Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000

MACHET (Jacques)

RAPPORT 58 (1999-2000), Tome 2 - Commission des Affaires sociales

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Table des matières




N° 58

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 novembre 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME II

FAMILLE

Par M. Jacques MACHET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ;
Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale
( 11 ème législ.) : 1835 , 1873 , 1876 et T.A. 368 .

Sénat : 40 (1999-2000).


Sécurité sociale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MME NICOLE PRUD'HOMME, PRÉSIDENTE DE LA CAISSE NATIONALE D'ALLOCATIONS FAMILIALES (CNAF), ACCOMPAGNÉE DE M. PHILIPPE STECK, DIRECTEUR DES PRESTATIONS FAMILIALES

Réunie le mercredi 13 octobre 1999, sous la présidence de M. Jean Louis Lorrain, vice-président, la commission a entamé son programme d' auditions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

La commission a tout d'abord entendu Mme Nicole Prud'homme, présidente de la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), accompagnée de M. Philippe Steck, directeur des prestations familiales.

Evoquant la situation de la branche famille, Mme Nicole Prud'homme a fait part de deux motifs de satisfaction : d'une part, le retour à l'excédent, d'autre part, l'achèvement prochain de la modernisation informatique de la gestion, grâce au système " crystal ". Elle a souhaité que cette modernisation informatique puisse s'accompagner d'une modernisation plus profonde des méthodes de travail au sein des différentes caisses de la branche, afin d'améliorer l'efficacité et la qualité du service rendu au public.

Mme Nicole Prud'homme a rappelé que les caisses d'allocations familiales devaient répondre aux attentes à la fois des familles et des plus démunis. Soulignant que les caisses d'allocations familiales (CAF) étaient quotidiennement confrontées à la précarité, elle a indiqué que 40 % des allocataires n'étaient pas chargés de famille, que 30 % ne vivaient que grâce aux prestations versées par la branche et que 40 % ne franchissaient le seuil de pauvreté que grâce à ces prestations. Après avoir déclaré que les CAF se devaient naturellement de répondre à cette demande, elle a souligné que la branche famille ne pourrait pas continuer à porter indéfiniment la misère du monde et a formulé le souhait qu'on allège quelque peu son fardeau.

Mme Nicole Prud'homme a fait observer qu'il était également nécessaire d'informer de manière claire et précise les allocataires. Elle a considéré que les 15.000 règles de droit en vigueur pour la branche famille provoquaient des dysfonctionnements, comme les caisses d'Ile-de-France en avaient subis au cours de l'été, et dont la presse s'était largement fait l'écho.

Elle a expliqué que les difficultés qui avaient été observées en Ile-de-France provenaient à la fois de la complexité de la législation, d'un afflux de demandes liées à l'extension au premier enfant de l'allocation de rentrée scolaire, à l'insuffisance en personnels formés au nouveau système informatique " crystal " et au congé annuel d'été. Elle a souligné que le conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) avait réagi rapidement en affectant des renforts de personnels d'autres caisses qui étaient venus appuyer les personnels des caisses d'Ile-de-France. Elle a fait valoir qu'il y avait eu des retards, mais jamais de ruptures de paiement, et que les CAF s'étaient toujours efforcées de servir les plus démunis en priorité. Elle a souligné que ces difficultés étaient désormais en cours de règlement.

M. Charles Descours, rapporteur, a souhaité savoir quel avait été l'avis du conseil d'administration de la CNAF sur l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 qui prévoyait un prélèvement de 1 milliard de francs sur la branche famille pour financer les 35 heures. Il s'est interrogé sur l'utilisation qui devait être faite des excédents à venir de la branche famille et a souhaité savoir si le système " crystal " était compatible avec le système informatique " Racine " mis en place à l'ACOSS. Il a enfin demandé si les comptes de la branche famille étaient établis en encaissements/décaissements ou en droits constatés.

En réponse à M. Charles Descours, Mme Nicole Prud'homme a rappelé que le conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) avait voté contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à l'exception de l'Union nationale des associations familiales (UNAF), qui avait émis un vote favorable. Elle a précisé que ce vote négatif était essentiellement motivé par l'article 2 du projet de loi qui avait fait l'objet d'un rejet unanime des membres du conseil d'administration, y compris les représentants de l'UNAF.

S'agissant de l'excédent à venir de la branche famille, Mme Nicole Prud'homme a considéré que ce dernier se voyait quasiment préaffecté à la pérennisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS) qui représenterait à terme une charge de 7,2 milliards de francs par an pour la branche famille. Elle a souligné que la prise en charge de la MARS par la branche famille à hauteur de 2,5 milliards de francs en 2000 n'était compensée que par la prise en charge par l'Etat du fond d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FASTIF), pour un montant annuel de 1 milliard de francs, ce qui laissait une charge nette de 1,5 milliard de francs à la branche famille.

M. Philippe Steck, directeur des prestations familiales, a précisé que les comptes 1999 de la branche étaient établis en encaissements/décaissements et seraient vraisemblablement établis en droits constatés en 2000. Il a estimé qu'il semblait n'y avoir aucune incompatibilité entre " crystal " et " racine " dans la mesure où la gestion par ces systèmes informatiques des deux dossiers communs que constituait le versement de l'allocation pour la garde d'enfant à domicile (AGED) et de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA) n'avait jusqu'à présent suscité aucune difficulté.

M. Jacques Machet, rapporteur, a souhaité savoir quelle appréciation portait le conseil d'administration de la CNAF sur les mesures annoncées par le Gouvernement lors de la Conférence de la famille de juillet dernier et dont certaines trouvaient leur traduction dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a demandé si la CNAF avait été associée à la décision concernant le prélèvement de 1 milliard de francs sur la branche famille pour alimenter le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale. Il a souhaité savoir comment ce montant avait été évalué et s'il figurait également parmi les recettes de la branche famille dans les comptes " tendanciels " de l'année 2000 établis par la commission de comptes de la sécurité sociale.

M. Jacques Machet, rapporteur, a interrogé Mme Nicole Prud'homme sur ce que devaient être, selon elle, les prochains axes d'action prioritaires en matière de politique familiale. Il a enfin souhaité savoir quel est le degré d'avancement de la réforme du système de calcul de la prestation de service " accueil collectif ", versée aux crèches par les caisses d'allocations familiales.

En réponse à M. Jacques Machet, Mme Nicole Prud'homme a détaillé les différentes mesures relatives à la branche famille prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Elle a estimé que l'augmentation de 250 millions de francs des moyens affectés au fonds national d'action sociale (FNAS) était un élément positif même si la progression importante de 5,2 % ainsi accordée était inférieure aux augmentations enregistrées les années précédentes.

Elle a jugé que la revalorisation de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF) annoncée pour l'an 2000 constituait un coup de pouce intéressant même si certains membres du conseil d'administration de la CNAF avaient trouvé ce geste insuffisant.

Evoquant la nouvelle garantie de ressources dont bénéficiera la branche famille, Mme Nicole Prud'homme a indiqué que les appréciations portées sur ce dispositif étaient contrastées au sein du conseil d'administration de la CNAF dans la mesure où beaucoup de ses membres s'interrogeaient sur l'efficacité réelle du mécanisme proposé. Elle a fait observer que la base de référence choisie pour cette garantie de ressources -l'année 1997- était la plus défavorable pour la branche famille.

S'agissant du prélèvement de 1 milliard de francs sur la branche famille pour alimenter le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, elle a précisé que la CNAF avait été informée, mais pas associée à cette décision, et qu'elle n'était pas en mesure d'indiquer comment le montant de 1 milliard de francs avait été évalué et si ce montant figurait parmi les recettes de la branche dans les comptes " tendanciels " de l'année 2000 établis par la commission des comptes de la sécurité sociale.

S'agissant des axes d'actions prioritaires en matière de politique familiale, Mme Nicole Prud'homme a souligné que les avis étaient très partagés au sein du conseil d'administration de la CNAF. Elle a jugé qu'il convenait d'aider les familles à accueillir les enfants dans de bonnes conditions, ce qui supposait une réflexion globale portant sur des aspects tant démographiques qu'économiques.

Elle a indiqué que le conseil d'administration souhaitait que les prestations familiales évoluent au moins comme le coût de la vie, et que les modes de garde de la petite enfance soient les plus divers possibles. Après avoir précisé qu'il ne fallait pas privilégier tel ou tel mode de garde, elle a formulé le souhait que l'on ne néglige pas la situation des personnes qui souhaitent arrêter momentanément leur activité professionnelle pour élever leurs enfants. Elle a souligné qu'il convenait de s'interroger sur un éventuel assouplissement de l'allocation parentale d'éducation (APE).

Après avoir insisté sur l'importance des aides à la parentalité, Mme Nicole Prud'homme a considéré que la question du logement devait également constituer un axe prioritaire d'action : il convenait de faire en sorte que toutes les familles puissent élever leurs enfants dans de décentes conditions de logement. S'agissant de la réforme du système de calcul de la prestation de services " accueil collectif ", versée aux crèches par les allocations familiales, elle a indiqué qu'il s'agissait là d'une oeuvre de longue haleine, qui faisait l'objet de fortes controverses.

M. Alain Gournac a rendu hommage à l'action menée par la CAF des Yvelines. Il s'est dit favorable à une évolution des modes de garde collectifs par le développement de haltes-garderies-crèches et par une ouverture plus large de ces établissements en termes d'horaires. Il a souhaité savoir quels moyens seraient affectés au développement des contrats-temps libre. Il a mis l'accent sur les difficultés que pouvaient parfois susciter les procédures de recouvrement de trop-perçus menées par les caisses d'allocations familiales.

M. Gilbert Chabroux s'est félicité de l'excédent de la branche famille et a rappelé les progrès ainsi accomplis depuis 1994. Il a souhaité connaître les propositions de la CNAF pour simplifier les règles de droit en matière de prestations familiales. Il a souligné les difficultés de réinsertion professionnelle que connaissaient les femmes à l'issue de la période pendant laquelle elles avaient bénéficié de l'allocation parentale d'éducation (APE). Il a exprimé la crainte qu'un prolongement de la durée de l'APE ne se traduise par des difficultés de réinsertion accrues. Se félicitant de l'augmentation des moyens accordés au fonds d'action sociale de la branche famille, il a relevé que les prestations représentaient 95 % des dépenses de la branche et l'action sociale seulement 5 %. Il a souhaité par conséquent un meilleur équilibre entre les prestations et l'action sociale au sein des dépenses de la branche famille.

Mme Gisèle Printz a souligné les risques d'éviction du marché du travail que comportait une allocation parentale d'éducation prolongée.

M. Louis Souvet s'est interrogé sur le montant des rentrées de cotisations sociales supplémentaires éventuellement générées par la loi sur les 35 heures. Il a regretté que les CAF soient conduites à fermer certaines haltes-garderies et a souhaité une uniformisation des règles régissant les crèches et les haltes-garderies.

En réponse aux différents intervenants, Mme Nicole Prud'homme a rappelé que l'APE était aujourd'hui versée pendant les trois premières années de l'enfant. Elle a jugé qu'il convenait de réfléchir non à un prolongement de la durée de cette allocation, mais à un prolongement de la période pendant laquelle elle pouvait être demandée. Elle a souligné qu'une réflexion était nécessaire sur les conditions de reprise du travail à l'issue de l'APE.

Mme Nicole Prud'homme a rappelé que la convention d'objectifs et de gestion signée par la CNAF prévoyait que les CAF se désengageraient progressivement de la gestion directe des haltes-garderies et des crèches. Elle a considéré qu'il conviendrait d'instituer une forme de sas entre la crèche et l'école, du type jardin d'enfant, afin d'éviter une rupture trop brutale.

Evoquant la nécessaire simplification des règles de droit applicables aux prestations familiales, Mme Nicole Prud'homme a suggéré qu'une mission parlementaire se consacre à cette tâche. Elle a fait valoir que les services de la CNAF avaient d'ores et déjà travaillé sur cette question et formulé un certain nombre de propositions. Elle a ajouté que la CNAF était prête à participer activement à toute tentative de réforme de la législation. Elle a ajouté que la seconde loi 35 heures allait obliger les crèches à réfléchir à leurs horaires d'ouverture.

