PJ loi de finances pour 1999

MARINI (Philippe), Rapporteur général ; BADRE (Denis), Rapporteur spécial

RAPPORT GENERAL 66 (98-99), Tome II, Fascicule 2 - COMMISSION DES FINANCES

Table des matières




N° 66

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1999, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME II

Fascicule 2

AFFAIRES EUROPÉENNES ET ARTICLE 42 : ÉVALUATION DE LA PARTICIPATION FRANÇAISE AU BUDGET DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Rapporteur spécial : M. Denis BADRÉ

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand
de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 (1998-1999).


Lois de finances.

INTRODUCTION

L'article 42 du présent projet de loi de finances porte évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

Avec 95 milliards de francs censés être soustraits aux recettes de l'Etat, le prélèvement effectué au profit de l'Union européenne représente 4,5 fois le budget du ministère des affaires étrangères et 2,8 fois le budget du ministère de l'agriculture. Il équivaut à près d'un tiers du produit de l'impôt sur le revenu et à plus de 1,07 point de PIB.

Ces quelques références traduisent le poids budgétaire de notre contribution au budget européen et, par conséquent, puisque cette contribution en dépend directement, l'importance du budget européen pour nos finances publiques.

Tout cela justifie que les parlements nationaux à qui est confiée l'expression de la souveraineté nationale exercent pleinement leurs attributions à l'égard d'un budget européen qui influence tant les finances publiques nationales.

Cette exigence est pourtant malaisée à mettre en oeuvre. La construction européenne s'inscrit naturellement dans des conventions internationales successives qui, supposant des abandons partiels et limités de souveraineté de la part des Etats, comportent des aménagements par rapport aux prérogatives traditionnelles des institutions nationales.

Le domaine budgétaire est tout particulièrement concerné par ces aménagements.

Les décisions au terme desquelles le budget européen est défini échappent au Parlement français, sauf à considérer que les résolutions que chacune de ces chambres peut adopter constituent l'expression d'un vrai pouvoir de légiférer. On sait qu'il n'en est rien et que ces résolutions, par ailleurs indispensables, ne sont rien d'autre, mais c'est très nécessaire, qu'un moyen pour les chambres de manifester leurs points de vue.

Le débat désormais traditionnel sur l'article portant évaluation de notre contribution au budget européen relève de la même démarche. Sans doute débouche-t-il sur un vote de l'article de première partie de loi de finances qui abrite cette évaluation. Mais ce vote qui demeure libre est placé sous contrainte. Un rejet de l'article soumis à notre vote n'exempterait pas la France de s'acquitter d'une contribution qui entre dans la catégorie de ses engagements internationaux.

Cette considération ne doit pas conduire à refuser toute signification à l'examen auquel nous nous livrons chaque anné, bien au contraire, c'est l'occasion de démontrer que nous sommes attentifs aux affaires budgétaires de l'Europe et d'exprimer solennellement les conclusions de notre vigilance. Plus que le vote, c'est le débat qui importe.

Il reste toutefois que le débat sur notre contribution au budget européen ne devrait pas être la seule expression de notre vigilance sur le budget européen. Celle-ci doit mieux se manifester, et pour cela, nous devons inventer de nouveaux cadres d'exercice de notre contrôle.

A cet effet, nous devons surmonter une difficulté qui ne réside pas dans une insuffisante mobilisation de notre part, mais qui est d'ordre institutionnel. Notre Parlement appréhende pour l'essentiel les questions européennes à travers son dialogue avec l'exécutif national. Nous devons certes renforcer ce dialogue, mais nous devons aussi instaurer un dialogue direct avec les institutions européennes. Cela doit constituer, de notre part, une vraie exigence politique, tant cette idée, restée jusqu'à présent étrangère à la construction européenne, semble se heurter à la culture acquise par les institutions européennes. Au vrai, s'il s'agit bien pour nous de créer de nouvelles manières de " faire l'Europe ", il s'agit aussi pour l'Europe d'une condition essentielle à son acceptation par les peuples et donc à sa dynamique. Qui ne voit aujourd'hui en effet que le pire danger qui la guette est son isolement ?

Tout cela suppose de mettre en place des procédures permettant aux Parlements nationaux de contrôler en direct les affaires budgétaires de l'Europe. La définition de ces procédures est un chantier prioritaire que nous devons ouvrir dès maintenant.

PREMIERE PARTIE
LE PROJET DU BUDGET

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES POUR 1999

Le projet de budget des Communautés européennes tel qu'il a été adopté le 17 juillet 1998 par le Conseil voit les dépenses communautaires s'accroître de 2,8 %. Cette augmentation est excessive et la croissance de 6,6 % des crédits pour engagements renforce le jugement selon lequel les dépenses du budget européen sont insuffisamment maîtrisées.

Le Parlement européen a aggravé cette situation en votant 4 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, offrant ainsi une image désastreuse des conditions de gestion des finances publiques européennes.

Paradoxalement, cette situation tient pour beaucoup à un mécanisme budgétaire inventé pourtant pour " discipliner " la gestion financière des Communautés européennes, les perspectives financières qui constituent la programmation pluriannuelle des finances publiques européennes.

Ce diagnostic décevant doit être gardé à l'esprit alors que se déroule la négociation des futures "perspectives financières" 2000-2006 de l'Union européenne. Compte tenu de son importance capitale, cette négociation doit faire l'objet d'une vigilance sans faille.

L'encadrement du budget européen

Deux accords interinstitutionnels conclus entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission les 29 juin 1988 et 29 octobre 1993 sont venus fixer des règles de "discipline financière" supposées "encadrer" l'exercice budgétaire.

Un plafonnement des ressources propres a été instauré une première fois pour les années 1988 à 1992, puis pour les années 1993 à 1999.

Plafond des ressources propres
des Communautés européennes entre 1988 et 1992

(en % du PNB de la Communauté)

1988

1989

1990

1991

1992

1,15

1,17

1,18

1,19

1,20


Plafond des ressources propres
des Communautés européennes entre 1988 et 1992

(en % du PNB de la Communauté)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1,20

1,20

1,21

1,22

1,24

1,25

1,27

Le plafonnement des " ressources propres " qui constituent la quasi-totalité des ressources budgétaires de l'Union avait pour vocation d'éviter les surenchères et les tentations d'une autorité budgétaire sans vraie responsabilité politique.

Il est cependant significatif qu'ait été retenu le principe d'une élévation progressive du plafond de ces ressources. Ainsi, fut instauré un mécanisme permettant au budget européen non seulement de profiter de la dynamique propre des économies européennes mais encore de disposer d'une part toujours plus importante de la richesse des Nations.

Tout s'est passé comme si le " prélèvement obligatoire européen " devait légitimement s'alourdir quelle que soit la situation des économies et des budgets des Etats ou encore celle des besoins de dépenses du budget européen.

A l'heure où se déroulent les négociations des futures perspectives financières européennes, un tel principe doit être récusé.

L'encadrement des dépenses se traduit par une programmation année après année des dépenses du budget par rubriques.

Six rubriques ont été définies : la politique agricole commune (rubrique 1), les actions structurelles (rubrique 2), les politiques internes (rubrique 3), les politiques extérieures (rubrique 4), l'administration (rubrique 5) et les réserves (rubriques 6). Un plafond de crédits d'engagement est fixé pour chacune de ces rubriques et pour chaque année. Ces plafonds constituent les limites supérieures au niveau ou en deçà desquelles doit s'inscrire le budget européen. Ces plafonds sont actualisés en fonction des conditions réelles de croissance du PIB et des conditions d'exécution des crédits. Ils peuvent être révisés dans certaines limites détaillées dans un précédent rapport 1( * ) .

Les perspectives financières

(En millions d'écus 1992)

 

Europe des 12

Europe des 15

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Ligne directrice agricole

35.230

35.095

35.354

37.245

37.922

38.616

39.327

Actions structurelles

. Fonds de cohésion

. Fonds structurels

. Mécanisme EEE

21.277

1.500

19.777

-

21.885

1.750

20.135

-

24.477

2.000

22.369

-

26.026

2.250

23.668

108

27.588

2.500

24.980

108

29.268

2.550

26.610

108

30.245

2.600

28.345

-

Politiques internes

3.940

4.084

4.702

4.914

5.117

5.331

5.534

Actions extérieures

3.950

4.000

4.549

4.847

5.134

5.507

5.953

Dépenses administratives

3.280

3.380

3.738

3.859

3.974

4.033

4.093

Réserves

. monétaire du FEOGA

. d'aide d'urgence

. pour garanties de prêts

1.500

1.000

200

300

1.500

1.000

200

300

1.100

500

300

300

1.100

500

300

300

1.100

500

300

300

1.100

500

300

300

1.100

500

300

300

Compensations

 
 

1.547

701

212

99

 

Total des crédits d'engagements

69.177

69.944

75.467

78.692

81.047

83.954

86.952

Total des crédits de paiements

65.908

67.036

72.020

74.605

77.372

80.037

82.778

Paiements en % du PNB

1,20

1,19

1,21

1,21

1,22

1,22

1,24

Le tableau ci-dessus présente la programmation financière initiale de la politique budgétaire des Communautés popularisée sous le nom de "Paquet Delors II".

L'analyse de la programmation financière initiale fait ressortir les ressorts d'un accord ouvrant la perspective d'une progression continue des interventions communautaires dont les moyens en écus constants devaient augmenter de 3,9 % l'an, les crédits s'accroissant sur la période de plus d'1/4 des moyens.

Cette évolution, dépendante du rythme de croissance du PIB, devait déboucher sur un accroissement des dépenses communautaires rapportées au produit intérieur brut européen, sans doute modéré en termes relatifs (+ 0,07 point) mais pas en termes nominaux et significatif d'une volonté d'amplifier le poids de la dépense européenne.

En outre, la programmation d'Edimbourg devait se traduire par une évolution différenciée des crédits des différentes rubriques retraçant l'action communautaire . Les dépenses de la PAC devaient ainsi passer d'un plus de la moitié à quelques 45 % des engagements, un mouvement inverse se produisant pour les "dépenses non-obligatoires". Parmi celles-ci, les actions structurelles destinées à assurer la cohésion européenne devaient progresser, passant de 30,8 % à 34,8 % du total. Ces dernières dépenses étaient donc privilégiées au regard des évolutions programmées, mais aussi parce qu'au terme d'un engagement des différentes institutions, leur programmation faisait l'objet d'un engagement d'inscrire les crédits à la hauteur des plafonds retenus, les autres dépenses ne bénéficiant pas d'un tel engagement.

Au total, l'encadrement du budget européen, par ailleurs susceptible d'adaptations et de révisions, pouvait apparaître dès l'abord moins comme porteur de disciplines que comme annonciateur de facilités.

Il s'est traduit en outre par une déformation de l'équilibre institutionnel de départ puisque la montée en charge des dépenses non obligatoires sur lesquelles le Parlement européen dispose du dernier mot s'est traduit par l'octroi d'un supplément de pouvoir effectif du Parlement au détriment des pouvoirs du Conseil.

Il serait sans aucun doute très nécessaire d'instaurer à l'occasion de la définition du nouvel accord interinstitutionnel en voie de négociation des règles plus subtiles et réalistes de programmation.

Il n'existe en effet désormais qu'un seul budget en Europe qui échappe à de vraies disciplines budgétaires formelles, le budget des Communautés européennes.

CHAPITRE I

LES RECETTES DU PROJET DE BUDGET POUR 1999

I. L'ARCHITECTURE DU FINANCEMENT EUROPÉEN : UN SYSTEME COMPLEXE ET OPAQUE :

Répartition des ressources propres par catégories
dans le projet de budget de la Communauté pour 1999

(en Meuros)

Origine de la recette

Projet de budget 1999

En %

Prélèvements agricoles

949,0

1,1

Cotisations sucre et isoglucose

972,0

1,1

Droits de douane

11 983,8

13,9

Contribution TVA

30 374,2

35,4

Contribution PNB

41 052,8

48,4

Excédents disponibles

p.m.

p.m.

Total

85 241,9

100,0

Le montant total des ressources propres s'élève à environ 1,08 % du PNB communautaire prévu pour 1999.

Ce pourcentage est inférieur, en tout cas sur la base des prévisions économiques associées à l'exercice budgétaire, à celui prévu l'an dernier -1,13 %- et aussi au plafond fixé par la décision relative aux ressources propres du 31 octobre 1994 qui est de 1,27 % pour 1999.

L'architecture des ressources du budget européen se caractérise par sa particulière complexité et opacité. Ces caractéristiques privent les citoyens de l'Union européenne de l'idée même de participer au financement de l'Union européenne.

Hors recettes diverses, on a coutume de distinguer entre les ressources propres traditionnelles et les autres ressources propres. Les premières seraient composées des prélèvements agricoles, des "cotisations sucre et isoglucose" et des droits de douane, les secondes des " contributions TVA et PNB ".

L'on met alors en évidence l'infléchissement continu des premières au profit de l'accroissement résolu de la part relative des secondes (voir le tableau ci-dessous).

Composition des ressources propres de l'Union européenne

(en pourcentage du total, chiffres consolidés ; les données pour 1998 et 1999
sont des projections)

 

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Ressources propres traditionnelles


29,1


28,7


29,4


26,4


23,6


20,3


20,6


21,3


19,1


18,8


16,7


16,1

TVA 1

60,0

60,7

69,9

59,5

61,9

54,0

51,9

57,8

51,3

45,5

39,7

35,4

PNB

10,9

10,6

0,7

14,1

14,5

25,7

27,5

20,9

29,6

35,7

43,6

48,4

1. Y compris la correction en faveur du Royaume-Uni

L'effritement des ressources traditionnelles est incontestable . Leur niveau absolu s'est, au cours des dernières années, toujours situé entre 12 et 14 milliards d'écus, ce qui s'est traduit par une baisse de leur part dans le financement du budget européen.

On en connaît certaines raisons : pour les droits de douane, un désarmement tarifaire continuel, pour les prélèvements agricoles, le rapprochement des prix intérieurs et mondiaux et l'autosuffisance de la Communauté.

On en devine d'autres : la volonté inégale des Etats de recouvrer certaines de ces ressources, évoquée en ces termes par la Commission européenne :

" Dans ces conditions, les Etats membres préfèrent apparemment financer le budget de l'Union européenne par le biais du PNB plutôt que d'instaurer un système plus efficace de perception des ressources propres traditionnelles... en effet, pour des raisons compréhensibles, ils ne sont disposés ni à renforcer le cadre réglementaire du système douanier ni à engager les ressources nécessaires au recouvrement des droits de douane " 2( * ) .

Parallèlement, les " autres ressources propres " connaissent une montée en charge continue mais inégale . Elles représentent 83,8 % du total en 1999, contre 70,9 % en 1988. Mais, une inversion de tendance doit être soulignée. A partir de 1994, la part de la " ressource-TVA " se réduit et celle de la ressource-PNB augmente.

