Projet de loi sur la présomption d'innocence et propositions de loi relatives aux gardes à vue et à la détention provisoire

JOLIBOIS (Charles)

RAPPORT 419 (98-99) - commission des lois

Table des matières




N° 419

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 juin 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur :

- le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, renforçant la protection de la
présomption d'innocence et les droits des victimes,

- la proposition de loi de MM. Xavier DUGOIN, Louis ALTHAPÉ, Louis de BROISSIA, Robert CALMEJANE, Désiré DEBAVELAERE, Christian DEMUYNCK, Bernard FOURNIER, Patrice GÉLARD, Georges GRUILLOT, Roger HUSSON, Robert LAUFOAULU, Paul NATALI, Jacques OUDIN, Victor REUX et Louis SOUVET, visant à filmer et enregistrer les
gardes à vue ,

- la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, tendant à
limiter la détention provisoire ,

Par M. Charles JOLIBOIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (11 ème législ. ) : 577 , 813 , 1079 , 1468 , T.A. 116 et 275 .

Sénat : 374 (1997-1998), 291 , 264 rect . et 412 (1998-1999).


Justice.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mardi 8 juin, le mercredi 9 juin et le jeudi 10 juin sous la présidence de M. Jacques Larché, président, et de M. Pierre Fauchon, vice-président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Charles Jolibois, le projet de loi (n° 291) adopté par l'Assemblée nationale, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Ce projet de loi tend à apporter de nombreuses modifications au code de procédure pénale, afin de renforcer la protection de la présomption d'innocence. Il prévoit en particulier la possibilité pour une personne placée en garde à vue de demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la garde à vue. Il tend également à renforcer les droits de la défense au cours de l'instruction et des audiences. Le texte prévoit par ailleurs la création d'un juge de la détention provisoire, compétent pour ordonner le placement en détention provisoire ainsi que les prolongations de celle-ci. Les quanta de peines permettant le placement en détention provisoire ainsi que les règles relatives à sa durée seraient également modifiés. Enfin, le projet de loi a également pour objectif de renforcer les droits des victimes à tous les stades de la procédure pénale.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a souligné que ce texte partiel permettrait néanmoins des améliorations réelles de la procédure pénale.

La commission a adopté des amendements tendant principalement à :

- instaurer un recours contre les arrêts rendus par les cours d'assises ; la commission a considéré que l'absence de recours en matière criminelle constituait une atteinte grave aux droits de la défense et qu'il n'était plus possible d'attendre pour traiter cette question, les deux chambres du Parlement en ayant déjà débattu sur la base d'un projet de loi déposé par M. Jacques Toubon ; en cas de recours, l'affaire serait renvoyée devant une autre cour d'assises que celle qui a statué, désignée par le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation ;

- élargir le champ d'application du statut de témoin assisté , en permettant au magistrat instructeur d'accorder ce statut à toute personne mise en cause par un témoin ou par la victime, ainsi qu'aux personnes contre lesquelles il existe des indices laissant présumer qu'elles ont pu commettre une infraction ;

- limiter la mise en examen aux personnes contre lesquelles il existe des indices graves et concordants d'avoir commis une infraction ;

- prévoir que, lorsque le juge d'instruction envisage de mettre en examen une personne par lettre recommandée , il l'informe au préalable de son intention, afin que celle-ci puisse demander à être entendue en présence de son avocat avant la décision de mise en examen ;

- prévoir l'obligation pour le magistrat chargé de la détention provisoire d'organiser un débat contradictoire avant de prendre une décision sur la mise en détention d'une personne ; prévoir l'obligation pour ce magistrat de statuer par ordonnance motivée lorsqu'il refuse de faire droit à une demande de mise en détention présentée par le juge d'instruction ;

- ne permettre la mise en détention provisoire d'une personne que lorsqu'elle encourt une peine correctionnelle supérieure à deux ans d'emprisonnement ou une peine criminelle ;

- élargir le champ d'application de l'article 9-1 du code civil , en permettant à toute personne présentée publiquement comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction de saisir le juge, afin de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence. En contrepartie, le projet de loi prévoit la possibilité pour le premier président de la cour d'appel d'arrêter en référé l'exécution provisoire de mesures portant atteinte à la liberté de l'information.

La commission s'est enfin inquiétée de l'ampleur des moyens nécessaires à la mise en oeuvre du projet de loi et a souhaité que des informations plus précises sur ce point puissent être apportées par le gouvernement au cours de la navette parlementaire.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

" (...) le malaise actuel de la justice pénale tient moins à l'indifférence du législateur qu'à l'accumulation de réformes ponctuelles, partielles, ajoutant toujours de nouvelles formalités, de nouvelles règles techniques qui ne s'accompagnent ni des moyens matériels adéquats, ni d'une réflexion d'ensemble sur la cohérence du système pénal.

C'est ce rapiéçage, parfois même ce bégaiement législatif, qui paraît irréaliste et néfaste, dès lors que l'on prend conscience que les difficultés actuelles ne peuvent être résolues par des demi-mesures. "


Commission Justice pénale et droits de l'homme- 1990.

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes aujourd'hui soumis au Sénat a été déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 16 septembre 1998 et adopté par celle-ci le 30 mars 1999. A l'origine de ce texte, figurent notamment les travaux de la commission de réflexion sur la justice mise en place en janvier 1997 par le Président de la République. Celle-ci était en effet notamment chargée de rechercher les moyens de mieux assurer le respect de la présomption d'innocence.

Le principe de la présomption d'innocence est posé dans de multiples textes de droit interne ou de droit international. Ainsi, l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme prévoit-il que " Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ".

La présomption d'innocence est un droit individuel dont la violation peut entraîner des dommages irréparables pour la personne qui la subit, mais également pour son entourage. Or, la présomption d'innocence n'apparaît pas pleinement respectée dans notre pays. Tandis que certaines mesures utilisées dans le cadre de notre procédure pénale peuvent y porter gravement atteinte, l'écho médiatique donné à certaines affaires, à tous les stades de la procédure, peut réduire à néant la réputation d'une personne, sans que la reconnaissance éventuelle de son innocence puisse réparer le préjudice subi.

Votre commission attache une particulière importance au présent projet de loi. Elle a en effet conduit une réflexion approfondie sur ce sujet au cours des dernières années, créant en son sein en 1994 une mission d'information sur la présomption d'innocence et le secret de l'instruction 1( * ) . Après de très nombreuses auditions, la mission avait formulé une trentaine de propositions, dont quelques unes ont été reprises dans le présent projet de loi.

Votre commission aborde donc l'examen de ce texte avec la volonté de poursuivre son action en faveur d'un renforcement de la protection de la présomption d'innocence.

I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI : LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE MALMENÉE, DES VICTIMES IGNORÉES

Le présent projet de loi a pour ambition d'apporter des réponses aux atteintes à la présomption d'innocence que peuvent subir nos concitoyens dans le cadre même de la procédure pénale, mais aussi du fait de la médiatisation croissante de notre société. Des mesures aussi graves que la garde à vue ou la détention provisoire peuvent être à l'origine, pour ceux qui les subissent, de dommages irréparables, même si le dispositif législatif a déjà connu de multiples adaptations destinées à mieux protéger les personnes mises en cause avant qu'intervienne une condamnation.

A. LA GARDE À VUE

Le régime actuel de la garde à vue est le fruit d'une longue évolution. Il a été modifié substantiellement par les lois du 4 janvier et du 24 août 1993.

Officiellement, la garde à vue n'existait pas jusqu'à l'entrée en vigueur du code de procédure pénale en 1958. Historiquement en effet, les actes d'enquête relevaient de la compétence des magistrats. Aucune disposition générale relative à l'intervention de la police n'existait donc, mais des pratiques permettant l'écoulement d'un certain délai avant la présentation d'une personne à un magistrat se sont cependant développées.

La loi du 8 décembre 1897 a joué un rôle important dans le développement de pratiques d'enquête officieuse impliquant éventuellement qu'une personne soit retenue. En autorisant l'avocat à assister son client lors des interrogatoires par le juge d'instruction, la loi a eu pour effet le développement d'une phase d'enquête préalable à l'instruction, permettant notamment d'interroger une personne en dehors de la présence de son avocat. Un décret du 20 mai 1903 prévoyait un délai de vingt-quatre heures pour qu'une personne arrêtée soit conduite devant le procureur de la République. En 1943, une circulaire est venue préciser les conditions de la garde à vue, sans toutefois que celle-ci soit légalisée. En 1958, le législateur, lors de l'élaboration du code de procédure pénale, a officialisé et encadré cette pratique.

Les lois du 4 janvier et du 24 août 1993 ont apporté des modifications importantes au régime de la garde à vue, améliorant notamment les droits reconnus aux personnes gardées à vue. Au cours des années précédentes, des inquiétudes s'étant faites jour quant à la conformité du régime de garde à vue aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Le 27 avril 1992, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, dans une affaire Tomasi, en application de l'article 3 de la Convention, selon lequel " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

1. Les conditions de la garde à vue

Le régime de la garde à vue est actuellement le suivant :

- au cours d'une enquête de flagrance , un officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, garder à sa disposition toute personne présente sur le lieu de l'infraction ainsi que les personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets ou documents saisis. Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice laissant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps nécessaire à leur déposition ;

- au cours d'une enquête préliminaire , un officier de police judiciaire peut garder à sa disposition toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;

- enfin, un officier de police judiciaire peut également garder une personne à sa disposition pour les nécessités de l' exécution d'une commission rogatoire , les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice ne peuvent être retenues que le temps nécessaire à leur audition.

Le délai de la garde à vue est de vingt-quatre heures , quel que soit le type d'enquête et la nature de l'infraction. Seuls les mineurs de treize ans se voient appliquer un régime spécifique de rétention, dont la durée ne peut excéder dix heures . La garde à vue peut être prolongée de vingt-quatre heures sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction en cas de commission rogatoire. En matière de trafic de stupéfiants , la garde à vue peut faire l'objet d'une prolongation supplémentaire de quarante huit heures . Il en va de même en matière de terrorisme , à cette réserve près que la prolongation n'est possible qu'à l'égard des personnes majeures.

2. Les droits de la personne gardée à vue

La personne gardée à vue bénéficie de certains droits prévus par les articles 63-2 à 63-4 du code de procédure pénale :

- elle peut, à sa demande, faire prévenir par téléphone une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un des ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs ou son employeur. Cette demande peut être formulée à tout moment par la personne gardée à vue. Si l'officier de police judiciaire estime, en raison des nécessités de l'enquête, ne pas devoir faire droit à la demande, il doit en référer sans délai au procureur de la République, qui décide s'il y a lieu d'y faire droit. En ce qui concerne les mineurs, l'information d'un proche est de droit, mais peut être différée de vingt-quatre heures au maximum sur décision du magistrat compétent ;

- la personne gardée à vue a le droit, à sa demande, d'être examinée par un médecin , désigné par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire. La personne peut demander à être examinée une seconde fois en cas de prolongation de la garde à vue. Par ailleurs, à tout moment, le procureur ou l'officier de police judiciaire peut d'office désigner un médecin pour examiner la personne gardée à vue. Enfin, un examen médical est également de droit si un membre de la famille de la personne gardée à vue le demande.

Le médecin se prononce " notamment " sur l'aptitude au maintien en garde à vue et le certificat qu'il délivre est versé au dossier.

- enfin, la personne gardée à vue a le droit de demander à s'entretenir avec un avocat , lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la garde à vue. La personne peut désigner l'avocat avec lequel elle souhaite s'entretenir. Si elle n'est pas en mesure de le faire ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier, qui est informé de la demande par tous moyens et sans délai. L'avocat doit pouvoir communiquer avec la personne, au cours d'un entretien dont la durée ne peut excéder trente minutes, dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. Il est informé de la nature de l'infraction recherchée et peut présenter à l'issue de l'entretien des observations écrites qui sont jointes à la procédure. L'avocat ne peut faire état de l'entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue.

Il convient enfin de préciser que l'intervention de l'avocat n'est possible que lorsque trente-six heures se sont écoulées si l'enquête concerne la participation à une association de malfaiteurs, les infractions de proxénétisme ou d'extorsion de fonds aggravés ou une infraction commise en bande organisée . En matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants , l'intervention de l'avocat n'est prévue que lorsque soixante-douze heures se sont écoulées depuis le début de la garde à vue.

3. Une mesure couramment utilisée

Le nombre des mesures de garde à vue a fortement augmenté entre 1988 et 1992, avant de connaître une diminution brutale en 1993. Depuis lors, le nombre des mesures de garde à vue a recommencé à croître.

La baisse brutale du nombre de gardes à vue intervenue en 1993 a notamment été expliquée par les difficultés d'application de la loi du 4 janvier 1993. En 1997, 382.228 gardes à vue ont eu lieu, 59.169 ayant une durée supérieure à 24 heures .

B. LA DÉTENTION PROVISOIRE AU COURS DE L'INSTRUCTION

Dans le compte-rendu de la séance du 22 août 1789 de l'assemblée constituante, qui vit la naissance de l'article IX de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen figure l'intervention suivante : " M. Duport parle ensuite. Il étend ses vues sur une partie très intéressante de notre droit criminel, et fait sentir que des lois douces et humaines contre les coupables font la gloire des empires et l'honneur des nations. Il exprime qu'il existe en France un usage barbare de punir les coupables, lors même qu'ils ne le sont pas encore déclarés ; qu'il a vu deux fois les cachots de la Bastille ; qu'il a vu ceux de la prison du Châtelet et qu'ils sont mille fois plus horribles ; que cependant c'est une vérité que les précautions que l'on prend pour s'assurer des coupables ne font pas partie des peines ".

Le débat sur la détention provisoire est donc ancien. La législation sur cette question a profondément évolué au cours des dernières décennies dans le sens d'un encadrement plus strict du recours à cette pratique, qui constitue sans conteste celle qui porte le plus atteinte à la présomption d'innocence.

1. Cent fois sur le métier...

Il semble que la détention provisoire ait fait son apparition au XIVème siècle avec le développement de la procédure inquisitoire. La déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 y fait explicitement allusion dans son article IX, qui dispose que " tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ".

Le code d'instruction criminelle de 1808 prévoyait qu'en matière criminelle, la détention préventive était obligatoire jusqu'à la fin de la procédure alors qu'elle était soumise à l'appréciation du juge d'instruction en matière correctionnelle.

Depuis l'entrée en vigueur du code de procédure pénale en 1959, un grand nombre de lois sont venues encadrer plus strictement le régime de la détention provisoire.

Ainsi, la loi du 17 juillet 1970 a remplacé le terme de détention préventive par celui de détention provisoire et a donné naissance au contrôle judiciaire, destiné à éviter des détentions qui ne seraient pas nécessaires. Elle a en outre imposé au juge d'instruction de rendre une ordonnance motivée susceptible d'appel en matière correctionnelle.

La loi du 6 août 1975 a limité les possibilités de prolongation de la détention provisoire en matière correctionnelle. La loi du 9 juillet 1984 a imposé un débat contradictoire avant le placement en détention provisoire en matière correctionnelle. La loi du 6 juillet 1989 a imposé un débat contradictoire et une ordonnance motivée susceptible d'appel pour les détentions provisoires ordonnées en matière criminelle .

Par ailleurs, à trois reprises , le législateur a tenté de confier à une autorité distincte du juge d'instruction la décision de mise en détention provisoire sans que les réformes soient mises en oeuvre faute de moyens.

La loi du 10 décembre 1985 instituait auprès de chaque tribunal de grande instance une chambre d'instruction, composée de trois magistrats du siège dont deux au moins devaient être juges d'instruction.

La loi du 30 décembre 1987 abrogeait celle du 10 décembre 1985 et créait une chambre des demandes de mise en détention provisoire, composée de trois magistrats, au nombre desquels ne pouvait figurer le magistrat instructeur.

Enfin, la loi du 4 janvier 1993 prévoyait que le contentieux de la détention provisoire serait confié, à compter du 1 er mars 1994 à un organe collégial composé d'un magistrat et de deux échevins.

La loi du 24 août 1993 a donné naissance au référé-liberté, qui permet à une personne faisant appel de la décision de placement en détention, de demander que sa demande soit examinée en référé par le président de la chambre d'accusation.

2. Le droit actuel

L'article 137 du code de procédure pénale affirme le caractère exceptionnel de la détention provisoire, puisqu'il précise que " la personne mise en examen reste libre sauf, à raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, à être soumise au contrôle judiciaire ou, à titre exceptionnel, placée en détention provisoire . "

a) Les conditions de fond du placement en détention provisoire

• Conditions tenant à la gravité de l'infraction

La mise en détention n'est possible que lorsque les faits reprochés à une personne présentent une certaine gravité. L'article 144 du code de procédure pénale autorise ainsi la détention provisoire :

- en matière criminelle ;

- en matière correctionnelle si la peine encourue est égale ou supérieure à un an d'emprisonnement en cas de délit flagrant ou à deux ans dans les autres cas. La mise en détention provisoire peut également être ordonnée, quelle que soit la peine encourue, lorsque la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations de contrôle judiciaire.

• Critères du placement en détention provisoire

L'article 144 prévoit que la détention provisoire peut être ordonnée pour trois motifs :

- lorsqu'elle est l'unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels ou d'empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes , soit une concertation frauduleuse entre personnes mises en examen et complices ;

- lorsqu'elle est l'unique moyen de protéger la personne mise en examen , de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;

- lorsque l'infraction, en raison de sa gravité, des circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé, a provoqué un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public , auquel la détention est l'unique moyen de mettre fin. Ce dernier motif de mise en détention a été précisé par la loi du 30 décembre 1996, afin qu'apparaisse clairement que son utilisation doit demeurer exceptionnelle.

b) La procédure de placement en détention provisoire

Le juge d'instruction est aujourd'hui seul compétent, lorsqu'une information judiciaire est ouverte, pour ordonner la mise en détention provisoire d'une personne mise en examen. La procédure a toutefois été progressivement précisée. Ainsi, la loi n° 84-576 du 9 juillet 1984 a rendu obligatoire un débat contradictoire préalable à la décision du juge d'instruction. Au cours de ce débat, doivent être entendues les réquisitions du ministère public, puis les observations de la personne mise en examen et, le cas échéant, celles de son avocat.

La personne, dont la mise en détention provisoire est ordonnée, peut faire appel de cette décision devant la chambre d'accusation. Le ministère public peut, pour sa part, faire appel d'une décision de mise en liberté, mais son appel n'a plus d'effet suspensif depuis la loi du 9 juillet 1984 précitée.

Par ailleurs, la loi du 24 août 1993, issue d'une proposition de loi du président de la commission des Lois du Sénat, M. Jacques Larché, a donné naissance au mécanisme dit du " référé-liberté ", inscrit à l'article 187-1 du code de procédure pénale, qui permet à une personne mise en détention de former une demande de libération immédiate en même temps qu'elle interjette appel de la décision du juge d'instruction. La demande est examinée par le président de la chambre d'accusation. Si celui-ci refuse de faire droit à la demande, la chambre d'accusation examine l'appel.

En revanche, depuis la loi du 30 décembre 1996, si le président fait droit à la demande de libération, la chambre d'accusation est dessaisie. Ce mécanisme est peu utilisé en pratique puisque 397 demandes ont été formées en 1994, 332 en 1995, 394 en 1996 et 428 en 1997. Il est pour l'instant impossible de savoir si la loi du 30 décembre 1996 a eu pour effet d'augmenter le nombre de recours au référé-liberté.

c) La durée de la détention

Le législateur s'est efforcé d'apporter certaines limites à la durée de la détention provisoire.

En particulier, la loi du 30 décembre 1996 a introduit la notion de " durée raisonnable " de la détention provisoire dans l'article 144 du code de procédure pénale. Cette notion est directement issue de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui prévoit dans son article 5 le droit pour une personne arrêtée ou détenue d'être " jugée dans un délai raisonnable ".

La Cour européenne des droits de l'homme exerce un contrôle rigoureux sur les durées de détention provisoire, appréciant au cas par cas si elles dépassent un " délai raisonnable ". Pour caractériser la longueur d'une détention provisoire, la Cour européenne examine à la fois les motifs de la détention, la complexité de l'affaire, le comportement du requérant ainsi que celui des autorités compétentes.

Le régime actuel de la durée de la détention provisoire est résumé dans le tableau suivant :

La durée de la détention provisoire
(pour une personne majeure)








Emprisonnement encouru

Antécédents judiciaires

Durée initiale

Nombre et durée des prolongations possibles

Durée maximale

Inférieur à un an

Aucune détention possible

Inférieur à deux ans hors cas de flagrant délit

Aucune détention possible

Inférieur à deux ans en cas de flagrant délit

 

4 mois

1 prolongation

2 mois

6 mois

Inférieur ou égal

 

4 mois

1 prolongation

2 mois

6 mois


à cinq ans

déjà condamné pour crime ou pour délit à plus d'un an sans sursis

4 mois

2 prolongations de 4 mois chacune

1 an

Supérieur à cinq ans et inférieur à dix ans

Indifférent

4 mois

5 prolongations de 4 mois chacune

2 ans

Egal à dix ans

Indifférent

4 mois

Nombre illimité de prolongations de 4 mois chacune

durée raisonnable

Matière criminelle

Indifférent

1 an

nombre illimité de prolongations de six mois chacune

durée raisonnable

3. Des résultats encore insuffisants

a) Le constat

Au cours des quinze dernières années, le nombre de détentions provisoires a connu une certaine diminution , grâce notamment aux mesures législatives qui sont venues encadrer plus strictement cette pratique.

Fréquence de la détention provisoire
dans l'ensemble des condamnations

 

1984

1993

1997

Nombre total de condamnation pour crimes et délits

Indice

383.445

100

368.429

96

380.813

99

Nombre total de détentions provisoires

Indice

% de personnes placées en détention

43.141

100

12,8 %

41.736

84

11,3 %

38.920

79

10,2 %

Toutefois, le nombre de prévenus parmi la population pénitentiaire demeure élevé et connaît une remarquable stabilité depuis plusieurs années comme le montre le tableau suivant :

PART DES PRÉVENUS INCARCÉRÉS DANS L'ENSEMBLE
DE LA POPULATION PÉNALE SELON LE TITRE DE DÉTENTION

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Ensemble population pénale
au 1 er janvier de l'année

44 997

43 912

47 175

48 119

48 166

50 240

51 623

52 658

51 640

50 744

CONDAMNÉS

25 520

57 %

23 936

55 %

28 132

60 %

28 541

59 %

27 727

58 %

30 214

60 %

29 464

57 %

31 759

60 %

31 748

61 %

30 443

60 %

PRÉVENUS

dont :

comparution immédiate

instruction
non terminée


instruction terminée

en délai de recours

19 477

43 %

805

14 002

2 354

2 365

19 976

45 %

814

13 615

2 734

2 746

19 043

40 %

864

12 615

2 864

2 704

19 578

41 %

1 384

13 398

2 988

1 780

20 439

42 %

960

14 060

3 260

1 821

20 026

40 %

755

14 386

2 996

1 889

22 159

43 %

1 092

16 012

3 001

2 054

20 899

40 %

805

14 995

3 077

2 022

21 366

41 %

938

15 273

3 141

2 014

20 301

40 %

671

14 452

3 302

1 876

Source : ministère de la justice

Afin de faciliter la compréhension du tableau précédent, il convient de rappeler que parmi les personnes comptabilisées au titre de la détention provisoire figurent non seulement les personnes mises en détention par le juge d'instruction, mais également des personnes ayant fait l'objet d'une procédure de comparution immédiate et pour lesquelles l'audience a été reportée, ainsi que des personnes condamnées et en attente du résultat d'un recours.

La stabilisation constatée dissimule une double évolution : d'une part, une tendance à l' accroissement de la durée moyenne de la détention provisoire ; d'autre part, une diminution du nombre d'incarcérations annuelles due essentiellement à la baisse des détentions prononcées dans le cadre d'une instruction.

En ce qui concerne la durée moyenne de la détention, elle a régulièrement augmenté depuis 1992 (alors qu'elle diminuait depuis 1985), passant de 3,4 mois à 4,4 mois en 1997. Le tableau suivant résume cette évolution en distinguant les crimes et les délits.

ÉVOLUTION DE LA DURÉE MOYENNE DE LA DÉTENTION PROVISOIRE EN DISTINGUANT CRIMES ET DÉLITS

 

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Nombre de crimes

2 758

2 714

2 607

2 686

2 543

2 661

2 609

2 695

2 745

2 981

Nombre de détentions provisoires

2 529

2 531

2 416

2 465

2 343

2 444

2 352

2 493

2 500

2 679

Durée moyenne de la détention provisoire en mois

22,7

23,2

22,9

21,6

21,9

21,0

21,8

21,0

22,5

23,1

Nombre
de délits

316 718

442 057

469 137

452 389

459 277

448 840

410 077

332 871

410 899

435 173

Nombre de détentions provisoires
(y compris comparution immédiate)

40 581

44 950

43 372

43 856

47 420

43 679

43 196

39 473

42 466

39 746

Durée moyenne de la détention provisoire en mois

3,8

3,5

3,4

3,3

3,3

3,4

3,5

4,0

3,9

4,0

Au cours des dernières années, la tendance est à une diminution presque constante du nombre de personnes placées chaque année en détention provisoire dans le cadre d'une instruction.

Détention provisoire et instruction

 

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Personnes mises en examen au cours de l'année

84 957

82 534

71 085

76 266

84 831

79 764

90 055

73 287

67 230

65 711

Personnes placées en détention provisoire au cours de l'année

37 643

35 374

31 411

32 232

32 769

28 240

30 498

29 029

27 830

26 435

% de personnes placées en détention provisoire

44 %

43 %

44 %

42 %

39 %

35 %

34 %

40 %

41 %

40 %

b) Des difficultés persistantes

Chaque année, environ 3 % des personnes incarcérées au titre de la détention provisoire bénéficient finalement d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. Certes, dans quelques cas, la détention provisoire peut être justifiée pour protéger la personne concernée, mais il n'en reste pas moins que certaines détentions provisoires apparaissent manifestement injustifiées.

PRÉVENUS FAISANT ANNUELLEMENT L'OBJET D'UN NON-LIEU,
D'UNE RELAXE OU D'UN ACQUITTEMENT
(1)

 

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Incarcérations au titre de la détention provisoire (rappel)

64 804

64 027

61 216

65 579

69 861

62 108

65 898

62 833

60 881

56 588

Libération au motif d'acquittement/
relaxe/non-lieu

1 929

1 886

1 581

2 111

1 816

1 573

1 938

1 605

1 231

1 069

(1) Seules sont comptabilisées les personnes encore en détention provisoire au moment de la décision de non-lieu, relaxe ou acquittement

Source : ministère de la justice


Par ailleurs, la durée de la détention provisoire peut, dans certains cas être fort longue, les durées moyennes de détention ne rendant pas compte de certaines situations qui peuvent paraître anormales.

Ainsi, en matière délictuelle, 2.857 personnes parmi les condamnés en 1997 ont effectué une détention provisoire d'une durée supérieure à un an, alors qu'elles n'étaient que 1.328 en 1984. En matière criminelle, 1.226 personnes parmi les condamnés en 1997 ont effectué une détention provisoire d'une durée supérieure à deux ans contre 674 en 1984.

c) Une indemnisation qui s'améliore

Conscient du traumatisme que peut constituer la détention provisoire, le législateur a mis en place une commission d'indemnisation de la détention provisoire destinée à permettre la réparation du préjudice subi par une personne bénéficiant à l'issue de la procédure d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. Le texte initial de l'article 149 du code de procédure pénale exigeait que la personne ait subi un préjudice manifestement anormal et d'une particulière gravité pour que le droit à indemnisation soit ouvert, mais la loi du 30 décembre 1996 est venue supprimer cette condition.

Le nombre d'indemnisations accordées demeure limité et les montants octroyés peu élevés. Néanmoins, cette situation semble évoluer et la loi du 30 décembre 1996 paraît avoir un effet très positif puisqu'en 1997, 50% des affaires examinées par la commission ont donné lieu à indemnisation contre 24 % seulement l'année précédente .

INDEMNITÉS ALLOUÉES PAR LA COMMISSION NATIONALE
D'INDEMNISATION DE LA DÉTENTION PROVISOIRE


Années

Affaires reçues

Affaires jugées

Affaires indemnisées

Taux d'indem-nisation

Montants versés par année

Moyenne par
dossier

1982

60

71

11

15 %

240 370

17 727

1983

56

58

15

26 %

435 730

25 833

1984

62

36

10

36 %

293 130

28 000

1985

73

66

14

21 %

413 000

29 500

1986

93

111

42

38 %

686 000

40 142

1987

74

100

21

21 %

934 000

44 000

1988

94

71

22

31 %

773 000

35 136

1989

93

82

25

30 %

993 000

339 720

1990

87

97

30

31 %

984 000

32 800

1991

123

138

39

28 %

4 933 000

126 487

1992

132

124

31

25 %

1 392 000

44 903

1993

114

116

28

24 %

1 298 000

46 382

1994

107

124

23

18 %

833 000

36 217

1995

142

94

19

20 %

1 200 000

75 263

1996

137

117

28

24 %

1 430 000

42 857

1997

188

131

65

50 %

4 094 000

62 985

1998

205

154

88

57 %

3 734 000

42 432

C. PRÉSOMPTION D'INNOCENCE ET SECRET DE L'INSTRUCTION

En 1995, M. Pierre Truche, aujourd'hui premier président de la Cour de cassation, s'exprimait en ces termes : " Le temps de la justice n'est pas celui des médias à un double titre : il n'est pas pensable que la presse attende la phase publique d'un procès pour rendre compte d'une affaire (...) en outre, quel média peut consacrer à une affaire le temps de la justice ? " 2( * )

En 1994 et 1995, votre commission des Lois a consacré une grande part de ses travaux à cette question, entendant nombre de personnalités 3( * ) et créant une mission d'information 4( * ) en son sein sur ce thème. La mission d'information avait formulé un grand nombre de propositions destinées à mieux concilier deux principes fondamentaux, celui de la présomption d'innocence et celui de la liberté de l'information.

Elle avait constaté que l'existence, dans notre droit, de multiples dispositions destinées à assurer le respect de la présomption d'innocence n'empêchait pas une médiatisation très forte et parfois excessive de certaines affaires judiciaires, une instruction parallèle, dégagée de toutes les règles protectrices de l'individu imposées par la procédure pénale, tendant à être conduite publiquement par la presse.

Elle avait pourtant rappelé que les dispositions législatives existantes étaient pourtant loin d'être négligeables.

Ainsi, le code de procédure pénale prévoit-il explicitement dans son article 11 que " sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ".

L' article 38 de la loi du 29 juillet 1881 punit d'une amende de 25.000 F la publication d'actes d'accusation ou de tout autre acte de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique. La même peine est applicable à la publication d'images reproduisant les circonstances d'un crime ou d'un délit, sauf lorsque la publication est faite à la demande écrite du juge d'instruction.

Les articles 58 et 98 du code de procédure pénale prévoient une sanction spécifique pour la divulgation, sans l'autorisation de la personne mise en examen, de pièces provenant d'une perquisition.

En ce qui concerne les mineurs, l' article 14 de l'ordonnance du 2 février 1945 interdit la publication du compte rendu des débats des tribunaux pour enfants ainsi que la publication de textes ou illustrations concernant l'identité des mineurs délinquants.

Par ailleurs, le code pénal contient des dispositions destinées à assurer au prévenu le droit à un procès impartial. Il en est ainsi de l'article 434-16 qui incrimine la publication, avant l'intervention de la décision juridictionnelle, de commentaires tendant à exercer des pressions en vue d'influencer les déclarations des témoins ou la décision des juridictions d'instruction ou de jugement.

En ce qui concerne les voies de droit contre les atteintes à la présomption d'innocence, le code civil permet tout d'abord la mise en jeu de la responsabilité de la personne fautive.

En outre, l' article 9-1 du code civil permet à une personne placée en garde à vue, mise en examen ou faisant l'objet d'une citation à comparaître en justice, d'un réquisitoire du procureur de la République ou d'une plainte avec constitution de partie civile et présentée publiquement comme coupable de faits faisant l'objet de l'enquête ou de l'instruction, de saisir le juge qui peut, même en référé, ordonner l'insertion dans la publication concernée d'un communiqué destiné à faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence.

Les articles 177-1 et 212-1 du code de procédure pénale permettent la publication, sur autorisation de la juridiction d'instruction, d'une décision de non-lieu, afin de contrebalancer, a posteriori, l'atteinte à la présomption d'innocence.

La loi du 29 juillet 1881 contient plusieurs dispositions permettant de remédier à une atteinte à la présomption d'innocence :

- l'article 13 organise un droit de réponse au bénéfice de toute personne nommée ou désignée dans un journal ou écrit périodique ;

- l'article 32 sanctionne la diffamation commise envers un particulier de 80.000 F d'amende et de six mois d'emprisonnement.

Enfin, en ce qui concerne plus spécifiquement l'audiovisuel, la loi du 29 juillet 1982 prévoit également la possibilité d'obtenir ce droit de réponse, mais la demande doit être formulée dans un délai de huit jours. A défaut de diffusion du droit de réponse, l'intéressé peut saisir le juge des référés qui peut ordonner la diffusion de la réponse sous astreinte. Aucune sanction pénale n'est en revanche prévue.

Le dispositif législatif est abondant. Il faut toutefois constater qu'il n'est guère utilisé.

D. DES VICTIMES INSUFFISAMMENT CONSIDÉRÉES

Pendant longtemps, l'intérêt porté aux victimes d'infractions pénales a été très insuffisant au regard des conséquences dramatiques et irrémédiables que peuvent avoir certaines infractions pour les personnes qui les subissent. La réflexion sur cette question a longtemps été freinée par certaines réactions de méfiance. Ainsi, la commission d'étude et de propositions dans le domaine de l'aide aux victimes, mise en place par M. Robert Badinter, alors garde des sceaux, et présidée par le professeur Milliez, notait dès 1982 : " Bien des personnes qui militent depuis longtemps pour que la société devienne plus équitable et la justice plus humaine vis-à-vis des plus faibles et des plus exploités, n'admettent pas spontanément et sans de vives réticences que l'on introduise le débat sur l'aide aux victimes. Les esprits ont été quasiment conditionnés, celui qui parle des victimes est supposé vouloir une répression plus forte à l'encontre des délinquants ".

Néanmoins, des progrès importants ont été accomplis au cours des dernières décennies en ce qui concerne les droits des victimes.

1. La victime et le procès pénal

Progressivement, le législateur a facilité la constitution de partie civile , notamment en n'imposant pas l'assistance d'un avocat, en permettant au juge d'instruction de dispenser de consignation la partie civile (article 88 du code de procédure pénale). Un grand nombre d'associations se sont pas ailleurs vu reconnaître la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile lorsque sont en cause des infractions liées à leur objet social. Ces associations peuvent être un soutien précieux pour les victimes au cours du procès pénal.

Le droit pénal prend en considération la victime dans la qualification des faits . L'âge de la victime, son état physique ou mental peuvent en effet constituer des circonstances aggravantes de certaines infractions.

Récemment, la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles a allongé les délais de prescription de certaines infractions en matière sexuelle .

2. L'indemnisation des victimes

Dans ce domaine, un grand nombre de textes permettent l'indemnisation des victimes d'infractions.

Ainsi, la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation a défini les règles d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation. Les compagnies d'assurance jouent un rôle déterminant en la matière.

La loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme a prévu, pour les victimes d'attentats, un système d'indemnisation intégrale des préjudices corporels, patrimoniaux et extra-patrimoniaux. Le FGTI (Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions) est chargé de cette indemnisation. Il est alimenté par une contribution assise sur les primes ou cotisations des contrats d'assurance de biens et fonctionne par transaction avec la victime. Le FGTI est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir le remboursement des sommes versées par les auteurs de l'infraction.

De manière plus générale, les victimes d'infractions pénales peuvent obtenir une indemnisation en se constituant partie civile au cours du procès pénal ou en portant l'affaire devant la juridiction civile. Surtout, en 1977, le législateur, par la loi n°77-5 relative à l'indemnisation de certaines victimes d'infractions, a instauré une procédure d'indemnisation devant les CIVI (commissions d'indemnisation des victimes d'infractions). Conçue au départ comme un système destiné à indemniser les victimes lorsque l'auteur de l'infraction est inconnu ou insolvable, cette procédure est devenue, avec la loi n° 90-589 du 6 juillet 1990, un système d'indemnisation autonome.

Devant les CIVI, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits ayant entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail permanente égale ou supérieure à un mois ou ayant été victime d'une atteinte ou d'une agression sexuelle peut obtenir la réparation intégrale de son préjudice.

Un système subsidiaire d'indemnisation plafonnée est prévu, sous certaines conditions, pour les victimes de vol, d'escroquerie, d'abus de confiance, ainsi que pour les victimes d'atteintes corporelles ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieur à un an. Les sommes allouées par les CIVI sont versées aux demandeurs par le FGTI, qui peut exercer une action récusoire contre les auteurs d'infractions.

3. L'action des associations

Progressivement s'est développé un réseau d'associations d'aide aux victimes, qui leur apporte un soutien précieux. Le développement de ces associations a été constamment soutenu par les pouvoirs publics au cours des deux dernières décennies.

Les associations exercent des missions d'accueil, d'information, aident les victimes dans leurs démarches, assurent parfois un soutien psychologique... 148 services d'aide aux victimes sont ainsi répartis sur le territoire national. Parmi les associations, certaines d'entre elles exercent à la fois une activité d'aide aux victimes et une activité de contrôle judiciaire. La plupart exercent des missions de médiation pénale. En 1986, a été créé l'INAVEM (Institut national d'aide aux victimes et de médiation) chargé d'animer et de coordonner les services d'aide aux victimes.

Aujourd'hui, les associations d'aide aux victimes interviennent notamment dans les maisons de justice et du droit, dans les antennes de justice, parfois dans des structures municipales. Certaines assurent des permanences dans les tribunaux de grande instance ou dans les commissariats. En 1997, 137 structures ont reçu 122.551 personnes dont 70.208 victimes d'infractions pénales.

*

En novembre 1998, Mme le garde des sceaux a confié à Mme Marie-Noëlle Lienemann, député européen, l'animation d'un groupe de travail interministériel sur l'aide aux victimes, dont faisait partie notre collègue M. Jean-Pierre Schosteck. Ce groupe a remis un rapport en mars dernier formulant plus de cent propositions destinées à améliorer l'aide apportée aux victimes.

Ce groupe a notamment constaté que les victimes étaient souvent mal informées des droits qui sont les leurs et que, bien souvent, la société ne leur proposait qu'une réparation matérielle de leur préjudice alors que " plus que tout, les victimes d'infractions attendent des institutions et notamment de la justice une écoute qui va au-delà de leur simple préoccupation financière. L'Etat s'estime quitte à leur égard dès lors que le principe de leur indemnisation est acquis, mais ne prend pas suffisamment en compte leurs souffrances, leurs doutes et leurs peines ".

