EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS TENDANT A AMÉLIORER
LES CONDITIONS D'EXERCICE DES COMPÉTENCES LOCALES
ET À ASSURER UNE PLUS GRANDE SÉCURITÉ JURIDIQUE
AUX ACTES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Article 1 er
(articles L. 1251-1 et L. 1251-2 du code général des collectivités territoriales)
Groupement pour l'aide à la gestion des collectivités territoriales
et missions juridiques départementales

Cet article tend à compléter le livre II (" Organismes compétents à l'égard des collectivités territoriales et de leurs groupements ") de la première partie (" Dispositions générales ") du code général des collectivités territoriales par un titre V dont le chapitre unique institue un Groupement pour l'aide à la gestion des collectivités territoriales et prévoit la mise en place de missions juridiques départementales.

En dehors de leur mission relative au contrôle de légalité, les services de l'Etat placés sous l'autorité du préfet exercent auprès des collectivités locales une mission d'aide et de conseil qui doit être relevée. Le réseau des comptables publics assume également une mission d'expertise au bénéfice des collectivités. Selon les précisions apportées à votre rapporteur, cette mission devrait être renforcée au cours des prochaines années.

Si la fonction de conseil des services de l'Etat ne peut être ignorée, force est d'observer qu'elle peut être marquée d'une certaine ambiguïté, ces services étant souvent appelés à exercer tout à la fois cette fonction de conseil et une fonction de contrôle. En toute hypothèse, il appartient au Gouvernement d'examiner dans quelle mesure ces services peuvent davantage concourir à l'information juridique et financière des collectivités locales.

Les réflexions du groupe de travail ont également mis en évidence que l'idée de développer la mission de conseil des chambres régionales des comptes , séduisante a priori , constituait, à l'examen, une fausse bonne idée. D'une part, elle se heurte au caractère non extensible des ressources humaines dont disposent les chambres régionales des comptes. D'autre part, et surtout, la reconnaissance aux chambres régionales des comptes d'une fonction consultative au bénéfice des élus locaux aboutirait à un dédoublement fonctionnel de ces juridictions financières qui pourrait poser problème au regard de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Les auditions auxquelles le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes a procédé ont en revanche mis en évidence la forte demande émanant des collectivités locales de pouvoir recourir à des instances de conseil autonomes dont l'objet serait de les assister dans l'exercice de leurs missions.

Telle avait été la démarche qui avait inspiré la création des agences départementales par l'article 32 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982. Codifiée à l'article L. 5511-1 du code général des collectivités territoriales, cette disposition prévoit que " le département, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale peuvent créer entre eux un établissement public dénommé agence départementale. Cette agence est chargée d'apporter aux collectivités territoriales et aux établissements publics intercommunaux du département qui le demandent une assistance d'ordre juridique ou financier. "

Comme l'a relevé le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes, cette formule n'a pas rencontré un grand succès

L'assistance aux collectivités locales dans l'exercice de leurs missions est néanmoins assumée par diverses instances.

Les grandes associations d'élus locaux mènent à cet égard des actions tout à fait significatives qui méritent d'être soulignées. L'Association des Maires de France apporte en particulier un concours efficace aux petites communes qui ne disposent pas des moyens suffisants pour assumer des dispositifs qui leur soient propres. Les associations départementales de maires constituent des cadres fort précieux pour l'information des élus locaux. Un certain nombre de structures intercommunales assument également des missions d'aide à la décision au profit des communes membres. Il en est de même de certains centres départementaux de gestion de la fonction publique territoriale.

Dans l'esprit des auteurs de la proposition de loi, le présent article n'a nullement pour finalité de remettre en cause ces différentes initiatives mais de favoriser leur synergie. Il n'a pas non plus pour objet de concurrencer les formes privées de conseil et d'audit des collectivités locales.

L'article L. 1251-1 du code général des collectivités territoriales, inséré par l'article 1 er de la proposition de loi, crée un groupement d'intérêt public pour l'aide à la gestion des collectivités territoriales.