Cette évolution asymétrique des deux " contributions " résulte pour l'essentiel des dispositions de la décision 94/728/CE du 31 octobre 1994 qui a amplifié les effets d'une précédente décision de 1988. Alors, l'assiette-TVA des Etats membres qui sert à calculer leur contribution avait été plafonnée à 55 % de leur PIB. En 1994, cet écrêtement fut ramené à 50 % du PIB, immédiatement pour le Portugal, la Grèce, l'Espagne et l'Irlande, progressivement pour les autres Etats. En outre, le taux maximal d'appel de la ressource fut abaissé passant, là aussi progressivement, de 1,4 à 1 % en 1999.

A. LE DÉCLIN DE LA "RESSOURCE-TVA" :

Ces réformes ont provoqué une baisse accusée du poids relatif de la " ressource-TVA  " décrite dans le tableau ci-dessus .

Le calcul de la "contribution-TVA"

Le calcul de la "contribution-TVA" des Etats-membres suppose d'abord la définition d'une assiette commune dont les modalités ont été arrêtées dans la 6 ème directive TVA du 17 mai 1977. Il s'agit pour l'essentiel de rapporter les recettes nettes de TVA dans chaque Etat à un taux moyen pondéré de TVA qui résulte d'une pondération des différents taux appliqués par chaque Etat en fonction de la structure de l'assiette fiscale (la consommation pour l'essentiel) dans chaque Etat. Un certain nombre de compensations sont alors effectuées pour tenir compte des particularités nationales en matière d'exonération de TVA. Puis, l'assiette de TVA fait l'objet d'un écrêtement à hauteur, désormais, de 50 % des PIB nationaux.

L'assiette se voit alors appliquer un taux d'appel.

Le taux maximal d'appel est en 1999 de 1 % -v. supra. Le taux uniforme d'appel tient compte de la compensation britannique et le taux d'appel effectif est le quotient entre le versement effectif et l'assiette uniforme écrêtée.

Cette diminution de la part de la " contribution-TVA " a, dans une certaine mesure, permis d'atténuer les inconvénients des biais statistiques d'un système difficilement maîtrisable -v. encadré ci-dessus. En effet, comme la définition de l'assiette-TVA européenne dépend de la qualité des systèmes nationaux de perception des impôts, les Etats rigoureux en la matière se voyaient imposer des contributions comparativement plus importantes que celles que devaient supporter les Etats plus laxistes.

Le plafonnement de l'assiette a pour effet d'atténuer cette distorsion. En revanche, il laisse aux Etats laxistes en la matière, le bénéfice d'une sous-estimation de leur assiette-TVA. En conséquence, la contribution-TVA qui représente encore plus du tiers des moyens du budget européen reste probablement à l'origine de transferts de charge dissimulés entre Etats, transferts d'autant moins admissibles que le budget européen repose, précisément, pour une grande partie sur des mécanismes de solidarité entre Etats.


La diminution du poids de la " ressource-TVA " dans le total des ressources du budget européen est également susceptible de provenir des évolutions économiques constatées dans les Etats-membres. Par approximation, on peut estimer que si le taux d'épargne s'accroît dans les Etats-membres alors la ressource-TVA s'accroît moins que le PIB. Il en va de même si les exportations prennent une part croissante dans la formation du PIB.

Deux observations s'imposent donc :

- l'évolution de la " ressource-TVA " est susceptible de différer sensiblement de celle de la croissance ;

- les disparités de structure ou de conjoncture économique entre Etats-membres sont susceptibles d'influer sur la répartition de la charge de financement de l'Union.

De ce point de vue, celle-ci tenait à ce que l'écrêtement de l'assiette-TVA programmé dans la décision de 1994 a eu pour heureux effet d'éliminer une grave distorsion. Les Etats les moins riches, dans lesquels la part de l'assiette-TVA dans le PIB était comparativement importante, contribuaient au titre de la TVA relativement plus que ce qu'aurait été leur contribution si elle avait été assise sur le PIB, référence plus significative de la richesse nationale.

La réforme de 1994 a donc eu pour effet de rapprocher les contributions des Etats de leurs capacités contributives.
Toutefois, ce rapprochement n'est pas complet comme le montre le tableau ci-dessous :

Différence entre la contribution TVA réelle
et la contribution PNB théorique (1)

B

DK

D

GR

E

F

IRL

I

L

NL

A

P

FIN

S

UK

- 266

- 71

708

20

98

159

8

- 1.236

7

42

93

79

- 45

72

332

Source : " Le financement de l'Union européenne ". Rapport de la commission européenne -
7 octobre 1998.


Il apparaît ainsi que quatre pays " profitent " du " statu quo " et que leurs " contribution-TVA " sont inférieures à ce que seraient leurs contributions si elles étaient entièrement assises sur leur PNB :

- l'Italie pour 1.236 millions d'écus ;

- la Belgique pour 266 millions d'écus ;

- le Danemark pour 71 millions d'écus ;

- et la Finlande pour 45 millions d'écus.

Le maintien du " statu quo " pénalise tout particulièrement l'Allemagne (708 millions d'écus), le Royaume-Uni - 332 millions d'écus) et la France (159 millions d'écus).

B. LA PROGRESSION DE LA " RESSOURCE-PNB " :

La montée en charge de la " ressource-PNB " qui, désormais, représente à peu près la moitié du financement du budget européen est évidemment la conséquence directe de la réforme de 1994.

Sur le plan de l'équité contributive, cette évolution doit être saluée mais des progrès restent à faire.

La précision des données statistiques doit être parfaite faute de quoi les transferts de charge dénoncés en matière de "contribution-TVA" risquent de se produire de la même manière pour les "contributions-PNB" des Etats membres.

En outre, la correction accordée au Royaume-Uni, par le Conseil européen de Fontainebleau -v. infra- de juin 1984 étant financée depuis 1988 au moyen d'une majoration de la "contribution-PNB" des autres Etats-membres un facteur de grave distorsion a été introduit qu'il convient d'éliminer.

Enfin, si les niveaux relatifs de PIB des Etats membres sont une approximation correcte de leurs capacités contributives respectives, un raffinement supplémentaire pourrait être introduit consistant à tenir compte des niveaux relatifs de PIB par habitant.

Il existe en effet des écarts significatifs entre la part du PIB européen de chaque pays et la situation de richesse relative de chaque habitant comme le montrent les deux tableaux ci-dessous.

Part des Etats membres dans le PNB de l'Union européenne à 15

(en pourcentage du total, données pour 1997, y compris la correction
en faveur du Royaume-Uni)

 

B

DK

D

GR

E

F

IRL

I

L

NL

A

P

FIN

S

UK

Part du PNB de l'UE

3,1

1,9

26,0

1,5

6,6

17,2

0,8

14,2

0,2

4,5

2,6

1,2

1,4

2,7

16,1

Capacité contributive et prospérité relative
Produit national brut aux prix du marché par habitant en écus et en SPA


(jusqu'en 1990 : D et EUR-15 sans l'Allemagne de l'Est ;
à partir de 1991 : D et EUR-15 avec les nouveaux Länder)

 

Ecus

SPA 1

 

1984

1990

1991

1995

1997

1984

1990

1991

1995

1997

B

101,0

104,0

106,0

121,5

112,8

106,8

105,3

109,2

115,7

115,3

DK

131,1

127,8

124,3

140,2

137,4

106,7

100,6

102,4

110,8

112,5

D

129,9

127,3

114,6

130,9

118,6

119,0

117,8

107,3

110,4

109,4

GR

53,5

44,0

46,6

49,2

53,3

62,8

59,3

62,3

66,5

69,0

E

52,3

66,7

71,4

63,4

62,6

69,0

74,2

79,4

76,8

77,7

F

115,7

111,4

110,3

116,4

109,9

111,7

109,7

113,0

106,7

104,3

IRL

61,9

61,3

62,4

69,1

79,9

59,6

64,3

68,7

80,5

82,4

I

92,7

101,1

105,3

83,2

92,2

101,9

101,9

105,5

103,7

102,6

L

171,4

184,0

192,3

201,8

186,4

173,5

185,2

196,6

181,6

176,2

NL

112,0

100,7

101,2

113,7

108,1

102,7

101,3

102,3

106,8

106,0

A

109,3

109,2

111,8

127,6

118,8

106,1

105,8

108,8

111,1

112,6

P

26,2

35,8

41,5

46,8

46,7

49,4

58,9

64,5

70,0

69,6

FIN

130,1

139,5

123,3

105,9

104,9

99,1

99,9

91,1

93,6

96,4

S

144,5

137,8

142,4

111,7

114,2

111,8

104,5

102,4

97,3

93,7

UK

98,6

89,1

91,2

83,8

101,8

99,6

99,5

96,3

96,4

100,3

EUR-15

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

1. SPA : Standards de pouvoir d'achats

Il apparaît ainsi que malgré une part du PIB européen leur revenant inférieure à une moyenne théorique, plusieurs pays connaissent un indice de prospérité supérieur à la moyenne des habitants des quinze Etats membres (Belgique, Danemark, Pays-Bas, Luxembourg, Autriche...) tandis que, par symétrie, ce dernier indicateur n'est pas pour d'autres pays à la mesure de la part prise par eux dans la formation du PIB européen.

II. LA HIERARCHIE DES CONTRIBUTEURS

Part relative de chaque Etat membre dans le financement du budget communautaire

(En %)

 

1995 (1)

1996 (2)

1997 (3)

1998 (3)

1999 (4)

Belgique

4,0

3,9

3,9

3,7

3,9

Danemark

1,9

1,9

2,0

2,0

2,0

Allemagne

31,4

29,2

28,2

27,3

26,4

Grèce

1,5

1,6

1,5

1,6

1,5

Espagne

5,4

6,4

7,1

6,5

6,9

France

17,5

17,5

17,5

17,0

17,2

Irlande

1,0

1,0

0,9

1,0

1,0

Italie

9,5

12,6

11,5

12,8

13,0

Luxembourg

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

Pays-Bas

6,4

6,2

6,4

5,9

6,0

Autriche

2,6

2,6

2,8

2,5

2,7

Portugal

1,3

1,4

1,4

1,3

1,4

Finlande

1,3

1,4

1,4

1,3

1,4

Suède

2,4

2,8

3,0

2,8

2,9

Royaume-Uni

13,6

11,6

11,8

14,0

13,5

(1) Rapport Cour des comptes des CE

(2) Compte de gestion et bilan financier de la Commission pour 1997

(3) Budget 1998

(4) Projet de budget pour 1999

Le tableau qui précède rappelle que la France est le deuxième contributeur au budget européen (17,2 % du total), loin derrière l'Allemagne (26,4 %), mais aussi loin devant le Royaume-Uni (13,5 %) et l'Italie (13 %). Ces quatre Etats financent plus de 70 % du budget communautaire. Il est intéressant de rapprocher ces résultats de la part prise par le PIB de ces Etats dans le PIB communautaire. Elle s'élevait en 1997 à quelque 73,5 %.

Il faut également apprécier l'évolution des contributions des Etats membres dans le temps. L'entrée de trois nouveaux Etats membres s'est traduite en 1995 par un allégement mécanique de la part contributive des Etats déjà membres. On constate que la contribution de l'Allemagne s'allège rapidement entre 1995 et 1999. La part de sa contribution dans le total se replie de 5 points alors qu'à l'inverse, la part contributive de notre pays est stable. La contribution du Royaume-Uni évolue au gré des fortunes diverses de la livre et d'écarts de croissance plus ou moins favorables. Quant à l'Italie sa contribution a connu un ressaut du fait de la montée en charge de la " ressource-PNB ".

En tout état de cause, les données disponibles pour 1997 démontrent que, dans l'ensemble, la hiérarchie des contributeurs est conforme à la hiérarchie économique des Etats appréhendée au moyen de leurs parts dans le PIB européen.

Quote-parts des Etats membres dans le financement de l'Union européenne
et dans le PNB de l'Union européenne à 15


(en pourcentage du total, données pour 1997, y compris la correction
en faveur du Royaume-Uni)

 

B

DK

D

GR

E

F

IRL

I

L

NL

A

P

FIN

S

UK

Part du PNB de l'UE

3,1

1,9

26,0

1,5

6,6

17,2

0,8

14,2

0,2

4,5

2,6

1,2

1,4

2,7

16,1

Part dans le financement du budget de l'UE


3,9


2,0


28,2


1,6


7,1


17,5


0,9


11,5


0,2


6,4


2,8


1,4


1,4


3,1


11,9

Dont ressources propres traditionnelles


7,4


2,0


24,2


1,2


4,5


10,9


1,6


7,9


0,2


12,2


1,8


1,1


1,0


2,6


21,5

Dont contributions TVA et PNB

3,1

2,0

29,1

1,7

7,8

19,0

0,8

12,4

0,2

5,1

3,0

1,5

1,5

3,2

9,6

La situation de quelques pays doit toutefois être mise en évidence. L'Italie et, plus encore, le Royaume-Uni contribuent moins que leur situation de richesse le justifierait . La "correction britannique" explique ce phénomène pour le Royaume-Uni. Pour l'Italie, la modicité des recettes prélevées au titre des ressources propres traditionnelles (prélèvements agricoles et droits de douane) "justifient" une partie de l'écart tandis qu'il faut probablement trouver dans les "particularités" de son assiette-TVA l'explication du reste de l'écart.

En contrepartie, l'Allemagne et, à un moindre degré, les Pays-Bas contribuent plus que leur part dans le PIB européen . Pour les Pays-Bas, l'essentiel de cet écart provient des recettes de droit de douane, ce qu'on appelle "l'effet-Rotterdam". Pour l'Allemagne, cet effet ne joue pas mais ce pays doit assumer une part importante des effets de la réforme des contributions TVA et PNB et de la correction britannique, même si l'Allemagne bénéficie en la matière d'un plafonnement particulier.

C'est également ce phénomène qui est à l'origine de l'écart observé entre la part de la France dans le PIB européen et sa contribution au titre des "ressources-TVA et PNB".

*

* *

Conclusions sur les ressources

Le financement de l'Union européenne est en débat et cela appelle quelques précisions de cadrage.

Globalement, la hiérarchie des contributeurs est fidèle à la hiérarchie des capacités contributives. Les écarts qui peuvent subsister résultent de plusieurs biais dont certains doivent être corrigés :

- des imperfections statistiques ou les performances inégales des administrations fiscales expliquent certaines "moins-values" de recettes au titre des "ressources propres traditionnelles" et de la TVA au terme desquelles certains Etats ne versent pas ce qu'ils devraient ;

- la "correction britannique" a pour effet de déconnecter la contribution du Royaume-Uni des capacités contributives de ce pays, ce fardeau étant supporté par les autres Etats-membres qui, de ce fait, assument des contributions supérieures à ce qu'impliquerait la réalité économique ; il faut éliminer cette distorsion .

On peut s'interroger sur la portée du rapprochement entre, d'une part, les niveaux relatifs de la contribution des Etats et, d'autre part, leur PIB dans celui de l'Union.

