Rapport n° 94 (1998-1999) de M. James BORDAS , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 2 décembre 1998

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N° 94

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 décembre 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi, MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage ,

Par M. James BORDAS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean-Paul Bataille, Jean Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel Charzat, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar,
Jean-François Picheral, Guy Poirieux,  Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.

Voir les numéros :

Sénat : Première lecture : 416, 442 et T.A. 147 (1997-1998).

Deuxième lecture : 75 (1998-1999).

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : Première lecture : 941 , 1188 et T.A. 195 .

Sports.

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale a examiné en première lecture les 18 et 19 novembre derniers le projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage que le Sénat avait adopté à l'unanimité le 28 mai 1998.

Bien que seulement 7 articles 1 ( * ) sur les 30 que compte désormais le projet de loi aient été adoptés conformes à l'issue de la première lecture, celle-ci a déjà permis de parvenir à un accord des deux assemblées sur des éléments importants du dispositif du projet de loi, tels le suivi médical des athlètes de haut niveau, les modalités d'établissement de la liste des produits et procédés interdits, la définition des comportements prohibés, le renforcement des sanctions pénales.

La plupart des amendements adoptés par l'Assemblée nationale -qui n'a remis en cause, il convient de le souligner, aucune des positions prises par le Sénat- ne révèlent aucun désaccord de fond entre les deux assemblées, et complètent souvent utilement le texte adopté par notre assemblée.

En revanche, trois séries de dispositions introduites par l'Assemblée nationale posent des problèmes sérieux.

Il s'agit :

- de l'introduction d'une procédure " d'alerte médicale " qui à l'analyse paraît plus proche d'une procédure de sanction, et dont l'efficacité paraît aussi douteuse que la constitutionnalité ;

- de l'extension à la fouille des véhicules -y compris les véhicules privés et à usage de domicile- des pouvoirs d'investigation des fonctionnaires et médecins agréés assermentés par le ministère de la jeunesse et des sports ;

- de l'octroi aux fédérations sportives du droit de prononcer des injonctions de soin à titre de peine disciplinaire.

De nature et de portée très diverses, ces dispositions nouvelles ont en commun de n'avoir pas fait l'objet, au cours des débats, d'un examen technique très approfondi. Elles trouvent aussi, sans doute, une inspiration commune dans l'émotion suscitée dans l'opinion et dans les médias par les événements de l'été dernier.

En dépit de la brièveté du délai dont elle disposait pour les examiner, votre commission s'est efforcée d'en mesurer toutes les conséquences, qui ne paraissent aller ni dans le sens de l'efficacité ni dans celui du respect des principes fondamentaux de notre droit.

A. LA PROCÉDURE D'ALERTE MÉDICALE

Votre commission n'a aucune raison de mettre en doute l'excellence des intentions qui ont présidé à l'élaboration de la procédure " d'alerte médicale " insérée dans le projet de loi à la suite de l'adoption de trois amendements du gouvernement.

Elle a cependant ressenti une certaine perplexité devant ce dispositif ambigu et qui s'insère bien mal dans le texte initial, sans doute parce qu'il procède d'une autre logique, celle du dopage appréhendé comme un risque sanitaire, comme un " fléau social " au sens du livre III du code de la santé publique. Auquel cas il devrait sans doute faire l'objet d'un projet de loi distinct, et d'une rédaction moins improvisée.

Quoi qu'il en soit, l'essai ne paraît pas concluant, et votre commission vous proposera, en restant dans le cadre du projet de loi, de progresser plus concrètement vers une meilleure prise en charge médicale des victimes du dopage et des pathologies qu'il provoque.

1. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Il correspond à une procédure tout à fait inédite, tant au niveau de l'obligation de déclaration nominale qu'au niveau de l'intervention de la " cellule  médicale " placée auprès du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, et qui apparaît largement comme un " objet administratif non identifié ".

a) La procédure de déclaration nominale obligatoire

Elle se distingue assez nettement, par l'ampleur des dérogations au secret médical qu'elle prévoit, des régimes de déclaration définis, notamment, par le livre III du code de la santé publique.

Elle impose en effet à tout médecin appelé à délivrer les certificats de non contre-indication à la pratique sportive prévus aux articles 2 et 3 du projet de loi, ou intervenant dans le cadre d'un " acte de surveillance médicale " et qui décèlerait chez un patient sportif des " signes évoquant une pratique de dopage ", d'avertir la cellule médicale.

On notera qu'il est sans exemple qu'une telle déclaration soit obligatoirement nominale, qu'elle porte non pas sur un diagnostic, mais sur une simple présomption, et enfin que le texte ne précise pas que le médecin doive informer son patient de la déclaration qu'il effectue.

A cet égard, le régime de déclaration prévu est infiniment moins protecteur du secret médical que ne l'est, par exemple, le régime prévu par le code de la santé publique dans le cadre de la lutte contre les maladies vénériennes, qui n'impose la déclaration nominale à l'autorité sanitaire que lorsque le patient refuse de se soigner, ou présente un risque grave de contagion. On peut noter aussi que le régime prévu dans le cadre de la lutte contre la toxicomanie n'impose aucune déclaration ; le régime de lutte contre le sida, quant à lui, n'en prévoit aucune.

On ne peut que s'interroger sur ces différences de traitement, et sur l'étendue de l'obligation de déclaration des " soupçons de dopage ".

b) La nature des décisions prises par la cellule médicale

Saisie des déclarations nominales des médecins, la cellule médicale peut, après des investigations assez vaguement définies, " prescrire une interruption temporaire de l'activité sportive pour raison médicale ". Cette " décision " est transmise à la fédération chargée de son exécution.

A l'Assemblée nationale, le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale a présenté cette décision comme une décision " prise par des médecins ", " non une sanction mais une décision visant à protéger la santé du sportif " , le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales reconnaissant pour sa part dans cette description " une sorte d'arrêt de travail ".

Cette présentation ne résiste pas à l'examen :

La cellule médicale, bien que composée de médecins, n'intervient évidemment pas en tant que médecin traitant du " présumé dopé ". C'est un organisme administratif, doté d'un pouvoir de décision apparemment autonome, quoiqu'elle soit rattachée au Conseil de prévention et de lutte contre le dopage. Elle ne rédige pas d'ordonnances, elle prend des décisions administratives.

Et, en l'occurrence, cette décision ne peut être interprétée que comme une sanction.

Du reste, en indiquant que la décision d'interruption " aura une vertu dissuasive, car les sportifs prendront conscience que cette interruption peut survenir quelques jours avant une compétition importante à leurs yeux ", le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale est convenu de sa véritable nature.

• Cette procédure de sanction ne s'accompagne d'aucune garantie protégeant les droits de la défense , ce qui la rend inconstitutionnelle.

Aucune disposition ne prévoit en effet que l'intéressé soit entendu, qu'il puisse demander une contre-expertise.

Il n'est même pas prévu, il convient de le rappeler, qu'il soit informé par le médecin de la déclaration qui déclenche la procédure. Il n'est pas prévu non plus que la décision soit motivée ni qu'elle soit notifiée à l'intéressé : elle n'est transmise qu'à la fédération chargée de son exécution.

A l'appui de cette singulière procédure, il est fait valoir la nécessité de pouvoir écarter des stades des sportifs dopés, ce que ne permet pas toujours, compte tenu des aléas des contrôles, le dispositif prévu par le projet de loi initial. Certes, mais si cette procédure parallèle a pour objet de permettre de sanctionner des sportifs dont il n'aurait pu être prouvé qu'ils se dopent, on ne peut qu'en conclure qu'elle ignore non seulement les droits de la défense, mais encore la présomption d'innocence.

c) Une procédure inefficace

Peut-être serait-il possible, en l'amendant, de rendre la procédure de " congé-dopage " plus conforme aux principes de notre droit.

Il semble en revanche plus difficile de la rendre efficace :

- En premier lieu, comme le souligne le très intéressant rapport du CNRS " dopage et pratiques sportives ", il est généralement difficile, en dehors du cadre " d'un suivi longitudinal effectué toujours par la même équipe médicale composée de praticiens compétents et disposant d'un plateau technique conséquent ", de déceler un état de dopage. Et ce serait en tout cas impossible à un médecin de ville consulté par un patient qu'il ne suit pas régulièrement en vue de la délivrance d'un certificat d'aptitude à la pratique sportive. De même serait-il difficile de démontrer la mauvaise foi de médecins qui ne révéleraient pas un état de dopage dont ils seraient informés.

- En deuxième lieu, la sanction risque de n'être pas toujours dissuasive, dans le cas de sportifs non professionnels ou qui ne participent pas régulièrement à des compétitions.

