PJL autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres portant aménagements du titre Ier de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963. PJL autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application de l'article 7 modifié de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963

MASSON (Paul)

RAPPORT 168 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES

Table des matières




N° 168

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 27 janvier 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur:

- le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres portant aménagements du
titre Ier de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963,

- le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application de l'
article 7 modifié de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963,

Par M. Paul MASSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir les numéros :

Sénat : 60 et 61 (1998-1999).

Traités et conventions.

Mesdames, Messieurs,

Les deux présents accords sous forme d'échange de lettres entre la France et Monaco ont pour objectif d'adapter le volet de la convention de voisinage de 1963 consacré à l'entrée, au séjour et à l'établissement des étrangers aux dispositions de la convention d'application de l'accord de Schengen.

Le premier texte porte sur l'entrée, le séjour, la circulation et l'établissement des personnes ; le second précise les conditions de fonctionnement des points de passage contrôlés conjointement aux frontières aériennes et maritimes de la Principauté.

Ces accords s'inscrivent dans le réseau très étroit des relations nouées entre notre pays et Monaco depuis plusieurs siècles. Après la cession de Menton et de Roquebrune à la France par le traité du 2 février 1861, la Principauté s'est placée volontairement sous la protection de la France (Union douanière 1865) ; le traité d'amitié protectrice du 17 juillet 1918 consacre la souveraineté de l'Etat monégasque "dans le cadre des traités conclus avec la France" : la France garantit l'intégrité du territoire monégasque et, en retour, la Principauté s'engage à ne rien entreprendre qui puisse nuire aux intérêts de la France et à consulter au préalable notre pays dans la conduite de ses relations internationales.

Par la suite, d'autres accords sont venus compléter ce dispositif ; ainsi la convention du 28 juillet 1930 relative à l'admission des Monégasques en France et au recrutement des fonctionnaires de la Principauté réserve plusieurs emplois de hauts fonctionnaires de l'administration du Rocher à des Français (ministre d'Etat -qui assiste le Prince dans l'exercice du pouvoir exécutif-, conseiller du gouvernement pour l'Intérieur, directeur des services fiscaux, directeur du port, directeur des services judiciaires...). En outre, la majorité des sièges dans les tribunaux de la Principauté revient à des magistrats français détachés.

Par ailleurs, neuf conventions signées en 1963 organisent les relations franco-monégasques dans plusieurs domaines : fiscalité, assurances, relations postales, télégraphiques et téléphoniques, voisinage, contrôle des changes, urbanisme, délimitation des eaux territoriales.

La négociation des deux échanges de lettres et la portée de ces textes ne peuvent se comprendre hors du contexte très particulier des relations franco-monégasques dont les quelques éléments qui précèdent permettent de prendre la mesure.

Avant d'analyser le contenu des deux accords soumis à l'examen du Sénat, votre rapporteur présentera la situation actuelle dans le domaine de la circulation des personnes entre la Principauté et notre pays et les raisons qui ont rendu nécessaire l'aménagement des dispositions en vigueur.

I. LA NÉCESSITÉ DE CONCILIER LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES ENTRE LA PRINCIPAUTÉ ET LA FRANCE AVEC LES PRINCIPES POSÉS PAR LES ACCORDS DE SCHENGEN

A. LA FRANCE ET MONACO : UN ESPACE DE LIBRE CIRCULATION

Depuis le rattachement du Comté de Nice à la France en 1860, la France et la Principauté constituent de fait un espace de libre circulation au sein duquel les ressortissants des deux Etats peuvent circuler et s'établir sans visa.

L'exemption de visa ne repose sur aucune disposition explicite mais se déduit plutôt de l'interprétation des accords existants -les seuls éléments de réglementation applicables à la circulation de nos ressortissants se limitent, aux termes de la convention de voisinage du 10 avril 1912, aux personnes relevant de catégories bien particulières (indigents, aliénés, déserteurs, bannis, condamnés...).

