B. LA POLITIQUE HOSPITALIÈRE DU GOUVERNEMENT

Deuxième exemple de politique dont les composantes sont peu clairement perçues par votre commission : la politique hospitalière du Gouvernement.

Il faut dire que, depuis l'entrée en fonctions du Gouvernement, les débats législatifs consacrés à la politique hospitalière ont eu une ampleur modeste :

- aucune mesure concernant l'hôpital ne figurait dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 ;

- aucune mesure concernant l'hôpital ne figurait non plus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ;

- aucune mesure concernant l'hôpital ne figure, non plus, dans le projet de loi de financement pour 2000.

Certes, l'ordonnance hospitalière du 24 avril 1996 avait engagé une profonde réforme de la législation hospitalière, et le Gouvernement en a, semble-t-il, retenu plus que les orientations.

Mais la législation hospitalière est dense et complexe : pour un secteur dont l'activité, de surcroît, correspond à près de 50 % des dépenses d'assurance maladie, on aurait pu s'attendre à quelques modifications.

Quelques amendements concernant la coopération hospitalière, ont certes été déposés et adoptés à l'occasion du débat du projet de loi... instituant une couverture maladie universelle.

Il faut aussi souligner l'adoption d'une disposition législative, toujours dans la même loi, offrant la possibilité d'engager, pendant une durée de cinq ans, une expérimentation de la tarification à la pathologie dans les établissements publics et privés. Une telle durée reporte à bien plus tard la mise en oeuvre d'une réforme de la tarification et du financement de l'hôpital pourtant souhaitée -au moins dans le discours- par tous.

Votre Commission tient cependant à souligner l'important travail fourni par les Agences régionales de l'hospitalisation dans le cadre de la préparation des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS).

Les 26 nouveaux SROS, qui couvriront la période 2000-2004, ont été présentés par le ministre de l'emploi et de la solidarité le 4 novembre dernier. Leur mise en oeuvre, qui devrait se traduire par la suppression ou la reconversion de 24.000 lits d'hôpital, sera également l'occasion de traduire des priorités régionales de santé.

Les directeurs d'ARH avaient en effet été invités à sélectionner de quatre à douze priorités sanitaires.

La principale priorité retenue demeure les urgences hospitalières, suivie par la cancérologie (dans 24 régions), la périnatalité (21), la cardiologie (17), les personnes âgées (13), l'insuffisance rénale chronique (11), les personnes démunies (10), la douleur et les soins palliatifs.

1. La mise en oeuvre de l'ordonnance hospitalière

Le travail de rédaction des SROS semble cependant avoir empêché une montée en charge satisfaisante du processus de contractualisation des établissements publics de santé avec les ARH : seuls 75 contrats ont été signés sur le territoire national, la négociation de 109 contrats étant en cours. Pourtant, la conclusion de contrats d'objectifs et de moyens constituait un des axes majeurs de la réforme hospitalière de 1996.

L'autre pilier de cette réforme, l'accréditation des établissements, ne semble pas progresser non plus à un rythme suffisant : l'ordonnance hospitalière du 24 avril 1996 avait pourtant prévu que tous les établissements de santé publics et privés, soit environ 4000 établissements, devaient être engagés dans la démarche d'accréditation avant 2001, c'est-à-dire avant la fin de l'année prochaine.

Or, selon l'ANAES, quarante établissements avaient accepté de participer à une expérimentation de l'accréditation, et une trentaine d'établissements seulement avait présenté une demande d'engagement au 1 er octobre 1999. Le Collège d'accréditation, dont la mise en place était prévue par l'ordonnance hospitalière, n'a été désigné que le 22 septembre dernier.

Votre Commission souhaite entendre les explications du Gouvernement sur ce point.

2. La revalorisation du statut des praticiens hospitaliers

Votre Commission souhaite également connaître ses intentions en matière de revalorisation du statut de praticien hospitalier. Certes, plusieurs décisions, prises récemment, ont abouti à des modifications statutaires.

