétés et qu'ils en réinvestissent le produit dans une PME créées depuis moins de cinq ans.

L'article 51 du projet de loi de finances prévoit, en effet, le report d'imposition des plus-values de cession de droits sociaux réalisées par les dirigeants de sociétés qui réinvestissent le produit de la vente de ces droits dans des sociétés nouvelles créées depuis moins de cinq ans.

Le report d'imposition s'appliquerait jusqu'au moment où s'opérerait la transmission, le rachat ou l'annulation des titres reçus en contrepartie de l'apport.

Les nouvelles entreprises pourront, tout en bénéficiant de ressources financières nouvelles, tirer profit des capacités entrepreneuriales de leurs investisseurs.

Votre rapporteur souhaite qu'à partir de ce dispositif, puissent se développer en France des vocations comparables à celles des " business angels " américains. Néanmoins il note pour le regretter, que le bénéfice de ce dispositif est limité dans le temps puisqu'il ne s'applique qu'aux plus-values de cession de droits sociaux réalisées au cours des deux prochaines années.

b) Autoriser les fonctionnaires et notamment les chercheurs à créer des entreprises

Un projet de loi en ce sens avait été élaboré et le Conseil d'Etat lui avait donné un avis positif. Votre rapporteur n'a pas souhaité proposer en son nom personnel un amendement à la loi de finances qui aurait pu constituer un " cavalier " pour reprendre la formule consacrée. C'est pourquoi il a déposé une proposition de loi permettant à des fonctionnaires de participer à la création d'entreprises innovantes (n° 98, 1997-1998), reprenant l'essentiel du texte de ce projet, inspirée des dispositions des droits en vigueur dans d'autres pays et introduisant les règles déontologiques qui s'imposent.

c) Autoriser la création d'entreprises à partenariat évolutif

De nature patrimoniale, le droit commercial français ne tient compte que très imparfaitement du capital compétence dans la constitution des entreprises.

La comptabilisation des apports immatériels (droits d'inventions ou de création, apports en industrie) demeure soumise à l'accord d'un commissaire aux apports. Par ailleurs, ils sont évalués, une fois pour toutes, lors de la création de l'entreprise.

Or, et cela semble une évidence, la valeur de ces apports dépend du succès de l'exploitation industrielle à laquelle ils donnent lieu. Il semble donc nécessaire que l'apport d'une innovation ou d'une invention puisse être réévalué au cours de la vie de l'entreprise. Ceci apparaît comme la condition d'un partenariat équitable entre apporteurs de fonds et apporteurs de compétences.

A cette fin, votre rapporteur là encore n'a pas voulu présenter un " cavalier " et a déposé une proposition de loi tendant à autoriser la création d'entreprises à partenariat évolutif.

Créés dans la perspective de la valorisation d'une invention, une telle structure juridique serait susceptible -même si elle a vocation à demeurer l'exception- de constituer une première étape dans le développement de sociétés à croissance rapide.

4. Le développement du nouveau marché

Constitué sous l'égide de la Société des bourses françaises, un " nouveau marché " financier fonctionne à Paris depuis le 1er mars 1996.

Votre rapporteur rappellera le rôle qu'a joué le groupe d'études " Innovation et entreprise " qu'il préside dans la genèse de ce nouveau marché boursier. Le 13 avril 1994, ce groupe d'études avait, en effet, organisé au Sénat un colloque sur le thème : " Les entreprises innovantes et l'emploi : le problème des fonds propres ", qui avait conclu à la nécessité de créer rapidement, à l'échelle européenne, un marché équivalent au Nasdaq américain.

Près d'un an et demi après son ouverture, il importe de faire un premier bilan de son fonctionnement.

Les société cotées au Nouveau marché apparaissent très diverses quant à leur taille et à leurs secteurs d'activités.

En termes de secteur d'activité, les nouvelles technologies, l'informatique et les biotechnologies, bien représentées dès le démarrage du nouveau marché, se renforcent.

Depuis sa création la tenue des cours des titres cotés a connu trois phases : dans un premier temps, le marché primaire a rencontré un vif succès. Dans une deuxième période, qui couvre l'été 1996, les investisseurs, en France, se sont raréfiés. A cette même période, les fonds anglo-saxons ont investi dans le capital de certaines sociétés du nouveau marché, tirant ainsi parti de cours plus attractifs. Enfin, depuis, novembre 1996, un regain de confiance est apparu de la part de l'ensemble des intervenant du marché.

