N° 367

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 mai 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1), sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie ,

Par M. Xavier PINTAT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir le numéro :

Sénat : 277 (1998-1999).

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale signée à Paris le 21 mars 1997 entre la France et la Colombie.

Cette convention, dont le dispositif est inspiré de celui de la convention européenne d'entraide judiciaire du 20 avril 1959, est similaire aux textes de même nature conclus entre la France et de nombreux pays, notamment en Amérique latine.

En posant le principe d'une coopération entre les deux pays en matière judiciaire et en définissant l'étendue et les limites de cette coopération, elle doit permettre de faciliter le traitement de demandes d'entraide qui sont actuellement appréciées au cas par cas par les autorités judiciaires de chaque pays, sans obligation de donner suite ou de motiver d'éventuels refus.

Ce type d'instrument paraît très utile à l'heure où la criminalité prend un caractère de plus en plus transnational. S'agissant de la France et de la Colombie, il devrait associer le traitement des affaires impliquant les deux pays, notamment en matière de trafic de stupéfiants.

Votre rapporteur effectuera une rapide présentation de la Colombie et de ses relations avec la France avant d'analyser le dispositif de cette convention d'entraide judiciaire en matière pénale.

I. LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA COLOMBIE

Avec 37 millions d'habitants, dont près de 7 millions dans la capitale Bogota, la Colombie compte une population légèrement supérieure à celle de l'Argentine, ce qui en fait, après le Brésil, l'un des plus importants pays d'Amérique du Sud.

A. LA SITUATION POLITIQUE EN COLOMBIE

1. Le régime politique de la Colombie

La Colombie est indépendante depuis 1830 et a vu son territoire réduit en 1903 du fait de la sécession du Panama.

La vie politique s'organise dans le cadre d'un régime présidentiel défini par la Constitution de 1991 qui a modifié celle de 1886. Elle est marquée par la rivalité entre libéraux et conservateurs qui alternent au pouvoir.

L'émergence de nouvelles formations politiques, notamment l'Alliance démocratique M19, issue d'un ancien mouvement de guérilla et regroupant des forces de gauche, n'a pas entamé cette bipolarisation de fait.

La domination du parti libéral au cours des deux dernières décennies a pris fin avec l'élection en juin 1998 à la Présidence de la République du candidat conservateur, Andrès Pastrana qui a succédé au Président libéral Ernesto Samper. Le parti libéral avait en revanche remporté en mars de la même année les élections législatives et maintient donc sa domination sur le Congrès.

2. La difficile recherche de la paix civile

La vie politique colombienne est dominée par les enjeux liés à la situation intérieure : le rétablissement de la paix civile dans l'espoir de mettre fin à une guérilla de près de quarante ans, la lutte contre les cartels de la drogue.

En effet, la société colombienne et marquée par une forte tradition de violence . Un tiers du territoire national échapperait au contrôle du gouvernement, un million de personnes auraient été déplacées alors que les assassinats politiques se multiplient tout comme les actions meurtrières des guérilleros, des forces paramilitaires et des trafiquants de drogue.

La guérilla , qui contrôlerait 600 des 1 050 municipalités colombiennes, est le fait de deux mouvements principaux :

- les forces armées révolutionnaires colombiennes (FARC) d'obédience marxiste, qui comptent 12 000 hommes

- et l' armée de libération nationale (ELN), d'inspiration guévariste, qui compterait 6 000 hommes.

La guerre civile implique également des milices paramilitaires dont le démantèlement est régulièrement posé, par les guérilleros, comme une condition préalable à un arrêt des affrontements.

Le Président Pastrana a fait de la recherche de la paix civile la priorité de son mandat. Dès son élection, des contacts ont été établis avec les FARC et en janvier dernier, le dialogue de paix était officiellement lancé. Le Président Pastrana et le chef des FARC se sont rencontrés le 2 mai dernier pour élaborer l'ordre du jour des négociations qui devraient commencer dans les prochaines semaines. Ces négociations porteront sur des thèmes économiques et sociaux, sur la situation des prisonniers détenus de part et d'autre et sur l'attitude de l'Etat face aux groupes paramilitaires.

Le dialogue avec l'ELN s'avère plus difficile mais il s'est noué lors de contacts en Allemagne l'an passé.

La lutte contre le trafic de drogue constitue également l'un des principaux enjeux de rétablissement de l'ordre public. Si certains succès ont pu être mis au crédit des autorités gouvernementales (arrestation des principaux responsables du cartel de Medellin en 1991 et du cartel de Cali en 1995), le trafic de drogue continue d'exercer une influence considérable sur la société colombienne tout entière. Ainsi le Président Samper a-t-il été considérablement affaibli sur la fin de son mandat, par les accusations portées contre lui et relatives au financement de sa campagne présidentielle par l'argent de la drogue.

Lors de son audition le 5 mai dernier par votre commission des affaires étrangères, M. Alain Labrousse, directeur de l'observatoire géopolitique des drogues, a détaillé l'implication des Forces armées révolutionnaires colombiennes et des milices paramilitaires qui les combattent dans la production et le commerce de stupéfiants, le trafic de drogue constituant la source principale de financement de ces groupes armés.

3. Les relations extérieures de la Colombie

Face aux incertitudes du processus de paix, la situation intérieure de la Colombie suscite une certaine inquiétude de ses voisins immédiats, le Venezuela, l'Equateur et le Pérou, qui souhaitent rester à l'abri d'incursions sur leur territoire de guérilleros ou de trafiquants de drogue. Sans évoquer un risque de déstabilisation régionale, ces pays renforcent néanmoins leur vigilance aux frontières.

Les Etats-Unis se montrent également extrêmement préoccupés par l'évolution de la situation en Colombie en raison en particulier des implications des trafics de stupéfiants. Jugeant les mesures de lutte contre la drogue insuffisantes, les autorités américaines avaient " décertifié " la Colombie sous la présidence Samper. L'élection de M. Pastrana s'est traduite par une amélioration des relations qui sont en voie de normalisation, la Colombie ayant bénéficié d'une " recertification " dans l'intérêt national des Etats-Unis.

La Colombie participe avec la Bolivie, l'Equateur, le Venezuela et le Pérou à la Communauté andine qui a succédé en 1996 au Pacte andin et qui se fixe comme objectif la réalisation d'une union douanière et le rapprochement avec le Mercosur.

B. LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA COLOMBIE

La Colombie dispose d'importantes ressources naturelles, et en premier lieu de charbon et de pétrole. Elle est également un grand producteur de café.

Malgré ses difficultés intérieures et la guerre civile, la Colombie a bénéficié d'une longue période de croissance continue , supérieure à 5 % l'an de 1993 à 1995, et d'indicateurs macroéconomiques considérés comme satisfaisants.

Après un ralentissement dès 1996, l'économie colombienne est entrée en récession, avec une croissance pratiquement nulle en 1998 et négative sur les premiers mois de 1999. La chute de l'activité a entraîné une rapide dégradation de la situation de l'emploi, le taux de chômage, encore inférieur à 10 % de la population active en 1995, s'établissant actuellement à 15 %.

Les finances publiques, relativement équilibrées au début de la décennie, accusent un déficit qui s'accentue (4,3 % du PIB en 1997 et 5 % du PIB en 1998).

Le solde négatif de la balance commerciale s'est aggravé du fait de la chute des cours des grandes productions d'exportations (pétrole, café) et de la moindre compétitivité des produits colombiens en raison des dévaluations monétaires intervenues dans plusieurs pays de la zone.

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