Les propositions du groupe interministériel s'organisent autour d'une dizaine d'actions à mettre en oeuvre, portant notamment sur l'accueil des victimes, leur information, l'accompagnement psychologique, médical et social, la place des victimes dans la procédure pénale, enfin l'indemnisation.

Nombre de ces propositions ne sont pas législatives, mais certaines ont un lien direct avec le présent projet de loi.

II. LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE MISE À JOUR DE LA PROCÉDURE PÉNALE

Déposé le 16 septembre 1998,le projet de loi soumis au Sénat a été adopté par l'Assemblée nationale le 30 mars dernier. Il comporte deux parties distinctes respectivement consacrées au renforcement de la protection de la présomption d'innocence et aux droits des victimes.

A. RENFORCER LA PROTECTION DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE

Le projet de loi retient une acception très large du principe de la présomption d'innocence et se donne pour objectif de renforcer les droits des personnes mises en cause à tous les stades de la procédure.

1. Un renforcement du contrôle des mesures de garde à vue

L'une des mesures les plus frappantes du projet de loi consiste à permettre à toute personne placée en garde à vue de demander à s'entretenir avec un avocat dès la première heure de la mesure et non plus lorsque vingt heures se sont écoulées comme actuellement (article 2). Cette disposition a déjà été adoptée par le législateur dans la loi du 4 janvier 1993, mais son entrée en vigueur avait été repoussée.

La loi du 24 août 1993 a finalement pérennisé le régime transitoire prévu par la loi du 4 janvier. Les modalités de l'entretien entre la personne gardée à vue et l'avocat ne seraient pas modifiées ; en particulier, l'avocat ne pourrait pas plus qu'aujourd'hui avoir accès au dossier. Le projet de loi initial prévoyait qu'une personne placée en garde à vue pouvait à nouveau demander à s'entretenir avec un avocat au début de la prolongation éventuelle de la garde à vue. L'Assemblée nationale a modifié ce système pour permettre à la personne de demander à nouveau un avocat à l'issue de la vingtième heure de garde à vue puis, le cas échéant, lorsque douze heures se sont écoulées depuis le début de la prolongation.

L'Assemblée nationale a fortement enrichi les dispositions du projet de loi relatives à la garde à vue. Elle a ainsi prévu :

- la visite par le procureur des locaux de garde à vue au moins une fois par trimestre ;

- l'harmonisation des régimes de garde à vue en cas d'enquête de flagrance, d'enquête préliminaire ou d'exécution d'une commission rogatoire ;

- l'obligation pour l'officier de police judiciaire d'informer une personne placée en garde à vue qu'elle a le droit de ne pas répondre aux questions ;

- l'enregistrement sonore des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue.

2. Un renforcement des droits de la défense

Un grand nombre de dispositions du projet de loi ont pour objet de renforcer les droits de la défense, en particulier au cours de la procédure d'instruction.

Ainsi, les modalités de désignation d'un avocat par une personne incarcérée seraient simplifiées (article 3). Surtout, les parties pourraient désormais demander au juge d'instruction de procéder ou de faire procéder à tous actes qu'elles jugent utiles. Actuellement les demandes d'actes que peuvent formuler les parties sont limitativement énumérées. En outre, une personne mise en examen pourrait demander que certains actes (transport sur les lieux, audition d'un témoin, d'une partie civile ou d'une autre personne mise en examen) soient effectués en présence de son avocat. Le juge d'instruction ne pourrait refuser ces demandes que par une ordonnance motivée susceptible d'appel (article 4).

De même, en ce qui concerne les expertises , le projet de loi tend à permettre au ministère public ou à la partie qui demande une expertise de préciser dans sa demande les questions qu'il voudrait voir poser à l'expert (article 5).

L'Assemblée nationale a complété ces dispositions, notamment pour permettre au procureur et aux avocats des parties de présenter de brèves observations au cours des interrogatoires, confrontations et auditions, alors qu'ils ne peuvent aujourd'hui selon le code, que poser des questions avec l'accord du juge d'instruction.

En ce qui concerne les droits des parties à l'audience , le projet de loi tend en particulier à permettre au ministère public et aux conseils des parties, devant le tribunal correctionnel comme devant la cour d'assises, de poser directement des questions aux personnes appelées à la barre, alors que la règle actuelle veut que l'ensemble des questions soient posées par l'intermédiaire du président (articles 9A et 9).

L'Assemblée nationale a en outre prévu des dispositions particulières, afin de permettre aux personnes atteintes de surdité d'être assistées par une personne compétente ou de bénéficier d'un dispositif technique leur permettant de communiquer.

3. La consécration du statut de témoin assisté

L'une des dispositions importantes du projet de loi est la consécration et le renforcement du statut de témoin assisté, qui permet au juge d'instruction d'accorder à une personne qu'il n'estime pas devoir mettre en examen les mêmes droits qu'à la personne mise en examen, en particulier le droit d'être assistée par un avocat.

Aujourd'hui, le statut du témoin assisté ne peut être accordé qu'aux personnes nommément visées par un réquisitoire du procureur de la République ou par une plainte avec constitution de partie civile. En outre, les droits reconnus à ce témoin ne sont pas les mêmes selon qu'il est visé par un réquisitoire ou par une plainte avec constitution de partie civile.

Le projet de loi tend à consacrer ce statut dans le code de procédure pénale. Les personnes visées par un réquisitoire introductif et qui ne seraient pas mises en examen ne pourraient être entendues que comme témoin assisté. Comme actuellement, les personnes visées par une plainte avec constitution de partie civile pourraient être entendues comme témoin assisté et bénéficieraient obligatoirement de ce statut si elles en font la demande. La nouveauté réside dans le fait que le juge d'instruction pourrait également entendre comme témoin assisté toute personne visée par une plainte ou une dénonciation .

Le témoin assisté devrait bénéficier de l'ensemble des droits reconnus aux personnes mises en examen et ne prêterait pas serment.

L'objectif de ces dispositions est d'inciter les magistrats instructeurs à recourir à ce statut lorsque la mise en examen ne s'avère pas indispensable, compte tenu des graves conséquences que peut avoir cette mise en examen au regard de la présomption d'innocence.

4. La création d'un juge de la détention provisoire

La disposition à laquelle est identifiée le présent projet de loi est incontestablement la création d'un juge de la détention provisoire, compétent pour ordonner ou prolonger la détention provisoire.

Ce magistrat devrait avoir rang de président, de premier vice-président ou de vice-président. Il serait saisi, non sur réquisitions du procureur, mais par ordonnance motivée du juge d'instruction, uniquement dans les cas où ce dernier demanderait la mise en détention provisoire d'une personne ou la prolongation d'une détention.

Le juge d'instruction demeurerait compétent pour ordonner un contrôle judiciaire, mais celui-ci pourrait également être ordonné par le juge de la détention provisoire s'il refusait de faire droit à une demande de mise en détention ou de prolongation d'une détention.

Ainsi, le juge de la détention ne serait pas saisi dans tous les cas où le juge d'instruction n'estimerait pas nécessaire une mise en détention ou une prolongation de celle-ci. L'exposé des motifs du projet de loi indique que la création du juge de la détention provisoire " constitue une garantie nouvelle particulièrement importante au regard du respect de la liberté individuelle, et permettra de limiter les détentions à celles qui sont strictement et évidemment nécessaires ".

Le projet de loi prévoit par ailleurs une modification des seuils à partir desquels la détention provisoire peut être ordonnée à l'encontre d'une personne mise en examen. Alors que la détention est aujourd'hui possible lorsqu'est encourue une peine d'emprisonnement de deux ans ou d'un an en cas de flagrant délit, elle serait désormais possible lorsqu'est encourue une peine d'emprisonnement de deux ou trois ans.

Les durées maximales de détention seraient également modifiées. Ainsi, en matière criminelle, n'existe actuellement aucune limite à la durée de la détention -celle-ci ne devant pas dépasser un " délai raisonnable " conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Le projet de loi, modifié sur ce point par l'Assemblée nationale, tend à limiter à deux ans la durée de la détention provisoire lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelle et à trois ans dans les autres cas. Ces limites ne seraient toutefois pas applicables lorsque plusieurs crimes contre les personnes ou contre l'Etat, la nation ou la paix publique seraient reprochés à la personne, ou lorsque celle-ci serait poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée.

En matière correctionnelle, le projet de loi, tel que l'a adopté l'Assemblée nationale, limite la durée de la détention provisoire à quatre mois (six mois actuellement) lorsque la personne concernée encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans et qu'elle n'a pas déjà été condamnée à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an.

Dans les autres cas, la durée de la détention serait limitée à un an, mais aucune limite n'est prévue lorsque la personne encourt une peine égale à dix ans d'emprisonnement et qu'elle est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée.

Il convient enfin de noter que l'Assemblée nationale a prévu qu'en matière criminelle comme en matière correctionnelle, la durée de la détention provisoire pourrait être prolongée en cas de délivrance par le juge d'instruction d'une commission rogatoire internationale.

Le projet de loi tend en outre à améliorer les conditions d'indemnisation des personnes placées en détention provisoire qui bénéficient d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement . Le projet initial conservait le caractère facultatif de l'indemnisation tout en prévoyant que celle-ci devait réparer le préjudice moral et matériel subi par la personne.

L'Assemblée nationale a profondément modifié ce dispositif puisqu' elle a rendu l'indemnisation obligatoire tout en prévoyant quelques exceptions. Ainsi, aucune indemnisation ne serait due dans les cas où la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement résulterait de la reconnaissance de l'irresponsabilité de la personne, de la prescription ou de l'amnistie. De même, le texte exclut toute indemnisation lorsque la personne a été mise en détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissée accuser à tort.

Les décisions de la commission d'indemnisation devraient désormais être motivées et les débats auraient lieu en audience publique sauf opposition du requérant.

5. Une volonté de renforcer le droit à être jugé dans un délai raisonnable

Deux articles du projet de loi tendent à renforcer le droit des personnes mises en cause dans une procédure de connaître la suite donnée à celle-ci. Ainsi, l'article 20 a pour objet de permettre à une personne placée en garde à vue d'interroger le procureur de la République sur la suite donnée à la procédure lorsqu'elle n'a pas fait l'objet de poursuites dans un délai de six mois. Dans un tel cas, le procureur devrait classer sans suite, poursuivre ou engager une mesure alternative aux poursuites. S'il estimait nécessaire de poursuivre l'enquête, il devrait saisir le président du tribunal de grande instance qui, après un débat contradictoire pouvant se dérouler en audience publique, déciderait si l'enquête peut être poursuivie. En cas de réponse négative, le procureur serait obligé de classer l'affaire, de poursuivre ou d'engager une procédure alternative aux poursuites.

Par ailleurs, l'article 21 tend à inciter les magistrats instructeurs à mettre en oeuvre en quelque sorte des " contrats de procédure " avec les parties au début d'une information judiciaire. Ainsi, au début d'une information, le juge d'instruction devrait donner connaissance à la partie civile et à la personne mise en examen du délai prévisible d'achèvement de l'information s'il estime que ce délai est inférieur à un an.

A l'issue de ce délai ou, à défaut, à l'issue d'un délai d'un an, la personne mise en examen ou la partie civile pourrait demander la clôture de l'information. Le texte prévoit que, si le juge souhaite poursuivre l'information, il doit répondre par une ordonnance motivée susceptible d'appel. Un tel dispositif existe déjà aujourd'hui, mais l'appel n'est ouvert que lorsque le juge d'instruction ne répond pas à la demande.

L'Assemblée nationale a complété ces dispositions par deux articles destinés à limiter les délais d'audiencement des affaires une fois l'audience de renvoi ou l'arrêt de mise en accusation rendus. Actuellement, en matière correctionnelle, l'article 179 du code de procédure pénale prévoit qu'une personne placée en détention provisoire doit être remise en liberté si elle n'a pas comparu devant le tribunal dans un délai de deux mois après l'ordonnance de renvoi. En pratique, il arrive fréquemment que le tribunal se réunisse et décide de renvoyer l'affaire à une date ultérieure, de sorte qu'une personne peut rester de longs mois en détention provisoire alors même que l'affaire est en état d'être jugée. L'Assemblée nationale a donc prévu que la détention ne pourrait être prolongée à l'issue d'un délai de deux mois pour un nouveau délai de deux mois que par une décision motivée et après comparution personnelle du prévenu si lui-même ou son avocat en fait la demande. La décision de prolongation pourrait être renouvelée une fois dans les mêmes conditions. Ainsi, un prévenu serait-il automatiquement remis en liberté à l'issue d'un délai de six mois après l'ordonnance de renvoi si le tribunal ne commençait pas à examiner l'affaire au fond.

L'Assemblée nationale a prévu un système similaire en matière criminelle, alors qu'il n'existe actuellement aucune limite à la durée de détention qui peut être accomplie entre l'arrêt de mise en accusation et la réunion de la cour d'assises. A l'issue d'un délai d'un an après l'arrêt de mise en accusation, la chambre d'accusation pourrait décider de prolonger la détention pour une durée de six mois. Cette décision pourrait être renouvelée une fois, de sorte qu'un délai maximal de deux ans s'écoulerait entre l'arrêt de mise en accusation et l'audience de la cour d'assises.

6. Quelques dispositions relatives à la communication

Le projet de loi comporte quelques articles consacrés à la communication.

Reprenant une proposition du rapport de la commission de réflexion de la justice, le Gouvernement a proposé de sanctionner d'une amende de 100 000 F la publication de l'image d'une personne portant des menottes ou des entraves ainsi que la réalisation de sondages sur la culpabilité d'une personne mise en cause ou sur la peine susceptible d'être prononcée.

Par ailleurs, l'article 25 du projet prévoit l'ouverture de " fenêtres de publicité " au cours de l'instruction. Ainsi, toutes les audiences de la chambre d'accusation pourraient être publiques à la demande de la personne mise en examen . Le projet prévoit que la publicité pourra être refusée si la publicité est de nature à nuire à l'ordre public, à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. Les débats devant le juge de la détention provisoire pourraient également donner lieu à une audience publique.

Le projet de loi tend en outre à consacrer, tout en les encadrant, les communiqués du parquet . Le procureur pourrait ainsi rendre publics des éléments objectifs de la procédure, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public.

En revanche, l'Assemblée nationale n'a pas retenu une disposition du projet de loi initial, qui aurait permis au procureur de la République d'exercer lui-même le droit de réponse à la demande de la personne mise en cause.

Enfin, le texte comporte une innovation importante destinée à éviter des atteintes graves à la liberté de l'information. Le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, pourrait en effet désormais arrêter l'exécution provisoire de mesures limitant la diffusion de l'information ordonnées en référé.

B. DES VICTIMES MIEUX PRISES EN CONSIDÉRATION

Le projet de loi comporte un grand nombre d'articles destinés à renforcer les droits des victimes. Plusieurs dispositions tendent en particulier à améliorer leur information à tous les stades de la procédure pénale , afin de les aider à exercer dans les meilleures conditions possibles ces droits.

L'Assemblée nationale a en particulier adopté une disposition prévoyant que la police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes et de les transmettre au service ou à l'unité territorialement compétent.

Le projet de loi tend en outre à faciliter les constitutions de partie civile et à permettre au tribunal correctionnel, lorsqu'il a statué sur l'action publique, de renvoyer une affaire à une date ultérieure pour statuer sur l'action civile, afin de permettre à la partie civile d'apporter les justificatifs de ses demandes.

L'Assemblée nationale a complété ces dispositions en prévoyant une amélioration de l'information des victimes en ce qui concerne leur droit à être indemnisées et de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI).

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

A. CONSTATER LE CARACTÈRE PARTIEL DE LA RÉFORME

Le projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes tend une nouvelle fois à réformer notre procédure pénale, en ajoutant de nouvelles procédures, en renforçant des droits. Cette sédimentation progressive ne pourra se poursuivre indéfiniment.

La procédure pénale française tend ainsi à devenir plus complexe, plus lourde, sans qu'une réflexion globale soit entreprise, qui pourrait permettre de redéfinir l'intégralité de notre système au moment d'entrer dans le vingt-et-unième siècle. Le législateur, il y a quelques années, a su mettre en oeuvre une réforme intégrale du code pénal. Assemblée nationale et Sénat sont parvenus à un consensus sur ce sujet et l'on s'accorde à penser que le résultat obtenu n'est pas médiocre.

N'est-il pas temps d'entreprendre la même démarche en matière de procédure pénale, le code actuel datant de 1958 ?

Les réformes récentes, qui ont eu le plus souvent pour objet -à juste titre- de renforcer les droits de la défense, ont en même temps affaibli la cohérence de notre système faute d'une réflexion sur l'ensemble de la matière. Le présent projet de loi n'échappe pas à cette critique.

Il est par exemple possible de s'interroger sur la signification de la création d'un juge de la détention provisoire. S'agit-il d'un juge dont on espère qu'il se verra progressivement confier un nombre croissant de fonctions juridictionnelles qui le conduiraient à devenir le " juge de l'instruction " ? S'agit-il simplement, de manière isolée, de séparer l'instruction de la mise en détention provisoire, compte tenu du caractère gravement attentatoire à la liberté individuelle de cette mesure ?

Par ailleurs, il convient de noter que l'essentiel de ce projet de loi ne concerne que les affaires pénales donnant lieu à une information judiciaire, soit 7 % des affaires environ. 93 % des affaires donnent lieu à des procédures rapides telles que la comparution immédiate.

En définitive, votre commission considère que l'on n'échappera pas à une réflexion globale sur la procédure pénale qui devrait être celle de la France au vingt-et-unième siècle. Le Sénat et sa commission des Lois sont disponibles pour engager ce travail et y consacrer le temps qui sera nécessaire, afin de redonner à la procédure pénale une cohérence nécessaire à son fonctionnement
.

B. APPROUVER LES ORIENTATIONS DU PROJET DE LOI

Le projet soumis au Sénat n'est pas définitif, mais comporte des améliorations qu'il paraît souhaitable de consacrer dans l'attente d'une véritable réforme.

Nombre de dispositions devraient en effet permettre un renforcement important des droits des personnes mises en cause dans les procédures pénales. La possibilité pour l'avocat de s'entretenir avec son client au début d'une garde à vue est une évolution importante, qui mérite d'être approuvée. Certes, toutes les demandes ne pourront sans doute pas être satisfaites, certes l'avocat ne pourra pas plus qu'aujourd'hui prendre connaissance du dossier, mais la présence de l'avocat modifie l'atmosphère d'une garde à vue, comme l'a déjà montré la réforme de 1993 qui a permis sa venue à l'issue de la vingtième heure.

Le renforcement des droits des parties au cours de l'instruction est également une évolution importante, le droit pour les parties de demander des actes étant renforcé, de même que leurs possibilités d'intervention au cours des interrogatoires, auditions et confrontations.

Le droit pour les avocats des parties et le procureur de poser directement, au cours des audiences , des questions aux personnes appelées à la barre, sans passer par l'intermédiaire du président, est une mesure heureuse. Il est toutefois possible d'espérer que, d'ores et déjà, les présidents des tribunaux ou cours ne se comportent pas comme ce président Bourriche, dont la manière d'interroger le Crainquebille d'Anatole France, accusé à tort d'avoir crié " mort aux vaches ! " à un agent de la force publique, était pour le moins sujette à caution :

" Cet interrogatoire aurait apporté plus de lumière si l'accusé avait répondu aux questions qui lui étaient posées. Mais Crainquebille n'avait pas l'habitude de la discussion, et dans une telle compagnie, le respect et l'effroi lui fermaient la bouche. Aussi gardait-il le silence et le président faisait lui-même les réponses ; elles étaient accablantes. "

Les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en ce qui concerne le délai d'audiencement des affaires lorsque l'instruction est achevée sont particulièrement bienvenues et pourraient contribuer à mettre fin à des situations inacceptables.

Votre commission constate également avec satisfaction que certaines des propositions formulées par sa mission d'information sur la présomption d'innocence et le secret de l'instruction ont été reprises dans ce projet de loi. Il en est ainsi de deux mesures particulièrement importantes que sont l'élargissement du statut de témoin assisté et l'ouverture de fenêtres de communication au cours de l'instruction.

C. INSTAURER UN RECOURS EN MATIÈRE CRIMINELLE

La principale lacune de ce projet de loi réside dans l'absence de toute allusion à la question d'un éventuel recours contre les arrêts de la cour d'assises. L'absence d'une deuxième chance dans une telle matière porte profondément atteinte aux droits des personnes mises en cause.

De multiples exemples -anciens ou récents- démontrent qu'il est insupportable que les condamnations les plus lourdes soient aussi celles qui ne sont pas susceptibles de recours hors le recours en cassation.

Le législateur peut bien renforcer les droits de la défense à l'instruction, prévoir un contrôle des gardes à vue, mieux encadrer la détention provisoire, mais tout cela est vain si notre procédure pénale demeure marquée par cette anomalie si lourde de conséquences qu'est l'absence de recours en matière criminelle.

En 1996, M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, a présenté un projet de loi réformant la procédure criminelle, qui prévoyait la création dans chaque département d'un tribunal d'assises appelé à statuer en première instance, la cour d'assises étant appelée à devenir une juridiction d'appel. Examiné en première lecture par l'Assemblée nationale et le Sénat, le projet n'a pu être adopté définitivement du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale.

L'actuel gouvernement n'a pas repris à son compte ce projet de loi, le garde des sceaux faisant valoir que les moyens financiers nécessaires à cette réforme n'avaient pas été prévus.

Est-il possible pour autant de ne rien faire ? Votre commission ne le pense pas. C'est pourquoi, elle propose la mise en place d'un système de recours très simple consistant à renvoyer une affaire devant une autre cour d'assises que celle qui a statué. Cette procédure d' appel tournant est bien connue en droit canon et avait déjà été mise en oeuvre sous la Révolution. Elle était connue sous le nom d'appel circulaire.

Le recours pourrait être formé dans un délai de dix jours après l'arrêt et le choix de la cour d'assises appelée à en connaître serait effectué par le président de la chambre criminelle de la cour de cassation. Conformément au principe de l'équilibre entre les parties, le recours serait ouvert à l'accusé et au ministère public. Toutefois, ce dernier ne pourrait effectuer de recours en cas d'acquittement.

Naturellement, une telle réforme suscite de nombreuses objections bien connues, notamment parce qu'il semble à certains difficile d'admettre qu'un jury populaire puisse être démenti par un autre jury comportant le même nombre de citoyens.

Un tel débat est certes intéressant, mais face au risque d'injustices irréparables, il a paru souhaitable à votre commission de dépasser les querelles doctrinales pour mettre fin à une véritable " anomalie " dans notre procédure pénale.

La réforme proposée sera d'un coût modeste, compte tenu du taux estimé des appels. Elle offrira à tous les condamnés la deuxième chance indispensable dans tout système judiciaire d'un véritable Etat de droit.

D. AMÉLIORER LE PROJET DE LOI

Sur de nombreux points, votre commission a estimé souhaitable d'améliorer le projet de loi.

1. Élargir davantage le statut de témoin assisté

Le projet de loi tend à élargir le statut de témoin assisté en permettant au juge d'instruction d'accorder ce statut, non plus seulement aux personnes visées par un réquisitoire ou une plainte avec constitution de partie civile, mais également aux personnes visées par une plainte ou une dénonciation. Votre commission estime utile d'aller plus loin, afin d'éviter les mises en examen qui ne seraient pas strictement nécessaires . Elle propose donc que ce statut puisse être accordé à toute personne mise en cause par un témoin ou une victime en cours d'instruction, ainsi qu'aux personnes à l'encontre desquelles existent des indices laissant présumer qu'elles ont pu commettre une infraction.

2. Modifier les conditions de la mise en examen

Votre commission estime nécessaire de tout mettre en oeuvre pour que le juge d'instruction ne recoure à la mise en examen que lorsque celle-ci est réellement justifiée. Elle vous propose donc que la mise en examen ne soit possible que lorsqu'existent contre une personne des indices graves et concordants laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou comme complice, à une infraction.

Par ailleurs, votre commission a souhaité qu'une personne ne puisse plus être mise en examen par lettre recommandée sans avoir la possibilité d'être entendue par le juge d'instruction . Elle a modifié l'article 80-1 du code de procédure pénale pour prévoir qu'avant de mettre en examen par lettre recommandée une personne, le juge d'instruction doit au préalable l'informer de son intention. La personne pourrait alors demander à être entendue en présence de son avocat. A défaut d'une telle demande ou si la personne ne répondait pas à la convocation, le juge pourrait la mettre en examen par lettre recommandée.

3. Modifier la dénomination du juge chargé de la détention

Le projet de loi prévoit l'institution d'un juge de la détention provisoire. Une telle dénomination paraît fort lourde à porter pour les magistrats dont ce sera la charge. D'autres propositions ont été formulées, consistant notamment à qualifier ce juge de " juge des libertés ", voire de " juge de la détention et des libertés ". Il a été rétorqué que tous les juges ont vocation à être des juges des libertés, l'article 66 de la Constitution prévoyant que " l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ".

Face à ce dilemme, votre commission propose de ne pas nommer ce juge dans le code de procédure pénale. Les praticiens se chargeront rapidement de lui trouver une dénomination qui s'imposera, mais il ne paraît aucunement nécessaire qu'il soit qualifié par la loi. Cette solution présente en outre l'avantage de ne pas exclure que d'autres missions lui soient éventuellement confiées ultérieurement.

Par ailleurs, votre commission estime souhaitable que ce magistrat statue par une ordonnance motivée et après un débat contradictoire , même lorsqu'il n'ordonne pas le placement en détention provisoire, afin que le magistrat instructeur qui demande une détention par ordonnance motivée ait connaissance des raisons justifiant qu'il ne soit pas fait droit à cette demande.

4. Éviter les détentions provisoires injustifiées

Le système prévu par le projet de loi en ce qui concerne le niveau de peine encourue à partir duquel le placement en détention provisoire est possible est apparu trop complexe à votre commission. Il lui est en outre apparu que ces seuils ne permettraient guère de limiter le nombre de placements en détention provisoire. Après avoir constaté que la plupart des infractions punies de deux ans d'emprisonnement ne justifiaient pas qu'il soit recouru à la détention provisoire et que, dans de nombreux cas, les infractions punies de deux ans d'emprisonnement relevaient davantage de la comparution immédiate que d'une information judiciaire, votre commission a décidé que la mise en détention ne serait plus possible qu'à l'égard des personnes encourant une peine correctionnelle supérieure à deux ans d'emprisonnement .

En ce qui concerne la durée de la détention provisoire , votre commission a accepté les propositions de l'Assemblée nationale tendant à instaurer des limites à la durée de la détention provisoire sauf pour certaines infractions telles que le terrorisme ou le trafic de stupéfiants. En revanche, votre commission a estimé inopportun de faire de la délivrance d'une commission rogatoire internationale un critère d'allongement de la durée de la détention provisoire.

Elle propose que, dans des situations exceptionnelles , lorsque l'information doit absolument être poursuivie, la chambre d'accusation , saisie par le magistrat chargé de la détention provisoire, puisse prolonger la durée de la détention provisoire au delà des limites prévues pour le projet de loi. La possibilité d'accorder ces prolongations serait très strictement encadrée, l'accord du magistrat instructeur, du magistrat chargé de la détention et de la chambre d'accusation étant nécessaire.

5. Conforter les droits des victimes

Saluant les progrès apportés aux droits reconnus à la victime dans la procédure pénale, votre commission a adopté quelques dispositions destinées à conforter ces droits. Elle a en particulier prévu que la partie civile pourrait, si cela est nécessaire, être assistée par un interprète au cours des audiences correctionnelles ou criminelles, comme c'est déjà le cas pour le prévenu, l'accusé ou le témoin.

En outre votre commission propose de modifier le texte du serment prononcé par les jurés de cours d'assises au début d'un procès. Les jurés, qui promettent d'ores et déjà de ne trahir ni les intérêts de l'accusé ni ceux de la société qui l'accuse, devraient également promettre de ne pas trahir les intérêts de la victime . Ils devraient en outre promettre de se rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter .

6. Prévoir un équilibre entre liberté de l'information et présomption d'innocence

Un chapitre du projet de loi est consacré à la " communication ", sans qu'aucune mesure soit proposée pour remédier aux atteintes irréparables à la présomption d'innocence que peut provoquer le non-respect du secret de l'enquête et de l'instruction.

Certes, des mesures législatives existent d'ores et déjà, qui devraient permettre de limiter les atteintes à la présomption d'innocence. En particulier, l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 interdit la diffusion de pièces du dossier de l'instruction, mais le ministère public, seul compétent pour poursuivre cette infraction, ne le fait en pratique jamais. Le projet de loi reste muet sur ces questions.

En 1995, la mission d'information de votre commission des lois sur la présomption d'innocence et le secret de l'instruction a formulé de nombreuses propositions équilibrées sur ce sujet, qui ne paraissent pas avoir retenu l'attention du Gouvernement. De même, le projet de loi ignore plusieurs propositions formulées sur ce sujet par la commission de réflexion sur la justice présidée par M. Pierre Truche.

En revanche, le projet de loi contient une disposition très importante destinée à préserver la liberté de l'information, à savoir la possibilité pour le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, d'arrêter l'exécution provisoire de mesures ordonnées en référé lorsqu'elles portent atteinte à la liberté de l'information . Votre commission salue cette mesure très protectrice de la liberté de la presse dans notre pays.

Estimant souhaitable qu'un équilibre soit trouvé entre la présomption d'innocence et la liberté de l'information, votre commission propose -compte tenu de la nouvelle protection accordée à la presse- d'élargir le champ d'application de l'article 9-1 du code civil, permettant au juge, même en référé, d'ordonner par exemple l'insertion d'un communiqué dans la publication concernée en cas d'atteinte à la présomption d'innocence. Actuellement, la possibilité de saisir le juge n'est ouverte qu'aux personnes placées en garde à vue, mises en examen ou qui font l'objet d'une citation à comparaître, d'un réquisitoire ou d'une plainte avec constitution de partie civile, lorsqu'elles sont publiquement présentées comme coupables des faits faisant l'objet de l'enquête ou de l'instruction judiciaire.

Il est paradoxal qu'en revanche les personnes présentées comme coupables, alors qu'elles ne font l'objet d'aucune procédure, ne puissent faire réparer l'atteinte à la présomption d'innocence. Votre commission propose donc que le champ d'application de l'article 9-1 du code civil soit étendu à toutes les personnes présentées comme coupables de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction.

Cette proposition a été formulée par la commission de réflexion sur la justice et par la mission d'information de votre commission des Lois, mais n'a pas été reprise dans le projet de loi.

La commission des Lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement allant beaucoup plus loin puisqu'il permettait à une personne présentée comme pouvant être coupable et non comme coupable d'aller devant le juge pour faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence. Cet amendement a été retiré avant le débat en séance publique et votre commission a estimé que sa rédaction serait trop large et risquerait de porter atteinte à la liberté de la presse.

Par ailleurs, votre commission n'a pas estimé souhaitable de porter atteinte , à l'occasion de ce projet de loi, à l'équilibre de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et a donc décidé de rétablir dans cette loi des dispositions que le Gouvernement ou l'Assemblée nationale souhaitaient voir inscrites dans le code pénal.

E. UNE INQUIÉTUDE : LES MOYENS DE LA RÉFORME

La disposition la plus visible du projet de loi est incontestablement la création d'un juge de la détention provisoire, dont le garde des sceaux a souhaité qu'il ait rang de président, de premier vice-président ou de vice-président.

Votre commission a accepté le principe de cette séparation entre l'instruction et la mise en détention provisoire, tout en constatant qu'elle intervient alors que les effets de la loi du 30 décembre 1996, qui a modifié le régime de la détention provisoire, ne sont pas connus.

Votre commission souhaite faire part de son inquiétude quant à la mise en oeuvre de la réforme, compte tenu du caractère peu précis des évaluations relatives aux moyens nécessaires.

• L'étude d'impact transmise au Parlement (voir annexe) indique que " Le projet de loi prévoit dans tous les tribunaux de grande instance l'institution d'un ou plusieurs juges de la détention provisoire ". Cette étude d'impact note que la création du juge de la détention provisoire ne permettra aucun gain d'emploi à l'instruction, compte tenu des nouvelles formalités par ailleurs imposées au juge d'instruction. Enfin, cette étude d'impact évalue à 170 le nombre de créations de postes nécessaires pour le fonctionnement de cette réforme.

Lors du débat à l'Assemblée nationale, Mme le Garde des Sceaux a indiqué avoir " écarté un premier scénario qui aurait consisté à nommer des magistrats et à créer un emploi de juge de la détention dans les 187 tribunaux de grande instance ". Une évolution importante semble donc s'être produite entre le dépôt du projet de loi et sa discussion par l'Assemblée nationale . De ce fait, la Chancellerie évalue désormais à 110 seulement le nombre des créations de postes nécessaires . D'après les informations transmises à votre rapporteur, 68 postes ont été créés au titre du budget de 1999 en vue de cette réforme et 42 devraient l'être au titre du budget de l'an 2000.

• Pratiquement, le système devrait s'organiser de la manière suivante :

- dans les tribunaux les plus importants, un ou plusieurs vice-présidents ou premiers vice-présidents pourraient assurer le contentieux de la détention provisoire ;

- dans les plus petits tribunaux, cette charge serait exercée par le président du tribunal lui-même. En cas d'absence, il pourrait être recouru à des vice-présidents placés auprès du premier président de la cour d'appel ou à un vice-président d'un tribunal voisin. Il n'est donc pas exclu qu'à des périodes particulières, des difficultés puissent se poser dans les plus petites juridictions ;

- par ailleurs, l'intervention d'un juge de la détention provisoire distinct du juge d'instruction rendra naturellement plus difficile la composition des juridictions correctionnelles, le juge de la détention provisoire ne pouvant participer au jugement des affaires dont il a connu.

Pour remédier à cette difficulté, il serait fait appel à des juges placés, éventuellement à des avocats, qui peuvent compléter une formation correctionnelle. Enfin, le premier président de la cour d'appel pourrait utiliser la disposition récemment adoptée dans le projet de loi renforçant l'efficacité de la procédure pénale, qui lui permet de renvoyer une affaire d'un tribunal à un autre. Le Sénat a demandé et obtenu que le choix du tribunal de renvoi ne soit pas discrétionnaire, mais déterminé au début de chaque année.

Il apparaît donc que le fonctionnement de cette réforme sera différencié sur le territoire et qu'il posera des difficultés dans certains cas . Il paraît essentiel que tout soit entrepris pendant la durée de la navette parlementaire pour que les modalités pratiques de la réforme soient précisées. Le Parlement devrait être informé de manière très précise de la manière dont sera appliquée la réforme. A ce stade, votre commission souhaite simplement manifester son inquiétude face aux imprécisions qui entourent cet aspect de la réforme, d'autant plus que d'autres mesures inscrites dans le projet de loi, telles que celles destinées à réduire les délais d'audiencement ou celles renforçant l'efficacité des demandes de clôture de l'information au bout d'un délai d'un an pourraient également nécessiter des moyens supplémentaires.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous présentera, votre commission vous propose d'adopter l'ensemble du projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(Article préliminaire nouveau du code de procédure pénale)
Principes généraux

Dans l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement indique que " les différents principes qui gouvernent notre procédure pénale sont depuis longtemps reconnus dans le droit positif, et certains d'entre eux figurent même dans différents textes de valeur constitutionnelle. Cette reconnaissance est toutefois éparse et parcellaire.

" Par ailleurs, le principe de la présomption d'innocence est trop souvent bafoué et la confiance des citoyens envers l'institution judiciaire s'en trouve profondément atteinte.

" C'est la raison pour laquelle il est apparu indispensable de réaffirmer dans notre droit, de façon claire et expressive, ce principe fondamental et d'en tirer toutes les conséquences nécessaires afin d'assurer qu'il soit pleinement et entièrement respecté. "

L'article premier du projet a donc pour objet d'introduire, au début du code de procédure pénale, un article préliminaire énonçant les principes fondamentaux de la procédure pénale . Il s'agit en particulier d'affirmer le principe de la présomption d'innocence, celui des droits de la défense, le principe de proportionnalité des mesures de contrainte prises à l'encontre d'une personne...

Le texte proposé par le Gouvernement est assez différent de celui adopté par l'Assemblée nationale.


Texte présenté par le Gouvernement

_______

Texte adopté par l'Assemblée Nationale

_______

" Article préliminaire. - I.- Les personnes qui concourent à la procédure pénale participent à la recherche de la manifestation de la vérité, dans le respect des principes ci-après, qui sont mis en oeuvre, dans les conditions prévues par la loi.

"II. - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie, dans le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire.

" Les seules mesures de contrainte dont cette personne peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et strictement limitées aux nécessités de la procédure.

" Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable.

" Les atteintes à la réputation de cette personne résultant de l'accusation dont elle fait l'objet, sont prévenues, limitées, réparées et réprimées selon les dispositions du présent code, du code civil, du code pénal et des lois relatives à la presse écrite ou audiovisuelle.

" III. - L'autorité judiciaire veille à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale. "

" Article préliminaire. - I. - Les personnes qui concourent à la procédure pénale participent à la recherche de la manifestation de la vérité, dans le respect des principes ci-après, qui sont mis en oeuvre, dans les conditions prévues par la loi.

" II. - La procédure pénale doit être juste et équitable, respecter le principe du contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties.

" Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement.

" Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent pouvoir être jugées selon les mêmes règles.

III. - L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.

" IV. (nouveau). - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie.

" Elle a le droit d'être informée de la nature des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur.

" Les mesures de contraintes prises à son encontre doivent l'être sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire.

" Ces mesures doivent être proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et strictement limitées aux nécessités de la procédure. Elles ne doivent en aucun cas porter atteinte à sa dignité.

" Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable et sur le fondement de preuves loyalement obtenues.

" Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. "

Il est en premier lieu possible de s'interroger sur l'opportunité d'inscrire en tête du code de procédure pénale des principes qui sont énoncés par ailleurs d'une manière qu'il serait impossible au législateur d'améliorer : l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit ainsi que " tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ".

Il est vrai que d'autres codes contiennent déjà l'énoncé de principes généraux, qui sont ainsi plus facilement accessibles que lorsqu'ils sont énoncés dans des textes épars.

Le chapitre premier du titre premier du livre premier du nouveau code pénal est ainsi consacré aux principes généraux. De même, le nouveau code de procédure civile comporte un chapitre premier consacré aux principes directeurs du procès. Dans ces conditions, il peut être utile que le législateur marque l'importance de certaines principes fondamentaux de la procédure pénale en les inscrivant au début du code.