Le nouveau marché s'adresse à des investisseurs avertis, particuliers ou institutionnels, sensibilisés à la notion de risque lié au profil des sociétés cotées sur le marché.

Il repose sur un système original d'organisation de marché qui associe un carnet d'ordres centralisé et la présence de teneurs de marché.

La répartition du volume de transactions (en capitaux échangés) entre les deux systèmes est demeurée stable depuis septembre 1996 : 60 % en fixage, 40 % en tenue de marché. Cette complémentarité permet de satisfaire deux types d'investisseurs dont les objectifs sont différents.

Les investisseurs institutionnels trouvent avec la tenue de marché une parfaite liquidité dans la négociation de blocs tout en bénéficiant d'une instantanéité des transactions. Les investisseurs individuels trouvent dans le carnet d'ordres central une facilité pour les échanges de petites quantités à des cours jugés plus proches des cours d'équilibre.

Le nouveau marché se caractérise donc par la coexistence de deux systèmes de cotation qui s'avèrent complémentaires, sans prédominance de l'un sur l'autre mais dont la liquidité est bien réelle.

Aujourd'hui, le nouveau marché compte 23 sociétés parmi lesquelles 3 font l'objet d'une double cotation. Elles représentent 9,3 milliards de francs de capitalisation pour 1,82 milliards de francs de capitaux levés.

Le nouveau marché a ainsi pu convaincre les entreprises, y compris les entreprises étrangères, et a surtout su convaincre les investisseurs, comme le montre le niveau de liquidité qu'il affiche.

Une des clés de son succès résidera dans la multiplication de ce type de marché. Il existe désormais en Europe, depuis le mois de mars de cette année, trois autres marchés de ce type : en Belgique, à Francfort et aux Pays-Bas. Ils sont organisés au sein d'un réseau : l'EURO NM 2( * ) . Celui-ci s'appuie sur les marchés nationaux en respectant leurs particularités.

L'EURO. NM a pour objet de définir une politique coordonnée de promotion du réseau européen auprès des émetteurs, des membres potentiels et des investisseurs, ainsi qu'auprès d'autres marchés européens souhaitant rejoindre l'EURO.NM.

Les principes fondateurs de l'EURO.NM sont :

- une harmonisation des règles communes d'admission, d'introduction, de négociation et d'information ;

- une coopération avec les investisseurs et une démarche conjointe de prospection des entreprises ;

- une intégration par un canal d'accès commun pour les opérations de négociation.

Les nouveaux marchés belge, allemand et néerlandais se sont créés au mois de mars 1997. Cette nouvelle force européenne comptabilise 36 sociétés cotées (dont 7 doubles cotations) et 19,3 milliards de francs de capitalisation pour 2,9 milliards de francs de capitaux levés.

En comparaison, la structure concurrente l'EASDAQ, calqué sur le NASDAQ américain avec un statut de droit belge semble davantage tarder à trouver ses marques. En effet, si sa capitalisation boursière (environ 18 milliards de francs) et le montant des fonds appelés (2,8 milliards de francs) sont comparables à ceux de l'EURO.NM, l'EASDAQ ne compte actuellement que 12 sociétés (dont 3 provenant du NASDAQ) sur les 50 prévues pour 1997.

Compte tenu de sa jeunesse, le nouveau marché européen ne connaît pas encore l'ampleur du Nasdaq américain, ni ses fluctuations. Les valeurs des entreprises cotées sur le Nasdaq du fait des taux de croissance très rapides de leurs profits connaissent une grande volatilité et, pour certaines, dans l'hypothèse de mauvais résultats, connaissent des baisses très importantes. Néanmoins, la diversité et le nombre des entreprises cotées garantit globalement ce marché contre une trop grande variabilité. Le Nasdaq est pour beaucoup dans la bonne santé de l'économie américaine et son faible taux de chômage.

C. ORIENTER LES FINANCEMENTS EUROPÉENS VERS LES PME-PMI

Il s'avère que la nécessité de soutenir le développement des PME-PMI innovantes , si elle est désormais mieux admise en France, reste insuffisamment prise en compte au niveau européen.

L'Union européenne doit se doter dans les prochains mois d'un cinquième programme-cadre de recherche qui couvrira les années 1999-2002 .

