CHAPITRE II :

MESURES DIVERSES ET TRANSITOIRES

ARTICLE 75

Obligation pour les actuelles sociétés de crédit foncier de transférer à une filiale leurs prêts et leurs ressources destinées au financement de ces prêts

Commentaire : le présent article organise le transfert des actifs privilégiés des actuelles sociétés de crédit foncier dans des filiales spécialisées.

I. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE


Cet article a pour objet d'imposer au Crédit foncier de France et au Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine le transfert de leurs créances à des filiales spécialisées ayant la qualité de sociétés de crédit foncier, sous six mois à compter de la publication de la loi.

Ce transfert, imposé, s'explique par le souci de mettre en conformité les deux seules sociétés de crédit foncier existant actuellement avec la nouvelle législation.

Le transfert portera sur :

- les contrats d'émission des obligations foncières, communales et maritimes ;

- les contrats de prêts et autres actifs affectés par privilège à ces obligations (ils seront assimilés aux prêts définis à l'article 62)

- les autres ressources concourant au financement des prêts.

Par ailleurs un certain nombre de dispositions juridiques sont destinées à assurer la sécurité du transfert : le transfert des éléments d'actifs entraîne de plein droit le transfert des accessoires des créances cédées, le transfert des contrats relatifs aux obligations et autres ressources concourant au financement des prêts transférés n'ouvre pas droit à un remboursement anticipé, la cession des éléments d'actifs emporte cession des instruments financiers à terme conclus pour leur couverture.

Suite à ce transfert, le bilan du Crédit foncier de France devrait s'élever à 52 milliards de francs, et celui de sa société de crédit foncier à 233 milliards de francs.

II. COMMENTAIRE

Le présent article comporte certaines omissions qu'il convient de combler.

En premier lieu, afin d'assurer la sécurité juridique du transfert au regard des investisseurs étrangers, il est nécessaire de préciser que le transfert des biens, droits et obligations emporte de plein droit les effets d'une transmission universelle de patrimoine.

Il est également nécessaire de préciser que le transfert des créances privilégiées n'emporte pas le droit au remboursement ou à la résiliation anticipée des contreparties aux contrats d'instruments financiers, ni des contrats non privilégiés.

D'autres modifications, d'ordre rédactionnel, peuvent être apportées au dispositif, particulièrement dense, du présent article.

Enfin, comme le remarque M. Dominique Baert, rapporteur pour le volet "sécurité financière" à l'Assemblée nationale, " il convient de noter que l'article 75 ne règle pas le problème du traitement fiscal de ce transfert, problème qui se pose aussi, plus généralement, pour le "chargement" initial des sociétés de crédit foncier ".

Votre rapporteur estime donc que le cadre fiscal du transfert sera équivalent à celui existant pour la création des nouvelles sociétés de crédit foncier, c'est-à-dire qu'à défaut de remplir les conditions applicables à l'apport d'une " branche complète d'activité ", les actuelles sociétés de crédit foncier devraient pouvoir bénéficier, dans des conditions souples, de l'agrément ministériel prévu à l'article 210B ou du régime fiscal qui correspondra aux modalités de cession qu'elles auront choisi.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 76

Abrogations

Commentaire : le présent article a pour objet d'abroger les textes spécifiques aux actuelles sociétés de crédit foncier afin de mettre en oeuvre le principe de banalisation.

Cet article abroge une série de textes, depuis le décret du 28 février 1852 sur les sociétés de crédit foncier, qui donnait un statut spécifique au Crédit foncier et au crédit communal d'Alsace et de Lorraine.

Ainsi sont supprimées les dispositions qui instauraient une tutelle étroite de l'Etat sur ces sociétés (nomination du gouverneur ou du président par décret, présence d'un commissaire du gouvernement au conseil d'administration...).

Toutefois, aucune des compétences spécifiques du Crédit foncier de France n'est atteinte, hormis son pouvoir de tutelle sur le marché hypothécaire, qui était en fait relativement théorique (la suppression de cette tutelle résulte des dispositions de l'article 78 du présent projet de loi).

Il faut noter également que le présent article abroge l'article 82 de la loi n°47-1465 du 8 août 1947 relative à certaines dispositions d'ordre financier, autorisant le Crédit foncier de France à consentir des prêts hypothécaires sur des navires de mer, des bateaux de navigation intérieure et des aéronefs.

Si les contrats d'émission des obligations maritimes sont transférés à la nouvelle société de crédit foncier que créera le Crédit foncier de France, celle-ci ne pourra à l'avenir recueillir de nouvelles créances "maritimes" pour un refinancement obligataire.