Constitué au niveau national, ce groupement serait composé de représentants du Parlement, des collectivités territoriales, des groupements de communes, des associations nationales d'élus locaux et du comité des finances locales. Il comprendrait également des personnalités qualifiées.

Ce groupement serait chargé de renforcer l'information juridique et financière des collectivités territoriales et de leurs groupements. Il devrait leur apporter, à leur demande, une aide à la gestion.

L'article L. 1251-2 du code général des collectivités territoriales, inséré par l'article 1 er de la proposition de loi, prévoit, pour sa part, que le groupement d'intérêt public devra créer dans chaque département des missions juridiques . Ces missions seraient chargées de répondre aux demandes d'avis des autorités territoriales et des responsables des organismes de coopération sur les conditions d'application des dispositions législatives et réglementaires ou sur des projets d'actes soumis à l'organe délibérant.

Tout en souscrivant pleinement à l'objectif poursuivi par les auteurs de la proposition de loi de renforcer la fonction de conseil auprès des collectivités locales ainsi que l'information juridique et financière de ces dernières, votre commission des Lois a estimé que la formule proposée d'un groupement d'intérêt public et de missions juridiques pourrait aparaître lourde par rapport à l'objectif poursuivi.

Elle a donc décidé de disjoindre l'article 1 er des conclusions qu'elle vous soumet.

Article 2
(article L. 2122-34-1 du code général des collectivités territoriales)
Saisine pour avis de la mission juridique à l'initiative du maire

Cet article tend à compléter la section 3 (" Attributions ") du chapitre II (" Le maire et les adjoints ") du titre II (" Organes de la commune ") du livre Ier (" Organisation de la commune ") de la deuxième partie (" La commune ") du code général des collectivités territoriales, afin de permettre la saisine pour avis, à l'initiative du maire, de la mission juridique instituée par l'article 1 er de la proposition de loi.

Il insère un article L. 2122-34-1 dans le code général des collectivités territoriales qui figurerait dans une sous-section relative aux dispositions communes aux différentes attributions du maire agissant au nom de la commune ou au nom de l'Etat.

La faculté ainsi reconnue au maire de saisir la mission juridique pourrait concerner des questions relevant de la compétence du conseil municipal. Dans ce cas, le maire solliciterait l'avis de la mission juridique à la demande de ce dernier. Elle pourrait également porter sur des sujets relevant de la compétence propre du maire (l'exercice du pouvoir de police par exemple) ou de compétences qui lui ont été déléguées par le conseil municipal. Le maire saisirait alors la mission juridique de sa propre initiative.

En vertu des dispositions de l'article L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales, ces mêmes dispositions seraient applicables aux établissements publics de coopération intercommunale .

Pour les motifs énoncés ci-dessus (cf. commentaire de l'article 1 er ), votre commission des Lois a décidé de disjoindre l'article 2 des conclusions qu'elle vous soumet.

Article 3
(article L. 3221-11 du code général des collectivités territoriales)
Saisine pour avis de la mission juridique à l'initiative
du président du conseil général

Cet article tend à compléter le chapitre unique du titre II (" Compétences du président du conseil général ") du livre II (" Administration et services départementaux ") de la troisième partie (" Le Département ") du code général des collectivités territoriales, afin de permettre la saisine pour avis, à l'initiative du président du conseil général, de la mission juridique instituée par l'article 1 er de la proposition de loi.

A cette fin, il insère dans le code général des collectivités territoriales un article L. 3221-11 qui étend au président du conseil général les dispositions prévues par l'article 2 de la proposition de loi en ce qui concerne la commune.

Pour les motifs énoncés ci-dessus (cf. commentaire de l'article 1 er ), votre commission des Lois a décidé de disjoindre l'article 3 des conclusions qu'elle vous soumet.

Article 4
(article L. 4231-8 du code général des collectivités territoriales)
Saisine pour avis de la mission juridique à l'initiative
du président du conseil régional

Cet article tend à compléter le chapitre unique du titre III (" Compétences du président du conseil régional ") du livre II (" Attributions de la région ") de la quatrième partie (" La Région ") du code général des collectivités territoriales, afin de permettre la saisine pour avis, à l'initiative du président du conseil régional, de la mission juridique instituée par l'article 1 er de la proposition de loi.