Il s'agit essentiellement :

- de la refonte du concours national de praticien hospitalier au profit d'un concours unique aux corps de praticien hospitalier temps plein ou temps partiel (décret n° 99-517 du 25 juin 1999 organisant le concours de praticien des établissements publics de santé, publié au Journal Officiel du 26 juin 1999) ;

- de l'harmonisation des carrières temps plein et temps partiel et l'assouplissement des passages de l'un à l'autre corps (décrets n° 99-563 et n° 99-564 du 6 juillet 1999 modifiant respectivement le décret n° 84-131 du 24 février 1984 modifié portant statut des praticiens hospitaliers et le décret n° 85-384 du 29 mars 1985 modifié portant statut des praticiens exerçant leur activité à temps partiel dans les établissements d'hospitalisation publics, publiés au Journal officiel du 8 juillet 1999) ;

- de la reprise de nouveaux services pour établir l'ancienneté au moment du classement dans la carrière (décret n° 99-563 déjà cité) ;

- des mesures prises pour accroître l'attractivité des postes de praticiens hospitaliers (décrets déjà cités et décret n° 99-565 du 6 juillet 1999 modifiant le décret n° 82-1149 du 29 décembre 1982 modifié pris pour l'application de la loi n° 82-916 du 28 octobre 1982 et portant diverses mesures statutaires en faveur des praticiens à plein temps des établissements d'hospitalisation publics et le décret n° 87-944 du 25 novembre 1987 modifié relatif à l'exercice d'une activité libérale par les praticiens hospitaliers à temps plein dans les établissements d'hospitalisation publics, publié au Journal officiel du 8 juillet 1999).

Les représentants des syndicats de praticiens hospitaliers entendus par votre rapporteur sont cependant unanimes pour dénoncer l'insuffisance de ces mesures.

Ainsi, si le repos de sécurité à l'issue des gardes comme l'octroi d'une demi-journée supplémentaire pour l'exercice d'activités d'intérêt général sont appréciés, beaucoup d'entre eux mettent l'accent sur la difficulté d'appliquer ces textes dans des services hospitaliers où le nombre de praticiens hospitaliers est insuffisant.

Ils considèrent en outre que de telles mesures ont un impact hors de proportion avec celui qui serait nécessaire pour attirer les jeunes médecins vers l'hôpital public. Enfin, les praticiens hospitaliers sont moins demandeurs d'une journée libérée hors de leur service, que de bonnes raisons d'y rester.

3. Les 35 heures à l'hôpital

Votre commission souhaiterait également connaître le chiffrage du coût des 35 heures à l'hôpital.

Interrogé sur ce point par votre rapporteur, le ministère a fourni la réponse suivante :

" Etablissements publics de santé

" A - Application des 35 heures

" L'accord salarial dans la fonction publique 1998-1999, qui concerne les personnels des établissements publics de santé, reconnaît que " la situation des trois fonctions publiques au regard du temps de travail présente une spécificité qui tient notamment à la diversité extrême de la réglementation et des pratiques ainsi qu'aux contraintes liées à la nature des missions de service public auxquelles concourent les fonctionnaires ". Il dispose que " la réflexion qui s'engagera sur le sujet... requiert une approche nécessairement liée à l'organisation administrative et à la qualité des services rendus à l'usager " et qu'en conséquence, " il est nécessaire de réaliser un état des lieux exhaustif de la réglementation et des pratiques effectives concernant le temps de travail ou les heures supplémentaires ".

" Cette mission a été confiée à M. Jacques Roché, conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes, qui a déposé son rapport en janvier 1999. La mission Roché estime que l'application des 35 heures dans les hôpitaux publics nécessite un délai d'au moins deux ans compte tenu d'une part des conclusions que fait apparaître l'état des lieux et d'autre part, des propositions à mettre en oeuvre.