Un tel exercice suppose cependant de garder à l'esprit que ces principes n'auront pas seulement une valeur pédagogique, mais pourront être utilisés par les juridictions pour interpréter l'ensemble du code de procédure pénale. Il convient donc que ces principes soient rédigés de la manière la plus claire possible.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale, inspiré notamment des travaux de la commission " Justice pénale et droits de l'homme " présidée par Mme Mireille Delmas-Marty, est susceptible de poser certaines difficultés.

Ce texte prévoit notamment que les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent pouvoir être jugées selon les mêmes règles. L'introduction de ce principe dans le code de procédure pénale avait été proposée par la commission " Justice pénale et droits de l'homme ". Toutefois, cette commission avait estimé que l'inscription de ce principe impliquerait la mise en cause de l'opportunité des poursuites ou au moins son aménagement. Par ailleurs, le législateur a récemment décidé d'autoriser le juge unique à renvoyer certaines affaires à la collégialité, lorsque leur complexité le justifie, ce qui paraît constituer un aménagement du principe énoncé. Il ne paraît donc pas opportun, à ce stade, d'énoncer un principe dont on ne peut affirmer qu'il est pleinement respecté par notre procédure pénale.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit par ailleurs qu'il doit être statué sur l'accusation " sur le fondement de preuves loyalement obtenues ". Si la loyauté des preuves est un principe bien connu dans les pays anglo-saxons, il paraît difficile de mesurer les conséquences que pourrait avoir son introduction, sous une forme aussi générale, dans notre droit, compte tenu de la marge d'appréciation très grande qu'il laisse au juge.

Enfin, le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. Ce principe est explicitement inscrit dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté en 1966 dans le cadre de l'organisation des Nations Unies. L'article 14 du Pacte prévoit en effet que " toute personne déclarée coupable d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi ".

Toutefois, l'instrument d'adhésion de la France à ce pacte contient la réserve suivante : " Le Gouvernement de la République interprète l'article 14, paragraphe 5, comme posant un principe général auquel la loi peut apporter des exceptions limitées. Il en est ainsi, notamment, pour certaines infractions relevant en premier et dernier ressort du tribunal de police ainsi que pour les infractions de nature criminelle. Au demeurant, les décisions rendues en dernier ressort peuvent faire l'objet d'un recours devant la Cour de cassation qui statue sur la légalité de la décision intervenue ".

De fait, les jugements du tribunal de police ne peuvent donner lieu à appel que dans certaines circonstances. Il n'existe pas en outre d'appel en matière criminelle ni devant la Cour de justice de la République.

Il paraît donc singulier de vouloir énoncer en tête du code de procédure pénale un principe que notre procédure ne peut pas respecter. Certes, la question de l'appel en matière criminelle, posée depuis plusieurs années a donné lieu à un projet de loi examiné en première lecture par les deux assemblées, mais qui n'a pu être adopté en raison de l'alternance. Il fait, semble-t-il, l'objet de réflexions qui se prolongent au sein du Gouvernement. Il n'en demeure pas moins que le principe selon lequel une personne doit voir examinée sa condamnation par une autre juridiction n'est pas respecté à ce jour par la procédure pénale française et ne saurait donc être inscrit parmi les principes fondamentaux qui la gouvernent. Plutôt que d'inscrire un principe, votre commission formulera, dans un article additionnel après l'article 21 sexies, des propositions importantes en ce qui concerne la question du double degré de juridiction en matière criminelle.

D'une manière plus générale, il paraît souhaitable que les principes inscrits en tête du code de procédure pénale s'adressent au juge, chargé d'appliquer la loi, et non au législateur lui-même. Ainsi, la séparation des autorités de poursuite et des autorités de jugement est un principe important, mais qui relève de la seule responsabilité du législateur.

Compte tenu de ces remarques, votre commission vous soumet, par un amendement , une nouvelle rédaction de l'article premier, tenant compte à la fois des propositions du Gouvernement et des améliorations apportées par l'Assemblée nationale.

Votre commission vous soumet l'article premier ainsi modifié .

Article 1er bis
(Article 81 du code de procédure pénale)
Instruction à charge et décharge

L'article 81 du code de procédure pénale définit les missions du juge d'instruction et prévoit en particulier qu'il procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité.

L'Assemblée nationale a souhaité compléter cette disposition pour prévoir que le juge d'instruction instruit à charge et à décharge. Il est clair qu'un tel principe va de soi, la mission du juge d'instruction étant de parvenir à la manifestation de la vérité . Toutefois, il n'est pas inutile d'inscrire ce principe dans le code de procédure pénale, afin d'inciter chaque magistrat instructeur à garder à l'esprit l'objectivité qui doit être la sienne dans la conduite d'une information judiciaire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 1 er ter
(Article 81 du code de procédure pénale)
Contenu de l'ordonnance de règlement

Cet article a pour objet, comme le précédent, de compléter le premier alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale, afin de prévoir que l'ordonnance de règlement comporte les mentions spécifiques relatives aux diligences accomplies par le juge d'instruction pour instruire à charge et à décharge.

Cette disposition peut susciter quelque étonnement. Lorsqu'il procède ou fait procéder à un acte d'instruction, le juge d'instruction peut difficilement savoir s'il est à charge ou à décharge. Un examen psychologique est-il une diligence à charge ou à décharge ? Seul le résultat permettra de le déterminer. A l'audience même, une expertise peut être interprétée par les parties à charge ou à décharge. Il paraît difficile de contraindre un magistrat instructeur à répartir la liste des actes qu'il a ordonnés entre des actes à charge et des actes à décharge.

Votre commission vous propose la suppression de cet article.

TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION
DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE

CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES DROITS DE LA DÉFENSE
ET LE RESPECT DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE

SECTION 1
Dispositions relatives à la garde à vue

Article 2A
(Article 41 du code de procédure pénale)
Contrôle des mesures de garde à vue
par le Procureur de la République

L'article 41 du code de procédure pénale, relatif aux prérogatives du Procureur de la République, prévoit notamment que celui-ci contrôle les mesures de garde à vue, sans qu'aucune précision complémentaire soit apportée. La circulaire relative à la loi du 4 janvier 1993, qui a prévu l'inscription de cette disposition dans le code de procédure pénale dispose simplement que " Comme par le passé, le déplacement sur les lieux d'exécution des mesures de garde à vue permettra au magistrat du parquet de s'assurer du bon déroulement de celles-ci et du respect des formalités prévues par le présent code ".

Il semble en pratique que les procureurs de la République ne soient pas en mesure de se rendre fréquemment sur les lieux de gardes à vue. L'Assemblée nationale a donc souhaité renforcer l'efficacité de cette disposition en prévoyant que le procureur visite les locaux de garde à vue chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par trimestre .

Une disposition assez semblable existe en matière de détention provisoire puisque l'article 222 du code de procédure pénale prévoit que le président de la chambre d'accusation " chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par trimestre, visite les maisons d'arrêt du ressort de la cour d'appel et y vérifie la situation des personnes mises en examen en état de détention provisoire ".

Il existe environ 5 000 lieux de garde à vue en France et la mise en oeuvre de cette mesure pourrait impliquer une centaine de visites par an pour chaque parquet. Il s'agit naturellement d'une charge importante pour les procureurs et leurs substituts, mais il paraît effectivement souhaitable de renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur le déroulement des gardes à vue.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Articles 2B et 2C
(Articles 62, 63, 153 et 154 du code de procédure pénale)
Harmonisation des règles de garde à vue
en fonction de la nature de l'enquête

La garde à vue d'une personne est possible lors d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire et de l'exécution d'une commission rogatoire du juge d'instruction. Les régimes prévus dans ces différents cas comportent des différences que l'Assemblée nationale a souhaité faire disparaître en adoptant les articles 2B et 2C.

L'article 77 du code de procédure pénale, qui concerne l'enquête préliminaire, prévoit que l'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, garder à sa disposition toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction.

Les articles 63 et 154 du code de procédure pénale, respectivement relatifs à l'enquête de flagrance et aux commissions rogatoires du juge d'instruction, ne limitent pas la garde à vue aux personnes à l'encontre desquelles il existe des indices.

L'article 63 permet en effet à l'officier de police judiciaire de garder à sa disposition toute personne présente sur les lieux de l'infraction ainsi que toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets et documents soumis. En revanche, la garde à vue ne peut être prolongée que pour les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction. Il est en outre prévu que les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice ne peuvent être retenues que le temps nécessaire à leur déposition. Dans ces conditions, les deux régimes ne semblent pas très différents, mais il paraît théoriquement possible, au cours d'une enquête de flagrance, qu'une personne à l'encontre de laquelle il n'existe aucun indice soit entendue pendant vingt-quatre heures, ce qui n'est pas possible en matière d'enquête préliminaire.

En ce qui concerne l'article 154 du code de procédure pénale, relatif aux commissions rogatoires du juge d'instruction, il prévoit simplement que l'officier de police judiciaire peut garder à vue une personne à sa disposition. Comme en matière d'enquête de flagrance, il est précisé que les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice ne peuvent être retenues que le temps nécessaire à leur audition.

L'article 2 B du projet de loi, introduit par l'Assemblée nationale, tend à harmoniser les rédactions en ce qui concerne les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction. Lors d'une enquête de flagrance ou de l'exécution d'une commission rogatoire, ces personnes ne pourraient être retenues, comme c'est déjà le cas en matière d'enquête préliminaire que " le temps strictement nécessaire à leur audition ". Ces dispositions seraient inscrites dans l'article 62 du code de procédure pénale (relatif à la possibilité pour l'officier de police judiciaire d'entendre les personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets et documents saisis) en ce qui concerne l'enquête de flagrance, et dans l'article 153 (relatif à la déposition des témoins) en ce qui concerne les commissions rogatoires.

Ces dispositions, qui tendent à uniformiser les régimes d'auditions des personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice pouvant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction méritent d'être approuvées.

L'article 2C du projet, également introduit par l'Assemblée nationale, tend tout d'abord à prévoir, en matière d'enquête de flagrance et de commission rogatoire, que l'officier de police judiciaire peut placer en garde à vue les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction. Il s'agit de la reprise du texte existant d'ores et déjà en matière d'enquête préliminaire, l'objectif étant d' éviter la mise en garde à vue de simples témoins .

Cette harmonisation est bienvenue, même s'il convient de garder à l'esprit que sa portée est difficile à apprécier. D'ores et déjà en effet, les officiers de police judiciaire ne peuvent retenir les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice que le temps nécessaire à leur audition. Par ailleurs, la frontière entre l'absence d'indices et l'existence de tels indices est, dans certaines affaires, extrêmement ténue.

Il faut en outre noter qu'une personne placée en garde à vue bénéficie de droits importants, que le présent projet de loi tend à renforcer, tandis que ces droits ne sont pas ouverts au témoin. Néanmoins, il paraît normal que le régime de la garde à vue soit le même, quel que soit le type d'enquête.

L'article 2C prévoit par ailleurs, en matière de flagrance et de commission rogatoire, que le procureur de la République doit être informé de la mesure " dès le début de la garde à vue " alors que les textes actuels prévoient son information " dans les meilleurs délais ". L'Assemblée nationale a prévu la même disposition en matière d'enquête préliminaire à l'article 2 bis du projet.

Le débat sur le moment de l'information du procureur de la République a déjà eu lieu en 1993. La loi du 4 janvier 1993 prévoyait en effet que le procureur devait être informé " sans délai " des mesures de garde à vue. Cette prescription a soulevé de nombreuses difficultés et a conduit à des pratiques ne respectant pas son esprit, ce qui a conduit le législateur à retenir, dans la loi du 24 août 1993, l'information du procureur " dans les meilleurs délais ".

A cet égard, la circulaire du 24 août 1993 indique que " pour pallier les difficultés de tous ordres résultant des dispositions issues de la loi du 4 janvier 1993, il a été décidé dans de nombreuses juridictions que l'information du procureur de la République serait assurée par télécopie. Aussi, la lettre extrêmement exigeante de la loi était-elle satisfaite mais son esprit méconnu, dans la mesure où le procureur de la République ne se trouvait pas nécessairement informé immédiatement du placement en garde à vue dans des conditions lui permettant d'exercer un contrôle effectif ".

Dans sa décision du 11 août 1993, relative à la loi du 24 août 1993, le Conseil constitutionnel a estimé que l'expression " dans les meilleurs délais " devait s'entendre comme " prescrivant une information qui, si elle ne peut être immédiate pour des raisons objectives tenant aux nécessités de l'enquête, doit s'effectuer dans les plus brefs délais possibles, de manière à assurer la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue ".

Il semble que les termes de la loi du 24 août 1993 donnent actuellement satisfaction. Ils permettent une certaine souplesse en ce qui concerne l'information du procureur, ce qui paraît indispensable pour que la loi soit effectivement appliquée. Un entretien téléphonique intervenant un matin entre un officier de police judiciaire et le procureur à propos d'une garde à vue qui a débuté dans la nuit n'est-il pas préférable à l'envoi d'une télécopie dans un bureau vide au milieu de la nuit ?

Il est vraisemblable que les pratiques actuelles perdureront et que, conformément à la décision du Conseil constitutionnel, l'information sera donnée dans les plus brefs délais possibles. Néanmoins, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale a le mérite de mettre l'accent sur l'importance de l'information du procureur en cas de garde à vue.

Elle vous propose d'adopter les articles 2 B et 2 C sans modification .

Article 2D
(Article 63-1 du code de procédure pénale)
Notification de ses droits à la personne gardée à vue

L'article 63-1 du code de procédure pénale prescrit qu'une personne placée en garde à vue doit immédiatement être informée de son droit de demander qu'une personne de son entourage soit informée, de son droit de demander à être examinée par un médecin, enfin de son droit de demander, lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la garde à vue, à s'entretenir avec un avocat. Elle doit en outre être informée des dispositions relatives à la durée de la garde à vue.

L'Assemblée nationale a souhaité compléter cet article en prévoyant, dans le premier paragraphe de l'article 2D du projet, que la personne gardée à vue doit être informée de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête. L'article 5-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que " toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle ".

Il peut donc paraître utile de prévoir que la personne gardée à vue doit être informée de la nature de l'infraction recherchée. Il est vraisemblable que cette information est d'ores et déjà donnée dans la plupart des cas, compte tenu de la difficulté qu'il peut y avoir à conduire des interrogatoires sans évoquer l'infraction recherchée.

Le second paragraphe de l'article 2D tend à modifier l'article 63-1 du code de procédure pénale pour prévoir que les dispositions de l'article 77-2 sont portées à la connaissance de la personne gardée à vue. L'article 20 du projet de loi tend en effet à insérer un article 77-2 dans le code de procédure pénale, qui permettrait à une personne ayant fait l'objet d'une mesure de garde à vue d'interroger le procureur sur la suite donnée à la procédure lorsqu'elle n'a pas fait l'objet de poursuites à l'issue d'un délai de six mois à compter de la fin de la garde à vue.

Si le renforcement de l'information des personnes mises en cause est un objectif louable, il est possible de se demander s'il est vraiment pertinent d'informer une personne, dès le début d'une garde à vue, du fait qu'elle pourra, six mois plus tard, interroger le procureur de la République sur la suite donnée à la procédure.

Votre commission estime qu'une telle information, à ce stade de la procédure, ne fait pas partie de celles qui sont utiles à la personne mise en garde à vue. Elle vous soumet donc un amendement de suppression de cette disposition.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 D ainsi modifié .

Article 2 E
(Article 63-1 du code de procédure pénale)
Notification à la personne gardée à vue de son droit

de ne pas répondre aux questions

Comme le précédent, cet article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, tend à modifier l'article 63-1 du code de procédure pénale.

L'Assemblée nationale a en effet souhaité que la personne gardée à vue soit immédiatement informée qu'elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs. D'autres amendements présentés à l'Assemblée nationale tendaient à inscrire dans le code de procédure pénale le droit pour la personne gardée à vue de garder le silence, mais le garde des sceaux a estimé qu'il était souhaitable que les enquêteurs puissent poser des questions à la personne.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article additionnel après l'article 2 E
(Article 63-1 du code de procédure pénale)
Garde à vue d'une personne atteinte de surdité

L'Assemblée nationale a adopté des dispositions destinées à permettre aux personnes atteintes de surdité d'être assistées, au cours des audiences, par une personne disposant des compétences nécessaires ou de bénéficier d'un dispositif technique leur permettant de communiquer.

Votre commission estime que ce droit doit exister à tous les stades de la procédure pénale et vous propose donc de le prévoir à l'égard des personnes placées en garde à vue.

Article 2 F
(Article 63-2 du code de procédure pénale)
Droit pour la personne gardée à vue de faire informer
un membre de son entourage

L'article 63-2 du code de procédure pénale permet à toute personne placée en garde à vue de faire prévenir par téléphone une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs ou son employeur de la mesure dont elle est l'objet.

La circulaire du 1 er mars 1993 précise que " le texte ne prévoit pas expressément le délai dans lequel cette information d'un membre de la famille doit être assurée .

L'officier de police judiciaire peut donc concilier les exigences imposées par l'enquête (transport sur les lieux, perquisition éventuelle au domicile familial...) avec le souci de prévenir en temps utile une famille susceptible de s'inquiéter de l'absence de l'un de ses membres. Cette information ne saurait cependant être trop différée dans le temps : ainsi, l'avis à la famille doit-il, en règle générale, être donné avant la première nuit passée dans le service par la personne concernée . "

L'Assemblée nationale a souhaité modifier l'article 63-2 pour que l'information de la famille soit assurée " sans délai ". Dans ces conditions, l'officier de police judiciaire devrait immédiatement faire droit à la demande de la personne ou saisir le procureur s'il estimait ne pas devoir faire droit à cette demande en raison des nécessités de l'enquête. Cette saisine du procureur est en effet déjà prévue par l'article 63-2 du code de procédure pénale.

L'équilibre proposé par l'Assemblée nationale paraît satisfaisant et votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 2 G
(Article 716 du code de procédure pénale)
Régime de l'emprisonnement individuel pour les prévenus

Curieusement, l'Assemblée nationale a introduit un article sur le régime d'emprisonnement des prévenus dans le chapitre du projet de loi relatif à la garde à vue.

L'article 716 du code de procédure pénale, dans sa rédaction actuelle, prévoit que les personnes en détention provisoire sont placées au régime de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit. Toutefois, des dérogations sont prévues, d'une part en raison des nécessités d'organisation du travail lorsque les intéressés ont demandé à travailler, d'autre part " en raison de la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou de leur encombrement temporaire ".

L'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, a estimé souhaitable de supprimer la dérogation liée à la distribution des maisons d'arrêt ou à leur encombrement. Sur proposition de son rapporteur, elle a décidé de reporter l'application de cette mesure trois ans après la publication de la loi.

Le principe de l'emprisonnement individuel pour les personnes mises en détention provisoire est important car il peut permettre de limiter, autant que faire se peut, le traumatisme lié à l'incarcération que subissent des personnes présumées innocentes. Il semble toutefois que ce principe soit aujourd'hui une exception, du fait de l'encombrement des maisons d'arrêt françaises. Au 1 er mai 1999, 21 197 prévenus et 18 998 condamnés étaient incarcérés dans les maisons d'arrêt, soit un total de 40 195 détenus pour une capacité opérationnelle de 31 687 places. Le présent projet de loi a notamment pour objectif de réduire le nombre de détentions provisoires et de limiter leur durée. Il est donc possible d'espérer que la situation s'améliorera à l'avenir.

Le présent article doit conduire le Gouvernement à mener une action vigoureuse, afin que les prévenus soient enfin réellement traités comme des personnes présumées innocentes. Il est vrai que, dans quelques cas, il est préférable de ne pas laisser une personne seule dans une cellule, surtout au début d'une détention, mais cela ne saurait justifier l'état actuel des maisons d'arrêt.

Certaines situations ne peuvent plus être acceptées dans un Etat de droit.

Dans ces conditions, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 2
(Article 63-4 du code de procédure pénale)
Demande d'entretien avec l'avocat dès le début de la garde à vue

L'article 2 du projet de loi, présenté comme l'une des dispositions les plus importantes du texte, prévoit la possibilité pour une personne gardée à vue de demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la garde à vue .

Actuellement, une personne gardée à vue peut demander à s'entretenir avec un avocat lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la mesure. La personne peut désigner un avocat. A défaut de désignation ou si l'avocat choisi ne peut se déplacer, la personne peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier. Le bâtonnier doit alors être informé de la demande par tous moyens et sans délai. L'avocat doit pouvoir communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. La durée de l'entretien ne peut excéder trente minutes. L'avocat est informé de la nature de l'infraction recherchée ; il peut, à l'issue de l'entretien, présenter des observations écrites qui sont jointes à la procédure. L'avocat ne peut faire état de l'entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue.

Le délai à l'issue duquel la personne gardée à vue peut demander à s'entretenir avec un avocat est porté à trente-six heures lorsque l'enquête a pour objet la participation à une association de malfaiteurs, les infractions de proxénétisme ou d'extorsion de fonds aggravées ou une infraction commise en bande organisée. La demande d'entretien n'est possible qu'à l'issue de la soixante-douzième heure de garde à vue en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants.

L'article 2 du projet de loi tend à modifier de manière importante le régime de l'entrevue avec l'avocat :

- la personne gardée à vue pourrait désormais demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la garde à vue et non lorsque vingt heures se sont écoulées ;

- le projet de loi initial prévoyait que la personne pouvait également demander à s'entretenir avec un avocat en cas de prolongation de la garde à vue ; l'Assemblée nationale a choisi de permettre, pour éviter que certaines gardes à vue soient prolongées sans nécessité, une nouvelle intervention de l'avocat à l'issue de la vingtième heure plutôt qu'en cas de prolongation, puis, le cas échéant, à l'issue de la douzième heure de prolongation ;

- l'avocat ne serait plus seulement informé de la nature de l'infraction recherchée, mais également de sa date présumée.

Ce dispositif appelle plusieurs observations :

• L'idée de permettre l'intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue n'est pas neuve. La loi du 4 janvier 1993 avait prévu cette disposition tout en reportant son application au 1 er janvier 1994. Dans la proposition de loi qui a donné naissance à la loi du 24 août 1993, M. le président Jacques Larché avait proposé de retenir le principe de l'intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue, tout en l'assortissant de certaines exceptions pour les nécessités de l'enquête ou lorsqu'étaient recherchées certaines infractions particulières.

Les débats parlementaires ont finalement conduit à maintenir le régime transitoire prévu par la loi du 4 janvier 1993, à savoir l'intervention de l'avocat à l'issue de la vingtième heure de garde à vue. Un report de l'entretien à l'issue de la trente-sixième heure a été prévu pour certaines infractions tandis qu'aucun entretien n'était prévu en matière de trafic de stupéfiants et de terrorisme. Cette dernière disposition a été annulée par le Conseil constitutionnel. La loi du 1 er février 1994 a alors prévu l'intervention de l'avocat à l'issue de la soixante-douzième heure de garde à vue dans ces derniers cas.

• La possibilité d'intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue conduit à s'interroger sur la nature de cette intervention. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 11 août 1993, avait estimé que " le droit de la personne à s'entretenir avec un avocat au cours de la garde à vue constitue un droit de la défense, qui s'exerce durant la phase d'enquête de la procédure pénale (...) ". Il est toutefois difficile de considérer qu'un entretien de trente minutes avec un avocat, qui ne peut prendre connaissance du dossier, permettra réellement d'assurer l'organisation d'une défense. Au demeurant, au début d'une garde à vue, il n'existe bien souvent aucun dossier. Il semble donc que l'intervention de l'avocat -qu'elle soit possible au début de la garde à vue ou à l'issue de la vingtième heure- ait surtout pour objet de vérifier que la garde à vue se déroule dans de bonnes conditions et de permettre à l'avocat de prodiguer quelques conseils à la personne.

• La principale question que pose la modification des règles relatives à la présence de l'avocat au cours de la garde à vue est celle des moyens humains et financiers.

Dans l'étude d'impact du projet de loi, le Gouvernement a procédé à une évaluation de cette mesure. Les statistiques en matière de garde à vue ne permettent d'isoler que les gardes à vue d'une durée de moins de vingt-quatre heures et les gardes à vue d'une durée supérieure. En 1996, 24.824 des 61.735 personnes gardées à vue plus de vingt-quatre heures ont pu s'entretenir avec un avocat, soit 40,6 %.

Le Gouvernement a appliqué ce pourcentage au nombre total de personnes gardées à vue en 1996 et, compte tenu des tarifs actuels en matière d'intervention des avocats au cours de gardes à vue en cas de demande d'aide juridictionnelle, a chiffré le coût de cette mesure à 54.553.389 F . Pour tenir compte des contraintes d'organisation et de permanence entraînées par la réforme, le Gouvernement a augmenté cette estimation de 20 %, portant ainsi le coût total estimé à 55.841.000 F .

Il est possible de se demander si cette estimation ne risque pas de s'avérer insuffisante. En premier lieu, elle repose sur les statistiques de 1996 et le nombre de gardes à vue a très fortement augmenté en 1997. En second lieu, elle ne prend en compte que l'hypothèse d'un unique entretien avec l'avocat, alors que le texte adopté par l'Assemblée nationale permet, au cours d'une garde à vue prolongée, trois entretiens successifs entre un avocat et la personne gardée à vue. Enfin, il est difficile de savoir quel sera l'impact du nouveau régime. Il est loin d'être exclu que plus de 40 % des personnes mises en garde à vue demande l'intervention d'un avocat si celle-ci est possible au début de la mesure.

Les moyens humains suscitent une inquiétude plus grande encore. On estime actuellement que 60 % des demandes d'entretien avec un avocat formulées au cours des gardes à vue sont satisfaites, alors que ces demandes, selon le Gouvernement, ne sont qu'au nombre de 24.000. Qu'adviendra-t-il lorsque le nombre de demandes sera beaucoup plus élevé ? Les personnes ayant un avocat pourront naturellement le faire appeler, mais qu'en sera-t-il des personnes qui demandent qu'un avocat leur soit commis d'office ? Dès à présent, les barreaux ont des difficultés à satisfaire les demandes. Il est à craindre que la situation ne s'aggrave fortement.

En 1991, la commission " Justice pénale et droits de l'homme " présidée par Mme Mireille Delmas-Marty, avait recommandé la présence de l'avocat au cour des gardes à vue tout en lançant cet avertissement : " (...) l'opportunité d'une telle réforme est subordonnée aux conditions pratiques de sa mise en oeuvre. Que celles-ci soient négligées et il en résulterait, non l'amélioration recherchée des garanties, dont doivent bénéficier tous les justiciables, mais une aggravation des inégalités face à la justice ".

Il est clair que la mise en oeuvre de la réforme aujourd'hui proposée peut susciter des inquiétudes légitimes quant à ses conditions de mise en oeuvre. Il paraît difficile de considérer simplement, comme le fait l'étude d'impact, que " il conviendra que l'ensemble des barreaux se mobilise pour la mise en oeuvre de cette mesure, afin qu'elle s'applique de la même manière sur l'ensemble du territoire ".

Votre commission souhaite donc insister sur la nécessité que soient mis en oeuvre des moyens suffisants pour que cette mesure puisse être appliquée de manière satisfaisante et que le plus grand nombre de demandes possible puisse être satisfait.

• En ce qui concerne les effets de la possibilité offerte à une personne de demander l'intervention d'un avocat dès le début de la garde à vue, il est clair que ce nouveau droit ne doit pas avoir pour effet de paralyser l'enquête. Aussi, si l'avocat ne peut arriver immédiatement, les enquêteurs devraient pouvoir commencer les interrogatoires et les investigations nécessaires. Le texte ne donne aucun délai à l'avocat pour se présenter en garde à vue, de sorte qu'il est possible qu'il n'arrive que plusieurs heures après avoir été appelé. Dans un tel cas, les nécessités de l'enquête et les droits de la défense devront être conciliés, ce qui pourrait impliquer que l'avocat doive attendre avant de s'entretenir avec la personne si, par exemple, une perquisition était en cours.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 2 bis
(Article 77 du code de procédure pénale)
Information du procureur dès le début de la garde à vue
en cas d'enquête préliminaire

Cet article tend à modifier l'article 77 du code de procédure pénale relatif à la garde à vue au cours d'une enquête préliminaire, afin de prévoir l'information du procureur de la République dès le début de la garde à vue et non plus dans les meilleurs délais comme actuellement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 2 ter
(Article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945)
Enregistrement des interrogatoires des mineurs

Cet article, introduit dans le projet par l'Assemblée nationale, tend à compléter l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui porte sur le régime de la garde à vue des mineurs, afin de prévoir l'enregistrement sonore des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue. L'enregistrement serait placé sous scellés fermés et sa copie serait versée au dossier. Sur décision d'un magistrat, l'enregistrement original pourrait être écouté au cours de la procédure.

Au Sénat, une proposition de loi (n° 264 rectifiée), déposée par M. Xavier Dugoin et plusieurs de ses collègues, prévoit pour sa part l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires pendant l'ensemble des gardes à vue. Les enregistrements seraient consultables pendant une période de six mois, à la demande des personnes ayant été mises en garde à vue ou de leurs représentants et également du magistrat instructeur.

La commission de réflexion sur la justice a pour sa part estimé " indispensable l'enregistrement par magnétophone des interrogatoires et confrontations en cours de garde à vue, les bandes immédiatement placées sous scellés étant écoutées en cas de divergence entre les propos rapportés par procès-verbal et les déclarations ultérieures ".

L'enregistrement audiovisuel des interrogatoires paraît avoir un intérêt réduit. Il semble avoir pour objet d'éviter certains comportements répréhensibles au cours de la garde à vue. Les auteurs de la proposition de loi n° 264 rectifiée font valoir que " nombre d'avocats ou de personnes ayant connu la garde à vue font état de méthodes employées par les enquêteurs qui contreviendraient au respect des droits de l'individu (propos injurieux, menaces, fouilles au corps...) ". Le droit d'être examiné par un médecin, l'intervention de l'avocat, éventuellement à trois reprises au cours d'une garde à vue, doivent permettre d'éviter ces comportements que l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires ne suffirait quant à lui pas à empêcher.

En revanche, la mise en place d'un enregistrement sonore des interrogatoires de gardes à vue peut paraître séduisante. Les déclarations faites au cours des gardes à vue et transcrites dans les procès-verbaux font en effet souvent l'objet de contestations et il serait sous doute utile de disposer d'une trace précise des déclarations.

Il paraît cependant singulier de limiter l'enregistrement des interrogatoires aux mineurs. Il est certes possible de considérer que les mineurs sont particulièrement vulnérables, mais il existe d'autres catégories de personnes qui le sont autant. Surtout, l'enregistrement des interrogatoires des mineurs impliquera l'équipement de l'ensemble des lieux de garde à vue en magnétophones. Dès lors, il ne serait sans doute pas beaucoup plus coûteux de prévoir l'enregistrement sonore des interrogatoires au cours de l'ensemble des mesures de garde à vue.

Sur le fond, il convient de garder à l'esprit qu'une telle mesure ne sera pas nécessairement favorable -loin s'en faut- à la personne gardée à vue. L'enregistrement de ses aveux risque de rendre plus difficile une rétractation ultérieure.

En outre, les dispositions proposées par cet article sont très imprécises en ce qui concerne la valeur juridique de ces enregistrements et les possibilités d'utilisation au cours de la procédure. Serait-il possible de diffuser l'enregistrement devant une cour d'assises ?

Votre commission estime au moins prématurée cette mesure, qui pourrait avoir des conséquences opposées à celles qui paraissent en être attendues.

Elle vous propose la suppression de cet article.

SECTION 2
Dispositions relatives à la désignation de l'avocat
au cours de l'instruction


Article 3
(Articles 115 et 116 du code de procédure pénale)
Modalités de désignation de l'avocat

Dans sa rédaction actuelle, l'article 115 du code de procédure pénale prévoit que les parties peuvent, à tout moment d'une information, faire connaître au juge d'instruction le nom de l'avocat qu'elles ont choisi. Lorsqu'elles ont plusieurs avocats, elles doivent faire connaître celui d'entre eux auquel seront adressées les convocations et notifications.

Cet article, tel qu'il a été interprété par la Cour de cassation, ne permet pas à l'avocat d'informer lui-même le juge d'instruction du fait qu'il a été choisi par une partie. Lorsqu'une personne est en détention provisoire, cela peut entraîner des retards dans la désignation de l'avocat et empêcher que celui-ci puisse s'entretenir avec son client.

Le premier paragraphe de l'article 3 du projet de loi tend donc à compléter l'article 115 du code de procédure pénale, afin de prévoir que, lorsqu'une personne est détenue, le choix de son avocat peut résulter d'un courrier adressé par cette personne à l'avocat et le désignant pour assurer sa défense. Une copie du courrier devrait alors être remise, en tout ou en partie, par l'avocat au cabinet d'instruction. La personne mise en examen devrait confirmer ce choix au juge d'instruction dans les quinze jours, sans que ce délai fasse obstacle à la communication du dossier à l'avocat.

Une telle simplification mérite d'être approuvée.

Le second paragraphe de cet article tend à modifier l'article 116 du code de procédure pénale, relatif à l'interrogatoire de première comparution au cours d'une information. Cet article prévoit notamment, lorsque la personne présentée au juge d'instruction n'a pas déjà demandé l'assistance d'un avocat, que le juge doit l'aviser de son droit de choisir un avocat ou de demander qu'il lui en soit désigné un d'office. L'avocat choisi ou, dans le cas d'une demande de commission d'office, le bâtonnier de l'ordre des avocats, en est informé par tous moyens et sans délai.

Le projet de loi tend à compléter ces hypothèses pour prévoir que lorsque l'avocat choisi ne peut être contacté ou ne peut se déplacer, la personne est avisée de son droit de demander qu'il lui en soit désigné un d'office pour l'assister au cours de la première comparution. Il s'agit d'une mesure utile pour l'exercice des droits de la défense.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

SECTION 2 BIS
Dispositions relatives aux modalités de mise en examen

Article 3 bis
(Article 80-1 du code de procédure pénale)
Caractère des indices permettant la mise en examen

Le projet de loi initial ne comportait aucune disposition relative à la mise en examen. L'Assemblée nationale a estimé utile de créer une section spécifique dans le projet de loi sur ce sujet, dans laquelle elle a inséré un unique article.

Actuellement, l'article 80-1 du code de procédure pénale prévoit que " le juge d'instruction a le pouvoir de mettre en examen toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice, aux faits dont il est saisi ".

L'article 3 bis du projet de loi, introduit par l'Assemblée nationale, tend à ne permettre la mise en examen que des personnes à l'encontre desquelles il existe des " indices précis ".

Il est pour le moins difficile de savoir où se situe la frontière entre des " indices " et des " indices précis ". Ce terme n'est jusqu'à présent pas employé dans le code de procédure pénale et l'on ne voit guère en quoi il modifierait la situation actuelle.

En revanche, votre commission estime qu'il est souhaitable que la mise en examen n'intervienne que sur des bases solides, d'autant plus que le statut de témoin assisté sera généralisable jusqu'à ce stade de l'instruction compte tenu de la rédaction qu'elle vous propose à l'article 7.

Elle vous soumet un amendement tendant à ne permettre la mise en examen d'une personne que lorsqu'il existe contre elle des indices graves et concordants laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice à une infraction.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 3 bis
(Article 80-1 du code de procédure pénale)
Mise en examen par lettre recommandée

L'article 80-1 du code de procédure pénale permet au juge d'instruction de mettre en examen une personne par lettre recommandée. Votre commission estime anormal qu'une personne puisse être mise en examen sans avoir jamais eu la possibilité d'être entendue par le magistrat instructeur.

Elle propose donc, par un amendement, que le juge d'instruction qui envisage de mettre en examen une personne par lettre recommandée doive au préalable l'informer de son intention par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La personne pourrait alors, dans un délai de trois jours suivant la réception, demander à être entendue par le juge d'instruction en présence de son avocat. Le juge serait tenu de faire droit à cette demande. A défaut d'une telle demande ou si la personne ne répondait pas à la convocation, il pourrait procéder à la mise en examen par lettre recommandée.

SECTION 3
Dispositions étendant les droits des parties
au cours de l'instruction


Article 4
(Article 82-1 du code de procédure pénale)
Demandes d'actes par les parties

L'article 82-1 du code de procédure pénale permet aux parties, au cours de l'information, de saisir le juge d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à leur audition ou à leur interrogatoire, à l'audition d'un témoin, à une confrontation ou à un transport sur les lieux, ou à ce qu'il soit ordonné la production par l'une d'elles d'une pièce utile à l'information.

• Le paragraphe I de l'article 4 du projet de loi tend à préciser que les parties peuvent demander à ce qu'il soit procédé à tous autres actes qui leur paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité.

Cette modification tend à parachever l'évolution intervenue avec la loi du 4 janvier 1993. Avant cette loi, le droit pour les parties de demander des actes n'était prévu qu'en matière d'expertises. La loi du 4 janvier 1993 a permis aux parties de formuler d'autres demandes d'actes, en particulier ceux prévus dans le texte actuel de l'article 82-1 du code de procédure pénale. La possibilité pour les parties de demander à ce qu'il soit procédé à tous actes qui leur paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité est difficilement contestable. En effet, le Procureur de la République a d'ores et déjà le droit de " requérir du magistrat instructeur tous actes lui paraissant utiles à la manifestation de la vérité ".

La seule crainte que peut inspirer une extension de ce droit aux parties est celle d'un alourdissement de la charge de travail du juge d'instruction et d'un ralentissement de la procédure. Le juge peut en effet refuser de faire droit aux demandes des parties, mais doit le faire par une ordonnance motivée susceptible d'appel.

L'Assemblée nationale a souhaité compléter cette disposition afin de préciser les conditions auxquelles doivent répondre les demandes d'actes. L'article 8-2 du code de procédure pénale précise déjà que la demande doit être formée conformément au dixième alinéa de l'article 81, lequel prévoit notamment que la demande doit faire l'objet d'une déclaration au greffier du juge d'instruction. L'Assemblée nationale a souhaité prévoir explicitement que la demande d'acte doit porter sur des actes déterminés et, lorsqu'il s'agit d'une demande d'audition, préciser l'identité de la personne dont l'audition est souhaitée. Cette disposition, qui a pour objet d'éviter des demandes trop générales, figurait dans le projet initial, mais dans le second paragraphe de l'article, relatif aux demandes d'actes que la partie peut formuler en demandant qu'ils soient effectués en présence de son avocat.