Le régime applicable aux étrangers a, quant à lui, été renvoyé par le traité du 17 juillet 1918 à des conventions particulières. Ainsi la convention de voisinage de 1963 consacre son titre premier à "l'entrée, au séjour et à l'établissement des étrangers" -l'article 10 excluant formellement du champ d'application du texte l'établissement des ressortissants français à Monaco.

La convention de voisinage prévoyait la mise en place d'une coopération policière et judiciaire entre les deux parties dont certains aspects, tels le flagrant délit en cas de fuite, apparaissent, du reste, très proches du dispositif prévu par la convention d'application de l'accord de Schengen.

Par ailleurs, la procédure définie par la convention de 1963 permettait également à la France de s'opposer, lorsqu'elle le jugeait nécessaire, à l'établissement des étrangers à Monaco.

Cette coopération est loin de n'avoir qu'une valeur symbolique. Les flux d'étrangers dans la Principauté ne peuvent être tenus, en effet, pour négligeables. En 1997, 96 escales de croisière ont eu lieu, tandis que 3 683 mouvements de navires de plaisance ont été enregistrés. Les contrôles ont porté sur 19 315 passagers maritimes en transit, 1 957 débarqués et 7 010 embarqués. 128 membres d'équipage ont été débarqués et 46 embarqués.

De manière plus marginale, 1 046 vols internationaux ont transporté sur la même période 1 723 passagers vers d'autres pays que la France et en ont amené 1 663. Les seuls vols hors Schengen provenaient de Suisse (45 vols - soit 128 passagers) ou s'y rendaient (46 vols - soit 115 passagers).

Enfin, 31 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés dans la Principauté en 1997 et remis à la Direction départementale du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins (DDCILEC des Alpes Maritimes.

La surveillance des frontières de Monaco revient à la division de la police maritime et aéroportuaire, forte de 38 agents 1( * ) .

La section maritime de la division assure le contrôle des passagers et marins en escale, dès lors que le navire ne provient pas de France. La section du contrôle transfrontalier et héliportuaire veille à la police de l'air et des frontière à l'héliport.

B. LES INCOMPATIBILITÉS ENTRE LA CONVENTION DE VOISINAGE DE 1963 ET LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION D'APPLICATION DE SCHENGEN DE 1990

La mise en place de l'espace Schengen aurait pu avoir pour conséquence le rétablissement des contrôles aux frontières avec Monaco qui n'est pas signataire des accords de Schengen. Elle suppose en effet que l'entrée des personnes aux frontières extérieures de l'espace de libre circulation commun ait lieu à des points de passage autorisés à l'occasion de contrôles transfrontaliers renforcés opérés par les administrations compétentes des Etats Schengen selon les prescriptions du manuel commun de contrôle aux frontières extérieures.

Certes, à la demande des autorités françaises, le manuel commun Schengen a mentionné Monaco parmi les points de passage autorisés des frontières extérieures tenues par la France, mais il a fixé pour préalable une modification appropriée des accords nous liant avec la Principauté.

Cinq dispositions du titre premier consacré à l'entrée, au séjour et à l'établissement des étrangers de la convention de voisinage de 1963 ne sont pas compatibles avec la convention de Schengen et justifient, à ce titre, un aménagement.

En premier lieu, les visas nécessaires pour l'entrée à Monaco ne peuvent être délivrés aux étrangers que par le Consul de France de leur résidence (art. 2). La compétence prévue par l'article 12 de la convention d'application de l'accord de Schengen au bénéfice des "autorités diplomatiques et consulaires des (autres) parties contractantes" pour la délivrance du visa uniforme se trouve donc exclue.

Ensuite, l'article 3 de la convention de voisinage traite indifféremment les visas de court séjour et les visas de long séjour. Or, les accords de Schengen distinguent les questions relatives à la circulation des personnes -qui recouvrent l'entrée, la sortie et le séjour de moins de trois mois- des questions de séjour qui demeurent de la compétence des Etats. Les conditions de délivrance par la France des visas de court séjour à destination de la Principauté n'apparaissaient donc plus adaptées.

