Ratification du protocole au Traité de l'Atlantique Nord

DULAIT (André)

Rapport 430 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES

Table des matières






TRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes aujourd'hui invités à examiner trois projets de loi autorisant l'accession de la Pologne, de la Hongrie et de la République tchèque au traité de Washington du 4 avril 1949 instituant l'Alliance atlantique.

La base légale de ce processus d'élargissement est l'article 10 de ce traité, qui précise que " Les Parties peuvent, par un accord unanime, inviter à accéder au traité tout autre Etat européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent traité et de contribuer à la sécurité de la région de l'Atlantique Nord. Tout Etat ainsi invité peut devenir partie au traité en déposant son instrument d'accession auprès du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique (...)".

Cette disposition juridique s'inscrit dans le contexte politique général établi par l'Acte final d'Helsinki de 1975 reconnaissant aux Etats parties le droit d'appartenir ou non à " des organisations internationales, d'être partie ou non à des traités bilatéraux ou multilatéraux y compris le droit d'être partie ou non à des traités d'Alliance ".

L'Alliance atlantique a déjà eu, par trois fois, l'occasion de s'élargir à de nouveaux membres : à la Grèce et à la Turquie en 1952, en 1955 à la République Fédérale d'Allemagne et à l'Espagne en 1982.

Toutefois, l'élargissement qu'il nous est à présent proposé d'accepter revêt une dimension historique. Il est la spectaculaire traduction juridique, politique et militaire de l'ère nouvelle dans laquelle notre continent est entré au début des années 1990, après la chute de l'Union soviétique -l'ennemi d'hier- et l'émancipation des nations qu'elle avait dominé pendant 40 ans.

Dès le sommet de l'Alliance qui s'est tenu à Bruxelles en janvier 1994, les dirigeants des pays membres avaient donné une réponse de principe favorable à l'accession " d'autres Etats européens " en son sein. Ce n'est que plus de quatre ans plus tard, au sommet de Madrid du 8 juillet 1997 que ces mêmes responsables ont décidé d'inviter, parmi douze candidats, la Hongrie, la Pologne et la République tchèque à engager les pourparlers d'adhésion avec l'OTAN.

Ces négociations ont été l'occasion, pour les trois pays retenus dans cette "première vague" d'élargissement, de souscrire aux objectifs et aux valeurs de l'Alliance, de s'engager à accepter son acquis juridique et politique, de participer pleinement à ses activités politiques et militaires, de ne pas bloquer de futurs élargissements et de contribuer aux dépenses communes.

C'est à la réunion de Bruxelles des ministres des affaires étrangères de l'Alliance atlantique, le 16 décembre 1997, que furent alors signés les trois protocoles d'adhésion, en vue d'une entrée effective des trois pays au sein de l'Alliance avant le sommet de Washington d'avril 1999, à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'Alliance.

Votre Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, pour l'examen de ces trois projets de loi, a procédé à des auditions 1( * ) approfondies de représentants et d'experts du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Défense et du monde universitaire.

Lors de l'examen du présent rapport, au cours de sa réunion du mercredi 13 mai, votre Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a été le cadre d'un débat où se sont exprimées de vives réserves à l'encontre du processus que traduisent ces trois textes. Plusieurs commissaires se sont émus de voir l'Alliance atlantique évoluer et changer d'une façon aussi significative sans que le Parlement y ait été, préalablement, davantage associé. Des inquiétudes se sont fait jour sur le retour à un partenariat privilégié entre les Etats-Unis et la Russie pour la gestion de la sécurité européenne, au détriment du cadre spécifiquement européen que nous souhaitons promouvoir. Ne prend-on pas un risque politique majeur à engager un processus qui provoque une crispation aussi évidente en Russie, surtout lorsque l'actuel exécutif aura cédé la place à de nouveaux responsables ? N'engageons-nous pas enfin une démarche dont le véritable objectif serait de favoriser des intérêts politiques ou économiques américains ?

L'importance politique de l'enjeu et la prise en compte du nouveau contexte stratégique en Europe ont conduit votre Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées à adopter les trois présents projets de loi.

C'est néanmoins à ces légitimes interrogations que votre rapporteur se propose d'apporter des éléments de réponse en rappelant l'évolution récente de l'Alliance atlantique et les ambitions qu'elle se donne pour conforter la sécurité sur notre continent.

I. QUELLE ALLIANCE POUR L'APRÈS-GUERRE FROIDE ?

A. LES PRÉMICES DE L'ÉLARGISSEMENT DE L'OTAN

1. Le temps des élargissements pour une Europe réconciliée

La chute du mur de Berlin et la fin de l'URSS, marquant ensemble la fin de 45 ans de guerre froide, ont légitimement entraîné de la part des démocraties d'Europe occidentale une politique de "la main tendue", afin de permettre la réunification historique et politique du continent . La meilleure façon, et la plus légitime, de concrétiser la fin du partage de Yalta a été de mettre en oeuvre divers processus d'élargissement vers l'Est des institutions internationales d'Europe occidentale, quels que soient leurs objectifs et leur raison d'être, militaire, économique et politique.

Ainsi en a-t-il été pour l'Union européenne . Celle-ci a, tout d'abord, rapidement conclu avec chacun des pays d'Europe centrale et orientale des accords d'association d'un type nouveau, comportant des dispositifs de libéralisation commerciale et de dialogue politique s'inscrivant dans la perspective de l'élargissement de l'Union. Les négociations d'adhésion ont ensuite été officiellement engagées, en mars 1998, avec six des pays candidats.

De même, l'Union de l'Europe occidentale a-t-elle, à défaut d'élargissement symétrique à celui de l'Union européenne, accordé aux pays de l'ex-Pacte de Varsovie le statut particulier d'associés-partenaires qui leur permet, à l'instar des autres pays associés ou observateurs, de participer au Conseil de l'UEO, aux côtés des 10 membres de plein exercice. Enfin, dans une autre logique, plus particulièrement celle du parachèvement démocratique et des droits de l'homme, le Conseil de l'Europe a accueilli en son sein progressivement la quasi totalité des pays d'Europe centrale et orientale.

2. Concurrence ou complémentarité des élargissements ?

Les élargissements en cours de l'Union européenne d'une part et de l'OTAN d'autre part, s'ils procèdent d'une démarche identique d'ensemble tendant à effacer la fracture historique de Yalta, n'en relèvent pas moins d'objectifs différents et spécifiques. D'un côté on ouvre -assez vite-, une organisation politico-militaire de défense collective au sein de laquelle s'exerce une forte prépondérance des Etats-Unis, de l'autre on intègre, sur un délai plus long, des nouveaux Etats au sein d'une organisation politique, économique, commerciale, fondée sur des politiques et des normes communes, ou à tout le moins convergentes selon les domaines considérés. Schématiquement, on peut dire que l'une répond à un souci de sécurité, l'autre à une demande de prospérité.

Pour les pays candidats, cette concomitance peut être synonyme de concurrence : les efforts économiques et financiers demandés par l'Union européenne aux six pays avec lesquels se sont engagées les négociations d'adhésion seront par exemple difficilement compatibles avec l'effort budgétaire significatif que l'OTAN attend de la Pologne, de la Hongrie et de la République tchèque, pour mettre à niveau leurs forces et leurs infrastructures militaires.

Bien souvent ces pays devront donc opérer des choix de priorités budgétaires, faute de quoi la poursuite harmonieuse de cette double ambition pourrait s'avérer délicate.

Sur le plan politique, il peut s'agir d'une complémentarité positive , singulièrement pour les pays candidats qui, ne figurant pas parmi les trois premiers pays invités à rejoindre l'OTAN, ont au moins été retenus par le Conseil européen à participer, dès maintenant, aux négociations d'adhésion à l'Union européenne : à savoir l'Estonie et la Slovénie 2( * ) . Cette complémentarité peut en revanche apparaître négative aux pays candidats aux deux élargissements mais retenus, pour l'heure, ni dans l'un ni dans l'autre des processus engagés depuis le début de l'année 1998, en particulier la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie, la Lituanie et la Lettonie, alors que c'est cette perspective même d'adhésion qui a stimulé les efforts de toute nature consentis depuis des années par les populations et les gouvernements de ces pays.

C'est pour éviter ce sentiment d'une "double exclusion" que certains, notamment aux Etats-Unis, ont plaidé pour que l'Union s'ouvre rapidement à certains exclus de la première vague d'élargissement de l'OTAN, pour lesquels l'entrée au sein de la Communauté pouvait dès lors apparaître comme une solution d'attente et un "lot de consolation" à leur mise à l'écart -temporaire- de l'élargissement de l'Alliance. De fait, si l'appartenance à l'Union peut répondre, en partie, et à terme, à un besoin de sécurité -à travers l'UEO- et offrir une garantie de stabilité économique et politique, les enjeux et les contraintes respectives sont de nature fort différente selon que l'on prépare l'entrée dans l'une ou l'autre des deux organisations.

3. L'élargissement de l'OTAN : des spécificités

Dans ce contexte d'ouverture politique et d'extension géographique à l'Est des instances de l'Europe occidentale, l'élargissement de l'OTAN, pour légitime qu'il soit, revêt cependant quelques spécificités.

En effet, l'OTAN a été avant tout conçue et mise en oeuvre en tant qu'outil politique et surtout militaire de défense collective, en application de l'article 5 du traité de Washington du 4 avril 1949 créant l'Alliance Atlantique. Il s'est agi, pendant 45 ans, de se prémunir contre toute agression territoriale vers les Etats membres, en provenance de l'Union soviétique et/ou de ses Etats satellites qui s'étaient regroupés d'ailleurs, en 1952, en une organisation comparable, au sein du Pacte de Varsovie.

La fin de l'Union soviétique et la dissolution du Pacte de Varsovie pouvaient donc laisser entrevoir celle de l'OTAN, celle-ci ayant en quelque sorte perdu sa raison d'être. C'était compter sans les nombreux ressorts de l'Organisation qui, bien loin de se considérer comme une survivance anachronique, a démontré, depuis huit ans, une vitalité certaine et une étonnante capacité d'adaptation. Ainsi peut-on relever trois éléments principaux qui, selon votre rapporteur, ont abouti à un renouveau de l'OTAN plutôt qu'à sa disparition.

En premier lieu, l'OTAN constitue pour les Etats-Unis la seule instance où ils peuvent entretenir une influence particulière sur l'évolution du continent européen, considéré comme la première ligne de défense de leurs intérêts vitaux. Il était peu probable que les Etats-Unis renoncent à un instrument au sein duquel leur prééminence générale n'est que rarement contestée.

En second lieu, pour 13 des 14 membres européens de l'Alliance 3( * ) , l'OTAN constitue le cadre privilégié de leur défense, une part importante de leurs forces étant affectée à l'Organisation atlantique. Ceci explique non seulement leur réticence durable à l'égard de l'émergence d'une organisation européenne de défense qui soit distincte de l'OTAN, mais aussi leur attachement indéfectible à celle-ci.

En troisième lieu et enfin, pour les pays d'Europe centrale et orientale eux-mêmes, l'accession à l'OTAN constitue le symbole suprême de leur émancipation et la garantie irrévocable de leur nouveau statut de démocraties parlementaires en même temps que celle de leur sécurité. Dans l'ordre de priorité vers de nouvelles appartenances, l'Union européenne pour l'économie de marché, le Conseil de l'Europe pour leur brevet de démocratisation, c'est l'OTAN qui, pour leur sécurité, occupe assurément le premier rang. Le président tchèque, Vaclav Havel, déclarait ainsi : " Sur le plan de la sécurité, il est pour nous plus urgent d'adhérer à l'OTAN qu'à l'Union européenne. Personne ne sait comment la situation en Russie va évoluer et si nous n'allons pas connaître des surprises désagréables de ce côté. Il est vraiment temps de négocier notre adhésion à l'OTAN, elle seule offre une garantie de sécurité. L'intégration dans l'Union européenne demeure un processus à long terme" 4( * ) . Pour ces pays, l'organisation de sécurité qu'est l'OTAN et l'existence de ce lien privilégié impliquant les Etats-Unis dans leur avenir, font de l'appartenance à l'OTAN la marque indélébile de leur nouveau statut.

L'élargissement de l'OTAN ne survient pas brutalement, il est l'aboutissement d'un processus progressif, engagé dès le lendemain des bouleversements européens.

. Le Conseil de Coopération Nord Atlantique (CCNA)

Le CCNA, qui a rassemblé jusqu'à 45 Etats (y compris 4 observateurs) a été créé par le sommet de l'OTAN de Rome en novembre 1991, afin d'instaurer un dispositif de consultations régulières entre l'OTAN et les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale et de la zone eurasiatique. Symbole de l'approche "coopérative" de la sécurité, il a, le premier, incarné la volonté de l'Alliance atlantique de poursuivre ses objectifs sécuritaires sur des bases plus politiques que militaires. Durant six années, le CCNA a permis d'établir une consultation sur les questions politiques et de sécurité, dont le contenu d'ailleurs a largement évolué avec le temps : des conditions du retrait des troupes de l'ex-Union soviétique des Etats baltes et du conflit du Haut Karabakh, par exemple au renforcement des relations de bon voisinage ou au maintien de la paix.

Le CCNA a permis également d'avancer sur des dossiers concrets : la mise en oeuvre de dispositions sur la vérification du traité sur les forces conventionnelles en Europe, la conversion des industries de défense, etc...

. Le Partenariat pour la Paix (PPP)

Créé dans le cadre du CCNA, lors du sommet de l'OTAN de Bruxelles en janvier 1994, le Partenariat pour la Paix a constitué une étape complémentaire au CCNA destinée à réaliser une coopération plus ciblée. Il se traduit par un contrat de partenariat , conclu entre chacun des pays partenaires d'une part et l'OTAN d'autre part, qui permet de répondre au voeu du pays partenaire : chaque programme de partenariat individuel peut être adapté et spécifique, en quelque sorte "sur mesure". La Pologne a ainsi placé l'intéropérabilité de ses forces au premier rang de ses priorités -défense aérienne et communications notamment-, la Géorgie pour sa part a sollicité de l'OTAN une aide pour rien moins que la constitution de ses propres forces armées.

Dans ce cadre, vingt-trois Etats de l'ex-Pacte de Varsovie et de la CEI, dont la Russie, ont passé un accord de partenariat avec l'OTAN, auxquels s'ajoutent d'ailleurs la Finlande, la Suède, l'Autriche et... la Suisse.

Le Partenariat pour la Paix a cet avantage de répondre à trois profils de nations dans leurs relations présentes ou prévisibles avec l'Organisation atlantique :

- les nations qui doivent intégrer l'OTAN rapidement, en clair les trois pays faisant l'objet des trois présents protocoles : la Pologne, la Hongrie et la République tchèque,

- celles qui souhaitent adhérer, mais qui devront attendre -pour une période encore indéterminée- une deuxième vague d'adhésion,

- celles enfin qui n'entendent pas intégrer l'Organisation mais souhaitent bénéficier d'un savoir-faire et tenir leur place dans l'organisation de la sécurité européenne.

Les activités du Partenariat pour la Paix recouvrent aussi bien les exercices destinés à développer l'intéropérabilité, dans la perspective notamment d'une participation des pays partenaires à des opérations de maintien de la paix, que la mise en place d'un contrôle démocratique des forces armées ou encore l'acquisition de matériels de défense, la coordination du trafic aérien, les plans civils d'urgence...

. Le Conseil de Partenariat euro-atlantique

Indéniablement, le Partenariat pour la Paix a constitué une réussite technique qui a conduit le Conseil atlantique, en mai 1997 à Sintra (Portugal) à lui conférer un volet politique nouveau, le Conseil de Partenariat euro-atlantique (CPEA). Celui-ci, conçu comme un lieu de dialogue et de concertation -mais non de décision- regroupe à ce jour 44 Etats, dont la Russie , soit 28 "partenaires" aux côtés des actuels 16 membres de plein exercice.

Parallèlement, il a été également décidé à Sintra d'élargir le partenariat à l'ensemble des missions militaires. A cette fin, des cellules d'état-major du Partenariat seront créées et installées dans les états-majors les plus importants de l'OTAN. Dirigées par un officier allié, ces cellules, auxquelles participeront d'ailleurs des officiers français, seront composées, à hauteur de 60 %, d'officiers des pays partenaires.

Ce nouveau "tandem" Partenariat amélioré-CPEA, à base de coopération technique plus étroite pour les questions militaires et d'une concertation politique plus dense, pourrait constituer un outil diplomatique et sécuritaire privilégié, parallèlement à un processus d'élargissement dont on ne peut aujourd'hui préjuger le rythme et l'ampleur à venir.

B. L'OTAN DE 1998 EST PROFONDÉMENT RÉNOVÉE

Les développements que vient de décrire votre rapporteur concernant le vaste mouvement de coopération et de dialogue lancé entre l'OTAN et ses partenaires de l'Est européen, symbolisent la tentative de transformation progressive de l'OTAN d'une organisation essentiellement militaire en un outil de prévention plus politique . De fait l'OTAN d'aujourd'hui est éloignée du modèle qu'elle représentait au début des années 1980. C'est l'une des conséquences de "l'aggiornamento" atlantique initié dès 1990 au sommet de Londres et formalisé, un an plus tard à Rome, en novembre 1991, à travers "le nouveau concept stratégique" déjà appelé lui-même à être prochainement révisé.

1. L'OTAN à la recherche d'un nouveau concept stratégique

Immédiatement après les bouleversements européens, l'Alliance a adapté ses missions et ses ambitions au nouveau contexte. Tel a été l'origine du nouveau concept stratégique, formalisé en 1991 , qui constatait que désormais "les risques pour l'Alliance tiennent (...) moins à l'éventualité d'une agression calculée contre le territoire des alliés qu'aux conséquences (...) d'instabilité qui pourraient découler des graves difficultés économiques, sociales et politiques, y compris les rivalités ethniques et les litiges territoriaux que connaissent de nombreux pays d'Europe centrale et orientale". Les ministres de l'OTAN en concluaient que ces tensions pouvaient "aboutir à des crises mettant en cause la stabilité en Europe, et même conduire à des conflits armés susceptibles d'entraîner l'implication de puissances extérieures ou de se répercuter sur des pays alliés, ayant ainsi un effet direct sur la sécurité de l'Alliance".

L'Alliance a donc, au cours des années qui ont suivi, adapté sa façon de penser et d'agir à cette nouvelle donne. La planification des forces a cessé d'être concentrée sur cette menace et la "défense de l'avant", a fait place à une "présence en avant" substantiellement réduite. Logiquement, le délai antérieur d'intervention des forces -deux jours pour la quasi-totalité des forces terrestres, 70 % pour l'aviation de combat et 75 % pour les principaux navires de guerre-, est passé désormais à trente jours pour près de la moitié des forces de l'OTAN. De même depuis 1990, l'OTAN a très substantiellement réduit ses effectifs : de 24 % pour le personnel militaire, 35 % pour les forces terrestres, 32 % pour les unités navales et 41 % pour les avions de combat. Parallèlement, les pays de l'OTAN ont réduit de quelque 22 % leurs dépenses de défense. Quant aux armes nucléaires basées à terre -sur aéronefs à double capacité- elles ne représentent plus que 20 % des stocks détenus en 1990. En Allemagne, les deux tiers des forces positionnées ont été rappelées et le nombre d'avions de combat y a été réduit de 70 %. Enfin les forces américaines stationnées en Europe sont passées de 300 000 à 100 000 hommes 5( * ) .

Progressivement, l'OTAN a commencé à réviser sa priorité accordée à la notion de "défense territoriale" visée à son article 5, pour prendre en compte une conception plus large de la défense reposant sur une coopération politique, appréhendant tous les thèmes qui, de près ou de loin, risqueraient d'affecter la sécurité. C'est l'un des enjeux de la négociation en cours destinée à donner à l'Alliance un "nouveau concept stratégique" pour le siècle à venir. La place respective accordée à la défense collective et aux "nouvelles missions non-article 5 ", les rapports avec l'ONU, la conception globale ou territoriale de la sécurité des membres de l'Alliance seront les éléments essentiels que les négociateurs auront à préciser.

2. Une structure militaire aménagée et allégée

La structure militaire de l'OTAN, conçue sur la base d'un environnement stratégique largement modifié, se devait également de s'adapter. Cela a fait l'objet d'analyses et de travaux durant quatre années, qui ont abouti aux décisions arrêtées par les ministres de la défense de l'Alliance le 2 décembre 1997.

Il en ressort en premier lieu un allégement de la structure traditionnelle puisque de 65, le nombre de quartiers généraux sera réduit à 20. Plus précisément, la nouvelle structure de commandement de l'OTAN entend répondre à trois contraintes : maintenir l'efficacité militaire, préserver le lien transatlantique, développer, au sein de l'Alliance, l'identité européenne de sécurité et de défense.

La nouvelle organisation maintient deux commandements stratégiques (CS) : le CS Atlantique, situé à Norfolk (EU) et le CS Europe à Mons (Belgique), tous deux placés sous responsabilité américaine.

Du CS Atlantique dépendent trois commandements régionaux (CR) -le CR Ouest (Norfolk - USA), le CR Est (Northwood - RU) et le CR Sud-Est (Lisbonne - Portugal)- ainsi que deux quartiers généraux de forces maritimes : celui de la flotte d'intervention de l'Atlantique (Strikfltlant) et celui des forces sous-marines alliées de l'Atlantique (Subaclant).

Du CS Europe dépendent deux commandements régionaux subordonnés (au lieu de 3 précédemment), le CR Nord (Brunssum - Pays-Bas) et le CR Sud (Naples - Italie), ce dernier demeurant dirigé par un amiral américain, et qui a fait, comme chacun sait, l'objet d'une négociation difficile entre les Etats-Unis d'une part, la France et certains alliés européens d'autre part. Cinq commandements subordonnés relèvent du commandement de la région Nord, six relèvent du commandement régional Sud.

Plus souple et plus transparente, cette nouvelle structure devrait être également en mesure d'intégrer l'innovation que constituent les GFIM (groupes de forces interarmées multinationales), destinés à permettre la conduite d'opérations, par les européens, avec des moyens de l'OTAN. De fait, deux QG de GFIM devraient être en mesure, au regard de la nouvelle structure, d'entreprendre des opérations à grande échelle, complétés par des QG de GFIM terrestres ou maritimes plus réduits (de niveau brigade ou division).

