IV. DONNER À L'AGENCE LES MOYENS D'UNE ACTION EFFICACE

A. CHOISIR LA VOIE DE L'EFFICACITÉ

Suite à l'analyse critique qui précède, l'alternative devant laquelle était placée votre commission était la suivante :

- soit laisser le dispositif issu de l'Assemblée Nationale en l'état , en qualifiant le nouvel organisme d'" Office " ou d'" Observatoire " de la sécurité sanitaire environnementale, voire de Haut conseil scientifique de la sécurité sanitaire environnementale.

Cette démarche n'aurait alors de sens que si l'Office était conçu comme une première étape avant la création d'une véritable Agence. L'article 3 du texte qui prévoit dans un délai de deux ans un rapport sur la rationalisation du système national d'expertise en matière de sécurité sanitaire environnementale s'inscrirait dans une telle perspective.

- soit renforcer significativement le nouvel organisme pour lui conférer le statut d'une agence dotée d'un réel pouvoir et de moyens conséquents.

Votre commission a rejeté le premier volet de l'alternative, théoriquement envisageable, mais qui semblait peu compatible avec les attentes de l'opinion, d'autant que la loi du 1 er juillet 1998 avait déjà prévu la remise d'un rapport sur cette question !

Deux démarches seraient alors possibles pour donner plus de force à la nouvelle agence.

La première suggérée par le professeur Denis Zmirou viserait à doter l'Agence d'un niveau significatif de moyens humains et budgétaires, importants et pérennes, permettant de recruter des chercheurs de haut niveau, à l'autorité reconnue, capables d'assurer un véritable travail d'expertise, d'évaluation et de synthèse sur les données disponibles et de définir des axes de recherche dans des domaines où la France prend quelque retard.

Cette position rejoint celle du Haut comité de la santé publique qui souligne dans un rapport récent 19( * ) que " pour exercer sa mission avec l'autorité et le crédit nécessaires, l'agence doit disposer de ressources scientifiques et de moyens matériels substantiels ".

L'autre démarche, que votre commission a privilégiée, consiste à créer l'Agence en la dotant d'un " noyau dur " à partir d'organismes existants qui pourraient tirer parti de leur autorité reconnue et de leur expérience pour lui donner une existence " réelle " et non " virtuelle ".

La démarche serait ainsi comparable à celle qui a contribué à la création de l'AFSSA par le transfert du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires (CNEVA) qui lui a donné l'assise de départ nécessaire.

Quelle que soit la solution retenue, la question du niveau des moyens financiers qui seront alloués au nouvel organisme se posera. Votre commission entend poursuivre sa réflexion sur ce point qui devra être évoqué en séance publique.

B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

1. Définir plus précisément le champ de compétences de la nouvelle agence

Considérant que le champ ouvert par la notion de sécurité sanitaire environnementale était très vaste et parfois flou, votre commission a souhaité donner une définition plus précise du rôle de l'agence sanitaire.

Votre commission vous propose donc de préciser que l'agence a pour mission d'évaluer les risques sanitaires de nature physique, chimique ou biologique liés à l'environnement naturel, du travail et de la vie quotidienne qui résultent notamment de la pollution de l'air, des eaux et des sols, des rayonnements ionisants ou non ionisants et des nuisances causées par le bruit.

Cette définition est conçue pour n'être pas limitative et pourra être complétée en tant que de besoin à l'avenir.

Elle inclut sans ambiguïté l'analyse de l'impact sanitaire des risques physiques incluant les radiations ionisantes dans le champ de l'agence car il apparaît impossible, au regard des exigences de transparence de l'opinion, de créer une agence de sécurité environnementale qui ne détiendrait pas d'attributions en ce domaine, et ceci sans préjuger de la réforme à venir.

Individualiser le risque radioactif dans une structure " à part ", c'est risquer de discréditer les experts de cette structure experte " isolée " qui seraient à coup sûr soupçonnés -étant juges et parties- de ne pas appliquer les procédures d'évaluation des risques avec la même rigueur que les experts chargés de l'évaluation des risques " non radioactifs ".