- En troisième lieu, enfin, le résultat le plus clair de la procédure d'alerte sera probablement de dissuader les sportifs qui se poseraient des questions sur les " traitements " qu'on leur propose ou qu'on leur impose d'aller voir un médecin susceptible de les aider, de peur d'être " dénoncés ".

2. Les propositions de votre commission

Le projet de loi qui nous est soumis ne constitue guère un cadre adapté à une " loi d'orientation sanitaire " sur le dopage.

En revanche, il paraît parfaitement possible, et c'est ce que vous proposera votre commission, de le compléter par des dispositions portant sur trois points :

a) Préciser que le médecin consulté en vue de la délivrance d'un certificat de non contre-indication doit refuser de délivrer ce certificat s'il décèle des symptômes indiquant que son patient a recours au dopage.

b) Faciliter l'accès des sportifs aux soins médicaux

Un des intervenants dans le débat à l'Assemblée nationale, M. André Aschieri, a exprimé en termes très justes les rapports difficiles des sportifs victimes du dopage avec la médecine : " Certains médecins les droguent, d'autres les contrôlent, aucun ne les soigne. Pourquoi ? Personne ne les soigne, car pour eux, parler de leur état de santé, c'est avouer leur faute, renier leurs performances, dénoncer leurs dirigeants. "

C'est contre cet isolement que votre commission entend lutter en vous proposant d'insérer dans le texte un article additionnel incitant les médecins à être attentifs aux symptômes de dopage, à informer leurs patients et à agir à leur égard comme le code de déontologie leur impose d'agir à l'égard de patients victimes de mauvais traitements.

c) Instituer une " veille sanitaire " sur le dopage

Comme le souligne le rapport déjà cité du CNRS, on ne dispose pas, en France, de données épidémiologiques sur le dopage, ce qui semblerait pourtant être un préalable à la définition d'une stratégie antidopage efficace. Votre commission vous propose donc d'imposer à tout médecin de communiquer -sous forme anonyme- les données dont il dispose sur des cas individuels à la cellule médicale, qui pourrait dès lors remplir le rôle d'une cellule d'expertise à la disposition du CPLD.

d) Responsabiliser les médecins chargés du suivi des sportifs de haut niveau

Les médecins chargés du suivi médical des sportifs de haut niveau seront, eux, en situation de déceler efficacement les cas " suspects ". Votre commission vous propose donc de leur faire obligation de demander dans ce cas aux médecins agréés de pratiquer les contrôles prévus par la loi. Naturellement, ils devront avertir les athlètes qu'ils suivent de l'obligation qui leur serait ainsi faite.

B. LA FOUILLE DES VÉHICULES

L'Assemblée nationale a étendu le droit de visite des agents et médecins assermentés par le ministre de la jeunesse et des sports aux véhicules utilisés " par des personnes ou des équipes " participant à une manifestation sportive organisée ou agréée par une fédération, ou aux entraînements y préparant.

Cette définition très large inclut les véhicules privés, y compris les véhicules qui " servent de domicile ", sous réserve, dans ce dernier cas, d'une autorisation expresse du procureur de la République, garantie d'ailleurs insuffisante au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui exige l'intervention d'un magistrat du siège pour toute visite domiciliaire.

Elle confère aux agents du ministère de la jeunesse et des sports des prérogatives qui paraissent démesurées.

En premier lieu, il convient de rappeler que, dans l'histoire déjà longue et fournie des textes conférant à des agents assermentés des pouvoirs de police administrative ou judiciaire spéciale, l'octroi d'un droit de visite des véhicules privés, a fortiori de véhicules à usage de domicile, constituerait une première. Seule la visite de véhicules à caractère professionnel a été jusqu'à présent autorisée, et seulement lorsque la nature des infractions recherchées le justifie : ainsi, les agents chargés de la répression des fraudes ont-ils le droit de visiter " les véhicules utilisés pour le transport des marchandises " (articles L. 213-4 et L. 215-5 du code de la consommation).

En dehors du problème de principe qu'elle pose, il faut, en deuxième lieu, être conscient de la portée concrète d'une telle extension. Même si, comme l'a fait remarquer au cours du débat le Président de la commission des affaires culturelles familiales et sociales, la rédaction de l'Assemblée nationale exclut -heureusement- les véhicules du public des manifestations sportives, elle n'en vise pas moins, compte tenu du nombre et de l'infinie variété des manifestations organisées ou agréées par les fédérations sportives, un nombre considérable de personnes. Elle est en tout cas très loin de se limiter aux membres et à l'encadrement des équipes " professionnelles ", et pourrait concerner aussi bien l'ensemble des participants au marathon de Paris, ou les bénévoles encadrant une manifestation sportive locale.

En troisième lieu, il faut observer que les atteintes aux libertés que permet le texte de l'Assemblée nationale ne sont en rien justifiées.

Dans le cadre de leurs missions de police, les agents de la jeunesse et des sports ont en effet uniquement vocation à rechercher ou à constater les infractions d'ordre disciplinaire ou pénal définies par le projet de loi, c'est-à-dire, d'une part, le dopage des sportifs participant ou se préparant à une compétition et, d'autre part, la prescription illégale, la fourniture ou l'administration de produits ou de procédés dopants à ces mêmes sportifs, ainsi que le fait de les inciter à en faire usage. Aucune de ces infractions n'a, à vrai dire, beaucoup de chances d'être commise dans un véhicule privé stationnant opportunément à l'entrée d'un stade pendant un match ou un entraînement.

En revanche, ils n'ont pas compétence pour rechercher et constater les infractions aux textes réprimant le trafic de stupéfiants ou de substances vénéneuses, non plus que les importations illégales de produits dopants.

A cet égard, les agents des douanes, que l'article 60 du code des douanes habilite à procéder à " la visite des marchandises, des moyens de transport et à celle des personnes ", et qui peuvent intervenir en amont des manifestations sportives, lors des déplacements des sportifs et des équipes, sont infiniment mieux armés que ne le seraient les agents de la jeunesse et des sports -même investis d'un pouvoir de visite de véhicules privés- pour constater les trafics de produits dopants.

Les services des douanes ont d'ailleurs, bien avant les saisies qui sont à l'origine des événements de l'été dernier, procédé à de nombreuses opérations qui ont permis de démanteler des filières d'approvisionnement.

La direction générale des douanes compte du reste renforcer son action en matière de lutte contre le dopage, et elle a, à cette fin, récemment élaboré et diffusé une note précisant les réglementations applicables aux différents produits et les modalités des contrôles à effectuer en cas de découverte de produits dopants ou présumés tels.

Il n'y a donc aucune raison de doter les agents de la jeunesse et des sports de prérogatives aussi exorbitantes qu'inutiles.

C. LE PRONONCÉ D'INJONCTIONS DE SOINS PAR LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES

L'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à accorder aux fédérations sportives le pouvoir de prononcer, à titre de sanction disciplinaire complémentaire (ce qui en soi constitue déjà une innovation), des " injonctions informatives et thérapeutiques " à l'encontre de licenciés -sportifs, médecins ou cadres techniques- ayant enfreint les dispositions du projet de loi.

Quant à la forme, il faut rappeler que la définition des sanctions que peuvent prononcer les fédérations n'est pas du domaine de la loi. En matière de dopage, l'échelle de ces sanctions résulte, depuis la loi de 1989, de dispositions définies par un décret en Conseil d'Etat et que les fédérations doivent adopter dans leur règlement, selon un dispositif que reprend le projet de loi qui nous est soumis.

Quant au fond, donner aux fédérations sportives, dans le cadre d'une procédure disciplinaire, le pouvoir de prononcer des injonctions de soins constituerait une véritable aberration.

Passe encore pour " l'injonction informative ", si elle devait s'analyser, par exemple, comme une obligation de suivre les actions d'information et de prévention que les fédérations seront tenues d'organiser en application de l'article 4 du projet de loi. On peut en effet considérer que la participation aux activités qu'elle organise dans le cadre de ses compétences n'excède pas les limites des contraintes qu'une association peut imposer à ses membres.

Mais il n'en irait évidemment pas de même pour l'injonction de soins, qui constitue une " obligation de faire " restrictive d'une liberté fondamentale.

L'injonction de soins ne peut d'ailleurs, dans notre droit, être prononcée que par l'autorité judiciaire, dans le cadre d'une procédure pénale.

Elle peut être une alternative à des poursuites judiciaires, comme dans le cas de l'usage illicite de stupéfiants (article L. 628-1 du code de la santé publique). Elle peut aussi, depuis la loi du 17 juin 1998, être prononcée à titre de peine complémentaire pour certains crimes ou délits (article 131-10 du code pénal) ou être proposée aux auteurs d'infractions particulièrement graves portant atteinte à l'intégrité physique d'autrui (article 131-36-4 du code pénal). Elle est mise en oeuvre avec le concours des autorités sanitaires dans les conditions prévues par la loi, et son inexécution est sanctionnée soit par l'engagement de la poursuite pénale, soit par une peine d'emprisonnement.

