CHAPITRE II :

UN BUDGET CONFRONTÉ À DES DIFFICULTÉS

JURIDIQUES ET FINANCIÈRES

Le budget annexe de l'aviation civile s'est trouvé confronté à des difficultés juridiques profondes, diverses dans leurs natures.

Des progrès ont été accomplis pour donner plus d'assise juridique aux redevances aéronautiques. Mais, il reste quelques difficultés substantielles de ce point de vue.

Cependant, même avec des redevances entièrement satisfaisantes sur le plan du droit, la gestion du BAAC est apparue impossible à réaliser. Il a fallu faire des choix et en réduire le périmètre.

I. MALGRÉ DES AMÉLIORATIONS CERTAINES, LE SYSTÈME DES REDEVANCES RESTE FRAGILE

Les redevances aéronautiques représentent près de 70 % des ressources du BAAC. Elles ont fait l'objet de contestations récurrentes au terme desquelles plusieurs décisions de justice sont intervenues pour rappeler que ce type de financement devait être réservé à la couverture de prestations de services rendus aux usagers.

Le Parlement à l'initiative de la commission des finances du Sénat s'est également saisi de la question. Des progrès ont pu être accomplis. Mais, il reste des éléments de fragilité.

A. DES PROGRÈS ONT ÉTÉ ACCOMPLIS

1. L'intervention du Conseil d'Etat

L'intervention de la juridiction administrative, limitée pour des motifs juridiques quelque peu contestables à la RSTCA, a permis d'exercer un contrôle sur les taux de cette redevance et d'exclure le recours à cette formule pour le financement de missions d'intérêt général.

L'arrêt du 10 février 1995 sur la RSCTA

Rendu par la Section du Contentieux du Conseil d'Etat à la demande de la Chambre Syndicale du Transport Aérien, un arrêt du 10 février 1995 a annulé l'arrêté conjoint du ministre du budget et du ministre des transports daté du 21 décembre 1992 fixant les conditions d'établissement et de perception de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne.

Les motifs retenus par le Conseil ont été les suivants :

Le premier, technique, a consisté à reprocher aux auteurs de l'arrêté de n'avoir pas établi la liste des aérodromes où les services de circulation aérienne rendus donnaient lieu à rémunération en considération du seuil d'activité des bases aéroportuaires. En somme, l'administration se serait affranchie d'exercer son pouvoir d'appréciation qui est aussi, en droit public français, un devoir.

Le second a consisté à estimer qu'en imputant de façon forfaitaire une partie de l'ensemble des coûts supportés par la DGAC comme des coûts générés par le contrôle d'approche, l'administration n'étant pas en mesure de justifier que la fraction des coûts ainsi imputée correspondait bien à des charges auxquelles l'expose ledit contrôle.

Par cet arrêt dont votre commission avait rendu compte, le Conseil d'Etat rappelait que les redevances devaient trouver une contrepartie directe et proportionnelle dans un service rendu à ceux priés de les acquitter.

Le même jour, un autre arrêt du Conseil d'Etat sur la redevance de contrôle technique apportait la confirmation d'une jurisprudence constante.

L'arrêt du 10 février 1995 sur la redevance de contrôle technique

Par un arrêt du 10 février 1995, le Conseil d'Etat a considéré que les dépenses de contrôle technique étaient des dépenses liées à une mission de service public d'intérêt général. Il en a conclu qu'elles ne pouvaient être financées par des redevances pour service rendu .

Votre commission en avait également rendu compte en ces termes :

" Le sens de l'arrêt du Conseil d'Etat est dépourvu d'ambiguïté : les missions exercées par la DGAC au service de l'intérêt public ne sauraient être financées par redevances.

Sans préjuger des solutions juridictionnelles qui n'ont pas été sollicitées à ce jour, il est loisible de penser que cette règle trouve à s'appliquer dans d'autres domaines d'activité de la DGAC et, en particulier, dans l'un, dont le développement pourrait s'accélérer à l'avenir, la sûreté -v. infra- 3( * ) . "


Il apparaissait alors à votre commission comme un fait très probable que d'autres difficultés surgiraient à partir des mêmes causes.

C'est ce qui s'est produit puisque par un arrêt du 20 mai 1998, le Conseil d'Etat a annulé divers arrêtés fixant le taux de la RSTCA au motif que les coûts de certaines missions d'intérêt général encore inclus dans l'assiette de la RSTCA (Services de sécurité d'incendie et de sauvetage -SSIS- et de gendarmerie du transport aérien) devaient être financés autrement que par redevances.

Le projet de budget pour 1999 en tient compte -v. supra- en réduisant le taux unitaire de la RSTCA rapprochant ainsi les redevances perçues au profit du BAAC de ce qu'elles sont autorisées à être.

2. L'initiative du Parlement

a) L'article 99 de la loi de finances pour 1996

Mais, le Parlement a également beaucoup contribué à améliorer la situation.

Il était apparu à votre commission qu'une source importante de contentieux venait de ce que les comptes à partir desquels étaient fixés les tarifs des redevances de transport aérien manquaient de transparence. Cette situation nourrissait à l'évidence le soupçon que les coûts des missions d'intérêt général exercées par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) étaient, au moins partiellement, financés par les redevances. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur avait pris l'initiative de proposer un amendement, devenu l'article 99 de la loi de finances pour 1996 , qui prescrivait que soit remis chaque année au Parlement un état récapitulatif présentant la répartition des coûts et des dépenses budgétaires en distinguant ceux afférents aux prestations de services rendus aux usagers et ceux résultant des missions d'intérêt général public assumés par la DGAC.