- Les "ressources propres traditionnelles" qui sont "juridiquement" assimilables à des prélèvements directs des Communautés devraient en bonne logique être "sorties" de l'assiette de calcul des contributions des Etats membres. On observerait alors que la seule source significative d'écart entre la contribution de chaque Etat et sa richesse relative provient de la "correction britannique". En particulier, la situation des Pays-Bas et de la Suède apparaîtrait alors relativement privilégiée par rapport à celle de l'Allemagne et de la France.

- La référence au PIB par habitant peut être utilement introduite pour juger de la répartition de l'effort contributif de chacun. Dans cette hypothèse, la contribution française apparaîtrait comme légèrement supérieure à sa détermination théorique.

Le débat sur les contributions doit être centré sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la question de savoir quels principes doivent gouverner le système de financement de l'Union européenne . Cette question est elle-même dépendante de celle du sens à donner au budget européen, question dont la solution conditionne à son tour la détermination des dépenses du budget.

Deux difficultés doivent être abordées : l'équité du financement, son caractère démocratique et européen.

Il faut poser en principe que le budget européen doit être un budget au service de la construction d'une Europe-puissance et que c'est l'examen des dépenses du budget qui doit retenir l'attention afin de vérifier que la dépense publique européenne se conforme bien à ce principe.

Dans ces conditions, le problème de l'équité du financement devient simple à résoudre : il s'agit de bâtir un système où la contribution de chacun serait conforme à l'intérêt porté par lui à la construction d'une Europe-puissance. La distribution actuelle du financement du budget européen est très proche d'un tel système à l'exception notable du sort privilégié dont bénéficie le Royaume-Uni.

Cependant, l'idée européenne qui doit être celle d'une Europe-puissance doit aussi être celle d'une Europe démocratique
. Les modalités de financement du budget européen doivent donc obéir à cette exigence. Or, tel n'est pas le cas, le consentement à l'impôt européen étant, pour le moins, dilué du fait des réalités institutionnelles qui connotent le système :

- l'impopularité du prélèvement n'est pas assumée par les décideurs effectifs, ce qui est déresponsabilisant ;

- le prélèvement n'est pas réellement débattu ;

- le financement de l'Europe reste assis sur un système de contributions des Etats, l'idée de ressources propres ne parvenant pas à franchir un stade autre que purement lexical.

Chacune de ces caractéristiques pose problème et doit être débattue. Il nous faut, en particulier, poser trois questions :

- quel degré de consentement démocratique au prélèvement européen exiger ?

- quelle organisation mettre en place pour que ce consentement soit effectif ?

- quel arbitrage prononcer entre un système de contributions étatiques et un système de prélèvement européen ?

Il est important et urgent d'apporter des réponses à ces questions.

CHAPITRE II

LES DÉPENSES DU PROJET DE BUDGET POUR 1999

Au terme de leur adaptation, les perspectives financières pour la période allant de 1993 à 1999 s'établissent comme suit :

Les perspectives financières

(Crédits d'engagement)

(En millions d'euros courants)

 

Europe des 12

Europe des 15

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Ligne directrice agricole

36.657

36.465

37.944

40.828

41.805

43.263

45.188

Actions structurelles

22.192

23.176

26.329

29.131

31.477

33.461

39.025

Politiques internes

4.109

4.370

5.060

5.337

5.603

6.003

6.386

Actions extérieures

4.120

4.311

4.895

5.264

5.622

6.201

6.870

Dépenses administratives

3.421

3.634

4.022

4.191

4.352

4.541

4.723

Réserves

1.522

1.530

1.146

1.152

1.158

1.176

1.192

Compensations

 
 

1.547

701

212

99

0

Total des crédits d'engagements

72.021

73.486

80.943

86.604

90.229

94.744

103.384

Total des crédits de paiement

68.611

70.352

77.229

82.223

85.807

90.581

96.663

Paiements en % du PNB

1,20

1,20

1,20

1,20

1,22

1,23

1,25

Les crédits de paiement prévus pour 1999 s'élèvent à 85,9 milliards d'euros en progression de 2,8 % par rapport à 1998 et les crédits d'engagement s'accroissent de plus de 6 %.

Dépenses prévues pour 1999

(En millions d'euros courants)

 

Budget 1998

APB 1999

Projet de budget

Ecart/APB

Exécution

 

CE

CP

CE

CP

CE

CP

CE

CP

97 (CP)

PAC

Marge*

40.437

2.826

40.437

40.440

4.748

40.440

40.440

4.748

40.440

0

0

40.675

Actions structurelles

Marge*

33.461

0

28.400

39.025

0

30.950

39.025

0

30.950

0

0

26.059

Politiques internes

Marge*

5.754

249

4.875

5.927

460

5.066

5.449

937

4.809

- 478

- 257

4.810

Actions extérieures

Marge*

5.731

470

4.191

5.884

986

4.268

5.992

878

4.059

108

- 209

3.998

Dépenses administratives

Marge*

4.353


188

4.353

4.520


203

4.520

4.423


300

4.423

- 97

- 97

4.204

Réserves

1.176

1.176

1.192

1.192

1.192

1.192

0

0

286

Compensations

99

99

0

0

0

0

0

0

212

Total

91.011

83.531

96.988

86.435

96.521

85.873

- 467

- 563

80.243

Marge (CE)/% PNB EUR 15 (CP)

3.733

1,127

6.397

1,108

6.863

1,100

 
 

1,136

* Marge disponible en CE, pour chaque rubrique, sous le plafond des perspectives financières

Ces niveaux de progression sont profondément injustifiables. Ils imposent une contrainte excessive aux budgets nationaux qui se voient amputés d'une contribution européenne en forte augmentation à l'heure où les Etats membres sont liés par les disciplines financières nécessaires au rétablissement de leurs finances publiques et formalisées dans le "pacte de stabilité et de croissance" défini dans la perspective de l'adoption de l'euro par onze Etats membres.

Les justifications apportées à de telles progressions ne sont pas recevables.

S'agissant des crédits de paiement, la Commission fait valoir qu'ils progresseraient comme les dépenses budgétaires des différents Etats progressent en moyenne
. Si ceci est bien exact, il faut dénoncer l'utilisation d'une telle référence pour justifier l'évolution des dépenses communautaires.

On fera d'abord valoir que le budget européen peut être arbitré au premier écu ou plutôt au premier euro. Il ne supporte en effet pas de ces charges qui, comme les dépenses d'intérêt ou de personnel d'un budget national, rendent les arbitrages budgétaires, sinon illusoires du moins délicats. Rien ou presque de tout cela pour le budget européen, et particulièrement cette année où les crédits de la politique agricole commune sont stables par rapport à l'exercice précédent.

Si donc les crédits de paiement s'accroissent tant c'est que les institutions chargées d'établir le budget européen en ont décidé ainsi.

Sans doute, le Conseil a-t-il quelque peu modifié l'avant-projet de budget de la Commission. Il a dégagé des "économies" pour 563 millions d'euros en crédits de paiement et pour 467 millions d'euros en crédits d'engagement.

Synthèse des "économies dégagées par le Conseil

par rapport à l'avant-projet de budget de la Commission.


(en millions d'euros)

1) Crédits d'engagement :

PAC : 0

Actions culturelles : 0

Politiques internes : 478

Actions extérieures : - 108

Dépenses administratives : 97

Total : 467

2) Crédits de paiement :

PAC : 0

Actions structurelles : 0

Politiques internes : 257

Actions extérieures : 209

Dépenses administratives : 97

Total : 563

Mais l'exercice d'" économies  " du Conseil s'est borné à infléchir le rythme de croissance des dépenses proposé par la Commission, le Conseil allant jusqu'à inscrire en matière d'actions extérieures un projet plus dispendieux que celui de la Commission.

On peut mesurer la modicité de l'effort d'économies du Conseil en rappelant que ses propositions représentent 0,65 % et 0,48 % des propositions de la Commission en matière de crédits de paiement et d'engagement respectivement.

En outre, le Parlement européen n'a pas résisté, lui, à son penchant naturel pour la dépense, accroissant de 4 milliards de francs les crédits. Dans ces conditions, il faut exiger du Conseil qu'il annule ces décisions, mais on doit redouter qu'il ne le puisse pas entièrement.

Face à un projet de budget si peu satisfaisant, l'autorité budgétaire européenne s'abrite derrière les règles posées par le Conseil européen d'Edimbourg et, plus généralement, par les différents engagements résultant des programmes financiers établis dans tel ou tel domaine (recherche, politiques d'intervention extérieure, emploi...).

On insiste en particulier sur l'engagement au terme duquel les crédits d'engagement des perspectives financières programmés au titre des actions structurelles seraient non des plafonds qu'on pourrait diminuer au gré des exercices budgétaires, mais bien des objectifs de dépenses.

C'est en effet cet engagement qui "explique" l'explosion des crédits d'engagement au titre des actions structurelles dans le projet de budget 1999 (+ 16,6 % ; + 5,5 milliards d'euros).

En contrepartie, les autres rubriques enregistraient, avant l'intervention du Parlement, une stabilité globale de leurs crédits d'engagement par rapport à 1998. Doit toutefois être mis en évidence un arbitrage entre les actions extérieures dont les crédits progressent et les politiques internes qui sont dotées en diminution.

I. LES DÉPENSES AGRICOLES : UN CALIBRAGE VOLONTARISTE

Les dépenses agricoles sont contraintes par la ligne directrice agricole, plafond de la rubrique 1, revalorisée chaque année à partir d'un indice égal à 74 % du rythme de croissance du PNB en valeur, c'est-à-dire tenant compte de l'évolution prévisible des prix.

Pour 1999, le montant de la ligne directrice agricole s'élève à 45,2 milliards d'euros, soit de l'ordre de 47 % du plafond global des crédits d'engagement du budget européen.

Le projet de budget tel qu'arrêté par le Conseil sans modification par rapport à l'avant-projet de budget de la Commission retient une dotation de la rubrique  1 de 40,4 milliards d'euros et dégage ainsi une marge très substantielle sous la ligne directrice agricole.

Le projet de budget propose également une stabilisation des crédits de paiement par rapport à 1998. On doit relever toutefois que l'examen du projet est, en la matière, ardu puisque la Commission procédera, comme elle le fait depuis l'exercice précédent, à une actualisation de ses propositions au cours de l'automne pour tenir compte des éléments de prévision les plus récents. De ce point de vue, il est d'ores et déjà prévisible que des suppléments de crédits seront nécessaires .

Les décisions du Conseil agricole de juin 1998 sur le "paquet-prix" et sur la réforme du secteur de la banane devraient se traduire par un surcoût de 49 millions d'euros à quoi devraient s'ajouter 35 millions d'euros au titre de la réforme du régime agrimonétaire.

Mais, l'inconnue la plus lourde réside dans les effets de la chute du dollar sur les dépenses d'intervention et de restitution.

En effet, même si du fait de la réforme de la PAC de 1992, le poids de ces dépenses a été fortement réduit au profit des aides directes versées aux agriculteurs, elles représentent encore un volet significatif de la dépense agricole, avec plus de 8 milliards d'euros. Or, ce volume de dépenses est sensible à la parité du dollar qui, depuis l'élaboration du projet de budget, s'est fortement dépréciée, de plus de 10 %.

En conséquence, il est probable qu'une augmentation conséquente des crédits de la PAC sera nécessaire (800 millions d'euros pourraient devoir être mobilisés en supplément) synonyme d'un accroissement de la contribution des Etats membres par rapport aux prévisions actuelles.

L'évolution des crédits de la politique agricole commune

(en millions d'euros)

 

Exécution 1992

Exécution 1993

Exécution 1994

Exécution 1995

Exécution 1996

Exécution 1997

Exécution 1998

Exécution 1999

Produits végétaux

19.171

21.258

21.853

22.983

24.980

26.364

26.404

26.460

Produits animaux

10.543

11.657

9.804

10.750

12.003

11.792

10.633

10.320

Autres dépenses

1.405

1.676

1.314

764

2.124

2.268

3.400

3.660

Total FEOGA-Garantie (1)

31.119

34.591

32.971

34.497

39.108

40.423

40.437

40.440

Ecart d'exécution (2)-(1)

3.920

2.066

3.494

3.447

1.720

1.382

2.826

4.748

Les crédits du projet de budget s'inscrivent en effet non seulement très en-dessous de la ligne directrice agricole, ce qui peut paraître sage compte tenu de l'expérience passée, mais encore sous le niveau des crédits de paiement consommés en 1997.

Si l'évolution comparée des prix intérieurs et internationaux et l'affaiblissement de l'incidence financière de la crise de la "vache folle" pouvaient justifier de telles perspectives, les effets évoqués plus haut de la dépréciation du dollar suppriment la première justification alors qu'il ne faut plus négliger les incidences que pourrait avoir sur les prix agricoles internationaux l'approfondissement de la récession dans les pays en développement.

Ainsi doit-on exprimer cette année un certain scepticisme sur le niveau des crédits agricoles dont le calibrage, au terme de l'analyse, peut apparaître excessivement volontariste afin d'afficher un projet de budget point trop indécent malgré l'explosion des crédits d'actions structurelles.

II. LES ACTIONS STRUCTURELLES : LE POIDS D'ENGAGEMENTS DERAISONNABLES

A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Dans le projet de budget 1999, les crédits d'actions structurelles connaissent en effet une véritable explosion avec une croissance de près de 9 % pour les crédits de paiement et de 16,6 % pour les crédits d'engagement.

On en a énoncé plus haut la "raison". On en dira plus bas toute la "déraison".

Avant cela, il convient de rappeler les objectifs et les moyens des actions structurelles.

1. Des objectifs et des instruments nombreux

Les crédits d'actions structurelles inscrits au budget européen sont le fruit de l'émergence d'une politique communautaire à part entière destinée, à partir de l'Acte unique européen, à assurer la cohésion économique et sociale dans l'Union européenne.

Cette politique a été déclinée par strates successives.

Sept objectifs ont été énoncés : un fonds de cohésion a été institué, des programmes d'initiative communautaires ont été lancés.

Sept objectifs ont été énoncés, les uns régionalisés, les autres de dimension nationale.

Les premiers recouvrent :

- l' objectif 1 pour le développement des régions en retard de développement soit celles dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire ;

- l' objectif 2 pour l'ajustement des régions les plus affectées par le déclin industriel soit celles où le taux de chômage et le pourcentage d'emplois industriels sont supérieurs à la moyenne communautaire.

- l'objectif 5 b pour l'ajustement structurel dans les régions rurales soit celles où le niveau de développement économique est bas, le taux d'emploi agricole élevé, le niveau des revenus agricoles faible et (ou) qui connaissent le dépeuplement.

- l'objectif 6 pour l'ajustement des régions à faible densité de population .

