SENAT

II. LES VERSEMENTS DU BUDGET EUROPÉEN EN FRANCE

Bien que votre rapporteur spécial n'adhère pas à la problématique du « taux de retour » , logique comptable qui tend à exacerber les aspirations individualistes de chaque Etat, devient l'enjeu central des négociations budgétaires, et élude les avantages indirects (non strictement budgétaires) nés de l'adhésion à l'Union européenne, l'analyse des crédits que la France reçoit annuellement de l'Union européenne amène immanquablement à considérer son solde net.

A. LA FRANCE EST LE DEUXIÈME PAYS BÉNÉFICIAIRE DU BUDGET EUROPÉEN

1. La France reçoit près de 17 % des dépenses réparties de l'Union

La France bénéficie largement des politiques communautaires puisqu'elle a reçu en 2003 13.119,6 millions d'euros soit 16,9 % de l'ensemble des versements de la Communauté aux Etats, ce qui en fait le deuxième pays bénéficiaire en volume, derrière l'Espagne (15.842,2 millions d'euros de versements et 20,4 % du total des dépenses opérationnelles réparties) et devant l'Italie (10.530,9 millions d'euros et 13,5 % des dépenses) puis l'Allemagne (10.474,8 millions d'euros et 13,5 %). La grande majorité des paiements reçus résulte de la PAC puisqu'en 2003 80 % de ces versements provenaient du FEOGA-Garantie, et 15,1 % des fonds structurels.

Répartition en volume et en part des dépenses opérationnelles de l'UE depuis 2000

(en milliards d'euros)

 

2000

2001

2002

2003

 

Volume

% UE

Volume

% UE

Volume

% UE

Volume

% UE

Allemagne

10.232,8

13,99

9.852,7

14,85

10.275,3

15,88

10.141,1

13,46

Autriche

1.384,5

1,9

1.387,8

2,02

1.536,6

2,12

1.559,7

2

Belgique

1.958

2,68

1.731,1

2,52

1.872

2,58

1.696,2

2,18

Danemark

1.615,1

2,21

1.307,4

1,9

1.426,9

1,97

1.448,6

1,86

Espagne

10.900,7

14,9

13.616,3

19,81

15.175,2

20,9

15.842,2

20,36

Finlande

1.380

1,89

1.001,4

1,46

1.177,8

1,62

1.322,3

1,7

France

12.187,7

16,7

11.360,3

16,53

11.771,4

16,21

13.119,6

16,86

Grèce

5.570,9

7,62

5.720,5

8,32

4.672,7

6,43

4.836

6,21

Irlande

2.600,2

3,56

2.290,2

3,33

2.563,2

3,53

2.653,3

3,41

Italie

10.770,9

14,73

8.575,2

12,47

8.113,1

11,17

10.530,9

13,53

Luxembourg

105,5

0,14

100,6

0,15

134,7

0,19

148,2

0,19

Pays-Bas

2.226,7

3,04

1.640,9

2,39

1.538,8

2,12

1.940,7

2,49

Portugal

3.245,6

4,44

2.931,7

4,26

3.856,7

5,31

4.754,4

6,11

Royaume-Uni

7.768,2

10,62

5.801,8

8,44

6.020,9

8,29

6.068,4

7,8

Suède

1.194,5

1,63

1.069,9

1,56

1.222,2

1,68

1.430,1

1,84

Source : Commission européenne, rapports sur la répartition des dépenses opérationnelles de l'UE

Dépenses communautaires en France au titre des principales politiques communes depuis 2000

(hors dépenses administratives)

(en millions d'euros courants)

 

2000

2001

2002

2003

Evolution 2000/2003

Part de chaque poste en 2003

AGRICULTURE

9.005,9

9.230,1

9.781,5

10.464,1

16,2 %

79,8 %

Taux de retour*

22,2 %

22 %

22,5 %

23,6 %

Aides directes

6.049,5

6.805,5

7.108,7

7.640,9

26,3 %

58,2 %

Restitutions à l'exportation

1.340,4

656,1

729,5

795,8

-40,6 %

6,1 %

Stockage

370,8

300,0

211,6

152,9

-58,8 %

1,2 %

Développement rural

474,1

609,5

656,8

824,7

73,4 %

6,3 %

Autres (reports compris)

1.141,9

859,1

1.075

1.049,8

-8,1 %

8 %

ACTIONS STRUCTURELLES

2.520,7

1.475,9

1.277,6

1.979,2

-21,5 %

15,1 %

Taux de retour*

9,1 %

6,6 %

5,5 %

7 %

 

