C. UNE INERTIE FORTE DES DÉPENSES DE L'ÉTAT

1. Des priorités gouvernementales coûteuses

a) Les priorités pour 2000

Rappelant que l'accroissement des dépenses du budget général serait de 0,9 % en 2000, soit une augmentation identique à la hausse des prix attendue, le gouvernement présente les secteurs prioritaires du projet de budget, dont la progression sera plus rapide que la moyenne :

- la ville : + 26,3 % ;

- l'environnement et l'aménagement du territoire : + 8,1 % ;

- l'audiovisuel public : + 4,8 % ;

- l'emploi et la solidarité : + 4,3 % ;

- la justice : + 3,9 % ;

- l'éducation : + 3,3 % ;

- la sécurité publique : + 3 % ;

- la culture : + 2,1 %.

Or, l'affichage de ces budgets déclarés prioritaires dissimule cependant mal les vraies priorités budgétaires du gouvernement, qui concernent notamment les rémunérations des fonctionnaires. Il est vrai, sur ce point, qu'il lui faudrait procéder aux nécessaires réformes de structure, seules en mesure de réduire le poids de la sphère publique et que celles-ci ne semblent pas constituer, du moins jusqu'en 2002, sa priorité.

b) Une montée en charge budgétaire progressive

Les priorités du gouvernement , telles qu'elles ressortent des crédits budgétaires effectivement inscrits dans le projet de loi de finances, sont coûteuses et leur montée en charge très progressive accroîtra leur coût année après année.

Deux dispositifs illustrent le poids budgétaire croissant de la politique du gouvernement.

Les emplois jeunes

Le chapitre 44-01 " Programme nouveaux services - nouveaux emplois " du budget de l'emploi comporte pour 2000 des crédits à hauteur de 21,34 milliards de francs , soit une augmentation de 53,3 % par rapport à 1999 (13,92 milliards de francs).

Coût budgétaire des emplois-jeunes dans le
projet de loi de finances pour 2000

Budget

Montant
(en millions de francs)

Emploi

21.340

Enseignement scolaire

1.100

Outre-mer

615,5

+ 180

(report)

Intérieur

698,8

TOTAL

23.934,3

Or ceux-ci auront, lorsque l'objectif des 350.000 emplois-jeunes affiché par le gouvernement sera atteint en principe à la fin 2000, un coût en année pleine de plus de 33 milliards de francs !

A ce titre, la Commission européenne a exprimé son scepticisme quant à la pertinence de ce dispositif, que la France a présenté comme une " bonne pratique " au titre de la mise en oeuvre de son plan national d'action pour l'emploi (PNAE). Elle écrit ainsi dans son rapport sur l'emploi que les emplois-jeunes " ont contribué au recul du chômage des jeunes en 1998 " , mais que " la survie de ces postes, une fois qu'aura pris fin le soutien financier des pouvoirs publics, dépendra de la capacité du programme à générer des emplois économiquement viables ".

Votre commission doute en effet fortement de cette capacité.

Les " 35 heures "

Le financement du passage aux 35 heures n'est pas assuré et l'essentiel de son coût n'est pas retracé au budget de l'Etat.

Les crédits inscrits au budget de l'emploi au titre de la loi du 13 juin 1998 s'élèvent à 10,6 milliards de francs sur trois années : 2,8 milliards de francs en 1998, 3,5 milliards de francs en 1999 et 4,3 milliards de francs en 2000.

Or, il apparaît que des reports de crédits non consommés en 1999 devraient permettre de financer des accords signés après le 30 juin 1999. En effet, alors que ces crédits devraient être utilisés pour financer les aides accordées aux entreprises sur la base des accords signés avant le 30 juin 1999, seuls 600 millions de francs restent théoriquement disponibles pour financer les accords, qui seraient conclus après le 30 juin 1999.

Par ailleurs, eu égard aux incertitudes du financement des 35 heures, il est à craindre que le budget de l'emploi ne soit sollicité.

Cette préoccupation est d'ailleurs partagée par le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2000, il relevait en effet : " Une affectation de recettes peut procurer au service gestionnaire la certitude de disposer de ressources pour des actions déterminées. Elle fait peser un risque sur le niveau de la dépense quand la ressource vient à se tarir progressivement. On redécouvre alors les vertus de la " solidarité budgétaire " que représente le budget général ".

2. Quelle maîtrise des dépenses de la fonction publique ?

a) Une augmentation continue

Faute de réforme structurelle, les dépenses de la fonction publique continueront de croître en raison du caractère largement automatique de leur progression, de sorte que les ressources du budget de l'Etat seront de plus en plus mobilisées pour financer des dépenses de personnel. Cela accentue encore son inertie et réduit, dans le même temps, ses marges de manoeuvre.

Dans le présent projet de loi de finances, l'ensemble des principales composantes des dépenses de fonction publique du budget général progressent de 3,4 % par rapport à la loi de finances pour 1999, soit 22,5 milliards de francs supplémentaires alors que l'ensemble des dépenses du budget général n'augmentera que de 0,9 % en 2000. Elles s'élèvent donc à 675 milliards de francs, soit 40,05 % du budget de l'Etat.

Il convient par ailleurs de noter que les dépenses de pension connaissent la progression la plus importante, soit 6,8 %, et atteignent près de 200 milliards de francs, comme le montre le tableau ci-après. On doit donc se féliciter de ce que le " jaune budgétaire " sur les rémunérations publiques intègre désormais, à l'initiative de votre commission des finances, des développements sur l'évolution de cette catégorie de dépenses.