M. Philippe Steck, directeur des prestations familiales, a précisé que le recouvrement des indus représentait un montant annuel de 11 milliards de francs et que le système de récupération serait amélioré en 2001. Il a considéré qu'il convenait effectivement de rééquilibrer le rapport entre l'action sociale et les prestations au sein des dépenses de la branche famille. Il a rappelé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 allait précisément dans le sens d'un rééquilibrage dans la mesure où la dotation du fonds d'action sociale progressait de 5,2 %, tandis que les prestations familiales n'augmentaient que de 0,5 %.

M. Philippe Steck, directeur des prestations familiales, a rappelé que les femmes sortant du dispositif de l'APE retrouvaient une activité professionnelle si elles avaient effectivement quitté un emploi pour bénéficier de l'APE. Il s'est interrogé sur la nécessité d'un éventuel durcissement des conditions d'accès à l'APE, afin d'éviter aux femmes une éviction durable du marché du travail.

Il a considéré que la politique de développement des crèches avait connu plusieurs phases : tout d'abord, l'augmentation de l'offre quantitative, ensuite, l'amélioration de la qualité ; il a jugé que l'on était sans doute à la veille d'une nouvelle phase, caractérisée par une souplesse accrue afin de s'adapter à la diversité des situations familiales.

II. AUDITION DE M. PIERRE-LOUIS RÉMY, DÉLÉGUÉ INTERMINISTÉRIEL À LA FAMILLE

Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre-Louis Rémy, délégué interministériel à la famille.

M. Pierre-Louis Rémy
a rappelé que la délégation interministérielle à la famille avait été instituée par un décret du 28 juillet 1998 et résultait d'une décision prise par le Gouvernement à l'occasion de la Conférence de la famille de 1998. Il a précisé que cette délégation avait pour mission de coordonner l'action des différents ministères en faveur de la famille. La délégation était par conséquent composée d'une dizaine de personnes issues de différents ministères.

M. Pierre-Louis Rémy a expliqué que la délégation s'efforçait de développer des relations de confiance avec les collectivités locales, le mouvement familial, les réseaux associatifs et les organisations syndicales et professionnelles.

M. Jacques Machet, rapporteur, a interrogé M. Pierre-Louis Rémy sur le bilan qu'il dressait de l'action qu'il avait menée depuis sa prise de fonctions. Il a souhaité connaître le contenu des propositions formulées par la délégation et les principaux axes de sa réflexion. Il s'est interrogé sur l'utilisation qui devait être faite des excédents à venir de la branche famille.

En réponse à M. Jacques Machet, rapporteur, M. Pierre-Louis Rémy a indiqué qu'il s'était efforcé de faire progresser le travail interministériel sur la famille. Il a cité, à titre d'exemple, le travail de réflexion mené avec le ministère de la justice sur le droit de la famille, les actions engagées avec le ministère de l'éducation nationale sur le rôle des parents dans la vie scolaire, l'intégration d'un volet consacré à la famille dans les contrats ville, le prolongement de 20 à 21 ans de l'âge limite d'ouverture du droit aux aides au logement et l'introduction dans la seconde loi relative à la réduction du temps de travail de mesures favorables à la vie familiale.

Après avoir précisé que la délégation interministérielle à la famille avait également oeuvré au développement des réseaux d'aide et d'appui à la fonction parentale, M. Pierre-Louis Rémy a souligné que la délégation était chargée de préparer les décisions annoncées lors de la Conférence de la famille.

Affirmant que les deux préoccupations de la délégation étaient de reconnaître et d'aider les familles, M. Pierre-Louis Rémy a évoqué les quatre objectifs principaux de son action : l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle, le développement des aides à la fonction parentale, la refonte des aides au logement et les mesures en faveur des jeunes adultes.

Evoquant l'articulation entre vie familiale et professionnelle, dont il a considéré quelle était la condition de l'égalité professionnelle, M. Pierre-Louis Rémy a estimé que la seconde loi relative à la réduction du temps de travail devait permettre un meilleur équilibre entre le temps consacré au travail et le temps consacré à la famille. Il a souligné que le projet de loi prévoyait un délai de prévenance pour les modifications d'horaires, une amélioration des possibilités de capitalisation de l'épargne-temps, un assouplissement des conditions d'obtention du temps partiel et la possibilité d'un refus des heures supplémentaires en cas de raison familiale impérieuse. Evoquant le nécessaire développement des services aux familles, développement qui devait toutefois tenir compte des contraintes des collectivités locales, M. Pierre-Louis Rémy a indiqué qu'il oeuvrait en faveur d'une meilleure cohérence des financements et des contributions des parents et d'une adaptation aux besoins des familles et à l'évolution du temps de travail.

S'agissant des aides à la fonction parentale, M. Pierre-Louis Rémy a souligné qu'il travaillait à une action de sensibilisation auprès des différents services de l'Etat et au développement de réseaux locaux. Il a rappelé que le Gouvernement préparait un projet de loi relatif au droit de la famille qui serait déposé au Parlement au début de l'année 2001, à l'issue d'une très large concertation.

Evoquant la refonte des aides au logement, M. Pierre-Louis Rémy a exprimé son souci de simplification, d'harmonisation et d'amélioration.

S'agissant des actions en faveur des jeunes adultes, il a rappelé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale comportait une mesure importante : le report de 20 à 21 ans de l'âge limite d'ouverture du droit au complément familial et aux aides au logement.

M. Pierre-Louis Rémy a conclu en indiquant que la délégation s'efforçait d'examiner d'une manière globale les problèmes des familles, selon une approche très concrète et la plus partenariale possible. Il a considéré que la situation financière de la branche famille permettait de faire preuve d'imagination dans la mesure où toutes les actions évoquées exigeaient des moyens.

M. Jacques Machet, rapporteur, a demandé à M. Pierre-Louis Rémy s'il avait véritablement le sentiment que son action avait débouché sur des améliorations concrètes pour les familles.

M. Pierre-Louis Rémy a souligné que le travail qu'il menait était difficile en raison de son caractère interministériel ; il a considéré que l'action qu'il menait commençait à produire des résultats tangibles. Il a cité, comme exemple du rôle très positif joué par la délégation, la sortie prochaine d'un décret sur l'organisation des modes de garde, décret qui était attendu depuis maintenant quinze ans. Il a précisé qu'il s'efforçait de mobiliser des acteurs de terrain grâce à un important travail d'animation dont on pouvait commencer à percevoir les effets ; il a souligné que les projets territoriaux préparés par les préfets comportaient ainsi de plus en plus souvent un volet famille.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est dite convaincue de l'efficacité de la démarche initiée par la délégation interministérielle à la famille. Faisant observer que le coût des crèches pour les collectivités locales avait fortement augmenté en raison des normes d'encadrement sévères qui les régissaient, elle a considéré qu'il convenait de trouver un équilibre entre des exigences sanitaires nécessaires et le souci d'un coût acceptable. Elle s'est interrogée sur la manière dont on pouvait favoriser le retour à l'emploi des femmes qui auraient opté pour un congé parental ou le bénéfice de l'allocation parentale d'éducation.

M. Gilbert Chabroux a jugé indispensable l'action menée par la délégation interministérielle à la famille, dont il a approuvé les orientations. Il a considéré que la délégation avait permis de rétablir le dialogue entre le mouvement familial et le Gouvernement. Soulignant que Mme Nicole Prud'homme, présidente de la CNAF, avait, lors de son audition par la commission, mis en lumière les dysfonctionnements induits par la complexité des règles régissant les prestations familiales, il a souhaité savoir si la délégation interministérielle à la famille était en mesure de formuler des propositions de simplification.

Après avoir rappelé l'importance de l'accession à la propriété pour beaucoup de familles, M. Michel Esneu s'est interrogé sur les dispositifs qu'il faudrait mettre en place pour répondre à cette demande.

En réponse aux différents intervenants, M. Pierre-Louis Rémy a indiqué qu'il espérait que le décret qui devait être prochainement publié sur l'organisation des modes de garde répondrait aux attentes de simplification des normes sans remettre en question la qualité du service offert aux enfants et à leurs familles. Il a expliqué qu'il avait souhaité que les établissements chargés de l'accueil de la petite enfance répondent à des exigences sanitaires moins sévères et obéissent à des objectifs plus éducatifs. Il a jugé que le système de prise en charge de la petite enfance devait évoluer en fonction des nouvelles conditions du temps de travail, caractérisées dans certains secteurs par le recours à des horaires décalés.

Evoquant le retour à l'emploi des femmes ayant opté pour un congé parental, il a souhaité que l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) joue un rôle pivot dans une procédure de nouveau départ qui permette une meilleure réinsertion professionnelle de ces personnes. Il a également formulé le souhait que les régions, qui financent la formation professionnelle, participent à cet effort.

M. Pierre-Louis Rémy a rappelé que la complexité de notre système de prestations familiales provenait de la multiplicité des objectifs qui lui étaient assignés. Il a jugé que les aides au logement et les aides à la petite enfance devaient constituer un chantier prioritaire en matière de simplification.

Evoquant l'accession sociale à la propriété, il a souligné que le Gouvernement venait de décider de mesures importantes qui constituaient de réelles avancées, tels la baisse des droits de mutation et le report de 20 à 21 ans de l'âge limite d'ouverture du droit aux aides au logement.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les perspectives de la branche famille pour l'année 2000 devraient constituer, pour votre rapporteur, un motif de satisfaction : le retour à une situation structurellement excédentaire permet d'envisager l'avenir avec confiance et d'afficher de nouvelles ambitions pour la famille.

C'est pourtant un sentiment de déception et d'inquiétude qui l'emporte : cette situation favorable ne profitera en rien aux familles, ni à celles d'aujourd'hui, ni à celles de demain.

Renouant avec des pratiques qu'on croyait pourtant révolues et bafouant le principe de la séparation des branches de la sécurité sociale, le Gouvernement confisque à la branche famille ses excédents et affecte une partie de ses ressources au financement, en apparence, du fonds de réserve pour les retraites, en réalité, des " 35 heures ".

Dès lors, les moyens consacrés à des mesures nouvelles en faveur des familles apparaissent fatalement limités et trahissent le manque d'ambition qui caractérise la politique familiale menée par le Gouvernement.

La juxtaposition de simples mesures techniques d'aménagement, de consolidation, d'ouvertures de chantiers ne saurait remplacer un plan ou un engagement à moyen ou long terme et ne traduit que l'absence d'un engagement politique fort.

Dans ces conditions, comment ne pas être sceptique devant les projets du Gouvernement de favoriser un " renouveau de la politique familiale " ? L'heure semble être plutôt au " recyclage " des excédents de la branche famille qu'à la nécessaire relance de notre politique familiale, que le Sénat appelle pourtant de ses voeux.

Pour sa part, notre Haute Assemblée a souhaité solennellement rappeler, à l'occasion de l'examen, en juin dernier, d'une proposition de loi relative à la famille, déposée par les quatre présidents de groupe de la majorité sénatoriale -MM. Jean Arthuis (UC - Mayenne), Guy Cabanel (RDSE - Isère), Henri de Raincourt (RI - Yonne) et Josselin de Rohan (RPR - Morbihan)-, tout l'attachement qu'il portait à une politique familiale ambitieuse, à même de préserver la cohésion sociale et le dynamisme de notre pays.

I. LA BRANCHE FAMILLE EN 2000 : UN INSTRUMENT DE DÉBUDGÉTISATION

A. UN EXCÉDENT " SPONTANÉ " DE 6 MILLIARDS DE FRANCS EN 2000

1. Des comptes peu transparents

L'analyse des comptes de la branche famille présentés à la Commission des comptes de la sécurité sociale et sur lesquels s'appuie le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2000 est rendue malaisée par quatre difficultés méthodologiques majeures :

- le maintien d'une comptabilité en encaissements-décaissements ;

- la traditionnelle majoration de l'allocation de rentrée scolaire ;

- la modification du mode d'affectation des recettes ;

- l'existence de comptes qui ne sont ni spontanés, ni tendanciels, ni prévisionnels.

