Proposition de loi organique de M. Gaston FLOSSE et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, tendant à améliorer le régime électoral applicable à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française

LANIER (Lucien)

RAPPORT 76 (1999-2000) - commission des lois

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Table des matières




N° 76

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 novembre 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi organique de M. Gaston FLOSSE et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, tendant à améliorer le régime électoral applicable à la formation de l' Assemblée de la Polynésie française ,

Par M. Lucien LANIER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir le numéro :

Sénat :
471 (1998-1999)


Elections et référendums.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 17 novembre 1999 sous la présidence de M. Jacques Larché, la commission des Lois a procédé, sur le rapport de M. Lucien Lanier, à l'examen de la proposition de loi organique n° 471 présentée par M. Gaston Flosse et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, tendant à améliorer le régime électoral applicable à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française.

Après avoir indiqué que la proposition de loi organique avait essentiellement pour objet d'ajuster la répartition des sièges attachés à chacune des cinq circonscriptions électorales au sein de l'Assemblée de la Polynésie française et tendait accessoirement d'une part, à opérer une clarification formelle dans la loi du 21 octobre 1952 concernant le mode de scrutin applicable et, d'autre part, à abaisser l'âge d'éligibilité à dix-huit ans, M. Lucien Lanier a rappelé que la répartition des sièges avait été révisée quatre fois depuis 1946 pour prendre en compte les évolutions démographiques. Constatant que la dernière modification datait de 1985 et que les recensements de 1988 et 1996 révélaient une forte progression démographique de la circonscription des Iles-du-Vent aboutissant à des écarts de représentation excessifs, il a estimé indispensable et urgent de procéder à un nouvel ajustement, les prochaines élections territoriales devant avoir lieu au mois de mai 2001.

Après avoir rappelé les critères retenus par le Conseil constitutionnel en vue de garantir le respect du principe de l'égalité du suffrage - prise en compte des évolutions démographiques récentes, prépondérance du critère démographique mais possibilité de le pondérer en fonction d'impératifs d'intérêt général -, il a proposé de porter de 22 à 28 le nombre de sièges de la circonscription des Iles-du-Vent en maintenant à l'identique celui des quatre autres circonscriptions, cet ajustement permettant de revenir à l'écart maximal de représentation accepté en 1985 sans marginaliser la représentation des archipels éloignés. Il a souligné que ce dispositif, tout en intégrant le critère de l'évolution démographique, respectait la spécificité de la Polynésie française marquée par une dispersion géographique et insulaire inégalée.

La commission des Lois a adopté la proposition du rapporteur tendant à modifier l'article 1 er de la loi du 21 octobre 1952 pour fixer à 28 le nombre de sièges des Iles-du-Vent à l'Assemblée de la Polynésie française.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi organique tendant à améliorer le régime applicable à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française dont le Sénat est saisi est présentée par M. Gaston Flosse et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et a été déposée sur le bureau du Sénat le 30 juin 1999.

Cette proposition de loi organique comprend trois articles qui traitent de sujets distincts proposant d'opérer trois modifications dans la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française. L'article premier, tendant à augmenter le nombre de sièges pour la circonscription des Iles-du-Vent, en constitue le coeur et répond à un voeu formulé par cette assemblée délibérante le 27 mai 1999 (délibération n° 99-092) 1( * ) .

La Polynésie française deviendra un pays d'outre-mer après l'adoption par le Congrès du Parlement, convoqué à Versailles le 24 janvier prochain, du projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie voté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 10 juin 1999 et par le Sénat le 12 octobre 1999. Elle comprend, aux termes de l'article 1 er de la loi organique statutaire du 12 avril 1996, cinq archipels qui constituent autant de circonscriptions électorales en vertu de l'article 1 er de la loi du 21 octobre 1952 susvisée. Ces circonscriptions pour les élections à l'Assemblée de la Polynésie française sont : les Iles-du-Vent, les Iles-Sous-le-Vent, les Iles Australes, les Iles Tuamotu et Gambier et les Iles Marquises.

La répartition des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française entre ces circonscriptions a périodiquement été modifiée au gré des évolutions démographiques constatées depuis 1946, date à laquelle la Polynésie française est devenue un territoire d'outre-mer doté d'une assemblée délibérante.