Par ailleurs, aux termes de l'article 5 de la convention de voisinage, le transit sur le territoire français des étrangers ne résidant pas en France mais désireux d'exercer une activité salariée dans la Principauté est subordonné à la seule détention d'un permis de travail délivré par les autorités monégasques. Tel est le cas notamment des ressortissants italiens travaillant à Monaco. Or, le transit par un Etat Schengen des ressortissants d'Etats tiers ou d'Etats avec lesquels la clause de sauvegarde a été mise en oeuvre est désormais placé sous l'emprise des dispositions de la convention d'application de l'accord de Schengen.

En outre, la libre circulation en France des ressortissants étrangers détenteurs d'un titre de séjour à Monaco est garantie par l'article 6 de la convention de voisinage, alors même qu'aux termes de la convention d'application, ce droit est réservé aux étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par un Etat Schengen (art. 21).

Enfin, et surtout, l'article 7 de la convention de voisinage laisse au gouvernement princier la responsabilité des contrôles aux frontières de Monaco ; or l'absence de contrôle à la frontière franco-monégasque reporte de fait, depuis l'entrée en vigueur des accords de Schengen à la France, les frontières extérieures de l'Espace Schengen aux frontières maritimes et aériennes de la Principauté dont le contrôle doit en conséquence être réorganisé. En particulier, en raison de l'impossibilité pour les autorités monégasques de consulter le système d'information Schengen, l'entrée d'individus indésirables ou la sortie de ceux recherchés par la justice ou les services de police des Etats Schengen demeure toujours possible.

C'est pourquoi les aménagements apportés à la convention de voisinage de 1963 par les deux échanges de lettres se sont révélés indispensables.

II. L'INTÉGRATION DE MONACO DANS LES FRONTIÈRES DE L'ESPACE SCHENGEN

Les modifications de la convention de voisinage ont été inspirées par la préoccupation de la partie française de ne pas remettre en cause l'économie générale du texte (ainsi elles ne touchent ni le titre II -coordination des mesures de police...-, ni le titre III -frappe des monnaies, monopole du tabac, transit des troupes...-) et, surtout, s'agissant du titre premier, de garder intangible le droit de regard reconnu à la France sur la politique suivie par Monaco vis à vis des étrangers.

A. LE PREMIER ÉCHANGE DE LETTRES : UNE HARMONISATION DE LA CONVENTION DE VOISINAGE DE 1963 AVEC LES PRINCIPES POSÉS PAR LA CONVENTION D'APPLICATION DE L'ACCORD DE SCHENGEN.

L'échange de lettres s'articule autour de trois lignes directrices.

L'affirmation des deux principes fondamentaux dans les relations franco-monégasques en matière de circulation des personnes (art. 1er) :

- d'une part la liberté d'entrée, de circulation et d'établissement entre les ressortissants des deux Etats signataires ;

- d'autre part l'engagement du gouvernement princier de maintenir sa législation sur l'entrée, le séjour et l'établissement des étrangers en harmonie avec la législation française (cette deuxième disposition reprend l'intégralité de l'ancien article premier de la convention).

La distinction entre court et long séjour (art. 2 et 3).

La convention de voisinage de 1963 ne distinguait pas entre les durées de séjour ni entre les étrangers en fonction de leur pays d'origine.