Enfin le nouvel aménagement sera suffisamment souple pour accueillir les trois futurs nouveaux membres et permettre une participation appropriée des futurs partenaires. Ainsi l'adhésion de le Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque n'impliquera pas la mise en place d'états-majors supplémentaires de l'OTAN.

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX DE L'ÉLARGISSEMENT

A. EFFACER LES LIGNES DE FRACTURE DE LA GUERRE FROIDE

Il est difficile d'imaginer symbole plus fort de la fin de la guerre froide que l'intégration au sein de l'OTAN de trois des pays qui représentèrent, pendant près de cinquante ans, l'ennemi ou la menace désignée. Comme votre rapporteur l'a déjà évoqué, la demande d'élargissement adressée tant à l'OTAN qu'à l'Union européenne a pour principal ressort cette volonté des gouvernements et des peuples d'Europe centrale et orientale d'effacer cette division de l'Europe, qui les a isolés de la partie d'un continent à laquelle tout les rattache. L'adhésion à l'OTAN -comme à l'Union européenne, vient donc clore une pénible parenthèse et couronner enfin les efforts de toute nature -économique, politique- consentis par ces pays depuis huit ans pour parachever leur marche vers l'économie de marché et la démocratie politique. Enfin, un élargissement qui aurait négligé la situation particulière de l'Ukraine et de la Russie aurait été, dès le départ largement fragilisé. C'est pourquoi l'OTAN a conclu en 1997 une charte spécifique avec l'Ukraine et surtout avec la Russie 6( * ) .

1. Un premier élargissement limité

Cela étant, l'élargissement de l'OTAN, sur ce plan, peut avoir son revers. Au sommet de Madrid, les dirigeants des 16 pays membres n'ont proposé l'adhésion qu'à trois des 12 pays candidats 7( * ) , ceux qu'ils estimaient les plus aptes à répondre aux critères posés : la Pologne, la Hongrie, la République tchèque. Ce faisant, le risque a été pris de donner aux autres pays un signal négatif selon lequel ils risqueraient fort de demeurer longtemps encore à l'écart de l'Alliance, en dépit des efforts consentis. Il a pu faire retomber l'espoir, qu'à tort ou à raison, les gouvernements de ces pays non retenus dans la première vague, nourrissaient devant les perspectives d'intégrer l'OTAN. On a ainsi légitimement pu mettre en garde contre le risque d'apparition d'une nouvelle fracture en Europe, l'ancienne étant simplement repoussée un peu plus à l'est et contre les éventuelles incidences politiques internes négatives (regain des nationalismes, relâchement des efforts économiques...) qu'elle pouvait avoir dans chacun des autres pays candidats.

Ce sentiment est d'ailleurs d'autant plus compréhensible que les trois pays invités ne sont pas l'objet de menaces réalistes ou de risques d'instabilité, au contraire de certains autres, en particulier des Etats baltes ou de certains pays de l'Europe méridionale.

Cela étant, tout processus d'élargissement obéit à une logique de critères, de progressivité et donc de sélection. Pas plus que l'élargissement de l'Union européenne, celui de l'OTAN ne saurait s'opérer indistinctement et immédiatement à l'égard de tous les pays candidats, sachant qu'il convenait également de veiller à ce que l'élargissement n'aboutisse pas à "importer" en son sein des litiges entre nouveaux membres.

En réalité, le futur périmètre de l'OTAN à l'issue d'éventuels élargissements ultérieurs déterminera la nature même de l'Organisation atlantique. Certains craignent en effet qu'un élargissement non contrôlé contribue à une dilution de l'Alliance et à sa transformation d'une organisation militaire de défense collective à un forum de sécurité collective plus proche de l'OSCE que de ce qu'est aujourd'hui l'organisation euratlantique.

Pour atténuer ce sentiment d'une nouvelle fracture entre les nouveaux membres et les "exclus" de la première vague, l'Alliance entend s'appuyer sur ce que l'on pourrait appeler son "deuxième cercle", et que votre rapporteur a déjà évoqué, constitué des relations tissées grâce au partenariat pour la paix couplé au forum de consultation du CPEA. Pas tout à fait "dedans", les autres postulants ne sont ainsi plus tout à fait au dehors, et ce réseau de coopération et de consultation constante constitue la traduction de la politique dite "de la porte ouverte" que l'OTAN entend conduire au-delà des trois prochains élargissements.

2. Les incertitudes concernant l'Europe du Sud-Est

S'il ne faut pas perdre de vue la déception causée dans certains pays par le choix de seulement trois pays pour la première vague d'élargissement, il convient également de prendre en compte le problème spécifique que représente l'Europe du Sud-Est, qui ne sera pas représentée à l'OTAN par de nouveaux membres après cette première vague. C'est d'ailleurs pour tenter d'éviter cette coupure Nord-Sud que la France, avec plusieurs de ses partenaires européens, a plaidé à Madrid pour que la Roumanie et la Slovénie soient invités à la première vague d'adhésion, au côté des trois Etats d'Europe centrale. L'Europe du Sud-Est a en effet été le théâtre de la première véritable crise militaire sur notre continent. Par delà la mise en oeuvre de l'accord de Dayton pour la Bosnie-Herzégovine, l'environnement sécuritaire actuel de cette partie de l'Europe, avec la situation au Kosovo ou en Albanie, demeure plus qu'instable.

La communauté internationale a pris conscience de cette difficulté et les initiatives sont nombreuses qui se proposent d'instaurer pour cette zone des mécanismes régionaux de prévention et de coopération .

Ainsi l'Union européenne a-t-elle pris l'initiative du "processus de Royaumont", rassemblant la plupart des Etats de la région 8( * ) aux côtés des Quinze, de la Russie, du Conseil de l'Europe et de l'OSCE. Destiné à promouvoir, éventuellement par la conclusion d'un traité, la stabilité, la confiance et le bon voisinage dans l'Europe du Sud-Est, ce projet est concurrencé par la Southeast Cooperation Initiative (SECI), initiative américaine décidée à Genève en 1996 et destinée à encourager la coopération régionale sur des questions pratiques telles que le passage des frontières, l'aménagement des infrastructures, la promotion des échanges, l'énergie...

Nombreux sont également les projets régionaux : initiative centre-européenne, conférences balkaniques lancées par la Bulgarie, négociations sur les mesures de stabilisation régionale et de maîtrise des armements dans le Sud-Est de l'Europe, prévues par les accords de Dayton/Paris, sans oublier le partenariat pour la paix et le CPEA auxquels participent les Etats de la zone. Une telle floraison quelque peu désordonnée d'initiatives témoigne de la sollicitude d'une communauté internationale légitimement préoccupée par une région dont les principaux pays, comme la Bulgarie et la Roumanie, ne participent à aucun des processus d'élargissement actuellement en cours des organisations européennes et euro-atlantiques et qui est le théâtre de conflits latents. On peut toutefois regretter que ce souci de ne pas concrétiser une nouvelle fracture Nord-Sud en Europe ne donne pas lieu à un projet plus cohérent, plus clair et plus lisible rassemblant et catalysant cet évident besoin de dialogue régional et d'actions préventives.

B. DE LA DÉFENSE TERRITORIALE A LA SÉCURITÉ COLLECTIVE, QUELLE OFFRE DE SECURITE PAR L'OTAN ?

1. Les nouvelles missions de l'Alliance

Comme nous l'avons déjà indiqué, l'OTAN a été conçue pour assister militairement tout pays membre qui serait victime d'une agression ; c'est, au demeurant, le principe même de toute instance de défense collective, fondé en l'occurrence sur la notion d'indivisibilité de la sécurité du continent ouest européen. Ce principe, que formalise l'article 5 du traité de Washington, tout en restant au coeur du dispositif et du nouveau concept stratégique élaboré en 1991, devrait, de fait, se trouver complété par les "nouvelles missions" dites de "non article 5" de l'Alliance, adaptées aux "nouveaux risques", pesant non seulement sur la sécurité euro-atlantique -critère géographique de la "zone OTAN", mais sur les intérêts des membres, entendus largement.

Concrètement, c'est vers l'exécution de ses "nouvelles missions" de gestion des crises et de maintien et rétablissement de la paix que s'oriente l'OTAN. La création d'unités multinationales, l'accent mis sur la mobilité des forces, en témoignent. C'est d'ailleurs dans ce cadre que l'OTAN a réalisé en Europe sa première opération militaire, sur le théâtre de l'ex-Yougoslavie, par des frappes aériennes tout d'abord, puis par le déploiement de l'IFOR-SFOR après la conclusion, en décembre 1995, des accords de Dayton-Paris. Cette opération à elle seule incarne le type de missions que l'Alliance s'assigne pour l'avenir, d'autant qu'elle est également l'occasion d'y associer des forces des pays du partenariat pour la paix, voire d'utiliser, comme base, certaines de leurs infrastructures sur leur territoire même (comme en Hongrie).

L'un des risques de l'élargissement eût été, en accueillant les nouveaux membres d'Europe centrale et orientale, "d'importer" leurs litiges territoriaux ou leurs conflits de voisinage. C'est pourquoi l'une des conditions essentielle à l'adhésion des pays candidats a été le règlement préalable des différends qui pouvaient les opposer à leurs voisins . Ainsi la Hongrie est-elle parvenue à régler ses litiges de frontières et de minorités avec la Slovaquie et la Roumanie. La Pologne est parvenue également à régler des différends anciens avec l'Ukraine et la Lituanie, étant d'ailleurs allée jusqu'à créer, avec ces deux pays, des unités communes de maintien de la paix. De même en est-il de la Roumanie avec l'Ukraine.

C'est donc avec précaution que, par ce premier élargissement à trois Etats considérés comme durablement stabilisés, l'Alliance se propose d'apporter la garantie du traité de Washington où l'article 5 demeure formellement inchangé et continue d'être la base essentielle de la solidarité alliée. L'OTAN entend cependant dépasser cette seule hypothèse puisqu'au demeurant, la réunion des conditions d'une agression territoriale caractérisée s'avère heureusement plus improbable.

2. Une organisation sécuritaire ambitieuse

L'OTAN a donc de vastes ambitions : "les nouvelles missions" qu'elle se donne l'affranchissent de facto des limites géographiques traditionnelles, en fait celles de ses Etats-membres ; sa conviction d'incarner les valeurs de liberté, de démocratie et d'économie de marché font d'elle une référence politique et son concept de sécurité globale la légitime sur tous les fronts de la sécurité. Les reliquats d'incertitude concernant l'avenir de pays comme l'Ukraine ou le Belarus, les républiques caucasiennes mais également l'instabilité en Méditerranée, dans l'Europe du Sud et au proche-orient, la prolifération d'armes de destruction massive, la sûreté des voies d'approvisionnement énergétiques, le terrorisme, les mouvements migratoires... tous ces risques pourraient, selon certains, relever de sa "juridiction". La concurrence avec l'ONU pourrait revêtir un caractère aigu et conduire l'OTAN à s'estimer libre d'initier une opération -ce à quoi la France s'oppose- sans parrainage du Conseil de Sécurité. Certains analystes américains, tout en reconnaissant la compétence de l'ONU pour prévenir certains de ces risques planétaires entendent bien voir l'OTAN y tenir une place centrale. " Il se peut que certains alliés ne souhaitent pas s'en remettre dans tous les cas aux structures de l'ONU. De temps à autre, l'OTAN, dont on connaît la capacité d'organiser avec succès consultations et actions coordonnées pourrait avoir une importance essentielle dans certaines circonstances. Quoi qu'il en soit, l'OTAN offre un cadre fiable de coalitions qui sera vraisemblablement, au siècle prochain, l'un des principaux points d'ancrage de la stabilité internationale" 9( * ) .

Cette conception "maximaliste" du futur rôle de l'OTAN s'appuiera sur un système de consultation politique renforcé par cette conception globale et élargie de la notion de "sécurité" et valoriser, comme élément essentiel du traité, son article 4 aux termes duquel " Les parties se consulteront chaque fois que de l'avis de l'une d'elles, l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou la sécurité de l'une des parties sera menacée ". C'est cette fonction de forum de coopération et de consultation politiques qui est supposée prendre de l'importance à l'avenir. " Les consultations au sein du Conseil de l'Atlantique Nord et de ses nombreux organes subordonnés, la coordination pratique instaurée dans les travaux du Comité militaire, la collaboration quotidienne à l'intérieur de la structure de commandement intégrée, et désormais la coopération et la consultation entre Etats membres et Etats partenaires y compris la Russie et l'Ukraine, sont des atouts uniques et essentiels pour la réalisation des missions de l'OTAN " 10( * ) .

C. QUELLES RELATIONS AVEC LA RUSSIE ?

1. L'hostilité russe et le dialogue nécessaire

L'opposition de la Russie à l'élargissement de l'OTAN demeure constante. Les déclarations faites à cet égard par les diverses personnalités politiques et militaires russes, ne se comptent plus. Récemment encore, le Maréchal Igor Sergueiev, ministre de la Défense de la Fédération de Russie, rappelait que " la Russie ne peut demeurer passive devant l'élargissement de l'OTAN à l'Est. Notre opposition à ces plans est bien connue. Leur réalisation, sous leur forme actuelle, pourrait être un facteur de déstabilisation des relations internationales contemporaines ".

Pour désamorcer cette hostilité frontale, l'OTAN a conclu, le 27 mai 1997, avec la Russie, l'Acte fondateur sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles (cf annexe ci-jointe), créant notamment, à travers le Conseil conjoint permanent, un mécanisme de consultations régulières et de coopération. Cet accord complète les liens de partenariat établis précédemment entre la Russie et l'OTAN à travers le PPP et le CPEA. Conclue symétriquement avec l'Ukraine le 8 juillet 1997, la "Charte sur un partenariat spécifique entre l'OTAN et l'Ukraine" entend instituer un cadre de dialogue entre l'OTAN et un pays qui, certes non candidat à l'OTAN, n'a pas manifesté, à l'égard de son élargissement, la même hostilité que la Russie.

L'accord OTAN-Russie repose sur la reconnaissance du rôle majeur que tient la Fédération de Russie dans la sécurité européenne et du danger qu'il y aurait à isoler ce grand pays des débats sur le sujet en lui donnant le sentiment d'élargir l'OTAN contre elle, alors même que la Fédération est aujourd'hui confrontée à une instabilité politique et économique chronique liée à sa transition chaotique vers la démocratie et l'économie de marché.

L'Acte fondateur, en ce qu'il permet une consultation permanente et un dialogue entre les deux parties, constitue donc une réponse adaptée qu'il convient de valoriser au mieux. L'exercice n'est pour autant pas exempt d'ambiguïtés. Certains de nos alliés critiquent le dispositif au motif qu'il reviendrait à donner à la Russie un veto "de fait" à certaines orientations de l'Alliance bien que l'Acte fondateur n'ait pas la caractéristique d'un traité juridiquement contraignant. Ils souhaitent donc limiter le rôle du Conseil permanent conjoint (CPC) à celui d'une "chambre d'enregistrement" de décisions préalablement agréées au sein du Conseil Atlantique. S'il convient en effet de ne pas mettre la Russie en position d'empêcher l'OTAN de décider et d'agir, l'esprit de l'Acte fondateur est bien néanmoins de donner à la Russie voix au chapitre dans la gestion des affaires de la sécurité européenne .

Symétriquement, on fait observer que la Russie pourrait utiliser le CPC comme un moyen de contrôler l'évolution de l'OTAN et son élargissement futur, et de s'opposer à toute nouvelle vague d'élargissement, après celle qui nous concerne aujourd'hui.

Mais par-delà ces arrière-pensées, le CPC est bien un lieu de dialogue nécessaire entre l'OTAN et la Russie sur des questions sensibles de sécurité que seront par exemple les futures opérations de maintien de la paix, ou l'évolution des stratégies et des doctrines militaires. la coopération en Bosnie-Herzégovine, où la Russie doit continuer d'être impliquée à travers la présence de ses unités dans la force post-SFOR, voire enfin les questions nucléaires, notamment la réduction des armes tactiques, la sûreté des armes nucléaires et leur déciblage.

2. Le contenu de l'Acte fondateur

L'Acte fondateur va au-delà de la structure de coopération qu'il met en place. Il comporte plusieurs dispositions qui précisent les limites que l'OTAN a elle-même posées à son élargissement à venir, dans son souci de ménager les réactions russes.

En premier lieu, l'OTAN y déclare, unilatéralement, n'avoir " aucune intention, aucun projet et aucune raison de déployer les armes nucléaires sur le territoire de nouveaux membres ".

En second lieu, s'agissant des forces classiques, l'OTAN affirme ne pas viser une politique de stationnement permanent de forces importantes sur les territoires des nouveaux membres, estimant " préférer l'interopérabilité, l'intégration et la capacité de renforcement nécessaires " à un " stationnement permanent supplémentaire de forces de combat ". La possibilité est donc cependant reconnue d'un stationnement temporaire -pour le déroulement d'exercices par exemple- ou pour le " renforcement, en cas de besoin, pour assurer la défense contre une menace d'agression et pour les missions de soutien de la paix, en conformité avec la charte de l'ONU et les principes directeurs de l'OSCE ".

L'Acte fondateur fait ainsi référence à l'adaptation de certaines dispositions du traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE). Conclu en 1990 entre les deux "blocs" -l'OTAN et le Pacte de Varsovie- il a eu pour objet de définir des plafonds et de réduire fortement, dans la zone d'appplication (Atlantique à Oural) les équipements militaires 11( * ) installés en Centre-Europe. Entre son entrée en vigueur en 1992 et la première "conférence d'examen" du traité en 1996, ce sont quelque 58 000 pièces d'armement qui ont ainsi été éliminées.

Une nouvelle configuration du Traité se dessine donc. Sa structure "bloc à bloc" sera remplacée par un réseau de plafonds nationaux et territoriaux ;

- les plafonds nationaux ont déjà fait l'objet, de la part des membres de l'Alliance, de propositions de réductions, compte tenu de l'écart séparant, dans de nombreux pays, le plafond théorique autorisé du nombre réel, souvent inférieur, d'équipements en dotation.

- les plafonds territoriaux , qui remplaceront les limites par zones du traité originel incluront non seulement les équipements nationaux mais aussi ceux d'éventuelles troupes stationnées. En effet, si l'acte fondateur a été l'occasion pour l'Alliance d'affirmer son intention de ne pas procéder à des stationnements permanents de forces en nombre important , elle a préservé la possibilité de stationnements permanents modérés sur les territoires des nouveaux membres.

Des autorisations de dépassement de ces plafonds territoriaux seront prévues pour faciliter soit des exercices, soit des mouvements militaires liés au déroulement d'opérations de maintien de la paix effectuées sur mandat de l'ONU ou de l'OSCE.

Deux points font l'objet de négociations délicates :

- Celui des déploiements temporaires de forces en cas de crise ne relevant pas d'un des mandats précités. De fait, l'octroi d'une telle facilité pour l'Alliance entraînerait la réciprocité pour la Russie qui pourrait -par exemple- y recourir en Belarus ou dans l'enclave de Kaliningrad.

- Celui du régime de la zone des "flancs" qui, notamment pour la Russie, limite ses potentialités de déploiement d'équipements militaires, en particulier sur son flanc sud (Sud-Caucase) dont l'instabilité la préoccupe.

L'Acte fondateur et son Conseil permanent conjoint, le régime de stationnement proposé pour les forces dans les nouveaux pays membres, le non-stationnement de forces nucléaires, constituent globalement les "ouvertures" ou les "concessions" faites à la Russie pour tenter de dissiper son hostilité initiale. La culture de coopération et de dialogue ainsi mise en place avec la Russie est essentielle mais l'OTAN est loin d'en constituer le cadre exclusif, singulièrement pour les Russes, pour lesquels "l'architecture de sécurité devrait s'appuyer sur l'OSCE, seule organisation internationale du continent qui reflète pleinement les intérêts de tous les pays participants à ses activités et qui leur assure des droits égaux, qu'ils appartiennent ou non à différentes unions ou alliances" 12( * ) .

III. LES CONSÉQUENCES DE L'ÉLARGISSEMENT

A. LA CONFIGURATION DES ARMÉES POLONAISE, TCHÈQUE ET HONGROISE

1. Des effectifs en forte réduction

Les trois pays ont en commun, comme d'ailleurs la plupart des armées, une réduction substantielle de leurs effectifs. Si la Pologne entend affecter à l'OTAN la totalité de ses forces, la République tchèque le fera à hauteur de 90 %, et la Hongrie attribuera le gros de ses forces à la défense principale alliée multinationale.

Pologne

Les forces armées polonaises sont passées, de 1989 à 1997, de 350 000 hommes à 242 770 hommes , de nombreuses unités -brigades, divisions- ayant été supprimées. Aujourd'hui l'effectif de 242 770 hommes est supérieur au plafond FCE fixé à 234 000 hommes. Après mobilisation, l'armée polonaise serait en mesure de mettre sur pied 750 000 hommes.

La répartition par armées est aujourd'hui la suivante :

Armée de terre

144 336

Armée de l'air et défense aérienne

57 814

Marine de guerre et aéronavale

17 080

Divers (formation, administration)

23 524

Personnels détachés (ONU)

1 501



A l'horizon 2002, les effectifs devaient se stabiliser à 180 000 hommes . Le service militaire pourrait, en 1998, être réduit de 18 à 12 mois et la professionnalisation toucherait, en priorité, les unités projetables.

Hongrie

De 1989 à 1998, les forces armées hongroises sont passées de 155 700 à 43 826 hommes 13( * ) , ce qui constitue la réduction d'effectif la plus importante des trois pays considérés et qui place l'armée hongroise à un niveau inférieur de plus de la moitié au plafond FCE, fixé à 100 000 hommes. L'armée hongroise est à même de mobiliser, en cas de besoin, 150 000 hommes -militaires et civils confondus. Elle devrait, à l'horizon 2005-2010, compter entre 45 000 et 55 000 personnes et être entièrement professionnalisée, sous réserve des ressources financières suffisantes et d'un niveau de recrutement satisfaisant tant sur le plan quantitatif que qualitatif.