Cette interdiction vise à respecter un principe de prudence : en effet, le marché des navires est extrêmement volatile et présente souvent des caractéristiques d'un marché spéculatif 205( * ) . Introduire les actifs maritimes en garantie d'obligations sécurisées ferait courir un risque potentiellement important aux porteurs d'obligations sécurisées, en raison des mouvements de revente des navires.

De surcroît, il semble que les prêts maritimes n'aient jamais constitué une activité remarquable des sociétés de crédit foncier.

La non inclusion des crédits maritimes à l'actif des sociétés de crédit foncier ne fera évidemment pas obstacle à d'autres types de financements adaptés aux caractéristiques spécifiques du secteur maritime, secteur qui nécessite une attention particulière des pouvoirs publics.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 77

Délai pour la mise en conformité des statuts des actuelles sociétés de crédit foncier

Commentaire : le présent article a pour objet de prévoir un délai pour que le Crédit foncier de France et le Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine mettent en conformité leurs statuts.

Comme pour la création de leurs filiales, les actuelles sociétés de crédit foncier ont six mois à compter de la publication de la loi pour mettre leurs statuts en conformité avec les dispositions du présent titre.

L'Assemblée nationale a amélioré la rédaction de l'article en précisant que les assemblées générales extraordinaires procèdent à la modification des statuts.

En effet, les modifications aux statuts sont adoptées par une assemblée générale extraordinaire, sur proposition respectivement du gouverneur du Crédit foncier de France et du conseil d'administration du Crédit foncier et communal d'Alsace Lorraine, sous réserve d'une approbation par décret (décret en Conseil d'Etat pour le crédit foncier de France).

Inscrire dans la loi la modification des statuts par les assemblées générales extraordinaires permet de faire l'économie de ces décrets.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 78

Adaptation du fonctionnement du marché hypothécaire

Commentaire : le présent article vise à adapter le marché hypothécaire afin d'élargir les actifs éligibles au refinancement hypothécaire dans des conditions proches, mais non identiques, à celles existant pour les sociétés de crédit foncier.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE MARCHÉ HYPOTHÉCAIRE


Le marché hypothécaire est né en France en 1966, afin de permettre aux établissements de crédit de refinancer leurs créances hypothécaires et d'offrir aux investisseurs des produits de placement sûrs.

Les créances hypothécaires éligibles doivent satisfaire à un certain nombre de conditions d'objet (financement de l'acquisition ou de la construction de logements situés en France), de durée et de quotité. Les transactions portent non sur les créances elles-mêmes mais sur des effets qui les représentent. Ceux-ci prennent la forme de billets à ordre (représentant le capital) ou de billets au porteur (représentant une annuité d'intérêt payable à terme échu).

L'émetteur de billet à ordre continue de gérer les prêts. Il s'engage à détenir à tout moment un volume de créances au moins égal au montant du billet émis.

Le marché hypothécaire s'étant révélé à l'origine peu dynamique, il a été décidé de lui donner une nouvelle impulsion en 1985.

La loi n°85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier dispose ainsi que les émetteurs de billets à ordre peuvent mobiliser leurs billets auprès d'organismes agréés auxquels ils adhèrent. En contrepartie de ces billets souscrits, ces organismes sont autorisés à émettre des obligations de longue durée.

Dans les faits, seule la Caisse de refinancement hypothécaire (CRH) a été créée et agréée en application des dispositions de la loi du 11 juillet 1985.

B. UN MARCHÉ MONOPOLISÉ PAR LA CAISSE DE REFINANCEMENT HYPOTHÉCAIRE (CRH)

1. Présentation de la Caisse de refinancement hypothécaire (CRH)


Société anonyme de nationalité française, la Caisse de refinancement hypothécaire est un établissement de crédit agréé en qualité de société financière par décision du comité des établissements de crédit en date du 16 septembre 1985.

Ses opérations de refinancement sont réalisées sur le marché hypothécaire et soumises à la réglementation et à la législation de ce marché, c'est-à-dire aux dispositions de l'article 16 de la loi n°69-1263 du 31 décembre 1969 et à celles des articles 12 et 13 de la loi n°85-695 du 11 juillet 1985.