Les trois objectifs qui ne sont pas spécifiquement régionalisés et s'appliquent à l'ensemble de l'Union sont :

- l'objectif 3 pour les jeunes chômeurs et les chômeurs de longue durée ;

- l'objectif 4 pour l'adaptation des travailleurs aux mutations industrielles ;

- l'objectif 5 a pour l'ajustement dans l'agriculture et la pêche.

S'agissant du fonds de cohésion créé en application du traité sur l'Union européenne, ses interventions sont appelées à bénéficier aux Etats membres dont le PIB par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire et qui ont mis en place un programme pour satisfaire aux conditions de convergence économique. En pratique, quatre Etats membres en bénéficient, la Grèce (en dépit de son échec relatif à réussir la convergence), l'Espagne, le Portugal et l'Irlande.

Les interventions du fonds sont centrées sur des projets intéressants l'environnement et les réseaux transeuropéens de transport.

Enfin, les programmes d'initiative communautaire mettent en oeuvre une série d'initiatives communautaires dont la liste est donnée ci-dessous avec une indication des moyens programmés initiative par initiative.

Initiatives communautaires (1994/1999)

 

Objet

MioEcus

INTEREG

Coopération transfrontalière et réseaux d'énergie

2.900

LEADER

Développement rural

1.400

RGIS

Intégration des régions ultrapériphériques

600

RECHAR

Diversification des zones charbonnières

400

ESIDER

Reconversion des zones sidérurgiques

500

RETEX

Diversification des zones dépendant du textile

500

KONVER

Diversification des zones dépendant du secteur militaire

500

ADAPT

Adaptation de la main-d'oeuvre aux mutations industrielle

1.400

PME

Adaptation des PME

1.000

URBAN

Rénovation des zones urbaines

600

Emploi et ressources humaines

Emploi et ressources humaines

1.400

PESCA

Restructuration de la pêche

250

industrie textile portugaise

Industrie textile portugaise

400

Réserve

Réserve

1.600

TOTAL

 

13.450

Enfin, la Commission est libre de lancer des actions pilotes ou innovatrices.

Les politiques structurelles sont réalisées au moyen de fonds -FEDER, FSE, FEOGA...) et sont programmées par objectifs et par pays. En matière d'initiatives communautaires le financement, qui ne peut dépasser 9 % des crédits d'engagement dont sont dotés les fonds, vient des fonds structurels mais les décisions appartiennent à la Commission. Il en va de même pour les actions pilotes ou innovantes qui ne peuvent, quant à elles, mobiliser plus de 1 % des crédits d'engagements mais dont on doit souligner deux particularités : la possibilité d'apporter au bénéficiaire un taux de subventionnement de 100 % et celle d'agir, dans certaines limites, sans bases légales.

2. Des ressources importantes

Le tableau ci-dessous rend compte de la programmation actuelle des actions structurelles.

Le total des moyens disponibles pour les six années entre 1994 et 1999 a été fixé à 1.083,5 milliards de francs 3( * ) . En vérité, il faut ajouter à cette somme des crédits figurant à d'autres rubriques, en particulier à la rubrique des politiques internes qui participent du fait de leur gestion et alors que tel ne devrait pas être le cas à l'expression de la politique structurelle de l'Union européenne. On peut retenir comme ordre de grandeur que les crédits d'actions structurelles représentant environ 0,45 % du PIB européen.

Répartition des ressources par Etat membre et par objectif de 1994 à 1999

(en millions d'écus 1994)

Pays

Obj. 1

Obj. 2

Obj. 3

Obj. 4

Obj. 5a

Obj. 5b

Obj. 6

PIC

Total FS

Fonds de cohésion

Total

Belgique

730

341

396

69

195

77

 

288

2.096

 

2.096

Danemark

-

119

263

38

267

54

 

102

843

 

843

Allemagne

13.640

1.566

1.681

260

1.145

1.227

 

2.212

21.731

 

21.731

Grèce

13.980

-

-

-

-

 
 

1.154

15.134

2.602

17.736

Espagne

26.300

2.415

1.474

369

446

664

 

2.782

34.450

7.950

42.400

France

2.190

3.769

2.562

641

1.936

2.236

 

1.635

14.939

 

14.939

Irlande

5.620

-

-

-

-

 
 

527

6.147

1.301

7.448

Italie

14.860

1.462

1.316

399

814

901

 

1.898

21.650

 

21.650

Luxembourg

-

15

21

1

40

6

 

19

102

 

102

Pays-Bas

150

650

923

156

165

150

 

422

2.616

 

2.616

Portugal

13.980

-

-

 

2

-

 

1.061

15.043

2.601

17.644

Royaume-Uni

2.360

4.580

3.377

 

275

817

 

1.572

12.981

 

12.981

Autriche

162

99

329

60

379

403

 

146

1.578

 

1.578

Finlande

-

179

254

83

347

190

450

150

1.653

 

1.653

Suède

-

157

342

170

127

135

247

127

1.305

 

1.305

Total

93.972

15.352

12.938

2.246

6.136

6.860

697

14.065

152.266

14.454

166.720

Source : Commission, premier rapport sur la cohésion, novembre 1996.

La dotation française au titre des actions structurelles pour la période de six années des actuelles "perspectives financières" s'élève à près de 100 milliards de francs, soit un peu plus que la contribution au budget européen demandée cette année à notre pays.

Cette remarque est destinée à rappeler que la France est un bénéficiaire théoriquement important des actions structurelles même si elle se trouve, de ce point de vue, loin derrière les pays de la cohésion, mais aussi l'Allemagne.

Il est notable que l'essentiel des moyens des politiques structurelles est dévolu à l'objectif 1 (+ de 56 % du total). L'objectif 2 suit (9,2 %), puis viennent le fonds de cohésion (8,6 %) et les financements mobilisables dans le cadre des initiatives communautaires (8,4 %). Les autres objectifs ne se voient affecter que 17,3 % des ressources. Les actions structurelles qui sont principalement des moyens de politique d'aménagement du territoire européen réunissent donc des moyens importants et sont, particularité notable, du fait des engagements d'Edimbourg, assurées de bénéficier des dotations alors programmées.

3. Des actions placées sous conditions

Les interventions communautaires sont théoriquement soumises à quelques grands principes qu'il faut énoncer.

On évoquera d'abord le principe de concentration qui vise à réserver l'action structurelle communautaire aux régions et populations les plus défavorisées.

Le principe de partenariat consiste à associer la Commission des Etats membres et les acteurs locaux à la définition et à l'exécution des programmes financés sur les crédits d'actions structurelles.

Le principe de programmation consiste à inscrire l'action communautaire dans un cadre temporel de moyen terme et à l'ordonner autour d'objectifs stratégiques.

Enfin, le principe d'additionnalité a été posé afin que les Etats ne se défaussent pas sur le budget européen des moyens consacrés par eux à atteindre les objectifs des actions structurelles. C'est la démonstration même que les actions structurelles se sont développées en marge, voire en contravention avec le principe de subsidiarité. Il en découle, en particulier, une exigence de cofinancement plus ou moins contraignante selon les catégories d'interventions structurelles.

Le tableau ci-dessous rappelle les règles posées en la matière.

Taux d'intervention

 

Limite maximale du coût total
en %

Limite minimale des dépenses publiques
en %

Cas général

50

25

Régions de l'objectif 1

75

50

Pays du fonds de cohésion

80

50

Régions ultrapériphériques

85

85

Etudes, projets pilotes

100

0

B. APPRÉCIATIONS

1. Une augmentation déraisonnable, symptôme d'un système inadapté

La trop forte augmentation des crédits d'actions structurelles dans le projet de budget pour 1999 résulte de deux facteurs.

- Le premier est l'engagement pris à Edimbourg d'inscrire la totalité des crédits programmés, engagement au terme duquel nulle marge sous les plafonds définis pour la rubrique 2 ne peut être dégagée contrairement à la situation qui prévaut pour les autres entreprises.

- Le second, pour les crédits de paiement, vient de la nécessité d'inscrire des moyens suffisants pour absorber les considérables dépenses qui, engagées, restent à liquider.

Ces deux contraintes sont l'expression même d'un système peu satisfaisant qui débouche sur des situations dangereuses.

Le considérable ressaut (+ 16,6 %) des crédits d'engagement pour "solder" la programmation décidée à Edimbourg n'est que la conséquence des difficultés rencontrées dans le passé pour respecter cette programmation. Celle-ci a donc, à l'évidence, été surdimensionnée et une recherche soigneuse des raisons de cette erreur de calibrage s'impose afin de l'éviter dans la programmation en cours de négociation.

Deux observations complémentaires doivent conduire à s'inquiéter des conditions dans lesquelles seront engagés les crédits considérables prévus en 1999 et à mettre en évidence l'importance des besoins de crédits nationaux à dégager pour respecter l'exigence de cofinancement.

Quant à la situation des crédits de paiement, il faut rappeler que, malgré un montant de 30,9 milliards d'euros et une croissance de près de 9 % par rapport aux crédits du budget de 1998, les crédits prévus pour 1999 représentent moins de 70 % des "restes à liquider" tels qu'ils sont estimés pour la fin de 1999 au titre de la rubrique 2.

On doit dans ces conditions d'abord souhaiter vivement que la Commission maîtrise vraiment ses échéanciers de paiement et qu'une fraction même négligeable des "restes à liquider" ne vienne pas s'imputer sur l'exercice 1999. On peut illustrer l'ampleur du péril en indiquant que si 10 % de ces sommes devaient être honorés en 1999 notre contribution serait elle-même majorée de l'ordre de 4,5 milliards de francs.

Mais on doit aussi exprimer les plus grandes inquiétudes pour l'avenir puisque la "facture" d'Edimbourg constituera une source autonome de progression des crédits d'actions structurelles qu'il faut avoir à l'esprit au moment où se dessine la future programmation financière. On doit d'ailleurs indiquer que, moyennant l'hypothèse d'un maintien du niveau de financement français apporté au budget européen, notre pays devra "débourser" environ 50 milliards de francs de ce seul chef de dépense.

Enfin, il faut souligner que ces phénomènes sont la traduction de difficultés d'exécution des engagements de crédit dont la source doit être recherchée mais qui, de plus, devraient trouver un remède partiel dans l'annulation d'engagements non consommés au terme d'un délai raisonnable.

2. Une efficacité douteuse

a) Une redistribution ambiguë

L'objectif principal des actions structurelles est d'assurer la cohésion entre les Etats membres. La philosophie de la Commission est, on doit l'observer, fort ambitieuse ; il ne s'agit pas seulement de rendre les écarts acceptables en permettant à chacun d'assumer ses différences, mais plutôt de réduire la dispersion des performances économiques, et d'égaliser les niveaux de développement.

Ambitieuse, la philosophie de la Commission n'en est pas moins ambiguë.

Si la cohésion doit favoriser le rapprochement entre les Etats membres, l'action de la Commission est fortement régionalisée, avec près de 75 % des moyens réservés aux régions, si bien qu'elle revient à promouvoir une vraie politique européenne d'aménagement du territoire. Or, une telle politique qui, finalement, n'a pas été consacrée par les traités et se substitue aux responsabilités des Etats, en contravention avec le principe de subsidiarité, peut apparaître comme partiellement contradictoire avec l'objectif de cohésion.
Il en va ainsi lorsqu'elle conduit à ménager l'octroi de crédits importants à des régions, certes défavorisées, mais appartenant à des Etats relativement prospères. Or, c'est évidemment ce qui se produit puisque la dispersion des PIB des régions européennes est beaucoup plus importante que celle des PIB des Etats. C'est aussi cette ambiguïté qui limite la dimension peu redistributive des fonds structurels.

A son tour, cette caractéristique ampute inévitablement les marges disponibles pour assurer la cohésion entre Etats membres.

Ce défaut de concentration des moyens sur les Etats relativement pauvres est renforcé par l'extrême dispersion régionale des interventions structurelles au terme de laquelle 51 % de la population communautaire est aujourd'hui concernée par ces interventions.

b) Une efficacité à nuancer

Cette caractéristique s'accompagne en outre d'un saupoudrage des crédits, source de difficultés d'exécution, mais aussi gage de pertes en ligne puisqu'il apparaît évident que l'abondance de projets rime avec une décrue de l'intérêt global de l'ensemble.

On doit sans doute considérer que ces difficultés sont moins sensibles dans les pays en retard significatif de développement où des projets structurants s'imposent et où l'effet de levier de la dépense publique européenne peut être réel du fait d'un manque de capitaux publics ou privés. Certaines analyses macroéconomiques laissent d'ailleurs entendre, pour les seuls pays de la cohésion , que l'intervention structurelle européenne a pu, dans le passé, contribuer positivement à leur croissance pour à peu près 0,5 point de PIB. On remarquera toutefois que cette estimation est très inférieure aux montants transférés dans ces pays, signe que d'autres agents économiques "profitent" des allocations communautaires, et repose sur des conventions qui en conditionnent les résultats.

Aucune étude d'ensemble n'ayant été conduite pour les pays les plus développés, on ne peut que conjecturer sur l'efficacité de l'intervention communautaire dans ceux-ci. Cet exercice peu satisfaisant n'est, en tout cas, pas favorisé par les travaux des comités de suivi censés évaluer les programmes, mais dont les travaux relèvent pour l'essentiel de l'exercice de style.

Il existe cependant quelques indices utilisables pour porter une appréciation globale sur la politique de cohésion de la Communauté.

Le premier d'entre eux est que les écarts entre les PIB par habitant des régions d'Europe ne se sont pas réduits dans la période récente.
Cet indice n'est certes pas entièrement significatif puisqu'on peut aussi bien estimer que la dispersion aurait été encore plus grande sans les interventions européennes. Mais il révèle que l'objectif de cohésion retenu par la Commission n'a pas été atteint.

Un deuxième indice réside dans le parallélisme entre le niveau de consommation des crédits, le niveau de développement et le nombre des programmes. Il conforte l'idée selon laquelle les actions structurelles ont vocation à se développer dans les pays les moins développés autour de projets bien sélectionnés.

Enfin, un dernier indice tiré de la comparaison entre le niveau des fonds communautaires en points de PIB et leur effet sur la croissance du PIB tel qu'estimé par les études disponibles, paraît démontrer des pertes de substance. Celles-ci peuvent être dues à des erreurs d'analyse, mais on doit sans doute aussi y voir la manifestation que les agents économiques des pays bénéficiaires ne sont pas les seuls à profiter du financement européen. Il reste que l'évaporation ainsi constatée, évaluée parfois autour de 35 % des interventions, devrait faire l'objet d'un recensement exhaustif.

III. LES AUTRES POLITIQUES : UN DEVELOPPEMENT MAL MAÎTRISÉ

A. LES POLITIQUES INTERNES

Avec 5,6 % des crédits de paiement et d'engagement du projet de budget pour 1999, les crédits réservés aux politiques internes s'inscrivent en retrait de 1 % par rapport à l'exercice précédent.

