III. LE GOUVERNEMENT SEMBLE POUVOIR SE PASSER DE LA CNAMTS
Le
Conseil d'administration de la CNAMTS a adopté, le 12 juillet dernier,
un plan de refondation du système de soins. Pour la première fois
depuis que les ordonnances de 1967 lui avaient confié un rôle de
proposition de réformes, rôle confirmé et amplifié
par les ordonnances du 24 avril 1996, l'assurance maladie a pris ses
responsabilités en définissant les contours d'une réforme
globale et structurante, couvrant l'ensemble du système de santé
(y compris l'hôpital) et d'assurance maladie.
Le fait que la CNAMTS se " mêle " ainsi d'un secteur qui le
regarderait pas, l'hôpital, semble avoir indisposé le
Gouvernement. Il est difficile en effet d'interpréter autrement les
réponses indirectes adressées à la CNAMTS par le
Gouvernement qui a conclu des accords séparés avec des syndicats
représentatifs de certaines spécialités médicales,
et les réponses directes que constituent l'exclusion de l'assurance
maladie de la régulation des cliniques privées, la
redéfinition du pouvoir de tutelle contenue dans le présent
projet de loi... et l'absence de toute traduction législative des
propositions de l'assurance maladie.
A. LE PLAN DE LA CNAMTS DE REFONDATION DU SYSTÈME DE SOINS : UN PLAN AMBITIEUX ET AUDACIEUX, QUI AURAIT MÉRITÉ DISCUSSION
Si elle n'adhère bien évidemment pas à toutes les propositions formulées par l'assurance maladie, votre commission ne peut qu'attirer l'attention sur l'introduction du plan que son conseil d'administration a adopté le 12 juillet dernier, et qui constitue la traduction des orientations stratégiques qu'il avait retenues au mois d'octobre.
Les orientations stratégiques
Au
moment où le conseil d'administration examine la traduction
opérationnelle des orientations stratégiques qu'il a
arrêtées en octobre 1998, il entend réaffirmer avec force
les principes qui ont fondé la construction de l'assurance maladie. En
particulier, les partenaires sociaux et mutualistes qui gèrent
l'assurance maladie expriment leur attachement au mode de solidarité
entre bien portants et malades qui s'exerce par le biais de l'assurance maladie
où chacun contribue au financement en fonction de ses revenus et
perçoit des prestations en fonction de ses besoins de soins.
Ils rappellent que l'assurance maladie a choisi, à son origine, de
solvabiliser les patients en remboursant leurs soins, plutôt que de
systématiser le financement direct de l'offre de soins. Le conseil
d'administration reste attaché à ce choix, empreint de
liberté pour les professionnels comme pour les patients. Ce choix a
permis le développement de l'offre de soins, à l'origine
insuffisante, en préservant le libre choix de son praticien par le
patient, et la liberté thérapeutique des médecins.
Ils sont convaincus que ce choix de liberté porte en lui-même une
exigence de responsabilité. Il importe donc de définir de
façon équilibrée la responsabilité de chacun des
acteurs du système de soins, en sorte de parvenir à une
maîtrise du système de soins qui garantisse la qualité des
soins et la couverture de l'ensemble des besoins de soins, en même temps
qu'une maîtrise des coûts. En préconisant cette
régulation coordonnée de l'ensemble du système de soins,
les partenaires sociaux et mutualistes estiment donc qu'elle peut
également ouvrir, dans le cadre des lois de financement votées
par le Parlement, la voie d'une amélioration de la couverture de besoins
encore en émergence, ou mal assurée à ce jour.
Depuis l'adoption par le conseil d'administration, le 13 octobre 1998, des
orientations stratégiques de l'assurance maladie, deux
éléments nouveaux sont apparus, renforçant la
nécessité d'une clarification de l'action publique dans le
domaine de la santé et des soins.
L'évolution de la situation financière de l'assurance maladie
démontre que les comptes de la branche restent très sensibles
à une modification, même modeste, de la conjoncture
économique, qui vient se répercuter sur le rythme de croissance
de ses recettes. Mais surtout, la forte hausse des dépenses
enregistrée en 1998, qui s'est accentuée de janvier à mai
1999, a mis en lumière l'insuffisance du dispositif de maîtrise,
progressivement bâti durant la décennie ; la stabilisation de
ces dépenses -à supposer même qu'elle soit durable-
crée un déséquilibre financier.