Il ne semble donc pas concevable d'autoriser les fédérations sportives à prononcer des injonctions de soins à l'encontre de leurs licenciés, en l'absence de surcroît de toute garantie procédurale.

*

* *

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier

Politique de prévention du dopage

Le Sénat avait adopté sans modification cet article, qui est de nature plus réglementaire que législative, et de portée plus déclarative que normative.

L'Assemblée nationale l'a amendé pour préciser que les actions de prévention, de surveillance médicale et d'éducation prévues à cet article sont mises en oeuvre avec le concours des fédérations agréées.

La prévention et la lutte contre le dopage s'inscrivent en effet tout naturellement dans la mission de service public dont les fédérations agréées sont investies aux termes de l'article 16 de la loi de 1984.

Position de la commission

L'Assemblée nationale a adopté à l'article 4 du projet de loi, relatif au rôle des fédérations en matière de prévention du dopage, un alinéa prévoyant que les médecins du sport, les enseignants et les entraîneurs sportifs reçoivent une formation spécifique à la prévention du dopage.

Bien que cette disposition -inspirée de dispositions figurant à l'article 2 de la loi " Bambuck " de 1989- soit de nature réglementaire, votre commission vous proposera de la retenir.

Il ne semble cependant pas possible de la faire figurer à l'article 4, les fédérations sportives n'ayant aucune vocation à intervenir dans la formation des médecins du sport, des enseignants ou des entraîneurs sportifs. C'est pourquoi votre commission vous propose de l'intégrer à l'article premier du projet de loi, et d'en modifier la rédaction pour viser, par référence à l'article 43 de la loi de 1984, l'ensemble des éducateurs sportifs et non les seuls entraîneurs. Tel est l'objet de l'amendement que la commission a adopté à cet article.

Article premier bis (nouveau)

Définition du terme de fédération au sens du projet de loi

•  Cet article additionnel adopté par l'Assemblée nationale tend à préciser que le terme de " fédération " doit être entendu, dans l'ensemble du projet de loi, comme désignant une fédération agréée en application de l'article 16 de la loi de 1984.

Position de la commission

Cet article additionnel paraît tout à fait inutile, et pourrait par ailleurs restreindre la portée des dispositions du texte qui ont vocation à s'appliquer à l'ensemble des fédérations, comme par exemple certaines des dispositions de l'article 4.

Votre commission a donc adopté un amendement de suppression de cet article.

Article premier ter (nouveau)

Introduction dans le cahier des charges des services publics de radiodiffusion sonore et de télévision de dispositions relatives
à la promotion de la protection de la santé des sportifs
et de la lutte contre le dopage

•  Cet article additionnel impose que les cahiers des charges des services publics de radiodiffusion sonore et de télévision prévoient, " sous l'autorité et le contrôle " du CSA, des dispositions " pour la promotion de la protection de la santé des sportifs et de la lutte contre le dopage " .

Position de la commission

On ne peut que partager les préoccupations qui ont inspiré l'article premier ter (nouveau).

Il convient cependant d'observer :

- que la définition des organismes du secteur audiovisuel public visés à cet article est peut-être un peu large : elle inclurait en effet Radio France International ;

- que le contenu du cahier des charges des sociétés nationales de programme et de La Cinquième est de la compétence du pouvoir réglementaire (article 48, premier alinéa, de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) ;

- que le CSA ne dispose d'aucune autorité ni d'aucun contrôle sur le contenu de ces cahiers des charges, qui lui sont simplement soumis pour avis (article 48, alinéa 2, de la loi du 30 septembre 1986).

Au bénéfice de ces observations, votre commission a adopté un amendement de suppression de l'article premier ter (nouveau).

Article premier quater (nouveau)

Charte de bonne conduite des partenaires officiels
des événements sportifs et des sportifs

•  Cet article additionnel prévoit que les " sponsors " des manifestations sportives et des sportifs s'engagent à respecter une charte de bonne conduite conforme aux dispositions de la loi.

Position de la commission

L'objet de cet article additionnel, comme celui du précédent, est tout à fait louable, puisqu'il tend à moraliser le parrainage sportif. Cependant, outre qu'elle n'est pas de nature législative, la portée de cette disposition soulève un certain nombre d'interrogations : quelle serait la nature, contractuelle ou réglementaire, de cette " charte " ? Quel pourrait être son contenu ? Comment contraindre les " sponsors " à la respecter ? Comment empêcher ceux qui ne la respecteraient pas de parrainer un événement sportif ?

Il ne paraît pas raisonnable d'introduire dans la loi une disposition aussi vague, et dépourvue de toute sanction.

C'est pourquoi votre commission a adopté un amendement de suppression de l'article 1er quater (nouveau).

TITRE PREMIER

DE LA SURVEILLANCE MÉDICALE DES SPORTIFS
Article 2

Contrôle médical préalable à la délivrance des licences sportives

•  Sans en modifier le fond, l e Sénat avait adopté une nouvelle rédaction de cet article.

L'Assemblée nationale a étendu l'exigence d'un certificat médical à chaque délivrance de licence sportive. Elle a en outre adopté à cet article deux amendements de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales tendant respectivement :

- à permettre au médecin de restreindre la portée du certificat de non contre-indication à la pratique des activités physiques et sportives, afin d'écarter la ou les disciplines dont il jugerait l'exercice préjudiciable à la santé de son patient, alors même que celles-ci ne figureraient pas sur la liste des sports " à risques " ;

- à imposer que l'examen médical approfondi que nécessite l'exercice des disciplines à risques soit pratiqué par un médecin du sport.

Position de la commission

Les examens approfondis exigés dans le cas des disciplines sportives à risques doivent être pratiqués par les spécialistes compétents pour déceler les contre-indications à l'exercice de chaque discipline. Les personnes qui souhaitent pratiquer la boxe doivent par exemple subir un examen ophtalmologique, et les aspirants à la plongée sous-marine un examen cardiologique.

Votre commission a donc adopté à cet article un amendement revenant sur la disposition prévoyant que l'examen approfondi préalable à la pratique d'un sport " à risques " serait pratiqué par un médecin du sport.

Article 3

Contrôle médical préalable aux compétitions

Le Sénat avait adopté à cet article un amendement de précision.

L'Assemblée nationale lui a apporté deux modifications :

- l'une tendant à substituer au terme d'épreuve celui de compétition, les deux termes étaient d'ailleurs rigoureusement synonymes ;

- l'autre tendant à préciser que le certificat médical que doivent présenter les sportifs non licenciés pour s'inscrire à une compétition organisée ou agréée par une fédération sportive doit dater de moins d'un an. Cette précision figure déjà dans le décret du 1er juillet 1987 relatif à la surveillance médicale des activités physiques et sportives.

Position de la commission

Votre commission a adopté à cet article un amendement rédactionnel.

Article 3 bis (nouveau)

Déclaration nominale obligatoire des cas présumés de dopage

• Cet article qui résulte d'un amendement du gouvernement impose aux médecins une obligation de déclaration à la cellule médicale placée auprès du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage lorsqu'ils décèlent " des signes évoquant une pratique de dopage " chez un patient sportif.

Cette obligation s'impose à tout médecin, mais seulement lorsque les symptômes de dopage sont décelés :

- lors de l'examen pratiqué en vue de la délivrance du certificat de non contre-indication à la pratique sportive prévue à l'article 2 du projet de loi, ou du certificat de non contre-indication à la pratique sportive en compétition prévu à l'article 3 ;

- lors " d'un acte participant à la surveillance médicale d'un sportif " : sa formulation très imprécise ne permet pas de définir la portée exacte de cette disposition, mais exclut en tout cas de considérer qu'elle vise exclusivement le suivi médical des sportifs de haut niveau prévu à l'article 6 du projet de loi.

Bien que le texte ne le précise pas, cette déclaration ne peut-être que nominale, puisqu'elle constitue le point de départ d'une procédure pouvant conduire au prononcé, par la cellule médicale du CPLD, d'une décision interdisant temporairement à l'intéressé de pratiquer une activité sportive.

L'article 3 bis (nouveau) n'impose pas au médecin d'avertir son patient de l'obligation de déclaration qui lui incombe.

Il convient de préciser que le texte de l'amendement gouvernemental prévoyait que le médecin n'encourait aucune responsabilité du fait de sa déclaration. La ministre de la jeunesse et des sports a indiqué que cette disposition avait pour objet d'éviter que le médecin " qui a usé de son droit d'alerte " ne soit l'objet de poursuites judiciaires si " l'alerte " s'avérait injustifiée : l'Assemblée nationale n'a pas suivi sur ce point le gouvernement.