Les négociations sont d'ores et déjà entamées et devraient s'achever en 1998. A la différence du précédent programme-cadre adopté à l'unanimité le cinquième programme-cadre, en application du traité d'Amsterdam signé le 2 octobre 1997, serait adopté à la majorité qualifiée. Une telle procédure permettrait d'éviter les conséquences de l'unanimité dans le domaine de la recherche. En effet, celle-ci s'est traduite par une dispersion des actions, résultant de la volonté des Etats d'obtenir de faire financer leurs politiques nationales de recherche par des fonds communautaires.

L'élaboration d'un cinquième programme-cadre recherche doit être l'occasion de corriger les dysfonctionnements de la politique européenne de recherche.

Votre rapporteur souhaite, en particulier que soient modifiées les procédures d'attribution des fonds européens qui, jusqu'à présent, privilégient essentiellement les grandes entreprises.

Cette situation découle des procédures suivies par la commission européenne. Celle-ci procède, en effet, par appels d'offre. Seules les grandes entreprises informées des mécanismes européens et bénéficiant pour bon nombre d'entre elles d'un réseau de consultants efficaces proches des fonctionnaires de la commission, peuvent constituer des dossiers susceptibles d'être retenus dans le délai fixé, délai qui s'avère souvent trop court pour les PME-PMI.

On ne peut que déplorer cet état de fait. En effet, les PME-PMI qui fournissent les 2/3 de l'emploi dans l'Union européenne et, en particulier les PME-PMI innovantes qui sont le meilleur vecteur de l'esprit d'entreprise et de la valorisation de l'innovation, doivent pouvoir bénéficier d'un accès aisé aux technologies avancées et aux possibilités offertes par les programmes de recherche de l'Union.

Le ministre de l'Education nationale, de la recherche et de la technologie s'est ému de ce dysfonctionnement de la politique européenne de recherche devant votre commission le 30 octobre 1997.

La commission européenne elle-même a exprimé le souhait d'ouvrir plus largement les appels d'offre européens aux PME-PMI. Ainsi, la proposition de cinquième programme-cadre, transmise au Sénat dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, précise que l'innovation et la participation des PME à la politique de recherche européenne constitue un de ses objectifs scientifiques et technologiques.

Votre rapporteur, s'il se réjouit de cette prise de conscience, doute que les PME-PMI puissent avoir un accès plus large aux fonds européens tant que leurs modalités d'attribution demeureront inchangées.

Des procédures inspirées de celles en vigueur dans le cadre d'Eurêka permettraient sans doute de faire bénéficier plus largement les PME-PMI des programmes européens car elles sont plus adaptées à l'esprit d'initiative et la liberté d'entreprendre qui caractérisent les PME-PMI. En effet, les programmes Eurêka se différencient des programmes de recherche communautaire, d'une part, parce qu'ils sont plus proches des mécanismes du marché et, d'autre part, parce que la sélection des projets se fait non pas grâce à des appels d'offre mais sur les dossiers proposés directement par les entreprises et centres de recherche. En effet, les PME représentent 45 % des 77 entreprises ou institutions françaises coopérant au sein des 39 projets à participation française retenus lors de la 14e conférence ministérielle qui s'est tenue à Londres le 19 juin 1997.

IV. LA DIFFUSION DE LA CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

La diffusion de la culture scientifique et technique doit être aujourd'hui au coeur des préoccupations d'un Etat moderne.

Elle s'avère indispensable pour préparer le citoyen à se situer dans un monde où le rythme des évolutions technologiques s'accélère. Seul un égal accès de tous à la connaissance scientifique et technique permettra en effet d'éviter que s'accroissent les phénomènes d'exclusion sociale.

Par ailleurs, la meilleure connaissance des progrès de la science rend impossible une adhésion plus large du citoyen à la politique de recherche, ce qui est susceptible d'en accroître la légitimité. Enfin, l'ouverture à l'esprit de découverte apparaît comme une condition nécessaire pour assurer la valorisation de l'innovation dans le tissu industriel.

La diffusion de la culture scientifique et technique exige, d'une part, un rapprochement entre la communauté scientifique et la société, condition essentielle pour une valorisation efficace de la recherche, d'autre part, une diffusion de la connaissance scientifique sur l'ensemble du territoire et, enfin, une modification de la perception du développement technologique par la société.