Le maintien d'une comptabilité en encaissements-décaissements ;

Comme l'a souligné la Cour des comptes, l'application du principe de comptabilisation en droits constatés aux opérations des organismes de la sécurité sociale constitue " un progrès -dans la voie de la clarification des comptes de la sécurité sociale- dont il importe de souligner l'importance " 1( * )

Comme l'a montré notre collègue M. Charles Descours dans son rapport sur les lois de financement de la sécurité sociale 2( * ) , la comptabilisation des droits constatés présente en effet quatre avantages :

1.  un résultat indépendant des événements venant perturber le règlement des cotisations ou le paiement des prestations ;

2.  une étape importante vers l'harmonisation des comptabilités et des méthodes comptables de l'ensemble des régimes ;

Encaissements-décaissements et droits constatés :
les deux principes de comptabilisation

Une comptabilité en encaissements-décaissements consiste à n'enregistrer les opérations qu'à partir du moment où celles-ci sont recouvrées (cotisations) ou payées (prestations).

Pour résumer, une comptabilité en encaissements-décaissements est une comptabilité de trésorerie.

Une comptabilité en droits constatés consiste à rattacher à un exercice les dépenses et les recettes dès la naissance du fait générateur. En fin d'exercice, les opérations qui ont pris naissance dans l'année mais qui n'ont pas donné lieu à encaissement ou paiement sont rattachées à l'exercice comptable sous forme de produits à recevoir (créances), de provisions ou de charges à payer (dettes).

Pour résumer, une comptabilité en droits constatés est une comptabilité de créances et de dettes.

Avant la réforme, les comptes des caisses du régime général étaient en encaissements-décaissements. Néanmoins, elles utilisaient déjà, pour certaines opérations, la technique des droits constatés (exemple de certaines avances ou compensations de l'Etat).

En revanche, les régimes complémentaires et les compagnies d'assurance étaient déjà en droits constatés.

3.  un cadre comptable similaire pour l'ensemble des régimes, les régimes complémentaires et les mutuelles ;

4.  une transparence financière entre les différents acteurs de la sécurité sociale, puisque les droits constatés font apparaître les créances et les dettes respectives de chacun.

Le décret n° 96-448 du 23 mai 1996 a officialisé la comptabilisation en droits constatés dans les organismes du régime général à compter du 1 er janvier 1996. Cette réforme a été étendue aux autres régimes à partir du 1 er janvier 1997.

Pourtant, cette année encore, les comptes soumis à la Commission des comptes de la sécurité sociale, comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale, sont établis en encaissements-décaissements.

Comme le rappelle M. François Monier, secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, dans l'avant-propos du rapport de septembre 1999, " le projet de faire basculer les travaux de la Commission en comptabilité de droits constatés, qui avait été annoncé il y a un an, n'a pu être mené à bien en 1999, faute de moyens dans les services de l'administration. Il se trouve donc reporté. " M. Monier ajoute : " Cette situation ne saurait durer très longtemps. "

Votre rapporteur ne peut qu'approuver ce jugement et demeure persuadé, comme le secrétaire général de la Commission des comptes, que l'achèvement de la réforme des droits constatés par son application aux comptes de la sécurité sociale constitue un objectif prioritaire.

Le maintien des comptes de la sécurité sociale en encaissements-décaissements demande en effet la production de tables de passage qui, selon les termes mêmes du secrétaire général de la Commission des comptes, " risquent de fournir des estimations d'une qualité décroissante au cours du temps ".

La majoration de l'allocation de rentrée scolaire

L'analyse de l'évolution des recettes et des dépenses de la branche famille se heurte traditionnellement au problème soulevé par le mode de comptabilisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS).

L'Etat procède en effet à la majoration systématique de l'ARS depuis quelques années. Cette majoration est versée par la branche famille et théoriquement compensée par l'Etat. Cette majoration n'est pourtant jamais acquise et son montant varie d'année en année : elle n'est donc pas comptabilisée dans les prévisions de dépenses figurant dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

L'impact de cette majoration rend donc difficile l'analyse des évolutions de recettes et de dépenses d'une année sur l'autre. Comme le souligne de manière répétée le rapport de la Commission des comptes, " les variations du montant de la majoration d'ARS et sa prise en charge partielle ou totale par l'Etat perturbent assez fortement la structure du compte ".

Pour avoir une idée plus précise de l'évolution des comptes de la branche famille, il faut donc parfois " neutraliser " l'impact de la majoration d'ARS. On peut d'ailleurs se demander quelle signification revêt pour le Parlement le vote d'un objectif de dépenses pour la branche famille qui n'intègre pas cette majoration : cette dernière étant devenue quasiment systématique à l'occasion de chaque rentrée scolaire, l'objectif de dépenses est fatalement dépassé de plusieurs milliards. Toutefois, si cette majoration est intégralement compensée par l'Etat, le solde final de la branche n'en est pas affecté, sous réserve de l'impact en trésorerie des retards de remboursement...

La difficulté de l'analyse sera encore accrue en 2000 puisque le Gouvernement a décidé la prise en charge par la branche famille, à hauteur de 2,5 milliards de francs, d'une partie du coût de la MARS qui sera accordée à la rentrée scolaire 2000. Les dépenses prévisionnelles de la branche famille en 2000, telles que les prévoit le rapport de la Commission des comptes, intègrent donc une augmentation de 2,5 milliards de francs des dépenses au titre de l'ARS.

La modification du mode d'affectation des recettes

L'affectation des recettes entre les différentes branches du régime général et les organismes concourant à leur financement (FSV, CADES) s'effectuait avant 1998 au niveau central de l'ACOSS selon des clefs de répartition au caractère parfois un peu arbitraire.

Cette affectation est désormais réalisée selon le système RACINE qui ventile à la source -au niveau des URSSAF- les recettes de la sécurité sociale.

Cette modification introduit une rupture dans la série des encaissements recensés, ce qui rend non significatives les évolutions entre 1997 et 1998 et rend difficile la compréhension du niveau même de ces encaissements.

La branche famille a été relativement pénalisée par ce nouveau mode d'affectation des recettes. Si l'on compare les encaissements dont elle aurait bénéficié avec l'ancien système et les sommes qui lui sont aujourd'hui affectées, la branche famille perd 2,5 milliards de francs pour l'année 1998.


 

Répartition comptable RACINE

Attributions forfaitaires
en trésorerie

 
 

Montant
(milliards de francs)

%

Montant
(milliards de francs)

%

Ecart (milliards de francs

CNAF

163,637

15,14

166,139

15,36

- 2,502

Des comptes qui ne sont ni spontanés, ni tendanciels, ni prévisionnels

Les comptes présentés, en septembre 1999, à la Commission des comptes de la sécurité sociale pour l'année 1999 constituent des prévisions. Ils intègrent les informations disponibles au début du mois de septembre sur les différents régimes.

Comme le souligne le rapport de la Commission des comptes, " la nature des comptes établis pour l'an 2000 est différente. Ce ne sont pas à proprement parler des prévisions puisqu'ils n'intègrent pas, par construction, les mesures de la loi de financement dont plusieurs auront un impact sensible sur les soldes des régimes. Ce ne sont pas non plus exactement des comptes " tendanciels " qui correspondraient à une projection spontanée fondée sur l'application stricte de la réglementation en vigueur, l'analyse des évolutions passées et l'estimation de l'impact des mesures déjà connues ".

S'agissant de la branche famille, cette pratique un peu floue conduit ainsi le rapport de la Commission des comptes à tenir compte pour 2000 d'un certain nombre d'hypothèses qui s'avèrent d'ores et déjà erronées. Les comptes de la branche famille publiés par la Commission des comptes de la sécurité sociale et sur lesquels s'appuie le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2000 n'ont donc aucune signification réelle.

L'ensemble des éléments qui viennent d'être évoqués contribuent à une certaine opacité des comptes de la branche famille, opacité qui permet au Gouvernement de choisir la présentation des comptes qu'il juge la plus avantageuse.

La première tâche de votre rapporteur consiste donc à examiner et à retraiter les comptes de la branche famille fournis par le Gouvernement, afin d'obtenir une image de la situation de cette branche plus sincère et plus conforme à la réalité.

2. Une situation améliorée en 1999

Après avoir été longtemps excédentaire, la branche famille connaissait depuis 1994 des déficits importants : 10,5 milliards de francs, en 1994, 38,9 milliards de francs en 1995 3( * ) , 9,7 milliards de francs en 1996, 14 milliards de francs en 1997, 1,9 milliard de francs en 1998.

Les comptes prévisionnels de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1999 font en revanche apparaître une nette amélioration du solde de la branche famille qui s'établirait à + 3,26 milliards de francs en 1999.

Votre rapporteur tient à rappeler à cette occasion que la branche famille a connu jusqu'en 1993 des excédents réguliers -de 10,7 milliards de francs en 1993, par exemple- qui ont souvent permis de financer les déficits des branches vieillesse et maladie. L'excédent structurel que connaissait alors la branche famille a longtemps servi d'alibi aux prélèvements de toutes sortes qui ont été effectués à ses dépens. La séparation des branches de la sécurité sociale et l'obligation de l'équilibre financier de chacune d'elles, prévue par la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, sont intervenues au moment même où la situation de la branche famille connaissait les premières difficultés.

Pour 1998, les résultats définitifs de la branche famille présentés dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1999 font apparaître un déficit de 1,9 milliard de francs pour 1998 avec 254,4 milliards de francs de dépenses pour 252,5 milliards de francs de recettes.

Comptes de la branche famille
(y compris majoration de l'allocation de rentrée scolaire)

(en milliards de francs)

 

1998 (définitif)

Evolution (1998/1997)

1999 (prévisionnel) )

Evolution (1999/1998)

Recettes

252,543

+ 4,1 %

269,385

+ 6,7 %

Dépenses

254,446

- 1,0 %

266,126

+ 4,6 %

Solde

- 1,903

 

+ 3,259

 

Ces résultats restent marqués par la modification de la structure des encaissements qui fait suite au passage au système RACINE précédemment évoqué et qui s'est traduite par une perte de recettes de 2,5 milliards pour la branche famille.

Les dépenses en 1998 sont en diminution de 1 % par rapport à 1997. Cette évolution s'explique essentiellement par la mise sous condition de ressources des allocations familiales, qui a entraîné une diminution de 5 % de cette prestation en métropole, et par une baisse importante de l'AGED (- 13,6 %) suite aux mesures gouvernementales de diminution du montant de cette prestation. Le retour à la normale du niveau de la prise en charge par la branche famille des cotisations vieillesse des parents au foyer (AVPF) se traduit par une diminution de 10,8 % de ce poste en 1998.

En 1999, la branche retrouverait un solde excédentaire -3,26 milliards de francs- avec 269,4 milliards de francs de recettes prévisionnelles et 266,1 milliards de francs de dépenses prévisionnelles.

Les dépenses augmenteraient de 4,6 % en 1999 en raison principalement du retour à l'universalité des allocations familiales. L'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA) continuerait de progresser assez rapidement du fait de la moindre attractivité de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED).

Les recettes devraient augmenter rapidement par rapport à 1998 (+ 6,7 %) en raison du remboursement par l'Etat, pour la première fois, de l'allocation de parent isolé (API) pour un montant de 4,1 milliards de francs.