Position de la commission

Votre commission a adopté un amendement procédant à une nouvelle rédaction de cet article additionnel afin d'interdire au médecin consulté en vue de la délivrance d'un certificat de non contre-indication à la pratique sportive de délivrer ce certificat s'il décèle chez le patient des symptômes évoquant une pratique de dopage.

Article 3 ter (nouveau)

Sanction disciplinaire du défaut de déclaration nominale
des présomptions de dopage

•  Cet article additionnel introduit par l'Assemblée nationale résulte, comme le précédent, d'un amendement gouvernemental. Il rend passible de sanctions disciplinaires les médecins méconnaissant l'obligation de déclaration nominale définie à l'article 3 bis (nouveau) , et donne compétence à la cellule médicale prévue à l'article 9 pour saisir le conseil régional de l'ordre des médecins, cette procédure dérogeant aux règles de saisine prévues à l'article L. 417 du code de la santé publique.

Concrètement, cet article signifie que si un médecin, intervenant dans les conditions définies à l'article 3 bis , n'a fait part à la cellule d'aucun soupçon de dopage d'un patient sportif, et si ce sportif fait ensuite l'objet d'un contrôle positif, la cellule médicale pourra déférer le médecin à l'instance disciplinaire ordinale.

Selon l'argumentation développée par le gouvernement à l'appui de son amendement, l'article 3 ter (nouveau) a pour objet de " préciser la responsabilité des médecins ".

Il convient de prendre l'exacte mesure de la portée de cet article. Il ne s'agit pas, comme on pourrait le penser -et le souhaiter- de sanctionner la responsabilité des médecins qui n'hésitent pas à doper leurs patients.

Les seuls " responsables " auxquels ce texte aura vocation à s'appliquer seront probablement quelques médecins de ville sollicités par des patients qu'ils ne suivent pas régulièrement de leur délivrer un certificat de non contre-indication à la pratique sportive, et qui n'auront pas pu déceler des " symptômes " que seul permet de discerner un suivi régulier, ou des examens beaucoup plus sophistiqués que ceux qui sont pratiqués en pareil cas.

On peut craindre que la mise en cause de tels " responsables " ne permette pas d'éradiquer le dopage.

Position de la commission

En conséquence de l'amendement supprimant l'article 3 bis, votre commission a adopté un amendement de suppression de cet article additionnel.

Article 4

Contribution des fédérations sportives
à la prévention du dopage

Le Sénat n'avait apporté à cet article, dont votre commission avait souligné qu'il était dépourvu de toute portée normative, que des modifications d'ordre rédactionnel.

L'Assemblée nationale l'a complété par trois alinéas prévoyant respectivement :

- que la liste des produits dopants est la même pour tous les sports. Compte tenu de la rédaction de l'article 11, cette précision est inutile et elle n'aurait de toute façon pas sa place à cet article, les fédérations n'étant en rien associées à l'élaboration de la liste des produits et procédés dopants ;

- que les programmes de formation des cadres professionnels et bénévoles intervenant dans les fédérations, les clubs, les établissements sportifs et les écoles de sport comportent " des actions de prévention contre l'utilisation des produits dopants " ;

- que des formations spécifiques sont dispensées aux enseignants, aux entraîneurs et aux médecins du sport, dispositions que votre commission propose d'insérer à l'article premier.

Position de la commission

En fonction des considérations qui précèdent, votre commission a adopté à cet article :

un amendement de suppression du troisième alinéa ;

un amendement de suppression du dernier alinéa, en conséquence de l'amendement adopté à l'article premier.

Article additionnel avant l'article 5

Devoirs des médecins à l'égard
des patients ayant recours au dopage

La procédure d'alerte médicale introduite par l'Assemblée nationale ne paraît pas à votre commission être un moyen très efficace pour " responsabiliser " ou " mobiliser " les médecins dans la lutte contre le dopage. Elle pourrait en outre dissuader les sportifs qui ont recours au dopage mais qui se posent des questions sur la nature et les conséquences des " traitements " qu'ils suivent, ou qu'on leur fait suivre, d'aller voir un médecin pour lui demander conseil, de peur d'être " dénoncé ".

Pour votre commission, il faut au contraire médicaliser la lutte contre le dopage, et donc encourager les sportifs à solliciter le conseil de médecins, favoriser l'indispensable climat de confiance entre patient et médecin. Il faut aussi sensibiliser les médecins au problème du dopage, les inciter à faire preuve de vigilance pour détecter d'éventuels symptômes, à mettre en garde leurs patients, et à agir à leur égard comme l'article 44 du code de déontologie leur impose d'agir lorsqu'ils discernent qu'un de leurs patients est victime de sévices ou de privations.

Tel est l'objet de l'article additionnel que votre commission vous propose d'insérer avant l'article 5 du projet de loi.

Article 5

Prescription de produits dopants

Le Sénat avait modifié cet article :

- pour étendre son champ d'application aux produits prescrits dans le cadre de traitements préventifs ;

- pour renvoyer à l'article 11 du projet de loi la définition des modalités d'établissement de la liste des substances et procédés dopants ;

L'Assemblée nationale a précisé que le praticien consulté par un sportif prenant part à des compétitions devait informer ce dernier par écrit de l'incompatibilité absolue ou relative des produits prescrits avec la pratique sportive : cette précision est en effet utile.

Position de la commission

Votre commission a adopté cet article dans le texte de l'Assemblée nationale.

Article additionnel avant l'article 6

Veille sanitaire sur le dopage

Comme le souligne la remarquable contribution au récent rapport du CNRS " dopage et pratique sportive " du groupe de travail sur la pathologie iatrogène dans le sport, coordonné par le professeur Michel Rieu, on ne dispose pas, en France, de données épidémiologiques sur le dopage : " Quelles sont les catégories les plus touchées (sports, âge, sexe, niveaux sportifs...) et, selon les disciplines, quels sont les produits utilisés ? à quelles doses ? Quels sont les effets à long terme du dopage : le sportif développe-t-il de manière privilégiée un certain type de pathologie ? La toxicomanie est-elle plus fréquente chez les athlètes et anciens athlètes de haut niveau que dans la population normale ? Pour le moment, autant de questions sans réponses, qui restent du domaine de la rumeur ".

Votre commission vous propose donc, en insérant cet article additionnel avant l'article 6 du projet de loi, de prévoir un système de collecte de données épidémiologiques inspiré de celui prévu par la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire.

Les données seront collectées auprès des médecins qui traiteront des patients victimes du dopage ou atteints de pathologies consécutives à un dopage. Elles seront transmises, sous forme anonyme, à la cellule médicale prévue à l'article 9, qui les communiquera à son tour à l'Institut de veille sanitaire créé par la loi du 1er juillet 1998. Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités de cette transmission.

Article additionnel avant l'article 7

Contrôles exercés à la demande des médecins
chargés du suivi médical des sportifs de haut niveau

Le suivi clinique et biologique des sportifs de haut niveau prévu à l'article 6 permettra de déceler les évolutions anormales indicatives de pratiques de dopage.

Il semble donc souhaitable de mobiliser les médecins qui exerceront ce suivi en leur imposant, lorsqu'ils constateront de telles évolutions, de demander qu'il soit procédé à des contrôles anti-dopage.

Les sportifs seront avertis de cette obligation, ce qui permettra à la fois de respecter leurs droits et de contribuer à la prévention du dopage.

Tel est l'objet de l'article additionnel que votre commission vous propose d'insérer avant l'article 7 du projet de loi.

Article 7

Livret individuel des sportifs de haut niveau

Le Sénat avait adopté cet article sans modification.

L'Assemblée nationale l'a modifié sur deux points :

- elle a précisé que le livret pouvait être remis au sportif ou à son représentant légal, afin de prendre en compte le cas où le titulaire du livret serait mineur ;

- elle s'est refusée à prévoir l'inscription dans le livret individuel " d'informations à caractère sportif ", au motif qu'elle pourrait avoir pour conséquence de permettre la consultation de ce livret, qui contient des informations couvertes par le secret médical, par des cadres sportifs. Elle a donc restreint le contenu du livret à " des informations médicales en rapport avec l'activité sportive ".

Cette crainte apparaît dépourvue de fondement, le second alinéa de l'article 7 précisant que le livret individuel, -où seront mentionnés, il convient de le rappeler, les résultats des examens périodiques de suivi médical prévus à l'article 6- ne pourra être consulté que par les médecins agréés lors des contrôles anti-dopage. Par ailleurs, outre que la notion d'information médicale " en rapport avec l'activité sportive " est d'une imprécision qui pourrait justifier toutes les omissions, voire certaines dissimulations, il est indispensable que le médecin chargé du suivi médical du sportif puisse consigner dans le livret des indications relatives à son activité sportive (rythme des entraînements, compétitions...) qui peut évidemment avoir des conséquences sur son état physique et physiologique.