Evolution des crédits des politiques internes

(en millions d'écus)

 

Exécution 1995

Exécution 1996

Exécution 1997

Budget 1998

Projet budget 1999

 

CE

CP

CE

CP

CE

CP

CE

CP

CE

CP

Total politiques internes

5.002

3.918

5.222

4.443

5.449

4.810

5.754

4.875

5.449

4.809

Marge sous plafond

 
 

115

 

54

 

249

 

937

 

dont : Recherche

3.024

2.471

3.202

2.854

3.485

2.957

3.491

2.999

3.400

2.975

dont : Réseaux

352

239

381

267

457

349

560

389

579

449

dont : Autres

1.626

1.208

1.639

1.316

1.606

1.504

1.703

1.487

1.470

1.385

Elles enregistrent ainsi les effets de la nécessaire rigueur imposée aux autres rubriques du budget du fait de la saturation de la rubrique 2 dont on a précédemment rendu compte.

Cette évolution démontre que le budget européen est flexible. Est-elle réaliste ? Certainement oui compte tenu des gaspillages, mais pas nécessairement si l'on s'inquiète des habitudes budgétaires de l'Europe. Au moment où le projet de budget a été arrêté, le 5 ème programme commun de recherche et de développement, qui absorbe une large majorité (61,5 %) des crédits, était en effet encore en cours de négociation.

On rappelle à ce propos le conflit opposant le Parlement européen, désireux d'adopter un programme de 16,3 milliards d'euros, au Conseil dont la proposition, sur la base de laquelle a été élaboré le projet de budget, se monte à 14 milliards d'euros.

Les propositions actuelles reviennent à augmenter l'enveloppe des crédits de recherche, l'une de près de 25 %, l'autre de plus de 6 % par rapport à la programmation précédente.

Si la recherche et le développement doivent être des priorités pour les pays européens exposés au risque d'un réel retard par rapport aux Etats-Unis notamment, cet argument ne suffit pas à convaincre que les projets en cours soient fondés.

A ce propos, votre rapporteur ne peut que réitérer ses observations qui sont autant de préoccupations sur :

la légitimité du processus de définition de la stratégie européenne en matière de recherche avec, en particulier, la quasi-absence à ce stade initial des grands opérateurs de recherche que sont les entreprises ;

le manque d'évaluation de l'efficacité des dépenses, même si le quatrième programme-cadre contenait des dispositions visant à corriger cette lacune ;

la légitimité même de nombreuses interventions communautaires au regard du principe de subsidiarité lorsque lesdites interventions ne s'accompagnent pas d'actions concertées entre Etats-membres.

Il faut rappeler qu'une politique communautaire en matière de recherche ne se conçoit qu'en tant qu'elle est susceptible d'apporter une plus-value par rapport aux résultats que peuvent atteindre les politiques nationales.

Il faut aussi souligner que le vrai apport de la Communauté dans ce domaine serait de promouvoir des projets exceptionnels articulés autour de la participation commune de centres de recherche des pays membres.


Il ne semble pas que cette conception anime suffisamment les instances européennes, si bien que se dégage trop souvent l'impression déplaisante de la constitution d'une "tirelire de la recherche" où les plus habiles viendraient puiser au gré de leurs besoins. Le nombre des projets -3.000 nouveaux projets en 1995 pour 10.000 participants- en témoigne. Certains ont pu évoquer à ce propos les "dérives cohésives" de la "politique de recherche" des Communautés européennes faisant observer que, la règle d'adoption des objectifs de recherche faisant place à l'unanimité, une correction systématique était entreprise par la Commission au profit des pays les moins compétitifs. On soulignera que les moyens européens consacrés à la recherche n'ont pas a priori à être orientés en fonction d'objectifs de convergence régionale qui relèvent d'autres instruments et, tout particulièrement, des crédits d'actions structurelles.

Les crédits réservés aux réseaux transeuropéens (449 millions d'euros) s'accroissent de 15 % en crédits de paiement, mais de seulement 3,4 % en crédits d'engagement. Ils ne représentent qu'une proportion minime des crédits disponibles pour les politiques internes.

Cette situation doit être dénoncée car les programmes de réseaux transeuropéens soutiennent dans l'ensemble des projets réellement européens, pourvoyeurs d'infrastructures favorables à la croissance et à l'emploi.

Il faut toutefois s'attacher à éviter en la matière au moins deux écueils :

- l'un aboutissant à distraire une part excessive des moyens des réalisations opérationnelles au profit d'études préparatoires trop longues dont les prolongements seraient paralysés par des obstacles financiers non anticipés ;

- l'autre consistant à aider des projets d'infrastructure n'apportant un plus qu'à certains Etats au détriment des autres, et se soldant donc par de simples détournements de trafic.

Dans le premier cas, un suivi attentif des travaux préparatoires s'impose et l'exigence d'une programmation financière en amont des projets doit être réaffirmée. Pour résoudre le second type de difficultés, une étude d'impact européenne des projets doit permettre de vérifier toujours que chacun d'entre eux offre l'opportunité d'un gain d'efficience réellement européen. Les évaluations effectuées doivent être systématiques et portées à la connaissance de l'ensemble des Etats membres.

Les moyens consacrés aux autres politiques internes déjà rognés l'an dernier seraient réduits de 6,8 % en crédits de paiement et de 13,5 % en crédits d'engagement . Cette diminution, corollaire de l'augmentation des crédits réservés à la recherche et aux réseaux transeuropéens, devrait conduire à arbitrer entre des moyens globalement modestes (1,4 milliard d'euros) pour centrer l'action communautaire sur des politiques au service d'une Europe-puissance.

Le tableau suivant démontre qu'une telle démarche n'est pas suivie et qu'une logique de dispersion prévaut.

Données relatives aux politiques internes

(En millions d'écus)

 

Exécution 1995

Exécution 1996

Exécution 1997

Budget 1998

Projet 1999

 

CE

CP

CE

CP

CE

CP

CE

CP

CE

CP

Education, formation pro-fessionnelle et jeunesse

364

284

394

373

378

354

411

369

305

328

Initiative emploi

0

0

38

34

51

32

191

100

197

123

Marché intérieur

232

175

225

190

185

172

157

147

144

124

Autres actions agricoles

177

111

135

94

169

150

146

121

142

127

Environnement

144

91

136

121

132

129

141

128

137

124

Autres actions sociales

173

159

171

126

166

145

165

151

109

116

Industrie

82

44

86

8

84

96

84

77

92

94

Culture, audiovisuel

141

118

123

96

107

118

99

108

77

79

Information, comm.

77

48

110

75

117

110

103

84

72

94

Energie

42

34

38

35

37

36

33

37

30

31

Protection consommateurs

21

18

20

15

20

17

21

21

22

20

Justice, affaires intérieures

4

0

1

2

12

2

14

16

17

8

Autres

170

129

163

147

149

144

138

128

128

118

Total autres politiques

1.626

1.209

1.639

1.316

1.606

1.504

1.703

1.487

1.470

1.386

Les rubriques des politiques internes sont un indicateur avancé de l'incroyable saupoudrage des moyens distribués qui s'éclatent entre un trop grand nombre d'interventions.

Celles-ci s'étaient d'ailleurs souvent développées sans aucune base légale autre que l'inscription de crédits budgétaires, manifestation d'une sorte d'existentialisme de l'intervention européenne attirant sur elle une certaine défiance, voire quelques soupçons.

Ces errements doivent être corrigés et il faut pour cela simplifier l'intervention européenne en la centrant sur des projets où la dépense publique peut se justifier et où la dépense européenne s'impose comme répondant au principe de subsidiarité.

L'accent mis sur l'initiative pour l'emploi dans le prolongement du sommet de Luxembourg avec 450 millions d'euros prévus pour la période 1998-2000 (2.970 millions de francs) contrevient manifestement à ces principes. Le sous-emploi observé en Europe n'est en effet pas un problème européen, sauf à considérer qu'il serait le fruit de la construction européenne, mais bien l'addition de problèmes nationaux que les Etats doivent s'attacher à résoudre. La création d'un guichet européen voué à réduire le sous-emploi revient à mutualiser des politiques qui doivent être adaptées aux réalités économiques et sociales nationales sans aucune visibilité sur l'utilisation qui sera faite des moyens. Les sommes en jeu sont certes dérisoires, raison supplémentaire pour s'opposer à cette initiative, mais c'est la multiplication des dépenses publiques européennes inadaptées qui jette le discrédit sur un budget européen dont la contribution à la construction d'une Europe-puissance doit être le "leitmotiv".

B. LES ACTIONS EXTÉRIEURES

Les crédits d'actions extérieures s'accroissent de 5 % si l'on tient compte des moyens de la réserve d'aide d'urgence.

Le tableau ci-dessous récapitule les données globales utiles pour en analyser l'évolution.

Données relatives aux actions extérieures

(En millions d'écus)

 

Exécution 1995

Exécution 1996

Exécution 1997

Budget 1998

Projet 1999

 

CE

CP

CE

CP

CE

CP

CE

CP

CE

CP

Actions extérieures

5.117

3.374

5.506

3.754

5.447

3.973

5.701

4.171

5.962

4.036

PESC

85

76

56

51

18

25

30

20

30

23

Total

5.202

3.450

5.562

3.805

5.465

3.998

5.731

4.191

5.992

4.059

Rappel des crédits ouvents

5.246

4.219

5.617

4.635

5.549

4.643

-

-

-

-

Sous-exécution

44

769

55

830

84

645

-

-

-

-

Rappel des perspectives financières

-

-

-

-

-

-

6.201

-

6.870

-

Marge sous les perspectives financières

-

-

-

-

-

-

470

-

878

-

Le tableau suivant décompose les crédits en fonction des principales actions qu'ils sont censés financer.

Crédits des principales politiques extérieures

(En millions d'euros)

 

1998

1999

 

Crédits d'engagement

Crédits de paiement

Crédits d'engagement

Crédits de paiement

Politique étrangère et de sécurité commune

30

22,9

30

22,9

Aide alimentaire et humanitaire

885,1

710,1

885,1

710,1

Coopération avec l'Amérique latine, l'Asie et l'Afrique du Sud

867,4

428,3

854,8

408

Coopération avec les pays méditerranéens, le Moyen et le Proche-Orient

1.149,6

622

1.143

594

Coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale et les Etats de la CEI

1.626,6

1.298,3

1.942

1.297

Volets externes de certaines politiques communautaires

87,1

76,9

97,1

76,9

Initiative européenne pour la démocratie et la protection des droits de l'homme

97,4

73

90,4

73

Total

4.713,2

3.231,5

5.042,4

3.181,9

Source : Conseil des Communautés européennes

Les crédits de coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) et avec les Etats de la CEI se taillent la part du lion. Ils représentent 38,5 % du disponible pour engagement et plus de 40 % des crédits de paiement.

Le deuxième pôle significatif concerne les actions en faveur des pays méditerranéens et du Proche et Moyen-Orient (22,7 % des crédits d'engagement et 18,7 % des crédits de paiement).

Le troisième domaine intéresse l'aide alimentaire et humanitaire (17,6 % des engagement set même 22,3 % des crédits de paiement).

Le projet de budget pour 1999 a été l'occasion d'un conflit mineur entre la Commission et le Conseil relatif au respect des engagements pris lors du sommet de Cannes de juin 1995. Une programmation avait alors été définie pour les crédits d'intervention destinés aux deux zones principales d'action extérieure de la Communauté.

Rappel de la programmation adoptée au sommet de Cannes

(En millions d'écus)

(Crédits d'engagement)

 

Pays d'Europe centrale et orientale

Pays tiers méditerranéens

1995

1.154

550

1996

1.235

900

1997

1.273

1.000

1998

1.397

1.092

1999

1.634

1.143

Total 1995-1999

6.693

4.685

Cette programmation marquée par un rééquilibrage des interventions entre l'Est du continent et les pays extérieurs situés à son Sud avait fait l'objet d'une réestimation à la baisse par la Commission dans son volet orienté vers les pays d'Europe centrale et orientale. Le Conseil a rétabli 150 millions d'euros de crédits d'engagement. La programmation de Cannes est donc presque totalement respectée dans le projet de budget du Conseil.

En principe, une telle orientation devrait être approuvée. Elle s'inscrit en effet dans la logique d'une prochaine adhésion des pays bénéficiaires. Pourtant, les doutes sur l'efficacité des actions extérieures de l'Union conduisent à nuancer le jugement en la matière.

On n'insistera pas plus qu'il ne faut sur les dérives récemment mises à jour par l'Unité de coordination et de lutte anti-fraude qui ne concernent d'ailleurs pas les seuls PECO. Elles appellent des suites judiciaires.

Sur le fond, elles apparaissent comme la conséquence de la logique d'intervention développée par la Commission qui, quelque peu protéiforme, devait déboucher sur la gestion de multiples programmes par autant d'intermédiaires, au nombre desquels quelques aigrefins.

On doit surtout s'interroger sur la qualité des résultats obtenus. Or, un manque d'évaluation globale des politiques d'aide à l'Est du continent ne permet pas d'en évaluer l'efficacité.
Il faut, à l'aube de l'adhésion de certains des pays bénéficiaires, dresser un état des lieux afin d'évaluer la capacité des Etats issus du bloc soviétique à supporter leur adhésion à l'ensemble européen.

Il serait utile qu'une des instances de notre Parlement réalise, comme l'avait fait il y a quelques années l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, une évaluation concrète de cette aptitude et de la mesure dans laquelle nos politiques à destination de ces pays peuvent contribuer à la garantir.

*

* *

Conclusions sur les dépenses

Le projet de budget pour 1999 prolonge les évolutions majeures des finances publiques européennes observées durant la dernière décennie.

La part des dépenses non obligatoires sur lesquelles le Parlement européen a le dernier mot est devenue prépondérante.

La politique agricole commune regroupe désormais moins de la moitié d'un budget qui finance de plus en plus d'interventions "cohésives" fondées sur des politiques communautaires définies avec beaucoup moins de précision que la PAC.

La primauté accordée aux actions structurelles se traduit par une montée en charge continue des crédits qui leur sont réservés, montée en charge qui "contraint" les autres rubriques.

Les divers éléments de programmation financière qui concernent notamment les actions structurelles, les actions extérieures et certaines politiques internes (recherche en particulier) jettent les fondations d'un budget en continuelle expansion que la pratique de l'autorité budgétaire européenne semble, malgré quelques tentatives passées, ne pas pouvoir endiguer.

La disparité des "taux de retour" dont bénéficient les Etats membres face aux différentes catégories de dépenses européennes alimente des revendications permanentes qui fragilisent le budget européen et gênent la construction d'un budget au service d'une Europe-puissance.

Rapporté à ce dernier objectif, on peut estimer que le budget européen contribue efficacement à soutenir l'agriculture européenne et supposer que ses interventions au profit des pays les plus en retard de développement ont participé à un certain rattrapage réalisé par ces derniers ; la question reste en revanche posée de savoir quel degré d'efficience ont atteint ces politiques.