Bénéficiaires tous régimes des prestations métropole et DOM depuis 1994


Nombre de bénéficiaires en milliers

1994

1995

1996

1997

1998

Entretien des enfants

 
 
 
 
 

Allocations familiales (AF)

4.701

4.706

4.708

4.721

4.390

Complément familial " famille " (CF)

1.040

1.036

953

937

938

Allocation de rentrée scolaire (ARS)

3.038

3.059

3.075

3.066

3.129

Aide à la scolarité

721

748

722

776

 

Naissance, jeune enfant

 
 
 
 
 

Alloc. pour jeune enfant (APJE)

 
 
 
 
 

dont APJE courte

475

485

420

420

428

APJE longue

1.292

1.167

1.128

1.071

1.068

Alloc. parentale d'éducation (APE)

175

303

450

533

542

Alloc. de garde d'enfant à domicile (AGED)

25

47

67

83

74

Aide emploi assistante maternelle (AFEAMA)

273

326

384

437

487

Allocation d'adoption

 

2

2

2

2

Monoparentalité

 
 
 
 
 

Alloc. de parent isolé (API)

169

164

163

164

163

Alloc. soutien familial (ASF)

560

571

582

593

605

Autres

 
 
 
 
 

Prestations hors métropole

76

68

63

59

51

Allocation différentielle

12

10

13

16

14

Logement (B)

5.823

6.023

6.158

6.164

6.309

Alloc. logement familiale (ALF)

1.137

1.159

1.158

1.175

1.206

Aide personnalisée au logement (APL)

2.729

2.795

2.855

2.844

2.868

Alloc. logement social (ALS)

1.956

2.069

2.145

2.155

2.235

Invalidité (C)

 
 
 
 
 

Alloc. pour adultes handicapés (AAH)

598

614

631

648

668

Complément d'AAH

98

106

112

117

125

Alloc. d'éducation spéciale (AES)

101

102

104

106

110

Précarité (D)

 
 
 
 
 

Revenu minimum d'insertion (RMI)

908

946

1.010

1.068

1.110

3. Un excédent " spontané " de 6 milliards de francs en 2000

La situation de la branche famille en 2000 est bien meilleure que ce que fait apparaître la présentation des comptes choisie par le Gouvernement.

Selon le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, les recettes atteindraient, en 2000, 268,194 milliards de francs tandis que les dépenses s'élèveraient à 265,651 milliards de francs. La branche serait par conséquent excédentaire de 2,543 milliards de francs.

Cet excédent serait ramené à 1,41 milliard de francs après les différentes mesures nouvelles annoncées par le Gouvernement et dont l'impact total est estimé à 1,14 milliard de francs dans l'annexe C du projet de loi.

Cette présentation des comptes est largement biaisée : elle ne reflète en rien la situation de la branche famille.

Ces estimations tiennent en effet compte d'un certain nombre d'hypothèses qui affectent de manière très significative les comptes de la branche, à la fois en recettes comme en dépenses :

- la revalorisation au 1 er janvier de la base mensuelle de calcul des allocations familiales de + 0,2 %, compte tenu d'un rattrapage négatif de - 0,5 % au titre de l'évolution des prix de 1999 ;

- la prise en compte dans la limite de 2,5 milliards de francs, à titre provisionnel, d'une majoration de l'allocation de rentrée scolaire à la charge de la CNAF ;

- la prise en compte, à titre provisionnel, d'une contribution de 1,010 milliard de francs de la branche famille au financement de la réduction du temps de travail.

Si la première hypothèse est traditionnelle, les deux autres résultent de décisions gouvernementales qui n'avaient pas vocation à être intégrées dans les prévisions du rapport de la Commission des comptes. Il eût été en effet plus orthodoxe que le Gouvernement distingue, d'une part, l'évolution spontanée de la branche, d'autre part l'impact des mesures nouvelles.

Si l'on souhaite avoir une idée de la situation de la branche plus conforme à la réalité, il convient par conséquent de retraiter les comptes publiés dans le rapport de la Commission des comptes.

Ce retraitement consiste à soustraire du montant des dépenses les sommes relatives à la prise en charge de la MARS (2,5 milliards de francs) et au financement de la réduction du temps de travail (1,01 milliard de francs).

On obtient alors un total de dépenses " spontanées ", c'est-à-dire avant toute mesure nouvelle décidée par le Gouvernement, de 262,141 milliards de francs, soit, pour un montant de recettes inchangé, un solde excédentaire de 6,053 milliards de francs.

Evolution " spontanée " de la branche famille

(hors mesures nouvelles)

(en milliards de francs)

 

Année 2000

Evolution (2000/1999)(1)

Recettes

268,194

+ 2,2 %

Dépenses

262,141

+ 1,1 %

Solde

+ 6,053

 

(1) hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS)

Les recettes enregistreraient une progression plus forte (+ 2,2 %) que les dépenses (+ 1,1 %).

La présentation choisie par le rapport de la Commission des comptes et le Gouvernement poursuit en réalité un triple objectif :

- dissimuler l'ampleur de l'excédent que connaît la branche famille ;

- minorer l'impact de la dégradation des comptes imputable aux ponctions décidées par le Gouvernement ;

- ne faire apparaître officiellement que le seul 1,41 milliard de francs qui bénéficie aux familles.

Solde de la branche famille

(en milliards de francs)

Note : 2000: après mesures annoncées par le Gouvernement

B. UNE BRANCHE PONCTIONNÉE

Si l'excédent spontané de la branche famille s'élève à plus de 6 milliards de francs, l'excédent prévisionnel après le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ne s'élève plus qu'à 1,41 milliard de francs.

Cette dégradation de 4,65 milliards de francs du solde de la branche famille ne se traduit en réalité que par 1,14 milliard de francs de mesures nouvelles en faveur des familles, le solde restant -3,5 milliards de francs- provenant des décisions du Gouvernement de diminuer le montant des ressources affectées à la branche et de lui imposer la prise en charge progressive de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, auparavant financée par le budget de l'Etat.

1. Une ponction de 1 milliard de francs pour alimenter le fonds de réserve pour les retraites

Le Gouvernement avait prévu initialement un prélèvement affecté au financement de la réduction du temps de travail.

L'article 2 du projet de loi prévoyait ainsi la création d'un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale qui devait être notamment alimenté par une contribution versée par les organismes de protection sociale 4( * ) .

Pour le Gouvernement 5( * ) , cette contribution " est justifiée, car ces organismes profitent des effets favorables de la réforme sur l'emploi, notamment en percevant des recettes de cotisations supplémentaires ".

Le montant des contributions des organismes de protection sociale devait être fixé par voie de convention conclue entre l'Etat et chacun des organismes intéressés. Toutefois, l'article 2 du projet de loi précisait : " A défaut de signature d'une convention avant le 31 janvier 2000, la contribution de chacun des organismes est déterminée à partir du surcroît de recettes et d'économies de dépenses induites par la réduction du temps de travail pour cet organisme. Les règles servant à calculer le montant et l'évolution de ces contributions sont définies par décret en conseil d'Etat ".

Comme le souligne le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1999, " une telle estimation pose des problèmes délicats et ne peut être que très imprécise ". A titre de " provision ", dont on ignorait sur quels fondements elle reposait, le rapport retenait l'hypothèse d'une contribution du régime général de 5,5 milliards de francs en 2000. Pour la branche famille, la " provision " de ce prélèvement était fixée dans les comptes figurant dans le rapport à 1,010 milliard de francs.

Ce prélèvement, qui prenait la forme d'une dépense des différentes branches du régime général, a fait l'objet d'un rejet unanime de la part des partenaires sociaux.

Après une négociation engagée en catastrophe le 20 octobre 1999, le ministère de l'emploi et de la solidarité annonçait le 25 octobre, en fin d'après-midi, que le Gouvernement renonçait désormais aux prélèvements sur les organismes sociaux.

Contraint de reculer sur cette mesure, le Gouvernement n'a pas pour autant renoncé à ponctionner le régime général. Les branches du régime général de la sécurité sociale devaient logiquement " récupérer " les 5,5 milliards de francs " provisionnés " par le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Mais le Gouvernement a décidé de diminuer les ressources affectées aux différentes branches de 5,5 milliards de francs pour alimenter le fonds de réserve pour les retraites.

La contribution des organismes de sécurité sociale est donc maintenue ; elle devient désormais indirecte.


Le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale, en première lecture, un nouveau dispositif qui permet de ponctionner la branche famille de manière plus subtile et sans doute moins voyante.

L'amendement présenté par le Gouvernement à l'article 10 du projet de loi modifie la clé de répartition applicable au prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine. Cette répartition avait déjà été modifiée -il faut le souligner- en juillet dernier par la loi portant création d'une couverture maladie universelle (CMU).

Cette loi prévoit notamment la suppression au 1 er janvier 2000 de l'assurance personnelle et la prise en charge par la CNAMTS de la couverture maladie de base sur le critère de la résidence. Elle devait se traduire par des conséquences financières non négligeables pour la branche famille.

Les caisses d'allocations familiales prennent en effet en charge, de manière totale ou partielle, les cotisations des titulaires de prestations familiales non couverts par un régime d'assurance maladie et, de manière totale, celles des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé (API) et des personnes veuves ou divorcées ayant eu au moins trois enfants à charge.

La loi portant création de la CMU a donc affecté à la CNAMTS de nouvelles recettes afin de compenser la suppression des cotisations d'assurance personnelle qui étaient auparavant prises en charge par les CAF, le fonds de solidarité vieillesse (FSV), les départements ou l'Etat.

Pour compenser la suppression de la prise en charge d'une partie des cotisations d'assurance personnelle par les caisses d'allocations familiales, la loi a modifié l'affectation du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine, réparti alors pour moitié entre la CNAF et la CNAVTS.

Elle prévoit, à compter du 1 er janvier 2000, l'attribution d'une partie de ce prélèvement à une troisième branche du régime général : la CNAMTS. La répartition serait de 50 % pour la CNAVTS (situation inchangée), 28 % pour la CNAMTS et 22 % pour la CNAF.

La perte de recettes aurait été, pour la CNAF, de 2,7 milliards de francs, pour une moindre dépense de 2,4 milliards de francs. L'opération n'était donc pas neutre pour la branche famille : elle devait en effet se traduire par une dégradation de 300 millions de francs de son solde en 2000.

On ajoutera qu'elle privait la branche famille d'une part importante d'une recette très dynamique -le rendement du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine a progressé de 25 % en 1999- en contrepartie de la suppression d'une charge qui augmentait à un rythme très modéré.

Avant même d'être entrée en vigueur, cette disposition est remplacée par une nouvelle répartition prévue dans le présent projet de loi :

•  49 % pour le fonds de réserve pour les retraites ;

•  30 % pour la CNAVTS ;

•  13 % pour la CNAF ;

•  8 % pour la CNAMTS.

Après avoir vu sa part du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine passer de 50 % à 22 % dans la loi " CMU ", la branche famille enregistre une nouvelle diminution des sommes qui lui seraient affectées puisque sa part tomberait à 13 % !

Le prélèvement de 2 % devrait rapporter 11,3 milliards de francs en 2000 : la branche famille ne percevra finalement que 1,47 milliard de francs contre 2,49 milliards prévus dans le cadre de la loi CMU. Cette perte de 1,017 milliard de francs est sensiblement équivalente, à 7 millions près, à la somme qui devait lui être prélevée pour financer la réduction du temps de travail (1,01 milliard de francs).

La branche famille sera toujours ponctionnée de plus d'un milliard de francs.

Dans le schéma initial, la branche famille se voyait imposer une dépense nouvelle : la participation au financement des " 35 heures " ; dans le nouveau schéma, elle perd le bénéfice d'une recette qui lui était affectée initialement pour moitié. Les nouvelles propositions du Gouvernement font véritablement tomber la branche famille de Charybde en Scylla !

Aucune des deux solutions n'est préférable ; elles aboutissent toutes deux au même résultat : ponctionner la branche de plus d'un milliard de francs. La branche famille finançait les " 35 heures ", elle finance désormais le fonds de réserve pour les retraites.

En réalité, elle continue à financer indirectement les " 35 heures " .
En effet, la contribution du régime général au fonds de réserve est justifiée par l'affectation au financement des " 35 heures " d'une partie des droits sur les alcools qui constituait une recette du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Le FSV se voyant privé d'une recette importante, il ne pourra plus alimenter le fonds de réserve pour les retraites. C'est donc au régime général qu'incombera désormais cette charge. La boucle est bouclée !

La logique s'y perd définitivement dans ces combinaisons destinées à vider de toute signification le principe de séparation des branches de la sécurité sociale.

