SENAT

II. LA NÉCESSITÉ D'ÉVITER LA SURBUDGÉTISATION DES CRÉDITS EUROPÉENS

A. UN BUDGET EN AUGMENTATION SOUTENUE

Alors que le budget 2004 faisait montre d'une certaine modération au regard des enjeux de l'élargissement (du moins s'agissant des crédits de paiement 8 ( * ) ), grâce à une rigueur plus prononcée sur les crédits attribués aux Quinze, le projet de budget pour 2005 affiche une progression plus soutenue . L'avant projet de budget présenté par la Commission reposait en effet sur une hausse de 5,2 % (117,2 milliards d'euros) des crédits d'engagement et de 9,8 % des crédits de paiement (109,6 milliards d'euros) par rapport à 2004. Trois facteurs expliquent 80 % de l'évolution des crédits proposée dans le projet de la Commission : le surcoût de l'élargissement en année pleine (3,9 milliards d'euros), la réforme de la PAC (nouvelle aide laitière pour 1,3 milliard d'euros) et la meilleure exécution des fonds structurels.

Le Conseil, en tant que contrepoids politique aux orientations proposées par la Commission, a comme à l'accoutumée minoré l'ampleur de la hausse des crédits, en la ramenant à 4,1 % pour les crédits d'engagement et à 5,4 % pour les crédits de paiement . Le Conseil a opportunément mis en oeuvre les principes auxquels il est attaché : restauration de marges sous plafond sur l'ensemble des rubriques et non pas pour le seul total 9 ( * ) , non recours à l'instrument de flexibilité, prise en compte des niveaux de consommation effectifs sur les exercices précédents. La réduction de 1 milliard d'euros des crédits d'engagement et de paiement de la PAC a toutefois été jugée excessive par la France. Le gouvernement français a également plaidé en faveur d'un relèvement de 63 à 75 millions d'euros des crédits consacrés à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Le renforcement de la dimension politique de l'Union, objectif que partage également votre rapporteur spécial, constitue en effet un des messages privilégiés de notre pays.

Compte tenu des importantes contraintes qui pèsent sur notre déficit budgétaire, en application du Pacte de stabilité et de croissance, et des importants efforts que notre pays accomplit à ce titre afin de revenir sous le seuil des 3 % du PIB en 2005, votre rapporteur spécial considère que le Conseil doit se faire le gardien de la cohérence des politiques budgétaires nationales et communautaire : dans un système confortable où les ressources s'adaptent automatiquement aux dépenses, le budget européen doit manifester la même volonté de discipline et de contrôle des dépenses que celle que la Commission exige des Etats membres.

B. UNE EXÉCUTION EN PROGRÈS MAIS ENCORE PERFECTIBLE

Le budget communautaire est depuis longtemps critiqué pour son amplitude excessive et son insuffisante profondeur, c'est-à-dire une multiplication déraisonnable d'actions ne présentant pas nécessairement la taille critique et les effets d'entraînement adéquats, et des niveaux d'exécution des crédits d'engagement et de consommation des crédits de paiement notoirement faibles dans certains domaines, que la Cour des comptes européenne n'a pourtant de cesse de déplorer.

Votre rapporteur spécial se félicite néanmoins de la progression de la consommation des crédits des politiques internes et surtout des fonds structurels , pour lesquels la tendance devrait être confirmée en 2004 10 ( * ) . En France, les nouvelles procédures de gestion et de contrôle des fonds structurels mises en place fin 2002, qui s'étaient révélées nécessaires pour éviter l'application de la règle du « dégagement d'office », ont porté leurs fruits, notamment par une meilleure sélection des projets structurants et matures à l'échelon régional. Les résultats demeurent toutefois très inégaux selon les instruments et les régions : selon notre collègue député Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale pour les crédits des affaires européennes, le taux de justification des crédits du Fonds social européen dans les régions de l'objectif 2 était ainsi de seulement 70 % fin juillet 2004, mais proche de 100 % pour le Fonds européen de développement régional (FEDER).

L'approfondissement des contrôles exercés par la Commission interministérielle de coordination des contrôles doit également être poursuivie, notamment dans le domaine agricole où les corrections financières infligées à la France pourraient connaître une forte hausse cette année , après trois années d'une diminution qui s'expliquait en partie par le retard pris par la Commission dans le traitement des enquêtes de contrôle.

Les actions extérieures de l'Union et les aides de pré-adhésion font toujours figure de « parent pauvre » de l'exécution des crédits : l'accumulation des restes à liquider est freinée mais atteignait fin 2003 pas moins de 2,5 années d'engagements (soit 12,9 milliards d'euros) pour les actions extérieures et plus de 4 années (9,5 milliards d'euros) pour les aides de pré-adhésion, soit un cumul équivalant à 20 % du budget communautaire alors que les crédits de paiement de ces deux rubriques n'en représentent que 7,6 % dans le projet de budget du Conseil pour 2005 ! Le Conseil devrait dans ces conditions se montrer plus sévère dans la limitation des trop fortes augmentations de crédits proposées par la Commission.

* 8 Les crédits d'engagement du budget 2004 s'inscrivent en hausse de 11,8 % par rapport à ceux du budget 2003, et les crédits de paiement en augmentation de 2,4 %.

* 9 La Commission a en effet proposé de dépasser les plafonds fixés dans l'Agenda 2000 pour les actions extérieures et les dépenses administratives.

* 10 Les crédits de paiement versés au titre des fonds structurels atteignaient fin septembre 2004 les trois quarts des dépenses prévues, soit un rythme d'exécution linéaire.