1. Les séjours inférieurs à trois mois

Le dispositif en la matière retient trois principes :

- l'obtention d'un titre de séjour en France ou à Monaco permet aux étrangers de circuler indifféremment dans les deux Etats ;

- les visas valables pour l'ensemble des Etats Schengen sont également valables pour Monaco ; de même les visas nécessaires pour l'entrée sur le territoire de la Principauté sont délivrés par l'autorité habilitée à délivrer les visas valables pour le territoire français ;

- la France prend toutes les initiatives nécessaires afin de permettre aux monégasques ou aux étrangers titulaires d'un titre de séjour monégasque de circuler librement au sein de l'Espace Schengen. Ces initiatives ont abouti lors du Comité exécutif Schengen du 23 juin 1998 : les Etats signataires des accords de Schengen prennent acte du régime de libre circulation en France des ressortissants monégasques, antérieur à la convention de Schengen, et acceptent la libre circulation des étrangers titulaires d'un titre de séjour à Monaco dans l'espace Schengen. Cet agrément a pu être obtenu en raison des garanties apportées par les deux accords franco-monégasques relatifs aux contrôles aux frontières de la Principauté qui s'effectueront selon les normes Schengen et de l'engagement pris par Monaco de reconnaître sur son sol les titres de séjour délivrés par les Etats de l'espace Schengen.

2. Les séjours de plus de trois mois

Le visa de long séjour reste subordonné à la consultation et à l'accord des autorités monégasques. Ce principe souffre toutefois deux exceptions :

- pour les étrangers ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen la procédure est allégée : les autorités monégasques communiquent au Consul général de France à Monaco la demande dont elles sont saisies et lui procurent les éléments d'appréciation nécessaires ;

- pour les étrangers d'autres pays établis en France depuis au moins un an, la demande d'autorisation de long séjour doit être adressée au Consul général de France à Monaco qui la transmet alors avec ses observations éventuelles aux autorités monégasques.

Dans tous les cas, le gouvernement princier tient compte des oppositions formulées, le cas échéant, par la France, autre manière de signifier que notre pays dispose d'un droit de veto sur l'octroi des visas de long séjour ;

Par ailleurs, les étrangers titulaires d'un contrat de travail temporaire à Monaco supérieur à trois mois et inférieur à six mois peuvent obtenir un visa d'une durée identique auprès du Consul de France territorialement compétent ; ce visa peut à titre exceptionnel être prorogé par le Consul général de France à Monaco pour une durée maximale de trois mois. Il ne peut toutefois donner droit à établissement.

Enfin, les dispositions relatives au transit ont été adaptées de sorte que le transit en France des étrangers exerçant une activité professionnelle dans la Principauté obéisse aux dispositions fixées par les accords de Schengen.

La Principauté est intégrée aux frontières de l'Espace Schengen (art. 7).

L'échange de lettres permet la création aux frontières aériennes et maritimes de la Principauté, autres que la frontière franco-monégasque, des points de passage contrôlés conjointement par les autorités françaises et monégasques.

Le fonctionnement de ces points de passage contrôlés est l'objet du deuxième accord sous forme d'échange de lettres soumis à l'examen du Sénat.

B. LE DEUXIÈME ÉCHANGE DE LETTRES : LES MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT DES POINTS DE PASSAGE AUX FRONTIÈRES

Le cadre retenu : un contrôle conjoint

Le contrôle est exercé aux points de passage créés aux frontières aériennes et maritimes de la Principauté par chaque autorité nationale dans une zone qui lui est affectée. Le contrôle conjoint s'inspire de la formule des bureaux communs nationaux juxtaposés (BCNJ) largement retenue pour le contrôle aux frontières terrestres 2( * ) . Au sein de ces structures qui abritent des fonctionnaires des administrations françaises et de l'Etat limitrophe, les contrôles s'effectuent successivement, en premier lieu, à la sortie, par les autorités de l'Etat de provenance et, à l'entrée, par celles de l'Etat de destination. La suppression du contrôle aux frontières intérieures de l'Espace Schengen ne laisse subsister d'activité qu'aux BCNJ des frontières extérieures -sous réserve naturellement du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures en vertu de l'application de la clause de sauvegarde de l'article 2 § 2 de la convention d'application de l'accord de Schengen.