La répartition par armées se présente comme suit :

Armée de terre

23 408 hommes

Armée de l'air

11 495 hommes

Divers (formation, administration)

8 923 hommes

Personnels détachés

163 hommes



L'armée hongroise compte encore aujourd'hui dans ses rangs un nombre pléthorique d'officiers -au grade de lieutenant-colonel et de colonels en particulier. Le nombre des engagés oscille autour de 5 000, alors que celui des appelés diminue régulièrement du fait de la réduction en novembre 1997 du service militaire à 9 mois.

République tchèque

Depuis sa séparation d'avec la Slovaquie (1993), la République tchèque a réduit ses effectifs de 105 000 à 63 339 hommes . Hors personnels civils (27 000) et militaires de la protection civile (5 000), les effectifs de l'armée tchèque étaient au ler janvier 1998 de 58 340 hommes. L'effectif par armée se présente comme suit :

Armée de terre

25 321

Armée de l'air

15 757

Logistique

3 717

Divers

17 265

Personnels détachés

690

L'objectif à l'horizon 2000-2005 est d'obtenir une armée plus compacte (50 000 hommes) et professionnalisée à 100 % pour les unités de la force de réaction immédiate.

Comme pour l'armée hongroise, un rééquilibrage de la pyramide des grades s'impose pour la République tchèque où les officiers représentent près de 70 % des militaires de carrière. La création d'un corps de sous-officiers a été lancée, mais le nombre de volontaires demeure faible compte tenu du faible attrait de la carrière militaire (image de marque négative, faiblesse des soldes et perspectives de carrière réduites).

L'institut international d'études stratégiques de Londres (IISS) a conclu assez positivement, en décembre 1997, sa propre analyse concernant les capacités futures des trois armées :

- leurs capacités militaires devraient être sensiblement renforcées pour 2007,

- les stocks d'armements existants ne sont pas beaucoup plus anciens ou moins efficaces sur le plan technique que ceux d'autres membres de l'OTAN,

- l'abaissement du rapport entre le nombre d'officiers supérieurs et les autres, l'augmentation de la part et de la qualité des sous-officiers ainsi que le nombre de personnels de carrière par rapport aux appelés conduiront à des forces très professionnelles,

- le coût de modernisation des forces pourrait être rendu moins élevé si l'on cédait aux nouveaux membres les équipements des pays de l'OTAN à mesure qu'ils seront remplacés par des systèmes de nouvelle génération.

2. Un nécessaire effort budgétaire

En mettant fin, en 1997, à la diminution constante de leurs budgets militaires depuis la chute du communisme, la Pologne, la Hongrie et la République tchèque ont voulu démontrer la réalité de l'effort qu'ils étaient prêts à consentir afin de faire entrer, dans l'OTAN, des forces armées disposant des capacités nécessaires à leur modernisation.

Le dernier budget militaire polonais , en progression de 3,8 % par rapport à l'exercice précédent, s'élève à 20,5 milliards de francs, et représente 8 % du budget de l'Etat et 2,26 % du PIB .

Le budget militaire hongrois a augmenté en 1997 de 9,5 % par rapport à 1996 et atteint 3,7 milliards de francs, soit 1,3 % du PIB .

Quant aux efforts tchèques , ils ont conduit, de 1997 à 1998, à une hausse de 10 % du budget militaire d'une année sur l'autre pour atteindre 6,96 milliards de francs, soit 6,9 % du budget de l'Etat et 2,1 % du PIB .

Part des budgets de la Défense des pays d'Europe centrale dans le PIB

depuis 1989

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Tchécoslovaquie puis Rép.tchèque (1.93)

6,8 %

3,6 %

3,6 %

3,8 %

2,7 %

2,7 %

2,8 %

2,1 %

1,7 %

2,1 %

Hongrie

6,3 %

2,0 %

2,1 %

2,2 %

2,3 %

1,8 %

1,4 %

1,2 %

1,2 %

1,3 %

Pologne

8,0 %

5,4 %

4,6 %

2,3 %

2,6 %

2,4 %

2,5 %

2,3 %

2 ,3 %

2,3 %

Source : IISS-Londres

Les budgets militaires de ces trois pays ont en commun de consacrer une place prépondérante aux crédits de fonctionnement -80 à 82 % du budget- au détriment des crédits d'équipement. Les économies de fonctionnement progressivement générées par les réductions d'effectifs et la rationalisation d'infrastructures devraient permettre un nouvel équilibre indispensable au renouvellement des matériels .

Ceux-ci en effet, selon les normes OTAN, seront très largement périmés en 2004 et 95 % d'entre eux ne sont pas interopérables avec ceux en service dans les forces armées des pays membres de l'Alliance. La situation est d'ailleurs plus critique en République tchèque que dans les deux autres Etats, dans la mesure où les autorités tchèques ont refusé dès le début toute modalité de remboursement de sa dette par la Russie sous forme de matériels militaires, ce qui n'a pas permis le maintien à niveau de son parc d'équipement.

Enfin, les trois armées ont subi d'importantes réformes de structures , engagées dès 1990 afin de modifier l'ancien dispositif hérité du Pacte de Varsovie. Elles affectent tous les échelons de commandement : ministère, état-major général, états-majors de forces, unités corps d'armée et division, afin de les rendre compatibles avec les normes de l'OTAN.

L'analyse de la valeur opérationnelle des forces armées des trois pays candidats place sans conteste la Pologne au premier rang, sachant que les trois armées, et singulièrement l'armée tchèque, sont confrontées, à des degrés divers, à l'obsolescence de leurs matériels, à une certaine démoralisation des personnels ainsi qu'aux conséquences, sur leurs capacités d'entraînement, des difficultés financières des trois pays concernés. Il reste que les réformes engagées devraient permettre aux trois armées, d'ici à quelques années -sous réserve d'un effort financier soutenu- de rattraper le retard considérable qui les sépare encore de leurs homologues occidentales.

3. Des équipements à renouveler

Chacun des trois pays devra donc procéder à de nombreuses acquisitions d'armements. Ne serait-ce que pour satisfaire à l'intéropérabilité, ils devront rénover leurs bases aériennes avec des équipements d'avitaillement, de communications et d'aide à l'atterrissage. De même devront-ils acquérir des systèmes de communications compatibles avec ceux de l'OTAN. La nécessité d'un contrôle cohérent de l'espace aérien entraînera l'acquisition de radars et de centres de contrôle. Un des marchés importants concernera enfin l'acquisition de nouveaux avions de combat , après une phase de modernisation des actuels appareils russes.

Pour relever ce défi d'un nouvel équipement militaire, les trois nouveaux Etats pourront difficilement s'appuyer sur leurs seules industries de matériels d'armements. De conception ancienne, extrêmement spécialisées, elles souffrent particulièrement de la réduction du marché mondial de l'armement, d'un manque de capitaux et de technologies modernes. Leurs composantes les plus fiables devront donc s'intégrer dans un cadre de coopération avec des industries occidentales.

Les Etats-Unis entendent bien bénéficier de l'ouverture de ce marché centre-européen. Ils y développent une politique de présence très active qui les a déjà conduit à transférer vers ces pays des avions de combat et des hélicoptères, dans des conditions qui s'apparentent plus au don qu'à la vente. Cependant, l'Europe et la France en particulier, sont en mesure, dans certains domaines d'excellence -transmissions, télécommunications de com-mandement, radars, missiles ou hélicoptères- de développer avec nos nouveaux partenaires des coopérations fructueuses.

Depuis 1990, les principales fournitures d'armement à la Hongrie, à la Pologne et à la République tchèque ont eu les provenances suivantes :

Hongrie :

Russie
(au titre de la dette russe) ; avions MIG 29, véhicules blindés à roues BTR 80, missiles anti-chars Metisz.

Biélorussie
: chars T 72

Allemagne : (dons) : hélicoptères Mi 24 et avions L 39.

France : missiles anti-aériens courte portée Mistral, systèmes de protection NBC.

Etats-Unis : Systèmes d'identification IFF.

Pologne :

Russie
(dette russe) : pièces détachées.

Allemagne (dons) : navires et hélicoptères Mi 24 de l'ex RDA.

France : Systèmes d'identification IFF, postes de radiocommunications tactiques PR4G, équipements NBC.

République tchèque : avions MIG 29 échangés contre des hélicoptères SOKOL.

Israël : missile anti-char héliporté NTD, avionique de l'hélicoptère SOKOL (dossier encore en instance).

République tchèque :

Italie : modernisation du char T72

Israël : modernisation du char T72

France : systèmes de vision nocturne

Etats-Unis : avionique de l'avion d'entraînement L159.

Depuis cette même date (1990), les industriels français ont remporté 600 MF de prises de commandes en Pologne et 570 MF en Hongrie.

4. Multinationalité, opérations et entraînement conjoints

Les armées polonaise, hongroise et tchèque ne fonctionnent plus en "circuit fermé", depuis plusieurs années.

Les nombreux exercices conjoints menés dans le cadre du partenariat pour la paix, permettent à leurs états-majors et à leurs forces de se familiariser progressivement avec les usages et les procédures en cours dans les armées occidentales, en particulier dans le cadre d'entraînements à des opérations de maintien de la paix.

Au surplus, les armées de chacun des trois pays participent à de multiples unités multinationales dont le symbole est triple : elles signifient clairement l'engagement au bon voisinage, elles sont soit vouées à la défense collective "article 5", soit constituent la base d'unités ad hoc pour des opérations de maintien de la paix et s'insèrent ainsi exactement, en quelque sorte par anticipation, dans le concept stratégique rénové de l'organisation. Ainsi peut-on aujourd'hui dénombrer les unités multinationales suivantes auxquelles participent des unités tchèque, polonaise et hongroise : le corps germano-polono-danois , fort de 30 000 hommes et dont l'état-major multinational est basé en Pologne à Szczecin ; les bataillons polono-ukrainien et polono-lituanien ont un rôle essentiel pour l'ancrage de l'Ukraine dans l'Europe et constituent un signal positif pour la Lituanie. Ils bénéficient d'aides britanniques, américaines et canadiennes -instruction, procédures, apprentissage de l'anglais etc.- Une participation de la France à ce dispositif aurait une forte valeur politique. Le bataillon hungaro-roumain est un signal fort pour les relations entre deux pays qu'un contentieux de voisinage à longtemps opposés -à travers la minorité hongroise de Transylvanie, en même temps qu'il intègre un pays de la "première vague" à un Etat fortement désireux de participer à la "deuxième vague" d'adhésion.

Dans le même esprit, plusieurs projets ont récemment vu le jour.

Ainsi en est-il d'un projet autrichien de brigade de maintien de la paix des pays d'Europe centrale . Associant l'Autriche, la Suisse, la Slovénie, la Slovaquie, la République tchèque, la Hongrie et probablement la Roumanie, cette brigade donnerait une forte identité régionale à l'Europe centrale, affirmerait un potentiel militaire crédible à côté des grands pays du continent que sont l'Allemagne, la Russie, l'Ukraine et la Pologne. Enfin, outre un projet de brigade italo-hungaro-slovène lancé en 1997, se fait jour l'idée d'une " Force multinationale pour la paix dans le sud-est de l'Europe " réunissant six pays de la région : Roumanie, Bulgarie, Grèce, Turquie, ancienne république yougoslave de Macédoine (ARYM) et Albanie. Elle pourrait être utilisée dans des opérations de prévention des conflits et de maintien de la paix dirigées par l'OTAN et l'UEO sous mandat des Nations unies et de l'OSCE. Ses objectifs seraient la contribution à la paix et à la sécurité en Europe, le renforcement des relations de bon voisinage et l'amélioration de l'interopérabilité entre les Alliés et les pays partenaires.

B. QUE COÛTERA L'ÉLARGISSEMENT DE L'OTAN ?

1. Des premières estimations maximalistes

L'estimation du coût financier lié à l'élargissement de l'OTAN a fait l'objet d'analyses contradictoires conduisant parfois à des prévisions particulièrement alarmistes.

Parmi les principales études, celle du "Congressionnal Budget Office" (CBO) du Congrès des Etats-Unis considérait en mars 1996 que l'élargissement coûterait 110,5 milliards de dollars sur dix ans ; celle de la Rand Corporation l'évaluait pour sa part en novembre de la même année à 42 milliards de dollars sur la même période, une étude du Pentagone , réalisée en février 1997, aboutissait quant à elle à une fourchette située entre 27 et 35 milliards de dollars sur treize ans.

En réalité, l'explication de ces écarts dans les estimations et leur montant astronomique résidait dans les critères d'analyse tant de la menace prévisible que de l'état des infrastructures des nouveaux membres. De même, certaines des études incluaient, dans le coût de l'élargissement, les efforts financiers que les pays membres et invités devaient consentir pour développer les capacités de mobilité et de projection de leurs forces, conformément au concept stratégique de l'alliance et aux "nouvelles missions" de l'OTAN.

Ainsi l'étude du CBO se fondait encore sur un environnement stratégique de type "guerre froide" nécessitant la possibilité de mettre en place, sur les territoires des nouveaux membres une posture de "défense de l'avant" afin d'être à même de répondre à une menace type "article 5", alors même que pour les dix années à venir, ce type de menace territoriale massive demeure par bonheur fort improbable, les nouveaux risques relevant plus de crises régionales limitées. De même, les deux autres études prenaient-elles en compte les coûts des transformations des structures de forces en vue de les adapter aux nécessités de mobilité et de projection. En réalité, ces adaptations relèvent de chacun des Etats et la plupart des membres de l'Alliance ont déjà largement engagé, sur financement national -c'est le cas de la France-, la réorganisation de leurs forces pour plus de mobilité et pour des capacités accrues de projection. C'est également le cas, toutes choses égales par ailleurs, des trois pays invités. Enfin, ces premières analyses avaient fait une estimation très "catastrophiste" de l'état des infrastructures d'accueil des pays membres : capacités portuaires -pour la Pologne- ferroviaires, routières ou aéroportuaires, que des expertises ultérieures devaient démentir.

2. L'estimation réaliste de l'OTAN : 1,5 milliard de dollars sur 10 ans

A la suite du sommet de Madrid du 8 juillet 1997, le Comité principal de ressources de l'OTAN a été chargé d'estimer les coûts entraînés par l'élargissement de l'OTAN pour les seuls budgets communs de l'Alliance et dans la seule perspective minimale d'intégrer les nouveaux membres aux objectifs de défense collective et d'interopérabilité aux réseaux de commandement et de contrôle OTAN (C2), à ceux de contrôle et de commandement des opérations aériennes (ACCS), d'améliorer leurs infrastructures d'accueil d'éventuels renforts -en cas de crise- et d'améliorer leurs capacités d'entraînement et d'exercices , toujours dans le souci d'interopérabilité.

- Commandement et contrôle (C2) : l'estimation a pris en compte l'extension du réseau OTAN de commandement et de contrôle vers les nouveaux membres en assurant une interopérabilité minimale. Une phase initiale (avant l'accession) prévoit une capacité minimale par l'établissement de connexions transfrontalières et l'acquisition de moyens de communications adaptés. Une seconde phase après accession prévoit la mise en place de standards supplémentaires.

- Défense aérienne intégrée : le coût en la matière correspond à l'intégration rapide des nouveaux membres au sein du Système de défense aérienne intégré de l'OTAN. Avant l'accession, seront réalisées une interopérabilité et des interfaces entre les systèmes de défense aérienne nationaux de chacun des trois nouveaux membres et les installations de commandement et de contrôle OTAN. Après l'accession, des efforts seront consentis par l'Alliance pour financer l'intégration progressive des nouveaux membres à l'ACCS. Le coût prend en compte l'acquisition de systèmes de radars de défense aérienne pour les trois nouveaux membres.

- Capacités d'accueil de renforcement : il s'agit d'améliorer les capacités des installations portuaires et aéroportuaires des nouveaux membres. De même conviendra-t-il d'améliorer à la marge certains aspects du réseau ferré et des capacités de stockage. Les capacités portuaires de la Pologne satisfont aux standards OTAN, sous réserve, là encore, d'aménagements mineurs.

- Entraînement et exercices : bien que l'estimation du comité principal de ressources sur les capacités d'entraînement existant dans les nouveaux Etats ait été positive, des financements ont été prévus pour des améliorations ponctuelles en particulier les capacités de transports de troupes.

Ainsi, le coût estimé de l'élargissement sur une période de dix ans (1998-2008) apparaît-il le suivant (en millions de dollars), totalisant approximativement 1,5 milliard de dollars .


 

Equipement

Fonctionnement

Commandement et contrôle

51

79

Défense aérienne

560

21

Capacités de renforcement

694

5

Entraînement, exercice

6

36

 

1,311

141

Par nouveau pays membre, les dépenses d'équipement au profit de la Pologne s'élèveraient à 700 millions de dollars, 315,5 millions de dollars pour la Hongrie et 266,5 millions de dollars pour la République tchèque.

Plus précisément, en millions de francs, les perspectives sont les suivantes :


Equipement

En coût estimé sur 10 ans

Commandement et contrôle

dont (p. avant adhésion)

(p. après adhésion)

300 MF

85 MF

215 MF

Défense aérienne et besoins C2

dont (p. ajustement à court terme)

(p. ajustements intérimaires)

(p. incorporation dans ACCS)

3 274 MF

25 MF

122 MF

3 127 MF

Renforcement

3 149 MF

Entraînements, exercices

34 MF

TOTAL

6 757 MF

 
 

Fonctionnement

En coût annuel estimé

Commandement et contrôle, interopérabilité avec les nouveaux membres

dont : avant adhésion

après adhésion

55 MF

7 MF

48 MF

Défense aérienne et besoins C2 ; interopérabilité avec les nouveaux membres

dont : ajustements à court terme

ajustements intérimaires

incorporation dans ACCS

29 MF

1 MF

3 MF

25 MF

Renforcement : fourniture d'installations terrestres, maritimes et aériennes

5 MF

Entraînement, exercices, autres besoins

20 MF

Total annuel estimé

109 MF

3. La structure financière de l'OTAN

Elle fait apparaître trois budgets distincts : le budget militaire, le budget civil et le budget d'investissement.

- le budget militaire

Le budget militaire
de l'OTAN, globalement assimilable à notre titre III, ne recouvre que des dépenses de fonctionnement. Pour 1998, ce budget a été fixé à 4,12 milliards de francs. Fonctionnellement, il se décompose de la façon suivante :

Répartition fonctionnelle des dépenses militaires de l'OTAN

Défense aérienne

1 489 MF

36,1 %

Structure de commandement

1 115 MF

27 %

Support C3 de cette structure

764 MF

18,5 %

Remboursement aux nations

274 MF

6,6 %

Recherche et développement

165 MF

4 %

Exercices

157 MF

3,8 %

Partenariat pour la paix

83,5 MF

2 %

Régime des pensions

68 MF

1,6 %

Divers (hors SFOR)

16 MF

0,2 %

Les contributions nationales se présentent comme suit, la part réduite de la France étant liée à sa non participation à l'organisation intégrée, qui n'en fait que le sixième contributeur.

Etat des contributions nationales au budget militaire international en 1998
(en millions de francs)

Pays

Contribution

Pourcentage

Rang

France

188,88

4,58 %

6

Belgique

136,35

3,30 %

8

Canada

303,41

7,35 %

4

Danemark

80,28

1,95 %

9

Allemagne

867,65

21,03 %

2

Grèce

20,28

0,49 %

14

Islande

5,9

0,04 %

16

Italie

285,81

6,93 %

5

Luxembourg

4,22

0,10 %

15

Pays-Bas

140,62

3,41 %

7

Norvège

56,53

1,37 %

11

Portugal

29,45

0,71 %

13

Espagne

30,73

0,74 %

12

Turquie

73,07

1,77 %

10

Royaume-Uni

593,72

14,39 %

3

Etats-Unis

1 313,96

31,84 %

1

Compte tenu de la clé de répartition adoptée pour les nouveaux membres, leurs contributions respectives seraient les suivantes sur la base du budget 1998 :

République tchèque :

0,9 %

soit 37 MF

Hongrie :

0,65 %

soit 27 MF

Pologne :

2,48 %

soit 102 MF

- le budget civil

Le budget civil , fixé en 1998 à 956 MF , recouvre :

• les rémunérations d'active, des pensions et des pécules du personnel civil,

• les rétributions des consultants, des boursiers et des bénéficiaires des programmes scientifiques,

• l'entretien du siège de l'OTAN, la presse, l'information et les publications.

La France , avec une clé de répartition de 16,5 %, est le troisième contributeur à ce budget avec 154 MF. Les participations des pays s'établissent comme suit (en MF) :

Etat des contributions nationales

au budget civil en 1998

Pays

Contribution

Rang

Etats-Unis

218,56

1

Royaume-Uni

176,16

2

France

154,44

3

Allemagne

145,45

4

Italie

53,82

5

Canada

52,42

6

Espagne

32,76

7

Belgique

25,83

8

Pays-Bas

25,74

9

Danemark

14,88

10

Turquie

14,88

11

Norvège

10,39

12

Portugal

5,90

13

Grèce

3,56

14

Luxembourg

0,75

15

Islande

0,47

16



- le budget d'investissement

Enfin, le budget d'investissement , fixé pour 1998 à 3,407 milliards de francs , recouvre les dépenses d'infrastructures.

La part de la France, évaluée à 152 MF en 1998, recouvre trois actions :

• participation au programme de défense aérienne (ACCS) : 18 %

• participation aux programmes de communications/contrôle/

commandement (C3) (p. : 60 %)
• programmes liés aux opérations de la SFOR : 22 %.
Ce budget d'investissement -ou programme d'infrastructures- est élaboré chaque année dans le cadre d'un "plafond de ressources", qui depuis trois années, est évalué sur la base d'une "croissance zéro". L'OTAN y dispose malgré tout d'une certaine marge de manoeuvre puisqu'en fin d'exercice, les sommes effectivement dépensées ne correspondent, globalement, qu'à 60 % de la ressource maximale autorisée.