Il sera toujours possible à l'AFSSE de définir le contenu contractuel de ses relations avec une nouvelle structure en matière d'installations nucléaires mais en étant libre de déterminer elle-même le niveau de transparence et de rigueur dans l'évaluation qu'elle exigera de cette structure.

2. Donner à l'agence un " noyau dur " de compétences constitué à partir de l'OPRI et de l'INERIS

Compte tenu de la difficulté d'évaluer de manière exhaustive et homogène les risques sanitaires environnementaux, la nouvelle agence ne doit pas être une " coquille vide ", dépourvue d'autorité auprès des organismes plus anciens et disposant de moyens propres insuffisants.

Le foisonnement des organismes compétents en matière de santé environnementale impose une démarche de restructuration de l'existant plutôt que l'empilement d'une nouvelle structure sur celles qui existent déjà , sans amélioration en termes de transparence pour le citoyen, de lisibilité et d'efficacité .

C'est pourquoi votre commission propose de constituer la nouvelle agence à partir de deux organismes existants :

- l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) qui est l'organisme compétent en matière de surveillance et d'expertise des risques liés à la radioprotection ;

- l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) qui est l'organisme qui rassemble aujourd'hui le plus de compétences sur les risques sanitaires et environnementaux non ionisants.

Votre commission n'a pas souhaité inclure l'INRS en raison de son statut associatif et de la nature paritaire de cet organisme qui se prêterait mal à une transposition dans le cadre d'un établissement public administratif.

S'agissant de l'INERIS, votre commission est consciente que le passage de cet organisme du statut d'établissement public industriel et commercial à celui d'établissement public administratif nécessitera des aménagements qui devront respecter les garanties statutaires du personnel.

Concernant l'OPRI, le projet d'intégration à l'agence rend certes plus complexe le projet de réforme de la sûreté nucléaire que le Gouvernement souhaite mettre en place.

Il apparaît néanmoins que le support législatif de la réforme de la sûreté nucléaire est en " panne " étant reporté au mieux à 2002, alors que l'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour ouvre la possibilité, très opportune d'assurer au niveau législatif la garantie d'une évaluation plus transparente en matière nucléaire.

A cet égard, le fait que des projets de décret réformant les organismes d'expertise et de contrôle en matière nucléaire sont en préparation ne doit pas faire oublier que " la loi doit précéder le règlement ".

Il serait fâcheux que le législateur soit contraint de valider une réforme qui aurait été " déterminée " au préalable de manière irréversible par des textes de nature administrative.

Sur le fond, la réforme, proposée en matière nucléaire, appelle quelques remarques.

Le rapport de M. Le Déaut laisse planer une ambiguïté sur le contenu réel des missions du nouvel Institut de sûreté et de radioprotection nucléaire qu'il est proposé de créer par décret : cet organisme aura-t-il simplement une fonction d'expertise ou aura-t-il également à prendre des décisions de sécurité, les autorités politiques étant chargées " du choix des grandes options " pour reprendre la formule de M. Le Déaut ?

Si tel devait être le cas, cette démarche serait en contradiction avec un principe maintes fois opposé à votre rapporteur, dans d'autres circonstances touchant à la sécurité sanitaire, selon lequel il n'est pas bon de confier à une même institution les fonctions d'évaluation des risques, de contrôle des installations et de gestion des crises.

Par ailleurs, il apparaît que le nouvel organisme d'expertise en matière nucléaire relèverait de cinq ministères de tutelle, ce qui aboutirait inéluctablement à minorer la place des préoccupations de santé publique , alors que l'agence de sécurité sanitaire environnementale relèverait directement du ministre de la santé et du ministre de l'environnement.

D'une manière générale, votre rapporteur souligne qu'il faut éviter de diluer les sujets sanitaires dans des ensembles trop vastes où ils finissent toujours par être subordonnées aux considérations économiques, financières ou industrielles.

