III. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES : RESPECTER LES COMPTES, RESPECTER LES PARTENAIRES SOCIAUX, RESPECTER LES ÉCHÉANCES

Les propositions de votre commission s'articulent autour de trois objectifs :

- respecter les comptes : votre commission émet un certain nombre de propositions pour améliorer la transparence des finances sociales ;

- respecter les partenaires sociaux : votre commission estime que le paritarisme est l'un des fondements du " pacte républicain " ;

- respecter les échéances : votre commission constate que le Gouvernement n'aborde pas les véritables enjeux du financement de notre protection sociale.

A. RESPECTER LES COMPTES

Votre commission entend tirer parti de la réflexion qu'elle a conduite, par l'intermédiaire d'un groupe de travail sur les lois de financement de la sécurité sociale.

Si certaines des réformes qu'elle souhaite rendent nécessaire la modification de la loi organique du 22 juillet 1996, il est d'ores et déjà possible d'améliorer considérablement la transparence et la fiabilité des finances sociales.

1. Accélérer les délais de remise des comptes

La réforme des droits constatés doit être achevée, afin de présenter les agrégats des lois de financement de la sécurité sociale dans ce mode de comptabilisation dès l'année prochaine.

Votre commission souhaite que l'accélération du délai de remise des comptes sociaux devienne une réalité.

Il apparaît logique d'inscrire dans la loi des objectifs raisonnables : un plan comptable unique pour les organismes de sécurité sociale et un arrêté des comptes avant le 31 mars, afin d'accélérer de manière significative la connaissance et la compréhension des comptes sociaux. Ces deux dispositions s'appliqueraient aux comptes de l'année 2001, afin de laisser du temps aux organismes de sécurité sociale pour s'y préparer.

Votre rapporteur estime qu'une telle disposition est possible, notamment grâce à l'article 5 du projet de loi, qui simplifie le circuit de répartition de la CSG et des droits sur les alcools, le circuit existant " paralysant " l'arrêté des comptes. La MIRCOSS travaille sur l'élaboration d'un plan comptable unique, qui pourrait être disponible dans le début de l'année 2000.

Votre rapporteur ne mésestime pas les efforts en matière d'information et de formation des personnels de la sécurité sociale, efforts sur lesquels insiste, à juste titre, la Cour des comptes.

Mais il appartient au législateur de fixer, dès à présent, un cap.

Au-delà de cette question technique, l'intelligibilité des comptes sociaux, c'est-à-dire la compréhension par chacun, assuré ou contribuable, de la destination et de la raison d'être des prélèvements sociaux , est le fondement des lois de financement de la sécurité sociale.

Le débat au Parlement doit pouvoir s'appuyer sur des analyses objectives et approfondies. Il apparaît aussi nécessaire de renforcer le rôle de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

2. Renforcer le rôle de la Commission des comptes de la sécurité sociale

Le Gouvernement brouille la compréhension des finances sociales, lors de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale du mois de septembre.

Actuellement, la réunion de la Commission des comptes du mois de septembre est le lieu à la fois de la présentation des comptes de la sécurité sociale (prévision de l'année en cours et comptes tendanciels de l'année suivante) et de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le mélange des genres se traduit par l'insertion dans les comptes tendanciels de normes fixées par le Gouvernement ou d'anticipation des mesures qu'il entend prendre de sorte que ces comptes tendanciels ne sont guère des évolutions spontanées et que les mesures qui figurent dans le projet de loi de financement ne sont que le complément des " anticipations " déjà prises en compte.

Le fonctionnement de la Commission des comptes de la sécurité sociale est ainsi en cause. Si cette Commission, ou plus exactement la Direction de la sécurité sociale -qui prépare tous les documents préparatoires- " anticipe " les décisions que serait amené à entériner le Parlement, la distinction entre " comptes spontanés " ou " comptes tendanciels " et " comptes corrigés " n'a plus lieu d'être. Dans ce cas, tout débat, toute analyse critique de la politique gouvernementale deviendrait difficile.

Actuellement, le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale est un homme seul à qui le Gouvernement dicte les " anticipations " qu'il souhaite voir figurer dans les comptes " tendanciels " de la sécurité sociale.