La clé de répartition "théorique" pour la France est, à ce budget infrastructures de 13,4 %. Appliquée intégralement, elle entraînerait pour la France une participation annuelle de quelque 120 MF aux coûts communs de l'élargissement. Dans les faits, la France ne participe qu'au financement de programmes qu'elle choisit, compte tenu de sa situation spécifique -comme ce fut le cas pour l'Espagne jusqu'en 1997- au sein de la structure militaire intégrée. La clé "effective" pour la France est donc proche de 4 %. Elle couvre, en tout état de cause, tout ce qui est notamment lié à la défense aérienne et au contrôle des opérations aériennes (ACCS).

Les dépenses liées à l'élargissement proviendront quasi exclusivement de ce budget d'infrastructures. Etant donné qu'elles concerneront tout particulièrement l'interopérabilité minimale (ACCS, C3...), la France pourrait être -pour des raisons tant fonctionnelles que politiques voire industrielles- impliquée dans leur financement. A l'horizon 2003-2005, lors de la réalisation effective des travaux au profit des trois nouveaux membres, la quote-part réelle de la France pourrait alors passer de 4 à 7-8 % de ce budget. Au demeurant la participation financière des nouveaux membres, ainsi que celle de l'Espagne désormais, pourrait conduire, comme d'ailleurs pour les deux budgets de fonctionnement civil et militaire, soit à réduire les cotisations des membres actuels et maintenir un niveau de ressources inchangé, soit à maintenir ces cotisations et accroître le niveau global de ressources de l'OTAN. La volonté de la France, exprimée par le Président de la République au sommet de Madrid, de "ne pas augmenter sa contribution à l'OTAN du fait de l'élargissement", ne pourrait, dans ce contexte, être respectée que si d'autres programmes d'investissements anciens, décidés ou en cours, devaient être à l'avenir soit supprimés, soit étalés dans le temps..

Pour conclure sur ce point, on peut rappeler que deux ministères participent à la contribution française à l'OTAN :

- le ministère des affaires étrangères au titre du budget de fonctionnement civil (154 MF en 1998)

- le ministère de la défense au titre du budget de fonctionnement militaire (189 MF en 1998) et à celui du budget d'infrastructures (152 MF en 1998).

CONCLUSION

Le processus d'élargissement qui s'engage ouvre, certes, des interrogations :

. L'élargissement renforcera-t-il ou fragilisera-t-il l'identité européenne de défense au sein de l'OTAN ?

Les adaptations internes de l'Alliance, décidées en décembre 1997, ont fait droit à certaines des demandes en faveur de l'identification d'un pôle européen de défense au sein de l'Alliance : les GFIM en sont une illustration, de même que la mise à disposition éventuelle de l'UEO de moyens de l'OTAN. Cependant, le rééquilibrage des responsabilités entre européens et américains au sein de l'Alliance reste à faire, dans des conditions qui, demain, pourraient d'ailleurs se révéler plus difficiles :

- en entrant dans l'OTAN, les nouveaux membres semblent souscrire davantage à une garantie américaine qu'à une protection européenne, dont ils discernent encore mal les contours politiques, institutionnels et militaires ;

- ensuite, le fonctionnement du Conseil permanent conjoint OTAN-Russie sera-t-il de nature, comme le redoutent certains experts, à conduire, de fait, à un "double parrainage" Etats-Unis-Russie du futur ordre politique européen, ressuscitant "sinon la réalité, du moins la tentation ou l'apparence de condominium d'antan" 14( * ) ? Une telle marginalisation des Européens dans la construction sécuritaire du continent irait à rebours des efforts déployés depuis des années par la France et ses partenaires de l'Union. Dans ce domaine comme dans d'autres, une cohésion européenne doit s'exprimer.

. Jusqu'à quel point le futur concept stratégique de l'OTAN pourrait-il modifier l'architecture générale de la sécurité européenne ?

- La gestion des crises internationales, surtout lorsqu'elles impliquent des engagements militaires relèvent prioritairement de la compétence du Conseil de sécurité de l'ONU. Or ce principe, auquel souscrivent de nombreux pays, à commencer par la France, est l'un des sujets sensibles de la négociation engagée sur le futur concept stratégique. Au sein de l'Alliance, on rappelle qu'aucun texte formel ne requiert l'aval du Conseil de sécurité pour une intervention de l'OTAN, celle-ci pouvant dès lors s'affranchir d'un veto du Conseil de sécurité sur tel ou tel projet d'opération. L'inscription d'un tel principe dans un document de l'Alliance modifierait gravement les règles d'action de la communauté internationale.

- Dans une logique de "sécurité globale", une tendance se confirme de faire de l'OTAN l'instance centrale de coopération diplomatique et de gestion militaire des crises. Or, sans méconnaître le rôle de l'OTAN , celle-ci ne saurait éclipser ni l'ONU, ni l'OSCE , enceintes au sein desquelles la répartition plus équilibrée du poids politique de chaque nation préserve l'expression des souverainetés nationales ou régionales. Un tel transfert de fait, vers l'OTAN, de compétences exercées par ces organisations pourrait affecter la spécificité diplomatique que l'Europe doit se donner les moyens d'exprimer.

. Enfin, comment évoluera désormais la position de la France à l'égard de l'OTAN ? Si notre pays, depuis les décisions du 5 décembre 1995, a repris une place active et délibérative au sein des instances intergouvernementales qu'il avait quittées en 1966 (Conseil des ministres de défense, comité militaire...), il a décidé, en décembre 1997, de ne pas poursuivre la démarche en ce qui concerne la structure militaire intégrée, arguant notamment de son rééquilibrage insuffisant entre Américains et Européens.

L'Espagne ayant pour sa part intégré la structure militaire, et les trois nouveaux pays ayant vocation à le faire sans réserve, la France gardera une position dont la singularité n'en sera que plus visible.

Certes, cette position n'empêche pas la France d'être impliquée là où il faut l'être, en particulier dans les structures de commandement mises en place au cas par cas dans le cadre des "nouvelles missions" comme en Bosnie-Herzégovine, et notamment au sein des GFIM. Symétriquement, l'appartenance à une structure militaire intégrée, conçue et organisée dans le cadre de la guerre froide n'a plus la même signification ni la même utilité qu'autrefois. Militairement cohérente, la position de la France pourrait cependant s'avérer politiquement délicate, en tout cas difficilement compréhensible pour nos nouveaux partenaires. Une spécificité est souvent un atout, elle peut aussi être un poids si, aux yeux des autres, elle devient synonyme d'isolement.

Pour votre rapporteur, la position de la France demeure cohérente tout en restant spécifique en raison de son histoire stratégique.

A n'en pas douter, nos partenaires, y compris les nouveaux, continueront d'entériner cette spécificité, au service de l'Europe et qui n'a jamais entamé la solidarité de la France avec les autres Européens sur les différents théâtres d'intervention depuis quarante ans.

Le débat qui a eu lieu au sein de votre Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a été l'occasion d'exprimer des interrogations, ces inquiétudes et des oppositions : quel sera, à l'avenir, le rôle de l'article 5 ? N'y a-t-il pas danger à élargir l'Alliance vers les frontières de la Russie ? L'élargissement contribuera-t-il vraiment à améliorer la sécurité en Europe ? Le processus engagé ne tend-il pas à ouvrir aux industries américaines de l'armement des nouveaux marchés au détriment des capacités européennes ?

Votre rapporteur ne conteste pas la légitimité des questions ainsi posées. Toutefois, s'il vous propose d'adopter les trois projets de loi qui nous sont soumis, c'est que l'élargissement de l'OTAN à la Pologne, à la République tchèque et à la Hongrie, en symbolisant à la réconciliation européenne, non seulement s'inscrit dans un déroulement positif de l'Histoire, mais participe également, au-delà même des trois nouveaux Etats, au renforcement de la sécurité et de la confiance sur l'ensemble du continent européen.

Pour votre rapporteur, trois raisons au moins justifient cette appréciation :

- l'OTAN -et la France a tenu à cet égard un rôle qui mérite d'être salué- est parvenue, en échange de contreparties justifiées et contrôlées, à réduire sinon à supprimer l'hostilité initiale de la Russie . Ce pays ne saurait en effet être tenu à l'écart d'aucune démarche tendant à consolider la sécurité en Europe. Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement, à l'heure où la libéralisation commerciale et économique conduit les partenaires de la Russie à multiplier les cadres de coopération avec ce pays, y compris dans le domaine militaire ?

- De même, à l'égard des pays qui n'ont pas été retenus pour ce premier élargissement, s'il ne faut pas en mésestimer les conséquences potentiellement déstabilisantes sur le plan politique, l'OTAN se devra de mettre à profit les mécanismes de coopération créés par le Partenariat pour la paix et le Conseil de Partenariat euro-atlantique et qui constituent le "deuxième cercle" de l'OTAN. Il reste que le processus engagé ne doit pas "marquer le pas" et que les négociations en vue de futures invitations à l'horizon du sommet de Washington d'avril 1999 devraient reprendre au plus vite pour ne pas faire de la politique de la "porte ouverte" une promesse n'engageant que ceux qui l'ont reçue.

- Enfin l'offre de sécurité par l'OTAN correspond aux besoins européens dans l'avenir prévisible . Plus que de moyens traditionnels de riposte à une agression territoriale caractérisée, les pays européens s'appuieront ensemble, dans le cadre de coalitions, sur des capacités de gestion de crises , avec des forces de réaction réduites, mobiles, flexibles et multinationales. Ce postulat est d'ailleurs cohérent avec les principes qui ont fondé notre propre réforme militaire. Aujourd'hui, l'élargissement de l'Alliance correspond surtout au souci d'associer pleinement les nouveaux membres aux responsabilités de la paix et de la stabilité en Europe.

Au bénéfice de ces observations, votre Commission vous invite à adopter les trois projets de loi qui nous sont soumis.

LES AUDITIONS DE LA COMMISSION

La commission a effectué le mercredi 29 avril 1998 un ensemble d'auditions. Elle a successivement entendu :

- M. Régis de Belenet, directeur des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement au ministère des affaires étrangères

- le Général Jean-Philippe Roux, directeur adjoint de la délégation aux affaires stratégiques au ministère de la défense

- Mme Nicole Gnesotto, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, chargée de mission auprès du directeur de l'Institut français des relations internationales (IFRI).

Par ailleurs, avec M. Xavier de Villepin, président, votre rapporteur s'est entretenu avec Son Exc. M. Béla Szombati, ambassadeur de Hongrie, Son Exc. M. Stefan Meller, ambassadeur de Pologne, et Son Exc. M. Petr Lom, ambassadeur de la République tchèque.

M. RÉGIS DE BELENET,
DIRECTEUR DES AFFAIRES STRATÉGIQUES, DE SÉCURITÉ ET DU DÉSARMEMENT AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

- M. Régis de Belenet : "Cette séance d'auditions que vous avez bien voulu organiser à l'occasion de l'examen par votre Commission du projet de loi autorisant la ratification des protocoles au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Hongrie, de la République de Pologne et de la République tchèque me donnent l'occasion d'évoquer successivement deux séries de questions :

1/ - Les raisons de la décision d'élargissement prise par l'OTAN.

2/ - Les problèmes qui ont été soulevés, à ce titre , et les solutions qui leur ont été apportées ou qu'il est envisagé d'apporter.

I/ - POURQUOI CET ELARGISSEMENT DE L'OTAN ?

Il faut garder à l'esprit les fondements juridiques et politiques que représentent l'article 10 du traité de Washington et l'Acte final d'Helsinki.

A/
Le fondement juridique et politique

1)
Traité de l'Atlantique Nord du 4 avril 1949 article X :

"Les Parties peuvent, par accord unanime, inviter à accéder au Traité tout autre Etat européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent Traité et de contribuer à la sécurité de la région de l'Atlantique Nord. Tout Etat ainsi invité peut devenir Partie au Traité en déposant son instrument d'accession auprès du Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique" (Etat dépositaire).

2) S'agissant du cadre politique général : l'Acte Final d'Helsinki adopté en 1975 dans la "déclaration sur les principes régissant les relations mutuelles des Etats participants" indique au titre du premier principe ("Egalité souveraine, respect des droits inhérents à la souveraineté") : "Les Etats participants ont le droit d'appartenir ou de ne pas appartenir à des Organisations internationales, d'être partie ou non à des traités bilatéraux ou multilatéraux y compris le droit d'être partie ou non à des traités d'Alliance. Ils ont également le droit à la neutralité".

Depuis l'adoption du Traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN s'est déjà élargie à trois reprises :

en 1952 : à la Grèce et à la Turquie ;

en 1955 : à la R.F.A. ;

en 1982 : à l'Espagne.

B/ Le contexte politique de l'élargissement décidé lors du Sommet de Madrid de juillet 1997 :

La décision prise à Madrid le 8 juillet 1997 par les Chefs d'Etat et de Gouvernement des pays membres de l'Alliance d'inviter la Hongrie , la Pologne et la République tchèque à engager des pourparlers d'adhésion avec l'OTAN s'inscrit dans un double contexte :

1)
Le mouvement général de redéfinition de l'architecture européenne de sécurité, en conséquence de la fin de la guerre froide :

Avec la chute du mur de Berlin (novembre 89), la réunification de l'Allemagne (octobre 90), la désintégration de 'l'Union Soviétique (décembre 91), les changements spectaculaires intervenus ailleurs en Europe centrale et orientale, l'attention au sein de l'OTAN s'est concentrée sur la contribution que l'Alliance pouvait apporter à l'établissement de la sécurité et de la stabilité en Europe ;

Cette attention s'est traduite par la création du Conseil de coopération nord-atlantique (CCNA) en 1991, cadre de concertation, d'abord avec les pays d'Europe centrale et orientale ; en 1994 a été mis en place le Partenariat pour la Paix qui s'est voulu un instrument plus concret de coopération militaire entre l'OTAN et ses partenaires, à travers la conclusion d'accords individuels, de programmes individuels, de coopération. La Russie a adhéré au PPP en juillet 94 et à signé à ce titre des accords de coopération en mai 95. Cette évolution a connu une nouvelle étape en 1997, avec la création du Conseil du Partenariat Euro-atlantique qui s'est substitué au CCNA et coiffe le Partenariat pour la Paix. Il regroupe aujourd'hui 44 Etats, les 16 Etats membres de l'Alliance et 28 Etats partenaires.

2) Le deuxième élément important a été la volonté de nombre de pays d'Europe centrale et orientale de s'intégrer pleinement aux structures européennes et euro-atlantiques.

A ce titre -et à l'occasion d'un dialogue intensifié conduit par l'OTAN- douze d'entre eux ont fait part de leur désir de devenir membre de l'OTAN : la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovénie, la Bulgarie, la Slovaquie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, l'Albanie et la Macédoine.

Cette demande répond en fait, de la part de chacun de ces Etats, à une double préoccupation :

trouver pleinement sa place dans la Communauté euro-atlantique ;

se prémunir contre tout développement imprévisible concernant sa sécurité en obtenant l'application à son territoire, par l'adhésion à l'Alliance, des dispositions de l'article V du Traité de l'Atlantique Nord.

C/ La réponse de l'OTAN

(p. 1) Une réponse de principe positive
a été donnée dans la déclaration adoptée lors du Sommet de Bruxelles de Janvier 1994 (para. 12).)

"Nous souhaitons voir se consolider les liens avec les Etats démocratiques à l'Est. Nous réaffirmons que l'Alliance, selon les dispositions de l'article 10 du Traité de Washington, reste ouverte à d'autres Etats européens susceptibles de favoriser le développement des principes du Traité et de contribuer à la sécurité de la région de l'Atlantique Nord. Nous escomptons un élargissement de l'OTAN aux Etats démocratiques à l'Est et nous l'envisagerions favorablement dans le cadre d'un processus évolutif, compte tenu des développements politiques et de sécurité dans l'ensemble de l'Europe".

Cette réponse de principe favorable reposait non seulement sur le sentiment d'un devoir historique et moral à l'égard des pays de l'"autre Europe", mais aussi sur la conviction que l'élargissement contribuerait à la fois à renforcer l'Alliance et à accroître la stabilité et la sécurité de tous les pays de la zone euro-atlantique en permettant :

d'encourager et de soutenir les réformes démocratiques et de promouvoir les relations de bon voisinage et la coopération, sur la base des valeurs démocratique ;

de mettre l'accent sur la défense commune et d'accroître la capacité de l'Alliance à contribuer à la sécurité.

2) Une étude sur l'élargissement adopté par le Conseil atlantique à l'automne 95 a fixé les principes auxquels l'élargissement devait obéir . Parmi ces principes, on peut relever notamment :

la nécessité pour les nouveaux membres de se conformer aux principes fondamentaux de l'Alliance Atlantique (démocratie, le respect des libertés individuelles, règne du droit) ;

la stricte conformité à l'article 10 du Traité de Washington (Etat européen ; contribution à la sécurité de la région nord atlantique) ;

le bénéfice pour les nouveaux membres de tous les droits mais aussi l'acceptation par eux de toutes les obligations que comporte l'appartenance à l'Alliance ;

le renforcement de l'efficacité et de la cohésion de l'Alliance et la préservation de sa capacité politique et militaire à remplir ses fonctions essentielles de défense commune.

II/ - PROBLEMES SOULEVES ET SOLUTIONS

APPORTEES OU QU'IL EST ENVISAGE D'APPORTER
:


En dehors des aspects liés à l'état des forces armées des pays candidats, aux réorganisations en cours des structures militaires et aux perspectives de modernisation de l'outil de défense qui seront traités par le représentant du Ministère de la Défense lors de son audition, la mise en oeuvre de la décision d'élargissement de l'Alliance a posé quatre séries de questions : 1) la gestion de la relation avec la Russie et la gestion de la relation avec l'Ukraine ; 2) le choix des pays à inviter ; 3) l'évaluation du coût financier de l'élargissement ; 4) l'adaptation du Traité sur les Forces Conventionnelles en Europe.

(p. 1) La gestion de la relation avec la Russie et avec l'Ukraine.)

a/ Elargissement et Russie :

Les perspectives d'élargissement de l'OTAN n'ont, semble-t-il, pas suscité de grandes émotions au sein de la population russe dont les préoccupations prioritaires sont d'une autre nature. Au sein de la classe politique russe, différentes opinions se sont manifestées (par exemple le Général LEBED s'est prononcé en faveur, considérant que la cohésion de l'Alliance s'en trouverait réduite). En revanche, au sein de la Douma un consensus des différentes forces politiques contre l'élargissement existait.

Les Alliés -sous l'impulsion du Président de la République et du Gouvernement ainsi que du Chancelier Kohl qui ont fait partager cette opinion au Président Clinton- sont tombés d'accord pour considérer tout à la fois :

que la Russie n'avait pas de droit de veto à l'égard de l'élargissement ;

mais que l'élargissement ne devait pas être conduit de façon à humilier la Russie ou à lui donner le sentiment d'être tenue à l'écart de la réorganisation de l'architecture européenne de sécurité. En d'autres termes, qu'il fallait éviter le passage en force, même si, dans l'immédiat, on pouvait avoir des doutes sur les capacités de réaction de la Russie. (Comme le disait à ce sujet M. KOZYNEV, "on ne crache pas contre le vent").

Il fallait donc démontrer :

que l'OTAN se transformait et entendait transformer ses relations avec la Russie ;

que l'élargissement ne serait pas une source de menaces pour la Russie (sans pour autant prendre des engagements susceptibles de faire des nouveaux membres de l'Alliance, des Alliés de seconde zone) ;

que l'élargissement de l'OTAN ne ferait pas disparaître le rôle de l'OSCE, seule organisation de sécurité paneuropéenne.

C'est pourquoi deux séries d'actions ont été menées :

d'une part, l'élargissement de l'OTAN a été précédé de la signature , lors d'un Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement des 16 et de la Russie, le 27 mai 1997, à Paris de "l'Acte Fondateur sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre la Fédération de Russie et l'OTAN" ;

d'autre part, les Alliés sont convenus d'élaborer, dans le cadre de l'OSCE, une Charte de sécurité européenne destinée à renforcer les principes communs en matière d'organisation de la Sécurité en Europe.

Quelques précisions sur ces deux points :

L'Acte Fondateur :

la Russie et l'OTAN déclarent qu'elles ne se considèrent pas comme des adversaires ;

des mécanismes de consultation et de coopération sont établis et des domaines de consultation et de coopération sont précisés ;

des engagements unilatéraux sont pris par l'OTAN : les Alliés réitèrent qu'ils n'ont aucune intention, aucun projet et aucune raison de déployer des armes nucléaires ; ils ajoutent qu'il en va de même s'agissant de l'établissement de dépôts d'armes nucléaires sur le territoire des nouveaux membres ou de l'adaptation d'anciennes installations de stockages nucléaires ;

l'Acte Fondateur précise aussi que l'OTAN remplira ses missions en veillant à assurer l'interopérabilité, l'intégration et la capacité de renforcement nécessaires plutôt qu'en recourant à un stationnement permanent supplémentaire d'importantes forces de combat et qu'en conséquence, l'OTAN devra pouvoir compter sur une infrastructure à la mesure de ces missions.

La Charte de Sécurité de l'OSCE :

le principe avait été esquissé lors du Sommet OSCE de Lisbonne de décembre 1996 ;

le contenu possible et le calendrier d'adoption de ce document ont été précisés à la réunion ministérielle de l'OSCE de décembre 1997 à Copenhague : le prochain Sommet de l'OSCE qui se réunira à l'été ou à l'automne 1999, devrait être l'occasion de l'adoption de la Charte de Sécurité Européenne ;

les travaux relatifs à l'élaboration de ce texte sont actuellement en cours à l'OSCE.

b/ La gestion de la relation avec l'Ukraine

Les problèmes à résoudre n'étaient pas de même nature que ceux qui se sont posés dans la relation avec la Russie. En effet, l'Ukraine n'a pas manifesté, pour sa part, d'opposition à l'élargissement de l'OTAN. Sa préoccupation tenait à son souci -tout en n'étant pas candidat à l'adhésion- à ne pas se retrouver dans une situation d'isolement. Aussi, une Charte de coopération spécifique a-t-elle été conclue à Madrid entre l'OTAN et l'Ukraine qui prévoit, elle aussi, des mécanismes particuliers de consultation et de coopération.

