Proposition de résolution sur la conduite de la politique de l'Etat en Corse

SCHOSTECK (Jean-Paul)

RAPPORT 345 (98-99) - commission des lois

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Table des matières




N° 345

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 11 mai 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de résolution présentée par MM. Jean ARTHUIS, Guy CABANEL, Henri de RAINCOURT et Josselin de ROHAN tendant à créer une commission d'enquête sur la conduite de la politique de l'Etat en Corse ,

Par M. Jean-Pierre SCHOSTECK,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir le numéro :

Sénat : 342
(1998-1999).


Corse.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la conduite de la politique de l'Etat en Corse, présentée par MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt et Josselin de Rohan.

Cette commission aurait pour mission d'enquêter sur le fonctionnement, la coordination et la direction des services publics de sécurité intervenant en Corse.

La commission des Lois est appelée à examiner tant la recevabilité juridique que le fond de la proposition de résolution.

I. UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION JURIDIQUEMENT RECEVABLE

Les conditions de constitution des commissions d'enquête sont fixées par l'article 6 de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et précisées par l'article 11 du Règlement du Sénat.

La loi n°91-698 du 20 juillet 1991 a modifié cet article 6 en regroupant sous la dénomination commune de commission d'enquête les commissions d'enquête et les anciennes commissions de contrôle qui avaient pour objet de contrôler le fonctionnement d'une entreprise nationale ou d'un service public.

Pour autant, cette unification d'ordre terminologique n'a pas gommé la dualité entre les commissions d'enquête proprement dites et celles chargées de contrôler le fonctionnement d'une entreprise nationale ou d'un service public, ainsi qu'il ressort de la rédaction actuelle des deuxième et troisième alinéas de l'article 6 de l'ordonnance de 1958 :

" Les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information, soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a créées.

" Il ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Si une commission a déjà été créée, sa mission prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d'enquêter. "


Dans la première hypothèse, en cas d'enquête sur des faits déterminés, la pratique traditionnellement suivie pour les anciennes commissions d'enquête continue d'être observée : le Président de la commission des Lois demande à M. le Président du Sénat de bien vouloir interroger le Garde des Sceaux sur l'existence éventuelle de poursuites judiciaires concernant les faits en cause.

Dans la seconde hypothèse, comme pour les anciennes commissions de contrôle, cette procédure de demande d'information ne s'impose pas en raison de l'objet de la commission qui est d'enquêter non pas sur des faits déterminés, mais sur la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale.

Lorsqu'elle est saisie d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête, la première tâche de la commission des Lois consiste donc à étudier son contenu afin de déterminer si elle rentre dans le champ de l'article 6 de l'ordonnance et si la consultation du Garde des Sceaux s'impose ou non.

En l'espèce, il ressort des termes de la proposition de résolution que ses auteurs souhaitent opérer un contrôle sur le " fonctionnement, la coordination et la direction des services publics de sécurité intervenant en Corse ".

Prévoyant le contrôle d'un service public, la proposition de résolution entre ainsi dans le champ défini par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 , sans qu'il soit nécessaire d'interroger le Gouvernement sur l'existence de poursuites judiciaires .

Prévoyant de plus que la commission d'enquête sera composée de vingt et un membres, la proposition répond également aux conditions posées par l'article 11 du Règlement du Sénat disposant que " la proposition doit déterminer avec précision , soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d'enquête doit examiner la gestion " et qu'elle " fixe le nombre de membres de la commission d'enquête, qui ne peut comporter plus de vingt et un membres ".

Votre commission estime donc que la présente proposition de résolution est recevable au regard des dispositions de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et elle constate qu'elle répond aux conditions posées par l'article 11 du Règlement du Sénat .

II. UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION PLEINEMENT JUSTIFIÉE SUR LE FOND

Depuis l'assassinat de M. le préfet Claude Erignac, le 6 janvier 1998, jusqu'à la mise en examen, ces derniers jours, de son successeur, M. Bernard Bonnet, l'organisation et la coordination des services publics de sécurité en Corse semble avoir connu de graves dysfonctionnements de nature à porter atteinte à l'efficacité de l'action de l'Etat et, plus encore, à la crédibilité de ce dernier.