La mésaventure de la " provision 35 heures ", inscrite dans les comptes tendanciels du régime général et dans les objectifs de dépenses par branche, devrait inciter à davantage de prudence. En effet, non seulement tous les comptes prévisionnels du régime général sont faux, mais les comptes " corrigés " des annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale sont inexacts. Certes, la contribution étant demandée de manière indirecte par une perte de recettes, les soldes ne varient pas entre le 15 octobre et le 25 octobre, mais le montant des recettes et des dépenses évolue de manière significative.

Votre commission vous propose d'adopter une série d'amendements visant à améliorer le fonctionnement de la Commission des comptes, et de manière générale, l'information du Parlement sur les finances sociales.

Elle estime nécessaire que le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale soit nommé sur proposition conjointe des présidents des deux assemblées et soit assisté d'une véritable équipe de collaborateurs de sorte qu'il ait une autonomie politique et technique lui permettant d'avancer de véritables analyses.

Ce secrétariat général permanent éviterait à la Direction de la sécurité sociale de cumuler trop de responsabilités.

Votre commission vous propose également de prévoir la transmission au Parlement de l'avis du Conseil d'Etat sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Mme Martine Aubry a, en effet, brisé un " tabou " en lisant des extraits de l'avis, visiblement partiels, lors du débat à l'Assemblée nationale, puis à l'occasion de son audition devant votre commission.

B. RESPECTER LES PARTENAIRES SOCIAUX

La création des lois de financement de la sécurité sociale a eu pour objet de permettre le débat des grands enjeux du financement de notre protection sociale. En revanche, les lois de financement ne peuvent servir de prétexte à l'étatisation de notre protection sociale, gérée au quotidien par les partenaires sociaux. La " crise du paritarisme ", dont le Gouvernement est seul responsable, a eu pour effet positif de faire prendre conscience de l'importance de cette " exception " française.

Votre commission vous propose de réaffirmer le paritarisme, en refusant :

- la confusion entre la politique de l'emploi et le financement de la sécurité sociale ;

- l'affectation anticipée des excédents de la sécurité sociale.

1. Eviter la confusion entre la politique de l'emploi et la sécurité sociale

Votre commission regrette la " pollution " du rendez-vous annuel consacré à notre protection sociale, par l'intrusion d'un débat sur le financement de la politique de l'emploi du Gouvernement.

Elle vous propose, en cohérence avec les choix effectués lors de l'examen en première lecture du projet de loi sur la réduction négociée du temps de travail de rejeter les articles 2, 3 et 4 du présent projet de loi.

Elle estime qu'il est nécessaire de supprimer l'ensemble de ces mécanismes de prélèvements et de transferts : impôts nouveaux sur les entreprises (CSB et TGAP), spoliation des salariés (taxation des heures supplémentaires), ou transferts aux dépens de la sécurité sociale (détournement du droit sur les alcools et du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine).

En conséquence, elle vous propose de supprimer le " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " .

Votre commission a, en effet, fait le choix de la réduction du temps de travail négociée et non imposée . Il n'y a pas, en conséquence, à compenser l'augmentation des coûts du travail -résultant d'une réduction imposée- par des allégements supplémentaires. Les financements affectés (tabacs, alcools, TGAP, contribution sociale sur les bénéfices, taxe sur les heures supplémentaires) ne sont pas acceptables et ne correspondent à aucune logique.

La confusion entre la politique de l'emploi et la sécurité sociale doit être absolument évitée. Des réductions de charges sociales doivent être financées et compensées à la sécurité sociale intégralement par l'Etat, dans le cadre de la politique d'emploi. Leur coût doit apparaître en loi de finances.

Votre commission constate que la " réforme d'ampleur de l'assiette des cotisations patronales " destinée à " consolider le financement de la protection sociale " a débouché sur l'affectation, à la compensation des exonérations de charges, d'une collection hétérogène et sans fondement d'impôts nouveaux et de recettes de poches.

2. S'assurer des excédents de la sécurité sociale avant de les affecter

Votre commission souhaite réaffirmer avec force le principe de la séparation des branches, mis à mal par l'article 10 du projet de loi.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a d'ailleurs reconnu à l'Assemblée nationale : " Je rappelle que le Gouvernement avait dit à plusieurs reprises qu'une partie des excédents de la sécurité sociale devaient prioritairement aller vers le fonds de réserve des retraites. Il s'y était engagé l'année dernière. Cette année, une fois de plus, cet engagement a été respecté. " 48 ( * )

Cette déclaration de principe ne manque pas de saveur quand on se souvient que la branche maladie reste déficitaire.