2. Une débudgétisation de 2,5 milliards de francs pour financer la majoration de l'allocation de rentrée scolaire

L'allocation de rentrée scolaire est une prestation attribuée au ménage ou à la personne dont le revenu net catégoriel de 1998 ne dépasse pas 102.049 F pour un enfant, plus 23.550 F par enfant supplémentaire. L'enfant ouvrant le droit à la prestation doit avoir atteint son sixième anniversaire avant le 1 er janvier de l'année suivant celle de la rentrée scolaire. Au-delà de seize ans, l'allocation reste due pour chaque enfant poursuivant des études ou placé en apprentissage, n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans révolus au 15 septembre de l'année considérée.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a étendu son versement à toutes les familles d'un enfant, sous réserve qu'elles remplissent les conditions de ressources, d'âge et de scolarisation de l'enfant. Désormais, le versement de l'ARS n'est plus limité aux seules familles bénéficiant d'une prestation familiale ou d'une allocation logement.

Le montant de l'ARS par enfant, pour la rentrée scolaire 1999, était égal à 20 % de la base mensuelle de calcul des allocations familiales, soit 429 francs. Ce montant est cependant majoré systématiquement par une décision gouvernementale depuis 1993 et atteint finalement 1.600 francs depuis 1997.

Reconduite dans son principe d'année en année, cette majoration a été prise en charge par le budget de l'Etat depuis 1994, qui rembourse, généralement avec retard, cette dépense à la branche famille. Il en résulte une charge de trésorerie non négligeable pour la branche.

Jusqu'en 1997, les pouvoirs publics avaient procédé, pour assurer son financement, par décret d'avances. Cette pratique n'a pas été reconduite en 1998. Un montant de 5,8 milliards de francs a, ultérieurement, été inscrit en loi de finances rectificative de fin d'année, un versement de 6,1 milliards de francs ayant été opéré le 22 janvier 1999. Le versement 1999 devrait également être inscrit dans la loi de finances rectificative pour 1999.

Evolution du montant de l'allocation de rentrée scolaire

 

Montant

Montant total

1993

1.097 F

1.500 F

1994

1.089 F

1.500 F

1995

830 F

1.500 F

1996

580 F

1.000 F

1997

1.180 F

1.600 F

1998

1.176 F

1.600 F

1999

1.173 F

1.600 F

Le coût total de l'allocation de rentrée scolaire s'élève à 9,7 milliards de francs, dont 2,5 milliards de francs à la charge de la branche famille et 7,2 milliards de francs pris en charge par l'Etat au titre de la majoration.

Lors de la Conférence de la famille du 7 juillet dernier, le Premier ministre a annoncé la pérennisation de la majoration de l'ARS : " la majoration de l'ARS a donc vocation à devenir une prestation familiale. De ce fait, son financement sera pris en charge par la branche famille, selon un calendrier à définir. Parallèlement, l'Etat reprendra à sa charge le financement du Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles. "

Les modalités de cette prise en charge progressive ne sont pas connues : tout juste sait-on qu'elle se fera à hauteur de 2,5 milliards de francs en 2000. La branche famille verra par conséquent ses dépenses au titre de l'ARS augmenter de 2,5 milliards de francs en 2000 pour atteindre, selon le rapport de la Commission des comptes, 5 milliards de francs.

En contrepartie, la prise en charge par l'Etat du FASTIF, si elle a effectivement lieu, ne déchargerait la branche famille que de 1 milliard de francs par an. Le coût net pour la branche famille de cette opération est donc au moins de 1,5 milliard de francs en 2000.

Le Gouvernement a beau jeu de présenter cette mesure comme un " progrès " pour les familles : en réalité, l'ARS était déjà, de facto , pérennisée au niveau de 1.600 francs depuis 1997. Il apparaissait en effet politiquement risqué pour un Gouvernement de ne pas confirmer cette majoration exceptionnelle à caractère annuel.

La prétendue pérennisation de l'ARS n'apportera donc rien de plus aux familles. Elle constitue surtout le prétexte d'une opération massive de débudgétisation aux dépens de la branche famille. L'Etat se décharge ainsi sur la sécurité sociale d'une dépense qu'il a lui-même créée.

Votre rapporteur observe qu'il est toujours facile, pour l'Etat, de faire le généreux avec l'argent de la sécurité sociale...

3. 1,1 milliard de francs seulement de mesures nouvelles en faveur des familles

Seules les mesures effectivement favorables aux familles sont recensées dans l'annexe C du projet de loi de financement, qui doit pourtant détailler l'impact des différentes mesures décidées par le Gouvernement. Ces mesures seront analysées, sur le fond, de manière approfondie dans la partie II du présent rapport ; on se limitera ici à examiner leur impact sur l'équilibre de la branche famille.

Ces différentes mesures accroissent les dépenses de la branche famille :

- le " coup de pouce " de 0,3 % accordé en matière de revalorisation des prestations familiales : 340 millions de francs ;

- le relèvement de 20 à 21 ans de l'âge limite d'ouverture du droit au complément familial : 330 millions de francs ;

- le relèvement de 20 à 21 ans de l'âge limite d'ouverture du droit à l'allocation de logement familial (ALF) et à l'aide personnalisée au logement (APL) : 220 millions de francs ;

- la dotation supplémentaire au Fonds d'action sociale de la CNAF : 250 millions de francs.

L'ensemble de ces mesures se traduit par une augmentation de 1,14 milliard de francs des dépenses de la branche famille en 2000 ; le coût pour les années ultérieures de certaines mesures, notamment le relèvement des âges limites, sera cependant plus élevé.

L'impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 sur les recettes, les dépenses et le solde de la branche famille est résumé dans le tableau suivant :

Incidence des mesures annoncées par le Gouvernement

sur l'équilibre de la branche famille en 2000

(en milliards de francs)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Evolution spontanée en 2000

268,194

262,141

+ 6,053

• Prise en charge progressive de la majoration de l'ARS par la CNAF

 

+ 2,5

- 2,5

• Diminution des ressources affectées à la branche famille au titre du prélèvement de 2%

- 1,017

 

- 1,017

• " Coup de pouce " de 0,3 % de la BMAF

 

+ 0,34

- 0,34

• Aides au logement jusqu'à 21 ans

 

+ 0,22

- 0,22

• Complément familial jusqu'à 21 ans

 

+ 0,33

- 0,33

• Augmentation de la dotation au FNAS

 

+ 0,25

- 0,25

Total des mesures :

- 1,017

+ 3,64

- 4,657

Total général :

267,177

265,781

+ 1,396



Par les diverses mesures annoncées, le Gouvernement dégrade de 4,7 milliards de francs le solde de la branche famille en 2000 qui passerait ainsi de 6,1 milliards de francs en évolution spontanée à seulement 1,4 milliard de francs

Par rapport à l'évolution spontanée, les recettes diminueraient d'un milliard de francs (- 0,4 %) pour atteindre 267,2 milliards de francs tandis que les dépenses progresseraient de 3,6 milliards de francs (+ 1,4 %) pour s'établir à 265,8 milliards.


L'objectif de dépenses de la branche famille était, quant à lui, fixé initialement par l'article 27 du projet de loi à 265,0 milliards de francs. L'Assemblée nationale a rectifié ce chiffre pour tenir compte des modifications intervenues quant aux modalités de la contribution des différentes branches de la sécurité sociale au financement de la réduction du temps de travail. Le nouvel objectif de dépenses intègre donc l'abandon du versement de 1 milliard de francs de la branche famille au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales et se voit désormais fixé à 264,0 milliards de francs.

C. DES EXCÉDENTS FUTURS CONFISQUÉS

Si les décisions du Gouvernement ont pour effet immédiat de dégrader de 4,7 milliards de francs le solde de la branche famille en 2000, elles ont également pour effet de priver cette branche du bénéfice de ses excédents futurs.

1. Une pré-affectation des excédents futurs

En annonçant la prise en charge totale, à terme, de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire par la branche famille, le Gouvernement décide du même coup de l'affectation des excédents futurs de la branche.

En effet, le coût total de la MARS est aujourd'hui de 7,2 milliards de francs par an ; c'est donc cette somme très importante qui sera, à terme, intégralement prise en charge par la branche famille. Il est vraisemblable que la participation de la branche au financement de la MARS ira croissant au fur et à mesure des années, en fonction des excédents prévisionnels.

A terme, les excédents de la branche sont donc déjà engagés à hauteur de 6,2 milliards de francs si l'on fait l'hypothèse d'une prise en charge effective du FASTIF par l'Etat.

Si, par aventure, la branche parvenait à dégager un nouvel excédent après le financement d'une si lourde charge, le Gouvernement pourra alors très aisément, comme il vient de le faire à l'occasion de ce projet de loi, modifier les règles d'affectation du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus de placement pour diminuer -voire supprimer- les recettes dont bénéficie la branche famille.

Il n'y a que le premier pas qui coûte et le Gouvernement semble aujourd'hui bien disposé à utiliser ce prélèvement de 2 % comme un instrument de gestion et d'affectation prévisionnelle des soldes des différentes branches.

L'avenir de la branche famille est désormais tout tracé : elle financera, selon le choix du Gouvernement, la majoration de l'allocation de rentrée scolaire ou, via le fonds de réserve pour les retraites, les " 35 heures ".

2. Un réexamen hypothétique du périmètre des dépenses financées par la branche famille

La contrepartie de la prise en charge de la MARS par la branche famille -et de la débudgétisation afférente- devait normalement être un réexamen d'ensemble du périmètre des dépenses supportées par la branche.

La CNAF avait en effet fait valoir très justement qu'elle supportait, pour le compte de l'Etat, un certain nombre de charges qui pouvaient être qualifiées d'indues (gestion du RMI, de l'AAH et des tutelles, financement du FASTIF...).

Lors de son intervention devant la Conférence de la famille, le 7 juillet dernier, le Premier ministre avait ainsi reconnu : " se pose aussi la question du périmètre des dépenses financées par la branche famille ".

Cette déclaration n'a cependant été suivie d'aucun effet concret.

Le Gouvernement a certes promis que le FASTIF serait financé par l'Etat à compter de l'année 2000. Cette annonce ne trouve cependant sa traduction dans aucun document législatif ou budgétaire. Votre rapporteur s'étonne notamment que cette mesure, pourtant décidée au début du mois de juillet 1999 et dont le coût pour le budget de l'Etat sera de 1 milliard de francs par an, ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2000.

Interrogée par votre rapporteur sur ce point, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué pour sa part que cette mesure figurerait dans le collectif budgétaire de 2000.

Votre rapporteur juge par conséquent vraisemblable de considérer que cette mesure, si elle est effectivement proposée, figurera dans le collectif de décembre 2000 , qui sera probablement promulgué le 30 ou le 31 décembre 2000. La branche famille se verrait ainsi remboursée de la charge du FASTIF le dernier jour de l'année 2000 ou dans les premiers jours de l'année 2001.

Dans ces conditions, il paraît illusoire d'espérer que le Gouvernement entreprendra un véritable réexamen d'ensemble des charges indûment supportées par la branche famille. Dans le meilleur des cas, l'opération de débudgétisation totale de la MARS se fera sans autre contrepartie pour la branche famille que la prise en charge par l'Etat du FASTIF.

3. Une nouvelle garantie de ressources très illusoire

La nouvelle garantie de ressources pour la branche famille instituée par l'article 9 du projet de loi paraît, dans ces conditions, très illusoire.

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, cet article " a pour objet de donner une meilleure lisibilité aux ressources de la branche famille, en instituant une garantie de ressources au regard de la richesse nationale ". Il fait partie des mesures annoncées par le Gouvernement lors de la Conférence de la famille du 7 juillet 1999.

Cet article reprend une idée ancienne consistant à assurer à la branche famille une certaine pérennité de ses ressources et qui a trouvé sa traduction législative dans l'article 34 de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille.