2) Le choix des pays à inviter :

Compte tenu des critères retenus par l'Alliance, le débat entre les Alliés lors de la préparation du Sommet de Madrid a porté sur la question de savoir s'il convenait d'inviter trois pays candidats (Hongrie, Pologne, République tchèque) ou cinq (les trois déjà cités plus la Roumanie et la Slovénie).

Les candidatures de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque ont été soutenues par l'ensemble des Alliés ; seule une majorité d'Alliés -dont la France, mais aussi l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Grèce, la Turquie, le Canada, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg- souhaitant voir invitées aussi la Roumanie et la Slovénie et cela pour des raisons politiques (les mérites propres de ces pays en termes de démocratie ; la nécessité d'éviter de créer une division Nord-Sud) et pour des raisons stratégiques (la nécessité de renforcer le flanc sud de l'Alliance).

Parmi les autres Alliés, certaines (RFA) se sont déclaré prêts à accepter aussi bien un élargissement à cinq qu'un élargissement à trois ; d'autres (Etats-Unis, Royaume Uni) estimaient qu'un élargissement trop vaste risquait de mettre en cause l'efficacité de l'Alliance ; d'autres enfin (les pays nordiques -Norvège, Danemark, Islande-) considéraient qu'élargir l'Alliance à un trop grand nombre de pays risquait d'isoler les Etats baltes.

Le compromis à Madrid s'est dégagé autour des éléments suivants :

invitation adressée seulement à la Hongrie, à la Pologne et à la République tchèque ;

affirmation du principe du maintien de la porte ouverte , c'est-à-dire que l'Alliance continuera à accueillir de nouveaux membres au-delà de ce premier élargissement et que ces considérations s'appliquent aux futurs candidats, qu'elle que soit leur situation géographique ;

engagement de réexaminer la question de l'élargissement en avril 1999 lors du Sommet organisé à Washington à l'occasion du Cinquantième anniversaire du Traité de Washington ;

mention, dans ce contexte, des développements positifs dans le sens de la démocratie et de la primauté du droit intervenus dans un certain nombre de pays d'Europe du Sud Est, en particulier la Roumanie et la Slovénie.

A la suite de l'invitation adressée aux trois pays, des négociations d'accession ont été engagées qui se sont conclues par l'envoi par les ministres des affaires étrangères hongrois, polonais et tchèque de lettres confirmant la volonté de leur pays d'adhérer, de participer à la structure militaire intégrée, l'acceptation de tous les engagements de l'OTAN et de dispositions financières (clés de répartition). Les protocoles d'accession ont été signés, lors de la session de décembre 1997, par les ministres des affaires étrangères de l'Alliance.

3) L'évaluation du coût financier de élargissement

pour l'OTAN
:


Cette question a, un temps, donné lieu à des analyses quelque peu fantaisistes de la part de certains aux Etats-Unis (Cf. par exemple l'étude de la Rand Corporation) dans la mesure où ont été mêlés trois types d'évaluations :

le coût à supporter par les pays candidats pour mettre leur système de défense aux normes OTAN et renouveler des matériels majeurs qui, à l'horizon des cinq ou six prochaines années, deviendront obsolètes ;

les conséquences pour les membres actuels de l'Alliance de l'extension du champ d'application de l'article V en termes de capacité de projection et de renforcement ;

enfin, les coûts communs pour l'OTAN de l'élargissement (notamment en termes d'infrastructures, d'interoperabilité et de communications).

En fait, les travaux conduits au sein de l'Alliance en 1997 ont conclu que :

seuls les coûts communs -c'est-à-dire les dépenses financées collectivement par les membres de l'OTAN selon la clef de répartition agréée- devaient être pris en considération ;

s'agissant des deux autres types de dépenses :

d'une part, les futurs membres sont en mesure d'apporter une importante contribution à leur propre défense. Les lacunes actuelles de leurs capacités doivent être traitées par eux progressivement. Et nous ajoutons pour notre part, que la priorité doit porter plus sur la formation des hommes que sur l'acquisition immédiate d'équipements.

d'autre part, les membres actuels de l'Alliance disposent d'ores et déjà de moyens suffisants, notamment en termes de projection et de renforcement, pour faire face aux obligations liées à l'élargissement (étant précisé en outre qu'il s'agit là d'éventuelles dépenses à la charge de l'allié concerné).

Les coûts communs pour les Alliés du fait de l'adhésion des trois pays invités ont été évalués à 7,7 Mds de francs au total sur une période de dix ans soit de l'ordre, en moyenne, de 9% par an du budget total de l'OTAN (Cf. budget civil + budget militaire + budget infrastrucuture = 8,5 à 9 milliards de francs).

Il est prévu de financer ces dépenses additionnelles par des redéploiements et par des économies, qu'il s'agisse des économies résultant de l'allègement des structures militaires de l'OTAN (Cf. la diminution du nombre de quartiers généraux qui va passer de 65 à 20) ou de celles résultant de l'étalement de certains programmes d'infrastructure. Les études à ce sujet démarrent à l'OTAN.

De plus, bien évidemment, les nouveaux Etats membres participeront à l'ensemble des dépenses, selon une clé de répartition définie (Pologne, 2,48%; République tchèque, 0,9%; Hongrie, 0,65%).

4) L'adaptation du Traité sur les Forces conventionnelles en Europe :

L'évolution de la situation stratégique en Europe notamment la dissolution du Pacte de Varsovie rendait, en tout état de cause, nécessaire une adaptation du Traité sur les Forces conventionnelles en Europe, traité qui, comme on le sait, est fondé sur un principe d'équilibre quantitatif (plafond collectif) pour certains équipements conventionnels majeurs (chars, artillerie, véhicules blindés de combat, hélicoptères d'attaque, avions de combat) entre deux groupes de pays, ceux de l'Alliance Atlantique et ceux du Pacte de Varsovie. L'élargissement de l'OTAN rend cette adaptation encore plus nécessaire :

- l'élargissement n'est pas compatible avec le maintien des limitations liées au plafond collectif d'autant que les droits à dotation au titre du plafond collectif sont répartis par zone géographique; si tel était le cas, l'élargissement serait beaucoup plus difficile puisque les Alliés devraient faire une place aux équipements des nouveaux membres sans dépasser les plafonds collectifs tels qu'ils existent pour les 16.

- mais -c'est la deuxième considération- l'OTAN entend aussi tenir compte de certaines préoccupations russes à savoir que l'élargissement ne se traduise pas par une accumulation de forces à ses frontières.

les Alliés sont convenus de prendre en compte cette préoccupation mais sans pour autant accepter de dispositions qui pourraient être discriminatoires à l'égard des nouveaux membres de l'Alliance.

Les solutions en cours de définition :

Dans l'Acte Fondateur, il a été convenu que le niveau des nouveaux plafonds nationaux - c'est à dire les droits à dotation de chaque Etat - seraient agréés par consensus. L'existence de marges significatives dans certains cas entre les droits à dotation d'Etats parties au Traité et les dotations effectives de ces Etats permettra de procéder à certaines réductions de plafonds nationaux, ce qui constitue en pratique un premier élément de réponse.

De même les Alliés ont considéré, s'agissant de stationnements permanents d'unités de combat de pays membres de l'Alliance sur le territoire des nouveaux membres, que l'élément essentiel était d'obtenir que ce principe soit préservé et tel sera bien le cas. Il s'agit d'un point important pour des raisons de défense mais aussi pour des raisons politiques, au titre du développement de l'IESD (stationnement permanent d'unités multinationales). S'ils se produisent, ces stationnements permanents de forces étrangères doivent se situer dans le respect des plafonds territoriaux prévus pour chaque Etat.

Il est également essentiel de maintenir dans le fonctionnement des plafonds territoriaux - c'est à dire en ce qui concerne les niveaux d'équipements déployés sur le territoire d'un Etat partie quelle que soit la nationalité de ces équipements - suffisamment de souplesse pour que des activités communes d'entrainement, d'exercices, de mouvements de forces liés à des opérations de maintien de la paix puissent se dérouler sans entrave. Cela est également admis.

Une question en revanche n'est pas à ce stade résolue au sein de l'Alliance, et à fortiori avec les autres participants aux négociations d'adaptation du Traité FCE, c'est celle dite des déploiements temporaires , c'est à dire celle du volume de forces qui pourrait être déployé à titre non permanent mais pour d'autres activités ou dans d'autres circonstances ; en cas de crise par exemple. L'évaluation des besoins continuent à faire l'objet de débats au sein de l'Alliance, avec des arbitrages délicats entre :

-préoccupations militaires, résultant d'analyses unilatérales qui pousseraient à demander les marges les plus fortes possibles pour pouvoir réagir en cas de crise sans avoir à sortir du traité;

- et des préoccupations liées à la réciprocité (ce que les Alliés pourront faire en Pologne ou en Hongrie, les Russes pourraient le faire aussi en Belarus par exemple) et aux conséquences possibles de telles flexibilités dans la zone des flancs, au Caucase en particulier.

Je voudrais en conclusion appeler l'attention sur les points suivants :

1) la décision d'adhérer à l'OTAN bénéficie dans les trois pays concernés d'un large appui :

cas de la Hongrie : un referendum a été organisé ; le taux d'abstention a certes été élevé mais 85% des votants se sont prononcés pour le oui à l'adhésion

cas de la Pologne : le vote à la Diete aura lieu au moment du débat de ratification qui suivra la ratification par les 16 ; les sondages donnent des pourcentages de plus de 70% en faveur de l'adhésion.

cas de la République Tchèque : approbation par les deux assemblées, à des très fortes majorités (les trois quarts) de l'autorisation de ratification.

2) La décision d'élargissement n'a pas eu de conséquences négatives sur la relation OTAN/Russie comme elle n'a pas eu non plus de conséquences négatives sur les relations avec la Russie des pays qui ont signé en décembre 1997 leur protocole d'adhésion. La relation et la coopération OTAN/Russie se sont développées comme en témoigne par exemple la participation de la Russie à l'opération conduite par l'OTAN en Bosnie.

3) Les discussions n'ont pas encore repris dans l'Alliance sur la façon de poursuivre le processus d'élargissement. Il s'agit là à l'évidence d'une question majeure pour les prochains mois.".

Le directeur des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement a ensuite répondu aux questions des commissaires .

A l'intention de M. André Dulait, il a précisé que la nécessité d'une mise à niveau de l'instrument militaire qui se posait pour la plupart des pays candidats n'avait pas été un élément suffisant pour écarter, dans un premier temps, la Slovénie et la Roumanie. Il a souligné que ce dernier pays avait soulevé quelques interrogations sur son évolution politique et il a rappelé la crainte suscitée chez certains membres de l'Alliance, et en particulier aux Etats-Unis, par les risques qu'entraînerait pour l'efficacité opérationnelle de l'Alliance un élargissement trop rapide de cette organisation. Il a également indiqué que la Turquie n'avait pas donné suite à ses menaces de lier l'élargissement de l'Alliance à son intégration à l'Union européenne. Il a commenté par ailleurs les conditions dont le Sénat américain pourrait assortir la ratification par les Etats-Unis de l'adhésion au traité de l'Atlantique Nord de la Pologne, de la Hongrie et de la République tchèque, en soulignant que, si la mention habituelle du "partage du fardeau" et le rappel que le Conseil atlantique garde sa prééminence sur le Conseil conjoint OTAN-Russie ne posaient pas de réels problèmes, d'autres éléments comme l'établissement d'un lien entre l'élargissement de l'Alliance et celui de l'Union européenne et un éventuel moratoire sur l'élargissement (contradictoire avec le principe de la "porte ouverte") pouvaient constituer des sujets de préoccupation.

M. Régis de Belenet a indiqué à M. Jacques Habert que l'Acte fondateur signé entre l'Alliance atlantique et la Russie constituait une déclaration politique destinée à poser des principes ainsi que des mécanismes de consultation, tout en fixant certains engagements dans le domaine militaire, s'agissant du déploiement d'armes nucléaires ou de l'adaptation du traité sur les forces conventionnelles en Europe ; en aucun cas, l'Acte fondateur ne donnait à la Russie le moyen de bloquer le fonctionnement de l'OTAN, les seize membres de l'Alliance retrouvant toute leur autonomie de décision dans l'hypothèse où aucun accord ne pourrait être trouvé avec la Russie.

Enfin, le directeur des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement est revenu avec M. Xavier de Villepin, président, sur le nouveau concept stratégique de l'OTAN qui devrait être adopté à Washington en avril 1999, en indiquant qu'il viserait à mieux définir les nouvelles missions de l'Alliance (gestion de crises, opérations de maintien de la paix...). Il a marqué, à cet égard, l'opposition de la France à un éventuel contournement du Conseil de sécurité par une auto-saisine du Conseil de l'OTAN. Enfin, il a observé que la France souhaitait que les mesures d'allègement (en particulier la simplification des structures de commandement de l'Alliance) se poursuivent et que leur nécessité soit rappelée dans le nouveau concept stratégique.

GÉNÉRAL JEAN-PHILIPPE ROUX,
DIRECTEUR ADJOINT DE LA DÉLÉGATION AUX AFFAIRES STRATÉGIQUES AU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

- M. le Général Roux : "A leur réunion du 1 er décembre 1994, les Ministres des affaires étrangères de l'Alliance ont décidé d'engager un processus d'examen au sein de l'Alliance, pour déterminer la manière dont elle s'élargira.

Ceci faisait suite à un certain nombre de décisions capitales visant à sortir de la situation générée par la guerre froide : Création du Conseil de coopération Nord Atlantique en 1991, du Partenariat pour la Paix, en 1994.

Lors du sommet de Madrid des 8 et 9 juillet 1997 était prise solennellement la décision de lancer les démarches concrètes visant à intégrer une première vague de trois pays : La Hongrie, la Pologne et la République tchèque. Malgré les efforts soutenus de la France pour accroître la liste, notamment à la Roumanie, l'Alliance se fondant avant tout sur une analyse militaire, s'est limitée à ces trois pays. Elle a cependant affirmé qu'elle resterait ouverte à de nouveaux membres, conformément à l'article 10 du traité de Washington.

Après avoir rappelé les grandes lignes des raisons fondamentales, qui, d'un point de vue Défense, font de ces trois premiers grands pays de l'ex-Pacte de Varsovie, d'excellents candidats à une entrée dans l'Alliance, je décrirai les perspectives générales ouvertes par leur adhésion, avant d'en tirer quelques conclusions quant aux perspectives qui sont ainsi créées pour nous-mêmes.

Rappelons d'abord les engagements que doivent prendre les nouveaux membres qui entrent dans l'Alliance :

. Unir de manière réaliste leurs efforts pour la défense collective et la préservation de la paix et de la sécurité et s'engager à régler par des moyens pacifiques tous différends internationaux dans lesquels ils pourraient être impliqués.

Compte tenu des tensions inhérentes aux décisions internationales imposées par l'histoire à ces pays en matière de délimitation des frontières, l'appartenance à l'Alliance, et surtout la préparation de cette appartenance, entraînent une garantie réelle de stabilité pour l'Europe.

. Contribuer au développement de relations internationales pacifiques et amicales en renforçant leurs libres institutions et en développant les conditions propres à assurer la stabilité et le bien être.

Ceci constitue une démarche fondamentale, dans le droit fil de ce que les populations de ces pays ont obtenu, en se dégageant de la tutelle soviétique. La marche vers le progrès, ainsi déclenchée, qui implique une renonciation à un effort en matière d'armement et de préparation des forces hors de proportion avec la réalité internationale, donne là aussi une garantie supplémentaire de stabilité à la nouvelle architecture européenne. Le Pacte de stabilité en Europe, initié par la France, et dont le suivi a été confié à l'OSCE, qui comporte déjà de nombreux traités et accords bilatéraux, reçoit là une nouvelle impulsion.

. Enfin, l'engagement de maintenir l'efficacité de l'Alliance, en partageant les rôles les risques et les responsabilités et les coûts.

Ceci entraîne l'assurance que ces pays joueront un rôle à part entière dans la nouvelle Alliance, sans impliquer une augmentation hors de propos de l'effort de défense des 16 membres actuels de l'OTAN.

Resituons l'événement dans son cadre général, afin d'en tirer les leçons.

Il est clair, que l'élargissement de l'Alliance se produit dans des conditions essentiellement différentes que celles qui prévalaient jusqu'ici. Les risques de conflit auxquels l'OTAN doit faire face sont notoirement diminués, et surtout ils ne sont plus, fort heureusement, à horizon raisonnable dans une problématique d'affrontement de super puissances. La Russie, par son engagement dans une concertation étroite avec l'OTAN, par sa participation effective à des opérations de maintien de la paix aux côtés des occidentaux, n'est plus l'ennemi d'hier, et le nouveau concept de l'Alliance, qui sera adopté au sommet de Washington de 1999 en prendra clairement acte.

Il demeure, et tous les Alliés en conviennent, des risques pour la sécurité de l'Europe, qui se présentent sous des formes complexes, politiquement difficilement prévisibles, mais que l'analyse stratégique, et aussi la mémoire de l'Histoire, réussissent quand même à cerner.

Il est donc indispensable, sans que cela constitue une alarme excessive pour la Russie, d'engerber dans une Alliance aussi structurée que l'OTAN, les grands pays de l'Est, qui vivraient sinon, de manière difficile, leurs premiers pas de liberté vis-à-vis de l'ancienne puissance dominatrice.

On peut le vérifier en observant la situation dans le glacis de la Russie.

La dynamique ainsi créée, ainsi que les efforts énergiques des nouveaux membres pour se mettre aux standards techniques, mais aussi démocratiques de leurs nouveaux alliés, aura, on peut en être certain, un effet d'influence, sur les autres pays, qui aspirent à être eux-mêmes admis, et aussi, pourquoi pas sur les anciens membres de l'Alliance, qui ont quelquefois, pour certains d'entre eux, trop perdu de vue l'esprit du traité de Washington.

L'élargissement de l'Alliance s'inscrit également dans l'élargissement de l'Union européenne, et introduit un élément de cohérence entre l'organisation principale de défense commune des européens et l'Union économique et monétaire du troisième millénaire.

Dès la décision politique initiale de l'Alliance, des dispositions précises ont été prises afin de déterminer les conditions dans lesquelles les pays se trouvaient en matière de défense, et les engagements qu'ils prendraient pour appuyer leurs candidatures.

Une première série de travaux s'est centrée sur les questions spécifiques de la relation future des trois pays avec la structure militaire de l'Alliance, et surtout sur leur participation à la planification de défense de l'organisation militaire intégrée.

Mais les discussions les plus difficiles ont eu trait aux questions budgétaires et à la détermination des quote-parts et modalités régissant la participation aux activités de l'OTAN financées en commun.

Les trois candidats se sont ainsi engagés à souscrire sans réserve au concept stratégique de l'OTAN, et tout particulièrement au volet nucléaire. Ils ont bien noté que dans sa déclaration du 10 décembre 1996, l'OTAN a déclaré « qu'il n'a aucune intention, aucun projet, et aucune raison de déployer des armes nucléaires sur le territoire de nouveaux membres, et n'a aucunement besoin de modifier un quelconque aspect de son dispositif ou de sa politique nucléaire et n'en prévoit nullement le besoin pour l'avenir. »

En ce qui concerne la planification opérationnelle, les trois pays se sont déclarés prêts à participer à toutes les gammes des missions de l'Alliance.

La République tchèque s'est ainsi engagée à entrer dans l'Alliance « dans toute la mesure de ses moyens ». Elle prévoit actuellement, en effet, d'y affecter 90% de ses forces armées, soit l'intégralité de ses forces opérationnelles.

La Hongrie a attribué également le gros de ses forces à la force de défense principale alliée multinationale, et s'est engagée à fournir des unités au dispositif d'appui tactique et de soutien aux forces de réaction.

La Pologne, quant à elle destine toutes ses forces opérationnelles au dispositif militaire de l'Alliance

L'effort le plus sensible, accepté par les trois candidats se situe incontestablement sur le plan de l'affectation des ressources financières, qu'ils se proposent de consacrer à la Défense.

La République tchèque dès le 18 septembre 1996, a adopté une résolution en vertu de laquelle la part des dépenses militaires dans le PIB augmenterait de 0.1% par an, pour atteindre environ 2% du PIB d'ici à l'an 2000. Suivant cette résolution le gouvernement a prévu pour le budget 1998, d'accroître ses dépenses de défense de 17% en valeur réelle, soit 26% en valeur nominale, par rapport à 1997.

La république de Hongrie, s'est engagée à faire enregistrer à ses dépenses de défense une hausse graduelle et constante dans les prochaines années. Il est planifié d'accroître chaque année le budget d'environ 10 % en valeur réelle, et ce sur la période 1999-2001. La part des dépenses dans le PIB augmenterait ainsi annuellement de 0,1% pour atteindre 1.81% d'ici 2001. Le budget 1998 affiche en objectif une part de 1,51 % du PIB soit une progression en valeur réelle de 10,2% par rapport à 1997.

La Pologne s'est déclarée prête, quant à elle, à mettre en chantier un plan à 15 ans de développement et de modernisation des forces armées. Au cours des cinq prochaines années la part du budget de la défense consacrée à l'acquisition et à la modernisation des équipements devrait augmenter de 3% de plus que le budget global de l'Etat. D'ici à 2012, le budget de la défense serait supérieur de 56% en valeur réelle à celui de 1998.

Les besoins militaires peuvent être traduits en capacités à l'intérieur de chaque grande fonction étudiée.

L'amélioration des systèmes de commandement des trois pays invités doit conduire à assurer une interopérabilité complète avec les systèmes alliés et surtout à étendre le système de commandement de l'OTAN à tout le territoire des nouveaux membres.

Mais c'est surtout l'extension du système de défense aérienne de l'Alliance, qui est significatif. Il est en effet nécessaire de construire sur des infrastructures souvent défaillantes, d'une part, un système de communication performant, compatible avec celui de l'Alliance (stations sol et interface avec le système allié de détection aéroporté AWACS), mais aussi de réaliser un réseau de radars de défense aérienne et des centres de détection et de contrôle, en mesure de conduire des opérations aériennes de grande ampleur.