Cette initiative avait évidemment d'abord pour objet de favoriser le contrôle parlementaire du budget annexe de l'aviation civile.

Mais, il s'agissait aussi, d'une part, de traduire l'exigence d'une meilleure transparence des opérations conduites par la DGAC et, d'autre part, un effort de pédagogie et d'ouverture ayant été réalisé à destination des redevables, de faciliter le dialogue entre ceux-ci et l'administration.

Dans l'ensemble, ces objectifs ont été atteints et d'ailleurs les conclusions du commissaire du gouvernement du Conseil d'Etat produites à l'occasion de l'examen du contentieux qui devait donner lieu à l'arrêt du 20 mai 1998 pouvaient indiquer :

" L'administration a, par ailleurs, accompli d'importants efforts de clarification et d'information, comme le lui impose d'ailleurs l'article 99 de la loi de finances pour 1996. Ainsi le rapport établi à ce titre à l'automne 1996 fournit d'utiles explications sur le mode de calcul actuel de la RSTCA. Et de manière générale, c'est à notre avis à juste titre que le rapport du sénateur Collin sur le budget annexe de l'aviation civile dans le projet de loi de finances pour 1997 salue (p. 28) les efforts réalisés dans le sens de la transparence. "

b) Le rapport annuel

Grâce à la production de ce rapport les problèmes posés par les modes de fixation des tarifs des redevances sont exposés.

Ces problèmes sont doubles .

Le premier consiste dans l'identification des coûts de la navigation aérienne.

Cette identification n'est pas simple. Elle suppose en premier lieu de disposer d'une comptabilité analytique fiable permettant d'isoler les coûts effectifs attachés à cette mission. Les difficultés les plus sensibles rencontrées dans cet exercice concernent l'identification des dépenses d'administration générale qu'il est possible de rattacher à l'exercice de la mission de contrôle aérien. Près de 58 % de ces charges sont considérés comme relevant de cette mission.

Mais d'autres conditions s'imposent pour que l'identification des coûts de la navigation aérienne puisse être jugée convenable. Il faut, en particulier, que le calcul des charges à incorporer dans ces coûts soit pertinent.

Deux questions sont à évoquer :

- celle des investissements ;

- celle du calcul des intérêts.

S'agissant des investissements , on ne peut en effet retenir l'ensemble des charges budgétaires exposées dans l'intérêt du contrôle aérien pour établir le montant des coûts du contrôle. En effet, les recommandations de l'Organisation de l'administration civile internationale -OACI- qui paraissent, sur ce point, conformes à notre droit public précisent que la valeur d'origine des immobilisations doit être amortie sur l'estimation de leur durée de vie utile et que les coûts d'amortissement ne doivent commencer à courir qu'une fois l'installation mise en service .

S'agissant du calcul des intérêts , on rappelle que l'OACI considère que les intérêts doivent être calculés sur la base de la valeur nette des immobilisations en service au cours de l'exercice.

Enfin, surgit l'écueil du calcul des coûts dénommés dans le
rapport susmentionné " éléments supplétifs d'assiette " et dont l'essentiel consiste dans les coûts des prestations d'organismes extérieurs à la DGAC aux premiers rangs desquels, le ministère de l'équipement et celui de la défense. Leur prise en compte intégrale, alors même que la DGAC ne supporte pas de dépenses à due proportion au profit de ces deux ministères, est jusitifé par l'administration au nom du principe qui veut que l'ensemble des coûts d'un service soit pris en compte pour en asseoir le tarif.

Le deuxième problème est celui de l'imputation des coûts de navigation aérienne.

A ce propos, plusieurs difficultés doivent être relevées.

La première concerne le " mécanisme correcteur" . Les taux des redevances de navigation aérienne sont établis de la façon suivante. Une fois déterminées les assiettes des redevances, leur tarif découle de prévisions portant sur le niveau des unités de service taxables 4( * ) . Si une erreur survient sur l'un ou l'autre nombre de ce rapport, il se peut que les produits appelés soient inférieurs ou supérieurs aux coûts effectivement engagés pour satisfaire la mission de contrôle aérien. Le déficit ou l'excédent de produit est alors ajouté ou déduit de l'assiette des redevances, avec un décalage de 2 ans. Par exemple, en 1996, un surcroît de produits de 131 millions de francs constaté en 1994 a dû être déduit des coûts de la mission de navigation aérienne pris en compte pour calculer le tarif des redevances.

Une deuxième difficulté déjà relevée l'an dernier concerne le sort des créances impayées .

Avec les difficultés posées par les exemptions et exonérations , on aborde une troisième difficulté , de taille puisque les montants concernés ont atteint 675 millions de francs en 1996, qui voit la DGAC renoncer à percevoir les redevances auprès de certains usagers pour des prestations de contrôle aérien rendues par elle à ces usagers.

Les exemptions concernent la RSTCA qui n'est perçue que lorsque le trafic d'un aéroport dépasse le seuil de 5.000 unités de service par an en moyenne sur les trois dernières années.

Les exonérations s'appliquent à certains types de vol et, en particulier, aux vols militaires.

Les exonérations de fait concernent l'outremer où les redevances effectivement perçus ne couvrent que moins de 20 % des coûts effectifs de la navigation aérienne.

S'il apparaît justifié de réduire les coûts associés à ces prestations pour calculer les coûts facturables par voie de redevances, il ne faut pas en déduire que ces coûts n'existent plus "ipso facto". En réalité, ils subsistent et doivent être couverts par d'autres ressources.

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