Près de quinze ans s'étant écoulés depuis la dernière modification opérée par la loi n° 85-1337 du 12 décembre 1985, un ajustement paraît aujourd'hui nécessaire. Notons que ce constat a également été dressé par M. Émile Vernaudon, député de la Polynésie française, qui a, sur ce même sujet, déposé une proposition de loi organique sur le bureau de l'Assemblée nationale le 9 mars 1999 2( * ) .

I. UNE RÉPARTITION DES SIÈGES PRENANT EN COMPTE À LA FOIS LES ÉVOLUTIONS DÉMOGRAPHIQUES ET LA SPÉCIFICITÉ GÉOGRAPHIQUE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

L'évolution de la répartition des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française entre les cinq circonscriptions électorales depuis 1946 est la suivante :


Circonscription

1946

1952

1957

1985

Iles-du-Vent

10

12

16

22

Iles-Sous-le-Vent

5

5

6

8

Iles Australes

1

2

2

3

Iles Marquises

2

2

2

3

Iles Tuamotu et Gambier

2

4

4

5

Total

20

25

30

41

Les différentes modifications de la répartition des sièges entre les cinq circonscriptions ont été consécutives aux recensements de 1946, 1951, 1956 et 1983, résultant successivement de l'article 2 du décret n° 46-2379 du 25 octobre 1946 portant création d'une assemblée représentative dans les Établissements français de l'Océanie, de l'article 1 er de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'assemblée territoriale des Établissements français de l'Océanie, de l'article 1 er de la loi n° 57-836 du 26 juillet 1957 relative à la composition et à la formation de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française et de l'article 1 er de la loi n° 85-1337 du 18 décembre 1985 modifiant et complétant la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952.

La circonscription des Iles-du-Vent, ayant connu de très loin la plus forte poussée démographique depuis 1946, a bénéficié à chaque révision de la plus importante augmentation du nombre de sièges à l'Assemblée de la Polynésie française.

En cinquante ans (1946-1996, 1996 correspondant au dernier recensement effectué), sa population est passée de 29.438 habitants à 162.686 habitants : elle a donc plus que quintuplé pour représenter aujourd'hui 74,1 %, soit près des trois quarts, de la population totale. Corrélativement, le nombre de sièges attaché à cette circonscription a un peu plus que doublé, passant de 10 à 22.

Sur la même période, les autres circonscriptions ont connu une progression démographique nettement moins importante :

- la population des Iles-Sous-le-Vent a un peu plus que doublé pour représenter un peu plus de 12 % de la population totale actuelle, avec un nombre de sièges porté de 5 à 8 ;

- la population des Iles Tuamotu et Gambier a subi une progression comparable pour regrouper 7 % de la population actuelle, le nombre de sièges, porté de 2 à 5 ayant connu une progression proportionnelle à celle de la population ;

- la population des Iles Australes (3 % de la population actuelle) a augmenté des deux tiers, le nombre de sièges ayant triplé pour s'élever à 3 aujourd'hui ;

- la population des Iles Marquises a été multipliée par 2,7 (3,7 % de la population actuelle), le nombre de sièges ayant été porté de 2 à 3.

Le tableau suivant retrace, sur la période considérée, l'évolution de la part de la population de chaque circonscription par rapport à sa part de sièges au sein de l'assemblée délibérante :


 

Iles du Vent

Iles Sous le Vent

Iles Tuamotu et Gambier

Iles Marquises

Iles Australes

 

% pop.

% APF

% pop.

% APF

% pop.

% APF

% pop

% APF

% pop.

% APF

1946

53

50

22,5

25

12

10

5,5

10

7

5

1952

56,3

48

20,8

20

11,4

16

5,2

8

6,3

8

1957

58

53,3

20,2

20

11

13,3

5,4

6,7

5,4

6,7

1985

73,8

53,7

11,4

19,5

7,1

12,2

3,9

7,3

3,8

7,3

1996

74,1

53,7

12,2

19,5

7

12,2

3,7

7,3

3

7,3

L'ensemble de ces données statistiques permet de constater que s'il existe une corrélation entre l'évolution du poids démographique de chaque circonscription et celle de sa représentation au sein de l'assemblée de la Polynésie française, le lien n'est pas proportionnel. La cohésion politique et institutionnelle de cette collectivité nécessite de prendre en considération, au-delà du seul critère démographique, sa spécificité géographique.