A. LE RAPPROCHEMENT DE LA COMMUNAUTÉ SCIENTIFIQUE ET DE LA SOCIÉTÉ, CONDITION ESSENTIELLE POUR UNE VALORISATION EFFICACE DE LA RECHERCHE

La diffusion de l'innovation technologique dans le tissu industriel, condition de la compétitivité nationale, passe par un rapprochement de la communauté scientifique et de la société.

Le personnel scientifique des établissements publics de recherche doit donc, à ce titre, être incité à s'impliquer dans le développement économique.

1. Accroître les recrutements en entreprises des jeunes docteurs

Le rapport sur les études doctorales établi pour l'année 1996 par l'observatoire des flux et des débouchés fait apparaître que 15 % seulement des docteurs sont recrutés par des entreprises. Ces recrutements, s'ils marquent une certaine reprise depuis 1995, n'atteignent pas encore le niveau souhaité.

Certes, et c'est assez normal pour qui connaît la vie et la culture dans les laboratoires de recherche, que les jeunes doctorants privilégient les débouchés dans les grands organismes de recherche au détriment d'un recrutement en entreprises.

Il importe donc d'inciter les entreprises à recruter et de préparer les futurs docteurs à s'orienter le plus tôt possible vers un projet professionnel tourné vers le monde économique, les emplois en entreprises ou la création d'entreprises. Il s'agit là d'une condition nécessaire pour garantir l'adaptation du tissu industriel national aux avancées technologiques.

Des efforts ont été engagés en ce sens.

Afin d'améliorer la connaissance qu'ont des entreprises et des pratiques industrielles les jeunes docteurs et les directeurs de thèse, a été lancé depuis la rentrée 1996, à l'attention des écoles doctorales, des centres d'initiation à l'enseignement supérieur (CIES) et des établissements universitaires, un appel à propositions pour l'organisation de séminaires de sensibilisation et de formation des doctorants (les " doctorales "). En 1997, 31 séminaires concernant environ 2.300 auront été organisés. Le soutien du ministère s'est élevé à 6 millions de francs.

Les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) visent à assurer une formation à la recherche de haut niveau en favorisant l'insertion professionnelle des jeunes docteurs dans les entreprises. Le titulaire de la convention est embauché dès son inscription en thèse par l'entreprise partenaire de la convention ; il se trouve donc confronté très tôt aux réalités de l'entreprise. Ce dispositif a permis à de nombreux jeunes docteurs d'accéder à des responsabilités industrielles.

Etant donné les excellents résultats auxquels elles ont donné lieu, à la fois en termes de formation doctorale et en termes d'embauches effectives dans les entreprises, les CIFRE, lancées à titre expérimental en 1981, ont été progressivement portées à 700 pour l'année 1997 et à 800 pour l'année 1998.

Néanmoins, cette action volontariste se heurte à un plafonnement des embauches industrielles. S'il se traduit aujourd'hui essentiellement par un allongement de la période de recherche d'emploi à l'issue de la thèse, il risque néanmoins d'hypothéquer la politique volontariste d'augmentation du nombre des CIFRE. Un effort particulier de sensibilisation doit donc être déployé pour relancer l'intérêt des entreprises pour ce dispositif, notamment auprès des petites et moyennes entreprises.

Votre rapporteur se félicite, par ailleurs, de la création annoncée par M. Claude Allègre, ministre de l'Éducation nationale, de la recherche et de la technologie d'un fonds permettant de financer un dispositif d'accueil des post-doctorants en entreprises et dans les établissements publics de recherche. Il souhaite que le fonctionnement de ce dispositif privilégie l'insertion des jeunes docteurs en entreprises.

Développer l'esprit d'initiative et la créativité des jeunes chercheurs, leur insuffler une culture entrepreneuriale est essentiel, y compris pour mieux assurer la mobilité des personnels des établissements publics de recherche vers les entreprises. Celle-ci ne précédera pas celle des jeunes. Elle peut éventuellement la suivre.

2. Favoriser les créations d'entreprises par le personnel des établissements publics à caractère scientifique et technologique

Un rapport public particulier de la Cour des comptes a été consacré en juin 1997 à la valorisation de la recherche dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique.

Il fait apparaître un incontestable motif de satisfaction qui tient dans " l'indiscutable prise en considération de l'objectif de valorisation par des organismes qui n'y étaient pas spontanément portés par leur culture traditionnelle " .