• Le paragraphe II de cet article tend en effet à insérer un article 82-2 au sein du code de procédure pénale pour prévoir que, lorsqu'une personne mise en examen saisit le juge d'instruction d'une demande tendant à ce que ce magistrat procède à un transport sur les lieux, à l'audition d'un témoin, d'une partie civile ou d'une autre personne mise en examen, elle peut demander que cet acte soit effectué en présence de son avocat. La partie civile disposerait du même droit concernant un transport sur les lieux, l'audition d'un témoin ou d'une autre partie civile, l'interrogatoire de la personne mise en examen.

Le juge pourrait refuser ces demandes par ordonnance motivée susceptible d'appel. En cas d'acceptation de la demande, il convoquerait l'avocat dans les deux jours ouvrables avant la date du transport, de l'audition ou de l'interrogatoire. L'avocat pourrait intervenir dans les mêmes conditions qu'au cours des interrogatoires et des confrontations.

Cette disposition appelle quelques remarques. Elle ne concerne que des actes demandés par la partie. Le juge d'instruction n'est donc pas tenu de prévenir les parties de tous les actes auxquels il a l'intention de procéder, afin de leur permettre de demander que leur avocat y assiste.

Par ailleurs, si le juge refuse de faire droit à la demande de présence de l'avocat au cours d'un transport, d'une audition ou d'un interrogatoire, l'appel éventuel de cette décision devant la chambre d'accusation n'empêchera nullement le juge d'instruction de procéder aux actes en cause, quitte, le cas échéant, à devoir les recommencer en présence de l'avocat.

Il convient enfin de noter que le procureur peut, pour sa part, déjà participer à un transport sur les lieux (article 92) ainsi qu'aux interrogatoires et confrontations de la personne mise en examen et aux auditions de la partie civile (article 119).

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 4 bis
(Article 82-3 nouveau du code de procédure pénale)
Constatation de la prescription de l'action publique
au cours de l'instruction

Cet article, inscrit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 82-3 destiné à faciliter la constatation de la prescription de l'action publique au cours de l'instruction. Actuellement, les parties peuvent demander au juge d'instruction de constater la prescription de l'action publique, mais si celui-ci refuse de faire droit à cette demande, la prescription ne peut être constatée que lors du jugement au fond, de sorte que certaines personnes peuvent demeurer mises en examen pendant une longue période, alors même que l'action publique est prescrite.

Dans un arrêt du 19 janvier dernier, la chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé que " la décision du juge d'instruction, rejetant l'exception de prescription invoquée par la personne mise en examen, ne figure pas parmi les ordonnances dont, en application des articles 186 et 186-1 du code de procédure pénale, celle-ci peut relever appel, ses droits demeurant entiers devant la juridiction de jugement ".

Pour faire face à cette situation, l'article 4 bis tend à créer un article 82-3 dans le code de procédure pénale, afin de prévoir que le juge d'instruction doit statuer par une ordonnance motivée lorsqu'il conteste le bien-fondé d'une demande des parties tendant à constater la prescription de l'action publique.

Par ailleurs, cet article tend à modifier l'article 186-1 du code de procédure pénale, relatif aux ordonnances susceptibles d'appel devant la chambre d'accusation, afin d'inclure parmi la liste de ces ordonnances celles contestant le bien-fondé d'une demande de constatation de la prescription de l'action publique.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à rectifier une erreur matérielle.

Elle vous propose d'adopter l'article 4 bis ainsi modifié .

Article 4 ter
(Article 116 du code de procédure pénale)
Première comparution

L'article 116 du code de procédure pénale, relatif à la première comparution devant le juge d'instruction, prévoit notamment, dans sa rédaction actuelle, que le juge d'instruction avertit la personne qu'elle ne peut être immédiatement interrogée qu'avec son accord, que cet accord ne peut être recueilli qu'en présence de son avocat, qu'enfin, si la personne désire faire des déclarations, celles-ci sont immédiatement reçues par le juge d'instruction.

L'Assemblée nationale a pris l'initiative de modifier cette partie de l'article 116, afin de consacrer le droit au silence de la personne qui comparaît devant le juge d'instruction. Ainsi, le juge d'instruction devrait avertir la personne qu'elle a le droit soit de se taire, soit de faire des déclarations, soit d'être interrogée. L'accord pour être interrogé ne pourrait, comme actuellement, être donné qu'en présence d'un avocat.

A vrai dire, cet article ne paraît pas apporter un changement décisif par rapport au droit actuel, puisqu'une personne a déjà le droit de se taire au cours des interrogatoires menés par le juge d'instruction.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 4 quater
(Article 120 du code de procédure pénale)
Organisation des interrogatoires et confrontations

L'article 120 du code de procédure pénale prévoit actuellement qu'au cours des interrogatoires et confrontations, le procureur de la République et les avocats des parties ne peuvent prendre la parole que pour poser des questions après y avoir été autorisés par le juge d'instruction. En cas de refus, le texte des questions est reproduit et joint au procès-verbal.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant une nouvelle rédaction de cet article, destinée à renforcer les droits de la défense en permettant aux parties d'intervenir de manière plus active dans les interrogatoires et confrontations.

Le juge d'instruction conserverait la direction des interrogatoires, confrontations et auditions. Le procureur et les avocats des parties pourraient poser des questions ou présenter de brèves observations. Le juge d'instruction déterminerait, s'il y a lieu, l'ordre des interventions et pourrait y mettre un terme lorsqu'il s'estimerait suffisamment informé. Il pourrait s'opposer aux questions de nature à nuire au bon déroulement de l'information ou à la dignité de la personne.

Le changement proposé peut paraître symbolique, mais semble effectivement renforcer le caractère contradictoire de la procédure, même si l'on peut penser que nombre de juges d'instruction dirigent d'ores et déjà les interrogatoires en permettant aux parties d'intervenir.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article additionnel après l'article 4 quater
(Article 121 du code de procédure pénale)
Mise en examen d'une personne atteinte de surdité

L'Assemblée nationale a adopté des dispositions destinées à permettre aux personnes atteintes de surdité d'être assistées, au cours des audiences, par une personne disposant des compétences nécessaires ou de bénéficier d'un dispositif technique leur permettant de communiquer.

Votre commission estime que de droit doit exister à tous les stades de la procédure pénale et vous propose donc de le prévoir, pendant le déroulement de l'information, à l'égard des personnes mises en examen.

Article 5
(Articles 156, 164 et 167 du code de procédure pénale)
Renforcement des droits des parties en matière d'expertise

Cet article a pour objet de renforcer les droits des parties en ce qui concerne les expertises ordonnées au cours de l'instruction.

• Le paragraphe I tend à compléter le premier alinéa de l'article 156 du code de procédure pénale, qui prévoit que toute juridiction d'instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d'ordre technique, peut, soit à la demande du ministère public, soit d'office, ou à la demande des parties, ordonner une expertise. Ce texte serait complété pour prévoir que le ministère public ou la partie qui demande une expertise peut préciser dans sa demande les questions qu'il voudrait voir poser à l'expert.

• Le paragraphe II de cet article tend à compléter l'article 164 du code de procédure pénale. Cet article prévoit que les experts peuvent recevoir les déclarations de personnes autres que la personne mise en examen. En ce qui concerne la personne mise en examen, elle peut être interrogée en présence des experts par le juge d'instruction en observant certaines formalités (présence de l'avocat dûment convoqué, avertissement du procureur de la République).

Toutefois, la personne mise en examen peut renoncer au bénéfice de cette déclaration expresse devant le juge d'instruction et fournir aux experts, en présence de son avocat, les explications nécessaires à l'exécution de leur mission. La personne mise en examen peut également renoncer, par déclaration écrite remise aux experts, à l'assistance de son avocat pour une ou plusieurs auditions.

Enfin, les médecins et les psychologues chargés d'examiner la personne mise en examen peuvent lui poser les questions nécessaires à l'accomplissement de leur mission, hors la présence du juge et des avocats.

L'article 164 précise que ces dispositions relatives à la personne mise en examen s'appliquent à la personne bénéficiant des dispositions de l'article 104, c'est-à-dire la personne nommément visée par une plainte avec constitution de partie civile, qui demande à être entendue comme témoin assisté.

Le projet de loi tend à procéder à une refonte complète du statut du témoin assisté dans ses articles 6 et 7. Dans ces conditions, la référence à l'article 104 dans l'article 164 serait remplacée par une référence plus générale au témoin assisté. En outre, les dispositions relatives à la personne mise en examen seraient également étendues à la partie civile. Il s'agit d'un renforcement bienvenu de l'égalité entre les parties.

• Le paragraphe III de cet article tend à modifier l'article 167, relatif à la notification des conclusions des expertises. Cet article prévoit notamment que le juge donne connaissance des conclusions des experts aux parties et à leurs avocats après les avoir convoqués et que les conclusions peuvent également être notifiées par lettre recommandée ou par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire lorsque la personne est détenue.

Le projet de loi initial tendait à modifier cet article, afin de prévoir, en cas de convocation, que le juge devrait remettre, à la demande, une copie de l'intégralité du rapport aux avocats des parties. En cas de notification par lettre recommandée, le projet de loi initial prévoyait la notification de l'intégralité du rapport, non plus des conclusions, aux parties.

L'Assemblée nationale a modifié cet article, afin de prévoir que, dans tous les cas, la notification de l'intégralité du rapport est faite aux avocats et non aux parties et qu'il faut une demande préalable pour que le rapport soit notifié par lettre recommandée. Elle a en outre rétabli la notification des conclusions par lettre recommandée en l'absence de convocation par le juge d'instruction.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article additionnel après l'article 5
(Articles 89-1, 116, 173-1 du code de procédure pénale)
Délai de recevabilité de certaines requêtes en nullité

L'attention de votre commission a été attirée sur certaines situations dans lesquelles une cause de nullité survenue au début d'une procédure pénale peut avoir pour conséquence la nécessité de recommencer l'ensemble de cette procédure. Les inconvénients de ce système ont été soulignés à la fois par des avocats et des magistrats.

Dans ces conditions, votre commission vous propose un amendement tendant à créer un article 173-1 dans le code de procédure pénale, fixant aux parties, sous peine d'irrecevabilité, un délai pour faire état des moyens puis de la nullité de certains actes.

Les actes concernés sont :

- pour la personne mise en examen, ceux accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou cet interrogatoire lui-même ;

- pour la partie civile, ceux accomplis avant sa première audition ou cette audition elle-même. Le délai pour faire état des moyens pris de la nullité des actes serait de six mois, sauf dans les cas où l'intéressé ne pourrait connaître la nullité.

Cet article additionnel prévoit, en outre, des coordinations dans les articles 89-1 et 116 du code de procédure pénale, afin d'exiger que le juge d'instruction informe les parties de ces dispositions. De même, l'article 173 du code de procédure pénale, relatif aux cas d'irrecevabilité d'une demande de nullité constatés par le président de la chambre d'accusation serait complété, afin d'y ajouter le cas prévu par l'article 173-1 nouveau.

Ces dispositions devraient permettre d'éviter certaines situations très difficiles devant les chambres d'accusation, celle-ci pouvant être saisies de demandes de nullité portant sur des actes accomplis plusieurs années auparavant.

SECTION 4
Dispositions relatives au témoin et au témoin assisté

Article 6
(Articles 101, 109, 153 et 154 du code de procédure pénale)
Témoins

• La section IV du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale concerne les auditions de témoins. L'un des objectifs du projet de loi étant de consacrer et d'élargir le statut du témoin assisté, l'article 6 du projet tend, dans son paragraphe I à réorganiser la section du code relative aux témoins afin de distinguer les dispositions générales, qui feront l'objet des articles 101 à 113 et les dispositions relatives au témoin assisté, qui feront l'objet des articles 113-1 à 113-8.

• Le paragraphe II tend à compléter l'article 101 du code de procédure pénale. Actuellement, celui-ci prévoit les différentes modalités de convocation des témoins par le juge d'instruction. Le juge peut les faire citer par un huissier ou par un agent de la force publique, les convoquer par lettre simple, par lettre recommandée ou par la voie administrative. Ils peuvent également comparaître volontairement. L'article 101 serait complété, afin de prévoir que le témoin est avisé, en cas de citation ou de notification, que s'il ne comparaît pas ou refuse de comparaître, il pourra y être contraint par la force publique, conformément à l'article 109 du code, qui permet notamment au juge d'infliger au témoin l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe (10.000 F au maximum).

Ces dispositions pourraient permettre de ne pas attendre le jour prévu pour la comparution d'un témoin pour faire intervenir la force publique lorsque le témoin refuse de comparaître.

Votre commission propose, par un amendement , d'insérer un paragraphe additionnel après le paragraphe II, afin que les témoins atteints de surdité, puissent être assistés, pour leur audition, par une personne compétente ou bénéficier d'un dispositif technique lui permettant de communiquer.

• Le paragraphe III tend à procéder à une coordination dans l'article 109 du code de procédure pénale, relatif à la comparution des témoins.

• Le paragraphe IV tend tout d'abord à rectifier une erreur de référence au sein de l'article 153 du code de procédure pénale relatif à l'audition de témoins au cours de l'exécution d'une commission rogatoire.

Par ailleurs, le 2° de ce paragraphe tend à compléter l'article 153 pour prévoir que dans les cas où elle est placée en garde à vue conformément aux dispositions de l'article 154, la personne entendue comme témoin ne peut être retenue que le temps strictement nécessaire à son audition. Le maintien de ce paragraphe dans le texte adopté par l'Assemblée nationale peut susciter des interrogations. L'Assemblée nationale a décidé d'harmoniser les régimes de garde à vue en cas d'enquête préliminaire, d'enquête de flagrance et de commission rogatoire. Dans le texte qu'elle a adopté, aucun témoin ne peut plus être mis en garde à vue. Il paraît donc paradoxal d'évoquer le cas où un témoin est placé en garde à vue au cours de l'exécution d'une commission rogatoire.

• Enfin, le paragraphe V de cet article, adopté à l'initiative de l'Assemblée nationale, tend à compléter l'article 154 du code de procédure pénale, relatif aux gardes à vue au cours de l'exécution d'une commission rogatoire. Cet article prévoit que certaines dispositions inscrites dans la partie du code relative aux enquêtes de flagrance sont applicables aux gardes à vue effectuées au cours de l'exécution d'une commission rogatoire. Il s'agit des articles 63-1 (notification des droits), 63-2 (droit de faire prévenir un membre de son entourage), 63-3 (droit à un examen médical), 63-4 (droit à un entretien avec un avocat), 64 (contenu des procès-verbaux d'auditions) et 65 (inscription de certaines mentions sur un registre spécial). L'Assemblée nationale a souhaité compléter ces références par un renvoi à l'article 63. Cet ajout paraît pour le moins curieux, l'article 63 étant celui qui permet la garde à vue au cours d'une enquête de flagrance. L'article 154 contient des dispositions pratiquement identiques, surtout après l'harmonisation opérée par l'Assemblée nationale, dans les articles 2B et 2C du projet, entre les différentes réformes de garde à vue.

Votre commission vous soumet donc un amendement de suppression du 2° du paragraphe IV de cet article, ainsi que du paragraphe V.

Elle vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié .

Article 7
(Articles 113-1 à 113-8 nouveaux du code de procédure pénale)
Témoin assisté

L'article 7 est l'une des dispositions importantes de ce projet de loi. Il tend en effet à opérer une refonte complète du statut du témoin assisté, en particulier pour inciter les juges d'instruction à y recourir plus fréquemment.

La notion de témoin assisté résulte de la loi du 30 décembre 1987. Jusqu'à cette date, l'article 104 du code de procédure pénale prévoyait qu'une personne nommément visée dans une plainte avec constitution de partie civile ne pouvait être entendue comme simple témoin qu'avec son accord et pouvait demander à être inculpée. La loi de 1987 a permis aux personnes visées dans une plainte avec constitution de partie civile de demander à être entendues en bénéficiant d'un avocat ayant accès au dossier, mais sans faire l'objet d'une inculpation.

La loi du 24 août 1993 a permis la mise en place d'une seconde forme de témoin assisté. L'article 105 du code de procédure pénale permet en effet au juge d'instruction, lorsqu'il estime ne pas devoir mettre en examen une personne nommément visée par le réquisitoire du procureur de la République, de l'entendre comme témoin. La personne bénéficie alors de tous les droits reconnus aux personnes mises en examen.

Le statut dit du " témoin assisté " (ce terme ne figure pas actuellement dans le code de procédure pénale) semble aujourd'hui très peu utilisé, alors qu'il peut permettre d'éviter ou de retarder certaines mises en examen, lorsque les éléments contre la personne en cause n'apparaissent pas suffisamment solides. En outre, les articles 104 et 105 du code de procédure pénale prévoient des régimes différents selon que la personne est mise en cause par une plainte avec constitution de partie civile ou nommément visée dans le réquisitoire du procureur de la République. Dans le premier cas, cette personne ne bénéficie que du droit d'être assistée par un avocat, dans le second cas, elle bénéficie de tous les droits reconnus à la personne mise en examen. Elle peut ainsi demander des actes et déposer des requêtes en nullité.

Dès 1995, la mission d'information de la commission des Lois du Sénat sur le respect de la présomption d'innocence et le secret de l'enquête et de l'instruction avait proposé que le statut du témoin assisté soit élargi afin que les juges d'instruction puissent y recourir plus aisément.

La commission de réflexion sur la justice présidée par M. Pierre Truche s'est penchée sur cette question et est parvenue à des conclusions similaires : " (...) au début de certaines procédures pénales, y compris de celles ouvertes à l'initiative du parquet, la responsabilité des personnes soupçonnées apparaît difficile à cerner. Afin de mieux protéger la présomption d'innocence, il serait, dans ces cas, souhaitable que les juges d'instruction ne procèdent pas immédiatement à une mise en examen et qu'ils utilisent les dispositions législatives leur permettant d'entendre les intéressés en qualité de témoins, en présence d'un avocat ayant accès au dossier (...).

" Afin d'inciter les magistrats instructeurs à utiliser plus souvent qu'aujourd'hui les possibilités offertes par ces textes, la commission estime opportune une modification des articles 104 et 105 du code de procédure pénale pour donner au juge d'instruction, en l'absence même de toute demande d'un témoin, le pouvoir de lui accorder d'office l'assistance d'un avocat, qu'il soit ou non visé par l'acte qui l'a saisi . "

Le projet de loi tend à insérer une sous-section consacrée au témoin assisté dans la section du code relative aux auditions de témoins. L'étude d'impact du texte précise que " cette modification est de nature à promouvoir les nouveaux textes ".

• Le texte proposé pour les articles 113-1 et 113-2 nouveaux du code de procédure pénale tend à redéfinir le champ d'application du statut de témoin assisté.

En ce qui concerne les personnes nommément visées par un réquisitoire du procureur de la République, le juge d'instruction ne pourrait que les mettre en examen ou les entendre comme témoin assisté, comme c'est d'ores et déjà le cas. Les personnes nommément visées par une plainte avec constitution de partie civile, qui ne seraient pas mises en examen, pourraient être entendues comme témoin assisté et bénéficieraient obligatoirement de ce régime si elles en faisaient la demande. Là encore, cette disposition ne prévoit pas de changement par rapport au droit actuel, sinon que le juge d'instruction pourrait accorder d'office le statut de témoin assisté.

Enfin, une personne nommément visée par une plainte ou une dénonciation, qui ne serait pas mise en examen, pourrait également être entendue comme témoin assisté. La possibilité pour le juge d'accorder au moins ce statut à cette personne paraît laissée à sa discrétion.

Le projet de loi ne retient pas entièrement les propositions de la mission d'information du Sénat, qui estimait souhaitable un élargissement plus important du champ d'application du statut du témoin assisté.

Or, si l'on veut réellement que la mise en examen soit, compte tenu de ses conséquences souvent irréparables pour la personne, mûrement réfléchie et décidée uniquement lorsqu'elle est indispensable à la poursuite de l'information, il faut donner un champ aussi large que possible au statut du témoin assisté tout en réservant la mise en examen au stade de l'instruction où existent des indices graves et concordants.

Votre commission vous propose donc, par amendement , que le juge d'instruction puisse accorder le statut de témoin assisté à toute personne mise en cause par un témoin ou par la victime au cours de l'instruction ainsi qu'aux personnes à l'encontre desquelles il existe des indices laissant présumer qu'elles ont pu commettre une infraction. Ce statut serait obligatoirement accordé à ces personnes si elles en faisaient la demande.

• Le texte proposé pour l' article 113-3 du code de procédure pénale prévoit que le témoin assisté bénéficie des droits reconnus à la personne mise en examen. Le choix consistant à accorder aux témoins assistés l'ensemble des droits reconnus aux personnes mises en examen (notamment le droit de demander des actes et le droit pour l'avocat d'accéder au dossier) et non seulement le droit d'être assisté par un avocat mérite d'être approuvé.

• Le texte proposé pour l' article 113-4 du code de procédure pénale définit les conditions de la première audition du témoin assisté. Le juge d'instruction devrait constater son identité, lui donner connaissance du réquisitoire introductif, de la plainte ou de la dénonciation, l'informer de ses droits et procéder à certaines des formalités prévues par l'article 116 du code de procédure pénale, relatif à l'interrogatoire de première comparution (possibilité de déclarer l'adresse d'un tiers chargé de recevoir les actes, information de la personne du fait qu'elle doit déclarer tout changement d'adresse jusqu'au règlement de l'information). Le juge d'instruction pourrait également faire savoir à une personne qu'elle sera entendue comme témoin assisté par l'envoi d'une lettre recommandée comportant les informations qui devront être données à la personne lorsqu'une audition est prévue et précisant que le nom de l'avocat choisi ou la demande de désignation d'un avocat commis d'office devront être communiqués au greffier du juge d'instruction.

•  Le texte proposé pour l' article 113-5 du code de procédure pénale prévoit que le témoin assisté ne peut être placé sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire, ni faire l'objet d'une ordonnance de renvoi ou de mise en accusation. Il s'agit en particulier de maintenir l'obligation de mettre une personne en examen pour envisager sa mise en accusation ou prendre une ordonnance de renvoi.

• Le texte proposé pour l' article 113-6 du code de procédure pénale revêt une grande importance. Il a en effet pour objet de prévoir que les dispositions de l'article 105, qui interdisent au juge d'instruction d'entendre comme témoin une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves et concordants d'avoir commis une infraction, ne s'appliquent pas au témoin assisté. Cette évolution est importante, car actuellement, certains magistrats recourent rapidement à la mise en examen, afin d'éviter des nullités de la procédure pour mise en examen tardive. Le statut du témoin assisté pourrait donc permettre au juge de n'envisager la mise en examen que lorsqu'elle est strictement nécessaire.

• Le texte proposé pour l' article 113-7 du code de procédure pénale prévoit que le témoin assisté ne prête pas serment. Actuellement, la solution est inverse et le témoin assisté prête serment comme les autres témoins.

• Le texte proposé pour l' article 113-8 du code de procédure pénale concerne la mise en examen des personnes bénéficiant du statut de témoin assisté. Cet article précise que le juge d'instruction peut mettre en examen à tout moment de la procédure une personne entendue comme témoin assisté. Le texte précise qu'en cas de notification de la mise en examen par lettre recommandée, la lettre peut être adressée en même temps que l'avis de fin d'information (qui donne un délai de vingt jours à la personne mise en examen pour faire des demandes d'actes ou des requêtes en nullité). L'étude d'impact du projet de loi précise que la mention expresse du fait que la mise en examen peut être faite par lettre recommandée " est de nature à favoriser le recours au témoin assisté (le juge n'étant pas systématiquement obligé de reconvoquer la personne pour la mettre en examen, ce qui prolongerait la procédure) et à reculer dans le temps le " passage " du statut de témoin assisté à celui de mis en examen ". De fait, si la mise en examen des témoins assistés n'était possible qu'au cours d'une comparution, le juge ne serait guère incité à recourir à ce statut, alors même qu'il peut aujourd'hui mettre une personne en examen par lettre recommandée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 8
(Article 197-1 nouveau du code de procédure pénale)
Observations du témoin assisté devant la chambre d'accusation
en cas d'appel d'une ordonnance de non-lieu

Cet article tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 197-1 précisant qu'en cas d'appel d'une ordonnance de non-lieu, le témoin assisté peut, par l'intermédiaire de son avocat, faire valoir ses observations devant la chambre d'accusation.

Cette précision peut paraître inutile, dans la mesure où le témoin assisté est appelé à bénéficier de l'ensemble des droits réservés à la personne mise en examen. Il semble que le Gouvernement ait craint que le témoin assisté puisse ne pas être considéré comme une partie à la procédure.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

SECTION 5
Dispositions renforçant les droits des parties
au cours de l'audience de jugement


Article 9 A
(Article 312 du code de procédure pénale)
Questions au cours d'un procès criminel

L'article 312 du code de procédure pénale prévoit, dans sa rédaction actuelle, qu'au cours d'un procès criminel le ministère public, l'accusé, la partie civile, les conseils de l'accusé et de la partie civile peuvent poser des questions, par l'intermédiaire du président, aux accusés, aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre.

L'article 9 du projet de loi prévoyant une évolution des règles relatives aux questions au cours d'un procès correctionnel, l'Assemblée nationale a estimé souhaitable de modifier, dans cet article 9 A, les règles applicables devant la cour d'assises.

L'article 312 du code de procédure pénale serait modifié pour permettre au ministère public et aux conseils de l'accusé et de la partie civile de poser directement des questions aux accusés, aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre en demandant la parole au président. L'accusé et la partie civile continueraient, pour leur part, à ne pouvoir poser des questions que par l'intermédiaire du président.

La loi du 4 janvier 1993 avait conduit à l'introduction dans le code de procédure pénale d'une procédure entièrement accusatoire à l'audience, en matière criminelle comme en matière correctionnelle. Le système retenu était celui de la " cross-examination " en vigueur dans les pays anglo-saxons, qui permet des interrogatoires croisés par l'accusation et la défense. Il convient de noter que ce système implique des procès plus longs qu'un système dans lequel les débats sont conduits par le président. Aux Etats-Unis, une telle procédure peut fonctionner, parce que le système du " plaider coupable " limite considérablement le nombre de véritables procès. La loi du 24 août 1993 a abrogé l'ensemble des dispositions de la loi du 4 janvier 1993, qui modifiaient les règles applicables à l'audience.

Les propositions formulées par l'Assemblée nationale reprennent celles formulées dans le projet de loi portant réforme de la procédure criminelle examiné par le Sénat en première lecture en avril 1997, mais qui n'a pu être adopté définitivement.

Votre commission vous propose, par un amendement , d'harmoniser la rédaction proposée avec celle prévue par l'article 9 en matière correctionnelle.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Articles 9 B et 9 C
(Articles 345 et 408 du code de procédure pénale)
Accusé, prévenu ou témoin atteint de surdité

Dans sa rédaction actuelle, l'article 345 du code de procédure pénale prévoit, que devant la cour d'assises, lorsque l'accusé ou un témoin est sourd-muet et ne sait pas écrire, le président nomme d'office en qualité d'interprète la personne qui a le plus l'habitude de converser avec lui. Lorsque le sourd-muet sait écrire, les questions ou observations sont rédigées par le greffier et remises à l'accusé ou au témoin, qui répond par écrit. L'article 408 du code de procédure pénale prévoit une procédure identique devant le tribunal correctionnel.

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements modifiant ces règles. Les articles 345 et 408 préciseront désormais qu'en présence d'un accusé (un prévenu devant le tribunal correctionnel) ou d'un témoin sourd, le président devrait d'office désigner " une interface : interprète en langue des signes, codeur en langage parlé complété ou transcripteur ". L'interface devrait prêter serment " d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience ". En revanche, la procédure demeurerait inchangée en présence d'une personne sourde sachant écrire.

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, Mme Dominique Gillot, auteur des amendements, a fait valoir que les personnes sourdes " se trouvent en grande difficulté, notamment quand elles sont devant une juridiction qui n'est pas avertie de leur déficit de communication ".

L'intérêt principal de la modification proposée paraît être le remplacement de la référence au témoin ou à l'accusé " sourd-muet " par une référence au témoin ou à l'accusé " sourd ". Cette évolution pourrait permettre aux personnes qui ne sont pas muettes, mais peuvent néanmoins avoir des difficultés d'expression, de bénéficier de l'assistance d'une personne compétente ou d'un système technique leur permettant de se faire comprendre.

La rédaction proposée pour cet article par l'Assemblée nationale ne paraît guère pouvoir être retenue. En particulier, certains des termes employés, tels que celui d'interface, ne sont guère juridiques.

Votre commission, approuvant l'esprit de ces articles, vous en propose, par deux amendements, une nouvelle rédaction. Elle a par ailleurs décidé de prévoir également un renforcement des droits des personnes atteintes de surdité au cours de l'enquête et de l'instruction par deux articles additionnels après les articles 2 E et 4 quater.

Votre commission vous propose d'adopter les articles 9 B et 9 C ainsi modifiés .

Article 9
(Article 442-1 nouveau du code de procédure pénale)
Questions au cours d'une audience correctionnelle

• Cet article tend, dans son paragraphe I , à insérer au sein du code de procédure pénale un article 442-1, pour permettre, devant le tribunal correctionnel, au ministère public et aux avocats des parties de poser directement des questions au prévenu, à la partie civile, aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre, en demandant la parole au président. Naturellement, cette procédure devrait être appliquée sans préjudice des dispositions de l'article 401 du code de procédure pénale, qui prévoit que le président a la police de l'audience et la direction des débats.

Actuellement, selon l'article 442 du code de procédure pénale, seul le ministère public peut poser directement des questions au prévenu. Cette faculté serait donc étendue aux avocats des parties. Le prévenu et la partie civile continueraient à ne pouvoir poser des questions que par l'intermédiaire du président.

• Le paragraphe II de cet article tend à opérer une coordination dans l'article 442 du code de procédure pénale.

• Le paragraphe III tend à opérer une coordination dans l'article 454 du code de procédure pénale, qui permet dans sa rédaction actuelle, au président du tribunal de poser, après chaque déposition, au témoin les questions nécessaires et, s'il y a lieu, celles qui lui sont proposées par les parties. La modification proposée permettra au ministère public et aux parties de poser des questions dans les conditions prévues au nouvel article 442-1 du code de procédure pénale.

Les dispositions des articles 9 A et 9, qui permettent aux avocats et au ministère public de poser directement des questions, consacrent une pratique de plus en plus répandue et qui, en fait, peut permettre de raccourcir la durée des débats, dans la mesure où poser directement une question est plus rapide que demander au président de poser lui-même cette question.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article additionnel après l'article 9
(Article 304 du code de procédure pénale)
Serment des jurés

Le présent projet de loi concernant à la fois la présomption d'innocence et les droits des victimes, votre commission estime opportun d'opérer à cette occasion une modification symbolique, mais importante du serment que prononcent les jurés en cour d'assises.

Cet amendement tend à faire promettre aux jurés de ne pas trahir les intérêts de la victime , alors qu'ils ne promettent aujourd'hui que de ne trahir ni les intérêts de l'accusé ni ceux de la société qui l'accuse.

En outre, les jurés devraient promettre de se rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter , ce qui n'est pas prévu actuellement.

Ces modifications étaient prévues dans le projet de loi réformant la procédure criminelle, présenté en 1996, par M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, mais n'ont pu être définitivement adoptées.

CHAPITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES GARANTIES
JUDICIAIRES EN MATIÈRE DE DÉTENTION PROVISOIRE

SECTION 1 A
Dispositions générales

Proposant la suppression des trois articles la composant, votre commission propose également la suppression de cette section.

Article 10 A
(Article 137 du code de procédure pénale)
Détention provisoire

L'article 137 du code de procédure pénale énonce la possibilité de mettre en détention provisoire certaines personnes, tout en affirmant le caractère exceptionnel de cette mesure. Il prévoit en effet que les personnes mises en examen restent libres, sauf, à raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, à être soumises au contrôle judiciaire ou, à titre exceptionnel, placées en détention provisoire.

L'article 10 A, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, prévoit une réécriture de cet article 137, dont le seul apport consiste à préciser que la personne mise en examen est présumée innocente.

L'article IX de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit que " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ".

L'article premier du projet de loi prévoit l'inscription en tête du code de procédure pénale de quelques principes, dont celui de la présomption d'innocence.

Faut-il, dans ces conditions, répéter ce principe, au sein du code de procédure pénale, dans l'article consacré à la détention provisoire. Cette idée peut paraître séduisante, mais n'a pas emporté la conviction de votre commission. D'une part, ce rappel n'apporte rien au droit existant. D'autre part et surtout, accoler les termes " personne mise en examen " et " présumée innocente " a pour effet de faire apparaître en pleine lumière que la présomption d'innocence est un idéal vers lequel il faut tendre, mais qui est difficile à atteindre.

Le code de procédure pénale définit en effet la personne mise en examen comme une " une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice " aux faits dont est saisi le juge d'instruction. La personne est donc présumée innocente, mais elle est aussi présumée avoir participé à des faits répréhensibles.

Par ailleurs, écrire que la personne mise en examen, présumée innocente, reste libre laisse à penser que la personne mise en examen qui ne reste pas libre n'est plus présumée innocente.

Votre commission vous propose la suppression de cet article.

Article 10 B
(Article L. 611-1 du code de l'organisation judiciaire)
Suppression de l'obligation de présence d'au moins un juge d'instruction
dans chaque tribunal de grande instance

L'article L. 611-1 du code de l'organisation judiciaire dispose, dans sa rédaction actuelle, qu'il y a dans chaque tribunal de grande instance, un ou plusieurs juges d'instruction. En ce qui concerne les conditions de nomination et les attributions du juge d'instruction, cet article renvoie aux articles pertinents du code de procédure pénale.

L'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, a décidé de supprimer cette disposition du code de l'organisation judiciaire. Ainsi, il deviendrait possible que certains tribunaux de grande instance ne disposent d'aucun juge d'instruction. L'objectif est une rationalisation de la carte de l'instruction.

D'ores et déjà, une telle solution prévaut en ce qui concerne les juges des enfants, puisqu'il n'en existe pas dans tous les tribunaux de grande instance. Au cours des débats à l'Assemblée nationale, peu de précisions ont été apportées sur les solutions qui pourraient être retenues en matière d'instruction. Le garde des sceaux, soutenant l'amendement du rapporteur, a en effet simplement indiqué que " (...) de toute façon, nous ne nous interdisons aucune solution. Cela signifie que l'on pourra choisir des audiences foraines ou des regroupements. Nous disposerons en effet d'un large éventail de possibilités ".

Cet article soulève des difficultés. Il paraît en effet ouvrir au Gouvernement une faculté de regrouper les juges d'instruction, mais est en fait inapplicable en l'état. En effet, si certains tribunaux devaient être privés de juges d'instruction, il conviendrait à tout le moins de prévoir quel procureur serait compétent pour ouvrir l'information.

Une telle modification du code de l'organisation judiciaire appelle un débat spécifique et est profondément liée à la réforme de la carte judiciaire. Il ne paraît donc pas opportun de régler cette question dans le présent projet de loi , sous peine de risquer d'adopter un texte inapplicable.

Votre commission vous propose la suppression de cet article.

Article 10 C
Révision de la carte judiciaire

Cet article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, prévoit une révision de la carte judiciaire dans les deux années suivant la publication de la loi.

On rappellera que l'article 5 de la loi de programme relative à la justice du 6 janvier 1995 avait prévu qu'avant le 31 décembre de la même année, le Gouvernement présenterait au Parlement ses orientations relatives à la révision de la carte judiciaire. Le rapport transmis le 21 mars 1996 excluait une réforme globale et annonçait des aménagements.

La révision de la carte judiciaire est demandée par votre commission depuis plusieurs années. En 1996, la mission d'information créée au sein de la commission pour conduire une réflexion sur les moyens de la justice 5( * ) avait conclu que cette réforme était prioritaire si l'on voulait améliorer le fonctionnement quotidien de la justice. Les quatre premières propositions de la mission, rappelées ci-après, étaient consacrées à cette question.

Les propositions de la mission de la commission des Lois
chargée d'évoluer les moyens de la justice
(octobre 1996)

Proposition n° 1 : Elaborer une nouvelle carte judiciaire qui prenne acte des évolutions durables du flux en supprimant au moins la centaine de juridictions identifiées par le rapport Carrez comme " ne répondant plus à une réel besoin " et en créant des chambres et des juridictions nouvelles là ou les besoins sont évidents.

Il s'agit dans l'immédiat d'un exercice théorique mais qui paraît nécessaire pour mettre en évidence le caractère inadapté de la carte actuelle.

Proposition n° 2 : Intégrer dans la réflexion sur la carte judiciaire les regroupements permettant ultérieurement une spécialisation effective au sein des TGI.

Proposition n° 3 : Etablir un plan de transition sur dix ans ou même davantage, de la carte actuelle à la nouvelle.

Proposition n° 4 : Prévoir des chambres détachées et tenir des audiences foraines lorsque la présence physique du juge paraît indispensable.

Il faut toutefois constater que cette réforme est sans cesse évoquée, que nombre de rapports sur ce sujet ont été publiés, sans que rien ou presque n'ait été fait jusqu'à présent.

Lors de sa déclaration sur la réforme de la justice, prononcée au Sénat le 22 janvier 1998, Mme Elisabeth Guigou déclarait notamment : " Vous le savez (...) cette affaire sera entreprise en tenant compte de chaque réalité locale, des évolutions démographiques et économiques, des durées de transport, et en favorisant à la fois réponses de proximité et spécialisation des juridictions. Pour ce faire, une mission, dont j'ai obtenu la création dans le budget de 1998 et qui réunira des professionnels qualifiés aux compétences diverses, est en cours de constitution. Elle sera chargée d'étudier concrètement les projets sur le terrain ".

Dix-huit mois plus tard, il semble que cette mission ait, pour l'instant, consacré son attention aux seuls tribunaux de commerce et qu'elle soit en passe de formuler des propositions pour quelques ressorts. Par conséquent, une véritable réforme de la carte judiciaire ne paraît pas être envisagée à moyen terme.

L'article 10 C du projet de loi a le mérite d'attirer l'attention sur cette question essentielle. Le présent projet de loi est ambitieux -et coûteux. La principale inquiétude qu'il peut susciter est celle de l'insuffisance éventuelle des moyens affectés à sa mise en oeuvre. Or, la réforme de la carte judiciaire est l'un des éléments essentiels d'une rationalisation des moyens de la justice.

Toutefois, la méthode choisie par l'Assemblée nationale ne paraît guère pouvoir être retenue. L'article 10 C constitue manifestement une injonction au Gouvernement et est donc contraire à la Constitution. Par ailleurs, il s'agit d'une demande, qui risque simplement de rester lettre morte. Peut-être le Gouvernement prendra-t-il la peine de demander régulièrement un allongement du délai qui lui est donné pour accomplir cette réforme, mais il est difficile d'en être certain. Le législateur ne peut inscrire dans la loi des dispositions, dont il sait qu'elles ne seront pas appliquées, sous peine de perdre toute crédibilité.