En pratique, aucun effectif français ne sera affecté en permanence sur le territoire monégasque. Les autorités de la Principauté préviendront la DDCILEC des Alpes-Maritimes de l'arrivée d'un hélicoptère provenant d'un territoire situé hors de l'Espace Schengen ou d'un navire provenant d'un port non français -seul le trafic des liaisons régulières par transbordeurs entre les Etats de l'Espace Schengen relève de la navigation intérieure, les liaisons effectuées par d'autres navires sont considérées comme navigation hors Schengen-. Les fonctionnaires français chargés des contrôles se rendront en temps utile dans les zones qui leur sont attribuées en suivant des itinéraires définis par arrangement administratif.

La teneur de cet arrangement a fait l'objet d'un accord principe ; cependant le texte ne sera signé qu'après l'approbation de l'échange de lettres (les zones dévolues aux autorités française et les itinéraires que devront suivre les fonctionnaires français figurent sur des plans cotés annexés à l'arrangement).

Les conditions de contrôle répondent aux principes pris par les accords de Schengen.

Les autorités françaises appliquent dans les opérations de contrôle des règles fixées par les accords de Schengen (art. 2). Qu'il s'agisse de l'entrée ou de la sortie des ressortissants d'Etats tiers aux Etats membres de l'Espace Schengen, les contrôle frontaliers, il importe de le souligner, sont d' abord exercés par les autorités françaises , puis par les autorités monégasques.

Toutefois, même s'il répond aux critères posés par Schengen, un étranger peut toujours être refoulé s'il est néanmoins jugé indésirable dans la Principauté.

Par ailleurs, dans les zones de contrôle qui leur sont affectées, les autorités françaises peuvent appréhender les personnes ou les objets signalés aux fin d'appréhension dans le système d'information Schengen. Ces personnes sont alors acheminées vers le territoire français, à moins qu'elles ne soient également recherchées par la Principauté, ou qu'elles disposent de la nationalité monégasque, ou enfin qu'elles aient commis un crime ou délit au point de contrôle et relèvent dès lors des juridictions pénales locales. Dans ces trois cas, les intéressés sont remis au autorités monégasques.

Les autorités monégasques n'ont pas accès au système d'information Schengen. Il reviendra à la France, seule, de tenir compte du signalement du SIS pour empêcher l'entrée d'étrangers indésirables sur l'Espace Schengen ou procéder à l'appréhension des personnes signalées à cette fin.

*

* *

Ce second échange de lettres revêt un caractère accessoire par rapport au précédent et les dispositions finales prévoient d'ailleurs une entrée en vigueur concomitante. La procédure de ratification obéit à Monaco à une procédure simple et rapide : le Prince signe et ratifie les traités après consultation du Conseil de la Couronne 3( * ) ; il les porte ensuite à la connaissance du Conseil national. S'agissant des deux présents accords, les autorités monégasques attendent l'achèvement de la procédure de ratification en France.

*

* *

CONCLUSION

Les accords de Schengen n'ont pas tenu compte de la situation des micro-Etats ou principautés en Europe dont le régime particulier est souvent l'héritage des vicissitudes de l'histoire du Vieux Continent.

Certes, la majorité de ces Etats, enclavés dans les frontières intérieures de l'Espace Schengen, ne soulève guère de difficulté au regard de la libre circulation des personnes.

Il n'en est toutefois pas de même de Monaco qui constitue par ailleurs un pôle d'attraction pour une clientèle internationale dont les centres d'intérêt ou les activités appellent parfois la vigilance. Sauf à exposer la France aux critiques justifiées de nos partenaires, la Principauté ne devait pas représenter une faille aux frontières extérieures de l'Espace Schengen. Les deux accords signés avec le gouvernement princier permettent de fixer les garanties nécessaires et d'exercer aux frontières monégasques un contrôle conforme aux dispositions des accords de Schengen. C'est pourquoi votre rapporteur vous invite à donner un avis favorable aux deux présents projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné, au cours de sa réunion du 27 janvier 1999, les présents projets de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. André Dulait a demandé des précisions sur les "bureaux communs nationaux juxtaposés" (BCNJ) et sur l'existence de telles structures à la frontière franco-italienne. Il s'est interrogé, par ailleurs, sur le devenir de la monnaie monégasque, dont l'émission incombait à la France, à la suite de la mise en place de l'euro.