Les autres crédits ne s'inscrivent pas suffisamment dans cette dynamique si bien qu'un réexamen des actions qu'ils financent doit être entrepris.

Ce réexamen s'impose d'autant plus que le budget européen est mal géré.

Le contrôle des dépenses communautaires s'est certes renforcé ces dernières années, ce qu'illustre en particulier l'accroissement significatif des "notes de débit" adressées à la France (520 millions de francs pour les dépenses agricoles au titre de l'exercice 1994). Les contrôles se sont renforcés, la gestion financière a fait l'objet d'améliorations dans le cadre du programme "SEM 2000", des procédures d'évaluation sont progressivement mises en place.

Mais, les caractéristiques mêmes de l'intervention communautaire, l'éparpillement et la délégation à des tiers, supposent des fraudes et surtout une déperdition des moyens. La dépense communautaire doit être mieux administrée et mieux ciblée.

C'est principalement parce que ces exigences ne sont pas remplies que le budget s'exécute si mal.

Eléments de comparaison entre les budgets votés et les budgets exécutés

(En millions d'euros)

 

Europe des 12

Europe des 15

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Budgets votés

66.858

67.098

75.438

81.943

82.366

83.531

Paiements exécutés

64.783

59.273

66.547

77.313

80.243

 

Le tableau ci-dessus rend compte des décalages importants entre les budgets votés et leur exécution.

Ces difficultés d'exécution se traduisent par une augmentation permanente de la masse des engagements restant à liquider dont le tableau ci-après rend compte.

Evolution des engagements restant à liquider (1987-1997)

(en millions d'écus)

 
 
 

Paiements de l'année

Dégagements

 

Année

Engagements restant à liquider au 01.01.N

Engagements contractés en N

sur engagements de l'année N

sur engagements restant à liquider au 01.01.N

Total des paiements de l'année N

d'engagements restant à l iquider au 01.01.N

Engagements restant à liquider au 31.12.N

 

a

b

c

d

e=c+d

f

i=a+b-e-f

1987

12.458

10.866

3.963

3.871

7.834

1.259

14.231

1988

14.231

11.034

4.348

4.538

8.886

1.403

14.976

1989

14.976

13.231

5.670

5.028

10.698

930

16.579

1990

16.579

15.280

7.359

5.616

12.975

398

18.486

1991

18.486

20.552

10.000

6.939

16.939

866

21.233

1992

21.233

26.093

13.693

8.814

22.507

628

24.191

1993

24.191

30.921

15.520

10.581

26.101

763

28.248

1994

28.248

30.275

13.964

8.863

22.827

753

34.943

1995

34.943

35.178

14.333

12.761

27.094

899

42.127

1996

42.127

39.588

15.549

17.227

32.776

1.027

47.912

1997

47.912

41.240

14.496

20.490

34.986

1.642

52.524

Source : Compte de gestion et bilan financier afférents aux opérations du budget de l'exercice 1997. Commission européenne

Plus de 52,5 milliards d'euros de crédits engagés hors PAC restaient à liquider au 31 décembre 1997, soit près de 120 % des crédits de paiement inscrits au titre de ces rubriques pour 1999.

En 1997, un peu moins d'1/3 des crédits engagés au cours de l'année avait été payé dans l'exercice.

Le tableau suivant récapitule les crédits engagés chaque année, pour chaque rubrique et qui n'ont pas été payés au 31 décembre 1997.

Il démontre que si les engagements sont honorés 4( * ) , ils le sont avec retard et que cette situation débouche sur une augmentation considérable des engagements restant à liquider. Autrement dit, les crédits inscrits dans les années récentes ayant surtout servi à liquider des engagements passés, un phénomène de boule de neige s'est déclenché au terme duquel les "restes à liquider" croissent naturellement.

Engagements relatifs aux crédits restant à liquider au 31 décembre 1997

Classification par rubriques des perspectives financières

(en millions d'écus)

RUBRIQUES

2. ACTIONS STRUCTURELLES

3. POLITIQUES INTERNES

4. ACTIONS EXTERIEURES

5. DEPENSES ADMINISTRATIVES

TOTAL GENERAL

EXERCICES 1

Montant

%

Montant

%

Montant

%

Montant

%

Montant

%

Avant 1988

201,367

0,6

23,221

0,3

79,937

0,6

 
 

304,525

0,6

1988

129,963

0,4

10,792

0,1

42,990

0,3

 
 

183,745

0,3

1989

86,812

0,3

28,580

0,4

92,382

0,7

 
 

207,774

0,4

1990

54,058

0,2

24,127

0,3

72,551

0,6

 
 

150,736

0,3

1991

208,141

0,6

71,171

1,0

144,084

1,1

 
 

423,396

0,8

1992

522,154

1,6

130,084

1,8

341,344

2,7

 
 

993,582

1,9

1993

2.399,177

7,4

246,487

3,4

695,328

5,5

 
 

3.340,992

6,4

1994

705,924

2,2

451,019

6,2

1.025,190

8,1

 
 

2.182,133

4,2

1995

2.496,335

7,7

947,335

13,0

2.280,606

18,1

0,079

8,2

5.724,355

10,9

1996

7.079,976

21,7

1.910,953

26,2

3.277,919

26,0

0,034

3,6

12.268,882

23,4

1997

18.716,179

57,4

3.453,934

47,3

4.573,015

36,2

0,848

88,2

26.743,977

50,9

TOTAUX

32.600,087

 

7.297,701

 

12.625,346

 

0,962

 

52.524,096

 

1. Exercices au cours desquels les engagements ont été contractés.

Source : Compte de gestion et bilan financier afférents aux opérations du budget de l'exercice 1997. Commission européenne


Les "restes à liquider" se répartissent comme suit : 62 % au titre des actions structurelles, 13,9 % au titre des politiques internes et 24 % pour les actions extérieures.

Les taux d'exécution des engagements, globalement médiocres, apparaissent ainsi particulièrement défavorables dans le cas des actions extérieures.

En tout état de cause, les dépenses au titre des liquidations d'engagements passés pèseront fortement sur les budgets à venir de l'Union comme le laisse présager le tableau ci-après qui présente l'échéancier des règlements tel que le prévoit la Commission.

Echéancier prévisible de liquidation des engagements de crédits au 31 décembre 1996

(en millions d'écus)

 
 

1997

1998

1999

APRES 1999

RUBRIQUES

TOTAUX

Montant

%

Montant

%

Montant

%

Montant

%

2. ACTIONS STRUCTURELLES

29.525,551

13.381,489

45,32

9.562,574

32,39

5.288,149

17,91

1.293,339

4,38

3. POLITIQUES INTERNES

6.819,517

3.187,735

46,74

2.175,517

31,90

1.078,025

15,81

378,232

5,55

4. ACTIONS EXTERIEURES

11.566,487

3.686,662

31,87

3.025,724

26,16

1.877,648

16,23

2.976,480

25,73

5. DEPENSES ADMINISTRATIVES

0,113

0,113

100,00

 
 
 
 
 
 

TOTAL GENERAL

47.911,668

20.255,998

42,28

14.763,815

30,81

8.243,822

17,21

4.648,051

9,70

Source : Compte de gestion et bilan financier afférents aux opérations du budget de l'exercice 1997. Commission européenne

DEUXIEME PARTIE

LES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LE BUDGET

DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Le montant de la contribution française au budget des Communautés européennes pour 1999 est évalué à 95 milliards de francs contre 91,5 milliards de francs l'an dernier.

Par rapport à l'évaluation de notre contribution qui avait été faite en loi de finances initiale pour 1998, l'augmentation du prélèvement sur recettes serait de 3,8 % et contribuerait à hauteur de 3,5 milliards de francs au creusement du déficit de l'Etat.

L'évaluation de la contribution de chaque Etat au budget communautaire est imprécise pour quatre raisons :

Le budget des Communautés européennes comporte bon nombre de dépenses à caractère évaluatif . Il en va ainsi des dépenses agricoles dont le niveau varie largement en fonction de l'évolution des prix agricoles.

Le budget des Communautés européennes connaît des difficultés d'exécution budgétaire récurrentes. Lorsque des excédents sont constatés à ce titre, ils sont reportés sur les exercices suivants, ce qui réduit le montant de la contribution demandée aux Etats-membres .

L'évaluation de la contribution des Etats dans leurs monnaies nationales dépend du taux de conversion desdites monnaies en écu. Il y a là un mécanisme de pénalisation automatique des Etats dont la monnaie se déprécie et qu'il faut garder à l'esprit dans le contexte du débat sur les relations entre les Etats à monnaie fluctuante et le budget européen.

Le taux de conversion conventionnellement retenu pour évaluer le niveau de la contribution française pour 1999 est, comme en 1998, de 6,60 francs pour un écu.

Enfin, l'article 10 du règlement n° 1552/89 portant application de la décision relative au système des ressources propres, en particulier ses paragraphes 4 à 9, prévoit, on le rappelle, les modalités de régularisation des ressources TVA et PNB perçues par la Communauté.

Les recettes du budget communautaire sont fixées en référence à des assiettes estimées en avril de l'exercice N-1. Selon l'évolution de la conjoncture économique, celles-ci peuvent se trouver sur ou sous-évaluées. L'article 10 prévoit que, sur le fondement des données réelles concernant les assiettes TVA et PNB communiquées par les Etats membres au cours de l'exercice N+1, la Commission effectue les ajustements et en informe les Etats. Ceux-ci inscrivent alors le montant correspondant à l'ajustement en déduction ou en augmentation de leur versement du mois de décembre de l'année N+1.

L'évaluation de notre contribution au budget européen pour 1999 est inférieure de 2,8 milliards de francs à la somme qui résulterait de l'application du taux de conversion de l'euro contre franc retenu dans le cadre de l'exercice d'évaluation -6,60 francs pour un euro- à la contribution française déterminée dans la partie "recettes" du projet de budget communautaire -14.816,3 millions d'euros-.

Au terme de cette opération, la contribution française devrait en effet être estimée à 97,8 milliards de francs.

Il faut observer qu'en revanche ce chiffre inclut les frais de perception des ressources propres traditionnelles (droits de douane, prélèvements agricoles et cotisations sur le sucre et l'isoglucose) qui sont déduits de nos versements bruts et font par ailleurs l'objet d'une inscription en recettes non fiscales du budget de l'Etat. Ils sont évalués à 1,134 milliard de francs en 1999, en croissance de 14 % par rapport à 1998, ce qui est inexplicable puisque l'augmentation de notre contribution n'est, elle, que de 3,8 %.

Une présentation de la contribution française nette au budget communautaire conduirait donc à évaluer celle-ci à 96,7 milliards de francs.

Mais, le chiffrage retenu par le gouvernement intègre une hypothèse de report d'un solde positif de l'exercice 1998 qui viendrait minorer l'appel à contribution des Etats-membres par rapport aux besoins théoriques correspondant au projet de budget. Ceci se traduit pour notre pays par une perspective d'économies que l'évaluation fournie dans le cadre du projet de loi de finances considère comme acquise.

Les mécanismes de transferts de recettes des Etats membres
vers le budget européen

Les recettes d'un exercice budgétaire européen comprennent :

- Les ressources propres traditionnelles (droits de douane, cotisations "sucre", droits agricoles) constatées de novembre de l'année n-1 à octobre de l'année n. Elles sont inscrites aux comptes de la Commission auprès du Trésor de chaque Etat au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui de la constatation des droits.

- Les versements des "ressources propres TVA et PNB" effectués mensuellement à raison d'un douzième des sommes inscrites au budget convertis au taux de change du dernier jour de cotation de l'année précédant l'exercice budgétaire.

- Ces recettes sont augmentées ou diminuées du solde des "ressources propres TVA et PNB" relatives à l'exercice antérieur et aux exercices précédents le cas échéant. La régularisation au titre de ces soldes intervient au mois de décembre de l'année n et vient, soit en diminution, soit en augmentation du versement, évoqué dans le paragraphe précédent, effectué au mois de décembre.

Le solde au titre des "ressources propres" est la différence entre la somme des versements par douzième opérés l'année précédente et la somme des versements qu'aurait dû acquitter un Etat compte tenu de la valeur prise effectivement par l'assiette -la base TVA ou le PNB- au cours de l'année précédente.

L'existence de ces "soldes" s'explique par le fait que les versements des Etats sont calculés sur des bases théoriques issues de prévisions macro-économiques que la réalité peut déjouer.

Par exemple, si l'estimation de croissance du PIB est, une année donnée, trop favorable, les versements des Etats au titre de la ressource PNB seront à leur tour excessifs si bien qu'une régularisation interviendra l'année suivante, au mois de décembre.

- Diverses recettes correspondant au fonctionnement des Communautés, comme les retenues sur les rémunérations du personnel, les intérêts de trésorerie, les contributions aux programmes de recherche...

Parmi ces diverses recettes figurent les recettes d'intérêt, a-t-on dit, 17,4 millions d'écus, étaient budgetées en 1996 au titre des produits d'intérêts et des remboursements de prêts consentis par les Communautés dans le cadre des protocoles financiers. Ce chiffre paraît étonnamment modeste compte tenu des masses financières en jeu. Il est vrai que la gestion de trésorerie de la Commission paraît serrée, reposant sur une mise à disposition des crédits au fur et à mesure des besoins -soit une trésorerie d'une quinzaine de jours- et réalisée à partir des comptes de la Commission dans les livres des Trésors nationaux non productifs d'intérêt 1 .

Il n'empêche qu'en l'absence de données claires sur le profil de trésorerie de la Commission l'on ne peut accorder pleinement foi à des chiffres que seul un contrôle approfondi permettrait de valider.

En tout état de cause, les Etats, lorsque leur solde au titre des ressources propres fait apparaître un excédent régularisable, supportent en trésorerie la charge d'intérêts correspondant aux délais de régularisation.

(1) Il est intéressant d'observer que les sommes créditées à la Commission sont, elles, productives d'intérêts pour les Etats membres.

CHAPITRE PREMIER

L'EVOLUTION DU PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES

I. UNE AUGMENTATION TENDANCIELLE CONSIDERABLE

Evolution du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes

(en millions de francs)

 

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998*

1999

En loi de finances initiale

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Prélèvement CE

70,7

84,2

83,5

90,8

88,0

89,0

87,0

91,5

95,0

Recettes fiscales nettes

1.293,9

1.335,4

1.309,8

1.238,3

1.305,9

1.401,7

1.395,3

1.448,2

1.533,3

%

5,5

6,3

6,4

7,3

6,7

6,3

6,2

6,3

6,2

En Exécution

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Prélèvement CE

74,7

72,6

77,0

82,5

78,2

80,4

87,8

91,5

-

Recettes fiscales nettes

1.228,3

1.242,4

1.193,8

1.254,4

1.301,4

1.359,3

1.416,4

1.459,8

-

%

6,1

5,8

6,4

6,6

6,0

6,0

6,2

6,3

 

*Estimation pour les données d'exécution.