Dans l'exposé des motifs, les auteurs de la résolution mettent en cause, en premier lieu, les conditions de déroulement de l'enquête sur l'assassinat du préfet Claude Erignac, toujours non élucidé malgré un renforcement des moyens de police et de gendarmerie en Corse et la multiplication des mises en examen.

Cette enquête s'est en effet déroulée dans un climat de " guerre des polices ", alimenté par diverses rumeurs, qui, plaçant les différents services dans une situation de concurrence plutôt que de complémentarité, a nui tant à l'efficacité des investigations qu'à l'autorité de l'Etat.

Le rôle et le fonctionnement du groupe de pelotons de sécurité (GPS), unité spéciale de la gendarmerie, doit être éclairci. Lors de la séance de questions au Gouvernement, au Sénat, le 6 mai dernier, le ministre de la défense, M. Alain Richard, a indiqué, en réponse à M. Jean-Patrick Courtois, que le GPS avait trois types de missions définies par instruction : interventions, protection et surveillance. Mais il importe de savoir précisément qui a permis la création de cette unité en juin 1998, dans quelles conditions elle a fonctionné, de quelle autorité elle relevait et les missions qui lui ont été effectivement assignées.

Il apparaîtrait que, sous l'autorité directe de M. le préfet Bernard Bonnet, une organisation et des pratiques administratives particulières auraient été mises en place en Corse en matière de sécurité. Dans quelle mesure ces pratiques ont-elles été connues voire encouragées au niveau gouvernemental alors qu'un suivi interministériel spécifique des affaires corses était assuré ?

Votre commission estime, comme les auteurs de la proposition, qu'il convient de " conduire d'urgence une enquête susceptible d'éclairer la représentation nationale, et, au delà, l'ensemble des Français, sur la façon dont, tant au niveau gouvernemental et ministériel que sur place, en Corse, étaient définies les missions et assurés l'organisation et la coordination, la direction et le contrôle des différents services publics de sécurité intervenant en Corse ".

Elle considère que cette clarification est indispensable pour que soit restaurée l'efficacité et la crédibilité de l'Etat au service de la paix civile en Corse, objectif que semblent partager le Président de la République et le Premier ministre lui-même. Lors du Conseil des ministres du 5 mai dernier, M. Lionel Jospin a fait valoir que le rétablissement de l'État de droit en Corse restait une priorité et le Président de la République a demandé au gouvernement de tout faire " pour que soit promptement restaurées l'exemplarité et l'efficacité de l'Etat et de tous ses représentants civils et militaires ".

La proposition de résolution ne mentionne pas expressément de date de point de départ du contrôle, l'exposé des motifs envisageant de couvrir la période postérieure à l'assassinat du préfet Claude Erignac. Votre commission a considéré qu'il devait revenir à la commission d'enquête elle-même de déterminer l'étendue de son contrôle dans le temps.

Estimant que l'expression " les services publics de sécurité intervenant en Corse " pourrait laisser croire qu'il ne s'agirait de contrôler que les services actuellement en fonction, alors que le GPS vient d'être dissous , elle vous proposera la suppression du mot " intervenant ", permettant ainsi un contrôle rétroactif sur une durée qu'il reviendra à la commission d'enquête, elle-même, de déterminer.

La création d'une commission d'enquête lui apparaissant donc pleinement justifiée, votre commission vous propose d'adopter le texte de l'article unique de la présente proposition de résolution, sous réserve de supprimer le mot " intervenant ".

Elle vous proposera également de modifier l'intitulé de la proposition de résolution pour faire apparaître que la politique de l'État en Corse dont la conduite serait soumise à enquête serait celle de la sécurité .

En conséquence, votre commission vous propose d'adopter la proposition de résolution dont le texte est reproduit ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Proposition de résolution
tendant à créer une commission d'enquête
sur la conduite de la politique de sécurité menée par l'État en Corse.

Article unique

En application de l'article 11 du Règlement du Sénat et de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, il est créé une commission d'enquête de vingt et un membres sur le fonctionnement, la coordination et la direction des services publics de sécurité en Corse.




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