A cet égard, le principe même de la fusion entre le corps de contrôle de la sûreté nucléaire et celui de la radioprotection appelle quelques objections : ne risque-t-on pas de donner un poids excessif au contrôle et à la sécurité technologique par rapport aux impératifs sanitaires ? Les compétences en matière de radioprotection ne vont-elles pas se dissoudre face à l'ampleur des compétences demandées en matière de contrôle des installations ? N'est-il pas dangereux d'isoler le risque radioactif alors que celui-ci peut aller de pair avec un risque chimique ?

Enfin, le fait que le nouvel organisme d'expertise serait un établissement public industriel et commercial, et non administratif, soulève quelques inquiétudes sur son autonomie et son indépendance.

L'indépendance de l'IPSN a été parfois contestée du fait de son appartenance au CEA. Ne serait-il pas logique de commencer par " détacher " l'IPSN d'une structure traditionnellement chargée de promouvoir le nucléaire, de le laisser prouver sa capacité à jouer un rôle de contrôle autonome, avant de le fusionner avec l'organisme chargé de la radioprotection -qui ne lui apporte pas, au demeurant, un avantage considérable en termes de moyens humains et financiers ?

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur a estimé qu'il était opportun de garantir au plus tôt une évaluation de tous les risques environnementaux à partir de la fusion de deux organismes, l'OPRI et l'INERIS, qui sauront se développer à partir de leurs complémentarités.

3. Tirer les conséquences de l'entrée en vigueur du nouveau code de la santé publique

Enfin, votre commission a adopté plusieurs amendements de coordination de références d'articles codifiés ou de nature rédactionnelle en raison de l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction du code de la santé publique.

En effet, par ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique 20( * ) , le Gouvernement a fait adopter une nouvelle rédaction des articles du code de la santé publique ( article premier ) et a abrogé les dispositions relatives à l'ancien code ( article 4 ).

Cette ordonnance a été prise sur la base de la loi d'habilitation n° 99-1071 du 16 décembre 1999 qui a autorisé le Gouvernement à procéder à l'adoption de la partie législative de certains codes.

Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 38 de la Constitution, les ordonnances " entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. A l'expiration du délai, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif ".

La loi n° 99-1071 portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes , dont le code de la santé publique, a prévu que les ordonnances devraient être prises dans un délai de six mois suivant sa publication et que, pour chaque ordonnance, un projet de loi de ratification devrait être déposé dans un délai de deux mois à compter de sa publication.

En l'espèce, les délais ont été respectés puisque l'ordonnance n° 2000-548 sur l'entrée en vigueur de la partie législative du nouveau code de la santé publique est en date du 15 juin 2000 (publiée au Journal Officiel du 22 juin) et que le projet de loi n° 461 portant ratification de l'ordonnance a été déposé devant le Sénat le 13 juillet 2000.

Il reste que, conformément à la jurisprudence administrative, les ordonnances, prises sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, sont juridiquement des actes réglementaires susceptibles de recours devant la juridiction administrative aussi longtemps qu'elles n'ont pas été ratifiées par le législateur.

Le Conseil constitutionnel a considéré qu'il n'y avait pas d'obstacle à ce qu'une ratification intervienne selon d'autres modalités que celles de l'adoption du projet de loi de ratification et que cette ratification peut résulter d'" une manifestation de volonté implicitement mais clairement exprimée par le Parlement " (décision DC n° 72-73 du 29 février 1972).

Votre rapporteur tient donc à souligner, dans le cadre du présent rapport, qu'en proposant d'adopter les modifications du code de la santé publique prévues par cette proposition de loi, il n'entend pas, ce faisant, demander à votre Haute Assemblée de ratifier implicitement l'ensemble du code de la santé publique promulgué par l'ordonnance du 15 juin 2000 .

Les 2.300 articles que comprend le code de la santé publique dans sa nouvelle rédaction, n'auront valeur législative que lorsqu'aura été adopté le projet de loi de ratification déposé le 13 juillet dernier.

Sous cette réserve, votre commission vous proposera d'opérer les ajustements nécessaires par la nouvelle rédaction du code.

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