M. Paul Masson a relevé que les BCNJ, dont la formule avait été retenue pour le contrôle à la frontière extérieure monégasque, n'avaient pas lieu d'être aux frontières intérieures de l'espace Schengen. Cependant, a-t-il ajouté, des postes de liaison permettaient, dans le cadre d'accords bilatéraux entre Etats signataires des accords de Schengen, d'organiser une coopération policière et, en particulier, des contrôles mobiles sur une bande de quarante kilomètres de part et d'autre de la frontière.

M. Paul Masson a également précisé à l'attention de M. Robert del Picchia que seul le trafic des liaisons régulières par transbordeur entre les Etats de l'espace Schengen relevaient de cet espace et se trouvaient donc exonérés du contrôle aux frontières monégasques, les liaisons effectuées par d'autres navires étant considérées, a-t-il ajouté, comme navigation "hors Schengen".

Le rapporteur a en outre indiqué à M. Christian de La Malène que la Principauté, qui n'était pas membre de l'Union européenne, ne pouvait pas en conséquence adhérer aux accords de Schengen.

A M. Xavier de Villepin, président, qui s'interrogeait sur le statut réservé aux micro-Etats européens dans l'espace Schengen, M. Paul Masson a observé que cette question devait désormais s'apprécier dans le cadre de l'intégration de l'acquis de Schengen à l'Union européenne. Il a rappelé en particulier les incertitudes liées à la ventilation des dispositions des accords de Schengen entre le premier pilier communautaire et le troisième pilier intergouvernemental, s'agissant en particulier du "système d'information Schengen" et de la clause de sauvegarde. Sur ces deux points, le rapporteur a souhaité avec M. Xavier de Villepin, président, que la logique intergouvernementale puisse continuer à prévaloir.

La commission a alors approuvé les deux projets de loi qui lui étaient soumis

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres portant aménagement du titre Ier de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963, signées à Paris et à Monaco le 15 décembre 1997 et dont le texte est annexé à la présente loi 4( * ) .

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application de l'article 7 modifié de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963, signées à Paris et à Monaco le 15 décembre 1997 et dont le texte est annexé à la présente loi 5( * ) ,

ANNEXES -

ETUDES D'IMPACT6( * )

PROJET DE LOI N° 60

1. Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

La France et la Principauté ont signé, le 18 mai 1963, une Convention de voisinage. Son titre ler réglait les questions touchant à l'entrée, au séjour et à l'établissement des étrangers à Monaco.

L'établissement des ressortissants français dans la Principauté n'entrait pas toutefois expressément (article 10) dans son champ d'application et, a fortiori, celui des ressortissants monégasques en France, les uns et les autres jouissant à cet égard d'une liberté de principe fondée sur l'histoire (Traité entre la France et la Sardaigne pour la réunion de la Savoie et de l'arrondissement de Nice à la France du 24 mars 1860), limitée seulement par quelques accords portant sur certaines professions dites "réservées". Par analogie, ce principe était appliqué pour l'entrée et e séjour des nationaux dans chacun des deux pays.

En outre, au fil du temps, certaines dispositions sont devenues de plus en plus difficiles à appliquer pour les étrangers (visa et contrôle par la France des permis de travail prévus à l'article 5...). Le problème a pris une acuité particulière avec l'entrée en vigueur, en mars 1995, de la Convention d'application de l'Accord de Schengen. Elle a fait de la frontière franco-monégasque une "frontière extérieure" avec, en toute rigueur juridique, contrôle obligatoire, alors qu'elle n'est pas matérialisée, et instauré un espace de libre circulation avec ses règles propres (principe de validité du visa délivré par chacun des pays sur l'ensemble de l'espace, fichier central de contrôle...).