Néanmoins, et votre rapporteur y a été particulièrement sensible, il note que " quant à la création d'entreprise par des personnels de recherche issus des établissements publics à caractère scientifique et technologique, l'état actuel de la réglementation place souvent ces derniers devant la difficile alternative, soit de ne pas répondre aux invitations de la loi 3( * ) , soit de risquer de se mettre en infraction avec le droit existant ".

Le cadre juridique dans lequel s'inscrit la création d'une entreprise pour les personnels des établissements publics à caractère scientifique et technique est, en effet, particulièrement rigoureux. Le respect des textes implique que la création d'entreprise par des chercheurs n'est possible qu'à la condition que ces chercheurs rompent toutes relations avec leur laboratoire d'origine, ce qui représente pour eux une prise de risque considérable. Il apparaît donc qu'il manque une position statutaire intermédiaire entre la mise à disposition qui oblige le chercheur à quitter complètement son laboratoire et la consultance qui limite son apport à l'entreprise en création à quelques heures par semaine.

Malgré ces obstacles, plusieurs chercheurs issus des établissements publics à vocation scientifique et technologique ont créé des entreprises en quittant leur établissement, après avoir été mis à disposition de celles-ci au cours de leur première année d'existence. Selon le rapport de la Cour des comptes, une vingtaine d'entreprises répondant à ce schéma sont répertoriées par le CNRS, une vingtaine également par l'INRIA, une demi-douzaine à l'INRA et à l'INSERM, d'autres à partir des écoles d'ingénieurs. La Cour des comptes aurait pu et peut-être aurait dû rapporter le nombre de créations d'entreprises par rapport aux effectifs permanents car 1 pour 1000 ou 20 pour 1000 n'est pas équivalent.

Par ailleurs, des chercheurs auraient pu également créer des entreprises sans pour autant quitter leur laboratoire. Cette solution se heurte à une contradiction. En effet, les règles de la fonction publique interdisent à un chercheur de participer au capital d'une société qu'il aurait contribué à fonder par ses découvertes et qui serait liée par contrat à son établissement. Elles ont été l'objet d'aménagements de la part des établissements qui ont, dans certains cas relevés par la Cour des comptes, donné lieu à des dérives.

Compte tenu de l'enjeu crucial que représente la création d'entreprises valorisant les résultats de la recherche publique, il importe en effet que soient élaborées des dispositions statutaires spécifiques permettant aux chercheurs de créer des entreprises dans des conditions juridiques satisfaisantes. Rappelons que votre rapporteur a déposé une proposition de loi à cet effet. L'ambiguïté des règles en vigueur ne peut, en effet, qu'avoir un effet dissuasif.

B. L'ÉGAL ACCÈS DE TOUS À LA CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

L'égal accès de tous à la culture scientifique et technique exige sa diffusion sur l'ensemble du territoire.

1. La concentration des moyens en région parisienne

La France consacre depuis quelques années d'importants moyens à la diffusion de la culture scientifique et technique. En dépit de cet effort, ils ne peuvent prétendre à une réelle influence sur l'ensemble de la société compte tenu de leur concentration excessive en région parisienne.

En effet, les quatre grands organismes qui contribuent à la diffusion de la culture scientifique et technique sont situés à Paris. Il s'agit :

- du Muséum d'histoire naturelle créé par l'ancien régime, auquel a été adjoint le Musée de l'homme, dont l'avenir n'est pas encore totalement déterminé ;

- du Conservatoire national des arts et métiers, créé par la Convention ;

- du Palais de la découverte, créé en 1936 ;

- et de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, créée en 1985.

La Cité des sciences et de l'industrie de la Villette bénéficie, au titre du ministère de la culture, d'une subvention de fonctionnement de 279,9 millions de francs et d'une subvention d'investissement qui s'élève à 235 millions de francs dont 205 millions de francs en soutien de programmes. D'autres souffrent d'un manque de moyens ou de projets d'ensemble. C'est le cas du Palais de la découverte dont l'avenir pourrait être débattu dans le cadre des travaux de restauration du Grand Palais.

En dépit des projets de rénovation dont ils font l'objet, ces organismes nationaux ne sont pas structurés pour remplir une fonction nationale, c'est-à-dire être présents dans un certain nombre de lieux en province. Certes, le ministère dispose de quelques moyens pour aider les centres de culture scientifique et technique régionaux, les associations ainsi que les fondations qui agissent dans ce domaine. Mais 80 % des Français reçoivent moins de 10 % des crédits consacrés chaque année à ces actions.