Position de la commission

Pour ces raisons, votre commission a adopté à cet article un amendement rétablissant la définition adoptée par le Sénat des informations devant figurer dans le livret individuel des sportifs de haut niveau.

TITRE II

DE LA PRÉVENTION ET DE LA LUTTE
CONTRE LE DOPAGE
Section 1
Du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage

Article 8

Conseil de prévention et de lutte contre le dopage

Le Sénat avait adopté une nouvelle rédaction de cet article, qui répondait à des préoccupations de forme mais qui avait aussi pour objet de compléter et de préciser, notamment pour mieux garantir son indépendance, les règles de composition et de fonctionnement du CPLD.

• Sans remettre en cause aucune des modifications de fond introduites par le Sénat, l'Assemblée nationale a adopté à cet article des amendements :

* introduisant au premier alinéa de l'article la définition des missions du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage ;

* apportant plusieurs modifications, -de portée limitée- aux dispositions relatives à la composition du Conseil et au mode de nomination de ses membres. Ces modifications ont pour objet :

- de préciser que le Conseil comportera un expert en pharmacologie désigné par le Président de l'Académie nationale de pharmacie et un spécialiste de toxicologie nommé par le Président de l'Académie des Sciences ;

- d'inclure dans les trois personnalités qualifiées dans le domaine du sport une personnalité désignée par le Président du Comité consultatif national d'éthique, cette personnalité remplaçant, dans cette catégorie, le médecin du sport désigné par le Président de l'Académie de médecine, désormais intégré dans la catégorie des personnalités scientifiques.

* prévoyant que les membres du CPLD prêtent serment.

Position de la commission

Votre commission a adopté à cet article :

- Un amendement rétablissant le premier alinéa de l'article dans la rédaction adoptée par le Sénat.

Il n'y a en effet aucune utilité à définir à cet article les compétences du Conseil, qui résultent des dispositions des articles 9 et 18. En outre, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale n'est ni très heureuse, ni très précise.

- Un amendement de suppression de l'alinéa imposant aux membres du Conseil de prêter serment, obligation qui paraît superflue, étant donné qu'ils sont tenus au secret professionnel, et qui n'est par ailleurs imposée aux membres d'aucune autre AAI.

Article 9

Compétences du Conseil de prévention
et de lutte contre le dopage

• Outre des modifications d'ordre rédactionnel, le Sénat avait adopté à cet article trois amendements. Le plus important de ces amendements tendait à accorder au CPLD, afin de lui permettre d'exercer un véritable rôle de régulation, un pouvoir de recommandation à l'égard des fédérations sportives en matière de mise en oeuvre des procédures disciplinaires et de prévention du dopage. Les deux autres tendaient respectivement à étendre à la recherche en médecine sportive la compétence de la cellule scientifique de coordination de la recherche dont dispose le Conseil, et à prévoir la transmission au Parlement et la publication de son rapport annuel d'activité.

L'Assemblée nationale a, quant à elle, apporté à cet article plusieurs amendements. Certains constituent de simples précisions ou des aménagements de portée limitée, d'autres en revanche sont susceptibles de modifier profondément le rôle du Conseil, voire l'équilibre d'ensemble du projet de loi : il s'agit des dispositions donnant au Conseil un pouvoir d'injonction à l'égard des fédérations et surtout de celles créant la " cellule médicale " chargée d'un rôle central, encore que mal défini, dans le " dispositif d'alerte " introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale.

On examinera successivement ces différentes modifications.

* Les amendements de précision adoptés par l'Assemblée nationale prévoient que :

- le Conseil est destinataire des procès-verbaux d'analyses de contrôle. Cette précision, qui aurait pu être renvoyée à des dispositions réglementaires, est mal rédigée : en effet, le Conseil ne peut être destinataire des procès-verbaux que lorsqu'il est directement compétent pour leur donner la suite qu'ils appellent, c'est-à-dire dans le cas des sportifs non licenciés. Dans les autres cas, ce sont les fédérations qui doivent en être destinataires et l'on peut seulement prévoir que, comme le ministère de la jeunesse et des sports, le Conseil en reçoive communication ;

- le Conseil est consulté non seulement sur les projets de loi et de règlement relatifs à la lutte contre le dopage mais aussi sur ceux relatifs à la protection de la santé des sportifs ;

- les fédérations peuvent consulter le Conseil sur les questions scientifiques auxquelles elles se trouvent confrontées : cette précision n'était pas indispensable. Le rôle du Conseil, autorité de régulation, implique en effet qu'il exerce une mission d'assistance et de conseil aux fédérations, non seulement sur des questions scientifiques, mais aussi sur toute autre question relative à la prévention du dopage et à la lutte contre le dopage qu'elles pourraient souhaiter lui soumettre ;

* Le pouvoir d'injonction à l'égard des fédérations

Le onzième alinéa du texte adopté par l'Assemblée nationale permet au Conseil d'enjoindre aux fédérations de " faire usage des pouvoirs mentionnés aux articles 13 et 17 dans le délai qu'il prévoit ". Il faut rappeler à cet égard que :

- l'article 13 ne donne aux fédérations que le droit de demander au ministre de diligenter des contrôles antidopage, le ministre étant naturellement seul juge de l'opportunité de donner suite à cette demande ;

- le premier alinéa de l'article 17, relatif à l'exercice des compétences disciplinaires des fédérations, leur enjoint déjà de faire usage de ces compétences : l'injonction de poursuivre que pourrait leur adresser le Conseil n'ajouterait rien à cette obligation.

Le pouvoir d'injonction donné au Conseil serait donc, en fait, de portée extrêmement limitée. La disposition adoptée par l'Assemblée nationale n'en est pas moins inopportune. Elle n'est en effet pas cohérente avec la mission du Conseil, qui doit être une autorité de régulation investie à ce titre, comme l'a prévu le Sénat, d'un pouvoir de recommandation, mais qui n'a aucune vocation à exercer une quelconque autorité sur les fédérations sportives. Il convient d'ajouter que l'effet d'affichage résultant de l'amendement de l'Assemblée nationale serait plutôt de nature à compliquer la tâche du Conseil qu'à la faciliter. Pour ces raisons, votre commission vous proposera de ne pas retenir cet amendement.

* La cellule médicale

Le texte adopté par le Sénat prévoyait que le Conseil disposerait d'une cellule scientifique de coordination de la recherche. Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit qu'il " dispose " également d'une cellule médicale. En fait, la cellule médicale, loin d'être à la disposition du Conseil, apparaît plutôt comme une " autorité dans l'autorité ", investie d'une mission et de pouvoirs de décision dont la nature est difficile à définir, mais qu'elle assume en tout cas de façon entièrement autonome.

- la composition de la cellule médicale :

Le texte de l'Assemblée nationale indique uniquement que la cellule médicale est " composée de médecins habilités par arrêté conjoint des ministres chargés des sports et de la santé " : aucune précision n'est donnée sur l'objet ni l'étendue de cette habilitation. On ignore également si et dans quelles conditions le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage intervient dans le choix des médecins composant la cellule médicale dont il est censé disposer.

- les compétences de la cellule médicale ne sont pas non plus définies avec une grande précision.

Le texte de l'Assemblée nationale dispose que la cellule " recueille tous renseignements propres à établir l'existence du dopage ". On peut penser que le dopage dont il est ici question vise les cas de " dopage présumé " signalés à la cellule en application de l'article 3 bis ( nouveau ), mais cela mériterait d'être précisé. Il serait également indispensable de définir les pouvoirs d'investigation de la cellule : quelle est la nature des renseignements qu'elle peut recueillir, dans quelles conditions peuvent-ils être recueillis ?

Il est seulement indiqué, à cet égard, que la cellule peut, " si nécessaire ", demander un nouvel examen clinique ou biologique. On peut effectivement penser que de tels examens seraient nécessaires, puisque la cellule n'est alertée que sur des présomptions de dopage. Mais cette faculté de recours à des examens devrait elle aussi être encadrée -comme le sont les contrôles pratiqués par les médecins agréés.

- Enfin, le pouvoir de décision de la cellule n'est pas défini de manière plus satisfaisante -ni plus protectrice des droits des personnes- que son pouvoir d'investigation.

Le texte prévoit simplement que " la cellule peut prescrire une interruption temporaire de l'activité sportive pour raison médicale . Cette décision est transmise à la fédération qui veille à son exécution. "

Il est clair que la cellule médicale n'intervient pas en qualité de médecin traitant. Elle n'a donc a priori aucune compétence juridique pour accorder à l'intéressé un congé-maladie, pour lui prescrire le repos ni pour constater son inaptitude physique à exercer une activité sportive. La décision qu'elle prend est de nature administrative.