L'article 34 de la loi famille dispose que " les ressources de la Caisse nationale des allocations familiales sont au moins égales chaque année, pour la période du 1 er janvier 1994 au 31 décembre 1998, au montant qu'elles auraient atteint à la fin de l'année considérée en cas de maintien des dispositions législatives et réglementaires applicables le 1 er janvier 1993 aux taux, à l'assiette et au champ d'application des cotisations et contributions énumérées à l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale.

" S'il est constaté par la Commission des comptes de la sécurité sociale que les ressources de cette caisse sont inférieures au titre d'une année civile au montant déterminé dans les conditions définies à l'alinéa précédent, un versement de l'Etat équivalent à cette différence intervient selon des modalités prévues par la loi de finances établie au titre de l'année suivante ".


Cet article entendait mettre fin à des pratiques récurrentes qui avaient abouti à des baisses ou à des exonérations de cotisations non compensées, obérant d'autant les ressources de la branche famille.

Cette garantie de ressources n'a cependant jamais joué, les différentes parties concernées (CNAF, ACOSS, Direction de la sécurité sociale, ministère de l'agriculture, Direction du Budget) ne parvenant pas à s'accorder sur l'évaluation des pertes ou des gains de recettes enregistrés par la branche famille.

Le présent article prévoit pour sa part que la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) bénéficie d'une garantie de ressources pour une période de cinq années courant du 1 er janvier 1998 au 31 décembre 2002.

Le deuxième alinéa précise que les ressources de la CNAF perçues au titre de l'année 2002 ne seront pas inférieures aux ressources de cette caisse pour l'année 1997 revalorisées, déduction faite de la subvention versée par l'Etat au titre de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS) et d'un montant équivalent aux ressources transférées en 2000 à la CNAMTS en vertu de l'article 10 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle.

Dans le cas contraire, constaté par la Commission des comptes de la sécurité sociale à l'issue de la période, un versement à la CNAF permet, dans des conditions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale, de combler la différence observée.

La revalorisation évoquée au deuxième alinéa de l'article est égale à l'évolution du produit intérieur brut en valeur aux prix courants sur l'ensemble de la période 1998-2002, mentionnée dans le rapport sur les comptes de la Nation.

Même si l'objectif se veut probablement identique, le dispositif proposé par le Gouvernement est très différent de celui institué en 1994 :

•  l'approche est globale : seul est visé le niveau absolu des ressources de la branche alors que l'article 34 de la loi famille de 1994 prévoyait que ces ressources seraient comparées au montant qu'elles auraient atteint en cas de maintien des dispositions législatives et réglementaires applicables le 1 er janvier 1993 aux taux, à l'assiette et au champ d'application des cotisations et contributions énumérées à l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale ;

•  le constat est désormais dressé en fin de période alors que l'article 34 de la loi famille de 1994 prévoyait une évaluation " chaque année " : les ressources peuvent donc éventuellement baisser en cours de période ;

•  les modalités d'application restent très floues puisqu'il est fait mention d'un versement à la CNAF pour compenser une éventuelle perte de ressources, versement dont on ignore la provenance : s'agit-il d'un versement de l'Etat, comme c'était le cas dans le dispositif de 1994 ? Pourquoi alors ne pas le dire ? S'agit-il d'un versement d'une autre branche de la sécurité sociale, voire de l'ACOSS ?

Votre rapporteur est naturellement favorable à l'institution d'une garantie de ressources pour la branche famille. Toutefois, il ne peut que s'étonner que le Gouvernement propose un nouveau dispositif de garantie de ressources alors même qu'il s'est refusé à appliquer la garantie de ressources existante.

Il remarque en outre que l'année 1997 qui a été choisie par le Gouvernement comme année de référence est une année peu favorable pour les ressources de la branche. Il s'interroge sur les raisons du choix de l'année 1997 alors que les comptes définitifs de 1998 sont aujourd'hui disponibles et qu'il aurait donc été possible de faire porter cette garantie sur les années 1999-2003.

Il émet des doutes sur l'effectivité du dispositif proposé dans la mesure où la provenance du versement compensateur n'est pas mentionnée.

Enfin, il se demande quelle peut être l'utilité réelle d'une garantie de ressources si l'on multiplie parallèlement les ponctions sur la branche sous la forme de dépenses nouvelles, telles que la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.

Votre rapporteur exprime donc sa crainte que cette nouvelle garantie de ressources ne soit très rapidement vidée de toute portée. Le Gouvernement attache d'ailleurs si peu d'importance à cette disposition qu'il n'a pas crû bon de la modifier par coordination avec le vote, par l'Assemblée nationale, de la diminution des ressources affectées à la branche au titre du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine.

*

* *

La branche famille se retrouve une nouvelle fois victime des décisions du Gouvernement. Lorsqu'elle est en déficit, ce dernier prend prétexte de cette situation pour imposer des mesures drastiques pénalisant les familles ; lorsqu'elle est en excédent, on la prive du bénéfice de cet excédent sans pour autant revenir sur les mesures décidées.

Votre rapporteur ne peut que se désoler d'avoir pressenti ce " mauvais coup " porté à la branche famille.

Dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, votre rapporteur s'inquiétait déjà des tentations que pouvait générer la perspective d'excédents structurels de la branche famille. Aussi avait-il, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, formulé une mise en garde : " Il serait inacceptable que ces excédents servent à combler d'éventuels déficits futurs des autres branches de la sécurité sociale. (...) Il ne serait pas davantage concevable que ces excédents aillent alimenter le fonds de réserve pour les retraites créé par le présent projet de loi. Le Gouvernement a en effet évoqué la possibilité d'abonder ce fonds par " les excédents de la sécurité sociale ". Compte tenu de la situation financière des branches vieillesse et maladie, il est clair que cette hypothèse visait explicitement la branche famille... Votre rapporteur souhaite rappeler à cette occasion qu'une politique familiale ambitieuse est aussi un moyen d'assurer les équilibres futurs de nos régimes de retraite par répartition.

" Les errements du passé où l'on voyait les excédents répétés de la branche famille financer les autres branches de la sécurité sociale ne doivent pas se reproduire. "


Votre rapporteur regrette que les faits lui aient donné raison.

En limitant artificiellement l'excédent affiché de la branche famille, la Gouvernement évacue la question politique du devenir de ces excédents. Quatre options peuvent en effet être envisagées et mériteraient d'être débattues :

- accroître les dépenses en faveur des familles, par la création de nouvelles prestations familiales ou l'assouplissement des conditions d'obtention de prestations existantes ;

- baisser les cotisations familiales à la charge des employeurs ou la CSG famille ;

- rembourser les dettes accumulées au titre de la branche, dettes reprises par la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ;

- mettre ces excédents en réserve, afin de faire face à une dégradation ultérieure de la situation de la branche.

Il n'appartient pas à votre rapporteur de trancher aujourd'hui entre ces différentes options.

Votre rapporteur juge que la question de l'affectation des excédents doit faire l'objet d'un très large débat. Il regrette par conséquent que le Gouvernement ait choisi d'esquiver ce débat pourtant essentiel pour l'avenir de notre pays en apportant une mauvaise réponse : celle de la confiscation des excédents futurs de la branche au profit d'un allégement des charges de l'Etat et du financement du fonds de réserve pour les retraites.

A tout le moins, la prudence et le respect de l'autonomie des branches voudraient que ces excédents soient dans un premier temps affectés en réserve de la branche.

II. LA POLITIQUE FAMILIALE : UNE ABSENCE D'AMBITION

A. DES AVANCÉES MODESTES

Un certain nombre de facteurs auraient pu contribuer à faire de l'année 2000 une grande année pour la politique familiale.

Sur le plan politique, l'occasion était donnée au Gouvernement de rattraper les errements des deux dernières années marquées, rappelons-le, par la multiplication de mesures défavorables aux familles : suppression puis rétablissement de l'universalité des allocations familiales, diminution du plafond du quotient familial, réduction de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED), report de 10 à 11 ans et de 15 à 16 ans des majorations pour âge des allocations familiales...

Sur le plan financier, la situation saine et excédentaire de la branche famille permettait, on l'a analysé plus haut, de dégager les moyens de financer de nouvelles priorités.

Sur le plan technique, enfin, il convenait d'esquisser la suite de la loi famille de 1994, qui couvrait la période 1994-1999 et prévoyait notamment un certain nombre d'amélioration des prestations familiales et des prestations logement avant le 31 décembre 1999.

On était donc en droit d'attendre cette année un discours politique ambitieux sur l'avenir de notre politique familiale. Sans doute échaudé par ces expériences passées, le Gouvernement fait au contraire preuve d'une grande prudence qui rime presque avec l'inaction.

Le dossier de presse qui accompagnait le projet de loi détaille les thèmes prioritaires de la politique familiale du Gouvernement, laquelle s'articule autour d'un slogan : " poursuivre la rénovation ".

Il est ainsi expliqué que " depuis deux ans, le Gouvernement rénove progressivement et en profondeur notre politique familiale ".

Les mesures déjà prises ou à venir s'organisent selon quatre thèmes majeurs :

- conforter les parents dans leur rôle éducatif ;

- soutenir les familles les plus modestes ;

- améliorer l'accueil des jeunes enfants ;

- aider à la prise en charge des jeunes adultes.

1. Des mesures positives mais de portée limitée

Les principales mesures trouvent leur traduction législative dans le présent projet de loi.

Malgré leur caractère indéniablement positif, ces mesures ne traduisent aucun engagement politique fort. La juxtaposition de simples mesures techniques d'aménagement, de consolidation, d'ouvertures de chantiers ne saurait remplacer un plan ou un engagement à moyen ou long terme.

Le recul de 20 à 21 ans de l'âge limite d'ouverture du droit au complément familial et aux aides au logement

L'article 8 du projet de loi permet de reculer, par voie réglementaire, de 20 à 21 ans l'âge limite d'ouverture du droit au complément familial et aux aides au logement.

Cet article est la traduction législative d'une mesure annoncée par le Gouvernement lors de la Conférence de la famille du 7 juillet 1999. Le Gouvernement avait alors indiqué qu'il entendait accentuer, en 2000, l'effort de justice sociale en portant de 20 à 21 ans, au 1 er janvier 2000, l'âge limite d'ouverture du droit au complément familial et aux allocations de logement.

Ces mesures devaient, selon le Gouvernement, permettre de mieux tenir compte de l'allongement de la durée de cohabitation des jeunes chez leurs parents, 73 % des jeunes de 20 ans habitant encore chez leurs parents. Elles avaient également pour objectif de réduire la diminution des ressources des familles lorsque l'enfant atteint 20 ans, notamment pour les familles modestes et nombreuses.

Pour comprendre cette disposition, il convient de rappeler que l'article 22 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille prévoyait déjà que les limites d'âge des enfants ouvrant droit aux prestations familiales seraient progressivement et successivement relevées à 22 ans, au plus tard le 31 décembre 1999, afin de tenir compte du fait que les enfants demeurent plus longtemps qu'autrefois à la charge de leurs parents, notamment en raison de l'allongement de la durée des études.

Le projet de loi prévoyait que ces mesures, qui normalement relèvent du domaine réglementaire, interviendraient après constatation d'un excédent de ressources disponibles de la branche famille pour l'exercice précédent. Cette hypothèse semblant trop incertaine au Parlement, le Gouvernement avait accepté de fixer une date butoir pour la mise en place de ces mesures : le 31 décembre 1999.

L'article 22 de la loi famille de 1994 a connu un début d'application : deux décrets successifs (n° 97-1245 du 29 décembre 1997 et n° 98-1213 du 29 décembre 1998) ont en effet progressivement relevé la limite d'âge pour l'ensemble des prestations familiales de 18 à 19 ans puis de 19 à 20 ans pour les enfants dont la rémunération éventuelle n'excède pas un plafond fixé à 55 % du SMIC calculé sur 169 heures.

Votre rapporteur accueille de manière favorable les I, II et IV de l'article 8 relatifs au relèvement de 20 à 21 ans de l'âge limite d'ouverture du droit au complément familial et aux aides au logement. Ces dispositions s'inscrivent dans la droite ligne des objectifs définis par l'article 22 de la loi famille de 1994.