Ce déséquilibre Paris-province est, par ailleurs, accentué par l'inégale répartition sur le territoire des activités de recherche qui sont susceptibles de constituer des centres de rayonnement de la culture scientifique et technique.

2. La nécessité d'ancrer la culture scientifique et technique dans les régions

Les interventions des grands organismes de diffusion de la culture scientifique et technique ne peuvent prétendre à l'efficacité que si leurs interventions s'inscrivent aussi en dehors de la région parisienne.

Une part de leurs moyens devrait être systématiquement déconcentrée, et une autre part utilisée pour diffuser leurs expériences, leurs démonstrations, leurs expositions en utilisant les réseaux large bande, les lignes spécialisées Télécom, les canaux satellitaires numérisés, etc. Les moyens déconcentrés dotés par exemple d'une antenne réceptrice, d'une capacité de stockage sur une plate-forme numérisée permettraient de privilégier l'accès du plus grand nombre à la culture scientifique et technique, notamment par des actions de proximité qui ne peuvent qu'être conçues à l'échelon local. La sensibilisation du jeune public, en particulier, impose une telle évolution. Des initiatives ont été prises ; elles méritent d'être intensifiées et généralisées. Un projet pilote à Sophia-Antipolis doit être mis en place en liaison entre la Cité des Sciences et La Cinquième et rediffuserait sur Nice et l'arc méditerranéen.

Les centres de culture scientifique et technique (CCST), au nombre d'une trentaine, touchent directement plus de 1,8 million de personnes. Ils ont vocation à exercer un rôle de diffusion et à être des lieux de débats. Les centres thématiques Nausicaa à Boulogne-sur-Mer et Océanopolis à Brest, forts de leurs succès, bénéficieront d'une extension tandis que sera lancé le programme CESTAR sur l'agro-alimentaire à Arras et le projet culturel du Pic du Midi sur l'astronomie.

Un programme d'aide à la rénovation des musées d'histoire naturelle de région susceptible d'accroître leur fréquentation permet un renouvellement des présentations et apporte un soutien à l'informatisation des inventaires.

3. Les possibilités offertes par les nouvelles technologies

Les nouvelles technologies de l'information doivent constituer un outil privilégié de la diffusion de la culture scientifique et technique.

Combinant l'écrit, l'image et le son, et mettant en oeuvre des procédés d'interactivité qui en renforcent l'efficacité pédagogique, elles sont susceptibles de contribuer à la démocratisation du savoir. Néanmoins, l'accès des citoyens à ces nouvelles technologies doit être garanti. Leur appropriation inégale par telle ou telle catégorie de population risquerait d'accroître les différences sociales traditionnelles fondées sur la richesse et le savoir.

Ceci implique donc, d'une part, la mise en réseau des écoles et des lieux publics et, d'autre part, une éducation permettant de conférer aux utilisateurs la maîtrise des nouveaux outils afin que ceux-ci ne soient pas réduits à un usage ludique mais deviennent les vecteurs d'un nouvel appétit de savoir.

Le rôle de l'école apparaît primordial. Plusieurs rapports de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et du Sénat ont apporté des conclusions très claires. Les expériences de terrain ont à juste titre été privilégiées. Là encore, l'exemple américain est éclairant. Sur le plan des écoles primaires, l'effort accompli l'a été pour l'essentiel dans le cadre d'un projet faisant coopérer collectivités locales, mécénat industriel et volontariat individuel (projet netday initié par John Gage).

Permettre à la France de rattraper son retard en matière de nouvelles technologies de l'information est désormais une nécessité reconnue et nous sommes sur la bonne voie.

En 1996, on comptait en France 246.000 foyers branchés sur Internet, contre 635.000 en Angleterre et 1.105.000 en Allemagne ; 17 % des foyers français étaient équipés d'un micro-ordinateur contre 43 % aux Etats-Unis.

Depuis lors, il semble que les choses s'améliorent et pour l'éducation nationale, le ministre Claude Allègre a annoncé un programme cohérent. Le financement prévu par le budget devra sans doute être renforcé par les mécènes, le bénévolat et les collectivités locales. Beaucoup l'espèrent et y travaillent, notamment au Sénat.