Enfin, le contenu de cet article est tellement général qu'il permet toutes les interprétations. Ainsi, le Gouvernement a récemment annoncé que le tribunal de grande instance de Bressuire devenait une chambre détachée du tribunal de grande instance de Niort. Ne s'agit-il pas là d'une révision de la carte judiciaire ?

Le présent article aura eu le mérite d'attirer l'attention sur l'une des questions fondamentales à résoudre pour l'amélioration de la justice en France.

Néanmoins, pour toutes les raisons énoncées précédemment, et malgré son attachement à cet objectif, votre commission vous propose la suppression de cet article.

SECTION 1
Dispositions relatives au juge de la détention provisoire

Cette section a pour objet de créer un juge de la détention provisoire distinct du juge d'instruction.

D'une manière générale, votre commission estime inopportun de qualifier le magistrat chargé du contentieux de la détention provisoire de " juge de la détention provisoire ", compte tenu du caractère peu gratifiant d'une telle appellation. L'autorité judiciaire, dans son ensemble, est gardienne de la liberté individuelle, de sorte qu'il ne paraît pas possible de faire d'un magistrat le juge de la détention. De même, il ne paraît pas possible d'en faire un juge de la liberté, car tous les juges doivent exercer ce rôle. Votre commission propose, par un amendement , de ne pas nommer dans le code de procédure pénale ce magistrat. Cela ne rendra pas plus difficile son identification et évitera les inconvénients précédemment évoqués. Cela pourrait en outre permettre, le cas échéant, d'enrichir les attributions de ce magistrat.

Par coordination, votre commission vous propose de modifier cette appellation à chaque fois qu'elle apparaît dans le texte.

Article 10
(Articles 137-1 à 137-5 nouveaux du code de procédure pénale)
Création d'un juge de la détention provisoire

L'idée d'une séparation des autorités chargées de l'instruction et de la mise en détention provisoire n'est pas neuve. Le législateur l'a déjà décidée à trois reprises, sans qu'elle s'impose durablement.

• La loi du 10 décembre 1985 prévoyait que la détention provisoire était ordonnée par une chambre de l'instruction. Cette chambre devait être composée de trois magistrats, dont au moins deux magistrats instructeurs, le juge d'instruction chargé du dossier étant appelé à en faire partie. La loi prévoyait toutefois que la personne poursuivie pouvait accepter, en présence de son avocat, que la décision soit prise par le juge d'instruction statuant seul. Cette loi prévoyait sa propre entrée en vigueur le 1 er mars 1988, mais fut abrogée en 1987.

•  La loi n° 87-1062 du 30 décembre 1987 prévoyait que la détention provisoire était ordonnée par une chambre des demandes de mise en détention provisoire, saisie par le juge d'instruction et composée de trois magistrats du siège, mais dans laquelle ne pourraient siéger ni le juge d'instruction chargé du dossier, ni aucun magistrat ayant connu l'affaire en qualité de juge d'instruction. Cette loi prévoyait sa propre entrée en vigueur le 1 er mars 1989, mais fût abrogée avant cette date.

•  La loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 prévoyait deux systèmes distincts :

- jusqu'en janvier 1994, la détention provisoire devait être ordonnée par le président du tribunal ou un juge délégué par lui, saisi par le juge d'instruction ;

- à compter de janvier 1994, la détention provisoire devait être ordonnée par une chambre de la détention provisoire composée d'un juge du siège et de deux échevins non professionnels et saisie par le juge d'instruction chargé de l'information. Ces dispositions furent abrogées par la loi du 24 août 1993.

Par ailleurs, de nombreuses propositions ont été formulées en vue de retirer au juge d'instruction le pouvoir de mise en détention.

Le rapport de la commission Justice pénale et droits de l'homme , présidée par Mme le professeur Mireille Delmas-Marty proposait que la détention soit ordonnée par un magistrat du siège à la demande du ministère public. Dans ce système, le juge d'instruction, tel que nous le connaissons, était appelé à disparaître, au profit de ce magistrat ayant des prérogatives juridictionnelles étendues, mais aucun pouvoir d'investigation.

Le rapport remis au garde des sceaux en janvier 1997 par Mme le professeur Michèle-Laure RASSAT proposait que le juge d'instruction chargé du dossier continue à pouvoir mettre en détention provisoire une personne lorsqu'une telle mise en détention était nécessaire à l'efficacité de l'instruction, mais que cette possibilité soit confiée soit au président du tribunal soit à une formation collégiale lorsque la mise en détention avait pour objet de garantir la sécurité publique (prévenir les atteintes au mis en examen, la commission d'infraction ou les réactions d'incompréhension de la population...).

La commission de réflexion sur la justice présidée par M. Pierre Truche a estimé que le pouvoir de mettre en détention devait être séparé de celui d'enquête et souhaité à l'unanimité l'intervention d'une collégialité dont le juge d'instruction serait exclu.

Cette question a donc donné lieu à de nombreux débats et presque toutes les solutions ont déjà été envisagées en cette matière.

Le Gouvernement a finalement prévu la création d'un juge de la détention provisoire. L'étude d'impact du projet de loi précise que l'institution de ce juge répond à deux préoccupations :

- il s'agit tout d'abord de garantir la totale impartialité, et donc la totale objectivité du magistrat appelé à prendre la décision de mise en détention ;

- il s'agit ensuite de confier le contentieux de la détention à un magistrat d'expérience, en réservant la fonction de juge de la détention provisoire à des magistrats ayant rang de président, de premier vice-président ou de vice-président.

•  Le texte proposé pour l' article 137-1 nouveau du code de procédure pénale pose le principe de la création d'un juge de la détention provisoire, chargé d'ordonner ou de prolonger la détention provisoire. Les demandes de liberté lui seraient également soumises.

Ce juge serait un magistrat du siège ayant rang de président, de premier vice-président ou de vice-président et serait désigné par le président du tribunal de grande instance. Il serait assisté d'un greffier lorsqu'il statuerait à l'issue d'un débat contradictoire.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à prévoir que ce juge devra statuer dans tous les cas après un débat contradictoire. En effet, lorsque le juge d'instruction formule une demande de mise en détention, il est normal que le magistrat chargé de la détention organise un débat contradictoire même s'il n'envisage pas a priori de mettre la personne en détention.

Le texte proposé prévoit que ce juge ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu. Ce principe est le plus lourd de conséquences en ce qui concerne le coût de la réforme. En effet, une telle incompatibilité -absolument justifiée- risque parfois de rendre très difficile la composition de la juridiction de jugement.

Enfin, le texte prévoit que le juge de la détention est saisi par une ordonnance motivée du juge d'instruction, qui lui transmet le dossier de la procédure accompagné des réquisitions du procureur de la République. Cette question a donné lieu à un vif débat à l'Assemblée nationale, nombre de députés estimant préférable que le juge de la détention soit saisi par le procureur de la République.

Dans l'étude d'impact du projet, le Gouvernement indique qu'" il est vrai qu'habituellement, une juridiction est saisie par le ministère public. Mais cette règle connaît d'importantes exceptions. S'agissant de la matière pénale, peuvent être cités l'exemple du juge de l'application des peines qui saisit le tribunal correctionnel aux fins de révocation du sursis avec mise à l'épreuve et, surtout, l'exemple du juge d'instruction qui saisit le tribunal correctionnel lorsqu'il estime qu'il existe contre la personne mise en examen des charges suffisantes d'avoir commis un délit ".

La saisine d'un magistrat du siège par un autre magistrat du siège ne paraît pas poser de difficultés, dès lors que, d'ores et déjà, le juge d'instruction, lorsque son information s'achève, saisit le tribunal correctionnel.

•  Le texte proposé pour l' article 137-2 du code de procédure pénale prévoit que le contrôle judiciaire est ordonné par le juge d'instruction, qui statue après avoir recueilli les réquisitions du procureur de la République. Le projet de loi permet donc au juge d'instruction de conserver le pouvoir d'ordonner le contrôle judiciaire. Il s'agit d'un élément important, qui peut conduire ce magistrat, lorsqu'il hésite entre un contrôle judiciaire et une mise en détention, à retenir la première solution, plus simple à mettre en oeuvre et qui porte moins atteinte à la présomption d'innocence.

Le texte proposé pour cet article prévoit également que, lorsqu'il est saisi, le juge de la détention peut également ordonner un contrôle judiciaire. Cette solution paraît logique, le juge de la détention devant disposer d'un éventail de possibilités aussi large que possible pour prendre sa décision.

•  Le texte proposé pour l' article 137-3 du code de procédure pénale prévoit que le juge de la détention provisoire n'est pas tenu de statuer par ordonnance lorsqu'il ne décide ni le placement en détention provisoire ou la prolongation de celle-ci, ni la prescription d'une mesure de contrôle judiciaire. Le garde des sceaux a indiqué à plusieurs reprises que cette disposition était une illustration du principe selon lequel la liberté est la règle et la détention l'exception. Toutefois, il est possible de se demander s'il ne serait pas utile au juge d'instruction de connaître les raisons qui ont conduit le juge de la détention provisoire à estimer que sa demande de mise en détention était si peu justifiée que même un contrôle judiciaire ne s'imposait pas.

Votre commission vous propose, par un amendement que le juge chargé de la détention provisoire statue par une ordonnance motivée , même lorsqu'il ne fait pas droit à la demande du juge d'instruction.

•  Le texte proposé pour l' article 137-4 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction n'est pas tenu de statuer par ordonnance lorsqu'il ne suit pas les réquisitions du procureur tendant au prononcé d'une mesure de contrôle judiciaire ou lorsqu'il ne transmet pas le dossier au juge de la détention en présence de réquisitions tendant au placement en détention ou demandant la promulgation de celle-ci.

•  Le texte proposé pour l' article 137-5 du code de procédure pénale permet au procureur de la République de saisir la chambre d'accusation dans les dix jours de l'avis de notification qui lui est adressé, lorsqu'il n'a pas été fait droit à ses réquisitions tendant au placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire de la personne, ou à la prolongation de la détention provisoire.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 10 ainsi modifié.

Article 10 bis
(Article 138 du code de procédure pénale)
Cautionnement

L'article 138 du code de procédure pénale énumère les obligations que le juge d'instruction peut actuellement imposer à une personne lorsqu'il ordonne un contrôle judiciaire. Celui-ci peut notamment imposer à la personne mise en examen de " fournir un cautionnement dont le montant et les délais de versement, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d'instruction, compte tenu notamment des ressources de la personne mise en examen ".

L'Assemblée nationale a adopté un amendement apportant plusieurs modifications à cette disposition. En premier lieu, parmi les critères utilisés pour fixer le montant du cautionnement seraient explicitement mentionnés, outre les ressources de la personne, ses charges et son patrimoine. Notons que le texte actuel prévoit que le juge tient compte " notamment " des ressources, de sorte qu'il lui est déjà possible de prendre en compte aussi les charges et le patrimoine.

L'article 10 bis tend en outre à modifier l'article 138 du code de procédure pénale pour permettre à la personne mise en examen de s'acquitter du cautionnement dans les conditions fixées par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.

Cet article permet à un contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge de demander à être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions. Le sursis de paiement ne peut lui être refusé que s'il n'a pas constitué après du comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. Parmi les garanties possibles figurent les hypothèques, les garanties bancaires, les warrants, les nantissements...

Les auteurs de cet amendement, adopté par l'Assemblée nationale, ont fait valoir qu'une telle réforme permettrait par exemple d'éviter à une personne de devoir vendre son logement lorsqu'un juge d'instruction ordonne la fourniture d'un cautionnement très élevé. Le garde des sceaux a fait valoir que cette proposition pouvait poser des difficultés techniques : " Quelle serait, par exemple, la place de l'hypothèque judiciaire parmi les créances, sinon la première ? Comment vérifier rapidement et de manière efficace l'existence du bien, voire sa valeur, sans recourir à des services publics tels que l'administration fiscale, ce qui risque de prendre un certain temps, alors que la décision de placement en détention provisoire est le plus souvent prise dans l'urgence ? ".

Enfin, l'article 10 bis tend également à modifier l'article 142-2 du code de procédure pénale, qui permet à la personne ayant dû verser un cautionnement d'en récupérer la première partie (c'est-à-dire, selon l'article 142 du code celle destinée à garantir la représentation de la personne à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du jugement) lorsqu'elle a satisfait aux obligations du contrôle judiciaire et s'est soumis à l'exécution du jugement. L'Assemblée nationale a décidé que la personne pourrait récupérer l'intégralité du cautionnement si elle se soumettait à ces obligations.

Un tel principe paraît difficile à retenir. En effet, une partie du cautionnement garantit notamment le paiement de la réparation des dommages causés par l'infraction et des restitutions, ainsi que de la dette alimentaire lorsque la personne mise en examen est poursuivie pour défaut de paiement de cette dette. Il ne paraît guère souhaitable de modifier ce principe.

Compte tenu des incertitudes importantes entourant la rédaction de cet article, votre commission vous propose à ce stade sa suppression .

Article 11
(Article 145-3 du code de procédure pénale)
Prolongation de la détention provisoire

La loi du 30 décembre 1996 a rendu plus contraignante la prolongation de la détention provisoire, lorsque celle-ci excède un an en matière criminelle ou huit mois en matière délictuelle. L'article 145-3 du code de procédure pénale prévoit en effet que les décisions ordonnant la prolongation ou rejetant les demandes de mise en liberté doivent comporter les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'infraction et le délai prévisible d'achèvement de la procédure . Ce texte prévoit toutefois que le juge d'instruction n'est pas tenu d'indiquer la nature des investigations auxquelles il a l'intention de procéder lorsque cette indication risquerait d'entraver l'accomplissement de ces investigations.

Le présent article a pour objet de modifier la rédaction de cette dernière partie de l'article 145-3 du code de procédure pénale, afin de tenir compte du fait que le projet de loi confie les décisions de prolongation de la détention ou de refus de mise en liberté au juge de la détention provisoire.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 11 sans modification.

Article 12
(Article 146 du code de procédure pénale)
Conséquence d'une requalification
en matière de détention provisoire

Cet article, comme le précédent, tend à modifier un article du code de procédure pénale pour tenir compte de la création du juge de la détention provisoire.

L'article 146 du code de procédure pénale prévoit que, dans les cas où il apparaît, au cours d'une information, que la qualification criminelle ne peut être retenue, le juge d'instruction peut ordonner le maintien de la personne en détention provisoire ou ordonner sa mise en liberté assortie ou non d'un contrôle judiciaire.

Compte tenu des changements prévus par le projet de loi, le juge d'instruction pourrait désormais prescrire la mise en liberté assortie ou non d'un contrôle judiciaire ou saisir le juge de la détention provisoire aux fins du maintien en détention.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination et vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 13
(Article 147 du code de procédure pénale)
Mise en liberté d'office ou sur demande du procureur

L'article 147 du code de procédure pénale concerne les conditions dans lesquelles une personne mise en détention provisoire peut être mise en liberté. Il prévoit notamment que la mise en liberté peut être ordonnée d'office à tout moment par le juge d'instruction après avis du procureur de la République.

Il prévoit en outre que le procureur de la République peut requérir à tout moment la mise en liberté et que le juge d'instruction statue dans les cinq jours. Par coordination avec les dispositions de l'article 10 relatif à la création du juge de la détention, l'article 13 tend à modifier l'article 147 code de procédure pénale, afin de prévoir que, lorsque le procureur requiert la mise en liberté, le juge d'instruction peut faire droit à cette demande ou transmettre, dans les cinq jours, le dossier, assorti de son avis motivé, au juge de la détention, ce dernier devant statuer dans le délai de trois jours ouvrables.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination et vous propose d'adopter l'article 13 ainsi modifié .

Article 14
(Article 148 du code de procédure pénale)
Demande de mise en liberté par la personne ou son avocat

Comme les précédents, cet article tend à prendre en considération dans le code de procédure pénale la création du juge de la détention provisoire. Actuellement, la personne mise en détention ou son avocat peut demander, à tout moment, au juge d'instruction une mise en liberté. Celui-ci sollicite les réquisitions du parquet et statue dans les cinq jours par une ordonnance motivée. A l'avenir, la demande de mise en liberté continuerait à être adressée au juge d'instruction, qui solliciterait les réquisitions du procureur. Toutefois, le juge d'instruction ne pourrait désormais que donner une suite favorable à la demande ou la transmettre, avec son avis motivé au juge de la détention provisoire, qui statuerait dans les trois jours.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination et vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

SECTION 2
Dispositions limitant les conditions
ou la durée de la détention provisoire


Article 15
(Articles 143-1 nouveau et 144 du code de procédure pénale)
Conditions de la détention provisoire

L'article 144 du code de procédure pénale énumère les conditions permettant la mise en détention provisoire d'une personne mise en examen.

La mise en détention n'est possible que lorsque la personne encourt une peine d'une certaine gravité :

- soit une peine criminelle ;

- soit une peine correctionnelle égale ou supérieure à un an d'emprisonnement en cas de délit flagrant ou à deux ans d'emprisonnement dans les autres cas.

La mise en détention provisoire doit en outre être justifiée par un ou plusieurs des motifs suivants, inscrits à l'article144 du code de procédure pénale :

- les nécessités de l'instruction (la détention provisoire est l'unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels, d'empêcher une pression sur les témoins ou les victimes, d'empêcher une concertation frauduleuse entre personnes mises en examens et complices) ;

- la nécessité de protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;

- la nécessité de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant qu'a causé l'infraction à l'ordre public.

L'article 15 du projet prévoit tout d'abord d'inscrire dans deux articles différents les conditions de mise en détention liées aux seuils de peines et les motifs de mise en détention.

• Le texte proposé pour l' article 143-1 du code de procédure pénale prévoit une nouvelle présentation des conditions de la mise en détention provisoire liées au quantum de la peine encourue.

La détention provisoire serait désormais possible lorsque les peines suivantes sont encourues :

- une peine criminelle ;

- une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement, compte tenu, le cas échéant, de l'aggravation de la peine encourue si elle est en état de récidive ;

- une peine correctionnelle de deux ans d'emprisonnement pour un délit prévu aux livres II (infractions contre les personnes) ou IV (infractions contre la nation, l'Etat et la paix publique) du code pénal ;

- une peine correctionnelle de deux ans d'emprisonnement pour un délit prévu au livre III du code pénal (infractions contre les biens) lorsque la personne a déjà été condamnée , soit à une peine criminelle, soit à une peine d'emprisonnement avec sursis d'une durée supérieure à un an.

Le texte proposé, adopté par l'Assemblée nationale sans modification, ne peut qu'inspirer une certaine perplexité. En avril 1998, examinant une proposition de loi de M. Alain Tourret, l'Assemblée nationale a adopté, contre l'avis du garde des sceaux, un texte extrêmement différent de celui qu'elle a accepté en examinant le présent projet de loi, puisqu'il ne permettait la mise en détention provisoire que dans les cas où une peine de cinq ans était encourue en cas d'infraction contre les biens et une peine de trois ans en cas d'infraction contre les personnes 6( * ) .

Le texte aujourd'hui soumis au Sénat modifie de manière modérée le droit actuel, mais le rend aussi plus complexe par des distinctions multiples.

L'un des alinéas du texte proposé prévoit que la détention est possible lorsque la peine encourue est de trois ans, compte tenu de l'aggravation prévue lorsqu'elle est en état de récidive. Cela signifie qu'un récidiviste ayant commis un délit passible de deux ans d'emprisonnement pourra être mis en détention provisoire, compte tenu du doublement possible de la peine en cas de récidive. Cette rédaction peut étonner car, dès lors que l'on se réfère à la peine encourue, cela paraît tenir compte de l'état de récidive.

Cette question a notamment été abordée avec précision par notre collègue, M. Guy-Pierre Cabanel, lorsqu'il avait été chargé par M. Edouard Balladur, alors Premier ministre, d'une mission parlementaire sur la prévention de la récidive 7( * ) . Notre collègue avait proposé, pour limiter la détention provisoire, d'apprécier le quantum de la peine encourue indépendamment de l'état de récidive du prévenu .

En tout état de cause, le texte de l'article 15 paraît trop complexe, au regard de sa portée, en ce qui concerne la détention provisoire. Son principal apport est d'exclure la détention provisoire lorsque la peine encourue est inférieure à deux ans d'emprisonnement, même en cas de flagrant délit.

Pour le reste, le texte prévoit que la détention est possible lorsqu'une peine de trois ans est encourue, mais ramène ce seuil à deux ans lorsque sont en cause des infractions contre les personnes, l'Etat, la nation et la paix publique, lorsque la personne est en état de récidive, enfin lorsque la personne a commis une infraction contre les biens et qu'elle a déjà été condamnée à une peine d'au moins un an d'emprisonnement.

Afin que le régime des seuils demeure intelligible et que le présent projet de loi marque une véritable évolution, votre commission vous propose, par un amendement , de modifier cet article pour prévoir que la détention est possible lorsque la personne encourt une peine criminelle quelle qu'elle soit ou une peine correctionnelle supérieure à deux ans d'emprisonnement.

Il convient de rappeler qu'en matière de comparution immédiate, la détention provisoire est possible lorsqu'est encourue une peine de deux ans d'emprisonnement ou une peine d'un an d'emprisonnement en cas de flagrant délit. Ces seuils, que le projet de loi ne modifie pas, sont actuellement les mêmes que ceux prévus pour la mise en détention provisoire dans le cadre d'une information. Une certaine différence entre les seuils, selon que la personne fait l'objet d'une comparution immédiate ou d'une information peut être admise, dans la mesure où la mise en détention provisoire en matière de comparution immédiate est décidée par le juge du fond et pour une durée très limitée.

•  Le texte proposé pour l' article 144 du code de procédure pénale est une nouvelle rédaction des motifs pouvant justifier la mise en détention provisoire d'une personne mise en examen. La rédaction proposée ne modifie en rien ces critères, mais facilite leur compréhension. La seule modification de fond consiste à prévoir que le motif du trouble à l'ordre public ne peut justifier, à lui seul, la prolongation de la détention provisoire sauf en matière criminelle. Le texte initial prévoyait que ce critère ne pouvait justifier à lui seul la prolongation lorsque la peine encourue était inférieure à cinq ans d'emprisonnement. L'Assemblée nationale a estimé nécessaire d'encadrer encore davantage le recours à ce critère.

Considérant que, dans certaines affaires correctionnelles, le trouble à l'ordre public peut perdurer au-delà de la durée initiale de détention provisoire, votre commission vous propose , par un amendement , de rétablir le texte du projet initial pour prévoir que le critère du trouble à l'ordre public ne peut justifier la prolongation de la détention lorsque la peine encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement.

De nombreuses réflexions ont été conduites sur ce critère de l'ordre public, qui ont conduit à encadrer de plus en plus son utilisation, sans toutefois le supprimer. Notre collègue, M. Guy-Pierre Cabanel, dans son rapport de mission sur la prévention de la récidive, avait envisagé de limiter la référence à l'ordre public comme critère de placement en détention aux infractions d'une certaine gravité ou de prévoir l'intervention d'un second magistrat pour confirmer un placement en détention fondé sur le risque d'un trouble à l'ordre public ; cette dernière suggestion est d'une certaine manière satisfaite puisque toutes les mises en détention provisoire seront prononcées par un autre magistrat.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 16
(Article 145-1 du code de procédure pénale)
Durée de la détention provisoire en matière correctionnelle

1 - Le droit actuel

En matière correctionnelle, les règles relatives à la durée de la détention provisoire sont les suivantes :

- la détention provisoire ne peut excéder une durée de six mois , lorsque la peine encourue est inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement et que la personne n'a pas déjà été condamnée pour crime ou pour délit à une peine supérieure à un an d'emprisonnement avec sursis ;

- la détention provisoire ne peut excéder une durée d' un an lorsque la peine encourue est inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement et que la personne a déjà été condamnée pour crime ou pour délit à une peine supérieure à un an d'emprisonnement avec sursis ;

- la détention provisoire ne peut excéder une durée de deux ans lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement mais inférieure à dix ans ;

- enfin, la détention provisoire doit avoir une durée raisonnable lorsque la peine encourue est égale à dix ans d'emprisonnement.

Il existe donc quatre régimes différents en matière correctionnelle. Dans tous les cas, la décision de mise en détention provisoire donne lieu à un débat contradictoire. La première prolongation peut être ordonnée sans débat contradictoire, mais les suivantes, lorsqu'elles sont possibles, doivent être précédées d'un tel débat. En outre, lorsque la durée de la détention excède huit mois, les décisions ordonnant sa prolongation ou rejetant les demandes de mise en liberté doivent comporter les indications qui justifient la poursuite de l'infraction ainsi que le délai prévisible d'achèvement de la procédure.

2 - Le projet de loi

Le projet de loi initial prévoyait de maintenir le régime actuel, mais de limiter les cas où la durée de détention ne comporte aucune limite aux infractions suivantes lorsque la peine encourue est égale à dix ans d'emprisonnement : trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou infraction commise en bande organisée. Ces infractions sont les mêmes que celles qui justifient actuellement que l'intervention de l'avocat au cours d'une garde à vue soit repoussée à la trente-sixième ou à la soixante-douzième heure de la mesure.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale procède à une réécriture complète de l'article 145-1 du code de procédure pénale. Les règles en matière de durée de la détention seraient désormais les suivantes :

- la détention ne pourrait excéder une durée de quatre mois lorsque la peine encourue serait inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement et que la personne n'a pas déjà été condamnée à une peine criminelle ou à une peine d'emprisonnement sans sursis supérieure à un an ;

- la détention provisoire ne pourrait excéder une durée d' un an ;

- cette durée serait portée à deux ans lorsqu'une commission rogatoire internationale serait délivrée par le juge d'instruction ;

- enfin, la détention provisoire devrait avoir une durée raisonnable lorsque la peine encourue serait égale à dix ans d'emprisonnement et que la personne serait poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou infraction commise en bande organisée.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale, assez proche sur la question des durées de détention de la proposition de loi adoptée il y a un an à l'initiative de M. Alain Tourret 8( * ) , prévoit l'intervention d'un débat contradictoire avant chacune des prolongations de la détention.

Votre commission considère que les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale sont équilibrées en ce qui concerne les durées de détention.

Le choix de faire dépendre la durée de la détention de la délivrance d'une commission rogatoire internationale par le juge d'instruction a le mérite d'attirer l'attention sur le fait que de plus en plus d'infractions ont un caractère international, ce qui impliquera à l'avenir, sans doute au niveau de l'Union européenne, une réflexion approfondie sur les moyens de renforcer la lutte contre la criminalité internationale. Toutefois, l'introduction d'un tel critère en ce qui concerne la détention provisoire, pourrait ouvrir la porte à des situations contestables, la délivrance d'une commission rogatoire internationale n'étant soumise à aucun contrôle.

Votre commission vous propose, par un amendement, de supprimer cette référence à la délivrance d'une commission rogatoire comme critère d'augmentation de la durée de la détention provisoire. Par un article additionnel, votre commission vous proposera que les durées maximales de détention puissent, dans des cas tout à fait exceptionnels, être prolongées par la chambre d'accusation.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 17
(Article 145-2 du code de procédure pénale)
Durée de la détention provisoire en matière criminelle

L'article 145-2 du code de procédure pénale prévoit une durée de détention provisoire maximale d'un an en matière criminelle. Toutefois, cette décision peut être renouvelée pour une période de six mois, sans que le nombre de renouvellements soit limité. La seule limite à la durée de la détention est donc la durée raisonnable désormais inscrite dans l'article 144-1 du code de procédure pénale.

Dans le projet de loi initial, le Gouvernement a proposé d'instaurer des délais butoirs à la détention provisoire en matière criminelle. Le texte proposé prévoyait que la durée de la détention ne pourrait excéder :

- deux ans en cas de peine encourue inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;

- trois ans en cas de peine encourue inférieure à trente ans de réclusion ou de détention criminelles.

Le projet ne prévoyait donc aucune limite pour une peine encourue supérieure à trente ans d'emprisonnement (perpétuité). Enfin, le Gouvernement proposait que les limites à la durée de la détention ne s'appliquent pas dans le cas où une personne se voit reprocher plusieurs crimes.

L'Assemblée nationale a modifié ce dispositif pour prévoir les durées de détention maximales suivantes :

- deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;

- trois ans lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;

- trois ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et que le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire internationale ;

- quatre ans lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et que le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire internationale.

L'Assemblée nationale n'a prévu aucun butoir à la durée de la détention lorsque plusieurs crimes mentionnés aux livres II (crimes entre les personnes) ou IV (crimes contre l'Etat, la Nation et la paix publique) sont reprochés à la personne ou lorsqu'elle est prévenue pour trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée.

Votre commission accepte les propositions formulées par l'Assemblée nationale, mais vous propose par un amendement, de supprimer la référence aux crimes multiples et à la délivrance d'une commission rogatoire internationale comme critères d'augmentation de la durée de la détention provisoire.

Elle vous proposera, dans un article additionnel après le présent article, qu'à titre exceptionnel, si les nécessités de l'information le justifient, la chambre d'accusation puisse prolonger les durées maximales de détention.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 17 ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 17
(Article 207-2 nouveau du code de procédure pénale)
Prolongation exceptionnelle de la durée de détention
par la chambre d'accusation

Votre commission a souhaité que la durée maximale de détention provisoire soit limitée, sauf pour quelques infractions, à un an en matière correctionnelle et à trois ans en matière criminelle.

Cependant, dans certains cas exceptionnels, il paraît souhaitable que la détention puisse être prolongée. Votre commission vous propose donc, par un amendement , de créer un article 207-2 dans le code de procédure pénale, afin de prévoir une procédure particulière pour la prolongation de la détention provisoire au-delà des durées maximales prévues, en matière correctionnelle comme en matière criminelle.

Seule la chambre d'accusation, saisie par le juge de la détention provisoire, pourrait ordonner ces prolongations. L'amendement tend à ne permettre la prolongation que lorsque les investigations du juge d'instruction indispensables à la manifestation de la vérité doivent être impérativement poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d'une particulière gravité.

La prolongation pourrait être ordonnée pour une durée de quatre mois, cette décision pouvant être renouvelée deux fois. Ainsi, ces prolongations exceptionnelles ne seraient plus possibles après un délai d'un an.

Article 18
(Article 141-3 nouveau du code de procédure pénale)
Limite à la durée de la détention provisoire lorsqu'elle est ordonnée
à la suite d'une révocation du contrôle judiciaire

Cet article tend à insérer, dans le code de procédure pénale, un article 141-3 relatif à la détention provisoire ordonnée à la suite d'une révocation du contrôle judiciaire. Le Sénat, à l'initiative de M. Michel Dreyfus-Schmidt, avait attiré l'attention du Gouvernement sur la situation totalement anormale qui prévaut actuellement en cette matière, en adoptant une proposition de loi reproduite en annexe du présent rapport 9( * ) .

Actuellement, l'article 141-2 du code de procédure pénale prévoit que " si la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le juge d'instruction peut, quelle que soit la durée de la peine d'emprisonnement encourue, décerner à son encontre mandat d'arrêt ou de dépôt en vue de sa détention provisoire ".

La Cour de cassation a interprété cette disposition de manière très contestable. Dans un arrêt de la chambre criminelle du 20 décembre 1983, elle a en effet estimé que l'inobservation volontaire des obligations du contrôle judiciaire permettait de décerner mandat de dépôt " quelle que soit la durée de la peine d'emprisonnement encourue et celle de la détention provisoire antérieurement subie ".

Cette jurisprudence a été par la suite confirmée. Ainsi, dans un arrêt du 15 avril 1991, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi contre un arrêt d'une chambre d'accusation ayant affirmé " qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la détention accomplie antérieurement à la révocation du contrôle judiciaire pour l'application de l'article 145-1 du code de procédure pénale ".

Cette jurisprudence permet de contourner les règles relatives à la durée maximale de la détention lorsque plusieurs incarcérations successives sont ordonnées à l'encontre d'une même personne par révocation du contrôle judiciaire. Le Sénat avait donc adopté un texte prévoyant que lorsqu'une personne fait l'objet de plusieurs ordonnances de placement en détention provisoire, la durée cumulée des détentions ne peut excéder la durée maximale prévue en fonction de la peine encourue.

Le Gouvernement a retenu cette proposition dans le projet de loi tout en l'aménageant quelque peu. Le texte proposé pour l'article 141-3 du code de procédure pénale prévoit en effet que lorsque la détention provisoire est ordonnée à la suite d'une révocation du contrôle judiciaire à l'encontre d'une personne antérieurement placée en détention provisoire pour les mêmes faits, la durée cumulée des détentions ne peut excéder de plus de quatre mois la durée maximale prévue compte tenu de la peine encourue par la personne. Ce délai de quatre mois doit permettre au juge de disposer d'une sanction lorsqu'une personne méconnaît volontairement les obligations du contrôle judiciaire et qu'elle a déjà subi la durée de détention maximale, compte tenu de la peine encourue.

Le texte proposé prévoit que lorsque la peine encourue est inférieure à deux ans d'emprisonnement, la durée totale des détentions ne peut excéder quatre mois. Le texte initial prévoyait une durée de six mois, mais la durée de quatre mois est cohérente avec les décisions prises par l'Assemblée nationale à propos de l'article 145-1 du code de procédure pénale. En effet, lorsque la peine encourue est inférieure à deux ans d'emprisonnement, le texte adopté par l'Assemblée nationale ne prévoit aucune détention provisoire. Il est donc normal que la personne mise en détention à la suite d'une révocation du contrôle judiciaire ne le soit que pour une durée maximale de quatre mois.

L'article prévoit par ailleurs, pour déterminer s'il doit appliquer certaines formalités prévues en matière de prolongation de la détention (débat contradictoire ou exigence de motivation particulière), le juge doit tenir compte de la durée de la détention provisoire antérieurement effectuée. Une telle précision ne paraît pas indispensable et votre commission vous propose, par un amendement de supprimer cette disposition.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 18
(Article 11-1 nouveau de l'ordonnance du 2 février 1945)
Limitation de la durée de la détention provisoire des mineurs
lorsqu'elle est ordonnée à la suite
d'une révocation du contrôle judiciaire

Votre commission propose de modifier l'ordonnance du 2 février 1945, afin de prévoir, pour les mineurs comme pour les majeurs, la prise en compte de la détention antérieurement effectuée, lorsqu'une mise en détention est ordonnée à la suite d'une révocation du contrôle judiciaire.

Les durées de la détention provisoire étant plus courtes pour les mineurs que pour les majeurs, votre commission propose que la durée de la détention ordonnée à la suite d'une révocation du contrôle judiciaire ne puisse excéder de plus d'un mois la durée maximale de détention provisoire.

SECTION 3
Dispositions relatives à l'indemnisation des détenus provisoires

Article 19
(Articles 149 à 149-2 du code de procédure pénale)
Indemnisation des détentions provisoires

Dans sa rédaction actuelle, l'article 149 du code de procédure pénale prévoit qu'une indemnité peut être accordée à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire pour une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive lorsque cette détention lui a causé un préjudice. Avant la loi du 30 décembre 1996, il était exigé que le préjudice soit manifestement anormal et d'une particulière gravité.

L'article 149-1 prévoit notamment que l'indemnité est allouée par une commission, composée du premier président de la Cour de cassation ou de son représentant, et de deux magistrats du siège à la même cour ayant le grade de président de chambre, de conseiller ou de conseiller référendaire, désignés annuellement par le bureau de la Cour.

L'article 149-2 définit la procédure applicable devant la commission. Celle-ci doit être saisie dans le délai de six mois de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive. Elle statue par une décision non motivée qui n'est susceptible d'aucun recours.

Le projet de loi tend à modifier, sur plusieurs points essentiels, ce dispositif.

En ce qui concerne le principe de l'indemnisation, le Gouvernement a proposé que l'indemnisation demeure facultative, mais qu'elle permette de réparer le préjudice, qu'il soit matériel ou moral. Le Gouvernement a en outre proposé qu'une personne bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement soit informée de son droit de demander une indemnisation.

L'Assemblée nationale a toutefois retenu un système différent puisqu'elle a rendu obligatoire l'indemnisation, dès lors que la personne en fait la demande. Elle a donc été conduite à prévoir certaines exceptions pour tenir compte de situations particulières. Elle a prévu qu'aucune indemnisation n'est due lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement résulte de la reconnaissance de l'irresponsabilité d'une personne au sens de l'article 122-1 du code pénal, de la prescription ou de l'amnistie, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissée accuser à tort.

Ces exceptions suscitent des interrogations. En ce qui concerne la prescription, celle-ci peut n'être pas constatée au cours de l'instruction malgré les demandes en ce sens de la personne, et l'on voit mal pour quelle raison une personne ayant subi une détention provisoire pour une infraction prescrite n'aurait droit à aucune réparation. La détention provisoire deviendrait alors le moyen d'infliger une peine pour une infraction prescrite.

En ce qui concerne la personne qui s'est librement et volontairement accusée ou laissé accuser, s'il est aisé de percevoir l'objectif de cette disposition, on peut craindre que l'appréciation sur ce sujet soit particulièrement difficile.

Dans ces conditions, votre commission propose, par un amendement , de préciser ces exceptions, afin qu'elles n'aboutissent pas à des résultats contestables. Il paraît souhaitable que l'amnistie n'empêche l'indemnisation que lorsqu'elle intervient après la mise en détention provisoire. En ce qui concerne les personnes qui se laissent librement accuser, votre commission propose de ne prévoir aucune indemnisation que lorsque ces personnes se laissent accuser pour faire échapper l'auteur des faits aux poursuites.

L'Assemblée nationale a par ailleurs prévu qu'à la demande de l'intéressé, le préjudice devrait être évalué par expertise contradictoire.

En ce qui concerne la procédure d'indemnisation, le projet de loi tend à compléter l'article 149-2 du code de procédure pénale pour prévoir que la décision de la commission devra désormais être motivée et que les débats auront lieu en audience publique, sauf opposition du requérant. L'Assemblée nationale a souhaité qu'il soit précisé que le requérant pouvait, à sa demande, être entendu personnellement ou par l'intermédiaire de son conseil.

Enfin, l'Assemblée nationale a complété cet article en prévoyant l'inscription dans l'article 149-2 du code de procédure pénale d'un alinéa précisant que la décision de la commission d'indemnisation allouant une indemnité était communiquée aux magistrats ayant concouru à la mise ou au maintien en détention provisoire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 19 bis
Commission de suivi de la détention provisoire

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, prévoit la création d'une commission de suivi de la détention provisoire placée auprès du ministre de la justice.

Cette commission serait composée de deux représentants du Parlement, d'un magistrat de la Cour de cassation siégeant à la commission d'indemnisation de la détention provisoire, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un professeur de droit pénal, d'un avocat et d'un représentant d'un organisme de recherche judiciaire.