La société a pour objet (article 2 du statut de la CRH) :

- de refinancer au profit exclusif des actionnaires les billets à ordre souscrits ou avalisés par ceux-ci, en mobilisation de créances éligibles au marché hypothécaire ;

- d'émettre, en contrepartie de ces emplois, des obligations et valeurs mobilières ayant des caractéristiques analogues à celles des billets mobilisés ;

- et généralement de procéder à toutes opérations mobilières ou immobilières se rattachant à l'objet ci-dessus ou à tous objets similaires ou connexes ou susceptibles d'en faciliter le développement.

Au 31 décembre 1998, les actionnaires de la CRH sont les suivants :

- Caisse nationale de crédit agricole (27,6%)

- Banque nationale de Paris (17,8%)

- Union de crédit pour le bâtiment (11,8%)

- Crédit lyonnais (10,4%)

- Banque La Henin (5,2%)

- Société générale (4,6%)

- Comptoir des entrepreneurs (3,9%)

2. Activités de la CRH

La caisse de refinancement hypothécaire intervient en qualité de centrale de refinancement et regroupe les emprunts des établissements de crédit. Ce regroupement lui permet de constituer des gisements d'emprunts plus importants et donc plus liquides que ceux émis directement par les établissements.

La part de la CRH dans les mobilisations réalisées sur le marché hypothécaire s'élève à 92,2% au 30 septembre 1998, ce qui en fait l'intervenant presque exclusif du marché.

Depuis sa création, la CRH a émis sur le marché domestique français 82 emprunts obligataires pour un montant total de 108 milliards de francs.

De 1985 à 1988, la CRH a réalisé 25 émissions garanties par l'Etat pour 37,9 milliards de francs.

De 1988 à 1998, la CRH a procédé à 57 émissions non garanties par l'Etat pour 70,13 milliards de francs.

Il faut noter que l'activité de la CRH s'est nettement ralentie depuis 1993, même si un sursaut peut être constaté en 1998 (la moitié des 14 milliards de francs émis cette année représente toutefois le résultat d'une offre publique d'échange) et au début de la présente année.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le présent article adapte la loi n°69-1263 du 31 décembre 1969 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, modifiée par la loi du 11 juillet 1985, en ce qui concerne le marché hypothécaire et la caisse de refinancement hypothécaire.

Ainsi :

1 - les prêts cautionnés et les parts de fonds communs de créances sont rendus éligibles au refinancement par la CRH ;

2 - en cas d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation à l'encontre d'un établissement de crédit, il est explicitement réaffirmé que la mobilisation des créances auprès de la CRH n'est pas affectée ;

3 - la tutelle du Crédit foncier sur le marché hypothécaire est supprimée.

1. Le présent article élargit de manière significative le champ d'intervention du marché hypothécaire, par symétrie avec les dispositions applicables aux nouvelles sociétés de crédit foncier

Cependant l'Assemblée nationale a sensiblement modifié l'article initial du projet de loi. Celui-ci avait en effet pour objet d'aligner les conditions de fonctionnement du marché hypothécaire sur celles applicables aux sociétés de crédit foncier, en faisant directement référence aux créances éligibles au refinancement par obligations foncières (article 62).

En supprimant toute référence à l'article 62 du projet de loi, qui définit les créances éligibles pour les sociétés de crédit foncier et les règles prudentielles qui y sont attachées et en prévoyant un décret en Conseil d'Etat autonome, l'Assemblée nationale a souhaité préserver les spécificités du marché hypothécaire et donc de la CRH .

La CRH dispose en effet de règles prudentielles spécifiques, renforcées depuis que ses émissions ne bénéficient plus de la garantie de l'Etat.

L'article 13 de la loi n°85-695 du 11 juillet 1985 modifiant la loi n°69-1263 du 31 décembre 1969 a permis en effet à l'Etat d'apporter sa garantie aux emprunts obligataires émis par les détenteurs de billets à ordre représentatifs de biens immobiliers, garantis par une hypothèque ou un privilège immobilier de premier rang, dès lors que les prêts représentent une quotité de financement maximale fixée par décret ou que le montant des contrats de prêts excède le montant des billets à ordre dans une proportion minimale fixée par décret.

Le décret n°85-854 du 7 août 1985 pris en application de l'article 13 de la loi du 11 juillet 1985 a fixé la quotité de financement maximale à 66% du montant total des opérations et l'excédent du montant total des contrats sur les billets mobilisés à 25% minimum.

Depuis fin 1988, les émissions de la CRH ne bénéficient plus de la garantie de l'Etat.

Pour les opérations actuelles, non garanties par l'Etat, la réglementation du marché hypothécaire fixe l'apport personnel à 20% dans le cas général et à 10% dans le cas de primo accédant ou de prêt conventionné, ce qui correspond à des quotités initiales maximales de 80% et 90% du montant de l'acquisition d'un logement. De plus, la CRH impose un surdimensionnement de 125%.