Votre commission des Affaires sociales constate que le Gouvernement met en place, dans la confusion et l'opacité, des mécanismes de transferts au détriment de la sécurité sociale dans son ensemble mais qui visent particulièrement la branche famille.

Aussi propose-t-elle de supprimer l'ensemble de ces mécanismes de prélèvements et de transferts et de prévoir, dans le respect de l'autonomie des branches de la sécurité sociale, que celles-ci bénéficient des excédents qu'elles créent (CNAF- CNAV) ou assument a contrario des dettes qu'elles génèrent (CNAM).

Il y va de la clarté dans laquelle doit se poursuivre le redressement des comptes sociaux et de la responsabilisation de chacun.

Les réserves que la branche famille peut accumuler aujourd'hui lui permettront demain d'éviter une remise en cause des fondements de notre politique familiale, comme la mise sous condition de ressources des allocations familiales, décidée par le Gouvernement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 pour des raisons " financières ".

De même la branche vieillesse est dans l'oeil du cyclone à la veille du choc démographique de 2005. Dans cette attente, il est sain qu'elle puisse constituer des réserves productives d'intérêts. Et il est prudent que ces réserves restent en son sein plutôt que de migrer vers un fonds de réserve dont les missions sont aussi incertaines.

A terme, si la sécurité sociale présente des excédents durables, au-delà des cycles conjoncturels, il importera d'ouvrir dans la transparence et dans le respect des partenaires sociaux un débat sur l'affectation de ces réserves : amélioration des prestations, diminution des prélèvements d'aujourd'hui ou encore remboursement anticipé de la dette sociale, c'est-à-dire diminution des prélèvements qui pèsent sur les générations à venir jusqu'en 2014.

Pour votre rapporteur, le débat doit rester ouvert.

Pour ces raisons, votre commission vous propose d'adopter un article additionnel précisant que chaque branche affecte son résultat, une fois l'exercice clos, à une section comptable de réserve.

3. Adopter des comptes du régime général excédentaires

Au total, votre commission vous propose d'adopter des comptes de la sécurité sociale excédentaires.

- les comptes de la CNAMTS seraient quasiment à l'équilibre, grâce au maintien de la fraction du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine ;

- les comptes de la CNAF et de la CNAVTS connaîtraient des excédents.

Le régime général en 2000

Compte tendanciel calculé par la commission des Affaires sociales

Mesures correctrices acceptées par la CAS

Nouveau compte proposé par la CAS

CNAMTS maladie

Recettes

630.705

+ 1.200 (contribution labos)

631 905

Dépenses

632.074

+ 1.350
(remboursement contribution labos : + 1.200
pensions : + 50
fonds cliniques : + 100

baisse dépenses maladie :

- 1.200)

632 224

Variation fonds de roulement

- 1.369

+ 1.050

- 319

CNAMTS accidents du travail

Recettes

47.916

Moindre diminution cotisations : + 400

48.316

Dépenses

47.202

+ 120

(baisse dépenses : - 340

dépenses nouvelles : + 400)
(pensions : + 60)

47.322

Variation fonds de roulement

714

+ 280

994

CNAVTS

Recettes

416.019

416.019

Dépenses

407.734

+ 950
( pensions : + 950)

408.684

Variation fonds de roulement

8.285

- 950

7.335

CNAF

Recettes

268.194

268.194

Dépenses

262.141

+ 1.140
(BMAF : + 340
Aide au logt 21 ans : + 220
Cplt familial 21 ans : + 330
Fonds action sociale : + 250)

263.281

Variation fonds de roulement

6.053

- 1.140

4.913

ENSEMBLE RG

Recettes

1.362.834

+ 1.600

1.364.434

Dépenses

1.349.151

+ 2.360

1.351.511

Solde

13.683

- 760

12.923

C. RESPECTER LES ÉCHÉANCES

Votre commission estime qu'il est grand temps de " respecter les échéances ".

1. Engager une réforme des retraites

Votre commission demande au Gouvernement d'engager une réforme des régimes de retraite par répartition. Cette réforme doit commencer par les régimes spéciaux et mettre fin aux inégalités entre secteur public et secteur privé.