Objectif n°1

457,4

315,2

319,9

418,5

-8,5 %

3,2 %

Objectif n°2

952,7

618,4

409,2

1.031,7

8,3 %

7,9 %

Objectif n°3

767,2

309,6

422,3

440,3

-42,6 %

3,4 %

Autres actions structurelles

71,2

0,2

76,3

14,7

-79,4 %

0,1 %

Initiatives communautaires

256,9

226,9

36,5

60,7

-76,4 %

0,5 %

Actions innovatrices et assistance technique

15,3

5,7

13,3

13,3

-13,1 %

 

POLITIQUES INTERNES

661,2

654,3

712,3

676,3

30,8 %

5,2 %

Taux de retour*

13,1 %

13,7 %

12,2 %

13,6 %

Formation, jeunesse, culture, audiovisuel, information et autres actions sociales

104,1

90,6

107,3

108,6

4,3 %

0,8 %

Energie et contrôle de sécurité sanitaire d'Euratom

7,1

7,5

6,6

5,4

-23,9 %

0,1 %

Environnement et autres

9,5

13

8,1

8,4

-11,6 %

0,1 %

Protection des consommateurs, marché intérieur, industrie

24,8

37

36,8

23,1

-6,9 %

0,2 %

Réseaux transeuropéens

58,4

110,1

82,1

83,5

43 %

0,6 %

R&D technologique

446,6

384,3

441,8

438,8

-1,7 %

3,3 %

Autres politiques internes

10,7

11,8

29,5

8,5

-20,6 %

0,1 %

Total

12.187,8

11.360,3

11.771,4

13.119,6

7,6 %

Taux de retour global*

16,7 %

16,5 %

16,2 %

16,9 %

* Le taux de retour constitue la part des dépenses communautaires globales versées à la France.

Source : Commission européenne, rapports sur la répartition des dépenses opérationnelles de l'UE

 

2. Des versements qui reposent essentiellement sur la politique agricole commune

a) Politique agricole

La structure des dépenses effectuées par la Communauté en France est singulière. Notre vocation agricole nous fait bénéficier largement des crédits du FEOGA-Garantie et, à moindre titre, du FEOGA-Orientation (ce dernier constituant un fonds structurel). Ainsi la France a bénéficié en 2003 d'un taux de retour sur le FEOGA-Garantie de 23,4 % 28 ( * ) , nettement supérieur à celui de 2002 qui était de 22,6 %, soit 685 millions d'euros de versements supplémentaires. La France est ainsi le premier bénéficiaire de la PAC, loin devant l'Espagne et l'Allemagne, qui ont des taux de retour respectifs de 14,5 % et 13,1 %. Le taux de retour sur le développement rural, second pilier de la PAC, est inférieur et s'établit à 17,6 % en 2003, soit une forte progression de 2,5 points par rapport à 2002 et un niveau légèrement supérieur au taux de retour théorique, de 17,5 %.

L'augmentation du retour au titre FEOGA-Garantie en 2003 ne peut être considérée comme réellement pérenne , car elle repose pour 40 % sur plusieurs facteurs exceptionnels 29 ( * ) , et le solde s'explique par la mise en oeuvre de la dernière tranche d'augmentation des aides directes prévue par la réforme de la PAC de 1999 : La réforme adoptée le 26 juin 2003 lors du Conseil de Luxembourg devrait en revanche contribuer à diminuer le retour au titre des aides directes à partir de 2004. L'amélioration du retour au titre du développement rural s'explique quant à elle par un « effet de base » en 2002 (paiement d'une pénalité de 21 millions d'euros pour sous-exécution) et par les progrès enregistrés en matière de consommation en 2003 (23 millions d'euros de dépenses supplémentaires par rapport aux prévisions).

b) Politiques structurelles

L'effort de concentration des fonds structurels sur les régions les plus en difficulté, né de la réforme Agenda 2000 30 ( * ) , joint à l'élargissement, se traduisent par une diminution du taux de retour de la France, qui s'établit à 7,6 % sur 2003 (hors fonds de cohésion auquel la France n'est pas éligible) - soit une hausse notable par rapport à 2002 (6,4 %) - et à un peu plus de 7,5 % sur la période 2000-2006, après 9,8 % sur la programmation 1994-1999. Notre pays est donc largement contributeur net à la politique régionale , avec un solde net négatif de 24,6 milliards d'euros sur la période 2000-2006.

La France bénéficie toutefois, sur la période de programmation 2000-2006, d'une enveloppe globale de 15,7 milliards d'euros : 3,8 milliards d'euros au titre de l'objectif 1 ; 6,1 milliards d'euros affectés à l'objectif 2 ; 4,5 milliards d'euros au titre de l'objectif 3 ; et 1 milliard d'euros pour les programmes d'initiative communautaire. Avec respectivement 28,8 % et 17,3 % de taux de retour en 2003 sur les objectifs 2 et 3, la France est bénéficiaire net puisque ces taux se révèlent supérieurs à sa clef de contribution au budget européen.