En effet, une extrême dispersion géographique et une grande diversité de situation d'un archipel à l'autre, tant du point de vue économique que culturel, caractérise la Polynésie française (4.200 km2 de terres émergées répartis entre 118 îles ou îlots au milieu de 5,5 millions de km2 d'océan), les 48 communes étant réparties de la façon suivante entre les subdivisions administratives : 13 aux Iles-du-Vent, 7 aux Iles-Sous-le-Vent, 6 aux Iles Marquises, 17 aux Iles Tuamotu et Gambier et 5 aux Iles Australes 3( * ) .

II. LA NÉCESSITÉ DE PROCÉDER À UN NOUVEL AJUSTEMENT DE LA RÉPARTITION DES SIÈGES POUR GARANTIR LE PRINCIPE CONSTITUTIONNEL DE L'ÉGALITÉ DU SUFFRAGE

A. LES CRITÈRES RETENUS PAR LA JURISPRUDENCE POUR GARANTIR LE PRINCIPE DE L'ÉGALITÉ DU SUFFRAGE

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 87-227 DC du 7 juillet 1987 relative aux modifications apportées au tableau des secteurs pour l'élection des conseillers municipaux de Marseille, a précisé que " l'organe délibérant d'une commune de la République doit être élu sur des bases essentiellement démographiques résultant d'un recensement récent ; que, s'il ne s'ensuit pas que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque secteur ni qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, ces considérations ne peuvent intervenir que dans une mesure limitée ".

Ces critères d'appréciation du respect du principe d'égalité du suffrage avaient déjà été affirmés dans sa décision n° 85-196 DC du 8 août 1985 relative à la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie : le Conseil constitutionnel avait alors reconnu " la possibilité pour le législateur, en conformité avec l'article 74 de la Constitution, d'instituer et de délimiter des régions dans le cadre de l'organisation particulière d'un territoire d'outre-mer en tenant compte de tous les éléments d'appréciation, notamment de la répartition géographique des populations " et estimé que " le congrès, dont le rôle comme organe délibérant d'un territoire d'outre-mer ne se limite pas à la simple administration de ce territoire doit, pour être représentatif du territoire et de ses habitants dans le respect de l'article 3 de la Constitution, être élu sur des bases essentiellement démographiques ; que s'il ne s'ensuit pas que cette représentation doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque région ni qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, ces considérations ne peuvent cependant intervenir que dans une mesure limitée ".

Il résulte de cette jurisprudence que le respect du principe constitutionnel d'égalité du suffrage implique :

- la prise en considération des évolutions démographiques récentes ;

- la prépondérance du critère démographique pour la répartition des sièges ;

- la possibilité de pondérer cette répartition en prenant en compte, dans une mesure limitée, d'autres impératifs d'intérêt général.

A l'aune de ces critères, le juge constitutionnel vérifie que " les écarts de représentation entre les secteurs selon l'importance respective de leur population telle qu'elle ressort du dernier recensement, ne sont ni manifestement injustifiables ni disproportionnés de manière excessive " ; il exerce donc en la matière un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation (décision n° 87-227 DC précitée). Le Conseil d'État a eu plusieurs fois l'occasion de faire application desdits critères concernant la modification de la délimitation des circonscriptions cantonales (arrêts d'assemblée du 13 novembre 1998, Commune d'Armoy, M. Le Déaut, M. Amalric et Commune de Saint-Louis ; arrêt du 6 janvier 1999, M. Lavaurs), estimant que de " telles opérations ne peuvent légalement augmenter les disparités d'ordre démographique existantes ".

B. LA NÉCESSITÉ D'AJUSTER LA RÉPARTITION DES SIÈGES POUR LES ÉLECTIONS À L'ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

La loi du 18 décembre 1985 précitée qui a porté de 30 à 41 le nombre de sièges à l'Assemblée de la Polynésie française pour tenter de traduire une évolution démographique qui n'avait pas été prise en compte depuis 1957, a accru la représentation de chacune des circonscriptions en attribuant 6 sièges supplémentaires aux Iles-du-Vent, 2 aux Iles-Sous-le-Vent, et respectivement 1 aux Iles Australes, aux Iles Tuamotu et Gambier et aux Iles Marquises, bien que ce dernier archipel ait vu sa population régresser de plus de 20 % au cours de la période. Il est alors apparu nécessaire d'assurer une représentation minimale et significative à chaque entité, les deux circonscriptions les moins peuplées, les Iles Australes et les Iles Marquises dotées d'une population équivalente, obtenant chacune 3 sièges.