Évolution des charges de personnel du budget général

(En milliards de francs)

 

LFI 1999

PLF 2000

Variation en %

Rémunérations d'activité

Civil
Défense
Total

316,6
74,4
391,0

326,9
75,5
402,4

3,3 %
1,5 %
2,9 %

Pensions

Civil
Défense
Total

126,3
53,6
179,9

137,3
54,9
192 ,2

8,7 %
2,5 %
6,8 %

Cotisations et prestations sociales

Civil
Défense
Total

73,2
8,4
81,6

71,8
8,6
80,4

-1,8 %
1,8 %
-1,4 %

Total des charges de personnel

Civil
Défense
Total général

516,1
136,4
652,5

536,1
138,9
675,0

3,9 %
1,9 %
3,4 %

Votre commission éprouve de vives inquiétudes quant à l'évolution de ces dépenses au regard du caractère largement automatique de leur progression , qui est principalement due :

- à l'effet de report, en 2000, des mesures 1999 de l'accord salarial du 10 février 1998 , qui induit un surcoût de 8,5 milliards de francs ;

- aux mesures catégorielles autres que celles résultant de l'accord salarial : 2,6 milliards de francs , dont 1,2 milliard de francs au titre des plans de revalorisation de la fonction enseignante ;

- à la dérive spontanée des dépenses de pensions : 4,9 milliards de francs ;

- au GVT solde : 2,5 milliards de francs.


Soit 18,5 milliards de francs supplémentaires, alors que les dépenses du budget général augmenteront de 15 milliards de francs en 2000 et cela sans évoquer les éventuels coûts induits par la mise en place dans la fonction publique des " 35 heures ".

Cette progression des dépenses traduit la très forte inertie des dépenses de rémunération de la fonction publique, ce dont le gouvernement est conscient même s'il tarde à passer des intentions aux faits. Ainsi, il indiquait en réponse à une question posée par votre commission que " en raison du poids qu'elles représentent dans le budget de l'Etat (plus de 40 % des dépenses), les dépenses de rémunération constituent un enjeu majeur dans la maîtrise des finances publiques dans les années à venir ".

Les dépenses induites de la fonction publique

Par ailleurs, la fonction publique de l'Etat " induit " des dépenses qui vont bien au-delà des seules charges liées aux fonctionnaires.

Si l'on intègre les dépenses induites (subventions à l'enseignement privé, pensions des anciens combattants et charges de personnel du budget de l'aviation civile) ces dépenses sont, en 1999, de 733 milliards de francs dans leur ensemble (y compris les rebudgétisations de fonds de concours : 7 milliards de francs pour les rémunérations, 170 millions de francs pour les charges sociales, et 14,8 milliards de francs pour les pensions), soit 712 milliards de francs hors rebudgétisations. En 1998, elles étaient de 691 milliards de francs, soit une progression, hors rebudgétisations, de plus de 3 %.

Près de 92 % des dépenses induites par la fonction publique sont indexées sur la valeur du point. Ainsi, une revalorisation de 1 % du point fonction publique engendre-t-elle un coût de l'ordre de 6,7 milliards de francs pour le budget de l'Etat.

b) L'accroissement du nombre de fonctionnaires

Depuis 1990, le nombre d'emplois budgétaires a progressé de manière significative.

Le rapport sur les rémunérations de la fonction publique, déposé à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 1999 indique qu' " à structure constante, le nombre d'emplois budgétaires s'est accru entre 1990 et 1998 de 39.400 sur les budgets civils ".

Évolution des emplois budgétaires dans la fonction publique de l'Etat

En 1999, le gouvernement avait affiché un solde nul : 2.358 créations d'emplois civils, pour autant de suppressions.

En 2000, le nombre de fonctionnaires civils de l'Etat croîtra de 247 puisque 9.064 emplois sont supprimés mais 9.311 sont créés.

Enfin, les plus grandes incertitudes demeurent sur l'avenir des emplois jeunes :
il est à craindre qu'une part importante des actuels emplois jeunes ne soit finalement intégrée dans le fonction publique, ce qui accroîtra le nombre de fonctionnaires et, par conséquent, les dépenses du budget général.

c) " L'explosion programmée " du coût des pensions

La question du financement des retraites des fonctionnaires de l'Etat va se poser rapidement.

L'évolution du montant des charges de pension des fonctionnaires de l'Etat et des militaires a déjà été très rapide : de 1990 à 2000, ce montant est passé, en francs constants, de 118,4 milliards de francs à 192,2 milliards de francs, soit une progression de 62,3 %.

Or, les évolutions démographiques sont très préoccupantes eu égard à leurs incidences budgétaires.
D'ici à 2010, plus de 40 % des fonctionnaires partiront à la retraite, ce qui accroîtra d'autant le coût des dépenses de pensions pour les années à venir : elles devraient s'élever, d'après les informations communiquées par le gouvernement, à 218 milliards de francs en 2005, 269,3 milliards de francs en 2010 et 325,3 milliards de francs en 2015.

Votre commission estime donc qu'il faut saisir cette opportunité pour réduire le nombre de fonctionnaires et doter notre pays d'un Etat moins lourd mais plus efficace : il faut en effet dépenser mieux.

L'attentisme actuel du gouvernement risque de n'aboutir qu'à des réformes brutales, et donc bien plus douloureuses pour les actifs comme pour les retraités.

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