L'annulation par le Conseil constitutionnel, le 18 décembre 1998, de la
clause de régulation des dépenses médicales inscrite dans
la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, a des
effets immédiats, qui ne doivent toutefois pas être
surestimés. Le principe de la responsabilité collective des
professionnels de santé a été reconnu conforme à la
constitution et, si la mise en oeuvre pratique de ce principe s'est
évanouie, son impact financier est réduit, car la
récupération des dépassements ne devait être, en
tout état de cause, que très partielle.
En revanche, combinée avec les décisions de même nature et
d'égale portée prises par le Conseil d'Etat, l'annulation du
Conseil constitutionnel oblige à repenser fondamentalement
l'économie, voire la philosophie de la responsabilité que doit
assumer chacun des acteurs du système de soins, et pas seulement les
professionnels de santé.
Ainsi, dans la mesure où le Conseil constitutionnel subordonne
l'application de la responsabilité collective à la reconnaissance
d'un droit à connaître et user de critères " objectifs
et rationnels " de comportement, il paraît raisonnable et
souhaitable d'étendre cette perspective aux assurés et de les
faire également bénéficier de cette liberté
d'optimiser leur comportement individuel.
Le plan mis en débat
Le plan de mise en oeuvre des orientations stratégiques a
été adopté par le Conseil d'administration de la CNAMTS,
le 30 mars 1999, en tant que contribution de l'assurance maladie à la
période de réflexion, ouverte le 12 février 1999 par la
ministre de l'emploi et de la solidarité ainsi que le secrétaire
d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Le conseil d'administration a donc décidé de mettre en
débat cette contribution. Les caisses primaires, régionales et
générales, les unions régionales des caisses, la caisse
nationale et le service médical ont pris l'attache de tous les acteurs
du système de soins pour recueillir leur avis. Aussi sollicités,
les autres régimes d'assurance maladie obligatoires, les assureurs
complémentaires, les élus nationaux et locaux, les
assurés, les responsables administratifs, les différentes
catégories de professionnels de santé, les représentants
institutionnels et syndicaux des hôpitaux et de leur personnel, les
syndicats de cliniques privées, ainsi que les personnels du
régime général, ont permis de recueillir plus de 500
contributions, formant un ensemble d'une exceptionnelle richesse. Leur contenu,
présenté le 5 juillet aux responsables de tous les régimes
d'assurance maladie obligatoires a naturellement conduit à modifier et
approfondir le plan " des soins de qualité pour tous ",
à nouveau présenté au conseil d'administration de la
CNAMTS le 12 juillet 1999.
Pour autant, le débat n'a pas pour effet de modifier les limites, ni
l'économie générale du plan.
En effet, si le plan inclut de nombreuses propositions nouvelles, il n'a
toujours pas la prétention d'être exhaustif ni
d'appréhender dans son champ la totalité des secteurs de soins.
Ainsi, les réformes suggérées pour l'hôpital ne
concernent que les activités de court séjour (médecine,
chirurgie, obstétrique) : aujourd'hui, la réflexion de la
CNAMTS n'est pas achevée sur les activités de long et moyen
séjours, ni sur le secteur médico-social, qui constituent au
demeurant des champs potentiels de redéploiement de l'activité et
des emplois hospitaliers.
La cohérence du plan reste fondée sur la démarche
qualité, car le débat a mis justement à jour un
quasi-consensus sur les fondements du plan, définis et explicités
à partir de ce choix initial.
Les conditions sont donc réunies pour que la logique de réforme
s'exprime dans les faits, au travers notamment des dispositions du projet de
loi de financement pour l'an 2000 et la future triennale d'objectif et de
gestion 2000-2002, appelée à unir l'Etat et l'assurance maladie
au service de cette ambition.
Les fondements du plan stratégique
L'assurance maladie, qu'elle soit obligatoire ou complémentaire, est
aujourd'hui un " payeur aveugle ", car les règles assurant le
fonctionnement du système de soins -et pas seulement la prise en charge
des soins- lui interdisent d'être un acheteur avisé, à
même de sélectionner ce qu'il finance en fonction de la
qualité, des besoins, de l'utilité et des coûts.
Permettre à l'assurance maladie de devenir un acheteur avisé
passe par la généralisation d'une démarche qualité
s'inscrivant dans une politique de santé publique et reposant sur une
articulation optimale des champs d'action et de responsabilité des
différents acteurs : Etat, assurance maladie, professionnels de
santé et assurés.
