b) Le problème des excédents

L'apparition d'excédents chroniques du produit de la redevance sur les prévisions de loi de finances suscite, de façon paradoxale, des interrogations tant sur le fond que sur les méthodes de prise en compte.

D'abord, parce que les perspectives de recettes supplémentaires attendues pour l'an 2000 au titre de l'amélioration du taux de recouvrement et de l'extension du parc, soit 490 millions de francs , créent une aisance financière qui n'est peut-être pas durable .

Le service de la redevance engrange actuellement les dividendes d'efforts de rationalisation des contrôles, ainsi que de la possibilité de recoupement avec la taxe d'habitation, qui résulte, on peut le rappeler, d'une initiative du Sénat. Mais, tôt ou tard , sauf si d'autres possibilités de recoupement sont ouvertes, cet effet va s'atténuer et les recettes plafonner .

Au surplus, la montée du produit de la redevance doit aussi être mis en relation avec la révision des conditions d'exonération, qui sont toujours susceptibles d'évoluer.

Enfin, en dépit des textes, qui semblent, en partie au moins, ne pas être inadaptés, il ne faut pas sous-estimer le risque de voir, du fait de la convergence, une certaine frange de la population regarder la télévision sur son ordinateur, même si le prix des matériels informatiques et la petite taille des écrans permettent, pour l'instant, d'écarter l'hypothèse d'une substitution massive.

Mais, sur le plan des méthodes, on constate que les excédents actuels ne sont pas faciles à gérer dans la clarté .

L'année dernière, l'on avait procédé de façon assez classique, à la répartition des excédents en loi de finances rectificative. M. Philippe Marini, rapporteur général de votre commission des finances, avait souligné qu'une telle méthode consistant à venir en fin d'exercice combler les déficits de telle ou telle société n'était sans doute pas une manière de procéder particulièrement responsabilisante.

Mais, il faut admettre que les méthodes consistant, comme on va le faire en l'an 2000, à affecter les excédents de l'exercice " n-2 " à l'exercice " n " en loi de finances initiale, n'est pas non plus dépourvue d'inconvénients, puisque ce type de report accentuera un éventuel tassement de la ressource, en cas de retournement de tendance.

L'annexe " jaune " secteur public de la communication audiovisuelle, prévoit ainsi que les quelque 276,4 millions de francs de plus-values de recettes enregistrées en 1998 seront à raison de 138,5 millions de francs affectés au compte d'affectation spéciale n° 902-15 au titre de l'année 2000.

Cela dit, on ne renonce pas pour autant à la méthode classique de distribution des excédents passés, puisque la différence entre la part des plus-values de 1998 non affectées, soit 137,9 millions de francs devait , a priori semble-t-il , être distribuée en loi de finances rectificative . Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il faut bien intervenir en fin d'exercice 1999 pour pallier les moins-values de recettes publicitaires de France Télévision.

Mais, sur proposition du rapporteur de sa commission des finances, M. Jean-Marie Le Guen, l'Assemblée nationale en a décidé autrement en affectant à la loi de finances pour 2000 la totalité des excédents de 1998, soit 137,8 millions de francs supplémentaires .

Reste une dernière possibilité, non prévue actuellement mais qui n'est pas sans précédents, l'affectation des excédents du produit de la redevance par rapport aux prévisions sur le même exercice. L'hypothèse est d'autant moins théorique que des excédents importants seraient dégagés en 1999 avec des rentrées supérieures aux prévisions de l'ordre de 280 millions de francs et que l'amendement de M. Le Guen prive le Gouvernement des moyens pour aider les sociétés à faire face aux problèmes de l'heure.

La réévaluation des droits est une opération possible voire tentante pour faire face à des besoins " exceptionnels ", qu'il s'agisse d'investissements estimés nécessaires et urgents par tel ou tel organisme ou de faire face à des besoins de financement plus importants que prévus au moment de la construction du présent budget comme, en l'occurrence, un manque à gagner de recettes publicitaires ou les premières conséquences de la réduction du temps de travail.

Une telle solution aurait aussi l'avantage de permettre de s'assurer de l'affectation de l'excédent dès le présent exercice et non l'année prochaine, à un moment où il pourrait être pris en compte dans les arbitrages entre ressources de redevance et subventions.

A cet égard, il faut souligner que l'affectation des 900 millions de subventions représentatives des exonérations de redevance au compte d'affectation spéciale n° 902-15, qui est rendue possible par l'article 25 de l'ordonnance organique, ne résout pas tous les problèmes de financement du secteur public audiovisuel.

Certes, on peut considérer comme positif la reconnaissance du principe consistant à faire assumer à l'État les conséquences financières des exonérations qu'il décide. Maintenant, il faut bien voir que ce financement de substitution n'a pas la stabilité de la redevance en tant que ressource propre.

D'abord, il faudrait savoir quand les sommes seront transférées au compte d'affectation spéciale pour juger si la ressource est effectivement substituable au produit de la redevance, dont on sait qu'il est effectivement versé de façon très régulière aux chaînes ; ensuite, il ne faut pas dissimuler le risque de mesures de régulations budgétaires en fin d'exercice, surtout si d'importants excédents de redevance - de 1999 ou de 2000 - permettaient d'offrir au secteur public audiovisuel le financement global prévu par le présent projet de loi de finances.

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