Votre rapporteur relève cependant que ces prestations, placées sous condition de ressources, ne bénéficient qu'à un nombre limité de personnes.

Selon le relevé de décisions de la Conférence de la famille du 7 juillet dernier, la mesure concernant l'allocation de logement familial et l'aide personnalisée au logement devrait concerner 175.000 familles et coûtera 800 millions de francs en année pleine. Compte tenu de sa montée en charge progressive, elle se traduira par une dépense supplémentaire de 220 millions de francs pour la branche famille en 2000 (cf. annexe C du projet de loi).

Le recul de 20 à 21 ans de l'âge limite pour le versement du complément familial concernera 60.000 familles et coûtera 700 millions de francs à la branche famille en année pleine. Cette mesure se traduira en 2000 par une dépense supplémentaire de 330 millions de francs (cf. annexe C du projet de loi).

Le " coup de pouce " de 0,3 % accordé aux prestations familiales

Les prestations familiales, à l'exception des aides au logement, de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) et de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA) hors majoration, sont calculées en fonction d'un pourcentage de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF).

L'article 36 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille prévoyait, pour une période allant du 1 er janvier 1995 au 31 décembre 1999, que la BMAF serait revalorisée " une ou plusieurs fois par an conformément à l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année civile à venir ".

Le second alinéa de cet article précisait cependant que " si l'évolution constatée des prix à la consommation hors tabac est différente de celle qui avait été initialement prévue, il est procédé à un ajustement destiné à assurer pour l'année civile suivante une évolution des bases mensuelles conforme à l'évolution des prix à la consommation hors tabac ".

L'article 7 du présent projet de loi confère un caractère pérenne à ce dispositif qui remplace désormais à l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale les dispositions en vigueur avant 1995. La rédaction retenue est identique à celle figurant dans la loi de 1994 : elle prévoit une possibilité d'ajustement positif ou négatif en fonction de l'évolution observée des prix l'année précédente. Lors de ces dernières années, l'évolution observée des prix a été systématiquement inférieure à l'évolution prévisionnelle : l'ajustement a donc toujours été négatif.

Ce mécanisme a donné lieu à une revalorisation de :

•  1,1 % au 1 er janvier 1998, compte tenu d'une hypothèse prévisionnelle d'évolution des prix hors tabac de 1,3 % et de la révision à la baisse de la prévision pour 1997 (1,1 % au lieu de 1,3 % initialement prévu) ;

•  0,71 % au 1 er janvier 1999, compte tenu d'une évolution prévisionnelle des prix hors tabac de 1,2 % et de la révision à la baisse de la prévision pour 1998 (0,8 % au lieu de 1,3 %).

En application de l'article 8 du projet de loi, la revalorisation de la BMAF serait donc de 0,2 % au 1 er janvier 2000, compte tenu d'une évolution prévisionnelle des prix de 0,9 % et d'une nouvelle révision à la baisse de la prévision pour 1999 (0,5 % au lieu de 1,2 %).

Le Gouvernement, " souhaitant en 2000 faire participer les familles à la croissance ", propose de majorer de 0,3 point la revalorisation telle qu'elle découle des règles définies à l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale. Grâce à ce " coup de pouce ", la revalorisation sera donc finalement de 0,5 % au 1 er janvier 2000.

Cette majoration exceptionnelle se traduira par une augmentation des dépenses de la branche famille de 340 millions de francs en 2000 6( * ) .

Votre rapporteur considère que le dispositif de revalorisation de la BMAF institué en 1994 a permis de garantir aux familles une évolution des prestations familiales au moins égale à celle des prix. Ce dispositif laisse en outre au Gouvernement la possibilité de donner un " coup de pouce " à la BMAF, afin de faire bénéficier les familles d'un gain de pouvoir d'achat.

Votre rapporteur est donc favorable à sa reconduction. Il remarque cependant que des mécanismes plus avantageux, fondés sur l'évolution de la richesse nationale ou des salaires, auraient pu être envisagés mais n'ont pas été retenus par le Gouvernement.

Evolution de la BMAF

 

1 er janvier

1 er juillet

Moyenne annuelle

Prix*

Année

Montant

Evolution

Montant

Evolution

Evolution

Evolution

1990

1.848,40

2,24

1.873,35

1,35

3,3

3,4

1991

1.905,20

1,70

1.920,44

0,80

2,9

3,2

1992

1.939,64

1,00

1.974,55

1,80

2,3

2,3

1993

2.014,04

2,00

2.014,06

0,00

3,0

1,8

1994

2.054,32

2,00

2.054,32

0,00

2,0

1,4

1995

2.078,97

1,20

2.096,64 **

0,00

1,7

1,7

1996

2.078,97

0,00

2.078,97

0,00

0,0

1,9

1997

2.108,49

1,42

2.108,49

0,00

1,3

1,1

1998

2.131,68

1,10

2.131,68

0,00

1,1

0,6

1999

2.146,81

0,71

2.146,81

0,00

0,7

0,5 ***

2000

2.157,54

0,50

2.157,54

0,00

0,5

0,9 ***

* Prix à la consommation de l'ensemble des ménages en moyenne annuelle, hors tabac depuis 1992, base 100 en 1990.

** Suite au contentieux 1995, revalorisation au 1 er juin 1995 de 0,85 %.

*** Evolution prévisionnelle 1999 et 2000 estimée en septembre 1999.

Source : Direction de la sécurité sociale (SDPEF/6A)

Il accueille favorablement le " coup de pouce " de 0,3 % accordé en 2000 qui témoigne d'un changement de méthode bienvenu.

En 1999, le Gouvernement avait fait le choix, pour la deuxième année consécutive, d'opérer un rattrapage négatif sur l'évolution de la BMAF et de ne revaloriser les prestations familiales que de 0,71 %, contre 1,2 % pour les pensions de retraite. Il avait en effet décidé de ne pas proroger le mécanisme de revalorisation des retraites institué par la loi de 1993 pour éviter d'appliquer aux pensions de retraites le rattrapage négatif de 0,5 % qu'il imposait pourtant aux prestations familiales.

Votre rapporteur a la satisfaction de constater qu'en 2000 les retraités et les familles bénéficieront des mêmes conditions, soit une revalorisation de 0,5 % intégrant une " coup de pouce " de 0,3 %.

L'augmentation des moyens de l'action sociale de la branche famille

En complément des prestations qu'elle verse, la branche famille mène une action sociale importante en direction notamment des familles qui ont les plus lourdes charges, ont les ressources les plus modestes ou rencontrent des difficultés dans leur vie.

Le budget de l'action sociale de la branche famille relève du Fonds national d'action sociale (FNAS) de la caisse nationale des allocations familiales. Il est substantiel et en croissance soutenue. L'action sociale occupe une place plus importante dans la politique de la branche famille que dans celle des autres branches du régime général. Représentant environ 7,5 % des prestations légales, elle contribue fortement dans certains domaines stratégiques -par exemple l'accueil des jeunes enfants- à la politique familiale.

Le budget du FNAS est en forte progression depuis plusieurs années. Selon le rapport de la Commission des comptes, les dépenses du FNAS atteindront 13,447 milliards de francs en 1999, en progression importante (+ 8,3 %) par rapport à l'année précédente, qui avait déjà enregistré une augmentation de 6 %.

Evolution des dépenses du FNAS

(en millions de francs)

 

Montant

% d'évolution

1996

11.455

5,5

1997

11.720

2,3

1998

12.419

6,0

1999

13.447

8,3

2000 (1)

13.904

3,4

2000 (2)

14.154

5,3

(1) avant projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000

(2) après projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000


Le rapport de la Commission des comptes prévoit un accroissement de 3,4 % en 2000 des moyens du Fonds national d'action sociale, portés à 13,904 milliards de francs.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 prévoit une dotation supplémentaire de 250 millions de francs au Fonds national d'action sociale, qui viendrait s'ajouter à cette augmentation prévisionnelle.

Au total, les moyens du Fonds national d'action sociale augmenteraient, en 2000, après le projet de loi de financement, d'un milliard de francs pour atteindre 14,154 milliards de francs, soit une progression de 5,3 %.


Ces crédits sont destinés à développer les actions en faveur de la petite enfance, avec un accent particulier sur l'accueil en crèches.

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 1999 7( * ) , la Cour des comptes observe que les crédits du FNAS sont déployés sur le terrain par deux canaux d'égale importance.

Premier canal : la CNAF met en oeuvre des prestations de service qui constituent une contribution financière réglementaire à de nombreux équipements et services gérés par les associations et surtout les communes : crèches, centres de loisirs sans hébergement, haltes-garderies, foyers de jeunes travailleurs,... Elle prend en charge le plus souvent 30 % des dépenses dans la limite d'un plafond. Ce système des prestations de service obéit donc à deux principes étroitement liés :

- ce sont les communes et les associations qui sont les vrais ordonnateurs de la dépense ; certes, les caisses ont la responsabilité d'agréer les équipements et services et, à la limite, la possibilité de les déconventionner si leur gestion ne respecte pas les règles convenues. Mais dans la généralité des cas, la prestation de service est accordée et maintenue, lui donnant de fait le caractère d'une dépense quasi obligatoire pour la branche ;

- le budget des prestations de service n'a pas de caractère limitatif et la dépense réelle " suit " les choix des communes. Sans doute la CNAF peut-elle influencer les choix des promoteurs communaux (en fixant le montant de la prestation de service ou en associant à son versement des règles qui limitent l'autonomie des gestionnaires) ; mais c'est une influence à la marge. Il résulte de ces caractéristiques juridiques que le système ne garantit aucune homogénéité géographique des actions financées par les prestations de service.

Le second canal de l'action sociale consiste en une dotation limitative donnée aux CAF, et dont elles ont le libre emploi. Sans doute l'arrêté prévoit-il que ces caisses doivent suivre les orientations définies par la CNAF. Mais cette dernière n'a pas décidé de mesures obligatoires et se contente de recommandations. On constate que la branche dégage, sans tension majeure, des références d'action sur lesquelles se réalise une réelle convergence. Le niveau de la dotation n'a pas, il est vrai, contraint les caisses à des arbitrages trop difficiles. L'intensité des échanges entre les CAF et les services de la CNAF permet le plus souvent de parvenir à des solutions consensuelles. Enfin, le poids des prestations de service (premier canal), dont la politique est définie par la CNAF à l'échelle nationale et qui complètent ou structurent nombre d'actions des caisses, donne à la caisse nationale les bases réelles de pilotage de l'action conduite sur le terrain par les caisses.

La Cour des comptes juge pour sa part positif ce mode de fonctionnement : les caisses ont une vraie marge de manoeuvre dont les conseils d'administration locaux s'emparent avec soin et une forte motivation ; cette gestion sur le mode de la " décentralisation encadrée " ne se traduit pas par de fortes divergences entre les caisses et la CNAF.

2. Le renoncement aux objectifs de la loi famille de 1994

Dans la droite ligne des objectifs définis par l'article 22 de la loi relative à la famille de 1994, le projet de loi autorise le relèvement de 20 à 21 ans de l'âge limite d'ouverture du droit au complément familial et aux aides au logement.

Ce relèvement ne constitue cependant, pour votre rapporteur, qu'une étape dans le processus prévu par ledit article.

L'article 22 expirera certes au 31 décembre 1999 ; les objectifs qu'il avait définis en 1994 -relèvement progressif jusqu'à 22 ans de l'âge limite d'ouverture de l'ensemble des prestations familiales- restent, pour votre commission tout à fait pertinents.


Or, telle ne semble pas être l'analyse du Gouvernement qui a clairement écarté, par la voix du Premier ministre, lors de la Conférence de la famille du 7 juillet dernier, tout " prolongement indéfini des allocations familiales ".

Soucieux de faire disparaître cet article dont la portée symbolique est évidente, le Gouvernement propose de l'abroger alors même qu'il cesse d'être applicable.

Votre rapporteur, qui est attaché au maintien de cet article, ne peut accepter cette logique. Il vous proposera par conséquent de supprimer l'abrogation de l'article 22 et de prolonger l'application de cet article de trois années, soit jusqu'au 31 décembre 2002.