Seule la qualité est un critère de prise en charge
également légitime aux yeux des assurés et des
professionnels de santé. Seule la qualité peut structurer la
nécessaire rationalisation des systèmes de soins et de leur prise
en charge.
A/ La démarche qualité
La démarche qualité obéit à des critères
stricts :
•
Elle est nécessairement sélective
Il faut d'abord déterminer les
besoins
pris en charge,
c'est-à-dire les besoins en matière de santé, et, parmi
ceux-ci, les besoins appelant une réponse sanitaire (et non
environnementale par exemple). C'est bien pourquoi la démarche
qualité pour devenir la règle de fonctionnement du système
de soins doit impliquer l'ensemble de ses acteurs.
Les références que représente l'expérience acquise
en ce domaine par les autres pays développés montrent que la
définition des priorités de santé publique résulte
d'un processus contradictoire et pluridisciplinaire faisant largement place
à l'expression de la société civile dans toutes ses
composantes.
Mais au final, c'est l'Etat et lui seul, qui, en étant responsable de la
totalité des actions publiques concourant au maintien ou à
l'obtention d'un bon état de santé de chaque individu, peut
hiérarchiser les priorités de santé publique et, parmi
elles, celles qui appellent une réponse du système de
soins : il est donc maître de la définition des besoins de
santé, des besoins de soins et des besoins en soignants.
Les ressources consacrées à la santé et aux soins sont
limitées, il est donc impératif d'inverser la logique actuelle
qui conduit inéluctablement aux gaspillages, aux
inégalités croissantes dans l'accès aux soins, et, de
fait, à une médecine à deux vitesses.
De même, la démarche sélective en matière de besoins
constitue une des conditions à la non-sélection des populations,
dont la prise en charge médicale est supposée engendrer des
coûts importants.
C'est donc en fonction des besoins reconnus et hiérarchisés que
la sélection doit s'exercer en s'appliquant aux
produits
que sont
les prestations sanitaires. Cette sélection pèse
déjà massivement sur le fonctionnement quotidien du
système de soins dans l'accès aux soins, dans leur dispensation
et dans leur prise en charge. Elle ne constitue pas pour autant un moteur de la
qualité ni de la maîtrise des dépenses. D'abord parce
qu'elle est largement irrationnelle : l'utilité médicale, le
service médical rendu, la qualité intrinsèque de la
prestation sont loin d'être les seuls critères de la
sélection. Mais aussi parce qu'elle est opaque : sa mise en oeuvre
échappe largement aux patients et même aux professionnels de
santé, qui ne peuvent donc optimiser leur comportement. La
définition contradictoire et la révision périodique du
panier des biens et services pris en charge constituent donc un
impératif.
La sélection des
producteurs
est le corollaire de la
sélection des produits et répond aux mêmes
impératifs. Vouloir sélectionner les prestations en fonction des
critères de qualité énoncés plus haut conduit
naturellement à remettre en cause le conventionnement automatique et
à vie des prestataires, qui est à la fois illogique et illusoire,
a fortiori quand l'offre de soins est excédentaire comme c'est le cas
aujourd'hui.
Sur ce point, la CNAMTS croit nécessaire d'attirer l'attention de tous
les acteurs du système de soins sur la contrainte que représente,
pour chacun d'entre eux, l'excédent d'offre de soins. Son existence rend
vaine la querelle portant sur le caractère public ou privé de la
gestion de la prise en charge, sauf à considérer que les profits
tirés d'une gestion privatisée seraient assurés par un
financement public de la résorption de l'excédent. Ce qui revient
à corriger une vanité par une illusion.
Il n'y a pas de démarche qualité possible si les offreurs de
soins ne sont pas coresponsables de la mise en oeuvre des critères de
besoin, d'utilité, de qualité et de coût. La CNAMTS a
pleinement conscience de la portée de ce constat. Pour évident
qu'il soit, il constitue une rupture profonde avec l'existant : cette
rupture doit donc être définie de manière contradictoire,
gérée par étape et assumée par la nation toute
entière.
•
Elle est nécessairement partenariale
L'Etat et l'assurance maladie s'efforcent depuis plusieurs années
d'améliorer la qualité des soins en agissant sur les trois
composantes du système de soins : s'agissant de la prise en charge,
des décisions ponctuelles et fréquentes d'admission au
remboursement et de déremboursement de prestations sanitaires, en
fonction de leur utilité médicale, sont observées de
longue date. Plus récemment, l'élaboration de
références médicales à partir de 1990, rendues
opposables depuis 1993, a étendu la démarche qualité
à la dispensation des soins. Enfin, l'accès aux soins rentre
progressivement dans la même problématique avec la tentative
conventionnelle de création d'un contrat de santé en 1991, la
création du carnet de santé en 1993, la reconnaissance par l'Etat
en novembre 1995 que " la coordination des soins est indispensable
à la qualité des soins ", enfin l'émergence du
médecin référent en 1997 et 1998.