La CRH obéit donc à des règles prudentielles bien spécifiques, qui ont pu, jusqu'à présent, être considérées comme très satisfaisantes (la CRH bénéficie d'une très bonne notation sur les marchés). Il n'en reste pas moins que ces règles sont différentes de celles qui seront imposées aux sociétés de crédit foncier. En choisissant de renvoyer à un décret autonome, et de ne pas modifier ces règles prudentielles, le projet de loi choisit délibérément de conserver deux systèmes concurrents de refinancement hypothécaire, solution contraire à une " banalisation " du marché.

2. Le présent article lève également toute ambiguïté sur la sécurité attachée aux titres du marché hypothécaire

En effet, la sécurité des opérations de mobilisation repose notamment sur le nantissement des créances hypothécaires. Mais ce nantissement et le transfert de propriété en résultant n'avaient pas été explicitement placés hors du champ d'application de la loi n°84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises et de la loi n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises.

Tout comme pour les sociétés de crédit foncier, le présent article écarte donc explicitement les dispositions des lois de 1984 et 1985.

3. La tutelle du Crédit foncier de France est supprimée

Le Crédit foncier de France s'était vu attribuer des fonctions de tutelle et de régulation avec la possibilité, par des avis, de déterminer les caractéristiques des prêts éligibles et des billets à ordre.

La banalisation des sociétés de crédit foncier ôte toute justification à la tutelle du Crédit foncier sur le marché hypothécaire.

III. UNE RÉFORME DU MARCHÉ HYPOTHÉCAIRE PARADOXALE



Votre rapporteur s'étonne que le présent projet de loi  crée de nouvelles sociétés de crédit foncier destinées à créer " un véritable marché des obligations foncières " et, dans le même temps, élargisse les modalités de fonctionnement du marché hypothécaire, sans le soumettre à des règles identiques à celles fixées pour les sociétés de crédit foncier.

Cette démarche, paradoxale, tendrait à démontrer que le nouveau modèle créé (les sociétés de crédit foncier) n'aurait finalement pas beaucoup plus d'intérêt qu'une adaptation de l'ancien (le marché hypothécaire dominé par la CRH), puisque le projet de loi révèle une absence de choix entre deux dispositifs aux objectifs similaires.

Si l'objectif est bien d'inciter les établissements de crédits à céder des créances et à prendre des participations dans des sociétés de crédit foncier, il conviendrait que celles-ci présentent des atouts qui n'existent pas dans le marché hypothécaire.

M. Dominique Baert, rapporteur du volet "sécurité financière" à l'Assemblée nationale, souligne bien le paradoxe de la situation, en indiquant que " le mécanisme des sociétés de crédit foncier pourrait constituer un facteur aggravant de la léthargie du marché hypothécaire en devenant une modalité concurrente de refinancement des prêts hypothécaires plus large et plus sécurisée ".

Précisément, si les sociétés de crédit foncier sont des outils performants dont il faut attendre beaucoup, il n'y a pas lieu de s'inquiéter que leur développement se fasse au détriment d'un marché hypothécaire, qui avait été mis en place en l'absence de dispositif équivalent aux Pfandbriefe en France. On peut également observer que l'Allemagne et le Danemark, ainsi que la grande majorité des pays européens qui disposent d'un système équivalent à des sociétés de crédit foncier, n'ont pas de marché hypothécaire concurrent.

Sauf à considérer que le projet de loi ne viserait que certains établissements de crédit, et constituerait pour eux une solution " ad hoc ", ce que votre rapporteur n'ose pas croire, il apparaît nécessaire de prévoir une égalité de concurrence entre les différents opérateurs sur le marché du refinancement hypothécaire.

Aussi, votre rapporteur vous propose-t-il de modifier le présent article dans le sens d'un alignement des dispositions relatives au marché hypothécaire sur celles relatives aux nouvelles sociétés de crédit foncier.

Le présent article diverge en effet des normes imposées aux sociétés de crédit foncier en tant qu'il prend en considération, non pas une quotité par bien financé, mais une quotité globale, de ce fait moins contraignante.

Votre rapporteur estime que ceci n'est pas justifié. Il vous propose donc de revenir à l'esprit du texte initial du gouvernement, qui faisait directement référence aux actifs éligibles au refinancement par obligations foncières.