Un toilettage de cette convention bilatérale s'imposait donc, ce que prévoyait d'ailleurs le Manuel Commun Schengen.

2. Bénéfices escomptés en matière

a) d'emploi : la convention renvoie à la législation des deux pays et aux accords bilatéraux en vigueur en matière d'exercice par les nationaux de l'un ou l'autre Etat, sur le territoire de l'autre, de certaines activités professionnelles. Ainsi le texte est, à cet égard, sans incidence sur la situation de l'emploi en France. Il convient toutefois de souligner que l'établissement d'un contrôle plus strict aux frontières aériennes et maritimes de la Principauté (les Points de Passage Autorisés seront contrôlés conjointement) et le renforcement du dispositif concernant l'établissement des étrangers à Monaco (détachement d'un fonctionnaire de police...) permettront de limiter l'entrée de clandestins et donc de demandeurs d'emploi non déclarés. Monaco compte 12 000 résidents français (dont 4 900 actifs) et 17 000 travailleurs frontaliers français y exerçant une activité.

b) de regroupement familial : s'agissant des Français à Monaco et des Monégasques en France, le texte reprend la pratique séculaire de liberté de principe d'entrée, de séjour, de circulation et d'établissement des nationaux. Il ne devrait dès lors avoir aucune incidence dans ce domaine. En ce qui concerne les étrangers qui pourraient être tentés, une fois leur installation dans la Principauté, de chercher à s'établir en France, puis de s'y faire rejoindre par leur famille, les moyens de contrôle à notre disposition sur place et une application fidèle du droit commun devraient permettre de faire face à ce cas de figure hypothétique.

c) d'intérêt général : comme les visas de court séjour pour la Principauté seront délivrés par un consulat de la France ou d'un autre pays Schengen et que, à cet égard, le principe prévaut d'un double contrôle, au moment de la délivrance du visa, puis lors du franchissement de la frontière des documents justifiant du séjour et des moyens financiers pour le garantir, les flux seront régulés et les risque de maintien sur le territoire limités. Au demeurant, lors du franchissement, ce contrôle sera effectué conjointement.

En matière de long séjour et d'établissement à Monaco, le rôle que nous exercerons en matière de délivrance des visas, de contrôle des autorisation de long séjour et pour l'installation, offrira des garanties de même nature.

d) financière : qu'il s'agisse de la délivrance des visas, génératrice de recettes ou de contrôle conjoint aux Points de Passage Autorisés qui s'effectuera pour la France avec des équipes existantes, basées dans les Alpes maritimes, les incidences, d'ailleurs peu significatives, se compenseront.

e) de simplification de formalités administratives : le nouveau texte n'impose aucune formalité administrative nouvelle pour les ressortissants des deux pays. Pour les étrangers, ces formalités sont rationalisées :

- en matière de court séjour par application de la procédure Schengen ;

- en matière de long séjour et d'établissement, par le transfert aux autorités monégasques de la procédure d'examen des dossiers des ressortissants européens qui sont de loin les plus nombreux, et la centralisation à notre consulat général à Monaco des demandes provenant des autres étrangers résidant en France ;

- le visa et le contrôle des contrats de travail sont supprimés.

f) de complexité de l'ordonnancement juridique : le nouveau texte fait clairement la distinction entre nationaux et étrangers et, parmi ces derniers, selon leur appartenance ou non à des pays liés à la France par des accords de circulation des personnes ou selon la durée du séjour dans la ligne des textes en vigueur. En matérialisant l'enclavement de la Principauté dans les frontières de l'Espace Schengen, il met fin à un anachronisme dans le dispositif qui en règle l'entrée.

PROJET DE LOI N° 61

1. Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

La France et la Principauté ont signé, le 18 mai 1963, une Convention de voisinage. Son titre 1er réglait les questions touchant à l'entrée, au séjour et à l'établissement des étrangers à Monaco.