Pour autant, cette recherche s'avère jusqu'ici peu efficiente, car elle
n'implique pas de manière égale le professionnel de santé
et l'assuré. Ce dernier reste conforté dans l'idée qu'il
peut agir à sa guise, déambuler " librement " dans
l'univers des soins, ne rendre compte à quiconque de ses initiatives ni
de sa consommation de soins, tout en obtenant un résultat qu'il
espère de qualité. En témoigne le fait que les
références médicales portant sur les actes d'investigation
ou de dépistage -par exemple le nombre d'échographies par
grossesse ou encore la fréquence du dépistage du cancer du sein
par mammographie- sont opposables aux professionnels de santé, mais pas
aux patients. Ce faisant, l'action publique perd en cohérence et en
crédibilité auprès des praticiens qui savent combien
l'inscription du colloque singulier dans une démarche qualité
implique nécessairement le patient autant qu'eux-mêmes. Parvenir
à une égalité -et non à une identité- de
droits et de devoirs du patient et du praticien dans la démarche de
soins est donc impératif.
La démarche qualité est également partenariale au
niveau du système de soins considéré dans son ensemble, et
non plus seulement au niveau de la relation médecin-patient. Le fait que
les pouvoirs soient aujourd'hui partagés, de droit ou de fait, entre
l'Etat l'assurance maladie -obligatoire ou complémentaire- les
professionnels et les industriels de santé, les assurés,
témoigne de cette nécessité. Mais, là encore, le
partage s'avère insuffisamment rationnel et ne constitue donc pas un
moteur de la démarche qualité. Il est symptomatique à cet
égard que l'assurance maladie soit appelée de façon
pressante à maîtriser l'évolution des dépenses de
soins de ville, mais n'ait pas à sa main les outils
élémentaires de maîtrise tels que la tarification des actes
et des produits remboursés, ni même la possibilité de ne
plus prendre en charge des prestations inutiles pour la santé.
La démarche globale qui est proposée, consistant à agir
sur le système de santé en le réorganisant à partir
des critères de besoins, utilité, qualité et coût,
permet également de clarifier les responsabilités sur chacun
d'eux. En effet, la définition des besoins de santé relève
de la responsabilité de l'Etat et de sa politique de santé
publique, l'utilité des soins repose sur l'expertise
complémentaire de la communauté scientifique et de l'assurance
maladie qui puise là la légitimité de sa prise en charge,
la qualité découle du dire de la communauté scientifique,
les coûts enfin sont de la responsabilité de l'assurance
maladie.
Ce constat est aujourd'hui partagé par la CNAMTS et par les assureurs
complémentaires, privés comme mutualistes. Ils ont
commencé à en tirer les conséquences en décidant de
coordonner désormais leur action sur trois champs : la
définition du panier des biens et services remboursables en fonction de
leur utilité médicale, leurs taux respectifs de prise en charge
de ces biens et services, l'économie, enfin, des conventions les liant
aux différentes professions de santé. C'est sur ces bases que
pourront se développer pleinement des expérimentations de
coordination des soins et de leur prise en charge.
A l'évidence, cette communauté d'action ne peut s'engager
concrètement qu'accompagnée d'une clarification du rôle de
l'Etat, appelé simultanément à reconnaître
pleinement l'autonomie de l'assurance maladie et à définir plus
fortement les fondements de cette autonomie que sont les priorités de
santé publique.
Cet encadrement de l'autonomie doit se lire dans la mise en oeuvre d'un
dispositif cohérent, composé à la fois d'un cadre
pluriannuel global et de déclinaisons annuelles de moyens -la loi de
financement de la sécurité sociale-.
Cette base doit ensuite se traduire par les priorités que l'Etat donne
à l'assurance maladie dans la convention d'objectifs et de gestion et
ses avenants annuels, qui représentent alors, pour elle, le cahier des
charges de la gestion du panier des biens et services.
C'est également dans ce cadre que la CNAMTS traduit les engagements
réciproques souscrits avec les professions de santé par le biais
des conventions la liant avec les syndicats qui les représentent.