La prochaine période de programmation, à compter de 2007, impliquera inéluctablement une poursuite de la diminution du taux de retour de la France, compte tenu du nouveau recentrage des aides dû à l'élargissement (cf. seconde partie).

Part de la France dans les dépenses par objectif au titre des fonds structurels

(en millions d'euros)

 

2002

2003

Crédits d'engagements prévus pour la France sur 2000-2006

 

Montant

% du total UE

Montant

% du total UE

Montant

% du total

Objectif 1 (régions en retard de développement)

319,9

2,1 %

418,5

2,2 %

3.805

2,3 %

Objectif 2 (régions en reconversion économique)

409,2

24,9 %

1.031,7

28,8 %

6.050

26,8 %

Objectif 3 (éducation, formation, emploi)

422,3

17,6 %

440,3

17,3 %

4.540

18,8 %

Autres actions structurelles (IFOP)

76,3

49,2 %

14,7

8,3 %

225

20,3 %

Programmes d'initiative communautaire (PIC)

36,5

10,7 %

60,7

8 %

1.046

9,4 %

Actions innovatrices et assistance technique

13,3

7,8 %

13,3

9,5 %

N.D.

N.D.

TOTAL (hors fonds de cohésion)

1.277,6

6,4 %

1.979,2

7,6 %

15.666

N.D.

TOTAL (fonds de cohésion inclus)

1.277,6

5,5 %

1.979,2

7 %

15.666

6,7 %

Source : Commission européenne, rapports sur la répartition des dépenses opérationnelles de l'UE

c) Politiques internes

Comme pour les fonds structurels, les retours dont bénéficie la France au titre des politiques internes sont inférieurs à son taux moyen de contribution au budget communautaire, et sont passés de 15,8 % en 1994 à 13,7 % en 2001. Contrairement aux dispositifs prévus pour la PAC et les fonds structurels, les paiements en France au titre des politiques internes ne transitent pas dans leur totalité par le budget de l'Etat, une partie étant directement affectée à d'autres personnes morales. Les deux principaux postes de dépenses sont la recherche-développement et les réseaux transeuropéens, dont les taux de retour pour la France sont respectivement de 13,5 % - soit un retour à un niveau habituel après le versement de 40 millions d'euros au titre du lancement du TGV Est en 2001 - et 12,9 %.

Part de la France dans les dépenses au titre des politiques internes

(en millions d'euros)

 

2000

2001

2002

 

Montant

Part du total UE

Montant

Part du total UE

Montant

Part du total UE

Formation, jeunesse, culture, audiovisuel, information et autres actions sociales

104,1

14,6 %

90,6

13,2 %

107,3

13,5 %

Energie, contrôle de sécurité nucléaire d'Euratom et environnement

16,6

11,5 %

20,5

10,4 %

14,7

8,1 %

Protection des consommateurs, marché intérieur, industrie et réseaux transeuro.

83,2

9,6 %

147,1

17,9 %

118,9

12,2 %

Dont réseaux transeuropéens

58,4

11,8 %

110,1

23,5 %

82,1

12,9 %

Recherche et développement technologique

446,6

14 %

384,3

13,1 %

441,8

13,5 %

Autres politiques internes

10,7

8 %

11,8

9,7 %

29,5

4 %

TOTAL

661,2

13,1 %

654,3

13,7 %

712,2

12 %

Source : Commission européenne, rapports sur la répartition des dépenses opérationnelles de l'UE

B. LA FRANCE DEMEURE CONTRIBUTEUR NET

Indépendamment des traditionnelles réserves théoriques et méthodologiques 31 ( * ) sur le calcul du solde net entre les versements effectués par chaque Etat membre et les dépenses de l'Union réalisées à leur profit, il apparaît que la France est structurellement contributrice avec un solde net moyen de -1,5 milliard d'euros sur la période 1992-2000 et de - 2,18 milliards d'euros en 2002 (après -2,04 milliards d'euros en 2001), selon la méthode de calcul appliquée par la Commission 32 ( * ) .