Cette commission serait chargée " de réunir les données juridiques, statistiques et pénitentiaires concernant la détention provisoire, en France et à l'étranger ". Elle pourrait se faire communiquer tout document utile à sa mission et pourrait procéder à des visites ou à des auditions. Elle établirait un rapport annuel rassemblant les données statistiques locales, nationales et internationale concernant l'évolution de la détention provisoire ainsi que " la présentation des différentes politiques mises en oeuvre ". Elle établirait également une synthèse des décisions de la commission d'indemnisation de la détention provisoire.

Votre commission estime qu'un organe de ce type n'est pas indispensable et que la création d'une telle commission est en outre possible sans recourir à la loi.

Elle vous propose la suppression de cet article.

CHAPITRE III
DISPOSITIONS RENFORÇANT LE DROIT À ÊTRE JUGÉ
DANS UN DÉLAI RAISONNABLE

Article 20
(Articles 77-2 et 77-3 nouveaux du code de procédure pénale)
Possibilité d'interroger le procureur sur la suite donnée
à une enquête

L'article 20 tend à insérer deux articles dans le code de procédure pénale, afin de permettre à une personne placée en garde à vue au cours d'une enquête préliminaire ou de flagrance d'interroger le procureur sur la suite donnée à la procédure.

• Le texte proposé pour l' article 77-2 du code de procédure pénale prévoit qu'une personne placée en garde à vue au cours d'une enquête préliminaire ou de flagrance qui, à l'expiration d'un délai de six mois (le texte initial prévoyait huit mois) à compter de la fin de la garde à vue, n'a pas fait l'objet de poursuites, peut interroger le procureur sur la suite donnée ou susceptible d'être donnée à la procédure.

Dans un tel cas, le procureur devrait, dans le délai d'un mois, soit engager les poursuites ou une mesure alternative aux poursuites, soit notifier à la personne le classement de la procédure, soit enfin, s'il estime que l'enquête doit se poursuivre, saisir le président du tribunal de grande instance. En l'absence de saisine de ce magistrat, il ne pourrait plus être procédé à aucun acte d'enquête contre la personne postérieurement au délai d'un mois à compter de la réception de la demande.

Le troisième alinéa du texte proposé prévoit que le président du tribunal, lorsqu'il est saisi, doit organiser un débat contradictoire, qui se déroule en audience publique si la personne intéressée en fait la demande et que la publicité n'est pas de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête, à l'ordre public, à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. A l'issue du débat, le président déciderait si l'enquête peut être poursuivie. En cas de réponse positive, il fixerait un délai ne pouvant excéder six mois, à l'issue duquel la personne pourrait à nouveau interroger le procureur. En cas de réponse négative, le procureur devrait soit engager des poursuites ou une procédure alternative, soit notifier à la personne le classement de la procédure.

Cette disposition appelle deux remarques :

• La saisine du président du tribunal de grande instance au cours d'une enquête ne correspond guère aux règles habituelles de notre procédure pénale. Certes, une intervention du président du tribunal ou du juge délégué par lui est déjà prévue au cours de l'enquête en ce qui concerne, en matière de terrorisme, la prolongation des gardes à vue et les perquisitions. Il s'agit toutefois de situations très particulières. Dans le texte proposé, le président du tribunal pourrait contraindre le procureur à se prononcer, en engageant des poursuites ou en classant sans suite.

• La référence aux procédures alternatives aux poursuites paraît peu appropriée, dans la mesure où ce terme n'est employé à aucun endroit du code de procédure pénale, même s'il est aisé de comprendre ce qu'il recouvre.

Votre commission vous soumet deux amendements d'amélioration rédactionnelle.

• Le texte proposé pour l' article 77-3 du code de procédure pénale est une simple coordination avec le texte proposé pour l'article 77-2, destiné à prévoir le cas où l'enquête n'est pas menée sous la direction du procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la garde à vue a été réalisée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 21
(Articles 89-1, 116, 175-1, 186-1 et 207-1 nouveau
du code de procédure pénale)
" Contrat de procédure " et " droit au cri "

Cet article revêt une grande importance, dans la mesure où il a pour objet de renforcer le caractère prévisible de la durée d'une information judiciaire et de limiter cette durée.

• Le paragraphe I tend à compléter l'article 89-1 du code de procédure pénale, relatif à la première audition de la partie civile. Le texte prévoit que, lorsque le juge estime que le délai prévisible d'achèvement de la procédure est inférieur à un an, il en informe la partie civile en l'avisant qu'à l'issue de ce délai, il lui sera possible de demander la clôture de la procédure. Dans le cas où le juge ne pourrait fixer un délai prévisible d'achèvement inférieur à un an, il informerait la partie civile de son droit de demander la clôture de la procédure au bout d'une année.

• Le paragraphe II tend à compléter l'article 116 du code de procédure pénale, relatif à la première comparution pour prévoir un dispositif identique au précédent à l'égard de la personne mise en examen.

Ce dispositif est intéressant, dans la mesure où il tend à encadrer la durée de l'instruction, afin qu'elle se déroule dans des délais raisonnables. Il est toutefois à craindre que, compte tenu de la rédaction choisie, le juge d'instruction ne fasse qu'un usage très modéré de la possibilité qui lui est offerte d'annoncer un délai prévisible d'achèvement de l'infraction inférieur à un an. Il apparaît plus confortable pour lui de conserver le délai d'un an à l'issue duquel la clôture pourra être demandée. Par conséquent, le changement essentiel qu'apporte ce nouveau texte réside dans l'information donnée à la partie civile et à la personne mise en examen de leur droit de demander la clôture de la procédure au bout d'un an.

• Le paragraphe III de cet article tend à modifier l'article 175-1 du code de procédure pénale, précisément relatif à la procédure applicable en cas de demande de clôture. Il s'agit de ce que la mission d'information de la commission des Lois sur la présomption d'innocence et le secret de l'instruction avait proposé sous la dénomination " droit au cri ".

Actuellement, l'article 175-1 prévoit que toute personne mise en examen ou la partie civile peut demander la clôture de la procédure à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date de la mise en examen ou de la constitution de partie civile. Dans le délai d'un mois, le juge doit statuer par ordonnance spécialement motivée. A défaut pour le juge d'avoir statué, la personne peut saisir la chambre d'accusation. Le texte proposé tend à opérer plusieurs modifications à ce dispositif :

- la demande pourrait être formulée avant le délai d'une année, dans les cas où le juge d'instruction aurait fixé un délai prévisible d'achèvement de la procédure inférieur à un an ;

- la demande pourrait également être formulée en l'absence d'acte d'instruction pendant une période de quatre mois ;

- le juge pourrait faire droit à la demande sans ordonnance motivée, la motivation n'étant exigée qu'en cas de refus ;

- à défaut de réponse ou en présence d'une réponse négative, la personne pourrait saisir le président de la chambre d'accusation dans les cinq jours suivant la notification de la demande du juge ou l'expiration du délai d'un mois ;

- enfin dans le cas où le juge déclarerait qu'il poursuit son instruction, une nouvelle demande pourrait être formée à l'expiration d'un délai de six mois.

La principale innovation consiste donc à offrir à la personne mise en examen ou à la partie civile un recours, lorsque le juge d'instruction refuse de faire droit à une demande de clôture. La mission d'information de la commission des Lois sur la présomption d'innocence avait formulé une telle proposition dès 1995.

Votre commission propose, par un amendement , que la personne formulant une demande de clôture puisse invoquer dans sa demande la possibilité d'une disjonction. Certaines personnes pourraient, en effet, dans certaines procédures où de nombreuses personnes sont en cause voir leur dossier disjoint sans dommage pour le déroulement de l'information.

• Le paragraphe IV de l'article tend à inscrire dans l'article 186-1 du code de procédure pénale, parmi les ordonnances susceptibles d'appel, celle rendue par le juge d'instruction à propos d'une demande de clôture de la procédure.

Votre commission sous soumet un amendement de suppression de cette disposition, une telle précision étant inutile compte tenu de la rédaction du paragraphe précédent de l'article.

• Le paragraphe V tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 207-1 définissant la procédure applicable en cas d'appel d'une ordonnance refusant la clôture de la procédure. Le président de la chambre d'accusation devrait décider, dans les huit jours de la transmission du dossier, s'il y a lieu ou non de saisir la chambre d'accusation.

Le texte prévoit qu'en cas de saisine, la chambre d'accusation peut prononcer le renvoi devant la juridiction de jugement ou la mise en accusation devant la cour d'assises, déclarer qu'il n'y a pas lieu à suivre, évoquer l'affaire (la chambre d'accusation peut alors ordonner des actes d'informations complémentaires, la mise en examen de certaines personnes ...) ou renvoyer le dossier au même juge d'instruction ou à un autre, afin de poursuivre l'information. Si le président de la chambre d'accusation refusait de saisir celle-ci, il devrait ordonner, par décision motivée, que le dossier soit renvoyé au juge d'instruction. Le dispositif proposé s'inspire d'une des propositions formulées par la mission d'information de votre commission sur la présomption d'innocence.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 21 bis
(Articles 151 et 161 du code de procédure pénale)
Fixation des délais en matière de commission rogatoire
et d'expertise

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, tend à appliquer l'idée de " contrat de procédure " aux commissions rogatoires et aux expertises.

Actuellement, l'article 151 du code de procédure pénale, relatif aux commissions rogatoires, prévoit notamment que le juge d'instruction fixe le délai dans lequel la commission rogatoire doit lui être retournée par l'officier de police judiciaire. A défaut de fixation d'un délai, la commission rogatoire doit lui être transmise dans les huit jours de la fin des opérations exécutées en vertu de celle-ci.

En matière d'expertise, l'article 161 du code de procédure pénale prévoit que toute décision commettant des experts doit leur impartir un délai pour remplir leur mission. Le délai peut être prorogé sur requête des experts et sur décision motivée rendue par le magistrat ou la juridiction qui les a désignés.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale tend à prévoir, en matière de commission rogatoire, que l'officier de police judiciaire accuse réception de sa mission, qu'il indique au juge s'il lui est possible de respecter le délai imparti ou s'il souhaite bénéficier d'un délai supplémentaire pour les raisons qu'il indique. Les experts devraient procéder de même.

Cette procédure pourrait être définie par circulaire et alourdit quelque peu les articles du code de procédure pénale concernés.

Néanmoins, compte tenu de l'utilité que pourrait avoir cette mesure, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 21 ter
(Article 175-2 nouveau du code de procédure pénale)
Information de la partie civile sur l'avancement de l'instruction

Les droits des victimes font partie des préoccupations qui ont donné naissance au présent projet de loi.

Le présent article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, tend à créer un article 175-2 dans le code de procédure pénale pour prévoir que le juge d'instruction informe tous les six mois la partie civile de l'avancement de l'instruction.

Il est tout à fait souhaitable de veiller à ce que les victimes d'infractions pénales puissent faire valoir leurs droits dans les meilleures conditions. En revanche, une disposition aussi générale que celle-ci, au demeurant dépourvue de sanction, ne paraît guère apporter un progrès quelconque à la situation. L'avocat d'une partie civile peut avoir accès au dossier de la procédure à tout moment . Par ailleurs, l'article 21 du projet de loi tend à permettre à la partie civile de demander la clôture de l'information au bout d'une année, occasion pour elle d'obtenir des informations sur l'état de la procédure.

Votre commission vous propose la suppression de cet article.

Article 21 quater
(Article 179 du code de procédure pénale)
Délai pour qu'une affaire soit audiencée
en matière correctionnelle

Si les délais d'instruction d'une affaire peuvent avoir des conséquences dommageables, notamment lorsqu'une personne est en détention provisoire, il en va de même des délais nécessaires pour qu'une affaire vienne à l'audience une fois l'ordonnance de règlement rendue.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 179 du code de procédure pénale prévoit que l'ordonnance de règlement met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire, mais que le juge peut ordonner la continuation de ces mesures par ordonnance spécialement motivée. L'ordonnance prescrivant le maintien en détention provisoire cesse de produire effet à l'expiration d'un délai de deux mois .

En théorie, une affaire doit donc être jugée par le tribunal correctionnel dans les deux mois suivant l'ordonnance de règlement, faute de quoi le prévenu est remis en liberté. En fait, il arrive que le tribunal se réunisse dans le délai de deux mois et renvoie l'affaire à une audience ultérieure, ce qui permet le maintien en détention de la personne.

L'Assemblée nationale a donc décidé de modifier l'article 179 du code de procédure pénale. L'amendement qu'elle a adopté prévoit que le prévenu en détention est remis en liberté si le tribunal correctionnel n'a pas commencé à examiner l'affaire au fond à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de l'audience de règlement.

Le tribunal pourrait ordonner à deux reprises la prolongation pour deux mois de la détention. Avant chaque décision de prolongation, le prévenu pourrait comparaître personnellement si lui-même ou son avocat en faisait la demande.

Cet article peut permettre des progrès en ce qui concerne les délais pour qu'une affaire soit audiencée. Un délai de six mois après l'ordonnance de règlement paraît en effet un maximum lorsqu'une personne est en détention provisoire .

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 21 quinquies
(Article 215-2 nouveau du code de procédure pénale)
Délai pour qu'une affaire soit audiencée
en matière criminelle

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, tend à créer dans le code de procédure pénale un article 215-2 pour limiter les délais pour qu'une personne mise en accusation soit jugée lorsqu'elle est en détention provisoire.

Le texte proposé prévoit que la personne est remise en liberté si elle n'a pas comparu devant la Cour d'assises à l'issue d'un délai d'un an à compte de la date à laquelle l'arrêt de mise en accusation est devenu définitif.

La chambre d'accusation pourrait ordonner à deux reprises la prolongation de l'ordonnance de prise de corps pour une durée de six mois. L'accusé pourrait comparaître personnellement devant la chambre d'accusation avant chaque décision de prolongation éventuelle si lui-même ou son avocat en faisant la demande. L'accusé serait remis en liberté s'il ne comparaissait pas devant la Cour d'assises à l'issue d'un délai maximal de deux ans.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

CHAPITRE III BIS
DISPOSITIONS RELATIVES AUX AUDIENCES

Article 21 sexies
(Article L. 311-15-1 nouveau du code de l'organisation judiciaire)
Audiencement

L'Assemblée nationale a souhaité introduire dans le code de l'organisation judiciaire une disposition prévoyant que " la composition prévisionnelle des audiences pénales est déterminée par une commission paritaire composée de magistrats du siège et du parquet ".

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le rapporteur, Mme Christine Lazerges a apporté les explications suivantes à propos de son amendement : " Nous avons interrogé de très nombreux magistrats au sujet de l'audiencement. Les magistrats du parquet rejettent la responsabilité de ses lenteurs sur les magistrats du siège et ceux-ci nous répondent que l'audiencement est l'affaire du parquet ".

Actuellement, l'article 399 du code de procédure pénal prévoit que le nombre et le jour des audiences correctionnelles sont fixés à la fin de chaque année judiciaire pour l'année judiciaire suivante par une ordonnance du président du tribunal de grande instance prise après avis de l'assemblée générale du tribunal. En revanche, la nature des affaires portées à ces audiences est largement déterminée par le parquet.

Il semble que la disposition proposée par le présent article ait surtout pour objet d'inviter les magistrats de siège et ceux du parquet à se concerter en ce qui concerne l'organisation des audiences, le nombre d'affaires traitées, la nature de celle-ci... Une disposition législative ne paraît pas nécessaire pour développer des comportements qui existent déjà dans certains juridictions .

Votre commission craint qu'une disposition aussi rigide ait pour principal effet d'exacerber d'éventuelles tensions au sein des juridictions entre magistrats du siège et du parquet.

Votre commission estime préférable la suppression de cet article et de ce chapitre.

CHAPITRE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 21 SEXIES
DISPOSITIONS INSTAURANT UN RECOURS
EN MATIÈRE CRIMINELLE

Votre commission propose l'insertion dans le projet de loi d'un chapitre additionnel consacré à l'appel en matière criminelle.

Article additionnel après l'article 21 sexies
(Article 380-1 nouveau du code de procédure pénale)
Recours contre les arrêts de cours d'assises

L'une des atteintes les plus graves aux droits de la défense est incontestablement l'impossibilité de faire appel d'une décision en matière criminelle. Ainsi, les condamnations les plus lourdes sont ne peuvent-elles être examinées une seconde fois.

De multiples exemples montrent combien cette exception au droit d'appel est choquante et combien elle peut être lourde de conséquences.

En 1996, M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, avait présenté un projet de loi réformant la procédure criminelle, qui a donné lieu à une lecture dans chaque assemblée, mais n'a pu être définitivement adopté. Ce texte prévoyait la création, dans chaque département, d'un tribunal d'assises appelé à statuer en première instance, les cours d'assises actuelles devenant les juridictions d'appel.

Votre commission estime qu'il n'est plus possible d'attendre en la matière et propose donc la mise en place d'un système de recours tournant permettant le renvoi d'une affaire à une autre cour d'assises que celle qui a statué. Le recours pourrait être formé par l'accusé ou le ministère public dans le délai de dix jours suivant l'arrêt de la Cour d'assises. Toutefois, le recours ne serait pas ouvert au ministère public en cas d'acquittement de l'accusé.

Le choix de la cour d'assises appelée à connaître du recours serait effectué par le président de la chambre criminelle de la cour de cassation.

Votre commission est convaincue que le dialogue en cours de navette avec l'Assemblée nationale et le gouvernement permettra d'aboutir à une solution susceptible de mettre fin à une situation inacceptable.

CHAPITRE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 21 SEXIES
DISPOSITIONS RELATIVES AUX CONSÉQUENCES
D'UN NON-LIEU, D'UNE RELAXE OU D'UN ACQUITTEMENT

Votre commission propose, par un amendement l'insertion d'un chapitre additionnel relatif aux conséquences d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement.

Article additionnel avant l'article 22
(Articles 88-1, 91, 177-1 et 392-1 du code de procédure pénale)
Prononcé d'une amende civile par le juge d'instruction
en cas de plainte abusive

Dans nombre de cas, il est gravement porté atteinte à la présomption d'innocence du fait du comportement de certaines personnes qui portent plainte et se constituent partie civile de manière abusive.

Actuellement, l'article 91 du code de procédure pénale prévoit que lorsqu'une ordonnance de non-lieu a été rendue après une information ouverte sur constitution de partie civile, le ministère public peut citer la partie civile devant le tribunal correctionnel où l'affaire a été instruite. Le tribunal peut ainsi prononcer une amende civile si la constitution de partie civile est jugée abusive ou dilatoire. En fait, les procureurs n'utilisent presque jamais cette procédure, afin d'éviter d'encombrer le rôle du tribunal correctionnel pour faire sanctionner la partie civile.

Il n'en reste pas moins que les constitutions de partie civile abusives portent atteinte à la présomption d'innocence. Votre commission propose donc, par un amendement , que le juge d'instruction puisse lui-même prononcer l'amende civile, dans son ordonnance de non-lieu, sur réquisitoire du parquet. Le juge d'instruction, dont on rappelle souvent qu'il " instruit à charge et à décharge " est le mieux à même, à l'issue de l'information, d'apprécier si une constitution de partie civile était abusive ou pas.

Le procureur devrait présenter ses réquisitions aux fins de voir prononcer l'amende civile, lorsqu'il recevrait communication du dossier d'instruction. Les réquisitions devraient être communiquées à la partie civile pour lui permettre de faire ses observations. Le procureur de la République comme la partie civile pourraient faire appel de l'ordonnance du juge d'instruction. Ainsi, les droits de la défense seraient-ils pleinement respectés.

Corrélativement, l'article 91 du code de procédure pénale serait modifié pour supprimer la citation directe de la partie civile par le procureur devant le tribunal correctionnel. La possibilité pour la personne bénéficiant d'un non-lieu de demander des dommages-intérêts devant le tribunal correctionnel serait en revanche conservée car le juge d'instruction ne peut accorder de tels dommages-intérêts. Toutefois, dans les cas où le juge d'instruction aurait estimé la plainte abusive ou dilatoire, le tribunal correctionnel serait tenu par cette décision et ne se prononcerait que sur le montant des dommages-intérêts.

Enfin, l'amendement de votre commission prévoit également de compléter l'article 392-1 du code de procédure pénale, afin de permettre au tribunal correctionnel de prononcer une amende civile en cas de citation directe de la partie civile qui lui paraît abusive ou dilatoire.

Ces mesures devraient permettre de mettre fin à l'impunité des personnes qui abusent du procès pénal sans véritable motif.

Article additionnel avant l'article 22
(Article 800-2 du code de procédure pénal)
Indemnité aux personnes bénéficiant d'un non-lieu,
d'une relaxe ou d'un acquittement

L'Assemblée nationale a adopté une disposition importante, permettant à une juridiction d'accorder une indemnité aux personnes bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement au titre des frais exposés par elle et non remboursables (voir commentaire de l'article 31 quinquies). L'Assemblée nationale a inséré cette disposition dans le titre du projet de loi consacré aux victimes, ce qui ne paraît guère approprié. Votre commission vous propose donc, son insertion dans une nouvelle section du titre du projet sur la présomption d'innocence, relative aux conséquences d'un non-lieu, d'un acquittement ou d'une relaxe.

CHAPITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA COMMUNICATION

Article 22
(Article 226-30-1 nouveau du code pénal)
Interdiction de la publication de l'image de personnes menottées
Interdiction des sondages sur la culpabilité d'une personne

En 1995, la mission d'information de la commission des Lois sur la présomption d'innocence avait proposé, parmi un grand nombre d'autres propositions destinées à limiter les atteintes à cette présomption, que soit sanctionnée la publication de l'image d'une personne portant des menottes ou des entraves lors d'une enquête ou d'une instruction.

La commission de réflexion sur la justice a repris cette proposition et l'a complétée en préconisant l'interdiction des sondages sur la culpabilité ou sur les sanctions. Le Gouvernement a décidé de retenir ces propositions qui font l'objet de l'article 22 du projet de loi.

Cet article tend tout d'abord à insérer une nouvelle section au sein du chapitre du code pénal relatif aux atteintes à la personnalité Cette section concernerait les atteintes à la dignité ou à la réputation d'une personne mise en cause dans une procédure judiciaire et comporterait un unique article numéroté 226-30-1.

• Le texte proposé pour l' article 226-30-1 du code pénal punit d'une amende de 100.000 F le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit, l'image d'une personne identifiée ou identifiable, n'ayant pas encore fait l'objet d'un jugement de condamnation, faisant apparaître que cette personne porte des menottes ou entraves.

La réalisation ou la diffusion d'un sondage d'opinion portant sur la culpabilité d'une personne mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale ou sur la peine susceptible d'être prononcée serait punie des mêmes peines.

Lorsque ces délits seraient commis par voie de presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois régissant ces matières en ce qui concerne la prescription et la détermination des personnes responsables seraient applicables. L'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse prévoit en effet des règles particulières en ce qui concerne la détermination des personnes responsables de crimes et délits commis par voie de presse. Sont responsables les directeurs de publication ou éditeurs, à défaut les auteurs, à défaut des auteurs les imprimeurs, à défaut des imprimeurs, les vendeurs, distributeurs et afficheurs. En ce qui concerne la prescription, l'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la loi du 29 juillet 1881 se prescrivent après trois mois révolus, à compter du jour de leur commission ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite.

Les dispositions de cet article paraissent largement symboliques. Elles peuvent permettre d'éviter la diffusion d'images telles que celles de ce guide de haute montagne mis en cause à la suite d'une avalanche ayant provoqué la mort d'enfants qu'il accompagnait en randonnée.

Il est toutefois possible de s'interroger sur la portée réelle de ces mesures. Le législateur s'apprête en effet à interdire la publication d'images de personnes portant des menottes au moment même où la presse publie l'image de personnalités incarcérées en maison d'arrêt...

Il convient de noter que cet article, de manière pour le moins paradoxale compte tenu de son objectif, porte atteinte, dans sa rédaction actuelle, à la présomption d'innocence. Il fait en effet référence aux personnes mises en cause et n'ayant pas " encore " fait l'objet d'une condamnation, ce qui laisse entendre que la condamnation est certaine. Votre commission vous propose, par un amendement , la suppression de cet adverbe.

Estimant que cette mesure revêt un caractère symbolique susceptible de renforcer la déontologie de certains média, votre commission vous propose néanmoins d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 22 bis
(Article 803 du code de procédure pénale)
Mesures destinées à éviter
qu'une personne entravée soit photographiée

Le contenu de cet article figurait à l'article 25 du projet de loi initial. L'Assemblée nationale a estimé, à juste titre, préférable de le faire figurer à la suite de l'article relatif à la publication de l'image de personnes portant des menottes.

Actuellement, l'article 803 du code de procédure pénale, introduit dans le code par la loi du 4 janvier 1993, prévoit que " nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ".

Cet article n'est pas appliqué de manière rigoureuse et de nombreux exemples ont permis de constater que des personnes se voyaient mettre les menottes en l'absence de tout danger et de tout risque de fuite.

Par ailleurs, une circulaire tend à préciser les conditions d'application de cet article et précise qu'" il convient (...) de prendre les mesures utiles pour empêcher que, dans toute la mesure du possible, une personne escortée et entravée fasse l'objet, de la part de la presse, de photographies ou d'un enregistrement cinématographique ou audiovisuel ".

L'article 22 bis a pour unique objet d'inscrire ces dispositions, dans une rédaction légèrement différente, au sein même de l'article 803 du code de procédure pénale. Il est possible de se demander s'il est utile d'inscrire dans la loi des dispositions figurant dans une circulaire, mais il n'est pas exclu que cette mesure conduise à une plus grande vigilance des personnes chargées d'escorter les personnes mises en cause.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 23
(Article 6 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle)
Délai d'exercice du droit de réponse - Exercice
du droit de réponse par le ministère public

L'article 23 concerne le droit de réponse en matière de presse écrite ou audiovisuelle. Le projet de loi initial prévoyait notamment que le droit de réponse pourrait désormais être exercé par le ministère public à la demande d'une personne mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale . L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, constatant qu'il était pour le moins paradoxal de confier le droit de réponse de la personne mise en cause à la personne chargée de l'accusation. Votre commission vous propose de maintenir cette suppression.

• Le paragraphe I de l'article 23 tend à modifier l'article 6 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. Cet article prévoit notamment qu'en matière audiovisuelle, la demande d'exercice du droit de réponse doit être présentée dans les huit jours suivant celui de la diffusion du message contenant l'imputation qui la fonde. Rappelons qu'en matière de presse écrite, une personne peut demander à exercer un droit de réponse pendant une durée d'un an. L'Assemblée nationale, sur la proposition de Mme Frédérique Bredin, a décidé de porter à un mois le délai permettant à une personne, en matière audiovisuelle, de demander à exercer un droit de réponse. Une telle modification pourrait faciliter l'exercice de ce droit et mérite d'être approuvée.

Le paragraphe II de cet article tend également à modifier l'article 6 de la loi du 29 juillet 1982. Actuellement, depuis la loi du 4 janvier 1993, le délai de huit jours prévu pour demander à exercer le droit de réponse est rouvert pour la même durée lorsqu'ont été diffusées, à l'occasion de poursuites pénales, des imputations susceptibles de porter atteinte à l'honneur ou à la réputation d'une personne et que celle-ci a bénéficié d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. Le texte proposé tend à porter ce nouveau délai donné à la personne pour exercer un droit de réponse de huit jours à trois mois, ce qui apparaît comme une évolution tout à fait positive, qui pourrait permettre un meilleur équilibre entre la présentation des charges pesant sur une personne et la présentation -souvent lapidaire- des décisions de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 24
(Article 64 rétabli de la loi du 29 juillet 1881)
Arrêt de l'exécution provisoire d'une décision limitant
la diffusion de l'information

L'intervention du juge des référés en matière de presse peut avoir des conséquences particulièrement lourdes, et parfois disproportionnées. Le juge des référés peut en effet ordonner des rectifications, prononcer des astreintes, voire ordonner des saisies...

L'intervention du juge des référés à propos des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 n'est pas prévue dans cette loi, mais a été admise par la jurisprudence. L'article 24 du projet de loi tend à apporter une limite aux conséquences que peut avoir le fait, pour le juge des référés, d'ordonner des mesures limitant la diffusion de l'information. En cas d'appel, le premier président de la cour d'appel statuant en référé pourrait désormais arrêter l'exécution provisoire des mesures limitant la diffusion de l'information .

Cette disposition présente un double intérêt. Elle tend, d'une part, à renforcer la protection de la liberté de la presse et plus généralement de la liberté d'informer ; elle a pour effet, d'autre part, de consacrer les pouvoirs du juge des référés en matière de presse.

Il convient toutefois de noter que cette possibilité d'arrêter par voie de référé l'exécution provisoire de mesures décidées par le juge des référés est une dérogation importante aux règles de la procédure civile. L'article 514 du nouveau code de procédure civile prévoit en effet que les ordonnances de référé sont exécutoires de droit à titre provisoire. L'article 524 prévoit seulement que le premier président statuant en référé peut arrêter l'exécution provisoire si elle est interdite par la loi. Il peut également l'aménager, par des mesures de consignation, lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives, mais ne peut l'arrêter.

Cet article étant de nature à renforcer la liberté de la presse, votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Article additionnel après l'article 24
(Article 9-1 du code civil)
Action aux fins de faire cesser une atteinte
à la présomption d'innocence

Le droit au respect de la présomption d'innocence est inscrit à l'article 9-1 du code civil. Cet article permet à une personne placée en garde à vue, mise en examen ou faisant l'objet d'une citation à comparaître en justice, d'un réquisitoire du procureur de la République ou d'une plainte avec constitution de partie civile, de saisir le juge lorsqu'elle est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet de l'enquête ou de l'instruction judiciaire.

Dans un tel cas, le juge peut, même en référé, ordonner l'insertion dans la publication concernée d'un communiqué aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence aux frais de la personne physique ou morale responsable de l'atteinte à la présomption d'innocence.

Cet article constitue donc un instrument destiné spécifiquement à assurer le respect du principe de la présomption d'innocence. Son champ d'application paraît toutefois trop restreint pour que son efficacité soit réelle . La loi du 4 janvier 1993 avait ouvert l'action devant le juge à toutes les personnes présentées comme étant coupables de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, mais la loi du 24 août 1993 a restreint le champ d'application de cet article en le limitant aux personnes placées en garde à vue, mises en examen ou faisant l'objet d'une citation à comparaître en justice, d'un réquisitoire du procureur ou d'une plainte avec constitution de partie civile.

Cette limitation du champ d'application de l'article 9-1 est aujourd'hui critiquée. N'est-il pas singulier en effet qu'une personne mise en examen puisse obtenir réparation d'une atteinte à la présomption d'innocence, tandis qu'une personne mise en cause alors qu'elle ne fait l'objet d'aucune enquête ne le peut pas ?

Dès 1995, la mission d'information sur la présomption d'innocence et le secret de l'instruction créée par votre commission avait estimé nécessaire que toute personne présentée publiquement comme étant coupable de faits pénalement punissables puisse saisir le juge afin de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence.

La commission de réflexion sur la justice, présidée par M. Pierre Truche, est parvenue aux mêmes conclusions, estimant que " ce dispositif doit être étendu au cas de violation de la présomption d'innocence avant l'ouverture d'une procédure, l'intervention du juge des référés dans le rapport de force presse-particulier étant une garantie et permettant un contrôle meilleur que le simple exercice du droit de réponse. Cette protection doit également s'étendre aux personnes morales ".

Le Gouvernement n'a pas repris cette proposition dans le projet de loi, alors même qu'elle est au coeur de la question du respect de la présomption d'innocence. Au cours d'un colloque organisé par l'association Presse-Liberté en 1998, Mme Elisabeth Guigou s'était exprimée ainsi sur ce sujet : " personnellement, j'estime que les garanties protégeant les personnes mises en examen doivent être appliquées aux personnes qui ne le sont pas encore, y compris les personnes mises en cause par des rumeurs ou des articles de presse (...)

" Pourtant, et là je prends une position un peu opposée, si le législateur d'août 1993 est revenu sur la rédaction adoptée en janvier 1993 pour restreindre ce nouveau droit au respect de la présomption d'innocence, c'est pour un certain nombre de raisons (...)

" Dans le cadre de l'article 9-1, et contrairement à la loi sur la presse, cette disposition interdit tout débat sur la vérité des propos poursuivis et sur la bonne foi des journalistes -puisque ce qui est permis dans le droit sur la diffamation ne l'est plus dans les dispositions du code civil. Les journalistes ne pouvant plus se défendre qu'en faisant valoir qu'ils ont utilisé le conditionnel ".


Un débat sur cette question a eu lieu à l'Assemblée nationale lors de l'examen du présent projet de loi. La commission des lois a en effet adopté un amendement qui étendait la protection de l'article 9-1 non seulement à toutes les personnes présentées comme coupables, qu'elles fassent ou non l'objet d'une procédure, mais également aux personnes présentées comme pouvant être coupables. L'amendement de la commission a été retiré avant le débat en séance publique.

Votre commission estime nécessaire d'étendre la protection de l'article 9-1 du code civil aux personnes présentées publiquement comme coupables de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire. La présomption d'innocence ne se divise pas et doit protéger l'ensemble de nos concitoyens tant que n'est pas intervenue une condamnation.

Par ailleurs, l'élargissement de l'article 9-1 est aujourd'hui particulièrement opportun, dans la mesure où le présent projet de loi contient une disposition très importante, dans son article 24, destinée à éviter que l'exécution présumée de mesures prises par le juge des référés n'ait des conséquences graves pour la liberté de l'information. Un équilibre pourrait donc être établi entre l'élargissement des possibilités de saisine du juge aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence et la possibilité de faire arrêter en référé l'exécution provisoire de mesures portant atteinte à la liberté de l'information.

Votre commission vous propose donc une nouvelle rédaction de l'article 9-1 du code civil permettant à toute personne présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire de saisir le juge. Il ne s'agit que d'un retour au texte de l'article 9-1, tel qu'il avait été prévu par la loi du 4 janvier 1993.

Cette rédaction, moins large que celles proposées par Mme Bredin, d'une part, ou par la mission d'information de votre commission, d'autre part, permettrait au juge d'ordonner comme aujourd'hui toutes mesures, notamment l'insertion d'un communiqué, aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence. L'action se prescrirait par un an.

Votre commission n'a pas souhaité étendre le champ d'application de l'article 9-1 aux personnes présentées comme pouvant être coupables, une telle disposition risquant de porter atteinte à la liberté de l'information.

Article 25
(Articles 11, 145, 177-1, 199 et 212-1 du code de procédure pénale)
Communiqués du parquet - Fenêtres de communication

Cet article reprend deux propositions importantes formulées par la mission d'information de votre commission des Lois sur la présomption d'innocence et le secret de l'instruction.

• Le paragraphe I de cet article tend à consacrer la pratique des communiqués du parquet dans l'article 11 du code de procédure pénale, qui pose le principe du secret de l'instruction.

Ainsi, le procureur de la République pourrait, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble de l'ordre public, d'office ou à la demande de la juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.

Ces communiqués du parquet sont déjà prévus dans une circulaire adressée en 1985 aux procureurs et aux procureurs généraux. La commission de réflexion sur la justice avait proposé, de manière plus ambitieuse, que les juridictions soient dotées d'un service de communication composé d'un magistrat du siège et/ou d'un magistrat du parquet. Elle estimait indispensable que les magistrats responsables de la communication n'aient pas eux-mêmes la charge directe des affaires donnant lieu à communiqué écrit ou oral.

• Les paragraphes II à VI de l'article 25 ont pour objet l'instauration de fenêtres de communication à différents stades de la procédure. Actuellement, au cours d'une information, la publicité des débats n'est possible qu'en cas d'appel d'une ordonnance en matière de détention provisoire (article 199 du code de procédure pénale) ou en cas d'appel d'une ordonnance de non-lieu rendue en raison d'un trouble neuro-psychique (article 199-1 du code de procédure pénale).

Or, depuis fort longtemps, il est proposé que certaines étapes de la procédure d'instruction fassent l'objet d'une publicité, afin d'éviter la recherche d'informations par tous moyens, au risque de porter atteinte à la présomption d'innocence.

Dès 1912, le professeur Garraud écrivait déjà : " Une publicité franche qui introduirait la lumière dans notre vieille procédure d'information, et qui éviterait cette publicité illégale et frelatée, serait peut-être le seul moyen de soustraire le dossier d'instruction à des assauts de curiosité et d'indiscrétion. Puisqu'on ne peut absolument fermer les cabinets d'instruction, qu'on les ouvre complètement, non pour les opérations actives qui tendent à la découverte, à la saisie des preuves et qui, devant être assises sur la méthode de l'invention, ont besoin le plus souvent de secret, mais pour les interrogations, les confrontations et le règlement de la procédure, soit par le juge d'instruction, soit par la chambre des mises en accusation " 10( * ) .

Beaucoup plus récemment, la commission " justice pénale et droits de l'homme " a également proposé instaurer une certaine publicité au cours de l'instruction. La mission d'information de votre commission des Lois a proposé en 1995, que l'appel des principales ordonnances de l'instruction donne lieu à un débat public devant la chambre d'accusation. Enfin, la commission de réflexion sur la justice, présidée par M. Pierre Truche, a proposé que les débats en matière de mise en détention provisoire, de contestation sur la régularité de la procédure, de contestation sur la durée de la procédure ou de contestation sur le refus d'accomplir certains actes soient publics.

• Le texte soumis au Sénat prévoit, dans son paragraphe II , que le débat contradictoire devant le juge de la détention provisoire prévu à l'article 145 du code de procédure pénale a lieu en audience publique si la personne majeure mise en examen ou son avocat en fait la demande. Cette demande pourrait être refusée si la publicité était de nature à nuire à l'ordre public, à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. Le texte initial mentionnait également le " bon déroulement de l'information " parmi les motifs susceptibles de justifier un refus de la publicité, mais l'Assemblée nationale a écarté la possibilité d'invoquer ce motif. Le texte prévoit que le juge de la détention provisoire statue par une ordonnance motivée. Votre commission vous propose, par un amendement , de rétablir la possibilité de refuser la publicité lorsqu'elle pourrait nuire au bon déroulement de l'information. Elle estime en effet que, dans certains cas, la publicité pourrait compromettre les investigations en cours et que le fait que la décision soit prise par le juge de la détention provisoire est une garantie d'objectivité à cet égard.

• Le paragraphe III de cet article tend à modifier l'article 177-1 du code de procédure pénale, qui prévoit actuellement que le juge d'instruction peut ordonner, à la demande de la personne concernée, la publication intégrale ou partielle de sa décision de non-lieu ou l'insertion d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci, dans un ou plusieurs journaux ou services de communication audiovisuelle.