La création d'une caisse de retraite des fonctionnaires de l'Etat, ou leur affiliation à la CNRACL, est le seul moyen de mieux appréhender les charges sociales futures de l'Etat.

Le fonds de réserve pour les retraites ne peut constituer en aucun cas une réponse unique aux problèmes de régimes de retraite par répartition. Il convient de préciser les modalités de gestion et la finalité de ce fonds de réserve.

Dans le schéma de financement alternatif proposé par votre commission, les excédents 2000 du FSV (8,3 milliards de francs) et de la CNAVTS (7,3 milliards de francs) pourraient tout à fait, une fois assurés, être affectés à ce fonds de réserve, dès lors que les missions de ce fonds seraient explicitement " définies " 49 ( * ) et la réforme de nos retraites enfin engagée sur des orientations claires.

Votre commission des Affaires sociales a présenté en octobre dernier des conclusions sur deux propositions de loi visant à développer l'épargne retraite, l'une émanant de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste, l'autre émanant de votre rapporteur.

Si le Gouvernement ne souhaite pas appliquer la loi Thomas, la proposition de loi visant à améliorer la protection sociale par le développement de l'épargne retraite, adoptée par le Sénat, est un texte de départ pour faire, enfin, adopter en France une loi sur l'épargne retraite.

Malheureusement, la mission confiée récemment à MM. Balligand et Foucauld montre une certaine confusion entre épargne salariale et épargne retraite.

2. Définir une politique de santé publique

Votre commission estime que " la mise à plat " de la politique d'assurance maladie doit commencer par une définition explicite de notre politique de santé. Une loi pluriannuelle de santé publique doit définir les grands objectifs, pour que l'ONDAM -et ses dépassements éventuels- aient un sens autre que comptable.

La réforme de la couverture maladie universelle a mis en lumière l'urgence de définir un " panier de soins ".

Cette réforme, votée en urgence par le Parlement pour une entrée en vigueur par le Parlement pour une entrée en vigueur au 1 er janvier 2000, est pour l'instant " au point mort " : les décrets d'application ne sont toujours pas publiés, son coût est contesté et son financement amputé.

Le projet de loi de modernisation de la santé, annoncé par Mme Martine Aubry lors de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale du 22 septembre 1999, suscite des attentes, à la fois des partenaires sociaux et des professionnels de santé.

Votre commission souhaite ardemment que ce projet de loi ait une ambition plus grande que celle d'un simple projet de loi portant DMOSS (diverses mesures d'ordre sanitaire et social).

En attendant cette refondation de la politique de santé publique, les principales propositions de votre commission concernent les relations conventionnelles des professionnels de santé avec l'assurance maladie, qui doivent être maintenues.

Votre commission propose un mécanisme alternatif de régulation des dépenses médicales faisant appel à la responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des pratiques médicales, dans l'intérêt des patients 50 ( * ) .

3. Mener une politique familiale ambitieuse

La politique familiale est un " investissement ". Votre commission constate que depuis la mise sous condition de ressources des allocations familiales, le Gouvernement se contente de " gérer " sans programme et sans ambition.

Pour sa part, la majorité de votre commission des Affaires sociales, et notre Haute assemblée, ont solennellement rappelé leur attachement à une politique familiale ambitieuse, à l'occasion de l'examen, en juin dernier, d'une proposition de loi relative à la famille déposée par les quatre présidents de groupe de la majorité sénatoriale, MM. Jean Arthuis (UC - Mayenne), Guy Cabanel (RDSE - Isère), Henri de Raincourt (RI - Yonne) et Josselin de Rohan (RPR - Morbihan).

Seule une telle politique est à même de préserver la cohésion sociale et le dynamisme de notre pays.

Votre commission appelle en outre -à la suite, notamment de notre collègue M. Claude Huriet, président du conseil de surveillance de la CNAF, à une simplification des règles gérées par les caisses d'allocations familiales. Cette simplification des règles impose une redéfinition d'une véritable politique familiale ; pour ces raisons, la simplification n'est pas un projet technique ou gestionnaire, mais un projet politique 51 ( * ) .

* 48 JO Débats AN, 3 ème séance du 29 octobre 1999, p. 8611.

* 49 Cf. rapport de M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

* 50 Cf. partie du rapport consacrée à l'assurance maladie.

* 51 Cf. rapport de M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille.

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