On peut s'interroger :

- sur le caractère discrétionnaire de ce pouvoir de décision : la décision de la cellule n'est en effet soumise à aucune condition. Elle n'est pas subordonnée à la preuve de " l'existence du dopage " ; la durée de l'interruption n'est pas limitée et la " raison médicale " qui peut la motiver n'est en rien précisée ;

- sur les modalités de notification de la décision : elle n'est pas notifiée à l'intéressé (ce qui a d'ailleurs pour conséquence de la lui rendre juridiquement inopposable) -ce qui serait particulièrement surprenant si, comme on le prétend, cette décision avait pour seul objet de le protéger contre de graves risques de santé. Elle n'est notifiée qu'à " la fédération sportive ". Or, l'intéressé n'est pas forcément licencié, la procédure d'alerte pouvant être déclenchée à l'occasion de la demande de délivrance du certificat médical préalable à l'obtention de la licence, du certificat de non contre-indication à la pratique en compétition qui est exigé des non licenciés comme des licenciés, ou d'un " acte de surveillance médicale " pratiqué à l'égard d'un sportif non licencié.

Si, après lecture du texte de l'Assemblée nationale, la cellule médicale demeure largement un " objet administratif non identifié ", on peut en tout cas relever que ses compétences et son mode d'intervention sont plus proches de celles d'une instance disciplinaire que celles d'un médecin, et a fortiori d'une cellule de réflexion et d'expertise placée auprès d'une autorité administrative indépendante. On ne peut aussi que constater l'absence totale de garantie des droits de la défense et de la personne qui caractérise la " procédure d'alerte " dont la cellule médicale constitue le rouage essentiel.

Position de la commission

Votre commission a adopté à cet article :

- un amendement de précision ;

- un amendement de suppression des dispositions relatives au pouvoir d'injonction du Conseil sur les fédérations sportives ;

- un amendement redéfinissant le rôle de la cellule médicale qui doit assurer, comme la cellule de coordination de la recherche scientifique, une mission d'expertise auprès du Conseil, et lui confiant notamment à ce titre une mission de veille sanitaire sur le dopage.

Section 3
Du contrôle

Article 14

Contrôle antidopage

Le Sénat n'avait pas modifié cet article.

L'Assemblée nationale a introduit une disposition nouvelle dans son paragraphe I, et l'a complété par un paragraphe III (nouveau).

* L'amendement adopté au paragraphe I de l'article, qui est de nature réglementaire, prévoit que les échantillons prélevés lors des contrôles sont analysés dans les laboratoires agréés par le Comité international olympique et le ministre de la jeunesse et des sports.

Il existe dans le monde 26 laboratoires agréés par le CIO, dont un seul en France, le laboratoire de Châtenay-Malabry. L'amendement, adopté sur proposition du gouvernement, traduit le souhait du ministère de la jeunesse et des sports de voir agréer par le CIO un deuxième laboratoire français.

En attendant la réalisation -problématique- de ce souhait, on peut s'interroger sur la portée de cet amendement qui n'a pas, c'est le moins qu'on puisse dire, fait l'objet d'un débat très éclairant.

Est-il envisagé que le ministre agrée un ou des laboratoires étrangers ? Est-il envisagé de modifier la réglementation applicable aux contrôles, qui impose actuellement que l'analyse et l'analyse de contrôle que peut demander le sportif aient lieu dans le même laboratoire (article 11 du décret n° 91-837 du 30 août 1991) ?

* Le paragraphe III ( nouveau ) dispose que toute personne soumise à un contrôle peut " le jour même, demander à ses frais à ce qu'il soit procédé à d'autres prélèvements complémentaires afin de déceler les mêmes substances ou procédés ".

La rédaction et la portée de cet amendement, qui est également de nature réglementaire, sont très imprécises. Il paraît clair qu'il permet au sportif contrôlé de demander que le ou les prélèvements opérés en vue du contrôle -le décret du 30 août 1991 autorise le prélèvement d'échantillons d'urine et de sang- soient complétés par d'autres prélèvements, par exemple capillaires, ces prélèvements étant opérés à ses frais.

Mais il laisse subsister beaucoup d'incertitudes. Le texte peut-il être interprété comme mettant à la charge du sportif, outre les frais de prélèvement, qui seront minimes, pour ne pas dire nuls, puisque les prélèvements seront effectués lors du contrôle, les frais d'analyse de ces prélèvements qui peuvent être importants ? Les analyses des prélèvements complémentaires devront-elles -et pourront-elles- être confiées au laboratoire agréé ? Le sportif pourra-t-il choisir le laboratoire chargé de l'analyse des prélèvements complémentaires ?

Ces questions suffisent à mettre en évidence les problèmes pratiques (délais, coûts) mais aussi juridiques (égalité devant les contrôles) que peut poser l'application du paragraphe III ( nouveau) .

Position de la commission

Compte tenu de ces observations, et faute de pouvoir apprécier la portée des modifications introduites par l'Assemblée nationale, votre commission a adopté deux amendements de suppression de ces modifications.

Article 15

Droit de perquisition

Le Sénat avait adopté sans modification cet article, qui permet aux agents et médecins chargés des contrôles d'accéder à tous les lieux où se déroulent des compétitions ou les entraînements y préparant, ainsi qu'aux installations sportives privées, à l'exclusion des locaux domiciliaires.

L'Assemblée nationale lui a apporté des modifications d'importance très inégale :

* Elle a souhaité préciser, par référence " aux infractions définies aux article 11 et 12 " la nature des infractions recherchées : la rédaction qu'elle a retenue à cette fin n'est cependant pas satisfaisante, les articles 11 et 12 ne définissant pas des infractions, mais des comportements susceptibles de sanctions disciplinaires (article 11) ou pénales (article 12).

* Elle a étendu le champ d'investigation des contrôleurs aux " annexes " des lieux, locaux, enceintes, installations et établissements, afin d'y inclure, comme le précisait le rapport de la commission des affaires culturelles familiales et sociales, " des vestiaires distincts du stade, des pistes indépendantes d'un circuit principal, des courts de tennis séparés d'un club ". On peut s'interroger sur la portée réelle de cette extension, compte tenu de l'imprécision de la notion d'annexe et de la nature et de la configuration très variées des lieux et locaux visés à cet article : voie publique, stades, gymnases, etc.

* Elle a précisé que les médecins agréés peuvent, à l'occasion des visites, procéder à des contrôles antidopage : cette précision était quant à elle tout à fait inutile, les contrôles faisant partie des missions de police administrative visées à cet article ;

* Elle a, enfin, étendu les pouvoirs d'investigation des agents et médecins chargés du contrôle à la fouille des véhicules, privés ou non, utilisés par les personnes ou les équipes participant aux épreuves ou aux entraînements, y compris les véhicules servant de domicile : votre rapporteur a déjà exposé les objections que soulèvent ces dispositions -qui sont d'ailleurs contradictoires avec l'exclusion des visites domiciliaires prévue au premier alinéa de l'article- et l'inconstitutionnalité des dispositions relatives aux conditions de visite des véhicules servant de domicile.

Position de la commission

Votre commission a adopté trois amendements à cet article :

* Le premier tend à améliorer la rédaction des dispositions précisant l'objet des perquisitions effectuées par les agents et médecins chargés des contrôles ;

* la deuxième a pour objet de modifier la rédaction du cinquième alinéa de l'article : le texte adopté par l'Assemblée nationale omet en effet de préciser que le procureur de la République ne doit être averti que des opérations de recherche des seules infractions pénales, et non de celles qui relèvent de la police administrative, tels les contrôles antidopage. En outre, les précisions introduites à cet alinéa sur les pouvoirs du procureur de la République n'ajoutent rien aux dispositions du code de procédure pénale ;

* le troisième, enfin, tend à la suppression des dispositions relatives à la fouille des véhicules.

Article 16

Saisies

Le Sénat avait adopté cet article dans le texte du projet de loi initial.

L'Assemblée nationale lui a apporté plusieurs modifications :

- elle a étendu, par coordination avec l'amendement adopté à l'article 15, sa portée aux saisies effectuées dans des véhicules ;

- elle a très opportunément levé une ambiguïté du texte, qui confondait l'accès aux lieux visités, qui relève de la police administrative et ne nécessite donc aucune autorisation judiciaire, et la saisie d'objets ou de documents, qui doit être autorisée par ordonnance d'un magistrat du siège ;

- mais elle a, du même coup, supprimé une partie des dispositions du texte précisant les modalités du déroulement des saisies.