Cette révision, prenant en compte les évolutions intervenues au cours d'une période de près de trente ans, n'a pu opérer qu'un rééquilibrage partiel, l'afflux des populations vers les Iles-du-Vent à compter de 1965 ne permettant pas, sauf à marginaliser la représentation des autres archipels à l'Assemblée de la Polynésie française, de rétablir un écart maximal de ratio de représentation entre les Iles-du-Vent et les Iles Australes inférieur à 2,5. S'élevant en 1985 à 2,67, cet écart maximal s'est à nouveau creusé pour atteindre aujourd'hui 3,4.

Le tableau suivant, qui retrace l'évolution des ratios de représentation (nombre d'habitants représentés par chaque conseiller) pour les différentes circonscriptions entre 1946 et 1996 permet de mesurer l'accroissement de l'écart maximum de représentation au cours des quinze dernières années :


 

Ratio moyen

Iles du Vent

Iles Sous le Vent

Iles Tuamotu et Gambier

Iles Marquises

Iles Australes

1946

2774

2944

2492

3346

1488

3915

1952

2513

2949

2612

1789

1630

1989

1957

2544

2765

2571

2095

2082

2053

1985

4067

5594

2382

2358

2182

2094

1996

5354

7394

3354

3074

2688

2187

Le constat de ces disparités et l'absence de prise en compte des résultats des deux derniers recensements de 1988 et 1996 dans la répartition des sièges mettent en évidence la nécessité d'un réajustement permettant de traduire dans la réalité institutionnelle les prescriptions de la jurisprudence en matière électorale.

A cet effet, l'article 1 er de la proposition de loi organique présentée par M. Gaston Flosse et les membres du groupe du Rassemblement pour la République tend à augmenter de 4 le nombre de sièges pour la circonscription des Iles-du-Vent, sans modifier le nombre de sièges pour les autres archipels. Ceci aurait pour conséquence de porter de 41 à 45 le nombre de conseillers à l'Assemblée de la Polynésie française et d'abaisser à 2,86 l'écart maximum de représentation qui s'établit aujourd'hui à près de 3,4.

Cet accroissement du poids de la représentation des Iles-du-Vent (26 sièges sur 45, soit une proportion de près de 58 % au lieu de 53,6 % actuellement) au sein de l'Assemblée de la Polynésie française par rapport à celui de l'ensemble des autres circonscriptions (19 sièges) ne paraît pas excessif dès lors que les Iles-du-Vent regroupent aujourd'hui près des trois quarts de la population polynésienne et que cette circonscription a connu depuis le dernier réajustement, soit en 1985, la plus forte poussée démographique (+ 32,2 %) après la circonscription des Iles-Sous-le-Vent (+40,8 %) qui ne regroupe qu'environ 12 % de la population totale.

Si la nouvelle répartition des sièges résultant de la proposition de loi organique marque un réel progrès, prenant en compte la prépondérance démographique des Iles-du-Vent tout en ménageant raisonnablement la représentation des autres archipels, l'augmentation préconisée semble pouvoir être légèrement plus forte pour une meilleure garantie de l'égalité du suffrage.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

A. UN RÉAJUSTEMENT PLUS MARQUÉ DE LA RÉPARTITION DES SIÈGES À L'ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

Tout en approuvant la méthode retenue par l'article 1 er de la proposition de loi organique pour rééquilibrer la répartition des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française entre les différentes circonscriptions, votre commission des Lois estime nécessaire d'élever à 28 (au lieu de 22 actuellement et des 26 suggérés par la proposition de loi organique) le nombre de sièges des Iles-du-Vent. Cette circonscription, qui a connu la plus forte poussée démographique après les Iles-Sous-le-Vent depuis 1985 pour regrouper aujourd'hui 74,1 % de la population totale, se verrait ainsi attribuer 59,6 % des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française.

Cette modification aurait en outre pour effet de ramener au niveau de 1985 (2,66) l'écart maximum de représentation entre les Iles-du-Vent et les Iles Australes, cette dernière circonscription, la moins peuplée (6.563 habitants, soit à peine 3 % de la population totale), ayant de loin connu la progression démographique la plus faible (environ + 4,5 %) depuis 1983, date du dernier recensement pris en compte dans la répartition des sièges. Les écarts de représentation par rapport aux trois autres circonscriptions en seraient également substantiellement réduits (1,73 par rapport aux Iles-Sous-le-Vent ; 1,89 par rapport aux Iles Tuamotu et Gambier ; 2,16 par rapport aux Iles Marquises).