En matière d'infrastructure le bilan général est bon, en ce qui concerne les voies ferroviaires et routières, mais un effort important est à faire sur les bases aériennes, qui doivent dans leur ensemble faire l'objet de modernisations.

L'engagement consenti, par l'Alliance, sur 10 ans, au profit des trois pays candidats, pour leur permettre de rejoindre la "terre promise" de l'OTAN, est considérable. Notons, par exemple, que pour le commandement et contrôle, la défense aérienne et l'entraînement; plus de 7 milliards de francs seront engagés par les 16 membres de l'Alliance, au profit de leurs nouveaux alliés.

Pour financer cet effort, il a été choisi de redéployer les ressources rendues disponibles par les économies résultant de la restructuration de l'OTAN. C'est à ce titre, que l'on est en droit de se demander si les plans prévus seront bien tenus, car on doute qu'une organisation aussi lourde que l'OTAN échappe à une augmentation de son coût de fonctionnement, même au prix de la réduction de près de deux tiers de ses états-majors.

La France a un intérêt stratégique évident à promouvoir l'avènement de ces trois candidats, même si sa vision n'est pas identique à celle de certains de ses alliés.

En effet, l'offre faite de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 10 du traité de Washington est totalement compatible avec la vision française de l'identité européenne de défense. Accroître la zone de stabilité et de sécurité plus à l'Est, ne pas laisser livrés à eux-mêmes les anciens obligés de l'URSS, relève de la plus élémentaire prudence.

En revanche, limiter cette ouverture à trois pays revient à donner un signal doublement négatif.

Négatif d'abord vis à vis de la Russie qui tirera vite la conclusion que sont uniquement admis dans l'Alliance les pays qui représentent un potentiel militaire significatif pour l'OTAN, donnant ainsi une connotation résolument offensive à cet élargissement. Il ne s'agit pas, selon nous, de reporter à l'Est ce qui fut pendant 40 ans la ligne de démarcation des deux blocs antagonistes, issus de la deuxième guerre mondiale.

Négatif aussi vis-à-vis des autres pays, qui se sentiront victimes d'un jugement discriminatoire et dotés d'un statut moins honorable que leurs plus puissants voisins. Par définition dans une situation moins enviable, ils risquent de perdre leur élan vers la démocratie et même, pour certains, de retourner vers une nostalgie du passé. Personne ne peut souhaiter une telle situation.

C'est pourquoi, dès le sommet de Madrid, la France a plaidé jusqu'au dernier moment, pour une conception plus généreuse, plus stratégique de l'élargissement et aussi, admettons-le, moins militaire. Cet effort sera poursuivi dans la perspective du sommet de Washington.

Il était également tout aussi primordial de ne pas donner aux futurs nouveaux alliés le sentiment que la position de la France vis à vis de l'organisation militaire intégrée, sa vision plus généreuse de l'élargissement en faisait un allié moins enthousiaste pour accueillir les nouveaux arrivants. C'est donc sans aucune arrière pensée, que la France a déployé ses efforts pour apporter toute l'aide possible aux trois candidats à l'intégration, soit en bilatéral, soit en multinational, notamment dans le cadre du partenariat pour la paix.

Venons-en maintenant pays par pays, à une approche plus analytique du problème, à travers le prisme de notre propre vision stratégique.

La Pologne est, de par ses caractéristiques exceptionnelles, au premier rang des efforts français de coopération de défense. Sa population de 39 millions d'habitants, et ses effectifs militaires qui dépassent les 200 000 hommes la placent aisément à la première place parmi les pays ECOB.

La Pologne participe activement à la sécurité et à la coopération régionale, sans d'ailleurs cacher sa légitime ambition de faire la preuve de son rang de puissance à part entière. Depuis 1989, sa politique étrangère poursuit quatre objectifs majeurs :

- l'ancrage occidental

- la normalisation et le développement des relations avec l'Allemagne

- le développement des relations avec les nouveaux Etats issus de l'URSS

- la recherche d'une coopération régionale active.

Elle s'est fortement engagée dans la coopération régionale dite de « VISEGRAD », avec la république tchèque la Slovaquie et la Hongrie, mais surtout, au sein du triangle de WEIMAR (France Allemagne Pologne). Elle y déploie, notamment en matière de défense, une politique équilibrée et résolue, visant à obtenir le meilleur appui de ses deux grands alliés, pour faciliter son intégration dans l'OTAN.

Dans leur déclaration clôturant leur réunion des 2 et 3 novembre 1997, les trois ministres ont d'ailleurs solennellement déclaré qu'ils entendaient faire porter l'effort sur les domaines suivants :

. la mise en oeuvre complète du programme triennal pour la coopération militaire et politico-militaire, incluant une révision annuelle des objectifs en fonction des résultats déjà obtenus

. la poursuite des travaux d'harmonisation dans la perspective d'une politique de défense commune ;

. l'intensification des mesures de soutien à l'intégration de la Pologne à l'Alliance atlantique en particulier dans le domaine des infrastructures de l'OTAN, de la préparation du personnel, du processus de planification des forces armées, ainsi que des procédures opérationnelles.

A cette occasion, M. Alain Richard, ministre de la défense, a indiqué à ses deux collègues, M. Ruehe et M. Onyzskiewicsz qu'il lançait trois initiatives visant à promouvoir l'effort ainsi défini :

. la participation d'un groupe d'avions de combat français à des activités de formation et d'entraînement commun en Pologne dont la première étape serait matérialisée par la mise en place d'un demi-escadron de Mirage 2000, à l'été prochain

. la mise à disposition des autorités polonaises d'un concours français en experts spécialisés dans l'audit des bases aériennes

. la constitution à Varsovie d'une véritable mission militaire française suffisamment étoffée, pour faire face aux besoins et à la dynamique de la coopération en procédant par redéploiement de nos moyens en personnels dès 1998.

Lors de la dernière réunion du triangle de Weimar, le 19 avril 98 à St Rémy de Provence, ont été réitérées ces intentions et signé, le lendemain, entre les deux ministres français et polonais, un accord relatif aux procédures liées aux principes du trafic aérien réciproque des aéronefs d'Etat dans l'espace aérien contrôlé par les deux Pays.

Dans notre effort bilatéral de coopération, la Pologne est donc bien identifiée parmi les pays d'Europe centrale, comme le pays prioritaire, avec un rôle de pays relais dans sa zone géographique naturelle d'influence.

La coopération franco-polonaise repose sur un arrangement signé le 15 juin 1992. Il est apparu, depuis, compte tenu de l'intensité de notre coopération que cet arrangement de 1992 méritait d'être complété. Les deux ministres de la défense ont ainsi convenu de procéder au cours de l'année 1998 à la signature d'un accord intergouvernemental sur la coopération de défense, juridiquement plus contraignant et d'une portée politique supérieure.

Par ailleurs, un projet d'accord de sécurité de protection des informations classifiées est en cours.

Enfin, pour l'année 1998, il convient de noter qu'une centaine d'actions de coopération est programmée, dont la plus spectaculaire est évidemment le déploiement, déjà cité, de Mirage 2000 sur la base de Minsk MAZOWIECKI.

Sur le plan géostratégique, la Hongrie constitue un trait d'union entre l'Europe orientale du Nord au Sud. Elle dispose de frontières avec les Etats centre européens (Autriche, Slovaquie, Roumanie) avec des pays issus de la recomposition de l'Ex-Yougoslavie (Slovénie, Croatie, Serbie) et avec l'Ukraine issue de l'Ex-URSS. En revanche, elle ne possède aucune frontière avec des Etats appartenant à l'OTAN. Sa population de 10.2 millions d'habitants, et ses effectifs militaires d'environ 44 000 hommes situent la Hongrie en bonne place parmi les pays ECOB. Par ailleurs, la présence de minorités magyares dans les pays proches stimule la normalisation des rapports avec les Etats abritant ces minorités. (Roumanie, 1.7 millions, Slovaquie 600 000, ex Yougoslavie 400 000, Ukraine 200 000) ; Ne serait ce que dans ce domaine les efforts déployés, dans la perspective de l'adhésion à l'OTAN sont d'une valeur stratégique primordiale.

Le jeu de l'alternance et la stabilité institutionnelle démontrent la maturité politique de la Hongrie. Il est important de noter, que l'objectif d'intégration à l'OTAN est graduellement rattrapé par celui de l'adhésion à l'Union. La Hongrie a nettement opté, sans contredire ses déclarations initiales pour « avoir l'armée de ses besoins et non l'armée que pourrait désirer l'OTAN ». Elle affiche dans cette optique une nette préférence pour l'intégration de ses forces armées au commandement sud de l'Alliance (AFSOUTH) et indique, déjà, qu'il faudrait faire évoluer ce commandement trop marqué par sa dimension navale, afin de répondre aux défis de l'Europe du Sud Est et du Caucase. C'est dire que la politique de la France, vis à vis de ce commandement est comprise, même si pour l'instant, pour des raisons évidentes, la Hongrie reste dans une réserve prudente.

La coopération de défense de la Hongrie avec la France repose sur l'arrangement administratif du 21 juin 1991, et comporte pour 1998, 53 actions de coopération. La visite du Président de la République à Budapest, en février 97, l'accueil très positif réservé au Ministre de la défense les 22 23 février derniers, ainsi que la première livraison, le 22 janvier des missiles MISTRAL de MATRA, ainsi que la signature de l'accord de sécurité franco-hongrois le 23 février, constituent autant de signes qui incitent à développer, surtout qualitativement, notre coopération de défense avec la Hongrie.

Elle s'articule sur des échanges bilatéraux d'unités et un soutien visant à favoriser la mise aux normes occidentales des forces armée hongroises.

Enfin, et compte tenu des bons résultats initiaux, la France s'efforce de développer une coopération industrielle de premier plan, dans une dynamique européenne.

Les Etats-Unis et l'Allemagne sont les pays qui ont mis en oeuvre les plans de coopération les plus ambitieux avec la République tchèque. La France se situe à la troisième place, et si le dialogue franco-tchèque est très intense et emprunt d'une grande franchise, en revanche, force est de constater que l'absolue priorité à l'intégration dans l'OTAN, et partant, à la consolidation des liens avec les Etats-Unis, freine les réalisations concrètes franco-tchèques, en particulier dans le domaine de la coopération en matière d'armement.

Il est intéressant de noter, pour illustrer ce propos, que la république tchèque, en mars 97, a décidé d'appliquer l'embargo sur les relations avec la Libye, et s'est signalée, lors de la récente crise Nations Unies Irak, par l'offre immédiate d'un soutien logistique, en cas d'attaque contre l'Irak.

L'arrangement franco-tchèque, qui fonde notre coopération de défense, a été signé le 14 novembre 1997, par nos deux Ministres de la Défense. Sa véritable entrée en vigueur dépend cependant de l'adoption d'un accord intergouvernemental relatif au séjour temporaire des membres des forces armées sur le territoire de l'autre Etat.

La coopération bilatérale est organisée par un plan annuel fourni, et a permis, en 97 la réalisation de 85 actions. Cette coopération est à dominante terre avec un accent particulier sur les forces spéciales. Dans le domaine technique, nos activités sont diversifiées avec un effort sur la formation des cadres.

Nous entretenons également un dialogue politico-militaire à fréquence semestrielle, sous l'égide du côté français, de la Délégation aux affaires stratégiques.

En matière d'équipement, nous avons fourni la totalité de l'infrastructure de télécommunications des armées, mais n'avons pas, en revanche, encore débouché sur des réalisations d'envergure, comme la modernisation de la flotte d'hélicoptères, la fourniture de missiles sol-air ou de postes radios de la 4 ème génération.

Nous portons nos efforts, actuellement sur la définition d'un projet majeur pluriannuel sur un sujet transversal, notamment dans le domaine de la formation des personnels.

Ainsi la France participe de manière efficace et transparente à l'intégration dans l'Alliance des trois pays retenus lors du sommet de Madrid, en application des orientations arrêtées par le Chef de l'Etat, et de la politique menée par le Gouvernement.

Cette attitude est accueillie très favorablement par les futurs alliés qui auraient pu redouter que la non-intégration de la France dans les structures militaires, se répercute sur le calendrier de leur propre adhésion.

La vitalité de notre coopération bilatérale, l'indépendance de nos options stratégiques fondamentales, en même temps que notre adhésion sans faille à l'esprit et à la lettre du traité de Washington, assurent à la France, une place particulière dans l'architecture européenne de sécurité.

Les investissements matériels et moraux, consentis au profit des trois futurs membres, donneront leurs pleins résultats, car les intérêts stratégiques de ces derniers feront peser la balance dans la direction que nous souhaitons, tant dans le domaine du nécessaire rééquilibrage des responsabilités euro-atlantiques que dans la mise en oeuvre d'une politique dynamique et stabilisatrice d'élargissement de la nouvelle Alliance".

Le général Jean-Philippe Roux a ensuite répondu aux questions des commissaires .

En réponse à MM. André Dulait et Maurice Lombard, le général Jean-Philippe Roux a estimé qu'à l'égard des partenaires potentiels que constituaient les trois nouveaux membres de l'OTAN, la France était desservie par deux facteurs négatifs : la réticence de ces pays à sélectionner des matériels français, elle-même issue de la disposition à privilégier les propositions commerciales des Etats-Unis ; l'existence d'un parc américain surabondant en matériels encore de bonne qualité, permettant des propositions de prime abord attractives, notamment dans le domaine aéronautique. La France se devait donc d'obtenir avant tout, à l'OTAN, comme chez les nouveaux partenaires, le respect des procédures d'appel d'offres. La France était en mesure de proposer des produits compétitifs dans des créneaux précis -radars et systèmes de communication par exemple.

Le général Jean-Philippe Roux n'a pas exclu qu'après une phase favorable aux matériels américains, les nouveaux pays membres de l'OTAN se tournent vers des alliés européens plus susceptibles d'offrir un partenariat équilibré, et notamment français.

Le général Jean-Philippe Roux a également précisé à M. André Dulait que la non-participation de la France à la structure intégrée ne fragiliserait pas notre position au sein de l'Alliance.

Le général Jean-Philippe Roux a également souligné qu'il était essentiel, que, dans la démarche engagée, la Russie ne se sente pas isolée, même si son potentiel militaire nucléaire et conventionnel demeurait impressionnant. En outre, il convenait de garder en mémoire l'immense sentiment de frustration ressenti, en 1989, par les militaires russes, contraints dans des conditions matérielles difficiles de quitter les pays de l'ex-pacte de Varsovie, et qui pouvait se traduire ici et là par le développement d'un sentiment de revanche.

En réponse à M. Xavier de Villepin, président, sur le risque d'étendre la garantie de l'article 5 du traité de Washington, le général Jean-Philippe Roux a rappelé que cet article prévoyait uniquement "qu'une attaque contre un pays membre sera considérée comme une attaque contre toutes les parties" mais que chaque Etat restait maître des actions qu'il jugerait nécessaires, "y compris l'emploi de la force armée".

MME NICOLE GNESOTTO,
PROFESSEUR À L'INSTITUT D'ÉTUDES POLITIQUES DE PARIS,
CHARGÉE DE MISSION AUPRÈS DU DIRECTEUR DE L'INSTITUT FRANÇAIS DES RELATIONS INTERNATIONALES

Evoquant tout d'abord les raisons qui ont conduit à l'élargissement de l'OTAN, Mme Nicole Gnesotto a souligné le paradoxe que constitue le fait que l'élargissement de cette institution militaire aux trois pays concernés ait été motivé par des raisons beaucoup plus politiques que militaires. En effet, les problèmes de sécurité qui se posent actuellement en Europe ne concernent pas la zone géographique à laquelle appartiennent ces pays.

Mme Nicole Gnesotto a alors mentionné les motivations politiques des Etats-Unis. Elle a successivement mentionné le souci américain de réussir la réconciliation avec les vaincus de la guerre froide en vertu de ce qu'elle a appelé un "anti-Traité de Versailles", afin de promouvoir un ordre de sécurité plus stable et plus durable en Europe, et la volonté des Etats-Unis de consolider l'OTAN après la disparition de la menace soviétique. Mme Nicole Gnesotto a ainsi souligné le "double élargissement" de l'OTAN souhaité par les Etats-Unis, à la fois sur les plans géographique et fonctionnel, l'extension de l'OTAN à l'Est allant de pair avec une modification des missions de l'OTAN en dehors des cas prévus par l'article 5.

Puis Mme Nicole Gnesotto a commenté les autres justifications de l'élargissement :

- contribuer à la stabilisation des processus de démocratisation en Europe centrale et orientale, l'élargissement devant, dans cette perspective, consacrer l'enracinement démocratique des pays de l'ancien bloc soviétique ;

- répondre favorablement à des demandes d'alliance impossibles à refuser à des pays qui semblent tenir toutes leurs promesses en matière de libéralisme économique et de démocratisation ;

- éviter que l'Allemagne ne se situe à la frontière orientale de l'Alliance et de l'Union européenne, cette motivation étant plus spécifique à l'Allemagne qu'aux autres membres de l'OTAN.

Une dernière motivation américaine, dont Mme Nicole Gnesotto a relevé le caractère secondaire, résidait enfin dans le désir des Etats-Unis d'obtenir de nouveaux marchés en matière de ventes de matériels d'armement, dans le cadre de la rivalité euro-américaine dans ce domaine.

Mme Nicole Gnesotto a ensuite abordé les questions soulevées par l'élargissement, compte tenu des inquiétudes exprimées par le Congrès américain et par certains pays européens.

En ce qui concerne la situation de la Russie, Mme Nicole Gnesotto a montré les concessions effectuées par l'administration américaine dans le cadre de l'"Acte fondateur" signé en mai 1997, qui a reconnu, de fait, à la Russie un droit de veto sur certaines activités de l'OTAN, tout en évitant une extension à l'Est de l'appareil militaire de l'OTAN et des Etats-Unis. Selon Mme Nicole Gnesotto, les modalités de l'élargissement de l'OTAN ne sauraient, de ce fait, être jugées humiliantes pour la Russie.

Quant aux difficultés soulevées par les pays exclus de l'élargissement, dont certains auraient pu craindre qu'ils soient rejetés dans la sphère de sécurité russe, Mme Nicole Gnesotto a estimé que les nombreux accords de coopération conclus par l'OTAN avec des pays de l'ancien bloc soviétique contribuaient à atténuer la différence entre les nouveaux membres et les autres pays candidats, et que l'élargissement ne créait pas une nouvelle ligne de fracture sur le continent européen.

Mme Nicole Gnesotto a alors commenté l'incidence financière, selon elle relativement modique, de l'élargissement -que les Etats-Unis voulaient imputer aux seuls pays européens de l'Alliance- les dernières estimations portant sur un coût relativement modeste de 1,5 milliard de dollars sur dix ans, alors que les premières estimations portaient sur une dépense supplémentaire de 120 milliards de dollars sur la même période.

Mme Nicole Gnesotto a donc, sur ce point, conclu que les principales inquiétudes suscitées par l'élargissement de l'OTAN avaient été apaisées. Elle a ensuite jugé positives les conséquences de ce premier élargissement sur la stabilité Est-Ouest, relevant, par ailleurs, des conséquences selon elle ambiguës pour le fonctionnement de l'OTAN, en raison de consensus par définition plus difficiles à atteindre avec 19 membres. Mme Nicole Gnesotto a, de surcroît, évoqué certaines inquiétudes récemment exprimées aux Etats-Unis à l'égard du maintien du leadership américain au sein de l'Alliance. Elle a également exposé les difficultés susceptibles de résulter, à court terme, pour l'instauration d'une défense européenne, de ce premier élargissement, même si, à plus long terme, ce processus pourrait augmenter le poids des pays européens au sein de l'OTAN.

Mme Nicole Gnesotto a ensuite mentionné les suites possibles du processus d'élargissement à la Roumanie, à la Slovénie et à l'Autriche. Elle a estimé que cette deuxième phase de l'élargissement ne pourrait intervenir qu'après une pause, s'interrogeant sur l'attitude des Etats-Unis à l'égard de la candidature roumaine, et jugeant prématurée l'intégration de l'Autriche. Elle a également souligné l'obstacle important que constitue l'opposition de la Russie à un nouvel élargissement, ainsi que les craintes américaines concernant des opérations de maintien de la paix auxquelles les Etats-Unis ne seraient pas favorables.

A la suite de cet exposé, M. André Dulait a posé la question de l'aptitude de l'OTAN et de l'Union européenne à répondre aux demandes sécuritaires des Etats baltes. Il s'est également interrogé sur l'avenir de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) au sein d'une Alliance atlantique élargie, rénovée et susceptible de s'approprier tous les aspects de la sécurité européenne. M. André Dulait a, par ailleurs, souhaité savoir si, selon Mme Nicole Gnesotto, l'élargissement de l'OTAN serait de nature à répondre aux inquiétudes suscitées par les risques d'instabilité en Méditerranée et au Proche-Orient.

M. Maurice Lombard a insisté sur le très vif sentiment d'humiliation suscité, selon lui, en Russie, par l'extension géographique de l'OTAN, celle-ci ne pouvant paraître aux yeux du peuple russe que comme "le geste du vainqueur", et non comme un "anti-traité de Versailles". M. Maurice Lombard a alors, avec M. Xavier de Villepin, président, estimé qu'une éventuelle extension de l'OTAN aux Etats baltes constituerait pour la Russie une manifestation encore plus évidente de sa défaite, et induirait des conséquences très préoccupantes en matière de sécurité européenne.

M. Xavier de Villepin, président, a ensuite posé la question du risque d'une éventuelle marginalisation de la France au sein d'une Alliance atlantique élargie.

En réponse aux intervenants, Mme Nicole Gnesotto, partageant le point de vue exprimé par MM. Maurice Lombard et Xavier de Villepin, président, sur les risques que poserait un éventuel élargissement de l'OTAN à d'anciens territoires soviétiques, a rappelé que les accords conclus par les Etats-Unis avec l'Ukraine et les trois Etats baltes étaient destinés à rassurer la Russie et à exclure toute demande d'adhésion de ces pays à l'OTAN. A cet égard, Mme Nicole Gnesotto a relevé que la charte de partenariat entre les Etats-Unis et les Etats baltes devait conduire l'Estonie à ne plus postuler à l'OTAN, alors même que l'intégration à venir de ce pays dans l'Union européenne justifierait une demande d'adhésion à l'UEO, considérée pourtant comme l'antichambre de l'OTAN.