B. UN SURSAUT NÉCESSAIRE

1. Une situation démographique encourageante

Il est naturellement toujours hasardeux d'établir une corrélation entre la politique familiale et la situation démographique d'un pays.

Cependant, la France connaît aujourd'hui une situation démographique plus favorable que celle de ses principaux partenaires.

Votre rapporteur considère que ceci n'est sans doute pas sans lien avec les efforts importants accomplis en matière de politique familiale par notre pays.


Selon le bilan démographique de l'INSEE pour 1998 8( * ) , le nombre de naissances a augmenté de nouveau en 1998 avec 740.300 nouveau-nés, soit 1,9 % de plus qu'en 1997. Ce chiffre est à peu près égal au nombre de naissances (737.100) enregistré vingt ans plus tôt, en 1978 et le nombre absolu des moins de 20 ans se stabilise enfin, après 24 ans de baisse ininterrompue.

La natalité retrouve pratiquement son niveau de 1992 (avant la baisse importante de 1993). Ainsi, après un sursaut en 1995, la natalité est stable depuis trois ans, voire en légère hausse.

L'indicateur conjoncturel de fécondité remonte à 1,75 enfant par femme en 1998, le plus élevé de ces sept dernières années. La France a l'un des indicateurs conjoncturels les plus hauts de l'Union européenne. En 1997 (derniers résultats disponibles pour l'Europe), notre pays se situait au troisième rang avec 1,71 enfant par femme, comme le Royaume-Uni et le Luxembourg, après l'Irlande (1,92) et le Danemark et la Finlande (1,75). L'Italie et l'Espagne avaient les indicateurs les plus faibles d'Europe, et même du monde : respectivement 1,22 et 1,15. L'indicateur conjoncturel de fécondité pour l'ensemble de l'Union européenne s'est stabilisé à 1,44 enfant par femme depuis 1994.

Avec l'allongement de la durée des études, les difficultés pour trouver un emploi stable, de plus en plus de femmes retardent l'arrivée de leurs enfants. La fécondité des femmes de moins de 30 ans diminue progressivement au cours des vingt dernières années alors qu'elle augmente nettement à partir de la trentaine. Lorsque la fécondité augmente, comme en 1995 ou 1996, c'est que la fécondité en hausse des femmes de plus de 28 ans compense la baisse de celle des plus jeunes. Lorsqu'elle se stabilise ou diminue, la réduction est particulièrement prononcée chez les plus jeunes : en 1997, la légère baisse était entièrement redevable aux femmes de moins de 30 ans. L'âge de la maternité augmente régulièrement : 29,2 ans en 1997 contre 26,5 ans vingt ans plus tôt. En 1977, seulement un quart des nouveau-nés avaient une mère âgée de trente ans ou plus ; en 1997, c'est le cas pour presque la moitié des naissances (46 %).

Ces décalages ont eu jusqu'ici peu d'incidence sur la descendance finale des générations. Les Françaises nées avant le début des années soixante sont parmi les plus fécondes de l'Union européenne, après les Irlandaises. Ainsi, les femmes de la génération 1958 ont assuré leur remplacement bien avant la fin de leur vie féconde en ayant eu, en moyenne, 2,08 enfants chacune à 39 ans, soit autant que les femmes de la génération 1948 au même âge, alors qu'à 26 ans elles présentaient un retard de 0,22 enfant. Le rattrapage reste possible pour les générations du début des années soixante qui auront certainement plus de deux enfants en moyenne ; pour les plus jeunes, il est encore trop tôt pour conclure.

2. Les principes qui doivent guider notre politique familiale

Votre rapporteur partage la conviction exprimée par le Président de la République, lors de la remise de la médaille de la famille française, au Palais de l'Elysée, le 31 mai dernier, que " notre société, pour le XXI e siècle, aura plus que jamais besoin de la famille, une famille forte et reconnue, une famille unie, assurée d'elle-même, une famille capable de remplir pleinement sa fonction irremplaçable auprès de l'individu. "

Le Président de la République a souhaité à cette occasion " que la France se dote d'une nouvelle ambition familiale, qu'elle redonne souffle et vigueur à sa politique de la famille, une politique qui doit se traduire non par une redistribution entre familles, mais par un accroissement régulier des ressources que la Nation leur consacre. "

Votre rapporteur considère pour sa part, comme M. Jean-Paul Probst, ancien Président de la CNAF, que toute politique familiale suppose d'investir dans la durée. Elle doit reposer sur cinq principes permanents :

- la simplicité : celle-ci est au coeur de la prévision sûre et de l'exercice par chaque famille de ses droits ;

- la neutralité vis-à-vis des choix de vie des familles, en termes notamment de logement, d'éducation, de travail ou non des deux parents ;

- la responsabilité : une politique familiale doit aider les familles chaque famille à assumer son rôle, soutenir celles d'entre elles qui sont les plus fragiles, veiller à leur bonne intégration dans la vie de la cité ;

- l'universalité : une politique familiale doit être ouverte à toutes les familles, avec une attention particulière aux plus modestes d'entre elles, et non se résumer à cette seule et dernière hypothèse ;

- l'équité dans la prise en charge des coûts de l'enfant sur le cycle de vie familiale : une politique familiale doit couvrir les coûts liés à l'éducation, à la santé, au logement, au temps pendant lesquels les enfants sont hors de la famille (accueil de la petite enfance, temps libre des enfants et des adolescents), et cela de façon harmonieuse sur le cycle de vie familiale.

La définition de notre politique familiale doit prendre en compte trois exigences .

Tout d'abord, l'exigence des nouvelles aspirations des femmes. Comme l'a souligné le Président de la République : " Aujourd'hui, 80 % des femmes en âge de travailler exercent un métier. C'est une aspiration très profonde. Elle n'est pas négociable. Ce n'est pas en éloignant les femmes du monde du travail qu'on donnera un nouvel élan à la politique familiale. C'est au contraire en leur offrant la possibilité de continuer à exercer, si elles le souhaitent, une activité extérieure. Pour cela, il faut mettre en place une souplesse accrue des emplois du temps et des facilités de garde, notamment à domicile, qui permettent de mieux concilier travail et enfants. "

Il s'agit de permettre à toutes les femmes qui le souhaitent de concilier vie professionnelle et vie familiale. Il s'agit également de réfléchir aux moyens de ne pas freiner, par une législation dissuasive, les femmes qui ont le potentiel de " faire carrière ", c'est-à-dire d'accepter les charges liées à des fonctions d'encadrement ou de direction. La mixité professionnelle est à ce prix.

Ensuite, l'exigence démographique . Notre pays n'assure pas aujourd'hui le renouvellement des générations. C'est à terme une menace grave pour l'équilibre de notre société, pour son dynamisme et pour le financement des retraites. Paradoxalement, le désir d'enfants des familles reste important : 2,2 enfants, un taux supérieur à celui qui permettrait le renouvellement des générations (2,1). Aider les familles à réaliser leur désir d'avoir un deuxième ou un troisième enfant est donc la tâche prioritaire à laquelle notre pays doit s'atteler.

Enfin, l'exigence de l'éducation des enfants . Sans des familles en mesure d'exercer leurs responsabilités, on ne réglera aucun des problèmes majeurs auxquels notre société est confrontée. Il faut donc aider à l'accueil de l'enfant mais sans négliger les problèmes que posent aujourd'hui les grands enfants, qui rentrent de plus en plus tard dans la vie active. Il est, à cet égard, urgent de revaloriser le rôle des pères en les incitant, par des mesures législatives favorables, à exercer encore davantage leur fonction éducative au sein de la famille. Votre rapporteur souhaite également que soit pleinement reconnu à cette occasion le rôle essentiel que jouent très souvent les grands-parents au sein de la famille.

Votre rapporteur juge impératif de réfléchir parallèlement aux moyens de simplifier le système des prestations familiales dont chacun s'accorde à reconnaître la complexité.

Comme le constatent MM. Thélot et Villac dans leur rapport sur la politique familiale, " au fil du temps, les mesures, prestations, transferts financiers exprimant la politique familiale se sont multipliés et diversifiés, à un point tel que, dans certains de ses aspects, le système devient difficile, voire impossible, à lire et à comprendre ".

La complexité des droits gérés par les CAF est indéniable. De fait, les CAF gèrent environ 25 prestations légales qui représentent 15.000 règles de droit ; elles prennent en compte 250 faits générateurs de droit, elles utilisent 270 modèles de pièces justificatives et en traitent 70 millions par an. Les comparaisons, qu'il est possible de faire dans le temps, concernant ces indicateurs, montrent que la complexité a fortement crû.

La complexité de ce droit est fortement aggravée par son instabilité, sa mouvance dans le temps. Ainsi depuis la création de l'APL en 1977, il y a eu environ 150 textes qui en ont modifié le régime initial et sur les dernières années, ce sont plus de 100 modifications de règles qui sont intervenues par an.

Pour sa part, la CNAF distingue huit raisons qui expliquent la complexité des règles gérées par les CAF :

•  la complexité et la mouvance de la réalité sociale ;

•  la volonté de nos concitoyens de règles totalement objectives définies au niveau national, prenant en compte le moindre cas particulier et ménageant les droits acquis ;

•  la volonté politique de ciblage social et financier ;

•  la multiplicité des objectifs poursuivis : les prestations servies par les CAF vont très au-delà d'une compensation des charges des familles et sont utilisées comme incitation ou comme sanction dans le cadre de politiques aussi diverses que celles des revenus, de la santé, de l'emploi, du logement, de la lutte contre la pauvreté ;

•  la volonté de prendre en compte en temps réel les modifications des situations ; de fait un tiers du fichier des CAF est modifié en moyenne chaque mois ;

•  la poussée de trois types de prestations très complexes : celles qui ont recours à des barèmes extrêmement sensibles que sont les aides personnelles au logement ; les prestations différentielles que sont les minima sociaux ; celles qui impliquent des relations avec de multiples partenaires ; les CAF sont en moyenne en lien avec 60 partenaires ou organismes tiers susceptibles d'intervenir dans la gestion du système des prestations ;

•  les CAF gèrent des prestations qui ressortissent d'ordres juridiques différents (les prestations familiales inscrites dans le code de la sécurité sociale, l'APL inscrite dans le code de la construction de l'habitat, le RMI) ce qui conduit à des règles différentes en matière de contentieux, de récupération d'indus, etc.

•  le faible intérêt du " fabricant de règles " pour sa gestion par les CAF et sa compréhension par l'allocataire.

Il est clair que ces raisons ne sont pas toutes de mauvaises raisons et que l'Etat se doit de répondre à la diversité et la vitalité de la réalité sociale.

Les effets de la complexité sont redoutables :

- l'incompréhension des allocataires ;

- le ciblage social n'est pas toujours efficace ;

- le ciblage financier n'est pas toujours atteint ;

- la complexité coûte en termes de gestion.

Tous ces éléments conduisent votre rapporteur à estimer que la simplification n'est pas un projet technique ou gestionnaire, mais un projet politique.

Il est par conséquent nécessaire de redonner une cohérence et une lisibilité au système de prestations familiales en fusionnant certaines prestations afin d'en réduire le nombre et en simplifiant leurs modalités d'octroi.

*

* *

Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 pour ses dispositions relatives à la famille.


1 Cour des comptes, rapport sur la sécurité sociale de septembre 1997, p. 51.

2 Rapport n° 433 (Sénat, 1998-1999).

3 L'ampleur du déficit provient cette année-là d'une dépense exceptionnelle due à un apurement des opérations entre la CNAF et la CNAVTS au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF).

4 Pour une analyse de cette disposition et du débat qu'elle a suscité, cf. le tome I du présent rapport.

5 Intervention de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité lors de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale le 21 septembre 1999

6 On rappellera qu'un point de revalorisation de la BMAF équivaut à 1,4 milliard de francs de dépenses pour la branche famille.

7 P. 310 et suivantes.

8
" Bilan démographique 1998 ", INSEE-Première, n° 633, février 1999.



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