Evolution pour la France du prélèvement communautaire rapporté au PIB

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1989

1999


0,9


1,2


1,1


1,1


1,1


1,0


1,0


1,1


1,08


1,08

Entre 1991 et 1998, l'accroissement du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes aura été de 22 %. En prenant pour base 1990, cet accroissement ressort à 50 %. Ces chiffres qui rappellent la relativité des données pourraient paraître raisonnables. Mais ils minorent le poids de la dépense communautaire sur nos finances publiques .

Après une forte augmentation de début de période, suivie d'une stagnation, le prélèvement reprend un rythme de progression soutenu à partir de 1997.

Ce profil tient à des facteurs, exceptionnels pour certains d'entre eux, qui ont " brisé "la tendance structurelle à un accroissement de la participation de la France au budget européen.

Le premier d'entre eux intervenu en 1995 a consisté dans l'élargissement à des Etats qui, rapidement, se sont trouvés être des contributeurs nets au budget européen. Leur entrée a allégé d'autant les contributions des autres Etats membres. La situation qui résultera du futur élargissement sera tout à fait différente. Les Etats appelés à rejoindre les " quinze " seront en effet des bénéficiaires nets si bien que leur adhésion se traduira par une augmentation très importante de la contribution française.

Des motifs techniques ont par ailleurs contenu la progression de notre contribution. Il s'est agi d'abord de l'appréciation relative du franc par rapport à certaines devises européennes. L'adoption de l'euro par 11 Etats se traduira par une élimination partielle de ce facteur d'évolution.

Les difficultés d'exécution budgétaire particulièrement sensibles au début des périodes de programmation ont en outre réduit les appels à contribution.

L'on sait qu'il ne s'agit que d'un report puisque les engagements dormants de la programmation Delors devront être payés. Ils devraient valoir à notre pays d'acquitter dans les prochaines années 50 milliards de francs de contribution supplémentaire afin de les solder.

Enfin, nous avons pu " bénéficier " de la faible croissance de ces dernières années qui a limité la progression nominale de notre contribution.

Derrière l'apparence d'une augmentation raisonnable, se dissimule mal la réalité suivante. Les engagements pris à Edimbourg qui ont participé de l'idée de réhabilitation de la dépense publique n'ont pas encore produit tous leurs effets. Il faudra régler cette facture et cela supposera d'augmenter très significativement le prélèvement sur recettes.

A l'heure où se négocient les futures " perspectives financières " et où se profile l'entrée de nouveaux Etats membres qui se traduira par une charge supplémentaire pour la France, il faut ouvrir le débat sur des estimations précises des orientations budgétaires que supposent pour les Etats européens et pour la France, en particulier, des engagements hypothéquant l'avenir.

II. LA STRUCTURE DU PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES

Evolution de la structure de la contribution française au budget des Communautés européennes

(En millions d'euros)

 

1995 (1)

1996 (1)

1997 (2)

1998 (3)

1999 (4)

Cotisations sucre et isoglucose

375,3

328,9

306,9

337,1

295,0

Prélèvements agricoles

49,4

59,1

63,0

50,3

77,5

Droits de douane

1.476,9

1.326,0

1.353,1

1.119,5

1.346,2

Contribution TVA

7.595,5

7.138,8

6.841,9

6.433,1

6.117,6

Contribution PNB

2.569,9

3.729,4

4.793,1

6.275,4

6.980,0

Sous-total

12.067,0

12.582,2

13.358

14.215,4

14.816,3

Frais de perception des ressources propres

- 190,2

- 171,4

- 172,3

- 150,7

- 171,9

Total des versements effectifs

11.876,6

12.410,8

13.185,7

14.064,7

14.644,5

(1) Source : rapport Cour des comptes des CE

(2) Source : compte de gestion et bilan financier de la Commission pour 1997

(3) Selon le budget 1998

(4) Selon le projet de budget pour1999 (en millions d'euros)


Sur moyenne période, la structure du prélèvement sur recettes s'est déformée sous l'effet des évolutions décrites dans le chapitre 1 er de ce rapport.

En 1999, les ressources propres traditionnelles versées au budget européen représenteraient 11,6 % de l'ensemble des ressources brutes apportées par notre pays au budget européen, les " contributions TVA et PNB " en constituant le solde (88,8 %).

Par rapport à 1999 l'ensemble des prélèvements agricoles et des droits de douane perçus en France s'accroîtrait très nettement, de plus de 14 %, cette augmentation venant d'une progression de 20 % des droits de douane. Cette estimation quelque peu déconcertante compte tenu des perspectives de croissance des importations en valeur mérite une explication de la part du gouvernement.

L'équilibre entre nos contribution TVA et PNB continuera à se modifier puisque 1999 verra pour la première fois la seconde dépasser le niveau de la première.

CHAPITRE DEUX

LES VERSEMENTS DU BUDGET DES COMMUNAUTÉS

EUROPÉENNES AU BÉNÉFICE DE LA FRANCE

Paiements annuels à la France et aux Etats membres

(en millions d'euros)

 

1993

1994

1995

1996

Paiements annuels

64.207,6

60.304,8

63.041,3

72.793,2

Versements aux autres Etats membres

53.681,7

50.380,3

52.891,7

60.842,1

Versements à la France

10.525,9

9.924,5

10.149,6

11.951,1

Part de la France dans les versements aux Etats (en %)


19,6


19,6


19,1


17,5

Part de la France dans les dépenses (en %)


16,4


16,5


16,1


16

Les dernières données connues reflètent la stabilité de a part des dépenses européennes versées à la France autour de 16 %. Ce chiffre doit être rapproché de celui de la part du PIB français dans le PIB européen qui est de 17,2 %.

La France est ainsi le premier bénéficiaire de la dépense européenne.

Paiement annuel aux Etats membres du titre des principaux secteurs en 1996 (1)

(en millions d'euros)

 

Total des versements effectués par la CE aux Etats membres

Versements à la France

Part de la France dans la dépense communautaire

FEOGA-Garantie

39.080,9

9.572,1

24,5 %

FEOGA-Orientation

3.781,9

442,3

11,7 %

Fonds régional

10.610,3

637,1

6,0 %

Fonds social

6.035,9

650,7

10,8 %

Recherche

2.939,0

285,5

9,7 %

Autres

10.345,2

363,4

3,5 %

TOTAL

72.793,3

11.951,1

16,4 %

(1) Dépenses réparties

Le tableau ci-desssus confirme, quant à lui, les particularités des versements effectués en France par le budget européen.

Notre pays est destinataire de près du quart des crédits de la politique agricole commune qui, elle-même, s'élève à près de 47 % du budget européen 5( * ) . En revanche, nous ne sommes que de médiocres bénéficiaires des autres crédits.

Ecarts entre la part de la contribution française dans
le financement du budget européen et les versements
à la France par catégories en 1996

(en points)

FEOGA-Garantie

+ 7

FEOGA-Orientation

+ 5,8

Fonds régional

- 11,5

Fonds social

- 6,7

Recherche

- 8,5

Autres

- 14

La montée en charge des dépenses non obligatoires et la concentration des aides structurelles qui s'offrent comme autant de perspectives devraient réduire sensiblement la part des crédits communautaires dont la France bénéficiera à l'avenir.

I. LES VERSEMENTS AGRICOLES

Versements agricoles au profit de la France

(En millions d'euros)

FEOGA-Garantie

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Paiements totaux

31.527,8

31.324,0

34.748,2

33.605,4

34.497,7

39.107,8

40.423,1

Paiements en France

6.332,7

6.858,6

8.184,8

8.048,8

8.376,5

9.557,6

9.128,0

Taux de retour pour la France

20,1

21,9

23,6

24,0

24,3

24,4

22,6

La France est, avec plus de 60 milliards de francs, le premier bénéficiaire des financements du Féoga-Garantie (22,6 % du total) devant l'Allemagne (14,2 %), l'Italie (12,6 %), l'Espagne (11,3 %) et le Royaume-Uni (10,8 %). Ces cinq pays représentent 71,5 % du budget de la PAC et " absorbent " à ce titre plus de 1/3 du budget européen.

Part de la France dans les postes de dépenses du FEOGA-Garantie en 1997

(en Mécus)

FEOGA-Garantie

Ensemble

France

% en 1997

Rappel % 1996

Cultures arables

Sucre

Huile d'olive

Fourrages séchés et légumes secs

Plantes textiles et vers à soie

Fruits et légumes

Secteur viti-vinicole

Tabac

Autres secteurs végétaux

17.414,0

1.607,8

2.196,0

367,4

906,9

1.569,0

1.030,1

998,0

274,4

5.235,7

611,8

9,4

86,3

37,6

239,8

225,1

80,7

31,1

30,1

38,1

0,4

23,5

4,1

15,3

21,9

8,1

11,3

31,6

29,7

0,5

25,2

5,5

16,1

23,9

8,3

12,9

Total secteur végétal

26.363,6

6.557,5

24,9

25,6

Lait et produits laitiers

Viande bovine

Viande ovine et caprine

Viande porcine

OEufs et volailles

Autres actions produits animaux

Pêche

3.101,2

6.580,4

1.424,9

478,8

78,7

94,4

33,5

849,6

1.231,7

142,3

7,2

55,1

7,7

9,6

27,4

18,7

10,0

1,5

70,0

8,2

28,7

23,1

26,4

8,8

10,0

66,7

2,2

31,4

Total secteur animal

11.791,9

2.303,2

19,5

23,5

Dépenses annexes

Aides au revenu

Mesures d'accompagnement

198,3

4,5

2.064,8

33,3

1,0

233,0

16,8

22,2

11,3

44,2

35,4

11,4

Total général du FEOGA-Garantie


40.423,1


9.128,0


22,6


24,4

Le secteur végétal bénéficiait en 1997, avec plus de 43 milliards de francs, de plus de 70 % des fonds européens. A elles seules, les cultures arables ont cette année-là reçu environ 57 % des moyens de la PAC.

Quant au secteur animal (25,2 % du total), il était dominé par les paiements au profit de la viande bovine -en baisse par rapport à l'exercice antérieur du fait de l'épuisement des aides destinées à atténuer les conséquences de la crise de la " vache folle "- et par les soutiens aux productions laitières.

La dépense agricole communautaire apparaît ainsi fortement concentrée, ce qui trouve un prolongement au niveau national puisqu'en France 26 % des exploitants reçoivent 72 % du montant des aides compensatoires aux surfaces, 5 % des exploitants en recevant 31 % selon les observations récentes de la Cour des comptes au sujet de la gestion de l'office national interprofessionnel des céréales.

Des crédits versés à la France, il convient de déduire chaque année une somme de 202,3 milliards de francs en 1997.

La dépense européenne est en effet gérée pour l'essentiel par des organismes agricoles ainsi que le montre le tableau ci-après.

Répartition des dépenses au titre du FEOGA-garantie par organismes d'intervention

(En millions de francs)

 

1995

1996

1997

ONILAIT

5.508,50

5.599,25

5.924,63

ONIFLHOR

2.064,60

1.919,40

1.608,91

ONIC

23.096,00

24.949,68

25.948,72

FIRS

2.062,30

3.385,94

4.148,36

SIDO

9.437,00

9.594,42

9.335,82

FIOM

91,80

69,37

63,08

OFIVAL²

5.650,60

8.098,71

6.126,10

ONIVINS

1.416,10

630,33

548,30

SAV (1)

 

584,11

949,10

ODEADOM

316,40

478,79

748,61

CNASEA

1.567,50

1.443,00

1.526,69

ACCT

3.573,30

5.710,64

3.633,22

SOUS-TOTAL

54.784,10

62.463,64

60.561,54

(1) Agréée en tant qu'organisme payeur depuis 1996, auparavant agissant par délégation de l'ONIVINS

(Source : ACOFA)

Or, la concentration des versements en fin d'année contraint l'agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole, l'ACOFA à contracter chaque fin d'année un emprunt afin d'assurer la trésorerie du système. En 1997, cet emprunt s'est élevé à 30 milliards de francs et a généré des frais financiers de 202,3 millions de francs, à la charge de la France.

II. LES AUTRES DÉPENSES EN FRANCE : UN " BILAN " MÉDIOCRE

Lors du premier exercice de programmation, entre 1989 et 1993, la France était destinataire de 10,2 % des moyens consacrés à cette politique alors que dans le second de ces exercices sa part théorique n'est plus que de 8,9 %.

Evolution des versements théoriques au titre de la politique structurelle
au profit de la France (1989-1999)

(en millions d'écus 1994)

 

1989-1993

1994-1999

 

Versements à la France

Part relative de la France dans CE

Versements à la France

Part relative (1) de la France dans CE

Objectif 1

 
 
 
 

Régions en retard de développement

1.082

2,4 %

2.190

2,3 %

Objectif 2

 
 
 
 

Régions de reconversion industrielle

1.495

18,3 %

3.769

24,5 %

Objectif 3 et 4

 
 
 
 

Lutte contre le chômage

1.809

20,5 %

3.203

21,1 %

Objectif 5a

 
 
 
 

Structures agricoles

1.400

33,7 %

1.936

31,5 %

Objectif 5b

 
 
 
 

Zones de développement rural

1.170

36,8 %

2.236

32,6 %

PIC (1)

 
 
 
 

Programmes d'initiative communautaire

453

10,1 %

1.605

11,4 %

Total (2)

7.409

10,2 %

14.939

9,8 %

Source : Commission, premier rapport sur la cohésion, novembre 1996

(1) Hors fonds de cohésion. En tenant compte de celui-ci, la part de la France s'élève à 8,9
%.

Selon toute vraisemblance, sa part effective sera très inférieure à ce niveau théorique puisqu'aussi bien la France figure parmi les pays les moins aptes à consommer leurs dotations.

C'est ainsi que, fin 1996, la France n'avait mobilisé que 38,7 %% des sommes programmées à son bénéfice.

Nous sommes donc en retard de consommation du programme qui nous a été alloué.

Paiements au titre des fonds structurels

(en millions d'euros)

 

1994

1995

1996

 

Retours France

Part relative de la France dans CE

Retours France

Part relative de la France dans CE

Retours France

Part relative de la France dans CE

FEOGA-Orientation

IFOP (*)

FEDER

FSE

384,1

460,8

453,3

13,3%

7,2 %

10,9 %

359,8

266,0

501,3

12 9 %

3,2 %

10,6 %

442,3

637,1

650,7

11,6 %

6,0 %

10,8 %

TOTAL

1.298,2

9,7 %

1.126,1

7,1 %

1.730,1

8,5 %

Cette situation a été très souvent analysée. Elle semble provenir d'un ensemble de facteurs les uns de fond, les autres plus techniques.

S'agissant des problèmes de fond, la capacité des préfets de région à élaborer des programmations régionales est fréquemment mise en cause. Elle pourrait d'ailleurs n'être que le reflet d'un certain manque d'appétit pour des financements dont les acteurs locaux savent ce qu'ils leur coûtent sans certitude aucune sur ce qu'ils pourraient leur rapporter.