Le texte proposé tend à compléter cet article. Le juge pourrait ainsi ordonner la publication de la décision ou d'un communiqué, non seulement à l'initiative de la personne, mais également d'office ou à la demande du ministère public. Dans ces deux cas, il lui faudrait recueillir l'accord de la personne. Par ailleurs, s'il refusait de faire droit à la demande de la personne, le juge devrait rendre une ordonnance motivée susceptible d'appel.

• Le paragraphe IV tend à modifier l'article 199 du code de procédure pénale, relatif à la procédure devant la chambre d'accusation. La publicité deviendrait systématiquement possible devant la chambre d'accusation, alors que cet article ne la prévoit aujourd'hui qu'en matière de détention provisoire. La publicité pourrait être demandée par la personne majeure mise en examen et pourrait être refusée par la chambre d'accusation si elle s'avérait de nature à nuire à l'ordre public, à la dignité de la personne et aux intérêts d'un tiers. Votre commission vous propose, par un amendement , de rétablir la possibilité de refuser la publicité si elle est susceptible de nuire au bon déroulement de l'information.

Ainsi, cet article tend-il à généraliser la possibilité de rendre les audiences publiques.

• Le paragraphe V de l'article prévoyait la suppression des dispositions de l'article 199-1 du code de procédure pénale permettant la publicité des débats en cas d'appel d'une ordonnance de non-lieu motivée par l'irresponsabilité du prévenu au sens de l'article 122-1 du code pénal. La publicité devenant possible pour toutes les matières devant la chambre d'accusation, le maintien de cette disposition est inutile. L'Assemblée nationale a toutefois estimé préférable de la maintenir, dans la mesure où elle permet à la partie civile de demander la publicité alors que cette possibilité ne lui est pas ouverte dans le texte présenté par le Gouvernement. Elle a supprimé en conséquence le paragraphe V.

• Le paragraphe VI tend à modifier l'article 212-1 du code de procédure pénale. Cet article est le pendant de l'article 111-1 permettant au juge d'instruction d'ordonner la publication d'une décision de non-lieu ou l'insertion d'un communiqué. Il offre en effet la même possibilité à la chambre d'accusation lorsqu'elle rend un arrêt de non-lieu. Les mêmes modifications qu'à l'article 177-1 sont donc prévues. La décision d'ordonner la publication d'un arrêt de non-lieu ou la publication d'un communiqué pourrait être prévue d'office par la chambre d'accusation ou à la demande du ministère public. En cas de refus de faire droit à une demande, la chambre d'accusation devrait rendre une ordonnance motivée.

• Enfin, le paragraphe VII du projet de loi initial concernait les mesures à prendre pour éviter qu'une personne portant des menottes soit photographiée. L'Assemblée nationale a déplacé cette disposition, devenue l'article 22 bis du projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

TITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES DROITS DES VICTIMES
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RÉPRIMANT L'ATTEINTE À LA DIGNITÉ
D'UNE VICTIME D'UNE INFRACTION PÉNALE

Article 26
(Article 226-30-2 nouveau du code pénal)
Atteinte à la dignité d'une victime d'un crime ou d'un délit

L'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoit, dans son troisième alinéa que la publication de photographies, gravures, dessins, portraits ayant pour objet la reproduction de tout ou partie des circonstance d'un des crimes et délits prévus par les chapitres Ier (atteintes à la vie de la personne), II (atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne) et VII (atteintes aux mineurs et à la famille) du titre II du livre II du code pénal est punie de 25.000 F d'amende.

Le quatrième alinéa de cet article prévoit que le délit n'est pas constitué lorsque la publication est faite sur la demande écrite du juge d'instruction.

L'incrimination prévue par cet article est extrêmement large. Le tribunal correctionnel de Paris, dans un jugement du 10 septembre 1996, puis la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 18 septembre 1997, appelés à se prononcer sur la publication de photographies de victimes de l'attentat de la station de métro Saint-Michel, ont prononcé la relaxe des personnes poursuivies, estimant que l'incrimination prévue par l'article 38, alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 n'était pas conforme au principe de légalité et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. L'arrêt de la Cour d'appel a donné lieu à un pourvoi en cassation dans l'intérêt de la loi.

La cour d'appel de Paris a notamment estimé " que l'expression " circonstances ", foncièrement imprécise, est d'interprétation malaisée : que cette formulation par trop générale, introduisant une vaste marge d'appréciation subjective dans la définition de l'élément légal de l'infraction, ne permet pas à celui qui envisage de procéder à la publication d'être certain qu'elle n'entre pas dans le champ d'application de l'interdit ".

Le projet de loi, dans son article 26, tend à redéfinir de manière plus précise cette infraction tout en alourdissant la peine encourue. Le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit lorsque cette reproduction porte atteinte à la dignité d'une victime serait puni de 100.000 F d'amende.

Ce texte ne serait pas inscrit à la place de l'ancienne incrimination prévue par l'article 38 de la loi du 1881, appelée à disparaître, mais dans le code pénal, une section relative à " l'atteinte à la dignité de la victime d'un crime ou d'un délit " étant insérée dans le chapitre sur les atteintes à la personnalité.

Dans l'étude d'impact jointe au projet de loi, le Gouvernement justifie cette disposition en observant que " même si le raisonnement tenu par le Cour d'appel de Paris pour écarter l'actuel article 38 (alinéa 3) de la loi sur la presse peut être contesté, et il appartiendra à la Cour de cassation de se prononcer sur ce point, il est souhaitable de supprimer cet article, dont le champ d'application est en théorie trop large, pour lui substituer une incrimination destinée spécifiquement à protéger la dignité des victimes ".

L'Assemblée nationale a jugé utile d'enrichir cette nouvelle section, composée d'un unique article dans le texte proposé par le Gouvernement en transférant dans un article 226-30-3 nouveau du code pénal les dispositions de l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881, qui punit de 20.000 F d'amende et de deux ans d'emprisonnement la diffusion et la publication de renseignements sur la victime d'un viol ou d'un attentat à la pudeur sans son consentement.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale tend à punir de 100.000 F d'amende la diffusion, par quelque moyen que ce soit, des renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelle ou l'image de cette victime lorsqu'elle est identifiable.

Comme pour l'infraction précédemment mentionnée, les règles applicables en matière de presse écrite et audiovisuelle en ce qui concerne la prescription et la détermination des personnes responsables seraient applicables.

Votre commission n'estime pas souhaitable de procéder, à l'occasion de l'examen du présent projet de loi, à des transferts de dispositions de la loi sur la liberté de la presse dans le code pénal. La loi sur la liberté de la presse est un texte très protecteur pour cette dernière et équilibré en ce qui concerne les limites qui peuvent être apportées à la liberté de l'information.

Peut-être serait-il souhaitable de rassembler l'ensemble des dispositions relatives à la communication, et notamment l'ensemble des infractions qui peuvent être commises par voie de presse, mais il ne paraît pas de bonne méthode de procéder à des transferts parcellaires et dont la cohérence ne paraît pas toujours avérée.

Votre commission vous propose donc par des amendements de maintenir dans la loi sur la liberté de la presse l'incrimination relative à la publication des circonstances d'un crime ou d'un délit ainsi que celle relative à la publication de l'image de victimes d'atteintes sexuelles. Elle propose de conserver le niveau des peines prévu par l'Assemblée nationale.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 26
(Article 48 de la loi du 29 juillet 1881)
Droit pour la partie lésée de mettre en mouvement l'action publique
en cas de diffusion des circonstances d'un crime ou d'un délit

Votre commission propose de modifier l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, afin que les deux infractions de diffusion des circonstances d'un crime ou d'un délit et de diffusion de renseignements sur une victime d'infractions sexuelles puissent être poursuivies non seulement par le procureur, mais également par la personne lésée.

Article 27
(Article 227-24-1 du code pénal)
Interdiction de la diffusion de renseignements
concernant l'identité d'un mineur victime

Aucun texte n'incrimine actuellement la diffusion de renseignements concernant l'identité d'un mineur victime d'une infraction ou l'image de ce mineur. Le Gouvernement a estimé utile de remédier à cette lacune dans un nouvel article du code pénal numéroté 227-24-1, qui viendrait s'insérer dans la section de ce code consacrée à la mise en péril des mineurs. Cette infraction serait punie de 100.000 F d'amende.

Comme pour les infractions prévues par l'article 26 du projet, le présent article prévoit que lorsque le délit est commis par voie de presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la prescription et la détermination des personnes responsables. Le texte proposé prévoit en outre son inapplicabilité lorsque la diffusion de renseignements concernant un mineur victime est réalisée, pour les nécessités de l'enquête ou de l'information, à la demande du procureur de la République, du juge d'instruction ou du juge des enfants.

S'agissant d'une infraction nouvelle, votre commission ne propose pas son inscription dans la loi sur la presse, mais estime qu'une réflexion devra être entreprise pour renforcer la cohérence des dispositions actuelles.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 27 bis
(Article 81-1 nouveau du code de procédure pénale)
Dossier de personnalité de la victime

L'article 81 du code de procédure pénale prévoit que " le juge d'instruction procède conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité " . Cet article lui permet notamment de procéder ou de faire procéder à une enquête sur la personnalité des personnes mises en examen, de prescrire un examen médical, un examen psychologique...

L'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à insérer un article 81-1 dans le code de procédure pénale pour permettre au juge d'instruction, d'office, sur réquisition du parquet ou à la demande de la partie civile, de procéder à tout acte lui permettant d'apprécier la nature et l'importance des préjudices subis par la victime ou de recueillir des renseignements sur la personnalité de celle-ci.

Un tel article paraît d'un intérêt limité, dans la mesure où le juge d'instruction peut d'ores et déjà procéder à de tels actes, dès lors qu'ils sont utiles à la manifestation de la vérité. Cette mesure pourrait toutefois permettre à la juridiction de jugement d'être mieux informée sur la victime et l'ampleur de son préjudice.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 27 ter
(Article 227-24-2 du code pénal)
Diffusion d'informations sur les mineurs fugueurs
ou s'étant suicidés

Le Gouvernement ayant proposé d'insérer dans le code pénal certaines dispositions actuellement inscrites dans la loi du 29 juillet 1881 et de créer une nouvelle infraction, elle aussi inscrite dans le code pénal, de diffusion de renseignements sur l'identité d'un mineur victime, l'Assemblée nationale a décidé de supprimer deux autres dispositions de la loi sur la liberté de la presse pour les faire figurer dans le code pénal.

L'article 39 bis de cette loi interdit en effet la publication d'informations concernant l'identité de mineurs ayant quitté leurs parents, leur tuteur, la personne ou l'institution qui était chargée de les garder. Cette infraction est punie de 40.000 F d'amende.

L'article 39 ter de la même loi interdit, sous peine des mêmes sanctions, la publication d'informations concernant le suicide de mineurs.

L'Assemblée nationale a décidé d'insérer ces deux infractions dans le code pénal, en en " modernisant " la rédaction et en portant les peines à 100.000 F d'amende.

Ce choix peut susciter quelques interrogations. Sauf à prendre ce terme dans une acception extrêmement générale, les mineurs fugueurs ou s'étant suicidés ne sont pas des victimes, en tout cas pas des victimes d'infractions pénales. Par ailleurs, il est difficile de savoir sur quels critères reposent les choix de l'Assemblée nationale en ce qui concerne le transfert d'infractions vers le code pénal. L'article 39 quater de la loi du 29 juillet 1881 interdit la publication d'informations sur la filiation d'origine d'une personne ayant fait l'objet d'une adoption plénière. Cette infraction, elle aussi, pourrait trouver sa place dans le code pénal. Les infractions transférées par l'Assemblée nationale concernent les mineurs fugueurs ou s'étant suicidés, mais pas les mineurs délinquants, pour lesquels des dispositions particulières figurent à l'article 14 de l'ordonnance du 2 février 1945.

Peut-être conviendra-t-il un jour d'élaborer un véritable code de la communication, où pourront être rassemblées les infractions susceptibles d'être commises par voie de presse écrite ou audiovisuelle. Dans cette attente, il convient d'être prudent et circonspect en ce qui concerne le choix d'un support législatif pour accueillir une incrimination.

Votre commission n'a pas perçu la nécessité réelle de transférer les dispositions relatives à la diffusion de renseignements sur les mineurs ayant quitté leurs parents ou s'étant suicidés de la loi du 29 juillet 1881 vers le code pénal.

Votre commission vous propose la suppression de cet article.

CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX ASSOCIATIONS
D'AIDE AUX VICTIMES ET AUX CONSTITUTIONS
DE PARTIE CIVILE

SECTION 1
Dispositions relatives aux associations d'aide aux victimes

Article 28
(Article 41 du code de procédure pénale)
Recours par le procureur à des associations d'aide aux victimes

Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi , " le rôle des associations d'aide aux victimes est devenu particulièrement important depuis quelques années " .

" Ces associations interviennent désormais, le plus souvent en liaison avec le ministère public, pour assister les victimes dans leurs démarches et pour leur apporter le soutien dont elles ont besoin. Leur action est parfois indispensable, lorsque surviennent des événements catastrophiques ou des attentats. Le législateur a d'ailleurs reconnu à plusieurs reprises le rôle privilégié de certaines associations d'aide aux victimes. Pour autant, aucune disposition du code de procédure pénale n'a encore consacré, de façon générale, l'existence de ces associations ".

L'article 28 du projet de loi a pour objet de consacrer l'existence des associations d'aide aux victimes dans l'article 41 du code de procédure pénale. L'article 41 concerne les prérogatives du procureur et prévoit notamment que le procureur " procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale ". Le procureur a tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la qualité d'officier de police judiciaire. Il peut requérir le comité de probation et d'assistance aux libérés, le service compétent de l'éducation surveillée ou toute personne habilitée à vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d'une personne faisant l'objet d'une enquête et de l'informer sur les mesures propres à favoriser l'insertion sociale de l'intéressé.

Cet article serait complété pour prévoir que le procureur de la République peut recourir à une association d'aide aux victimes ayant fait l'objet d'un conventionnement de la part des chefs de la cour d'appel, afin qu'il soit porté aide et assistance à la victime de l'infraction.

Cette disposition peut effectivement présenter une utilité, dans la mesure où certaines victimes, totalement désespérées, ne prennent pas l'initiative de recourir aux associations d'aides aux victimes, alors que celles-ci peuvent leur apporter un soutien précieux.

Depuis un décret du 15 janvier 1997 portant déconcentration des décisions administratives et individuelles, les associations d'aide aux victimes ne sont plus agréées au niveau national par le garde des sceaux, mais font l'objet d'un conventionnement au niveau local par les chefs de cour d'appel.

Le conventionnement, selon l'exposé des motifs, du projet de loi, " constitue une garantie de la qualité des services offerts par les associations et du respect par leurs membres de règles déontologiques, en raison notamment de leur affiliation à l'INAVEM (Institut National d'Aide aux Victimes et de la Médiation) qui propose des actes de soutien et de formation. Ce conventionnement permet également l'attribution de subventions ".

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 28 bis
Conventionnement de droit pour les associations
d'aide aux victimes reconnues d'utilité publique

L'Assemblée nationale a souhaité compléter les dispositions inscrites à l'article 28 du projet de loi en prévoyant que le conventionnement est de droit pour les associations d'aide aux victimes reconnues d'utilité publique.

Le conventionnement a pour objet de garantir la qualité des services offerts par les associations en imposant à celles-ci le respect de quelques conditions. Il est possible d'estimer que les associations reconnues d'utilité publique présentent des garanties suffisantes pour que le conventionnement leur soit accordé de droit.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 28 ter
(Articles 53-1 nouveau et 75 du code de procédure pénale)
Information des victimes par les officiers
et agents de police judiciaire

Le rapport présenté en mars dernier par le groupe interministériel d'aide aux victimes, présidé par Mme Marie-Noelle Liennemann met en particulier l'accent sur la nécessité de développer l'information de la victime à tous les stades d'une procédure pénale .

Les auteurs du rapport ont ainsi présenté une proposition prévoyant qu' " après avoir formellement recueilli l'accord des victimes, la police et la gendarmerie devront systématiquement communiquer leurs coordonnées à l'association d'aide aux victimes la plus proche de leur domicile. Cette dernière contactera les victimes pour leur indiquer les services offerts et leur apporter une information exhaustive sur les droits et la procédure.

" Le formulaire d'information sur les services d'aide aux victimes sera remis aux personnes qui ne souhaitent pas, dans l'immédiat, être contactées directement par ce service ".


L'article 28 ter tend à traduire cette proposition dans le code de procédure pénale, en prévoyant toutefois des formalités moins contraignantes.

Ainsi, en cours d'enquête de flagrance ou d'enquête préliminaire, les officiers et agents de police judiciaire devraient informer les victimes de leur droit d'obtenir réparation du préjudice subi et d'être aidées et assistées par un service ou une association d'aide aux victimes.

Actuellement, il semble que les organismes d'aide aux victimes prennent, pour l'essentiel, la forme associative, même s'il existe également, dans certaines communes, des services municipaux d'aide aux victimes.

Une telle proposition peut faciliter l'exercice de leurs droits par les victimes sans représenter une contrainte insurmontable pour les officiers et les agents de police judiciaire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 28 quater
(Article 2-17 nouveau du code de procédure pénale)
Exercice des droits reconnus à la partie civile
par les associations de lutte contre les sectes

Un grand nombre d'associations peuvent aujourd'hui exercer les droits reconnus à la partie civile pour certaines infractions en rapport avec leur objet statutaire. Les droits reconnus à la partie civile peuvent ainsi être exercés par les associations de lutte contre le racisme, par les associations de lutte contre les violences sexuelles, par les associations de défense de l'enfance, par les associations d'aide aux personnes malades ou handicapées...

En règle générale, pour pouvoir exercer cette possibilité, l'association doit être régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans. Dans un grand nombre de cas, l'association n'est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de la victime. Les dispositions relatives à la possibilité pour les associations d'exercer les droits reconnus à la partie civile font actuellement l'objet des articles 2-1 à 2-16 du code de procédure pénale.

L'article 28 quater du projet, adopté à l'initiative de l'Assemblée nationale tend à étendre la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile aux associations se proposant par leurs statuts de " défendre et d'assister l'individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs ". Ces associations pourraient exercer les droits reconnus à la partie civile " à l'occasion d'actes commis par toute personne physique ou morale, dans le cadre d'un mouvement ou organisation ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter une dépendance psychologique ou physique, dès lors que ces actes portent atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales ".

Il s'agit en pratique de permettre aux associations de lutte contre les phénomènes sectaires d'exercer les droits reconnus à la partie civile, afin de renforcer leurs moyens de défendre les personnes victimes des sectes.

La constitution de partie civile serait possible pour un grand nombre d'infractions, parmi lesquelles les tortures, les violences, les menaces, les agressions sexuelles, les enlèvements et séquestrations, le proxénétisme, le vol, l'extorsion, l'escroquerie...

Votre commission partage pleinement l'objectif poursuivi par cet article et estime indispensable le renforcement de l'efficacité de la lutte contre les sectes. En novembre 1998, notre collègue M. Nicolas About a redéposé une proposition de loi (n° 79, 1998-1999) contenant plusieurs dispositions destinées à renforcer les moyens de lutter contre les associations ou groupements à caractère sectaire. Notre collègue proposait notamment de permettre aux associations se proposant, par leurs statuts, de défendre l'individu et la famille contre les dérives sectaires de certaines associations ou groupements de fait et d'exercer les droits reconnus à la partie civile.

Il conviendra vraisemblablement dans un proche avenir d'examiner de manière approfondie la question de l'exercice par les associations des droits reconnus à la partie civile. Il paraît difficile de continuer à allonger la liste des associations pouvant se constituer partie civile sans réfléchir à la possibilité de dispositions plus synthétiques.

Dans un récent rapport préparé au nom de l'office d'évaluation de la législation, M. Pierre Albertini, député, a dressé un bilan très complet de cette question et formulé quelques propositions qui mériteront d'être examinées avec le plus grand soin.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

SECTION 2
Dispositions relatives aux constitutions de partie civile

Article 29 A
(Article 80-2 rétabli du code de procédure pénale)
Information de la victime par le juge d'instruction

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, a pour objet de rétablir l'article 80-2 du code de procédure pénale, afin d'obliger le juge d'instruction, dès le début d'une information, à avertir la victime d'une infraction prévue par le livre II du code pénal de l'ouverture d'une procédure, de son droit de se constituer partie civile et des modalités d'exercice de ce droit. En présence d'une victime mineure, l'avis serait donné à ses représentants légaux.

Actuellement, le procureur de la République doit assurer " le plaignant du classement de l'affaire ainsi que la victime lorsque celle-ci est identifiée " (article 40 du code de procédure pénale). En revanche, aucune information particulière de la victime n'est prévue en cas d'ouverture d'une information. Dans la plupart des cas, le juge d'instruction est conduit à entrer en contact avec la victime au cours de l'instruction, mais tel n'est pas toujours le cas. Certaines victimes peuvent avoir intérêt à se constituer partie civile au stade de l'information plutôt que d'attendre l'audience.

L'objectif de cet article est donc louable. Toutefois, il est particulièrement choquant de réserver les informations prévues aux victimes d'infractions mentionnées au livre II du code pénal. Cela conduirait à exclure l'ensemble des victimes d'infractions contre les biens ainsi que les victimes d'infractions contre l'Etat, la nation ou la paix publique.

Souhaitant que le principe d'égalité devant la justice soit pleinement respecté, votre commission vous propose, par un amendement de prévoir que toutes les victimes doivent recevoir les informations prévues par cet article en cas d'ouverture d'une information.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 29 A
(Article 344 et 407 du code de procédure pénale)
Droit de la partie civile à un interprète

Actuellement, le code de procédure pénale prévoit qu'au cours des audiences criminelles ou correctionnelles, les témoins, l'accusé ou le prévenu qui ne parlent pas suffisamment la langue française bénéficient, sur désignation d'office par le président, de l'assistance d'un interprète.

Votre commission propose, conformément à une suggestion du groupe interministériel d'aide aux victimes présidé par Mme Marie-Noëlle Lienemann, que ce droit soit également reconnu à la partie civile.

Article 29
(Article 420-1 du code de procédure pénale)
Modalités de constitution de partie civile

L'article 418 du code de procédure pénale prévoit que toute personne qui prétend avoir été lésée par un délit peut se constituer partie civile à l'audience, si elle ne l'a déjà fait. L'article 419 dispose que la déclaration de constitution de partie civile se fait soit avant l'audience au greffe, soit pendant l'audience par déclaration consignée par le greffier ou par dépôt de conclusions.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 420-1 du code de procédure pénale permet à une personne qui se prétend lésée de se constituer partie civile directement ou par son avocat, par lettre recommandée avec avis de réception parvenue au tribunal 24 heures au moins avant la date de l'audience, lorsqu'elle demande soit la restitution d'objets saisis, soit des dommages-intérêts dont le montant n'excède pas le plafond de la compétence de droit commun des tribunaux d'instance en matière civile, soit 30.000 F (article R. 321-1 du code de l'organisation judiciaire). Dans un tel cas, la personne n'est pas tenue de comparaître.

L'article 29 du projet tend à simplifier les modalités de constitution de partie civile. La déclaration de constitution de partie civile pourrait désormais être faite par télécopie et non plus seulement par lettre recommandée.

Par ailleurs, le seuil maximal de dommages-intérêts au dessus duquel la constitution de partie civile par lettre recommandée n'est pas possible serait supprimé. Ainsi, la victime pourrait se constituer partie civile par lettre recommandée ou par télécopie, quel que soit le montant des dommages-intérêts demandés. Comme l'indique l'étude d'impact jointe au projet de loi " l'existence même d'un seuil n'est pas cohérente. Ou la demande d'indemnité est justifiée, et le tribunal répressif doit y faire droit, ou elle ne l'est pas et la partie civile doit être déboutée. Mais, il n'y a pas de raison que la gravité du dommage oblige la victime à se déplacer, un tel déplacement pouvant précisément être impossible si la victime est immobilisée en raison de la gravité de l'infraction qu'elle a subie ".

Par ailleurs, cet article tend également à permettre à une personne de demander des dommages-intérêts ou la restitution d'objets par déclaration devant un officier ou un agent de police judiciaire au cours de l'enquête de police. Cette demande vaudrait constitution de partie civile si l'action publique était mise en mouvement.

Il semble que cette possibilité soit déjà reconnue par certaines juridictions ; elle paraît adaptée au développement du traitement " en temps réel " des procédures. En revanche, votre commission propose, par un amendement , d'exclure que la demande de dommages-intérêts devant un officier de police judiciaire puisse, à elle seule, valoir constitution de partie civile en cas d'ouverture d'une information.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 30
(Article 464 du code de procédure pénale)
Renvoi de la décision sur l'action civile à une audience ultérieure

Dans sa rédaction actuelle, l'article 464 du code de procédure pénale prévoit que le tribunal prononce une peine s'il estime que le fait constitue un délit. Il statue, s'il y a lieu, sur l'action civile, et peut ordonner le versement provisoire, en tout ou en partie, des dommages-intérêts alloués.

A propos de cet article, une jurisprudence relativement complexe s'est développée. Considérant que le jugement de l'action civile était l'accessoire du jugement de l'action publique, la Cour de cassation a estimé que le tribunal correctionnel était tenu de statuer par le même jugement sur les deux actions (Cass. Crim, 26 mars 1963).

La Cour de cassation a cependant estimé que certaines circonstances pouvaient justifier le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure sur les seuls intérêts civils. Il en est ainsi si les juges ne peuvent se prononcer sur une demande de dommages-intérêts car des éléments nouveaux sont apparus au cours des débats et ont mis la partie civile dans l'obligation d'accomplir certaines formalités. Dans de tels cas, le tribunal doit renvoyer l'affaire à une date déterminée. Ainsi, la Cour de cassation a refusé d'admettre l'ajournement sine die de la décision dans l'attente des résultats d'une expertise.

En ce qui concerne les hypothèses dans lesquelles l'importance du dommage est susceptible de varier après le prononcé de jugement, la jurisprudence considère que le tribunal doit statuer immédiatement sur la partie des dommages dont il constate dès à présent la réalité au vu des éléments du dossier. En revanche, le tribunal peut surseoir à statuer sur l'évaluation du préjudice et ordonner des mesures d'instruction complémentaires (Cass. crim., 23 novembre 1976).

L'article 30 du projet doit permettre de clarifier la situation en cette matière. Il tend en effet à insérer un nouvel alinéa dans l'article 464 du code de procédure pénale pour prévoir que le tribunal peut, après avoir statué sur l'action publique, renvoyer l'affaire à une date ultérieure pour statuer sur l'action civile d'office ou à la demande du procureur de la République ou des parties. Le tribunal pourrait renvoyer la décision, même s'il n'ordonnait pas de mesures d'instruction, afin de permettre à la partie civile d'apporter les justificatifs de ses demandes. Le texte prévoit en outre que le renvoi est de droit si les parties civiles le demandent et que le tribunal doit fixer la date de l'audience à laquelle il sera statué sur l'action civile.

Il s'agit d'une clarification heureuse qui ne peut qu'être bénéfique pour les victimes d'infractions pénales. Votre commission propose simplement, par un amendement , que la présence du ministère public à l'audience sur l'action civile ne soit pas obligatoire, le tribunal ayant déjà statué sur l'action publique.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 31
(Article 618-1 nouveau du code de procédure pénale)
Remboursement des frais irrépétibles

L'article 475-1 du code de procédure pénale permet au tribunal correctionnel de condamner l'auteur d'une infraction à payer à la partie civile la somme qu'il détermine, au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci.

Cette disposition est l'équivalent en procédure pénale de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, qui prévoit que " le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ". L'article 629 du même code permet explicitement l'application de cet article par les chambres civiles de la Cour de cassation.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a pour sa part refusé d'appliquer l'article 475-1 du code de procédure pénale au pourvoi en cassation en matière pénale (Cass, crim. 3 mars 1993). La chambre criminelle a en effet estimé que " les dispositions de ce texte -comprises dans le livre deuxième du code de procédure pénale gouvernant la procédure suivie devant les juridictions du fond- ne sauraient s'appliquer lors d'un pourvoi en cassation, voie de recours extraordinaire dont la procédure est réglée au livre troisième du même code et dans lequel il n'est fait aucun renvoi audit article 475-1 ".

L'article 31 du projet de loi tend donc à créer, parmi les dispositions du code de procédure pénale relatives au pourvoi en cassation, un article 618-1 précisant que les dispositions de l'article 475-1 sont applicables devant la Cour de cassation. Votre commission approuve pleinement cette évolution et a adopté un amendement tendant à permettre le remboursement des frais irrépétibles en cas de pourvoi en cassation en matière criminelle.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 31 bis
(Article 15-2 nouveau du code de procédure pénale)
" Guichet unique " en matière de dépôt de plainte

Cet article tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 15-2 pour prévoir que la police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d'infractions à la loi pénale et de les transmettre, le cas échéant, au service ou à l'unité de police judiciaire territorialement compétent.

D'ores et déjà, l'article 17 du code de procédure pénale prévoit que les officiers de police judiciaire " regroupent les plaintes et dénonciations ".

Toutefois, le rapport du groupe interministériel d'aide aux victimes note qu'" on observe les mêmes carences concernant les critères de compétences territoriales relatives à la réception des plaintes. Même si des efforts ont été réalisés, trop de victimes se plaignent encore d'être renvoyées d'un service à l'autre sans parvenir à se faire entendre ".

Le groupe a donc proposé d'inscrire dans le code de procédure pénale que " toute personne victime d'une infraction pénale peut déposer plainte en tout lieu du territoire, à charge pour le service qui la reçoit de transmettre la procédure aux autorités compétentes ".

L'article 31 bis tend à traduire cette proposition en instaurant en quelque sorte le principe du " guichet unique " en matière de dépôt de plainte. Il s'agit d'une mesure particulièrement bienvenue, qui devrait considérablement simplifier les démarches des victimes et mérite de ce fait d'être approuvée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 31 ter
(Article 138 du code de procédure pénale)
Contrôle judiciaire des avocats

L'article 138 du code de procédure pénale concerne les mesures que le juge d'instruction peut ordonner dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Le juge peut notamment imposer à la personne concernée de " ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusion de l'exercice des mandats électifs et des responsabilités syndicales, lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise ".

Le législateur, à l'initiative de M. Michel Pezet, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi qui a donné naissance à la loi du 4 janvier 1993, a complété cette disposition pour prévoir que " lorsque l'activité concernée est celle d'un avocat, le juge d'instruction doit saisir le conseil de l'ordre qui statue comme il est dit à l'article 23 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ".

L'intention de M. Michel Pezet, en présentant cet amendement, était claire : " Des juges d'instruction peuvent être conduits à instruire contre un avocat et prononcer immédiatement, comme c'est leur droit, une interdiction d'activité professionnelle, au titre des peines accessoires. Les répercussions d'une telle interdiction sont considérables, tant à l'égard des règles régissant les rapports de l'avocat avec son client, qu'à l'égard de l'avocat lui-même en tant qu'auxiliaire de justice ou des rapports entre l'avocat avec ses propres collègues.

" Si un juge d'instruction estime qu'un avocat peut être effectivement suspendu de son activité professionnelle, il doit au préalable saisir le conseil de l'ordre qui statue conformément à la loi
".

Le Gouvernement s'est vivement opposé, par la voie de M. Michel Vauzelle, à cet amendement en observant qu'il " aurait pour effet de subordonner l'application d'une règle générale de procédure pénale à la décision d'une instance disciplinaire professionnelle, ce qui n'est pas acceptable ". Au Sénat, l'article concerné a été adopté sans débat.

La Cour de cassation n'a pas retenu l'interprétation faite par l'auteur de l'amendement de cet article.

A plusieurs reprises en effet, elle a considéré que l'article 138-12 n'avait pas pour effet de retirer au juge d'instruction le pouvoir d'interdire à un avocat d'exercer sa profession. Dans un arrêt du 30 juin 1993, la chambre criminelle a estimé que " la décision du juge d'instruction ne saurait être subordonnée à celle d'une instance disciplinaire professionnelle ".

Plus récemment, dans un arrêt du 22 octobre 1997, la chambre criminelle a fait valoir que " la décision du juge d'instruction, dont l'autonomie dans la conduite de l'information est affirmée par l'article 81, 1 er alinéa du même code, ne saurait être subordonnée à celle d'une instance disciplinaire professionnelle ".

L'article 31 ter, adopté par l'Assemblée nationale contre l'avis du gouvernement, tend donc à préciser explicitement dans l'article 138 du code de procédure pénale que seul le Conseil de l'ordre est habilité à statuer en ce qui concerne l'interdiction pour un avocat d'exercer sa profession.

De fait, il ne paraît pas illogique d'accorder une protection particulière à l'avocat, compte tenu du rôle qu'il joue dans la procédure pénale, d'autant que toutes les autres mesures du contrôle judiciaire peuvent lui être appliquées et qu'il peut être mis en détention provisoire.

L'Assemblée nationale ayant intégré cette disposition parmi celles relatives aux victimes, votre commission vous propose, par un amendement , de l'insérer parmi les dispositions finales du projet de loi dans un article additionnel après l'article 33.

En conséquence, votre commission vous propose de supprimer l'article 31 ter.

Article 31 quater
(Article 399-1 nouveau du code de procédure pénale)
Information de la victime sur la date de l'audience

L'article 399 du code de procédure pénale définit les modalités d'application de la procédure de comparution immédiate, qui permet au procureur, lorsqu'il estime qu'une information n'est pas nécessaire, d'inviter la personne déférée à comparaître devant le tribunal dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours, sauf renonciation expresse de l'intéressé en présence de son avocat, ni supérieur à deux mois.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à insérer un article 393-1 dans le code de procédure pénale, afin de prévoir, en cas de comparution immédiate, une information par tout moyen de la victime en ce qui concerne la date de l'audience.

Actuellement, l'article 391 du code de procédure pénale prévoit que " toute personne ayant porté plainte est avisée par le parquet de la date de l'audience ". En cas de comparution immédiate, l'audience peut avoir lieu alors même que la victime n'a pas porté plainte, de sorte qu'il n'est pas inutile de prévoir une disposition particulière afin qu'elle soit informée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 31 quinquies
(Article 800-2 nouveau du code de procédure pénale)
Indemnisation des personnes bénéficiant d'un non-lieu,
d'une relaxe ou d'un acquittement

Cet article a pour objet d'insérer un article 800-2 dans le code de procédure pénale, afin de permettre à toute juridiction prononçant un non-lieu, une relaxe ou un acquittement d'accorder à la personne poursuivie une indemnité qu'elle détermine au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci. L'indemnité serait à la charge de l'Etat, mais pourrait être mise à la charge de la partie civile en cas de mise en mouvement de l'action publique par cette dernière.

Il s'agit d'une innovation importante. En effet, il paraît particulièrement choquant qu'une personne injustement mise en cause dans une procédure pénale doive supporter des frais qui, dans certains cas, peuvent s'avérer très lourds.

Le décret prévu dans cet article devra définir la procédure à suivre pour obtenir l'indemnité. La demande devra-t-elle être faite avant le prononcé du non-lieu, de la relaxe ou de l'acquittement ? ou bien sera-t-il possible de la formuler après la décision de la juridiction ?

Votre commission approuve pleinement l'objectif poursuivi par cet article. Toutefois, une telle disposition ne paraît guère devoir figurer dans la partie du projet de loi relative aux victimes, mais dans celle concernant la présomption d'innocence.

Votre commission vous propose donc, par un amendement , d'inscrire cette disposition avant l'article 22 du projet et vous propose en conséquence la suppression de l'article 31 quinquies.

CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À L'INDEMNISATION
DES VICTIMES

Article 31 sexies
(Articles 375-3 nouveau et 464 du code de procédure pénale)
Information de la victime de son droit de saisir
la commission d'indemnisation des victimes d'infractions

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, tend à prévoir, en matière correctionnelle comme en matière criminelle, que la juridiction, lorsqu'elle condamne l'auteur d'une infraction à verser des dommages-intérêts, doit informer la partie civile de la possibilité de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI).

La procédure d'indemnisation par les CIVI, dans la forme actuelle, a été prévue par la loi du 6 juillet 1990. L'indemnisation, assurée par l'Etat, n'est possible que lorsque certaines conditions sont réunies. Toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits ayant entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois ou ayant été victime d'une atteinte ou d'une agression sexuelle peut obtenir la réparation intégrale de son préjudice.

En revanche, lorsqu'il s'agit d'un préjudice matériel ou d'un préjudice corporel avec une incapacité de travail inférieure à un mois, l'article 706-14 du code de procédure pénale n'autorise le recours en indemnité que si le préjudice résulte d'un vol, d'une escroquerie ou d'un abus de confiance. La victime doit démontrer qu'elle ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation matérielle grave. Il faut enfin que ses ressources soient inférieures au plafond prévu pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle, soit 7.300 F. L'indemnité accordée dans ce cadre est au maximum égale à 22.000 F.

Il paraît utile que les juridictions informent les victimes auxquelles elles accordent des dommages-intérêts de leur droit de saisir la CIVI. Cette procédure est parfois mal connue et peut éviter aux victimes des démarches particulièrement pénibles destinées à percevoir effectivement les dommages-intérêts accordés.

Toutefois, il conviendra de faire en sorte, pour l'application de cet article, que les informations données à la victime soient suffisamment claires pour lui éviter des désagréments. Il existe en effet des restrictions à la possibilité de saisir la CIVI, tenant à la nature et à l'importance du préjudice. Dans certains cas, la saisine n'est ouverte qu'aux personnes bénéficiant de ressources limitées et il paraît nécessaire que cette information soit donnée à la victime.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 31 septies
(Article 706-5 du code de procédure pénale)
Coordination avec l'article précédent

L'article tend à modifier l'article 706-5 du code de procédure pénale par coordination avec l'article précédent. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit que la demande d'indemnité doit être présentée à la CIVI dans le délai de trois ans après l'infraction ou lorsque des poursuites sont engagées, dans le délai d'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive.

L'Assemblée nationale a souhaité remplacer la référence à la date de la décision de la juridiction par une référence à la date à laquelle la personne a été informée de son droit de saisir la CIVI. Une telle rédaction devrait permettre de faire disparaître tout délai en l'absence d'avis donné à la personne. Toutefois, une telle rédaction pourrait aboutir à des effets pervers, dans la mesure où l'avis donné à la victime n'est prévu que lorsque la juridiction lui accorde des dommages-intérêts. Or, la saisine de la CIVI est possible même en l'absence d'une telle décision.

Votre commission a donc estimé plus simple d'en rester au système actuel, qui permet à la victime de saisir la CIVI dans le délai d'un an après la décision de la juridiction.

Elle vous propose la suppression de cet article.

