N° 387

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 juin 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur la proposition de loi de M. Louis de BROISSIA modifiant la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l' Agence France-Presse ,

Par M. Louis de BROISSIA,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, André Bohl, Louis de Broissia, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Roger Karoutchi, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Jean-François Picheral, Guy Poirieux,  Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.

Voir le numéro :

Sénat : 368 (1999-2000)

Presse, édition et imprimerie.

INTRODUCTION

Mesdames,

Messieurs,

L'Agence France Presse a tissé en France et dans le monde un réseau qui lui permet de couvrir la totalité des grands événements mondiaux avec le souci permanent d'exactitude, de qualité et d'objectivité que lui dicte la loi fondatrice du 10 janvier 1957.

Aujourd'hui, face au développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, face au décollage d'internet, elle doit affronter une concurrence de plus en plus sévère de la part des autres agences de presse.

L'Agence France Presse ne peut courir le risque de rester en-dehors des nouveaux marchés de l'information. Elle doit, bien au contraire, utiliser la révolution technologique en cours pour développer son activité et ses services. Or le statut de 1957 ne lui donne pas les moyens de lancer les initiatives nécessaires sur des bases juridiques suffisamment solides pour que leur ampleur soit à la mesure des défis à relever.

Des pistes sont suggérées, des propositions avancées, au fil des mois le débat s'enlise. De leur côté, les agences de presse concurrentes précisent leurs stratégies de développement et poursuivent la conquête des nouveaux marchés. Dans ces conditions, la philosophie qui a présidé à la création de l'AFP ne trouvera bientôt plus à s'exprimer que sur le pré carré du monde de l'information version 1957.

C'est pourquoi il était utile que le Sénat prenne une initiative. C'est l'objet de la présente proposition de loi.

I. UNE ENTREPRISE EN ATTENTE

Il est difficile de ne pas en convenir : l'AFP est à la croisée des chemins. Les difficultés financières qu'elle subit périodiquement, le caractère improbable d'une amélioration durable, les incertitudes de son positionnement dans la société de l'information, pèsent sur son dynamisme.

A. OBSTACLES FINANCIERS

L'exploitation de l'AFP est, aux dires de ses présidents successifs, structurellement déséquilibrée par une croissance des charges, et spécialement des frais de personnel, plus rapide que celles des produits.

Des mesures sont prises périodiquement. Ainsi, un plan à 4 ans lancé au début des années 1990 avait-il fait descendre les frais de personnel à 60 % du chiffre d'affaires contre 70 % auparavant. Mais dès 1996, la tendance a repris son cours naturel, les frais de personnel remontant à 65 % du chiffre d'affaires en 1998, alors que la marge annuelle d'exploitation passait de 140 millions de francs en 1995 à 87 millions de francs en 1998.

Dans le même temps, les marges de manoeuvre dans la gestion se sont resserrées, en raison notamment des succès enregistrés entre 1990 et 1995 en terme de maîtrise des coûts de fonctionnement et de gains de productivité. Alors qu'en 1970 le personnel de l'agence se partageait entre 900 journalistes et 1100 techniciens, administratifs et commerciaux, en 1999 la répartition est inversée, avec 1200 journalistes pour 800 techniciens, administratifs et commerciaux, ce qui traduit les efforts faits pour accroître la production et la couverture mondiale. Cette évolution semble avoir supprimé toute marge de manoeuvre sur la masse salariale sauf à transformer profondément l'outil de production et à réduire la couverture géographique, ce qui n'est, bien entendu, pas envisagé.

Par ailleurs, la capacité d'investissement, de l'ordre de 100 millions de francs par an, et sur laquelle 60 à 80 millions de francs sont préemptés par l'entretien de l'outil existant, ne peut que diminuer.

En effet, la croissance du chiffre d'affaires de l'AFP est limitée par la réduction des marchés traditionnels, représentés par la presse écrite. Le chiffre d'affaires conquis ces dernières années auprès de nouveaux clients (250 millions de francs) a servi en grande partie à compenser la diminution du chiffre d'affaires auprès de la clientèle traditionnelle. Cette régression paraît irrémédiable en raison de la concentration croissante de la presse.

Il faut aussi tenir compte du fait que la valeur de l'information brute détenue et collectée par l'agence sera de moins en moins importante en raison de l'explosion des sources d'information, ce qui rend indispensable de créer une valeur ajoutée.

Enfin, les tendances développées depuis 1996 indiquent que l'équilibre financier de l'agence sera compromis à partir de 2002 ou de 2005, selon que le prêt participatif consenti antérieurement par l'Etat sera ou non remboursé.

Dans ces conditions, l'AFP se trouve incapable de faire face à la révolution en cours du marché de l'information.

C'est, d'ailleurs, autant faute de moyens financiers suffisants que de volonté stratégique qu'elle a raté la diversification dans l'information et les transactions financières réussie par Reuters dans les années 70. De la même façon, dans la première moitié des années 1990, elle n'a pu prendre le virage de l'information audiovisuelle, contrairement à ses principales concurrentes, Associated Press et l'agence Reuters.

B. ÉCHÉANCES PROCHAINES

Ces retards sont encore dépourvus d'effets significatifs sur le coeur de l'activité traditionnelle de l'AFP. Avec le multimédia, les conséquences d'un nouvel échec seraient plus sérieuses, car il s'agit d'une révolution technologique et commerciale qui concerne tous les métiers de l'information. A terme rapproché, dans moins de 10 ans, une agence mondiale d'information ne pourra pas subsister si elle n'est pas multimédia, estime l'actuel président de l'Agence avec quelque crédibilité.

En effet, avec l'évolution brutale du marché de l'information consécutif à la révolution numérique, une clientèle nouvelle souhaite disposer de services plus personnalisés et avoir accès non seulement à des flux d'informations, mais aussi à des archives rassemblées dans des banques de données. Ces services sont le plus souvent des " services groupés " c'est-à-dire comportant du texte, de la photo, et à terme des images animées, du son, des graphiques. Alors que le marché des médias traditionnels, particulièrement celui de la presse écrite, stagne, le marché du hors média semble appelé à un important développement, sur internet en particulier.

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