Enfin, une telle augmentation (+ 6) du nombre total des sièges n'aboutirait pas à une assemblée délibérante pléthorique. 47 élus pour près de 220.000 habitants reste en effet raisonnable pour une assemblée dont le prochain statut devrait accroître considérablement le champ des compétences en lui permettant notamment de voter des " lois du pays ", à l'instar du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Or, le congrès de la Nouvelle-Calédonie compte aujourd'hui 54 membres alors que la population calédonienne s'élève à près de 197.000 habitants (recensement de 1996).

B. LE MODE DE SCRUTIN ET L'AGE D'ÉLIGIBILITÉ

L'article 2 de la proposition de loi organique présentée par M. Gaston Flosse et les membres du groupe du Rassemblement pour la République propose une nouvelle rédaction de l'article 2 de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française pour tenir compte du fait que l'article 3 de la loi n° 99-36 du 19 janvier 1999 relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux a modifié le dispositif de l'article L. 338 du code électoral qui définit le mode de scrutin régional.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 2 de la loi du 21 octobre 1952 précitée dispose en effet que " dans chaque circonscription électorale, les élections ont lieu selon le mode de scrutin prévu pour les conseillers régionaux par l'article L. 338 du code électoral ". Le mode de scrutin régional ayant été modifié par la loi du 19 janvier 1999 sans que cette modification ait été étendue aux élections à l'Assemblée de la Polynésie française, l'ancien mode de scrutin régional, le scrutin de liste à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne reste applicable en Polynésie française. L'article 2 de la proposition de loi organique procède donc à une simple clarification formelle . Cette modification de pure forme étant dépourvue de lien avec le coeur de la proposition de loi organique qui concerne le rééquilibrage de la répartition des sièges au sein de l'Assemblée de la Polynésie française , votre commission estime préférable de réserver ce type d'ajustement au débat qui portera, au cours des prochains mois, sur l'élaboration du nouveau statut de la Polynésie française devenue pays d'outre-mer.

L'article 3 de la proposition de loi organique tend à modifier l'article 5 de la loi du 21 octobre 1952 pour abaisser à dix-huit ans révolus l'âge d'éligibilité à l'Assemblée de la Polynésie française aujourd'hui fixé à vingt-et-un ans. Le Sénat a, à deux reprises au cours de l'examen des projets de loi organique et ordinaire relatifs à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice, repoussé les dispositions introduites par l'Assemblée nationale pour abaisser à dix-huit ans l'âge d'éligibilité des députés, des sénateurs, des conseillers généraux, des conseillers régionaux et des maires, estimant préférable " de ne pas traiter à la sauvette " 4( * ) d'un tel sujet. Votre commission des Lois ne vous proposera donc pas d'ouvrir à nouveau ce débat à l'occasion d'une réforme législative dont l'objet essentiel est d'ajuster la répartition des sièges au sein de l'Assemblée de la Polynésie française entre les différentes circonscriptions électorales polynésiennes.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter les conclusions qu'elle vous soumet pour cette proposition de loi organique et qui sont reproduites ci-après.

TEXTE PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES LOIS

Proposition de loi organique tendant à modifier la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 pour rééquilibrer la répartition des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française

Article unique

L'article 1 er de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française est ainsi rédigé :

" Art. 1 er . - L'Assemblée de la Polynésie française est composée de quarante sept membres élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement.

" La Polynésie française est divisée en cinq circonscriptions électorales. Les sièges sont répartis conformément au tableau ci-après :


Désignation des circonscriptions

Nombre de sièges

Iles-du-Vent

28

Iles-Sous-le-Vent

8

Iles Tuamotu et Gambier

5

Iles Marquises

3

Iles Australes

3

Total

47

TABLEAU COMPARATIF

I. TABLEAU COMPARATIF

___



Texte en vigueur

___

Texte de la proposition
de loi organique

___

Conclusions de la commission

___

 

Proposition de loi organique tendant à améliorer le régime électoral
applicable à la formation de
l'Assemblée de la Polynésie française

Proposition de loi organique tendant à modifier la loi n° 52-1175 du
21 octobre 1952 pour réequilibrer
la répartition des sièges à

l'Assemblée de la Polynésie française

 

Article 1er

Article unique

Loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952
relative à la composition et
à la formation de l'Assemblée
territoriale de la Polynésie française

Art. 1er. - L'Assemblée territoriale de la Polynésie française est composée de 41 membres élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement.