Il est certain que l'obligation de dégager des contreparties nationales qui, en l'état, ne fait l'objet d'aucune vraie organisation et que la lourdeur des procédures européennes et nationales sont un frein aux initiatives.

Cette réaction de défiance paraît véritablement contreproductive. La France perd de son fait des droits de tirage qui pourraient abonder ses propres initiatives.

Comme nos partenaires ne font pas preuve de tant de réticences, nous sommes conduits à financer à travers notre contribution au budget les dépenses européennes qui leur reviennent. Notre négligence ne nous rapporte que la fraction d'autofinancement des dépenses programmées au bénéfice de la France, ce qui constitue une économie qui finalement apparaît coûteuse. En la matière, la pire avance survient lorsque du fait de nos défauts d'organisation, la France se voit notifier des notes de débit adressées par la Commission. Avec 5 milliards de francs de versements européens, en attente de consommation effective, le risque encouru n'est pas minime.

Quant aux autres versements européens en France qui proviennent pour l'essentiel des politiques internes, le moins qu'on puisse en dire est qu'ils sont très inférieurs en proportion à celle de notre contribution.

La part de la France dans les dépenses de recherche et développement réalisées en Europe est sans commune mesure avec les maigres retours dont bénéficie notre pays dans le cadre des programmes communs de recherche et de développement. C'est l'illustration même de la mauvaise conception de ces programmes mais c'est aussi celle des difficultés que la France semble rencontrer pour mobiliser les financements européens.

Un commentaire particulier doit être réservé sur ce point au TGV-Est car ce projet est illustratif des regrettables difficultés rencontrées pour financer de grandes infrastructures européennes.

Le taux de participation du budget communautaire est très insuffisant. Pour un projet soi-disant prioritaire, il s'élève à 5,3 % du coût total de la première phase (18,7 milliards de francs) alors qu'il pourrait, au regard des normes nouvelles, être doublé pour s'élever à 2 milliards de francs et devrait, s'il s'agissait d'une vraie priorité, mobiliser davantage encore de moyens.

Les régions ont dégagé d'importants crédits. Mais, l'Etat qui a pourtant programmé cet investissement ne fait semble-t-il pas l'effort suffisant pour le concrétiser. Les financements prévus sont de l'ordre de ceux dégagés en Italie pour accroître les capacités aéroportuaires de Milan soit 8 milliards de francs. En outre, les efforts consentis pour compléter les financements à travers soit une pression sur la communauté européenne, soit l'élaboration de montages financiers impliquant la Banque européenne d'investissement, ne paraissent pas à la hauteur de l'enjeu. Dans ces conditions, l'on peut douter de la volonté gouvernementale de promouvoir ce projet.

Cette inquiétude pourrait être exemplaire des motifs pour lesquels notre taux de consommation des crédits européens est si médiocre.

III. LE SOLDE DES FLUX FINANCIERS : RÉFLEXIONS POUR UN DÉBAT SEREIN

Solde budgétaire par Etat membre en 1996 selon la Cour des comptes européenne

(En millions d'euros)

 

Recettes 1996

Dépenses réparties 1996

Solde 1996

Solde 1995

Solde 1994

EUR/hbt

 
 

%

 

%

 
 
 

1996

Belgique

2.743,0

3,9

1.996,8

2,7

- 746,2

- 311,2

- 309,3

- 73,9

Danemark

1.359,9

1,9

1.553,3

2,1

193,4

305,7

198,9

37,2

Allemagne

20.766,9

29,2

9.872,0

13,6

- 10.894,4

- 13.431,0

- 13.637,1

- 134,8

Grèce

1.107,1

1,6

5.039,8

6,9

3.932,7

3.488,9

3.851,9

378,1

Espagne

4.538,9

6,4

10.511,1

14,4

5.972,2

7.218,1

3.116,6

152,7

France

12.410,9

17,5

11.951,1

16,4

- 459,8

- 1.727,2

- 2.626,4

- 8,0

Irlande

710,2

1,0

2.970,5

4,1

2.260,3

1.886,9

1.752,0

627,9

Italie

8.935,2

12,6

7.532,9

10,3

- 1.402,3

- 614,1

- 2.540,4

- 24,3

Luxembourg

163,2

0,2

83,9

0,1

- 79,3

- 44,8

253,7

- 198,3

Pays-Bas

4.435,7

6,2

1.988,9

2,7

- 2.446,8

-2.004,7

- 1.829,9

- 159,9

Autriche

1.872,6

2,6

1.600,4

2,2

- 272,2

- 905,1

0,0

- 34,5

Portugal

906,1

1,3

3.680,4

5,1

2.774,3

2.381,1

1.827,0

283,1

Finlande

961,3

1,4

988,4

1,4

27,1

- 164,6

0,0

5,3

Suède

1.957,4

2,8

1.204,9

1,7

- 752,5

- 937,3

0,0

- 86,5

Royaume-Uni

8.227,1

11,6

5.951,1

8,2

- 2.276,0

- 4.720,2

- 1.158,8

- 39,2

non réparties

 
 

5.867,6

8,1

 
 
 
 

Total

71.095,7

100,0

72.793,2

100,0

 
 
 
 

Source : Relations financières avec l'Union européenne. PLF 1999.

Le débat sur les soldes financiers, récurrent, a ouvert une crise européenne au début des années 80 lorsque le gouvernement britannique a exigé que ses versements au budget européen lui soient retournés sous forme de versements de la part du budget européen.

Il s'agit donc a priori d'un débat contre l'Europe. Pourtant, il connaît une nouvelle actualité, quatre pays -l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche et la Suède- ayant jugé bon de le relancer en exigeant une diminution de leur contribution nette.

On ne peut donc faire autrement que de l'aborder et faire que ce débat joue finalement un rôle positif pour l'Europe.

La situation factuelle et comptable est la suivante. Sur la base de l'année 1995 choisie parce qu'elle permet de prendre en compte l'élargissement à trois nouveaux membres et d'éliminer les facteurs exceptionnels survenus en 1996 6( * ) , il apparaît que 9 Etats membres sont en situation de contributeurs net à hauteur de 24,9 milliards d'écus alors que six Etats membres sont des bénéficiaires nets pour 15,3 milliards d'écus. L'écart entre ces deux chiffres s'explique pour une part par l'existence de dépenses non réparties non prises en compte dans le calcul des soldes et, pour une autre part, par le solde d'exécution du budget européen qui, lui-même, n'est pas pris en considération.

La hiérarchie des contributeurs nets prend l'allure d'un escalier aux marches de hauteurs très inégales. L'Allemagne apporte 53,8 % de la contribution nette suivie du Royaume-Uni (18,9 %), des Pays-Bas (8 %) et de la France (6,8 %).

Le panorama est dans l'ensemble le même lorsqu'on se réfère au niveau des contributions nettes rapportées au nombre d'habitants. Cependant, dans cette hypothèse, la hauteur des marches se rapproche, la contribution nette de chaque allemand par rapport à celle de chaque français étant par exemple dans une proportion de 5,5 contre 1 et non plus de 7,7 comme dans le cas des contributions nationales.

Il n'empêche que les données comptables font bien apparaître une hiérarchie marquée des contributeurs . Sont-elles le reflet d'une réalité économique et financière ? C'est une tout autre question qui, avant d'être abordée, doit être précédée d'une observation de principe.

Le budget européen n'est pas toute la construction européenne. Historiquement, il n'en constitue qu'un élément, certes important, mais élément du compromis qui a permis la construction de l'Europe. Ce compromis sans cesse recommencé s'est d'ailleurs approfondi lorsqu'il fut admis que des transferts financiers devaient manifester une forme de solidarité jugée nécessaire à la cohésion de l'édifice. L'idée même de transfert est ainsi bien consacrée par les traités . Le débat sur les contributions nettes ne doit pas l'oublier.

Cette exigence étant posée, il faut affirmer sans faiblesse que les données comptables sur lesquelles se fonde l'affrontement provoqué par certains pays ne reflètent en rien la réalité des choses.

Tout d'abord, ces données sont biaisées par des facteurs techniques.


Les variations du solde du Royaume-Uni illustre de façon exemplaire l'effet sur le niveau du solde d'un Etat des évolutions du taux de change de sa monnaie qui conditionne le montant de sa contribution.

En outre, les conditions d'exécution des crédits budgétaires européens influent fortement sur les soldes et ce dans un sens très précis. Comme la dépense agricole, d'ailleurs marquée par des augmentations exceptionnelles ces dernières années, s'exécute mieux que les autres dépenses, les pays dont le taux de retour agricole est proportionnellement plus élevé ont, conjoncturellement, un solde meilleur que les autres. Cet effet est transitoire puisque les dépenses autres qu'agricoles ont vocation à être versées. C'est donc sur la base de l'exécution totale des engagements de crédits qu'il faut raisonner et non sur des chiffres intermédiaires qui apportent un biais.

Mais, au-delà de ces facteurs techniques, plusieurs considérations économiques doivent être prises en compte.

Un premier élément à réintroduire dans le raisonnement concerne les dépenses non réparties qui, pour l'essentiel, sont des dépenses administratives. Comment apprécier les soldes belges et luxembourgeois en passant sous silence les investissements qu'elles ont financés ? La réponse est bien sûr qu'on ne le peut pas de même qu'on ne peut exclure du raisonnement les retombées économiques de la polarisation de l'activité institutionnelle européenne dans ces deux pays.

Un deuxième élément dont il faut tenir compte est que les dépenses réalisées dans un Etat ne " profitent " pas qu'à lui.

Tout d'abord, si l'on suppose que les objectifs des dépenses européennes sont, au moins partiellement, atteints il faut admettre qu'elles
génèrent des " externalités " dont chacun profite . Une illustration parmi bien d'autres peut être trouvée dans les effets cohésifs des dépenses structurelles dans les pays les plus en retard. Elles ont probablement contribué à l'adoption de l'euro par la plupart de ces pays, adoption sans laquelle les variations de change intra-européens auraient sans aucun doute continué à perturber l'économie européenne et, en particulier, celle des pays " riches ".

Mais, il faut ajouter que la répartition géographique des dépenses européenne ne reflète pas leur répartition en fonction des bénéficiaires effectifs . On doit, par exemple, rappeler que près d'1/3 des dépenses structurelles 7( * ) affectées à un Etat est dirigé vers des agents économiques extérieurs à cet Etat.

Une observation analogue peut être faite s'agissant des recettes. Les droits de douane sont une ressource propre et un raisonnement juridique devrait aboutir à les exclure de la base de calcul des soldes. Un raisonnement économique conduit à une conclusion identique.

Les marchandises qui entrent dans le territoire européen donnent en effet lieu à la perception des droits issus du tarif extérieur commun à leur point d'entrée. Celui-ci n'est pas le point de destination finale des marchandises si bien que le lieu de perception des droits n'est pour partie qu'incident. C'est " l'effet Rotterdam " dont la prise en compte modifie sensiblement les estimations de solde.

*

* *

Pour conclure sur ce sujet nous devons nous attacher à refuser que toute conclusion soit apportée au débat ouvert par certains tant que les estimations économiques qui s'imposent n'auront pas été réalisées, produites et débattues.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 21 octobre 1998 de l'après-midi, sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen du prélèvement sur recettes au profit du budget européen, évalué par l'article 42 du projet de loi de finances pour 1999.

M. Denis Badré, rapporteur spécial , ayant exposé les conclusions de son rapport, un débat s'est ouvert en commission.

M. Joël Bourdin a souhaité que le rapporteur spécial insiste sur les difficultés concrètes rencontrées par les régions pour mobiliser les moyens des fonds structurels.

M. Jean-Pierre Demerliat , ayant demandé le sentiment du rapporteur spécial sur les présomptions de fraude au budget européen, s'est inquiété de l'avenir de l'allocation française au titre des fonds structurels.

M. Bernard Angels s'est demandé si les fonds structurels non utilisés au titre de la programmation 1993-1999 ne pourraient pas être consacrés à d'autres initiatives, et en particulier, si on ne pourrait envisager de les affecter au financement des réseaux transeuropéens.

M. Jacques Oudin, ayant rappelé l'existence de "mini-budgets" propices à une utilisation incontrôlée des crédits européens, a souhaité que des simplifications interviennent pour améliorer la gestion budgétaire des dits crédits.

En réponse aux intervenants M. Denis Badré, rapporteur spécial, a reconnu que la dépense européenne, du fait de la complexité des procédures de gestion, s'exécutait mal. Mais il a tout particulièrement insisté sur les responsabilités d'une mauvaise programmation financière dont il a jugé qu'elle expliquait l'essentiel de la sous-exécution des crédits des différentes rubriques du budget européen. Il a souligné que les augmentations excessives des crédits européens se traduisaient non seulement par le fardeau des contributions imposées aux Etats membres mais aussi par celui des financements additionnels supportés soit par le budget des Etats, soit par celui des collectivités locales.

Evoquant les présomptions de fraude, il a expliqué que bien souvent elles étaient associées au recours par la commission à des intermédiaires extérieurs, recours certes nécessaire pour gérer les interventions communautaires sans accroître inconsidérément la fonction publique européenne, mais recours qui expose à la multiplication d'incidents et suppose par conséquent un contrôle sans faille.

Abordant la question de l'utilisation des crédits non consommés, il a souhaité rappeler que ceux-ci n'en étaient pas moins des crédits engagés et que dans le système actuel, ils n'étaient ainsi pas disponibles pour d'autres usages. Il a alors insisté sur l'utilité dans le cadre de la nouvelle programmation financière non seulement de revenir sur l'engagement d'inscription de la totalité des crédits d'actions structurelles mais encore d'introduire une clause de caducité des engagements non consommés au-delà d'un délai raisonnable.

Il a enfin confirmé que, selon toute vraisemblance, la dotation structurelle réservée à la France dans la future programmation serait en diminution.

La commission a alors adopté le rapport ainsi que l'article 42 du projet de loi de finances pour 1999.


1 Rapport n° 85 du 20 novembre 1997. Sénat. Rapport général " Affaires européennes et article 24 : évaluation de la participation française au budget des Communautés européennes ".

2 " Le financement de l'Union européenne " - Rapport de la Commission européenne - 7 octobre 1998.

3 Sur la base du franc 1994 et donc hors réévaluation liée au glissement des prix et à la prise en compte de la croissance.

4 Une part -minime- des engagements passés font toutefois l'objet d'apurement en dégagement de crédits.

5 Si l'on sortait du budget européen, les crédits PAC versés à la France, le budget européen ne serait pus que de 88,2 % du niveau qui est le sien.

6 En particulier l'importance considérable du report du solde de l'exercice 1995 (9,2 milliards d'écus).

7 Ce chiffre varie évidemment selon les Etats en fonction de la capacité des agents économiques locaux à développer leur offre. Il est donc relativement plus élevé pour les Etats en retard de développement.



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