N° 107

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 26 novembre 1997

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de résolution de MM. Maurice BLIN, Henri de RAINCOURT, Josselin de ROHAN, Jean FRANÇOIS-PONCET et Gérard LARCHER tendant à créer une commission d'enquête chargée d'examiner le devenir des grands projets d' infrastructures terrestres d'aménagement du territoire , dans une perspective de développement et d'insertion dans l'Union européenne,

Par M. Gérard LARCHER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet , président ; Philippe François, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Michel Barnier, Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Françis Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Benard Joly, Gérard Larcher, Edmond Lauret, Pierre Lefebvre, Jean-François Le Grand, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Baptiste Motroni, Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Roca Serra, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, M. Henri Weber.

Voir les numéros :

Sénat : 6 1 et 101 (1997-1998)

Aménagement du territoire.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La proposition de résolution qui vous est soumise tend à la création d'une commission d'enquête chargée d'examiner le devenir des grands projets d'infrastructures terrestres d'aménagement du territoire, dans une perspective de développement et d'insertion dans l'Union européenne.

Les auteurs de cette proposition lui assignent la mission d'étudier « les conditions dans lesquelles semblent aujourd'hui remis en cause certains choix concernant les infrastructures de communication, et les incidences qu'une telle remise en cause pourrait avoir sur l'aménagement et le développement de notre territoire, dans le cadre européen ».

La Commission des Lois, saisie pour avis, a estimé que cette proposition était conforme à l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 modifiée, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Il appartient à votre Commission des Affaires économiques, saisie au fond, de juger de l'opportunité de la création d'une telle commission d'enquête.

La loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a placé les infrastructures de transport au coeur des politiques tendant au développement économique, à l'équilibre des territoires et à l'insertion de notre pays dans le cadre européen.

L'article 17 de ladite loi a ainsi prévu la révision et la prolongation jusqu'en 2015 d'un certain nombre de schémas directeurs.

Le schéma directeur routier national devait définir les grands axes du réseau autoroutier et routier national dans un objectif de desserte équilibrée et de désenclavement de l'ensemble du territoire, quels que soient les trafics constatés.

Il convenait de prendre en compte la nécessité d'assurer les liaisons internationales et de développer des modes d'exploitation permettant une gestion optimale des trafics.

Le schéma du réseau ferroviaire devait réviser le schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse en définissant les liaisons ferrées de transport d'intérêt national, les liaisons de transport de type autoroute ferroviaire et les liaisons ferrées régionales, de telle sorte que soient assurées la continuité et la complémentarité des réseaux aussi bien pour les personnes que pour les marchandises.

Le schéma directeur des voies navigables devait, quant à lui, définir les axes destinés à relier entre eux les différents bassins économiques afin de favoriser le report du trafic de marchandises sur la voie d'eau. Il devait aussi prévoir la mise en réseau des voies fluviales à grand gabarit et assurer leur raccordement avec les grands centres portuaires français et européens dans le respect de la préservation des espaces et milieux naturels.

Plus précisément, l'article 36 de la loi du 4 février 1995 prévoyait le financement et l'achèvement de la mise à grand gabarit du canal Rhin-Rhône.

Dans une perspective de relance de l'aménagement du territoire, la loi précitée avait en particulier défini un grand objectif pour l'horizon 2015, échéance à laquelle « aucune partie du territoire français métropolitain continental ne devait être située à plus de 50 kilomètres ou de quarante-cinq minutes d'automobile soit d'une autoroute ou d'une route express à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse ».

Les auteurs de la proposition de résolution observent aujourd'hui que des décisions, prises de position ou déclarations ambiguës du Gouvernement formé le 4 juin 1997 ont jeté le trouble dans l'opinion en paraissant remettre en question des orientations jusqu'alors tenues pour acquises, qu'il s'agisse de la voie d'eau, de la route ou du fer.

S'agissant, tout d'abord des schémas directeurs révisés mentionnés plus haut, ils étaient subordonnés au nouveau schéma national d'aménagement et de développement du territoire (prévu pour cette année) annoncé par une loi -la loi du 4 juillet 1995- que le Gouvernement est en train -dit-il- de modifier sans annoncer de calendrier précis ni sur la nouvelle loi ni sur le schéma national.

Une des premières décisions prises par ce Gouvernement fut celle d'abandonner le projet de liaison fluviale Rhin-Rhône.

Cette décision pose plusieurs problèmes :

- un projet voté par le Parlement dans une loi peut-il être remis en cause par une simple décision ministérielle ?

- l'abandon du projet ne peut-il être considéré comme un manquement à la parole de l'Etat ?