A cette fin, il insère dans le code général des collectivités territoriales un article L. 4231-8 qui étend au président du conseil régional les dispositions prévues par l'article 2 de la proposition de loi en ce qui concerne la commune.

Pour les motifs énoncés ci-dessus (cf. commentaire de l'article 1 er ), votre commission des Lois a décidé de disjoindre l'article 4 des conclusions qu'elle vous soumet.

Article 5
(article L. 211-8 du code des juridictions financières)
Définition de l'objet de l'examen de la gestion par
les Chambres régionales des comptes

Cet article tend à compléter l'article L. 211-8 du code des juridictions financières, afin de définir l'objet de l'examen de la gestion d'une collectivité locale ou d'un établissement public par les Chambres régionales des comptes.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 211-8 du code des juridictions financières dispose que la chambre régionale des comptes examine la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Cet examen porte également sur les sociétés, groupements ou organismes, quel que soit leur statut juridique, auxquels les collectivités territoriales ou leurs groupements apportent un concours financier supérieur à 10 000 F ou dans lesquels ils détiennent séparément ou ensemble plus de la moitié du capital ou des voix dans les organes délibérants ou exercent un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion. Il peut en outre concerner les filiales de ces établissements, sociétés ou organismes ainsi que les organismes dont la gestion n'est pas assujettie aux règles de la comptabilité publique et qui bénéficient d'un concours financier des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics.

Or, comme l'ont fait observer devant le groupe de travail plusieurs représentants des juridictions financières, tout en confiant cette mission aux chambres régionales des comptes, le législateur s'est jusqu'à présent abstenu d'en définir le contenu exact .

Comme l'a rappelé le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes, l'article 87 de la loi du 2 mars 1982 a ouvert la voie au contrôle de gestion à travers deux dispositions. Dans sa rédaction initiale, le deuxième alinéa de cet article permettait aux chambres de s'assurer " du bon emploi des crédits, fonds et valeurs ". Le dernier alinéa du même article les habilitait à présenter aux collectivités territoriales soumises à leur juridiction " des observations sur la gestion ". Souhaitant écarter tout risque de contrôle d'opportunité, la loi du 5 janvier 1988 a, sur l'initiative du Sénat, substitué la notion d'" emploi régulier " à celle de " bon emploi ". Elle a par ailleurs confirmé la compétence des chambres pour examiner la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Le code des juridictions financières affirme donc désormais dans deux articles distincts que les chambres régionales des comptes, d'une part, vérifient la régularité des écritures comptables ( article L. 211-3 ) et, d'autre part, examinent la gestion des collectivités territoriales ( article L. 211-8 ).

Or l'absence de définition de l'objet de l'examen de la gestion a constitué une lacune de la législation en vigueur. Si la référence à la longue expérience de la Cour des comptes dans ce domaine peut expliquer le choix de ne pas opérer une telle définition, néanmoins ce choix a sous-estimé la spécificité du contrôle des chambres régionales des comptes qui s'exerce sur des ordonnateurs élus et qui fait l'objet d'une publicité susceptible d'avoir un impact considérable sur l'opinion publique. Il a en outre conduit les chambres régionales des comptes à définir elles-mêmes le contenu du contrôle de gestion et les critères sur lesquels celui-ci devait s'appuyer.

Les réflexions du groupe de travail sur les chambres régionales des comptes ont parfaitement mis en lumière que cette construction empirique et par définition éclatée entre les différentes chambres régionales des comptes était à l'origine des difficultés actuelles.

En effet, si les élus locaux ne contestent pas le principe et l'utilité d'un contrôle de gestion, nombreux sont ceux qui, en revanche, éprouvent un malaise sur les conditions dans lesquels celui-ci est exercé.