Position de la commission

Votre commission a adopté à cet article deux amendements supprimant la référence aux saisies opérées dans des véhicules et rétablissant les dispositions relatives au déroulement des saisies afin de garantir, comme l'exige la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le respect des droits de la défense et du droit de propriété.

Article 16 bis (nouveau)

Coopération entre les services participant à la répression
du trafic de produits dopants

•  Cet article additionnel, issu d'un amendement gouvernemental, habilite les services de police judiciaire et les autres services intervenant dans la recherche des infractions liées au trafic de produits dopants à se communiquer entre eux les informations dont ils disposent. L'Assemblée nationale a modifié le texte proposé par le gouvernement pour préciser que ces communications devaient s'effectuer dans le respect de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Cette précision est inutile, d'une part parce qu'il est improbable que les informations échangées prennent jamais la forme de fichiers nominatifs relatifs à des personnes (elles portent surtout sur la nature et sur la présentation des produits, sur leurs modalités d'entrée en France et de circulation sur le territoire) et, d'autre part, parce que, si tel devait être le cas, la loi de 1978 serait de toute façon applicable.

Position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Section 4
Des sanctions administratives
Article 17

Exercice par les fédérations sportives
de leurs compétences disciplinaires

Le Sénat avait précisé à cet article que le pouvoir disciplinaire des fédérations ne pouvait s'exercer qu'à l'égard de leurs licenciés, et réparé une omission de référence aux dispositions de l'article 14-II (refus de se soumettre aux contrôles).

L'Assemblée nationale a adopté à cet article, outre des amendements rédactionnels et de coordination, des modifications de nature et de portée très diverses :

- Elle a complété l'alinéa relatif aux dispositions définies par décret en Conseil d'Etat que les fédérations doivent inclure dans leur règlement (procédures de contrôle, procédures disciplinaires, sanctions applicables), pour préciser que le règlement des fédérations doit prévoir sur ces questions des modalités propres à assurer les droits de la défense : les règles prévues par le décret n° 92-381 du 1er avril 1992, pris en application de la loi " Bambuck ", offrent à cet égard toutes les garanties souhaitables.

On rappellera en outre que le juge administratif, lorsqu'il est saisi d'un recours contre une décision disciplinaire, contrôle même sans texte que cette décision a été prise dans le respect des droits de la défense.

Dans le même souci, l'Assemblée nationale a précisé que l'organe disciplinaire de première instance des fédérations se prononçait " après que les intéressés ont été en mesure de présenter leurs observations ", cette seconde mention des droits de la défense apparaissant quelque peu redondante avec la première.

- Elle a raccourci les délais dans lesquels doivent intervenir les décisions disciplinaires des fédérations.

- Enfin, elle a prévu qu'en complément des sanctions disciplinaires, les fédérations pourront prononcer des " injonctions informatives et thérapeutiques " à l'encontre des licenciés sanctionnés pour dopage, pour prescription illégale de produits ou procédés dopants ou pour refus de se soumettre aux contrôles.

Votre rapporteur a déjà exposé dans le présent rapport qu'il n'était pas concevable de donner aux fédérations sportives un tel pouvoir de contrainte à l'égard de leurs licenciés, de surcroît sans l'assortir de la moindre garantie.

Position de la commission

Votre commission a adopté à cet article :

- un amendement supprimant le rappel du droit des intéressés à être entendus avant le prononcé en première instance d'une sanction disciplinaire ;

- un amendement supprimant la possibilité pour les fédérations de prononcer des injonctions informatives et thérapeutiques.

Article 18

Pouvoir de sanction du Conseil de prévention
et de lutte contre le dopage

Le Sénat avait procédé à une nouvelle rédaction de cet article, qui comportait aussi quelques modifications de fond tendant notamment à préciser les conditions de saisine du Conseil, à unifier les délais dont il dispose pour statuer et à préciser en tant que de besoin le point de départ de ces délais.

L'Assemblée nationale a adopté à l'article 18 :

- deux amendements rédactionnels : le premier, qui récrit l'alinéa prévoyant la compétence du Conseil pour prendre des sanctions en cas de défaillance de la fédération compétente, ne paraît pas très heureux, en tant qu'il affirme la compétence du Conseil sur des " dossiers ", et non pour sanctionner des personnes. Le second, en revanche, supprime opportunément un membre de phrase qui précisait inutilement que le Conseil peut réformer les sanctions disciplinaires des fédérations " s'il estime qu'elles ne sont pas appropriées " ;

- un amendement ramenant de trois à deux mois le délai dont le Conseil dispose pour statuer ;

- un amendement donnant un caractère suspensif à la saisine du Conseil. Cet amendement n'a pas grand sens, compte tenu du fait que le Conseil interviendra soit en première instance (dans le cas des non licenciés), soit lorsque la fédération compétente n'aura prononcé aucune sanction, soit lorsqu'elle aura prononcé une sanction qu'il estimera nécessaire de réformer -vraisemblablement en raison de son insuffisance. Il n'y a donc pas vraiment lieu de considérer, comme les auteurs de l'amendement, que le caractère suspensif de la saisine du Conseil est indispensable pour assurer le respect de la présomption d'innocence et des droits de la défense.

Position de la commission

Votre commission a adopté à cet article un amendement rétablissant dans la rédaction du Sénat les dispositions relatives au pouvoir de sanction exercé par le Conseil en cas de carence des fédérations.

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES
Article 21

Modalités d'application

Le Sénat avait modifié cet article pour supprimer des dispositions redondantes avec celles de l'article 17.

L'Assemblée nationale l'a amendé pour opérer une coordination oubliée.

Position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 22

Restriction du champ d'application de la loi du 28 juin 1989
à la lutte contre le dopage des animaux

Le Sénat avait apporté à cet article de nombreuses modifications formelles, ainsi que quelques aménagements de fond.

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements à cet article :

- le premier modifie l'article 6 de la loi de 1989, relatif au droit de visite des agents et vétérinaires agréés, pour étendre ce droit de visite aux établissements sportifs privés visés à l'article 47 de la loi de 1984 ainsi qu'aux annexes de tous les locaux, enceintes, installations ou établissements visés à cet article, par symétrie avec les dispositions correspondantes du projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.

Il convient de souligner que l'extension prévue par le projet de loi du droit de visite des agents et médecins agréés aux installations sportives privées est justifiée par le fait que ces installations -salles de sport, gymnases, etc.- où peuvent s'entraîner des sportifs participant ou se préparant à des compétitions, peuvent aussi être fréquentées par des pourvoyeurs de produits dopants, et sont parfois le siège de trafics organisés, comme l'ont montré des affaires récentes.

Dans le cas d'un texte s'appliquant uniquement aux chevaux des cavaliers participant à des compétitions équestres et aux chiens de traîneau, on doit se demander si l'extension du droit de visite à des installations sportives privées présente le même intérêt, et aussi quelles installations seront concernées : sans doute uniquement des manèges, les établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article 47 de la loi de 1984 ne pouvant être des installations n'accueillant que des animaux.

- Toujours dans le souci d'étendre à la loi de 1989 certaines des innovations apportées par le projet de loi, l'Assemblée nationale a prévu de punir la tentative des délits définis par les dispositions pénales de l'article 14 de la loi de 1989.

Position de la commission

Votre commission ne peut que réitérer le souhait, qu'elle avait exprimé lors de la première lecture du projet de loi, que soit rapidement élaboré un projet de loi proposant un dispositif cohérent et complet traitant de l'ensemble des problèmes de dopage des animaux.

Au bénéfice de cette observation, elle a adopté l'article 22 dans le texte de l'Assemblée nationale.

Article 23

Abrogation de l'article 35 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives

Le Sénat avait modifié cet article afin de maintenir en vigueur les dispositions de l'article 35 de la loi de 1986 prévoyant la délivrance à tous les sportifs licenciés d'un livret médical.

L'Assemblée nationale , estimant que l'application de cette mesure serait difficile et coûteuse, est revenue au texte initial du projet de loi, et à l'abrogation totale de l'article 35 de la loi de 1984.

Position de la commission

Votre commission persiste à penser que l'abrogation de l'article 35 n'est pas cohérente avec le souci de mieux assurer la protection de la santé des sportifs, quels que soient leur âge et leur niveau de pratique sportive, et que la délivrance d'un livret aux personnes demandant pour la première fois une licence n'entraînerait pas de dépenses excessives.

C'est pourquoi elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat.

Article 24

(article 49-1-A de la loi du 16 juillet 1984)

Déclaration préalable des manifestations publiques de sports de combats ou d'arts martiaux ne relevant pas d'une fédération sportive agréée

•  Cet article résulte d'un amendement du Sénat tendant à soumettre à déclaration préalable l'organisation de compétitions ou manifestations de certains sports de combat qui peuvent être d'une extrême violence et comporter des risques pour la sécurité, la santé et la dignité des sportifs qui y participent, cette déclaration pouvant être suivie d'une interdiction.