4. Promouvoir la culture scientifique et technologique et la compréhension des avancées que le progrès peut apporter

Si l'opinion publique reste fascinée par la science, elle doute souvent des progrès que ses avancées engendrent. Et les milieux décisionnels, qu'ils soient politiques, sociaux, économiques ou qu'ils aient pour métier d'informer comme les journalistes, n'ont pas compris la nouvelle donne ainsi que les enjeux en matière de compétitivité, d'emploi, de développement durable.

Seule la santé échappe à cette méconnaissance et relative indifférence manifestée par ceux qui devraient être au courant. Il faut réagir.

En France, aujourd'hui, seuls les prix de la culture scientifique et technique remis par l'académie des sciences visent à récompenser les chercheurs qui s'attachent à sa diffusion.

Outre les actions évoquées ci-dessus, il convient de créer un événement annuel à fort retentissement social et médiatique symbolisant la rencontre entre la société et la science et faisant le point de l'état des connaissances dans le monde et en France. Votre rapporteur, depuis des années, estime que l'exemple suédois est particulièrement digne d'intérêt et devrait être suivi.

Chaque année, l'académie des sciences de l'ingénieur suédoise, à laquelle votre rapporteur a le grand honneur d'appartenir, dresse un état des progrès de la science, des techniques et de l'économie dans le monde en général, et en Suède en particulier.

La réalisation du rapport qui mobilise les acteurs principaux de la recherche, du développement, de l'industrie et des finances constitue une première occasion de pratiquer le transfert de technologie au plus haut niveau décisionnel.

La remise du rapport s'effectue à l'occasion d'une cérémonie présidée par le couple royal. Tous les décideurs du Royaume : académiciens, présidents et directeurs d'entreprises, banquiers, scientifiques, hommes politiques influents, journalistes, se doivent d'être présents. Cet événement permet de mettre en lumière les évolutions scientifiques et techniques les plus récentes et leurs implications économiques.

Tous les acteurs économiques et scientifiques du pays sont associés à la préparation du rapport. L'événement permet de médiatiser l'utilisation des progrès de la science pour le bien-être de la population.

Il serait opportun que la France développe elle aussi un tel événement.

Il devrait être organisé conjointement par le comité d'application de l'académie des sciences (CADAS), embryon de l'académie des sciences de l'ingénieur qui reste à créer, l'ensemble de l'Institut et la communauté scientifique et les représentants du monde économique (CNPF, Chambres de commerce, syndicats). Le Président de la République, le Gouvernement, le Parlement et les conseils régionaux y seraient évidemment conviés, ainsi que les forces économiques, sociales et morales du pays.

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En guise de conclusion, votre rapporteur regrettera tout particulièrement l'obscurité qui persiste en matière de recherche dans le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication compte tenu de l'incertitude sur le financement des recherches en amont par rapport à celles du centre de recherche de France Télécom, l'ancien CNET.

Compte tenu de l'ensemble des remarques ci-dessus et en espérant que le Gouvernement, comme le ministre s'y est engagé verbalement, en tiendra compte, votre rapporteur soulignera la nécessité :

- d'introduire de la souplesse dans la gestion, ce qui implique de réserver les postes budgétaires créés, pour l'essentiel, à des postes d'accueil de chercheurs étrangers ou d'universitaires et à titre temporaire (moins de 5 ans) à des personnels du CNET ;

- de renforcer encore les mécanismes d'aide à la création d'entreprise par tous les moyens juridiques, fiscaux et les incitations personnalisées ;

- et de compléter le dispositif d'ancrage de la culture scientifique et technique sur l'ensemble du territoire notamment en développant des plateformes multimédia numérisées en réseau, véritables bibliothèques de France en réseau.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le rapport pour avis de M. Pierre Laffitte sur les crédits de la recherche inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998 au cours d'une séance tenue le mercredi 19 novembre 1997, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Ivan Renar , évoquant les mesures d'économie dont ont fait l'objet les très grands équipements, a regretté que le projet de laboratoire Soleil ait été arrêté. Il s'est inquiété des difficultés rencontrées par les thésards et les doctorants pour trouver des emplois. Approuvant les propos du rapporteur sur la nécessité de renforcer la diffusion de la culture scientifique et technique, il a évoqué les problèmes auxquels sont confrontés les centres de culture scientifique et technique implantés en province, notamment en raison de la multiplicité de leurs sources de financement.