Abordant ensuite, en réponse à une question de M. André Dulait, l'avenir de l'UEO après l'élargissement de l'OTAN, Mme Nicole Gnesotto s'est prononcée en faveur d'une admission simultanée de la Pologne, de la République tchèque et de la Hongrie à l'OTAN et à l'UEO, sans que cette formule trahisse, selon elle, la logique maastrichtienne qui reviendrait à maintenir la priorité de l'appartenance à l'Union européenne sur une adhésion à l'UEO. Or l'extension de l'Union européenne aux pays baltes sans adhésion simultanée à l'UEO reviendrait, selon Mme Nicole Gnesotto, à affaiblir celle-ci. En effet, si, dans la logique de l'émergence d'une défense européenne, l'UEO doit devenir un outil de gestion des crises, il est logique, a estimé Mme Nicole Gnesotto, que les nouveaux membres de l'OTAN appartiennent également à l'UEO.

En ce qui concerne l'extension éventuelle, évoquée par M. André Dulait, des possibilités d'intervention de l'OTAN à la Méditerranée et au Proche-Orient, Mme Nicole Gnesotto a mentionné les réflexions en cours en vue de l'élaboration du nouveau concept stratégique. Elle a rappelé le souhait des Américains de parvenir à une globalisation des compétences de l'OTAN, leur permettant de recourir aux infrastructures militaires de l'OTAN en vue de la gestion de crises non européennes. Elle a également souligné la volonté américaine -contraire à la position française- de faire intervenir l'OTAN sans mandat préalable des Nations unies.

En réponse aux réserves exprimées par M. Maurice Lombard sur la perception russe de l'élargissement de l'OTAN, Mme Nicole Gnesotto a insisté sur les concessions obtenues par la Russie parallèlement à une extension qui s'abstenait, a-t-elle souligné, de prendre des formes militaires. Elle a estimé que l'humiliation ressentie par le peuple russe tenait aux échecs militaires subis en Afghanistan et en Tchétchénie, ainsi qu'à l'appauvrissement économique de la Russie, plutôt qu'à l'élargissement de l'OTAN.

Commentant, à la demande de M. Xavier de Villepin, président, la place de la France au sein de l'OTAN, Mme Nicole Gnesotto a relevé le risque de marginalisation lié à l'échec qu'a constitué, à ses yeux, pour la diplomatie française, l'absence d'accord sur le commandement sud. Elle a néanmoins relevé le caractère désormais marginal de la question de l'appartenance aux structures militaires intégrées, se référant sur ce point à l'importance du rôle de la France au sein des forces de l'OTAN en Bosnie. Elle a, par ailleurs, estimé que, si la question de l'autonomie de la défense française par rapport aux structures intégrées de l'OTAN demeurait une question essentielle sur le plan politique, ce débat ne paraissait plus pertinent dans la pratique militaire.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent projet au cours de sa réunion du mercredi 13 mai 1998.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est instauré entre les commissaires.

M. Christian de La Malène a fait état de la grande perplexité qu'il éprouvait devant le projet d'élargissement de l'OTAN. Il avait le sentiment que des décisions très importantes étaient prises en dehors du Parlement : l'OTAN se transformait, les rapports avec la Russie étaient modifiés, de même la portée de l'article 5... En bref, a-t-il estimé, c'est la réalité du Pacte atlantique qui se trouvait ainsi fondamentalement changée sans que le Parlement en ait été suffisamment informé. C'est la raison pour laquelle il ne pouvait, pour sa part, approuver les projets de loi proposés.

M. André Dulait, rapporteur, a convenu que l'OTAN s'était transformée, mais dans le but de s'adapter au nouveau contexte stratégique prévalant aujourd'hui en Europe. Dès lors, a-t-il estimé, l'adhésion des trois nouveaux Etats à l'Organisation n'affectait pas les intérêts essentiels de l'Europe ou de la France.

M. Pierre Biarnès a estimé que cet élargissement était contraire à nos intérêts nationaux. Il allait, selon lui, à l'opposé de notre volonté de voir naître une Europe politique et militaire. Rappelant son hostilité constante à l'OTAN, M. Pierre Biarnès a estimé que la position des Etats-Unis révélait à la fois un désir d'hégémonie sur l'Europe occidentale et la nostalgie du "partenariat" avec Moscou.

M. Nicolas About s'est demandé si l'élargissement proposé contribuerait réellement à la défense de l'Europe, la Pologne, la Hongrie et la République tchèque étant trois pays stables de l'Europe centrale. Il a craint par ailleurs que, derrière les règles de l'interopérabilité des équipements militaires, n'apparaisse par trop le souci des industries d'armement américaines de conquérir de nouveaux marchés. Il a enfin estimé que cet élargissement traduisait l'incapacité de l'Europe à prendre ses responsabilités en matière de défense et de sécurité. A son avis, les dépenses consacrées à l'élargissement auraient pu trouver meilleur emploi pour lutter contre les risques du nucléaire civil, contre la prolifération ou encore contre les mafias. M. Nicolas About a conclu en souhaitant que nous ne nous fassions pas les complices de la lutte d'influence conduite par les Etats-Unis en Europe.

M. Jean-Luc Bécart, après avoir salué la qualité de la présentation des projets de loi par le rapporteur, a déclaré que l'élargissement de l'OTAN vers la Russie était, selon lui, une erreur qui ne servait pas les intérêts militaires ou politiques de l'Europe. L'élargissement des compétences de l'OTAN lui paraissait par ailleurs dangereux. Il convenait, a estimé M. Jean-Luc Bécart, de ne pas sous-estimer les "crispations" russes et leurs conséquences éventuelles sur la période de l' "après-Eltsine".

M. Xavier de Villepin, président, a relevé les déclarations du rapporteur concernant l'article 5 du traité de Washington et il s'est interrogé sur la portée et la signification de cet article dans le cadre d'une OTAN qui évolue considérablement. Il s'est également inquiété de l'avenir de l'UEO dans ce nouveau contexte. Il a enfin souligné les risques liés à l'instabilité de certaines régions européennes, à l'exemple du Kosovo aujourd'hui.

M. André Dulait, rapporteur, a fait observer que l'article 5 demeurait un élément central de l'Alliance atlantique, mais que l'évolution stratégique rendait son éventuelle mise en oeuvre, au sens d'une riposte militaire globale, plus improbable que du temps de la guerre froide. Il a reconnu que pour les pays candidats à l'élargissement de l'OTAN, celle-ci représentait -de par l'implication des Etats-Unis- une garantie de sécurité que ne leur offrait pas encore le cadre européen.

M. Xavier de Villepin, président, a alors estimé que l'intérêt de la France était de ratifier cet élargissement, compte tenu notamment de l'attente très forte des trois pays concernés, traditionnellement amis de la France. Il a souligné que les réserves légitimes exprimées par certains commissaires ne devaient en aucune manière conduire à rejeter un processus d'élargissement qui répondait à l'évolution du continent européen dans le contexte de l'après-guerre froide.

Après que M. Pierre Biarnès eut invité le rapporteur à informer notre Assemblée des vives réserves exprimées au cours du débat en commission, M. André Boyer a indiqué qu'il voterait les trois projets de loi proposés. Il s'est cependant inquiété des rapports futurs entre l'OTAN et l'ONU ainsi que de la pertinence des efforts déployés pour doter l'UEO de forces militaires propres.

La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, approuvé les trois projets de loi qui lui étaient soumis.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée la ratificatin du protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Hongrie, signé à Bruxelles le 16 décembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi 15( * ) .

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée la ratification du protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Pologne, signé à Bruxelles le 16 décembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi 16( * ) .

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée la ratification du protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République tchèque, signé à Bruxelles le 16 décembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi 17( * ) .

ANNEXE N° 1-
ETUDE D'IMPACT 18( * )

sur les projets de lois autorisant la ratification du Protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Hongrie, de la République de Pologne et de la République tchèque.

- Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances : néant.

- bénéfices escomptés : indication concrète et de préférence chiffrée en matière :

* d'emploi : néant.

* d'intérêt général (développement culturel, protection de l'environnement ...) : néant.

* financière :

Les autorités financières de l'Alliance atlantique ont évalué les coûts collectifs pour l'OTAN liés à cet élargissement, à l'exclusion d'autres catégories des dépenses, comme la modernisation des forces armées, qui ne relèvent pas directement de l'élargissement de l'OTAN et qui sont à la charge des futurs membres. Ces mêmes travaux ont toutefois également établi que les membres actuels de l'Alliance disposaient déjà des capacités militaires pour faire face aux nouvelles obligations liées à l'élargissement et qu'en conséquence des efforts nationaux supplémentaires n'étaient pas nécessaires.

Les coûts communs, estimés à 1,5 milliard de dollars sur 10 ans, concernent avant tout le financement d'investissements dans le domaine des infrastructures militaires (défense aérienne, connexion des nouveaux membres aux réseaux de communication et de contrôle de l'OTAN ...). Les autres budgets communs -fonctionnement des administrations civile et militaire- ne sont affectés que de façon marginale par l'élargissement.

Les alliés devraient pouvoir assumer ces coûts raisonnables dans le cadre des budgets existants, sans augmenter leurs contributions nationales. Un travail visant à exploiter les possibilités d'économies et de redéploiements de ressources a été engagé à cet effet par les autorités compétentes de l'OTAN.

* de simplification des formalités administratives : néant.

* de complexité de l'ordonnancement juridique : néant.

ANNEXE N° 2 -
TRAITÉ DE L'ATLANTIQUE NORD
(4 AVRIL 1949)

Les Etats parties au présent Traité, réaffirmant leur foi dans les buts et les principes de la Charte des Nations Unies et leur désir de vivre en paix avec tous les peuples et tous les gouvernements,

Déterminés à sauvegarder la liberté de leurs peuples, leur héritage commun et leur civilisation, fondés sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles et le règne du droit,

Soucieux de favoriser dans la région de l'Atlantique Nord le bien-être et la stabilité,

Résolus à unir leurs efforts pour leur défense collective et pour la préservation de la paix et de la sécurité,

Se sont mis d'accord sur le présent Traité de l'Atlantique Nord :

Article 1

Les parties s'engagent, ainsi qu'il est stipulé dans la Charte des Nations Unies, à régler par des moyens pacifiques tous différends internationaux dans lesquels elles pourraient être impliquées, de telle manière que la paix et la sécurité internationales, ainsi que la justice, ne soient pas mises en danger, et à s'abstenir dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à l'emploi de la force de toute manière incompatible avec les buts des Nations Unies.

Article 2

Les parties contribueront au développement de relations internationales pacifiques et amicales en renforçant leurs libres institutions, en assurant une meilleure compréhension des principes sur lesquels ces institutions sont fondées et en développant les conditions propres à assurer la stabilité et le bien-être. Elles s'efforceront d'éliminer toute opposition dans leurs politiques économiques internationales et encourageront la collaboration économique entre chacune d'entre elles ou entre toutes.

Article 3

Afin d'assurer de façon plus efficace la réalisation des buts du présent Traité, les parties, agissant individuellement et conjointement, d'une manière continue et effective, par le développement de leurs propres moyens en se prêtant mutuellement assistance, maintiendront et accroîtront leur capacité individuelle et collective de résistance à une attaque armée.

Article 4

Les parties se consulteront chaque fois que, de l'avis de l'une d'elles, l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou la sécurité de l'une des parties sera menacée.

Article 5

Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.

Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales.

Article 6 19( * )

Pour l'application de l'article 5, est considérée comme une attaque armée contre une ou plusieurs des parties, une attaque armée :

- contre le territoire de l'une d'elles en Europe ou en Amérique du Nord, contre les départements français d'Algérie 20( * ) , contre le territoire de la Turquie ou contre les îles placées sous la juridiction de l'une des parties dans la région de l'Atlantique Nord au nord du Tropique du Cancer ;

- contre les forces, navires ou aéronefs de l'une des parties se trouvant sur ces territoires ainsi qu'en toute autre région de l'Europe dans laquelle les forces d'occupation de l'une des parties étaient stationnées à la date à laquelle le Traité est entré en vigueur, ou se trouvant sur la mer Méditerranée ou dans la région de l'Atlantique Nord au nord du Tropique du Cancer, ou au-dessus de ceux-ci.

Article 7

Le présent Traité n'affecte pas et ne sera pas interprété comme affectant en aucune façon les droits et obligations découlant de la Charte pour les parties qui sont membres des Nations Unies ou la responsabilité primordiale du Conseil de Sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Article 8

Chacune des parties déclare qu'aucun des engagements internationaux actuellement en vigueur entre Etats n'est en contradiction avec les dispositions du présent Traité et assume l'obligation de ne souscrire aucun engagement international en contradiction avec le Traité.

Article 9

Les parties établissent par la présente disposition un Conseil, auquel chacune d'elle sera représentée pour examiner les questions relatives à l'application du Traité. Le Conseil sera organisé de façon à pouvoir se réunir rapidement et à tout moment. Il constituera les organismes subsidiaires qui pourraient être nécessaires ; en particulier, il établira immédiatement un comité de défense qui recommandera les mesures à prendre pour l'application des articles 3 et 5.

Article 10

Les parties peuvent, par accord unanime, inviter à accéder au Traité tout autre Etat européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent Traité et de contribuer à la sécurité de la région de l'Atlantique Nord. Tout Etat ainsi invité peut devenir partie au Traité en déposant son instrument d'accession auprès du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique. Celui-ci informera chacune des parties du dépôt de chaque instrument d'accession.

Article 11

Ce Traité sera ratifié et ses dispositions seront appliquées par les parties conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Les instruments de ratification seront déposés aussitôt que possible auprès du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, qui informera tous les autres signataires du dépôt de chaque instrument de ratification. Le Traité entrera en vigueur entre les Etats qui l'ont ratifié dès que les ratifications de la majorité des signataires, y compris celles de la Belgique, du Canada, des Etats-Unis, de la France, du Luxembourg, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, auront été déposées et entrera en application à l'égard des autres signataires le jour du dépôt de leur ratification 21( * ) .

Article 12

Après que le Traité aura été en vigueur pendant dix ans ou à toute date ultérieure, les parties se consulteront à la demande de l'une d'elles, en vue de réviser le Traité, en prenant en considération les facteurs affectant à ce moment la paix et la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord, y compris le développement des arrangements tant universels que régionaux conclus conformément à la Charte des Nations Unies pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Article 13

Après que le Traité aura été en vigueur pendant vingt ans, toute partie pourra mettre fin au Traité en ce qui la concerne un an après avoir avisé de sa dénonciation le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, qui informera les gouvernements des autres parties du dépôt de chaque instrument de dénonciation.

Article 14

Ce Traité, dont les textes français et anglais font également foi, sera déposé dans les archives du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique. Des copies certifiées conformes seront transmises par celui-ci aux gouvernements des autres Etats signataires.

ANNEXE N° 3 -
ACTE FONDATEUR SUR LES RELATIONS, LA COOPÉRATION ET LA SÉCURITÉ MUTUELLES ENTRE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE ET L'ORGANISATION DU TRAITÉ DE L'ATLANTIQUE-NORD

La Fédération de Russie, d'une part, et l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord et ses Etats membres, d'autre part, ci-après dénommés la Russie et l'OTAN, se fondant sur un engagement politique durable souscrit au plus haut niveau politique, construiront ensemble une paix durable et ouverte à tous dans la région euro-atlantique, reposant sur les principes de la démocratie et la sécurité coopérative.

La Russie et l'OTAN ne se considèrent pas comme des adversaires. Elles ont pour objectif commun d'éliminer les vestiges de l'époque de la confrontation et de la rivalité, et d'accroître la confiance mutuelle et la coopération. Le présent Acte réaffirme la détermination de la Russie et de l'OTAN de donner corps à leur engagement commun de construire une Europe stable, pacifique et sans division. Une Europe entière et libre, au profit de tous ses peuples. Prendre cet engagement au plus haut niveau politique marque le début d'une relation fondamentalement nouvelle entre la Russie et l'OTAN. Celles-ci ont l'intention de développer, sur la base de l'intérêt commun, de la réciprocité et de la transparence, un partenariat fort, stable et durable.

Le présent Acte définit les objectifs et le mécanisme de consultation, de coopération, de décision conjointe et d'action conjointe qui seront au coeur des relations mutuelles entre la Russie et l'OTAN.

L'OTAN a entrepris une transformation historique, qui est appelée à se poursuivre. En 1991, l'Alliance a revu sa doctrine stratégique pour tenir compte du nouvel environnement de sécurité en Europe. En conséquence, l'OTAN a réduit de manière radicale ses forces conventionnelles et nucléaires et en poursuit l'adaptation. Tout en préservant la capacité de remplir les engagements pris dans le Traité de Washington, l'OTAN a renforcé et continuera de renforcer ses fonctions politiques et s'est chargée de nouvelles missions de maintien de la paix et de gestion des crises à l'appui des Nations unies et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), comme en Bosnie-Herzégovine, pour relever de nouveaux défis dans le domaine de la sécurité en étroite association avec d'autres pays et d'autres organisations internationales. L'OTAN est engagée dans l'élaboration de l'Identité européenne de sécurité et de défense (IESD) au sein de l'Alliance. Elle continuera de développer un mode de coopération large et dynamique avec les Etats participants de l'OSCE, en particulier au travers du Partenariat pour la paix, et travaille avec les pays partenaires sur l'initiative visant à créer un Conseil de partenariat euro-atlantique. Les Etats membres de l'OTAN ont décidé d'examiner le concept stratégique de l'OTAN afin de veiller à ce qu'il soit pleinement compatible avec la nouvelle situation et les nouveaux défis qui existent en Europe sur le plan de la sécurité.

La Russie poursuit l'édification d'une société démocratique et la réalisation de sa transformation politique et économique. Elle élabore le concept de sa sécurité nationale et révise sa doctrine militaire afin qu'ils soient parfaitement adaptés aux nouvelles réalités dans le domaine de la sécurité. La Russie a procédé à de profondes réductions de ses forces armées, a opéré, à une échelle sans précédent, un retrait de ses forces des pays d'Europe centrale et orientale et de la région de la Baltique, et a retiré toutes ses armes nucléaires vers son propre territoire national. La Russie est déterminée à réduire encore plus ses forces conventionnelles et nucléaires. Elle participe activement à des opérations de maintien de la paix à l'appui des Nations unies et de l'OSCE, ainsi qu'à la gestion des crises dans différentes régions du monde. La Russie contribue aux forces multinationales en Bosnie-Herzégovine.

I - PRINCIPES

Partant du principe que la sécurité de tous les Etats de la communauté euro-atlantique est indivisible, la Russie et l'OTAN travailleront ensemble pour contribuer à l'instauration en Europe d'une sécurité commune et globale, fondée sur l'adhésion à des valeurs, engagements et normes de comportement communs dans l'intérêt de tous les Etats.

La Russie et l'OTAN aideront à renforcer l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, notamment à développer encore son rôle d'instrument fondamental de diplomatie préventive, de prévention des conflits, de gestion des crises, de relèvement après un conflit et de coopération en matière de sécurité régionale, ainsi qu'à développer ses capacités opérationnelles pour l'accomplissement de ces tâches. L'OSCE, seule organisation de sécurité paneuropéenne, a un rôle clé dans la paix et la stabilité en Europe. En renforçant l'OSCE, la Russie et l'OTAN coopéreront à prévenir toute possibilité de retour à une Europe de division et de confrontation, ou l'isolement d'un Etat quel qu'il soit.

Tenant compte des travaux de l'OSCE sur un modèle de sécurité commun et global pour l'Europe du XXIe siècle, ainsi que des décisions du Sommet de Lisbonne concernant une Charte sur la sécurité européenne, la Russie et l'OTAN rechercheront la coopération la plus large possible entre les Etats participants de l'OSCE, afin de créer en Europe un espace de sécurité et de stabilité commun, sans lignes de division ni sphères d'influence limitant la souveraineté d'un Etat quel qu'il soit.

La Russie et l'OTAN posent en prémisses que l'objectif commun du renforcement de la sécurité et de la stabilité dans la région euro-atlantique au profit de tous les pays impose de faire face à des risques et à des défis nouveaux, tels que le nationalisme agressif, la prolifération des armes nucléaires, biologiques et chimiques, le terrorisme, la persistance de violations des droits de l'homme et des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ainsi que les différends territoriaux non résolus, qui sont autant de menaces pour la paix, la prospérité et la stabilité communes.

Le présent Acte n'affecte pas, et ne peut être considéré comme affectant, la responsabilité primordiale du Conseil de sécurité des Nations unies pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, ou le rôle de l'OSCE en tant qu'organisation générale et globale de consultation, de prise de décisions et de coopération dans sa zone et en tant qu'accord régional aux termes du Chapitre VIII de la Charte des Nations unies.

En appliquant les dispositions du présent Acte, la Russie et l'OTAN observeront de bonne foi les obligations qui sont les leurs en vertu du droit international et d'instruments internationaux, y compris les obligations découlant de la Charte des Nations unies et des dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme, ainsi que les engagements qu'elles ont pris aux termes de l'Acte final d'Helsinki et des documents ultérieurs de l'OSCE, y compris la Charte de Paris et les documents adoptés au Sommet de l'OSCE à Lisbonne.