L'Assemblée nationale en a élargi l'application à toutes les manifestations sportives qui ne sont pas agréées par une fédération sportive agréée, au motif que toutes ces manifestations peuvent comporter des risques.

Mais l'Assemblée nationale a également complété cet article par un alinéa nouveau prévoyant que la diffusion audiovisuelle de ces manifestations serait elle aussi soumise à un régime de déclaration préalable à l'autorité administrative, l'auteur de cet amendement (M. Henri Nayrou) faisant valoir la nécessité de donner à l'autorité administrative la possibilité de maîtriser la diffusion audiovisuelle de " pratiques sportives ou de spectacles appuyés par certaines pulsions ".

Il est exact que des chaînes de télévision ont montré un certain intérêt pour la diffusion de " combats extrêmes ", intérêt qu'il convient certainement de ne pas encourager.

Cependant, on doit observer :

- que l'instauration d'un tel régime de déclaration préalable serait contraire à la liberté de communication ;

- que, de toute façon, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale est sans objet, puisque le texte permet d'interdire les démonstrations de " combat extrême ". Cette interdiction rendra du même coup impossible leur retransmission télévisée, sans qu'il soit besoin pour cela de porter atteinte à la liberté de communication.

Position de la commission

Au bénéfice de ces observations, votre commission a adopté un amendement de suppression du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 49-1-A de la loi du 16 juillet 1984.

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Sous réserve de l'adoption des amendements proposés, votre commission demande au Sénat d'adopter, en deuxième lecture, le présent projet de loi.

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examen en commission

Au cours d'une réunion tenue le 2 décembre 1998 sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, président, la commission a examiné, sur le rapport de M. James Bordas , le projet de loi n° 75 (1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage .

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Franck Sérusclat , regrettant de n'avoir pas eu le temps d'étudier dans le détail le texte adopté par l'Assemblée nationale, a souligné que le trafic de produits dopants était par nature assez proche du trafic de stupéfiants, contre lequel les États n'ont pas toujours les moyens de lutter efficacement, et que cela justifiait peut-être les mesures très sévères adoptées par l'Assemblée nationale. Il a cependant indiqué qu'il rejoignait l'analyse du rapporteur sur les problèmes que poserait l'octroi aux fédérations sportives du droit de prononcer des injonctions de soins, et qu'il s'interrogeait sur l'étendue des pouvoirs d'investigation donnés aux agents et médecins assermentés par le ministère de la jeunesse et des sports, que ces derniers n'étaient peut être pas formés pour exercer.

M. Adrien Gouteyron, président , rejoignant les propos de M. Franck Sérusclat sur la brièveté des délais dont disposait la commission pour examiner le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, a rendu hommage au rapporteur pour le travail qu'il avait accompli.

Mme Hélène Luc s'est félicitée que le Parlement ait été saisi d'un texte sur le dopage, dont les événements survenus l'été dernier à l'occasion du Tour de France avaient démontré la nécessité. Elle a noté que le texte adopté à l'unanimité en première lecture par le Sénat était un bon texte, même s'il pouvait bien sûr être amélioré sur quelques points. Elle a demandé au rapporteur, à propos du dispositif d'alerte médicale, s'il s'agissait de " responsabiliser " les médecins du sport, ou si le texte visait également le médecin traitant du sportif.

Elle s'est également interrogée sur les dispositions relatives à la fouille des véhicules, en remarquant que de telles dispositions n'étaient pas prévues par les autres textes donnant à des agents assermentés des pouvoirs de police en vue de la recherche d'infractions.

M. Guy Poirieux a dit partager les analyses du rapporteur et s'est étonné de certaines des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, qu'il a jugé choquantes.

Revenant sur les propos de M. Franck Sérusclat, il a noté qu'il semblait établi que l'usage de produits dopants pouvait conduire à la toxicomanie, mais qu'il n'y avait pas de commune mesure entre le trafic de drogue et le trafic de produits dopants, quant à leur ampleur et quant à leur caractère lucratif pour les trafiquants.

Soulignant que les médecins " marrons " qui participent au dopage reniaient totalement le serment qu'ils avaient fait, il a demandé si des sanctions suffisamment sévères étaient prévues à leur encontre.

A propos de la " procédure d'alerte médicale ", il a enfin jugé impossible de demander aux médecins de faire de la délation sur de simples soupçons.

Rejoignant les propos de M. Guy Poirieux sur les médecins complices ou acteurs du dopage, M. Jean-François Picheral est convenu que le trafic de produits dopants était différent du trafic de drogues, mais que ce trafic existait néanmoins et que, malheureusement, certains médecins y étaient mêlés.

Il a également insisté sur la nécessité de donner aux médecins contrôleurs une formation actualisée et plus poussée afin de garantir leur compétence et de pouvoir les responsabiliser, et il a noté qu'il convenait de distinguer entre le " médecin de famille " du sportif, le médecin spécialisé et le médecin " trafiquant ".

M. Serge Lagauche , rappelant le rôle des fédérations, a souligné qu'elles avaient compétence pour suspendre les sportifs dont le comportement révélait des pratiques de dopage, après un contrôle médical.

Il a demandé si les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale sur la fouille des véhicules ne procédaient pas du souci de permettre le contrôle des véhicules à l'entrée des enceintes où se déroulent des manifestations sportives.

M. Jean-Luc Miraux s'est étonné que les dispositions du texte apparaissent centrées sur les sportifs qui ont recours au dopage, et non sur les médecins, les entraîneurs, les équipes, voire les sponsors, qui participent au dopage ou le favorisent en exigeant des sportifs des résultats.

M. André Bohl a estimé que le texte adopté par l'Assemblée nationale risquait de rendre impossible, dans les petites communes, de trouver des médecins qui acceptent de délivrer, comme ils le font souvent bénévolement, les certificats de non contre-indication à la pratique sportive dont les jeunes ont besoin pour prendre une licence.

M. Jacques Legendre , après avoir demandé au rapporteur s'il était informé des travaux du Conseil de l'Europe sur le dopage, s'est élevé contre la brièveté des délais impartis à la commission pour examiner le texte adopté par l'Assemblée nationale.

M. Adrien Gouteyron, président, a indiqué que le rapporteur et lui-même avaient rencontré Mme Marie-George Buffet pour lui demander de fixer un autre calendrier, mais que le ministre de la jeunesse et des sports souhaitait que la deuxième lecture à l'Assemblée nationale ait lieu avant la réunion sur le dopage organisée au début de janvier par le Comité international olympique, M. Jacques Legendre reprenant alors la parole pour s'étonner que la tenue d'une réunion internationale ait pour effet de contraindre le Parlement à travailler dans d'aussi mauvaises conditions.

Répondant ensuite aux divers intervenants, M. James Bordas, rapporteur , a notamment apporté les précisions suivantes :

- la précipitation dans laquelle le Sénat est obligé de travailler est extrêmement regrettable et il serait souhaitable que les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat puissent se rencontrer après la deuxième lecture du Sénat pour tenter de parvenir, à la fin de la navette, à un texte satisfaisant et qui réponde aux attentes de tous ;

- le texte adopté par l'Assemblée nationale concerne tous les médecins, et pas uniquement les médecins du sport ;

- il est malheureusement exact que certains médecins prescrivent des produits dopants, mais il faut se garder de généraliser et de jeter la suspicion sur tous les médecins d'équipe ou sur tous les médecins du sport, de même qu'il n'est pas possible d'affirmer que tous les sportifs sont dopés, même si le phénomène prend des proportions inquiétantes ;

- le droit de visite des véhicules accordé aux agents et médecins assermentés du ministère de la jeunesse et des sports s'exercerait dans le cadre d'investigations destinées à la recherche d'infractions : il s'agit d'un droit de perquisition et non du contrôle des véhicules autorisés à pénétrer dans les enceintes sportives.

Au cours de l'examen des articles restant en discussion, dans lequel sont notamment intervenus, outre le président et le rapporteur, MM. Jean Bernard, André Bohl, Serge Lagauche, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Guy Poirieux et Franck Sérusclat , la commission a adopté les amendements proposés par son rapporteur.

Elle a ensuite adopté le projet de loi ainsi modifié.

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* 1 il s'agit des articles 6 (suivi médical des sportifs de haut niveau), 10 (moyens de fonctionnement du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage), 11 (définition du dopage), 12 (infractions), 13 (personnes habilitées à procéder aux enquêtes et contrôles), 19 (sanctions pénales), 20 (exercice par les autorités sportives des droits reconnus à la partie civile).

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