Article 31 octies
(Articles 721-1 et 729 du code de procédure pénale)
Réductions de peines pour les personnes
s'efforçant d'indemniser les victimes

L'article 721-1 concerne les réductions supplémentaires de peine (le régime des réductions de peine étant prévu par l'article 721) et prévoit qu'une telle réduction peut être accordée aux condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment en passant avec succès un examen scolaire, universitaire ou professionnel traduisant l'acquisition de connaissances nouvelles ou en justifiant de progrès réels dans le cadre d'un enseignement ou d'une formation.

L'article 31 octies du projet, inséré par l'Assemblée nationale, tend à faire figurer dans cet article les efforts d'indemnisation de la victime comme l'un des éléments pouvant justifier une réduction supplémentaire de la peine. Cela est en fait déjà prévu par une circulaire et l'insertion de cette disposition dans la partie législative du code de procédure pénale paraît d' intérêt modeste.

Cet article prévoit par ailleurs de compléter la premier alinéa de l'article 729 du code de procédure pénale, qui précise que les condamnés ayant à subir une peine privative de liberté peuvent bénéficier d'une libération conditionnelle s'ils présentent des gages sérieux de réadaptation sociale. L'Assemblée nationale a souhaité que, parmi les gages sérieux de réadaptation sociale, figurent les efforts d'indemnisation des victimes.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE III
DISPOSITIONS DE COORDINATION

Votre commission vous propose, par un amendement , de modifier l'intitulé de cette division, afin de faire référence à des dispositions diverses et de coordination.

Article 32
(Articles 104, 105, 152, 175 et 183 du code de procédure pénale)
Coordination - Témoin assisté

Cet article a pour objet de prévoir des coordinations dans plusieurs articles du code de procédure pénale pour tenir compte des modifications apportées au statut du témoin assisté.

• Le paragraphe I prévoit l'abrogation de l'article 104 du code de procédure pénale, qui permet à une personne visée par une plainte avec constitution de partie civile de bénéficier de certains des droits reconnus à la personne mise en examen. Cette abrogation est logique, l'ensemble des dispositions relatives au témoin assisté devant être rassemblées dans les articles 113-1 et suivants nouveaux du code de procédure pénale.

• Le paragraphe II prévoit l'abrogation des deuxième et dernier alinéas de l'article 105 du code de procédure pénale qui prévoient que les personnes nommément visées par un réquisitoire ne peuvent être entendues comme témoins, mais que le juge peut leur reconnaître le statut de témoin assisté. L'abrogation de ces dispositions se justifie par la création d'une sous-section relative au témoin assisté dans le code de procédure pénale.

• Le paragraphe III tend à opérer des coordinations dans l'article 152 du code de procédure pénale, relatif aux pouvoirs des magistrats ou officiers de police judiciaire commis pour l'exécution d'une commission rogatoire, afin de remplacer les références aux personnes nommées dans les articles 104 et 105 du code de procédure pénale par des références au témoin assisté.

• Le paragraphe III bis tend à opérer une coordination similaire dans l'article 175 relatif à l'avis de notification de la fin d'une information.

• Le paragraphe IV tend à opérer une coordination identique dans l'article 183 relatif aux ordonnances de règlement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 33
(Articles 83, 116, 122, 135, 136, 137, 138, 141-2, 144-1,
145, 145-2, 185, 187-1, 207 du code de procédure pénale)
Coordination - Juge de la détention

Cet article a pour objet de prendre en compte dans le code de procédure pénale la création du juge de la détention provisoire, en remplaçant partout où cela est nécessaire, la référence au juge d'instruction par une référence au juge de la détention provisoire.

•  Le paragraphe I tend à modifier l'article 83 du code de procédure pénale, qui dispose notamment que le juge chargé de l'information a seul qualité pour statuer en matière de détention provisoire, afin de prévoir que ce juge a seul qualité pour saisir le juge de la détention provisoire.

•  Le paragraphe II tend à modifier l'article 116 du code de procédure pénale, relatif à la première comparution, afin de prévoir que la déclaration de domicile que doit faire la personne mise en examen est faite devant le juge de la détention provisoire lorsque ce magistrat, saisi par le juge d'instruction, décide de ne pas placer la personne en détention. De même, certains avis donnés à la personne par le juge d'instruction (obligation de signaler tout changement d'adresse jusqu'au règlement de l'information) seraient donnés par le juge de la détention s'il décidait de ne pas placer la personne en détention ;

•  Le paragraphe III tend à modifier l'article 122 du code de procédure pénale, relatif aux différents mandats que peut délivrer le juge d'instruction, afin de prévoir la délivrance des mandats de dépôt par le juge de la détention provisoire.

•  Le paragraphe IV tend à supprimer le premier alinéa de l'article 135 du code de procédure pénale, qui prévoit que le juge d'instruction ne peut délivrer un mandat de dépôt qu'après interrogatoire et si l'infraction comporte une peine d'emprisonnement correctionnelle ou une autre peine plus grave.

•  Le paragraphe V tend à modifier l'article 136 du code de procédure pénale, relatif à l'inobservation des formalités prescrites pour les mandats, afin de prévoir que cette inobservation peut donner lieu à des sanctions disciplinaires contre le juge de la détention provisoire en matière de mandats de dépôt.

•  Le paragraphe VI a pour objet de supprimer le second alinéa de l'article 137 du code de procédure pénale, qui prévoit notamment que le juge d'instruction qui ne suit pas les réquisitions du procureur tendant au placement en détention provisoire de la personne n'a pas à rendre d'ordonnance motivée. Le projet de loi prévoit en effet l'inscription dans les articles 137-3 et 137-4 nouveaux du code de procédure pénale de dispositions permettant au juge de la détention de ne pas statuer par ordonnance motivée lorsqu'il ne décide pas le placement en détention et offrant la même faculté au juge d'instruction lorsqu'il décide de ne pas saisir le juge de la détention en présence de réquisitions tendant au placement en détention provisoire.

•  Le paragraphe VII tend à compléter une référence au juge d'instruction par une référence au juge de la détention provisoire dans l'article 138 du code de procédure pénale relatif au contrôle judiciaire. Le projet de loi prévoit en effet que la mise sous contrôle judiciaire demeure une compétence du juge d'instruction, mais que le juge de la détention peut également ordonner un contrôle judiciaire lorsqu'il est saisi d'une demande de mise en détention.

•  Le paragraphe VIII tend à modifier l'article 141-2 du code de procédure pénale, relatif à la possibilité de mettre une personne en détention provisoire lorsqu'elle se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire. En pareil cas, le juge d'instruction ne pourrait plus décider lui-même la mise en détention provisoire, mais devrait saisir le juge de la détention provisoire.

•  Le paragraphe IX tend à compléter une référence au juge d'instruction par une référence au juge de la détention provisoire dans l'article 144-1 du code de procédure pénale, qui prévoit que le juge d'instruction doit ordonner la mise en liberté immédiate d'une personne placée en détention provisoire, lorsque les conditions justifiant une mise en détention provisoire ne sont plus réunies.

•  Le paragraphe X a pour objet de modifier l'article 145 du code de procédure pénale, relatif à la procédure qui doit être suivie en matière de détention provisoire. Il s'agit de remplacer les références au juge d'instruction par des références au juge de la détention provisoire. Le paragraphe tend également à prendre en compte, dans l'article 145, le fait que le projet de loi tend à inscrire dans deux articles différents les motifs pouvant justifier une mise en détention provisoire et les seuils de peine encourue à partir desquels une telle mise en détention est possible.

•  Le paragraphe XI avait pour objet d'opérer des coordinations dans l'article 145-1 du code de procédure pénale, relatif à la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle. L'Assemblée nationale, après avoir décidé de réécrire entièrement cet article, a logiquement supprimé ce paragraphe.

•  Le paragraphe XII tend à remplacer une référence au juge d'instruction par une référence au juge de la détention provisoire dans l'article 145-2, relatif à la durée de la détention provisoire en matière criminelle.

•  Le paragraphe XIII tend à modifier l'intitulé de la section du code de procédure pénale relative à l'appel des ordonnances du juge d'instruction, afin de prévoir la possibilité d'appel des ordonnances du juge de la détention provisoire.

•  Le paragraphe XIV tend à compléter, dans l'article 185 du code de procédure pénale relatif à l'appel des ordonnances, la référence au juge d'instruction par une référence au juge de la détention provisoire.

•  Le paragraphe XV tend à modifier l'article 178-1 du code de procédure pénale relatif à l'appel des ordonnances de placement en détention provisoire pour remplacer la référence au juge d'instruction par une référence au juge de la détention provisoire ;

•  Le paragraphe XVI tend à modifier l'article 207 du code de procédure pénale, afin de prendre en considération les prérogatives du juge de la détention provisoire en ce qui concerne les conséquences des décisions de la chambre d'accusation en matière de détention provisoire.

Votre commission a adopté un amendement de coordination, afin de prendre en compte dans cet article son choix de ne pas donner de nom au magistrat chargé du contentieux de la détention provisoire.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 33 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 33
(Article 138 du code de procédure pénale)
Contrôle judiciaire des avocats

Votre commission propose d'insérer, après l'article 33, le texte de l'article 31 ter du projet de loi, qui tend à confier au seul conseil de l'ordre la possibilité de contraindre un avocat à cesser d'exercer son activité professionnelle dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

Article 34
(Article 145 du code de procédure pénale)
Coordination

L'article 34 avait pour objet de modifier, dans l'article 145 du code de procédure pénale, relatif à la procédure de placement en détention provisoire, des renvois à d'autres articles du code, notamment pour tenir compte de la scission en deux articles différents des conditions permettant la mise en détention provisoire d'une personne. Cette coordination étant déjà opérée par ailleurs, l'Assemblée nationale a décidé la suppression de cet article.

Votre commission vous propose de maintenir la suppression de cet article.

Article 35
(Articles 420-2 et 460-1 du code de procédure pénale)
Coordination - Constitution de partie civile par télécopie

Cet article a pour objet de modifier l'article 420-2 du code de procédure pénale, relatif à la décision rendue sur les demandes de restitution d'objets saisis ou de dommages-intérêts présentées par lettre, afin de tenir compte de la possibilité de se constituer partie civile et de formuler ces demandes par voie de télécopie prévue par l'article 29 du projet de loi .

Une modification similaire est prévue dans l'article 460-1 du code de procédure pénale, qui prévoit que lorsqu'une personne s'est constituée partie civile par lettre, le président donne lecture de la lettre dès que l'instruction à l'audience est terminée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 36
(Article 154 du code de procédure pénale)
Informations données à l'avocat au cours d'une garde à vue

L'article 2 du projet de loi tend notamment à renforcer l'information de l'avocat intervenant au cours d'une garde à vue. Le présent article a pour objet de modifier l'article 154 du code de procédure pénale, relatif aux gardes à vue pour l'exécution de commissions rogatoires, afin de prévoir que l'avocat doit être informé du fait que la garde à vue intervient dans le cadre d'une commission rogatoire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 37
(Article 82 du code de procédure pénale)
Coordination - Demandes d'actes

Le projet de loi tend à élargir la liste des actes que peuvent demander les parties au cours de l'information. Il prévoit en outre que les avocats peuvent demander à être présents lorsque certains actes sont accomplis.

Pour sa part, le procureur de République peut déjà se transporter sur les lieux (article 92 du code de procédure pénale) ou assister aux interrogatoires et confrontations de la personne mise en examen et aux auditions de la partie civile (article 119 du code de procédure pénale). Toutefois, aucune disposition ne lui permet de demander à assister à l'audition d'un témoin.

L'article 37 du projet tend donc à modifier l'article 82 du code de procédure pénale pour permettre au procureur de demander à assister à l'accomplissement des actes qu'il requiert.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 38
(Articles 4 et 11 de l'ordonnance du 2 février 1945)
Garde à vue et détention provisoire des mineurs délinquants

Actuellement, les mineurs de seize ans peuvent d'ores et déjà bénéficier de l'intervention de l'avocat à la première heure de garde à vue. En revanche, une telle intervention n'est prévue que dans les mêmes conditions que pour les majeurs, en ce qui concerne les mineurs de 16 à 18 ans. Le présent article tend à modifier l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 pour prévoir la possibilité pour tous les mineurs de demander l'intervention d'un avocat dès la première heure de garde à vue.

Cet article prévoit en outre d'insérer une référence au magistrat chargé de la détention provisoire dans l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945, relatif au régime de détention provisoire des mineurs délinquants.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination et vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 39
Délai d'entrée en vigueur de certaines dispositions

Cet article tend à renvoyer au premier jour du quatrième mois avant la publication au journal officiel de la loi l'entrée en vigueur des dispositions relatives au juge de la détention provisoire et des dispositions limitant les conditions ou la durée de la détention provisoire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 40
Application en Nouvelle-Calédonie,
dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte

Cet article prévoit l'application de la loi dans les territoires d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

Le Gouvernement a récemment déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française. Si ce texte est adopté, la Polynésie ne sera plus un territoire d'outre-mer. Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un amendement, de ne plus faire référence aux territoires d'outre-mer, mais à la Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.

I. ANNEXE

code de procédure pénale

Art. 50. -- Le juge d'instruction, choisi parmi les juges du tribunal, est nommé dans les formes prévues pour la nomination des magistrats du siège.

En cas de nécessité, un autre juge peut être temporairement chargé, dans les mêmes formes, des fonctions de juge d'instruction concurremment avec le magistrat désigné ainsi qu'il est dit au premier alinéa.

Si le premier président délègue un juge au tribunal, il peut aussi, dans les mêmes conditions, charger temporairement celui-ci de l'instruction par voie d'ordonnance.

Si le juge d'instruction est absent, malade ou autrement empêché, le tribunal de grande instance désigne l'un des juges de ce tribunal pour le remplacer.

Art. 61. -- L'officier de police judiciaire peut défendre à toute personne de s'éloigner du lieu de l'infraction jusqu'à la clôture de ses opérations.

Art. 62. -- L'officier de police judiciaire peut appeler et entendre toutes personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets et documents saisis.

Les personnes convoquées par lui sont tenues de comparaître. Si elles ne satisfont pas à cette obligation, avis en est donné au procureur de la République, qui peut les contraindre à comparaître par la force publique.

Il dresse un procès-verbal de leurs déclarations. Les personnes entendues procèdent elles-mêmes à sa lecture, peuvent y faire consigner leurs observations et y apposent leur signature. Si elles déclarent ne savoir lire, lecture leur en est faite par l'officier de police judiciaire préalablement à la signature. Au cas de refus de signer le procès-verbal, mention en est faite sur celui-ci.

Les agents de police judiciaire désignés à l'article 20 peuvent également entendre sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, toutes personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits en cause. Ils dressent à cet effet, dans les formes prescrites par le présent code, des procès-verbaux qu'ils transmettent à l'officier de police judiciaire qu'ils secondent.

Art. 63. -- L'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, garder à sa disposition une ou plusieurs des personnes visées aux articles 61 et 62. Il en informe dans les meilleurs délais le procureur de la République. Les personnes gardées à vue ne peuvent être retenues plus de vingt-quatre heures.

Toutefois, les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps nécessaire à leur déposition.

La garde à vue des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction peut être prolongée d'un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, par autorisation écrite du procureur de la République. Ce magistrat peut subordonner cette autorisation à la présentation préalable de la personne gardée à vue.

Sur instructions du procureur de la République, les personnes à l'encontre des quelles les éléments recueillis sont de nature à motiver l'exercice de poursuites sont, à l'issue de la garde à vue, soit remises en liberté, soit déférées devant ce magistrat.

Pour l'application du présent article, les ressorts des tribunaux de grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil constituent un seul et même ressort.

Art. 80-1. -- Le juge d'instruction a le pouvoir de mettre en examen toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice, aux faits dont il est saisi.

La mise en examen résulte de l'interrogatoire de première comparution prévu par l'article 116 ou la délivrance de l'un des mandats prévus par les articles 122 à 136. Toutefois, la personne à l'encontre de laquelle a été délivré un mandat d'amener ou d'arrêt ne bénéficie des droits reconnus aux personnes mises en examen qu'à compter de sa première comparution.

Le juge d'instruction peut également procéder à la mise en examen d'une personne par l'envoi d'une lettre recommandée. Cette lettre donne connaissance à la personne des faits pour lesquels elle est mise en examen et de la qualification juridique de ces faits. Elle lui précise qu'elle a le droit d'être assistée d'un avocat de son choix ou commis d'office et que le nom de l'avocat choisi ou la demande de désignation d'un avocat commis d'office doit être communiqué au greffe du juge d'instruction. Vaut également mise en examen la notification à une personne, par un officier de police judiciaire agissant sur les instructions du juge d'instruction, des mentions prévues par le présent alinéa. Cette notification est constatée par un procès-verbal signé par la personne qui en reçoit copie.

Art. 81. -- Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité.

Il est établi une copie de ces actes ainsi que de toutes les pièces de la procédure ; chaque copie est certifiée conforme par le greffier ou l'officier de police judiciaire commis mentionné à l'alinéa 4. Toutes les pièces du dossier sont cotées par le greffier au fur et à mesure de leur rédaction ou de leur réception par le juge d'instruction.

Toutefois, si les copies peuvent être établies à l'aide de procédés photographiques ou similaires, elles sont exécutées à l'occasion de la transmission du dossier. Il en est alors établi autant d'exemplaires qu'il est nécessaire à l'administration de la justice. Le greffier certifie la conformité du dossier reproduit avec le dossier original. Si le dessaisissement momentané a pour cause l'exercice d'une voie de recours, l'établissement des copies doit être effectué immédiatement pour qu'en aucun cas ne soit retardée la mise en état de l'affaire prévues à l'article 194.

Si le juge d'instruction est dans l'impossibilité de procéder lui-même à tous les actes d'instruction il peut donner commission rogatoire aux officiers de police judiciaire afin de leur faire exécuter tous les actes d'information nécessaires dans les conditions et sous les réserves prévues aux articles 151 et 152.

Le juge d'instruction doit vérifier les éléments d'information ainsi recueillis.

Le juge d'instruction procède ou fait procéder, soit par des officiers de police judiciaire, conformément à l'alinéa 4, soit par toute personne habilitée dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, à une enquête sur la personnalité des personnes mises en examen, ainsi que sur leur situation matérielle, familiale ou sociale. Toutefois, en matière de délit, cette enquête est facultative.

Le juge d'instruction peut également commettre, suivant les cas, le comité de probation et d'assistance aux libérés, le service compétent de l'éducation surveillée ou toute personne habilitée en application de l'alinéa qui précède à l'effet de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d'une personne mise en examen et de l'informer sur les mesures propres à favoriser l'insertion sociale de l'intéressée. A moins qu'elles n'aient été déjà prescrites par le ministère public, ces diligences doivent être prescrites par le juge d'instruction chaque fois qu'il envisage de placer en détention provisoire un majeur âgé de moins de vingt et un ans au moment de la commission de l'infraction lorsque la peine encourue n'excède pas cinq ans d'emprisonnement.

Le juge d'instruction peut prescrire un examen médical, un examen psychologique ou ordonner toutes mesures utiles.

S'il est saisi par une partie d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à l'un des examens ou à toutes autres mesures utiles prévus par l'alinéa qui précède, le juge d'instruction doit, s'il n'entend pas y faire droit, rendre une ordonnance motivée au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande.

La demande mentionnée à l'alinéa précédent doit faire l'objet d'une déclaration au greffier du juge d'instruction saisi du dossier. Elle est constatée et datée par le greffier qui la signe ainsi que le demandeur ou son avocat. Si le demandeur ne peut signer, il en est fait mention par le greffier. Lorsque le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffier peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Lorsque la personne mise en examen est détenue, la demande peut également être faite au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Cette déclaration est constatée et datée par le chef de l'établissement pénitentiaire qui la signe, ainsi que le demandeur. Si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef d'établissement. Ce document est adressé sans délai, en original ou copie et par tout moyen, au greffier du juge d'instruction.

Faute par le juge d'instruction d'avoir statué dans le délai d'un mois, la partie peut saisir directement le président de la chambre d'accusation, qui statue et procède conformément aux troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 186-1.

Art. 82-1. -- Les parties peuvent, au cours de l'information, saisir le juge d'instruction d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à leur audition ou à leur interrogatoire, à l'audition d'un témoin, à une confrontation ou à un transport sur les lieux, ou à ce qu'il soit ordonné la production par l'une d'entre elles d'une pièce utile à l'information. Cette demande doit être formée conformément aux dispositions du dixième alinéa de l'article 81.

Le juge d'instruction doit, s'il n'entend pas y faire droit, rendre une ordonnance motivée au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande. Les dispositions du dernier alinéa de l'article 81 sont applicables.

A l'expiration d'un délai de quatre mois depuis sa dernière comparution ou, s'il a été fait application du dernier alinéa de l'article 80-1, de l'envoi de la lettre prévue par cet alinéa, la personne mise en examen qui en fait la demande écrite doit être entendue par le juge d'instruction. Le juge d'instruction procède à son interrogatoire dans les trente jours de la réception de la demande qui doit être formée conformément aux dispositions du dixième alinéa de l'article 81.

Art. 116. -- Lors de la première comparution, le juge d'instruction constate l'identité de la personne et lui fait connaître expressément chacun des faits dont il est saisi et pour lesquels elle est mise en examen ainsi que la qualification juridique de ces faits. Mention de ces faits et de leur qualification juridique est portée au procès-verbal.

Lorsque la personne mise en examen a déjà demandé l'assistance d'un avocat et que celui-ci a été dûment convoqué, le juge d'instruction procède ensuite à son interrogatoire.

Dans les autres cas, le juge d'instruction avise la personne mise en examen de son droit de choisir un avocat ou de demander qu'il lui en soit désigné un d'office. L'avocat choisi ou, dans le cas d'une demande de commission d'office, le bâtonnier de l'ordre des avocats en est informé par tout moyen et sans délai. L'avocat peut consulter sur le champ le dossier et communiquer librement avec la personne mise en examen. Le juge d'instruction avertit ensuite la personne qu'elle ne peut être interrogée immédiatement qu'avec son accord. Cet accord ne peut être recueilli qu'en présence de son avocat. Toutefois, si la personne désire faire des déclarations, celles-ci sont immédiatement reçues par le juge d'instruction. Mention de l'avertissement prévu au présent alinéa est faite au procès-verbal.

Après avoir, le cas échéant, procédé à l'interrogatoire de la personne, le juge d'instruction l'avise de son droit de formuler une demande d'acte ou présenter une requête en annulation sur le fondement des articles 81 neuvième alinéa, 82-1, 156, premier alinéa et 173, troisième alinéa, durant le déroulement de l'information et au plus tard le vingtième jour suivant l'envoi de l'avis prévu par le premier alinéa de l'article 175.

A l'issue de la première comparution, la personne mise en examen doit déclarer au juge d'instruction son adresse personnelle. Elle peut toutefois lui substituer l'adresse d'un tiers chargé de recevoir les actes qui lui sont destinés, si elle produit l'accord de ce dernier. L'adresse déclarée doit être située, si l'information se déroule en métropole, dans un département métropolitain ou, si l'information se déroule dans un département d'outre-mer, dans ce département.

La personne est avisée qu'elle doit signaler au juge d'instruction jusqu'au règlement de l'information, par nouvelle déclaration ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, tout changement de l'adresse déclarée. Elle est également avisée que toute notification ou signification faite à la dernière adresse déclarée sera réputée faite à sa personne. Mention de cet avis, ainsi que de la déclaration d'adresse, est portée au procès-verbal.

Art. 120. --
Le procureur de la République et les avocats des parties ne peuvent prendre la parole que pour poser des questions après y avoir été autorisés par le juge d'instruction.

Si cette autorisation leur est refusée, le texte des questions sera reproduit ou joint au procès-verbal.

Art. 141-2. -- Si la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le juge d'instruction peut, quelle que soit la durée de la peine d'emprisonnement encourue, décerner à son encontre mandat d'arrêt ou de dépôt en vue de sa détention provisoire.

Les mêmes droits appartiennent en tout état de cause à la juridiction qui est compétente selon les distinctions de l'article 148-1. Toutefois, à l'encontre de l'accusé, il n'y a pas lieu à délivrance d'un mandat et l'ordonnance de prise de corps est exécutée sur l'ordre du président de la cour d'assises ou, dans l'intervalle des sessions, du président de la chambre d'accusation.

Art. 149-1. -- L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée par décision d'une commission qui statue souverainement.

Le bureau de la Cour de cassation peut décider que la commission comportera plusieurs formations.

La commission, ou chacune des formations qu'elle comporte le cas échéant, est composée du premier président de la Cour de cassation, ou de son représentant, qui la préside, et de deux magistrats du siège à la même cour ayant le grade de président de chambre, de conseiller ou de conseiller référendaire, désignés annuellement par le bureau de la cour. Outre ces deux magistrats, ce bureau désigne également, dans les mêmes conditions, trois suppléants.

Les fonctions du ministère public sont remplies par le parquet général près la Cour de cassation.

Art. 154. -- Lorsque l'officier de police judiciaire est amené, pour les nécessités de l'exécution de la commission rogatoire, à garder une personne à sa disposition, il en informe dans les meilleurs délais le juge d'instruction saisi des faits, qui contrôle la mesure de garde à vue. Il ne peut retenir cette personne plus de vingt-quatre heures.

La personne doit être présentée avant l'expiration du délai de vingt-quatre heures à ce magistrat ou, si la commission rogatoire est exécutée dans un autre ressort que celui de son siège, au juge d'instruction du lieu d'exécution de la mesure. A l'issue de cette présentation, le juge d'instruction peut accorder l'autorisation écrite de prolonger la mesure d'un nouveau délai, sans que celui-ci puisse excéder vingt-quatre heures. Il peut, à titre exceptionnel, accorder cette autorisation par décision écrite et motivée sans présentation préalable de la personne.

Pour l'application du présent article, les ressorts des tribunaux de grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil constituent un seul et même ressort.

Les dispositions des articles 63-1, 63-2, 63-3, 63-4, 64 et 65 sont applicables aux gardes à vue exécutées dans le cadre de la présente section. Les pouvoirs conférés au procureur de la République par les articles 63-2 et 63-3 sont alors exercés par le juge d'instruction. Le deuxième alinéa de l'article 63 est également applicable en matière de commission rogatoire.

Art. 156. -- Toute juridiction d'instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d'ordre technique, peut, soit à la demande du ministère public, soit d'office, ou à la demande des parties, ordonner une expertise.

Lorsque le juge d'instruction estime ne pas devoir faire droit à une demande d'expertise, il doit rendre une ordonnance motivée au plus tard dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande. Les dispositions des neuvième et dixième alinéas de l'article 81 sont applicables.

Les experts procèdent à leur mission sous le contrôle du juge d'instruction ou du magistrat que doit désigner la juridiction ordonnant l'expertise.

Art. 167. -- Le juge d'instruction donne connaissance des conclusions des experts aux parties et à leurs avocats après les avoir convoqués conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 114.

Les conclusions peuvent également être notifiées par lettre recommandée ou, lorsque la personne est détenue, par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire qui adresse, sans délai, au juge d'instruction l'original ou la copie du récépissé signé par l'intéressé.

Dans tous les cas, le juge d'instruction fixe un délai aux parties pour présenter des observations ou formuler une demande, notamment aux fins de complément d'expertise ou de contre-expertise. Cette demande doit être formée conformément aux dispositions du dixième alinéa de l'article 81. Pendant ce délai, le dossier de la procédure est mis à la disposition des conseils des parties.

Lorsqu'il rejette une demande, le juge d'instruction rend une décision motivée qui doit intervenir dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande. Il en est de même s'il commet un seul expert alors que la partie a demandé qu'il en soit désigné plusieurs. Les dispositions du dernier alinéa de l'article 81 sont applicables.

Art. 173. -- S'il apparaît au juge d'instruction qu'un acte ou une pièce de la procédure est frappé de nullité, il saisit la chambre d'accusation aux fins d'annulation, après avoir pris l'avis du procureur de la République et avoir informé les parties.

Si le procureur de la République estime qu'une nullité a été commise, il requiert du juge d'instruction communication de la procédure en vue de sa transmission à la chambre d'accusation, présente requête aux fins d'annulation à cette chambre et en informe les parties.

Si l'une des parties estime qu'une nullité a été commise, elle saisit la chambre d'accusation par requête motivée, dont elle adresse copie au juge d'instruction qui transmet le dossier de la procédure au président de la chambre d'accusation. La requête doit, à peine d'irrecevabilité, faire l'objet d'une déclaration au greffe de la chambre d'accusation. Elle est constatée et datée par le greffier qui la signe ainsi que le demandeur ou son avocat. Si le demandeur ne peut signer il en est fait mention par le greffier. Lorsque le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffe peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Lorsque la personne mise en examen est détenue, la requête peut également être faite au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Cette déclaration est constatée et datée par le chef de l'établissement pénitentiaire qui la signe, ainsi que le demandeur. Si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement. Ce document est adressé sans délai, en original ou en copie et par tout moyen, au greffe de la chambre d'accusation.

Les dispositions des trois premiers alinéas ne sont pas applicables aux actes de procédure qui peuvent faire l'objet d'un appel de la part des parties, et notamment des décisions rendues en matière de détention provisoire ou de contrôle judiciaire.

Dans les huit jours de la réception du dossier par le greffe de la chambre d'accusation, le président peut, par ordonnance non susceptible de recours, constater que la requête est irrecevable en application du présent article, troisième ou quatrième alinéa, des articles 174, premier alinéa, ou 175, deuxième alinéa ; il peut également constater l'irrecevabilité de la requête si celle-ci n'est pas motivée. S'il constate l'irrecevabilité de la requête, le président de la chambre d'accusation ordonne que le dossier de l'information soit renvoyé au juge d'instruction ; dans les autres cas, il le transmet au procureur général qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194 et suivants.

Art. 175. -- Aussitôt que l'information lui paraît terminée, le juge d'instruction en avise les parties et leurs avocats, soit verbalement avec émargement au dossier, soit par lettre recommandée. Lorsque la personne est détenue, cet avis peut également être notifié par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire, qui adresse sans délai au juge d'instruction l'original ou la copie du récépissé signé par l'intéressé.

A l'expiration d'un délai de vingt jours à compter de l'envoi de l'avis prévu à l'alinéa précédent, les parties ne sont plus recevables à formuler une demande ou présenter une requête sur le fondement des articles 81, neuvième alinéa, 82-1, 156, premier alinéa, et 173, troisième alinéa. Les parties peuvent déclarer renoncer, en présence de leur avocat ou celui-ci dûment convoqué, à invoquer ce délai.

A l'issue de ce délai, le juge d'instruction communique le dossier au procureur de la République. Celui-ci lui adresse ses réquisitions dans un délai d'un mois si une personne mise en examen est détenue et de trois mois dans les autres cas.

Le juge d'instruction qui ne reçoit pas de réquisitions dans le délai prescrit peut rendre l'ordonnance de règlement.

Les dispositions du premier alinéa sont également applicables à la personne bénéficiant des dispositions de l'article 104.

Art. 197. -- Le procureur général notifie par lettre recommandée à chacune des parties et à son avocat la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience. La notification est faite à la personne détenue par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire qui adresse, sans délai, au procureur général l'original ou la copie du récépissé signé par la personne. La notification à toute personne non détenue, à la partie civile ou au requérant mentionné au cinquième alinéa de l'article 99 est faite à la dernière adresse déclarée tant que le juge d'instruction n'a pas clôturé son information.

Un délai minimum de quarante-huit heures en matière de détention provisoire, et de cinq jours en toute autre matière, doit être observé entre la date d'envoi de la lettre recommandée et celle de l'audience.

Pendant ce délai, le dossier est déposé au greffe de la chambre d'accusation et tenu à la disposition des avocats des personnes mises en examen et des parties civiles dont la constitution n'a pas été contestée ou, en cas de contestation, lorsque celle-ci n'a pas été retenue.

Copie leur en est délivrée sans délai, à leurs frais, sur simple requête écrite. Ces copies ne peuvent être rendues publiques.

Art. 201. -- La chambre d'accusation peut, dans tous les cas, à la demande du procureur général, d'une des parties ou même d'office, ordonner tout acte d'information complémentaire qu'elle juge utile.

Elle peut également, dans tous les cas, le ministère public entendu, prononcer d'office la mise en liberté de la personne mise en examen.

Art. 202. -- Elle peut, d'office ou sur réquisitions du procureur général, ordonner qu'il soit informé à l'égard des personnes mises en examen ou prévenus renvoyés devant elle sur tous les chefs de crimes, de délits, de contraventions, principaux ou connexes, résultant du dossier de la procédure, qui n'auraient pas été visés par l'ordonnance du juge d'instruction ou qui auraient été distraits par une ordonnance comportant non-lieu partiel, disjonction ou renvoi devant la juridiction correctionnelle ou de police.

Elle peut statuer sans ordonner une nouvelle information si les chefs de poursuite visés à l'alinéa précédent ont été compris dans les faits pour lesquels la personne a été mise en examen par le juge d'instruction.

Art. 204. -- La chambre d'accusation peut également, quant aux infractions résultant du dossier de la procédure, ordonner que soient mises en examen, dans les conditions prévues à l'article 205, des personnes qui n'ont pas été renvoyées devant elle, à moins qu'elles n'aient fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu devenue définitive.

Cette décision ne pourra pas faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

Art. 475-1. -- Le tribunal condamne l'auteur de l'infraction à payer à la partie civile la somme qu'il détermine, au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci. Le tribunal tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

Art. 706-3 - Toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes :

1° Ces atteintes n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L 126-1 du code des assurances ni du chapitre Ier de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et n'ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux nuisibles ;

2° Ces faits :

- soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ;

- soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30 et 227-25 à 227-27 du code pénal ;

3° La personne lésée est de nationalité française. Dans le cas contraire, les faits ont été commis sur le territoire national et la personne lésée est :

- soit ressortissante d'un Etat membre de la Communauté économique européenne ;

- soit, sous réserve des traités et accords internationaux, en séjour régulier au jour des faits ou de la demande.

La réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime.

Art. 706-5 - A peine de forclusion, la demande d'indemnité doit être présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l'infraction. Lorsque des poursuites pénales sont exercées, ce délai est prorogé et n'expire qu'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive. Toutefois, la commission relève le requérant de la forclusion lorsqu'il n'a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis ou lorsqu'il a subi une aggravation de son préjudice ou pour tout autre motif légitime.

Art. 706-14 - Toute personne qui, victime d'un vol, d'une escroquerie ou d'un abus de confiance, ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation matérielle grave, peut obtenir une indemnité dans les conditions prévues par les articles 706-3 (3° et dernier alinéa) à 706-12, lorsque ses ressources sont inférieures au plafond prévu par l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique pour béneficier de l'aide juridictionnelle partielle, compte tenu, le cas échéant, de ses charges de famille.

L'indemnité est au maximum égale au triple du montant mensuel de ce plafond de ressources.

Ces dispositions sont aussi applicables aux personnes mentionnées à l'article 706-3 qui, victimes d'une atteinte à la personne prévue par cet article, ne peuvent à ce titre prétendre à la réparation intégrale de leur préjudice, les faits générateurs de celui-ci ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois.

Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante

Art. 4 .- I - Le mineur de treize ans ne peut être placé en garde à vue. Toutefois, à titre exceptionnel, le mineur de dix à treize ans contre lequel il existe des indices graves et concordants laissant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'au moins sept ans d'emprisonnement peut, pour les nécessités de l'enquête, être retenu à la disposition d'un officier de police judiciaire avec l'accord préalable et sous le contrôle d'un magistrat du ministère public ou d'un juge d'instruction spécialisés dans la protection de l'enfance ou d'un juge des enfants, pour une durée que ce magistrat détermine et qui ne saurait excéder dix heures. Cette retenue peut toutefois être prolongée à titre exceptionnel par décision motivée de ce magistrat pour une durée qui ne saurait non plus excéder dix heures, après présentation devant lui du mineur, sauf si les circonstances rendent cette présentation impossible. Elle doit être strictement limitée au temps nécessaire à la déposition du mineur et à sa présentation devant le magistrat compétent ou à sa remise à l'une des personnes visées au II du présent article.

Les dispositions des II, III et IV du présent article sont applicables. Lorsque le mineur ou ses représentants légaux n'ont pas désigné d'avocat, le procureur de la République, le juge chargé de l'instruction ou l'officier de police judiciaire doit, dès le début de la retenue, informer par tout moyen et sans délai le bâtonnier afin qu'à commette un avocat d'office.

II - Lorsqu'un mineur est placé en garde à vue, l'officier de police judiciaire doit informer de cette mesure les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur.

Il ne peut être dérogé aux dispositions de l'alinéa précédent que sur décision du procureur de la République ou du juge chargé de l'information et pour la durée que le magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures ou, lorsque la garde à vue ne peut faire l'objet d'une prolongation, douze heures.

III - Dès le début de la garde à vue d'un mineur de seize ans, le procureur de la République ou le juge chargé de l'information doit désigner un médecin qui examine le mineur dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article 63-3 du code de procédure pénale.

IV - Dès le début de la garde à vue, le mineur de seize ans peut demander à s'entretenir avec un avocat. Il doit être immédiatement informé de ce droit. Lorsque le mineur n'a pas sollicité l'assistance d'un avocat cette demande peut également être faite par ses représentants légaux qui sont alors avisés de ce droit lorsqu'ils sont informés de la garde à vue en application du II du présent article.

V - En cas de délit puni d'une peine inférieure à cinq ans d'emprisonnement, la garde à vue d'un mineur âgé de treize à seize ans ne peut être prolongée.

Aucune mesure de garde à vue ne peut être prolongée sans présentation préalable du mineur au procureur de la République ou au juge chargé de l'instruction. En cas d'urgence, il peut être fait application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 7.



1 Justice et transparence, Rapport n°247, 1994-1995.

2 " Le juge et la presse ", Esprit, mars-avril 1995.

3 " Le respect de la présomption d'innocence et le secret de l'enquête et de l'instruction ", rapport n° 602, 1993-1994.

4 " Justice et transparence ", Rapport n°247, 1994-1995.

5 Rapport n° 49 (1996-1997), Quels moyens pour quelle justice ?

6 Proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale tendant à limiter la détention provisoire, TA 116, 3 avril 1998. Cette proposition de loi est reproduite en annexe du présent rapport.

7 " Pour une meilleure prévention de la récidive ", La Documentation française, 1996.

8 Proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale tendant à limiter la détention provisoire, TA 116, 3 avril 1998.

9 Proposition de loi adoptée par le Sénat tendant à préciser le mode de calcul de la durée maximale de détention provisoire autorisée par le code de procédure pénale, TA 119, 23 avril 1998.

10 Traité théorique et pratique d'instruction criminelle, 1912.



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