Pour réaliser les objectifs du présent Acte, la Russie et l'OTAN fonderont leurs relations sur un engagement commun en faveur des principes ci-après :

. développement, sur la base de la transparence, d'un partenariat fort, stable, durable et égal ainsi que de la coopération pour renforcer la sécurité et la stabilité dans la région euro-atlantique ;

. reconnaissance du rôle essentiel que jouent la démocratie, le pluralisme politique, la primauté du droit, le respect des droits de l'homme et des libertés civiles et le développement d'économies de marché dans le développement de la prospérité commune et de la sécurité globale ;

. abstention du recours à la menace ou à l'emploi de la force l'une contre l'autre ainsi que contre tout autre Etat, sa souveraineté, son intégrité territoriale ou son indépendance politique, de toute manière qui soit incompatible avec la Charte des Nations unies et avec la Déclaration sur les principes régissant les relations mutuelles des Etats participants consignée dans l'Acte final d'Helsinki ;

. respect de la souveraineté, de l'indépendance et de l'intégrité territoriale de tous les Etats et de leur droit inhérent de choisir les moyens d'assurer leur sécurité, de l'inviolabilité des frontières et du droit des peuples à l'autodétermination tels qu'ils sont consacrés dans l'Acte final d'Helsinki et dans d'autres documents de l'OSCE ;

. transparence mutuelle dans la formulation et la mise en oeuvre de la politique de défense et des doctrines militaires ;

. prévention des conflits et règlement des différends par des moyens pacifiques conformément aux principes des Nations unies et de l'OSCE ;

. soutien au cas par cas d'opérations de maintien de la paix menées sous l'autorité du Conseil de sécurité des Nations unies ou la responsabilité de l'OSCE.

II - MÉCANISME DE CONSULTATION ET DE COOPÉRATION, LE CONSEIL CONJOINT PERMANENT RUSSIE-OTAN

Afin de mener les activités et de poursuivre les buts prévus par le présent Acte, ainsi que d'élaborer des approches communes de la sécurité européenne et des problèmes politiques, la Russie et l'OTAN créeront le Conseil conjoint permanent Russie-OTAN. L'objectif central de ce Conseil conjoint permanent sera d'instaurer des niveaux croissants de confiance ainsi qu'une unité de dessein et des habitudes de consultation et de coopération entre la Russie et l'OTAN, afin de renforcer la sécurité de l'une et de l'autre et celle de tous les pays de la région euro-atlantique, sans réduire la sécurité de qui que ce soit. Si des désaccords surgissent, la Russie et l'OTAN s'efforceront de les régler dans un esprit de bonne volonté et de respect mutuel, dans le cadre de consultations politiques.

Le Conseil conjoint permanent offrira un mécanisme de consultation, et, dans toute la mesure du possible, là où il y aura lieu, de décision conjointe et d'action conjointe sur les questions de sécurité d'intérêt commun. Les consultations ne s'étendront pas aux affaires internes de la Russie, de l'OTAN ou des Etats membres de l'OTAN.

La Russie et l'OTAN ont pour objectif commun d'identifier et d'exploiter le maximum de possibilités d'action conjointe. Elles comptent qu'à mesure que leurs relations se développeront, d'autres possibilités d'action conjointe se présenteront.

Le Conseil conjoint permanent sera le principal lieu de consultation entre la Russie et l'OTAN en cas de crise ou dans toute autre situation mettant en cause la paix et la stabilité. Des réunions extraordinaires du Conseil se tiendront en plus des réunions ordinaires, pour permettre de procéder rapidement à ces consultations en cas d'urgence. Dans ce contexte, la Russie et l'OTAN se consulteront rapidement au sein du Conseil conjoint permanent au cas où l'un des membres du Conseil constaterait l'existence d'une menace pour son intégrité territoriale, son indépendance politique ou sa sécurité.

Les activités du Conseil conjoint permanent se fonderont sur les principes de la réciprocité et de la transparence. Dans le cadre du processus de consultation et de coopération, la Russie et l'OTAN s'informeront mutuellement des problèmes de sécurité qu'elles rencontreraient et des mesures que chacune compterait prendre pour y remédier.

Les dispositions du présent Acte ne donnent ni à la Russie ni à l'OTAN, de quelque façon que ce soit, un droit de veto sur les actions de l'autre partie ; de même, elles n'empiètent pas sur le droit de la Russie ou de l'OTAN de prendre des décisions et de mener des actions de manière indépendante, et ne restreignent pas ce droit. Elles ne peuvent servir de moyen de porter préjudice aux intérêts d'autres Etats.

Le Conseil conjoint permanent se réunira à différents niveaux et sous différentes formes, selon la question à traiter et les souhaits de la Russie et de l'OTAN. Il se réunira deux fois par an au niveau des Ministres des affaires étrangères et au niveau des Ministres de la défense, et une fois par mois au niveau des ambassadeurs/représentants permanents auprès du Conseil de l'Atlantique Nord.

Le Conseil conjoint permanent pourra également se réunir, en tant que de besoins, au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement.

Le Conseil conjoint permanent pourra établir des comités ou des groupes de travail pour des sujets ou des domaines de coopération particuliers, sur une base ad hoc ou à titre permanent, comme il conviendra.

Sous les auspices du Conseil conjoint permanent se tiendront également des réunions des représentants militaires et des chefs d'état-major ; ces réunions auront lieu au moins deux fois par an au niveau des chefs d'état-major, et une fois par mois au niveau des représentants militaires. Des réunions d'experts militaires pourront être convoquées en tant que de besoin.

Le Conseil conjoint permanent sera présidé conjointement par un représentant de la Russie, par le Secrétaire général de l'OTAN et, par roulement, par un représentant de l'un des Etats membres de l'OTAN.

La Russie et l'OTAN mettront en place les structures administratives nécessaires au soutien des travaux du Conseil conjoint permanent.

La Russie établira une mission auprès de l'OTAN dirigée par un représentant ayant le rang d'ambassadeur. Un représentant militaire de haut niveau et son personnel feront partie de cette mission aux fins de la coopération militaire. L'OTAN conserve la possibilité d'établir une présence appropriée à Moscou, selon des modalités qui restent à déterminer.

L'ordre du jour des réunions ordinaires sera établi conjointement. Des modalités d'organisation et un règlement intérieur seront mis au point pour le Conseil conjoint permanent. Ces dispositions seront en place pour la réunion inaugurale du Conseil conjoint permanent qui se tiendra au plus tard quatre mois après la signature du présent Acte.

Le Conseil conjoint permanent s'engagera dans trois activités distinctes :

. procéder à des consultations sur les questions énumérées dans la section III du présent Acte et sur toute autre question politique ou de sécurité déterminée d'un commun accord ;

. sur la base de ces consultations, mettre au point des initiatives conjointes dans le cadre desquelles la Russie et l'OTAN conviendraient de s'exprimer ou d'agir en parallèle ;

. une fois le consensus réalisé au cours des consultations, prendre des décisions conjointes et mener des actions conjointes, cas par cas, qui comprennent la participation, sur une base équitable, à la planification et à la préparation d'opérations conjointes, y compris des opérations de maintien de la paix sous l'autorité du Conseil de sécurité des Nations unies ou la responsabilité de l'OSCE.

Toutes les actions entreprises par la Russie ou l'OTAN? ensemble ou séparément, devront être en conformité avec la Charte des Nations unies et les principes directeurs de l'OSCE.

Considérant l'importance d'un approfondissement des contacts entre les organes législatifs des Etats signataires du présent Acte, la Russie et l'OTAN encourageront également le développement du dialogue et de la coopération entre l'Assemblé fédérale de la Fédération de Russie et l'Assemblée de l'Atlantique Nord.

III - DOMAINES DE CONSULTATION ET DE COOPÉRATION

En construisant leurs relations, la Russie et l'OTAN concentreront leur attention sur des domaines spécifiques d'intérêt commun. Elles se consulteront et s'efforceront de coopérer dans toute la mesure du possible dans les domaines suivants :

. questions d'intérêt commun liées à la sécurité et à la stabilité dans la région euro-atlantique ou à des crises concrètes, ce qui inclut la contribution de la Russie et de l'OTAN à la sécurité et à la stabilité dans cette région ;

. prévention des conflits, y compris diplomatie préventive, gestion des crises et règlement des conflits, compte tenu du rôle et des responsabilités des Nations unies et de l'OSCE et des travaux de ces organisations dans ces domaines ;

. opérations conjointes, y compris opérations de maintien de la paix, cas par cas, sous l'autorité du Conseil de sécurité des Nations unies ou la responsabilité de l'OSCE, et, si des Groupes de forces interarmées multinationales (GFIM) sont utilisés dans de tels cas, participation à ces Groupes de forces à un stade précoce ;

. participation de la Russie au Conseil de partenariat euro-atlantique et au Partenariat pour la paix ;

. échange d'informations et consultations sur la stratégie, la politique de défense et les doctrines militaires de la Russie et de l'OTAN, ainsi que sur les budgets et sur les programmes de développement des infrastructures ;

. questions de maîtrise des armements ;

. questions de sûreté nucléaire sous tous leurs aspects ;

. prévention de la prolifération des armes nucléaires, biologiques et chimiques ainsi que de leurs vecteurs, lutte contre le trafic de matières nucléaires et renforcement de la coopération dans certains domaines de la maîtrise des armements, y compris les aspects politiques et de défense de la prolifération ;

. possibilités de coopération en matière de défense contre les missiles de théâtre ;

. amélioration de la sécurité de la circulation aérienne à l'échelle régionale, accroissement de la capacité de circulation aérienne et échanges mutuels, en tant que de besoin, pour promouvoir la confiance par des mesures accrues de transparence et des échanges d'informations concernant la défense aérienne et les aspects connexes de la gestion du contrôle de l'espace aérien. Cela comprendra l'exploration des possibilités de coopération dans des domaines appropriés liés à la défense aérienne ;

. recherche d'une transparence et d'une prévisibilité accrues ainsi que d'une plus grande confiance mutuelle au sujet de la taille et des rôles des forces conventionnelles de la Russie et des Etats membres de l'OTAN ;

. échanges réciproques, en tant que de besoin, sur les questions relatives aux armes nucléaires, y compris les doctrines et la stratégie de la Russie et celles de l'OTAN ;

. coordination d'un programme de coopération étendue entre les institutions militaires respectives, selon les modalités détaillées ci-après ;

. recherche de possibilités de coopération en matière d'armement sous la forme d'une association de la Russie à la Conférence des Directeurs nationaux des armements de l'OTAN ;

. conversion des industries de défense ;

. mise au point de projets de coopération décidés d'un commun accord sur des questions économiques, environnementales et scientifiques en rapport avec la défense ;

. conduite d'activités et d'exercices conjoints dans le domaine de la préparation civile aux situations d'urgence et des secours en cas de catastrophe ;

. lutte contre le terrorisme et le trafic de stupéfiants ;

. amélioration de la compréhension par le public de l'évolution des relations entre la Russie et l'OTAN, notamment par l'établissement d'un centre de documentation ou d'un bureau d'information de l'OTAN à Moscou.

D'autres domaines pourront être ajoutés d'un commun accord.

IV - QUESTIONS POLITICO-MILITAIRES

La Russie et l'OTAN affirment leur désir commun de parvenir à une stabilité et une sécurité plus grandes dans la région euro-atlantique.

Les Etats membres de l'OTAN réitèrent qu'ils n'ont aucune intention, aucun projet et aucune raison de déployer des armes nucléaires sur le territoire de nouveaux membres, et n'ont aucunement besoin de modifier un quelconque aspect du dispositif ou de la politique nucléaire de l'OTAN -et n'en prévoient nullement le besoin pour l'avenir. Cela inclut le fait que l'OTAN a décidé qu'elle n'a aucune intention, aucun projet et aucune raison d'établir des dépôts d'armes nucléaires sur le territoire de ces membres, que ce soit par la construction de nouvelles installations de stockage nucléaires ou par l'adaptation d'anciennes installations de stockage nucléaires. Par "dépôts nucléaires", on entend des installations spécifiquement conçues pour le stationnement d'armes nucléaires, et ce terme inclut toutes les catégories d'installations durcies, enterrées ou non (silos ou casemates de stockage d'armes) qui sont conçues pour entreposer des armes nucléaires.

Reconnaissant l'importance de l'adaptation du Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (FCE) pour le contexte plus vaste de sécurité dans la zone de l'OSCE et les travaux sur un modèle de sécurité commun et global pour l'Europe du XXIe siècle, la Russie et les Etats membres de l'OTAN oeuvreront de concert, à Vienne, avec les autres Etats Parties pour adapter le Traité FCE afin d'en améliorer la viabilité et l'efficacité, compte tenu de l'évolution de l'environnement de sécurité en Europe et des intérêts légitimes de sécurité de tous les Etats participants de l'OSCE. Ils ont pour objectif commun de conclure un accord sur l'adaptation dans les meilleurs délais possible et, à titre de première étape dans ce processus, ils chercheront de concert avec les autres Etats Parties au Traité FCE, à conclure, dès que possible, un accord cadre exposant les éléments fondamentaux d'un Traité FCE, conformément aux objectifs et principes du Document sur la portée et les paramètres adoptés à Lisbonne en décembre 1996.

La Russie et l'OTAN estiment qu'un but important de l'adaptation du Traité FCE devrait être de réduire dans des proportions sensibles, et compatibles avec les impératifs de défense légitimes de chaque Etat Partie, la quantité totale d'Equipements limités par le Traité qui est permise dans la zone d'application du Traité. La Russie et l'OTAN encouragent tous les Etats Parties au Traité FCE à envisager des réductions de leurs droits à dotation en équipements FCE dans le cadre d'un effort global pour parvenir à des niveaux d'équipement plus bas conformes à la transformation de l'environnment de sécurité en Europe.

La Russie et les Etats membres de l'OTAN s'engagent à faire preuve de retenue au cours de la période de négociation comme il est prévu dans le Document sur la portée et les paramètres, en ce qui concerne les postures et les capacités actuelles de leurs forces armées conventionnelles -et en particulier leurs niveaux de forces et leurs déploiements- dans la zone d'application du Traité, de manière à éviter toute évolution de la situation en matière de sécurité en Europe qui affaiblisse la sécurité d'un Etat Partie, quel qu'il soit. Cet engagement ne préjuge pas des éventuelles décisions volontaires des différents Etats Parties de réduire leurs niveaux de forces ou leurs déploiements, ni de leurs intérêts légitimes de sécurité.

La Russie et les Etats membres de l'OTAN partent du principe que l'adaptation du Traité FCE doit contribuer à garantir le même degré de sécurité à tous les Etats Parties, indépendamment de leur appartenance à une alliance politico-militaire, à la fois pour préserver et renforcer la stabilité et continuer de prévenir tout accroissement de forces déstabilisateur dans différentes régions d'Europe et dans l'ensemble du continent européen. Un Traité FCE adapté devrait aussi renforcer encore la transparence sur le plan militaire par un échange d'informations et une vérification étendus, et permettre l'accession éventuelle de nouveaux Etats Parties.

La Russie et les Etats membres de l'OTAN proposent aux autres Etats Parties de procéder à une adaptation du Traité FCE qui permette aux Etats Parties de parvenir, dans la transparence et la coopération, à des conclusions au sujet des réductions qu'ils pourraient être prêts à effectuer et des plafonds nationaux qui en résultent pour les Equipements limités par le Traité. Ces plafonds auront alors valeur de limites obligatoires dans le Traité adapté qui sera à approuver par consensus par l'ensemble des Etats Parties, et à réexaminer en 2001, puis tous les cinq ans. Dans ce contexte, les Etats Parties tiendront compte de tous les niveaux d'Equipements limités par le Traité fixés par le Traité FCE initial pour la zone de l'Atlantique à l'Oural, des réductions substantielles opérées depuis lors, des changements dans la situation en Europe et de la nécessité de veiller à ce qu'aucun Etat ne voie sa sécurité diminuer.

La Russie et les Etats membres de l'OTAN réaffirment que les Etats Parties au Traité FCE ne devraient maintenir, individuellement ou conjointement avec d'autres, que les capacités militaires à la mesure de leurs besoins légitimes de sécurité individuelle ou collective, eu égard à leurs obligations internationales, dont le Traité FCE.

Chaque Etat Partie se fondera, pour accepter les dispositions du Traité adapté relatives à l'ensemble des plafonds nationaux des Etats Parties, sur ses évaluations de la situation de sécurité actuelle et future en Europe.

De plus, au cours des négociations sur l'adaptation du Traité FCE, la Russie et les Etats membres de l'OTAN chercheront, avec d'autres Etats Parties, à renforcer la stabilité en développant encore les mesures destinées à prévenir toute concentration de forces conventionnelles pouvant constituer une menace dans des régions agréées de l'Europe, qui comprendront l'Europe centrale et orientale.

La Russie et l'OTAN ont clarifié leurs intentions en ce qui concerne leurs dispositifs de forces conventionnelles dans le nouvel environnement de sécurité en Europe et sont prêtes à se consulter sur l'évolution de ces dispositifs dans le cadre du Conseil conjoint permanent.

L'OTAN réaffirme que dans l'environnement de sécurité actuel et prévisible, l'Alliance remplira sa mission de défense collective et ses autres missions en veillant à assurer l'interopérabilité, l'intégration et la capacité de renforcement nécessaires plutôt qu'en recourant à un stationnement permanent supplémentaire d'importantes forces de combat. En conséquence, elle devra compter sur une infrastructure adéquate à la mesure des tâches précitées. Dans ce contexte, le renforcement peut s'opérer, en cas de besoin, pour assurer la défense contre une menace d'agression et pour des missions de soutien de la paix en conformité avec la Charte des Nations unies et les principes directeurs de l'OSCE, ainsi que pour des exercices compatibles avec le Traité FCE adapté, les dispositions du Document de Vienne de 1994 et les mesures de transparence agréées d'un commun accord. La Russie fera preuve d'une retenue comparable dans ses déploiements de forces conventionnelles en Europe.

La Russie et les Etats membres de l'OTAN s'efforceront de parvenir à une transparence, à une prévisibilité et à une confiance mutuelle plus grandes en ce qui concerne leurs forces armées. Ils respecteront pleinement les obligations qui leur incombent au titre du Document de Vienne de 1994 et développeront leur coopération avec les autres Etats participants de l'OSCE, y compris par le biais de négociations menées sous la forme appropriée, notamment dans le cadre de l'OSCE, pour promouvoir la confiance et la sécurité.

La Russie et les Etats membres de l'OTAN utiliseront et amélioreront les régimes existants de maîtrise des armements et les mesures de confiance existantes pour créer des relations en matière de sécurité fondées sur une coopération pacifique.

La Russie et l'OTAN, afin de développer la coopération entre leurs institutions miltiaires, renforceront les consultations et la coopération politico-militaires, dans le cadre du Conseil conjoint permanent, grâce à un dialogue intensifié entre les hautes autorités militaires de la Russie et celles de l'OTAN et de ses Etats membres. Elles appliqueront un programme d'activités et de coopération pratique sensiblement élargies entre la Russie et l'OTAN dans le domaine militaire, à tous les niveaux. En conformité avec les principes du Conseil conjoint permanent, ce dialogue intensifié entre militaires reposera sur le principe selon lequel aucune partie ne considère l'autre comme une menace ou ne cherche à porter préjudice à la sécurité de l'autre. Ce dialogue intensifié entre militaires comprendra des exposés réciproques, à intervalles réguliers, sur la doctrine militaire et la stratégie de la Russie et de l'OTAN et sur le dispositif de forces qui en résulte, et il portera notamment sur les possibilités générales d'activités de formation et d'exercices conjoints.

Afin de favoriser ce dialogue intensifié et d'apporter un soutien aux éléments militaires du Conseil conjoint permanent, la Russie et l'OTAN établiront des missions de liaison militaires à différents niveaux sur la base de la réciprocité et d'arrangements mutuels additionnels.

Afin d'intensifier leur partenariat et d'avoir l'assurance que ce partenariat soit fondé autant que possible sur des activités pratiques et sur une coopération directe, les autorités militaires respectives de la Russie et de l'OTAN étudieront le développement d'un concept d'opérations de maintien de la paix conjointes de la Russie et de l'OTAN. Cette initiative devrait s'inspirer de l'expérience positive de leur coopération en Bosnie-Herzégovine, et les enseignements qui en ont été tirés serviront à l'établissement de Groupes de forces interarmées multinationales.

Le présent Acte prend effet à la date de sa signature.

La Russie et l'OTAN prendront les mesures appropriées pour assurer sa mise en oeuvre conformément à leurs procédures.

Le présent Acte est établi en deux exemplaires originaux dans les langues russe, française et anglaise.

Le Gouvernement de la Fédération de Russie et le Secrétaire général de l'OTAN remettront au Secrétaire général des Nations unies et au Secrétaire général de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe le texte du présent Acte en demandant de le distribuer à tous les membres de leurs Organisations.


1 Les interventions figurent à la fin du présent rapport "Auditions de la Commission".

2 Chypre, candidate à l'UE, ne l'est pas à l'OTAN.

3 La France occupe, de ce point de vue, une place singulière.

4 Cité par le Centre d'Etudes et de Recherches Internationales "La sécurité de l'Europe centrale et orientale après l'élargissement de l'OTAN", n° 29, juillet 1997.

5 Source : revue de l'OTAN, mai-juin 1997.

6 Sur l'Acte fondateur OTAN-Russie, cf infra, p. 21.

7 Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovénie, Bulgarie, Slovaquie, Estonie, Lettonie, Lituanie et Macédoine.

8 Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, République fédérale yougoslave (RFY), Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), Albanie, Grèce, Turquie, Bulgarie, Roumanie et Hongrie.

9 Stanley Sloan, Assemblée de l'Atlantique Nord "L'OTAN au XXIe siècle".

10 Stanley Sloan, ibid.

11 Chars, véhicules blindés de combat, pièces d'artillerie, avions de combat et hélicoptères d'attaque.

12 Maréchal Sergueiev, ministre de la défense de Russie, Revue de l'OTAN, n° 1, printemps 1998.

13 auxquels il convient d'ajouter 11 000 civils.

14 Nicole Gnesotto, "Elargissement de l'OTAN : une responsabilité européenne" in Politique étrangère, 1997.

15 Voir le texte annexé au document Sénat n° 384 (1997-1998)

16 Voir le texte annexé au document Sénat n° 385 (1997-1998)

17 Voir le texte annexé au document Sénat n° 386 (1997-1998)

18 texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

19 Rédaction nouvelle résultant de l'article 2 du Protocole d'accession au Traité de l'Atlantique Nord de la Grèce et de la Turquie, signé le 22 octobre 1951.

20 Le 16 janvier 1963, le Conseil a constaté que toutes les dispositions de ce Traité qui concernent les anciens départements français d'Algérie sont devenues sans objet à dater du 3 juillet 1962.

21 Le Traité est entré en vigueur le 24 août 1949, après que tous les Etats signataires eurent déposé leur ratification.

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