Pour autant, le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes a, à juste titre, souligné les difficultés qui s'attachent à une définition législative de l'objet de l'examen de la gestion. Trop large, elle peut apparaître comme une habilitation générale à intervenir dans la gestion locale, solution qui heurterait les principes mêmes de la décentralisation et les dispositions de l'article 72 de la Constitution qui établit la libre administration des collectivités territoriales. Trop étroite, elle peut apparaître comme de nature à restreindre de manière anormale les missions des chambres régionales des comptes dans ce domaine.

Si ces difficultés sont réelles, le groupe de travail a néanmoins considéré qu'il était possible de synthétiser dans la loi des éléments de définition qui semblent ne pas soulever d'objections.

Tel est l'objet du présent article qui précise qu'en premier lieu, l'examen de la gestion doit porter sur la conformité des actes de gestion aux lois et règlements. A ce titre, il doit obligatoirement s'appuyer sur la référence aux textes qui auraient été méconnus.

En deuxième lieu, cet examen doit porter sur l'économie des moyens mis en oeuvre par rapport aux objectifs fixés, sans que ces derniers qui relèvent de la responsabilité exclusive des élus puissent eux-mêmes être critiqués. Cette précision doit permettre de prévenir toute dérive vers un contrôle d'opportunité qui serait inconciliable avec les principes démocratiques.

Par ailleurs, le présent article prévoit expressément que les lettres d'observations définitives doivent prendre en compte les résultats de la procédure contradictoire avec l'ordonnateur en fonction au moment où le contrôle est opéré, son prédécesseur ou tout autre personne nominativement ou explicitement mise en cause. Cette disposition sera par ailleurs confortée par l'article 11 de la proposition de loi qui permet aux dirigeants de la personne morale contrôlée d'apporter une réponse écrite aux observations définitives de la chambre régionale des comptes, cette réponse devant être annexée à la lettre d'observations définitives.

Enfin, la lettre d'observations définitives devra tenir compte de l'importance relative de ces observations dans l'ensemble de la gestion de la collectivité ou de l'établissement public. Cette exigence doit répondre aux préoccupations ressenties par beaucoup d'élus locaux face à l'absence de hiérarchisation des observations, laquelle ne permet pas de rendre compte de la réalité de la gestion de leur collectivité.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 5 devenu l'article 1 er des conclusions qu'elle vous soumet, sans modification.

Article 6
(article L. 211-9 du code des juridictions financières)
" Droit d'alerte " des chambres régionales des comptes sur
les insuffisances des dispositions législatives et réglementaires

Cet article insère dans le code des juridictions financières un article L. 211-9 qui tend à reconnaître aux chambres régionales des comptes un " droit d'alerte " sur les insuffisances du cadre législatif et réglementaire.

Au cours des auditions du groupe de travail sur les chambres régionales des comptes, de nombreux intervenants, qu'il s'agisse des magistrats des juridictions financières ou des représentants des associations d'élus locaux, ont souligné les graves conséquences qui résultaient pour les collectivités locales des insuffisances de la réglementation ou de son excessive rigidité dans certains domaines.

Afin de contribuer à une clarification et à une adaptation des réglementations applicables, le groupe de travail a demandé que soit reconnu aux chambres régionales des comptes un " droit d'alerte " du législateur, afin que ces juridictions puissent apporter leur concours dans la mise en évidence des aspects de la législation qui apparaissent comme des sources de difficultés pour les collectivités locales.

Tel est l'objet du présent article qui prévoit que, dans le cadre de l'examen de la gestion, les chambres régionales des comptes devront recenser les difficultés auxquelles les collectivités locales ou établissements publics ont été confrontés dans l'application des dispositions législatives et réglementaires.

Les constatations effectuées par les chambres seront insérées dans le rapport public de la Cour des comptes. Rappelons qu'une partie du rapport public, consacrée aux collectivités territoriales, est établie notamment sur la base des observations des chambres régionales des comptes. L'insertion des constatations effectuées par ces dernières sur les insuffisances du cadre législatif et réglementaire paraît donc particulièrement opportune pour leur assurer la publicité nécessaire.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 6 devenu l'article 2 des conclusions qu'elle vous soumet, sans modification.

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