•
Elle est nécessairement transparente
La transparence sur la nature, la qualité et le coût des
prestations, est une condition sine qua non pour que les mesures de
sélectivité et de responsabilisation des acteurs qui doivent
être prises soient opératoires, soient justes -aux yeux des
offreurs de soins comme des consommateurs- et soient acceptables par tous.
Sans transparence, l'accès aux soins de qualité -ou
supposés tels- resterait réservé aux initiés,
c'est-à-dire le plus souvent aux catégories culturellement
avantagées : la médecine " à deux
vitesses " pourrait se développer.
Sans transparence, le fondement même d'une politique de santé
publique, à savoir la garantie de sécurité sanitaire, ne
peut être assuré.
Ainsi, le codage des actes médicaux doit-il impérativement
dépasser les seuls actes remboursables pour permettre une
traçabilité complète : comment rappeler les
bénéficiaires d'une prestation sanitaire s'avérant, a
posteriori, risquée, en l'absence d'un historique les identifiant ?
Remboursables ou non, chacun sait que les actes médicaux sont
potentiellement porteurs de risque sanitaire.
Un codage complet permet également un pilotage fin dans l'espace et dans
le temps de l'offre de soins, ce qui profite également aux
professionnels comme aux assurés :
- dans le temps, parce que l'évaluation du coût de la prise
en charge des innovations redevient possible, avec, en corollaire, la
modernisation du " panier " de biens et services remboursés.
- dans l'espace, parce que l'effet des déports d'activité,
et même de compétences, entre disciplines, professions de
santé et segments de la chaîne des soins, redeviennent lisibles.
Mais la transparence est aussi un préalable à l'adoption de la
démarche qualité par les professionnels de santé et par
les patients : la certification des professionnels de santé,
l'accréditation des établissements, sont nécessaires pour
que ces offreurs de soins apprécient leur niveau de compétence et
pour que les assurés deviennent acteurs, et non plus consommateurs
passifs, dans le système de soins.
De même, les patients doivent-ils être tenus à un minimum de
transparence concernant leur consommation de soins, afin que leurs partenaires
naturels que sont les offreurs de soins d'une part et leur assureur maladie
d'autre part cessent de travailler en aveugle. Encore est-il nécessaire
de souligner auprès des assurés -ce qui n'a encore jamais
été fait- que la transparence des données sanitaires les
concernant n'est pas seulement la contrepartie de la prise en charge de leurs
soins par la solidarité. Elle participe aussi de leur
intérêt personnel : toute information médicale
dissimulée aux professionnels de santé représente une
perte de chance potentielle pour le patient. Le souci de la dignité et
de l'autonomie de la personne, qui a fondé la législation sur la
protection de l'intimité et de la vie privée -donc du droit
d'opposition que peut exercer chacun à ce que des données
sanitaires le concernant soient gardées en mémoire- doit
s'exprimer de façon équilibrée pour que les termes du
choix soient pleinement perçus par chaque individu : la
qualité totale des soins est antinomique avec la préservation
absolue de l'intimité.
B/ La portée du plan
•
Changer de contraintes
Il n'y a pas de qualité sans contrainte. Contrainte de
sélectivité, de responsabilité, de transparence.
Le plan de l'assurance maladie a pour objet de mettre en place des contraintes
médicalisées, intelligentes et dynamiques en changeant la nature
et en déplaçant le point d'impact des contraintes qui existent
déjà : ce qui revient à déplacer les
contraintes de l'aval du système de santé -prise en charge- vers
l'amont -accès aux soins et dispensation- et à agir sur la
qualité du système et non plus seulement sur son bouclage
financier.
Ces contraintes ne peuvent donc pas être lues comme des restrictions,
puisque ce sont elles qui concourent à l'émergence d'une
qualité vraie et accessible à tous.
L'actuel système de soins fait déjà supporter aux
praticiens et aux patients des contraintes très lourdes. Mais celles-ci
s'avèrent inefficaces au regard des objectifs de
qualité
et de maîtrise des dépenses, car elles sont
déséquilibrées et inadaptées.
Déséquilibrées, car elles pèsent en
quasi-totalité sur la composante ultime du système de soins,
c'est-à-dire la prise en charge par l'assurance maladie, ce qui reste
sans effet sur la dynamique inflationniste et la non-qualité, et
réduit significativement l'efficacité des régulations,
qu'elles soient individuelles ou collectives.