M. André Maman , s'appuyant sur l'exemple des Etats Unis, a plaidé pour une participation accrue des entreprises au financement de la formation des chercheurs.

M. Albert Vecten , rappelant l'importance de disposer d'activités de recherche en province pour assurer le dynamisme de l'économie locale, a souligné les difficultés rencontrées par les collectivités territoriales pour attirer les chercheurs.

Le président Adrien Gouteyron a souhaité obtenir des précisions sur les obstacles juridiques à la création d'entreprise par les personnels de la recherche publique, et a noté que le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ne semblait pas souhaiter que les collectivités territoriales participent au financement de la recherche.

En réponse aux intervenants, M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis , a apporté les précisions suivantes :

- la recherche et la formation revêtent une importance primordiale ; les Français n'ont pas encore suffisamment pris conscience de ce phénomène et les médias ne contribuent que partiellement à la diffusion des progrès de la science ;

- les dépenses des collectivités locales en faveur de la recherche restent, à l'exception de celles des régions, encore mal appréciées par le ministère de la recherche, ce qui est peu admissible compte tenu de l'importance du montant de ce financement ;

- le ministre souhaite que les collectivités locales participent à des fonds destinés à favoriser la création d'entreprises, ce qui semble difficilement envisageable compte tenu de la complexité de telles opérations qui ressortissent à la compétence des institutions financières. Par ailleurs, les établissements publics de recherche ne sont pas en mesure de refuser les propositions de financement faites par les collectivités locales ;

- le financement de la recherche par l'industrie est traditionnellement faible en France. Les PME-PMI françaises ne connaissent pas en effet un développement comparable à celui des entreprises à croissance rapide américaines qui financent une part importante de la recherche ;

- des progrès ont été accomplis afin de mettre en place un dispositif de financement des entreprises innovantes s'appuyant sur des instruments diversifiés qui, pour certains, sont perfectibles. Des fonds d'aide à la création d'entreprises ont été mis en place dans certains établissements publics comme l'Institut national pour la recherche en automatique et en informatique (INRIA). Le dispositif des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) a été créé par la loi de finances pour 1997 . Son efficacité pourrait être améliorée ; en effet, le plafonnement à 150.000 francs par ménage de l'avantage fiscal qui y est attaché en limite le caractère incitatif et les délais imposés aux FCPI pour placer les sommes dont ils disposent dans des sociétés innovantes se relèvent trop courts. Enfin, les entreprises innovantes disposent d'un marché financier spécifique, le Nouveau Marché créé en France en 1996 à l'image du Nasdaq américain. Néanmoins, subsistent des obstacles liés notamment à l'insuffisante stabilité des investissements dans les entreprises innovantes des sociétés à capital risque ou des fonds de capital-risque ;

- il est nécessaire de développer chez les chercheurs publics l'esprit d'entreprise, ce qui exige un assouplissement des règles statutaires qui leur sont applicables : le rapporteur pour avis a indiqué qu'il déposerait une proposition de loi en ce sens ;

- les chercheurs ne s'implantent volontiers en région que s'ils trouvent un environnement universitaire et humain qui leur convient.

Approuvant ce propos, M. Albert Vecten a souligné qu'en dépit d'efforts financiers considérables accomplis en ce sens, les chercheurs n'étaient pas encore prêts à venir s'installer en province. Par ailleurs, il s'est inquiété de l'état d'esprit des jeunes chercheurs qui considèrent la création d'entreprise comme un choix trop risqué.

M. Jean-Pierre Camoin , confortant l'analyse de M. Albert Vecten, a remarqué que les laboratoires installés en province recrutaient plus aisément des chercheurs étrangers que des chercheurs français.

A l'issue de ce débat, la commission, suivant la proposition de son rapporteur pour avis, a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits pour 1998 de la recherche .



1 Groupe de suivi interministériel MEDEA, groupe de travail interministériel Composant, groupe de coordination interministériel sur les services de télévision avancés, comité de suivi du contrat d'aide pluriannuel à la R&D de SGS/Thomson, etc.

2 NM pour Nouveau Marché ou New Market ou Neuer Market.

3 Il s'agit de la loi d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique en France du 15 juillet 1982 qui précise que la recherche et le développement technologique vise non seulement " à l'accroissement des connaissances " mais également " à la valorisation des résultats de la recherche ".


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