" Le territoire est divisée en cinq circonscriptions électorales. Les sièges sont répartis conformément au tableau ci-après :

L'article 1er de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française est ainsi rédigé :

" Art. 1er. - L'Assemblée de la Polynésie française est composée de 45 conseillers élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement.

" La Polynésie française est divisée en cinq circonscriptions électorales. Les sièges sont répartis conformément au tableau ci-après :

(Alinéa sans modification).

" Art. 1er. - L'Assemblée de la Polynésie française est composée de quarante-sept membres élus ...

... intégralement.

(Alinéa sans modification).

Désignation des circonscriptions Nombre de sièges

Iles du Vent 22

Iles Sous le Vent 8

Iles Tuamotu et Gambier 5

Iles Marquises 3

Iles Australes 3

Total 41

Désignation des circonscriptions Nombre de sièges

Iles du Vent 26

Iles Sous le Vent 8

Iles Tuamotu et Gambier 5

Iles Marquises 3

Iles Australes 3

Total 45

Désignation des circonscriptions Nombre de sièges

Iles du Vent 28

Iles Sous le Vent 8

Iles Tuamotu et Gambier 5

Iles Marquises 3

Iles Australes 3

Total 47

 

Article 2

 

Art. 2 - Dans chaque circonscription électorale, les élections ont lieu selon le mode de scrutin prévu pour les conseillers régionaux par l'article L. 338 du code électoral.

L'article 2 de la loi précitée est rédigé comme suit :

" Dans chaque circonscription électorale, les élections ont lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.

" Les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre de présentation sur chaque liste. Toutefois, les listes qui n'ont pas obtenu un nombre de voix au moins égal à cinq pour cent (5 %) des suffrages exprimés ne sont pas admises à répartition des sièges.

" Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus."

 
 

Article 3

 

Art. 5 - Sont éligibles à l'assemblée territoriale les personnes agées de vingt et un ans révolus, non pourvues d'un casier judiciaire, inscrites sur une liste électorale du territoire ou justifiant qu'elles devraient être inscrites avant le jour de l'élection, domiciliées depuis deux ans au moins dans le territoire.

A l'article 5 de la loi précitée, les mots : " vingt et un ans révolus " sont remplacés par les mots : " dix-huit ans révolus ".

 

ANNEXES :

ANNEXE 1 : Délibération n° 99-092 / APF du 27 mai 1999 de l'Assemblée de la Polynésie française



ANNEXE 2 : Répartition des communes entre les différentes circonscriptions électorales



ANNEXE 3 : Carte de la Polynésie française

ANNEXE 1


DÉLIBÉRATION N° 99-092 / APF DU 27 MAI 1999 DE L'ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

ASSEMBLEE DE LA

POLYNESIE FRANÇAISE

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DELIBERATION No 99-092/APF

DU 27 MAI 1999


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portant avis sur une proposition de loi organique modifiant la répartition des sièges entre les circonscriptions électorales des archipels de la Polynésie française et adoption par l'Assemblée de la Polynésie française d'un voeu tendant à modifier le nombre de sièges de conseillers dans la circonscription électorale des Iles du Vent

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L'ASSEMBLÉE DE LA POLYNESIE FRANÇAISE

VU la loi organique n  96-312 du 12 avril 1996, modifiée, portant statut d'autonomie de la Polynésie française, et notamment son article 70, ensemble la loi n° 96-313 du 12 avril 1996 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

VU la loi no 52-1175 du 23 octobre 1952 modifiée relative à la composition et à la formation de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française ;

VU la proposition de loi organique destinée à améliorer l'équité des élections à l'Assemblée de la Polynésie française, déposée à l'Assemblée nationale le 9 mars 1999 sous le n° 1448 par M. Emile VERNAUDON, député de la Polynésie française ;

VU la question orale déposée le 20 avril 1999 par Mme Huguette HONG KIOU et examinée le 22 avril 1999 par l'Assemblée de la Polynésie française ;