La France, avec le Danemark ou la Finlande, est dans une situation médiane entre les pays très contributeurs nets que sont l'Allemagne, la Suède ou les Pays-Bas, et les importants bénéficiaires nets que sont les pays de la cohésion 33 ( * ) (Espagne, Portugal, Grèce). Elle figurait ainsi en 2002 au quatrième rang des contributeurs nets en volume, et au septième rang en part du PIB . Le mode de calcul de la Commission aboutit en outre à placer le Royaume-Uni parmi les contributeurs nets. L'Italie apparaît quant à elle assez fortement contributrice du fait d'un niveau élevé de sous-exécution des fonds structurels. Les soldes nets par Etat membre de 1999 à 2002 sont les suivants :

Solde net par Etat membre après correction britannique (Commission)

(en millions d'euros)

 

1999

2000

2001

2002

 

Montant

% PNB

Montant

% PNB

 
 

Montant

% PNB

Allemagne

-8.494

-0,44

-8.280,2

-0,42

-6.953,3

-0,34

-5.067,8

-0,24

Autriche

-628,8

-0,32

-447,8

-0,22

-536,4

-0,26

-226,3

-0,11

Belgique

-314,6

-0,13

-214,1

-0,09

-629,5

-0,24

-256,4

-0,1

Danemark

122,6

0,08

240,5

0,15

-229,0

-0,13

-165

-0,09

Espagne

7.382,4

1,36

5.346,8

0,91

7.738,3

1,24

8.870,8

1,29

France

30

0,01

-739,4

-0,05

-2.035,4

-0,14

-2.184,2

-0,14

Grèce

3.818

3,27

4.433,3

3,65

4.513,2

3,50

3.387,9

2,39

Finlande

-194,8

-0,17

274,5

0,22

-150,4

-0,12

-5,7

0

Irlande

1.978,7

2,40

1.720,8

1,78

1.203,1

1,13

1.576,7

1,5

Italie

-753,9

-0,07

1.210,1

0,11

-1.977,9

-0,17

-2.884,5

-0,23

Luxembourg

-85,0

-0,46

-56,6

-0,27

-144,1

-0,66

-48,9

-0,25

Pays-Bas

-1.827

-0,51

-1.540,3

-0,39

-2.256,8

-0,54

-2.187,7

-0,51

Portugal

2.858,2

2,72

2.168,5

1,96

1.794,2

1,53

2.692,3

2,14

Royaume-Uni

-2.826,7

-0,21

-2.985,9

-0,20

707,5

0,05

-2.902,8

-0,17

Suède

-897,3

-0,41

-1.059,5

-0,45

-973,3

-0,44

-746,6

-0,29

Source : « jaune » annexé au PLF 2005 et Commission européenne, rapport de la Commission européenne sur la répartition des dépenses opérationnelles de l'UE

Les données définitives pour 2003 ne sont pas encore disponibles. En italiques figurent les contributeurs nets.

* 28 La part de la France dans les dépenses du FEOGA-Garantie en 2003 est particulièrement élevées dans les secteurs des cultures arables, du sucre, de la viande porcine, des oeufs et volailles, et de la pêche.

* 29 850 millions d'euros d'aides directes avaient été versées par anticipation sur le budget 2002, afin de venir en aide aux agriculteurs allemands et italiens victimes de catastrophes naturelles durant l'été ; 225 millions d'euros d'aides animales ont à l'inverse été versées par anticipation en 2003 aux agriculteurs français victimes de la sécheresse ; et 47 millions d'euros ont été remboursés à la France (sur un total de 107 millions d'euros pour les Etats membres) au titre de la décision de la Cour de justice des communautés européennes concernant l'annulation du cofinancement national de la mesure relative à l'achat spécial.

* 30 Le nombre des objectifs de la politique régionale a été réduit de sept à trois. Ces objectifs sont servis par cinq fonds : FEDER, FSE, FEOGA section orientation, IFOP et fonds de cohésion (maintenu en dépit de contestations). La réforme s'est également portée sur une simplification de la mise en oeuvre des fonds et sur le renforcement des procédures de contrôle et d'évaluation.

* 31 Le solde net ne donne qu'un aperçu comptable des écarts de flux financiers et n'intègre pas les gains économiques et induits (croissance des échanges, externalités positives des politiques internes et des fonds structurels, effets du « rattrapage » des pays méditerranéens...), liés à l'appartenance de la France à un marché intérieur unique.

En outre le calcul des soldes nets soulève des difficultés relatives au traitement des ressources propres traditionnelles et à la répartition des dépenses réalisées dans les Etats membres (celles afférentes aux actions extérieures, aux réserves et aux aides de pré-adhésion ne sont par exemple pas comptabilisées dans les retours, compte tenu de l'impossibilité de les imputer précisément sur chacun des Etats membres).

* 32 Le mode de calcul employé par la Commission tend à neutraliser les éléments susceptibles de fausser l'appréciation des soldes (en particulier s'agissant des contributions au titre des ressources propres et des dépenses administratives), et se révèle donc plus complexe mais aussi plus réaliste que la méthode utilisée par la Cour des comptes européenne.

* 33 Qui bénéficient de retours élevés au titre de la politique régionale, de 1,4 milliard d'euros pour la Grèce, 2,6 milliards d'euros pour le Portugal, et 6,9 milliards d'euros pour l'Espagne.