Inadaptées, car, s'exerçant sur la prise en charge, elles sont de
nature administrative (exemple : absence de généralisation
du tiers payant) ou financière (importance du reste à charge) et
ne sont donc pas intégrées à la démarche de soins.
Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi l'extension aux
professionnels de santé de la responsabilité, en voulant corriger
une inégalité de situation entre ces derniers et les
assurés, a accentué de fait le déséquilibre
existant.
L'objectif est d'abord de " médicaliser " la contrainte en la
faisant porter sur les modalités d'accès aux soins et leur
dispensation, et en faisant reposer la sélection des hommes et des
produits sur des critères de besoin et de qualité
médicale, non de fortune ou de statut.
Cela induit un changement de règle de responsabilité, pour
permettre à chacun, praticien et patient, d'optimiser son propre
comportement, sur la base de critères de choix " objectifs et
rationnels ", dans son propre intérêt et dans
l'intérêt du système de soins.
•
Changer de logique
Changer de contraintes revient à changer de logique : le principe
de responsabilité -identifiée et partagée- s'applique
aussi à la gestion du système de soins, donc à l'assurance
maladie.
Par son contenu, le plan stratégique écarte une quelconque
revendication de monopole du pouvoir par l'assurance maladie tant à
l'égard de l'Etat que des autres acteurs du système de soins.
La CNAMTS propose qu'une seule cohérence, fondée sur le principe
de responsabilité, donne son sens à la prochaine convention
d'objectifs et de gestion qu'elle doit conclure avec l'Etat pour les
années 2000-2002 et réunisse tous ces acteurs.
A ce titre, elle est fondée à souhaiter que soient encore mieux
définies les responsabilités qu'elle doit assumer dans le champ
de compétences qui lui est reconnu. Ainsi est-il opportun de
reconnaître à la caisse nationale, dont le statut peut
évoluer, le plein exercice de la tutelle sur le réseau des
organismes locaux de l'assurance maladie, tout en définissant
précisément la mission d'évaluation revenant aux services
déconcentrés de l'Etat.
Elle est également tenue d'accroître son propre niveau de
performance. La cohésion de son réseau est une des voies
d'obtention de l'égalité d'accès aux soins ; la
transparence et la rigueur de son action constituent son apport
nécessaire à la modernisation du système de soins.
Par l'élaboration en cours de son " projet de branche ", elle
définit, à l'égard de tous les acteurs du système,
ses ambitions et donc ses devoirs propres.
A cet égard, il convient de rappeler que l'assurance maladie a su,
durant ces dix dernières années, accroître ses gains de
productivité de 6 % à 7 % par an et, en
conséquence, réduire ses effectifs d'environ 10.000 agents.
Pour 1999, ses efforts de gestion lui permettent de contribuer à la
recherche de l'équilibre financier de l'exercice en proposant une
réduction de 1 % de ses crédits de gestion administrative
(soit 300 millions de francs), reconductible les années suivantes.
*
L'assurance maladie s'affirme donc, par ce plan, comme un
acteur
parmi d'autres, convaincu que l'émergence progressive d'une autonomie de
décision du patient est une évolution majeure qui oblige à
redéfinir les rôles traditionnellement tenus par l'Etat, les
professionnels de santé et elle-même.
L'inscription de la démarche qualité dans une politique de
santé publique, qui relève de l'Etat, en est la première
traduction.
La reconnaissance du rôle de la communauté médicale et
scientifique dans les processus de certification et d'habilitation de l'offre
de soins en est une autre.
De même, la volonté de coordonner son action avec celles des
assurances maladie complémentaires rompt avec une culture
surannée de l'hégémonie distraite au profit d'une
évidence : les assurances sont multiples, le patient est unique.
Au-delà, l'assurance maladie sait que seule la démarche
qualité, impliquant également praticiens et patients, peut lui
permettre d'être un tiers de confiance pour les uns et les autres.
Le MEDEF et la CGPME, l'UPA, la CFDT, la CFE-CGC, la Mutualité
française, et la CFTC ont estimé légitime et
nécessaire la démarche initiée par le Conseil
d'administration. Parmi ces organisations, certaines ont approuvé
l'ensemble du plan, d'autres ont formulé des réserves sur
certaines propositions.
Mais le Gouvernement peut-il, en présentant le projet de loi de
financement de la sécurité sociale, ignorer à ce point la
démarche des partenaires sociaux, en ne proposant aucun débat, ni
aucune traduction législative de ses propositions ?