VU l'arrêté n° 749/CM du 18 mai 1999 soumettant un projet de délibération à

l'Assemblée de la Polynésie française ;

VU la lettre n° 681/99/APF/SG du 21 mai 1999 portant convocation en séance des

conseillers territoriaux ;

VU le rapport n° 2138 du 25 mai 1999 de la Commission des Affaires administratives, du Statut et des Lois ;

VU le rapport no 086-99 du 27 mai 1999 de l'Assemblée de la Polynésie française ;

Dans sa séance du 27 mai 1999,

ADOPTE :

Article ler : L'Assemblée de la Polynésie française émet un avis défavorable sur la proposition de loi organique n'1448 enregistrée le 9 mars 1999 à la Présidence de l'Assemblée nationale, en raison de son objectif qui vise à restreindre dans des proportions inacceptables la représentation des archipels éloignés au détriment des intérêts de leur population et fragilise les équilibres politiques propres à assurer leur représentativité au sein de ladite assemblée.

Article 2 : En conséquence, l'Assemblée de la Polynésie française soucieuse de voir sa représentation refléter au mieux les évolutions démographiques intervenues depuis la dernière répartition des sièges dans les cinq circonscriptions électorales de Polynésie française en 1985, émet le voeu que le Parlement de la République, appelé à examiner la proposition de loi organique précitée et toute autre proposition émanant de parlementaires de la Polynésie française, modifie l'article ler de la loi n'52-1175 du 23 octobre 1952 en respectant le découpage et la répartition des sièges actuels à l'exception de la circonscription des Iles du Vent dont le nombre de sièges passerait de 22 à 26 portant ainsi le nombre total de conseillers siégeant à l'Assemblée de la Polynésie française de 41 à 45.

Article 3 : Le Président du Gouvernement de la Polynésie française est chargé de l'exécution de la présente délibération qui sera transmise au Haut-Commissaire, au Président de l'Assemblée nationale, au Sénat, aux parlementaires de la Polynésie française et sera publiée au Journal officiel de la Polynésie française.

La Secrétaire, Le Président,

Hilda CHALMONT J ustin ARAPARI

ANNEXE 2


RÉPARTITION DES COMMUNES ENTRE LES DIFFÉRENTES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

Répartition des 48 communes de la Polynésie française entre les trois circonscriptions électorales

*


Circonscription

Communes

Population (habitants)

 

Arue

9 174

 

Faa'a

26 161

 

Hitiaa O Te Ra

6 958

 

Mahina

11 789

 

Paea

10 304

Iles-du-Vent

Papara

7 992

(13 communes)

Papeete

25 932

 

Pirae

14 321

 

Punaauia

19 581

 

Taiarapu - Est

9 288

 

Taiarapu - Ouest

5 095

 

Teva I Uta

6 285

 

Moorea - Maiao

12 073

 

Bora Bora

5 835

 

Huahine

5 422

Iles-Sous-le-Vent

Maupiti

1 129

(7 communes)

Tahaa

4 497

 

Taputapuatea

3 631

 

Tumaraa

3 027

 

Uturoa

3 806

 

Raivavae

1 054

Iles Australes

Rapa

521

(5 communes)

Rimatara

932

 

Rurutu

2 103

 

Tubuai

2 201

 

Fatu Hiva

635

 

Hiva Oa

2 160

Iles Marquises

Ua Huka

571

(6 communes)

Nuku Hiva

2 443

 

Tahuata

637

 

Ua Pou

2 085

 

Anaa

658

 

Arutua

1 292

 

Fakarava

1 347

 

Fangatau

254

 

Gambier

1 113

 

Hao

1 836

Iles Tuamotu et Gambier

Hikueru

199

(17 communes)

Makemo

1 176

 

Manihi

1 147

 

Napuka

384

 

Nukutavake

328

 

Pukapuka

175

 

Rangiroa

2 865

 

Reao

519

 

Takaroa

1 104

 

Tatakoto

248

 

Tureia

1 465

ANNEXE 3

CARTE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE




1 Voir annexe 1.

2 Proposition de loi organique n° 1448 destinée à améliorer l'équité des élections à l'Assemblée de la Polynésie française.

3 Voir annexe 2.

4 Rapport du Sénat n°29 (1998-1999) fait au nom de la commission des Lois, p. 54.



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