Au fil du temps, certaines dispositions sont devenues de plus en plus difficiles à appliquer pour les étrangers (visa et contrôle par la France des permis de travail prévus à l'article 5...).

Le problème a pris une acuité particulière avec l'entrée en vigueur, en mars 1995, de la Convention d'application de l'Accord de Schengen. Elle a fait de la frontière franco-monégasque une "frontière extérieure" avec contrôle obligatoire, alors qu'elle n'est pas matérialisée, et instauré un espace de libre circulation avec ses règles propres (principe de validité du visa délivré par chacun des pays sur l'ensemble de l'espace, fichier central de contrôle...).

Un toilettage de cette convention bilatérale s'imposait donc, ce que prévoyait d'ailleurs le Manuel Commun Schengen. Il a fait l'objet d'un échange de lettres dont l'article 7 prévoit la création de Points de passage. Leur fonctionnement est l'objet de ce second échange.

2. Bénéfices escomptés en matière

a) d'emploi : le contrôle conjoint aux Points de Passage s'effectuera, pour la partie française, avec des effectifs préexistants et, à cet égard, sera sans influence sur la situation de l'emploi en France. L'établissement d'un contrôle plus strict aux frontières aériennes et maritimes de la Principauté devrait cependant limiter l'entrée des clandestins et donc de demandeurs d'emploi non déclarés.

b) de regroupement familial : le contrôle instauré devrait être une garantie supplémentaire pour que le regroupement familial aille de pair avec l'installation autorisée d'étrangers sur notre territoires.

c) d'intérêt général : à l'égard de nos partenaires dans Schengen, l'instauration de Points de Passage dans la Principauté démontre notre volonté de supprimer l'anomalie qui existait dans le dispositif mis en place et de nous conforme à l'engagement que nous avions pris.

Pour la Principauté, cette installation offre une garantie supplémentaire que des étrangers indésirables dans l'Espace Schengen ne circuleront pas sur son territoire, avec le minimum d'atteintes à sa souveraineté que peut représenter un tel contrôle conjoint.

La France, quant à elle, sera assurée de la qualité du contrôle effectué et pourra exiger de ses partenaires la même diligence si d'autres failles à l'entrée dans cet espace devaient exister et leur être imputables.

d) financière : la mise en place des Points de Passage en Principauté, contrôlés conjointement avec des équipes préexistantes basées dans les Alpes-Maritimes, s'avère être la seule solution pratique, à l'inverse de la constitution ex-nihilo de Points de Passage à la frontière terrestre franco-monégasque entravant, au demeurant, le principe de libre circulation entre la France et la Principauté.

e) de simplification des formalités administratives : inscrit principalement dans le cadre de l'Accord de Schengen, cet échange de lettres procède du souci de simplification qui avait présidé à l'élaboration de cet Accord.

f) de complexité de l'ordonnancement juridique : transcription de dispositions figurant dans d'autres accords (Accords de Schengen notamment) et de la doctrine existant en matière de port d'arme ou d'uniforme et de responsabilité en cas de dommages, l'échange de lettres ne rend pas l'ordonnancement plus complexe.



1 Cette structure constitue l'une des cinq divisions de la direction de la sûreté publique aux côtés de la division de police judiciaire -65 fonctionnaires-, la division de l'administration et de la formation -57 fonctionnaires-, la division de police administrative -30 fonctionnaires- et la division de police urbaine -26 fonctionnaires-.

2 Il existe toutefois deux BCNJ franco-helvétiques aux aéroports binationaux de Genève-Cointrin et de Mulhouse-Bâle.

3 Structure composée de sept membres désignés par le Prince et obligatoirement consultés par lui sur les traités internationaux, la dissolution du Conseil national, les demandes de naturalisation et de réintégration, les grâces et les amnisties.

4 Voir le texte annexé du document Sénat n°60.

5 Voir le texte annexé au document Sénat n° 61.

6 Documents communiqués par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.



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