"  L'état des lieux

" Pour l'essentiel, il apparaît que :

" - l'environnement réglementaire actuel s'avère inadapté et qu'il n'a pas empêché, malgré un cadre en principe rigide, une extrême diversité de situations développées par accumulation de mesures ponctuelles ;

" - la durée hebdomadaire du travail n'est plus qu'une référence théorique tant les instruments de modulation à la disposition des agents sont nombreux ;

" - faute de ligne directrice et d'un instrument de mesure uniforme, les différences affichées dans les durées de travail ne sont pas lisibles et non justifiées ;

" - les souplesses introduites dans l'aménagement du temps de travail n'ont pas été suffisamment axées sur les besoins des usagers ;

" - la réduction et l'aménagement du temps de travail n'ont pas été l'occasion d'une réflexion globale sur l'organisation du travail.

" Propositions à mettre en oeuvre :

" Elles découlent du constat :

" - un préalable nécessaire : uniformiser, dans un cadre législatif et réglementaire clair, la mesure du temps de travail dans les trois fonctions publiques :

" . une unité de temps de travail commune : l'heure,

" . et un décompte du temps de travail commun : l'année,

" - définir dans la réglementation la notion de durée effective du travail ;

" - assouplir et clarifier les instruments du temps de travail pour permettre un meilleur fonctionnement des administrations :

" . généralisation des horaires variables, calés sur les besoins des usagers,

" . introduction d'un compte épargne-temps,

" . refonte de la réglementation relative au travail à temps partiel.

" Pour les mener à bien, il est suggéré la mise en place d'un comité de pilotage et d'un observatoire au niveau national et de cellules locales afin d'assurer une concertation élargie, absolument indispensable (notamment avec les organisations syndicales). "


Dans la réponse du Gouvernement, il ne manque que l'estimation du coût...

4. Les fonds hospitaliers

Enfin, votre commission regrette les insuffisances des fonds institués par les lois de financement de la sécurité sociale pour favoriser l'adaptation du tissu hospitalier et la mobilité des personnels.

Interrogé sur l'utilisation des crédits du fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé, qui a pour mission de verser des aides à la mobilité ou à l'adaptation professionnelle aux agents hospitaliers travaillant dans des établissements concernés par une opération de restructuration, le ministère a fourni la réponse suivante :

" Etat de l'utilisation des crédits :

" La mise en place du FASMO s'est avérée délicate : les décrets d'application de l'article 25 de la loi du 19 décembre 1997 mentionnée ci-dessus ne sont intervenus que le 29 décembre 1998 et le fonds n'a commencé à fonctionner effectivement (dépôt des demandes d'aides) qu'à partir du deuxième trimestre de 1999.

" Dans ces conditions, le bilan ci-joint doit être analysé avec précaution. S'il fait apparaître que le montant des dépenses prévisibles pour 1999 est, à ce jour, très peu élevé (environ 30 millions de francs pour une dotation de 300 millions de francs versée par les régimes d'assurance maladie conformément au décret n° 98-1223 du 29 décembre 1998), il est certain que le FASMO va être beaucoup plus souvent sollicité d'ici au 31 décembre 1999.

" En tout état de cause, des dispositions réglementaires seront prises le moment venu pour, d'une part régulariser, compte tenu des dépenses effectivement réalisées, le montant des crédits dus au FASMO par l'assurance maladie au titre de 1998 et 1999, et d'autre part, pour déterminer -cette fois sur la base d'une évaluation plus précise car appuyée sur des opérations passées ou en cours- le montant de la dotation au titre de l'année 2000. "


Votre commission souligne par ailleurs que, contrairement à ce qui était prévu par la loi, le décret d'application n'a prévu aucune aide en faveur des personnels des établissements privés participant au service public hospitalier.

Elle souhaite connaître les intentions du Gouvernement concernant les deux fonds hospitaliers pour 2000.

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Sous réserve des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 pour ses dispositions relatives aux équilibres généraux et à l'assurance maladie.