Ces nouvelles conditions ne s'appliqueront qu'aux créances mobilisées en contrepartie des billets à ordre émis à compter de l'entrée en vigueur de la loi, de manière à ne pas modifier les règles applicables aux créances mobilisées pour des billets à ordre déjà émis.

Par cet amendement, votre rapporteur souhaitera obtenir des précisions sur l'ampleur que le Gouvernement entend donner à la réforme et à la banalisation des sociétés de crédit foncier

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 79 (nouveau)

Modifications des conditions de prêt

Commentaire : le présent article a pour objet de définir l'obligation d'information des emprunteurs en cas de modifications des conditions de prêt en cours.

I. LE DROIT EXISTANT


Aux termes de l'article L. 312-8 alinéa 2 du code de la consommation " Toute modification des conditions d'obtention du prêt, notamment le montant ou le taux du crédit, donne lieu à la remise à l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable ".

Cette disposition du code de la consommation, issue d'un amendement à la loi du 31 décembre 1989, adopté au Sénat, a pour objet la protection des emprunteurs au moment de conclure leurs prêts.

Un des auteurs de l'amendement expliquait ainsi en séance publique : " cet amendement vise à libérer de toute ambiguïté ou de toute éventuelle supercherie le consentement de l'emprunteur afin qu'il puisse conclure un contrat de prêts en toute connaissance de cause ".

L'article L. 312-8 du code de la consommation vise ainsi clairement les modalités de conclusions d'une offre de prêt, et non les éventuelles modifications de prêts en cours. Dans deux arrêts du 12 janvier 1995 et du 18 juin 1996, les cours d'appel de Versailles et Paris avaient confirmé que ces dispositions n'étaient pas applicables aux conditions de remboursement d'un prêt déjà accordé et en cours d'exécution.

Toutefois, par une arrêt du 6 janvier 1998 (1ère chambre civile Edouard c/ La Henin), la Cour de cassation a estimé que toute modification d'un prêt, y compris en cours de remboursement, devait donner lieu à une nouvelle offre préalable comportant toutes les mentions exigées par l'article L. 312-8.

II. LES DIFFICULTÉS POSÉES PAR LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION

En étendant aux contrats de prêts en cours les obligations auxquelles étaient soumises les seules offres de prêts, l'arrêt de la Cour de cassation pose un certain nombre de difficultés.

Tout d'abord, l'information des emprunteurs à l'occasion des renégociations de prêts ne devrait pas nécessiter l'application des règles très contraignantes de l'article L. 312-8 du code de la consommation.

Lorsqu'il s'agit d'une simple renégociation, un avenant portant sur les seuls éléments renégociés donne plus d'informations à l'emprunteur que la remise d'une nouvelle offre comportant l'ensemble des caractéristiques du prêt, alors même qu'une grande partie de ce prêt est déjà réalisé. L'information doit porter sur les seuls éléments renégociés, qui permettront à l'emprunteur de procéder à une comparaison utile avec les offres des établissements de crédit concurrents.

L'application des règles de l'article L.312-8 peut donc entraver les renégociations puisqu'elle impose de reproduire des éléments qui figuraient déjà dans le contrat de prêt initial telles que des garanties (hypothèque, cautionnement) ou l'adhésion des emprunteurs à une assurance.

La conséquence directe de l'arrêt de la Cour de cassation est la possibilité de remettre en cause l'ensemble des prêts renégociés depuis le 1er mars 1990, dont l'encours s'élève à environ 200 milliards de francs.

En effet, la sanction appliquée en cas de non respect des règles de l'article L. 312-8 est la déchéance partielle ou totale du droit aux intérêts sur le prêt renégocié.

Depuis l'arrêt de la Cour de cassation, des contestations touchent les prêts à l'habitat, aussi bien dans le secteur concurrentiel que dans le secteur aidé. Ces contestations s'étendent aux renégociations effectuées dans le cadre de la loi du 31 décembre 1989 sur le surendettement, avec le risque de bloquer le fonctionnement des commissions départementales de surendettement.

III. LES DISPOSITIONS PROPOSÉES PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le présent article a pour objet de définir précisément les obligations applicables aux renégociations des contrats de prêts et de procéder à une validation des prêts en cours.

Il est ainsi ajouté un avant-dernier alinéa à l'article L. 312-8 du code de la consommation.

Les modifications aux contrats de prêts doivent prendre la forme d'un avenant dont la loi précise le contenu. Il s'agit d'un échéancier des amortissements qui détaille, pour chaque échéance :

- le capital restant dû en cas de remboursement anticipé,

- le taux effectif global calculé sur les seules échéances et frais à venir

- le coût total du crédit.