- sur le fond, a-t-on réellement pris la mesure des conséquences d'une décision qui va laisser se développer un axe structurant de communications entre l'Europe du Nord et le bassin méditerranéen délaissant le corridor rhodanien au profit du Danube et de la Mer Noire ?

Dans le domaine routier, trois liaisons prévues par le schéma directeur routier de 1992 sont d'ores et déjà remises en cause : l'A58, l'A51 et le débouché en Seine-Saint-Denis de l'A16.

De nombreuses hypothèques pèsent sur la poursuite du programme autoroutier mis au point en 1992 et en 1994.

« Aucun chantier ne sera arrêté » a déclaré le ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement le 2 juillet dernier. Mais il s'est empressé d'ajouter qu'une seule contestation portant sur tel ou tel chantier suffirait pour que celui-ci fasse l'objet d'un réexamen.

Les projets qui ne sont pas officiellement remis en cause ont néanmoins été arrêtés à l'issue de procédures -les actuelles procédures de reconnaissance de l'utilité publique- que la ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement estime caduques, puisque, selon elle, elles ne « permettent pas de faire émerger l'intérêt public ».

En outre, des propos ministériels périodiques sur la nécessité de mettre fin au « tout autoroute » s'accompagnent d'une rumeur persistante selon laquelle le Gouvernement envisagerait une réforme de notre système routier qui, en faisant coiffer notre réseau routier classique et nos sociétés d'autoroutes -transformées en simples opérateurs- par un établissement public baptisé « Routes de France », chargé d'assurer la péréquation des financements, pourrait avoir pour conséquences l'assèchement des ressources du réseau autoroutier et la débudgétisation des routes.

Comme le soulignait récemment le Président Jean François-Poncet : « Le projet de faire financer l'entretien de la voirie routière nationale par les péages sonnerait le glas de tout notre système de financement des autoroutes ».

Dans le domaine des transports ferroviaires, au-delà de certaines déclarations faisant planer des doutes sur l'avenir de la réforme qui a assuré le désendettement de la SNCF avec la création de Réseau Ferré de France, les grands projets de construction de lignes à grande vitesse, qu'il s'agisse de l'achèvement du TGV-Méditerranée, du TGV-Atlantique ou du TGV-Rhin-Rhône, ne font l'objet jusqu'à présent d'aucun engagement chiffré ni de calendrier précis.

Certes, le ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement a annoncé le 26 septembre dernier que la ligne nouvelle TGV-Est « se ferait dans son intégralité ».

Mais ce dossier, dont l'échéancier de réalisation et les modalités de financement restent d'ailleurs incertains, a fait l'objet d'une appréciation le 9 juillet dernier de la part de la ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement, ainsi que le rappellent les auteurs de la proposition de résolution : le projet fut ainsi qualifié « d'exemple de faille démocratique, administrant la preuve de la nécessité d'améliorer la concertation en amont des décisions » .

En outre, on ne peut manquer de s'interroger sur le devenir des lignes ferroviaires à grande vitesse « en site propre », dès lors que le ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement fait fréquemment état de sa préférence pour le développement de « pendulaires » sur le réseau classique.

Tous ces abandons, positions ambiguës ou atermoiements interviennent à l'heure où l'Union européenne approfondit son intégration et prépare son élargissement.

Tout retard pris dans l'équipement de notre territoire en infrastructures modernes de communication met à mal la volonté d'équilibre des territoires voulu par le législateur de 1995 et peut laisser passer la chance de la France de tirer partie de la position centrale qu'elle occupe en Europe.

Ainsi que le soulignent les auteurs de la proposition de résolution, nos voisins européens, l'Allemagne, les pays du Bénélux, voire l'Espagne, semblent mieux maîtriser les processus de décision qui, sur le long terme, permettent de concilier les impératifs de l'environnement, le développement durable et l'intégration économique dans l'ensemble européen.

La commission d'enquête devra donc examiner les conditions dans lesquelles semblent aujourd'hui remis en cause certains choix concernant les infrastructures de communication, et les incidences qu'une telle remise en cause pourrait avoir sur l'aménagement et le développement de notre territoire, dans le cadre européen.

Dans cette perspective, suivant les conclusions de son rapporteur et compte tenu de l'avis émis par la Commission des Lois sur la conformité de la proposition de résolution n° 61 avec l'ordonnance de 1958 précitée, votre Commission des Affaires économiques vous propose la mise en place de cette commission d'enquête, conformément aux dispositions de l'article 6 de cette ordonnance et de l'article 11 du Règlement du Sénat.

En conséquence, elle propose au Sénat d'adopter la proposition ci-après.

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