Un délai de réflexion de 10 jours est de droit pour l'emprunteur.

Concernant la validation des contrats de prêts en cours , celle-ci ne porte que sur les renégociations "favorables" à l'emprunteur, définies par trois critères non-cumulatifs : une baisse du taux d'intérêt du prêt, une diminution du montant des échéances du prêt et une diminution de la durée du prêt.

IV . LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur vous propose d'améliorer le dispositif proposé par le présent article sur quatre points.

Tout d'abord, il faut l'insérer, non dans l'article L. 312-8 du code de la consommation qui concerne la phase pré-contractuelle des prêts, mais après l'article L. 312-14 dans la section III concernant le contrat de crédit.

En second lieu, il convient d'exempter les prêts à taux variables de l'obligation de joindre un échéancier des amortissements, comme cela existe déjà pour l'offre préalable (article L. 312-8), dans la mesure où cet échéancier est, du fait même de la variation des taux, impossible à produire.

Il est également utile de préciser que l'information porte sur le coût du crédit en renégociation, et non sur le coût total du crédit.

Enfin, il est proposé de préciser que le délai de réflexion court à compter de la date de réception des informations mentionnées.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 80 (nouveau)

Rapporteurs généraux adjoints du Conseil de la concurrence

Commentaire : Le présent article prévoit que le rapporteur général du Conseil de la concurrence peut être assisté d'un ou plusieurs rapporteurs généraux adjoints.

En raison de la charge de travail très lourde qui pèse sur le rapporteur général du Conseil de la concurrence , il a semblé nécessaire au Gouvernement de prévoir que le rapporteur général puisse être assisté d'un ou plusieurs rapporteurs généraux adjoints.

Le rapporteur général du Conseil de la concurrence a en effet une triple mission :

- il anime et contrôle l'ensemble des rapporteurs (notamment la trentaine de rapporteurs permanents) : c'est à dire qu'il conseille les rapporteurs, prend connaissance de tous les rapports et contre-rapporte à chaque séance du Conseil (2 à 3 séances par semaine, soit une centaine par an) ;

- en outre, il doit veiller à la cohérence de la doctrine du Conseil de la concurrence ;

- enfin, il rédige le rapport annuel d'activité du Conseil .

Il est donc proposé, à la demande du Conseil de la concurrence, de modifier :

- l'article 4 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1 er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence afin de prévoir que " le ou les rapporteurs généraux adjoints " seront nommés, comme le rapporteur général et les rapporteurs permanents, sur proposition du président par arrêté du ministre chargé de l'économie ; les rapporteurs extérieurs demeurant désignés par le président.

- l'article 25 de la même ordonnance afin de prévoir que lors des séances du Conseil " le ou les rapporteurs généraux adjoints " peuvent présenter des observations, de même que le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement.

Un poste budgétaire est d'ores et déjà prévu pour la nomination d'un rapporteur général adjoint qui assisterait le rapporteur.

Toutefois, votre rapporteur général s'interroge sur une possible non-conformité de la procédure du Conseil de la concurrence avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En effet, le dernier alinéa de l'article 25 de l'ordonnance précitée dispose : " Le rapporteur général et le rapporteur assistent au délibéré , sans voix délibérative ". Même s'il est précisé que le rapporteur ne vote pas, il est à craindre que la Cour de cassation, qui a été saisie sur ce point, ne juge que cette simple présence au délibéré est contraire à l'exigence d'un " tribunal impartial ". En effet, dans son rapport annuel de 1992, la Cour de cassation avait déjà analysé la seule présence du rapporteur du Conseil de la concurrence au délibéré comme attentatoire au procès équitable.

Il semble nécessaire de modifier en conséquence la procédure prévue par l'article 25 de l'ordonnance précitée relative au délibéré du Conseil.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 81 (nouveau)

Conditions d'émission des obligations par une société de crédit foncier

Commentaire : le présent article a pour objet de permettre aux sociétés de crédit foncier d'émettre des obligations dès leur création.

L'article 285 de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales dispose que l'émission d'obligations n'est permise qu'aux sociétés par actions ayant deux années d'existence et qui ont établi deux bilans régulièrement approuvés par les actionnaires.

Le présent article vise à écarter ces dispositions qui empêcheraient les sociétés de crédit foncier d'émettre des obligations foncières dès leur création, ce qui irait à l'encontre de la création rapide d'un marché français des obligations foncières.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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