SENAT

SECONDE PARTIE : LE PROJET DE BUDGET DES COMMUNAU TÉS EUROPÉENNES POUR 2005

I. LE NOUVEAU CADRE JURIDIQUE ET FINANCIER DU BUDGET : UN ENJEU AU CENTRE DE L'AVENIR DE L'UNION EUROPÉENNE

A. LES PROGRÈS INSUFFISANTS DU TRAITÉ CONSTITUTIONNEL

Le projet de Constitution européenne, révisé après l'échec de la réunion de décembre 2003 sous présidence italienne, a finalement été approuvé à l'unanimité le 18 juin 2004 par les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union à 25. La plupart des acquis de la Convention sont préservés (personnalité juridique de l'Union, fin de la structure en piliers, distinction entre compétences exclusives, compétences partagées et compétences d'appui, etc.), et sur le plan budgétaire, le traité constitutionnel permet de mettre fin à une pratique institutionnelle pérennisée (tels les accords interinstitutionnels), mais qui ne reposait sur aucun fondement juridique. Ses dispositions, qui en l'attente d'une ratification préalable par tous les membres de l'Union n'entreront probablement pas en vigueur avant 2007, demeurent peu nombreuses quoiqu'importantes :

- les perspectives financières sont consacrées et rebaptisées « cadre financier pluriannuel » (article 54 du traité), mais sa périodicité demeure d'ordre législatif. Les discussions se sont concentrées sur la procédure d'adoption - le Parlement européen craignant d'être écarté du processus - et ont finalement abouti au choix d'une adoption à l'unanimité du Conseil, après approbation par le Parlement européen qui se prononce à la majorité de ses membres. Il y a néanmoins là un facteur de blocage , en deçà des attentes françaises, car on peut douter qu'une Europe élargie à 25 puis 27 membres en 2007 puisse sans risque de paralysie ou de dysfonctionnement majeur continuer durablement de recourir à l'unanimité pour les principales décisions relatives à son financement. Le point 4 de l'article 54 prévoit cependant que l'adoption du cadre financier pluriannuel pourra passer à la majorité qualifiée si le Conseil en décide ainsi préalablement, à l'unanimité ;

- la recherche d'une plus grande efficacité et simplicité de la procédure budgétaire annuelle , tout en préservant le principe de la codécision entre les Conseil et le Parlement. Le nombre de lectures est ainsi réduit de deux à une, et la distinction entre dépenses obligatoires et non obligatoires 34 ( * ) est supprimée. Le projet de la Convention prévoyait initialement un mécanisme de majorité renforcée des 3/5 e au Parlement européen, permettant à ce dernier d'avoir le dernier mot contre l'avis du Conseil. Cette disposition, combattue par la France, a été abandonnée au profit d'un comité de conciliation réunissant les représentants des deux autorités en cas de désaccord, afin de ne pas marginaliser le Conseil dans la procédure.

Outre l'adoption à l'unanimité du cadre pluriannuel, le traité constitutionnel apparaît insuffisamment ambitieux s'agissant du financement de l'Union . Si le traité s'inspire opportunément de la proposition française de séparation en deux étapes de la « décision ressources propres » 35 ( * ) , l'unanimité, qui aurait légitimement dû être circonscrite aux décisions engageant durablement les finances nationales, demeure la procédure de droit commun pour les décisions relatives au financement de l'Union , notamment sous la pression du Royaume-Uni soucieux de conserver un droit de veto sur l'avenir de son « chèque », la majorité qualifiée n'intervenant plus que par délégation.

La question de la création d'un impôt européen demeure ouverte, faute de fondement juridique explicite : le point 3 de l'article 53 dispose qu' « une loi européenne du Conseil fixe les dispositions applicables au système de ressources propres de l'Union; il est possible dans ce cadre d'établir de nouvelles catégories de ressources propres ou d'abroger une catégorie existante », ce qui permet potentiellement la création d'un tel impôt mais ne statue pas sur son opportunité.

B. L'IMPACT DE L'ÉLARGISSEMENT

1. Les crédits consacrés à l'élargissement sur la période 2004-2006 et leur incidence pour les Etats membres

a) Le cadrage issu du Conseil européen de Copenhague

Le budget pour 2004 était historique en ce qu'il était le premier à intégrer un élargissement d'aussi grande amplitude que celui qui a été réalisé le 1 er mai dernier . Le projet de budget avait été formellement adopté pour les quinze anciens membres, puis adapté au nouveau périmètre, selon une procédure simplifiée, par le budget rectificatif et supplémentaire 1/2004 du 29 avril 2004. Les dix nouveaux membres n'ont contribué aux recettes de l'Union qu'à partir du mois de mai (ce qui s'est traduit par une « perte » de recettes de 1,6 milliard d'euros), mais ont bénéficié des paiements communautaires sur les douze mois. Les perspectives financières établies à Berlin pour la période 2000-2006, et plus particulièrement les enveloppes prévues pour l'élargissement, ont également été adaptées afin de tenir compte des conclusions du Conseil européen de Copenhague des 12 et 13 décembre 2002, sans que les plafonds soient dépassés.

Crédits d'engagement maximaux liés à l'élargissement pour les 10 nouveaux membres

(en millions d'euros, aux prix de 1999)

 

2004

2005

2006

Total

Rubrique 1 : agriculture

1.897

3.747

4.147

9.791

1a - PAC

327

2.032

2.322

4.681

1b - Développement rural

1.570

1.715

1.825

5.110

Rubrique 2 : actions structurelles

6.070

6.907

8.770

21.747

Fonds structurels

3.453

4.755

5.948

14.156

Fonds de cohésion

2.617

2.152

2.822

7.591

Rubriques 3 : politiques internes et dépenses transitoires dont :

1.457

1.428

10.372

13.257

Politiques existantes

846

881

916

2.643

Facilité de sûreté nucléaire

125

125

200

450

Facilité de renforcement institutionnel

200

120

60

380

Facilité Schengen

286

302

271

859

Rubrique 5 : dépenses administratives

503

558

612

1.673

Compensations budgétaires

1.273

1.173

940

3.386

Total maximum des crédits d'engagement

11.200

13.813

15.841

40.854

Plafond de Berlin

11.610

14.200

16.870

42.680

Marge

410

403

924

1.737

Source : « jaune » annexé au PLF 2004

 
 
 
 

Rappelons que les principaux acquis du Conseil de Copenhague sont les suivants :

- l'octroi progressif des aides directes agricoles, moyennant une stabilisation des dépenses de marché et des paiements directs à 25 ;

- l'éligibilité au fonds de cohésion et à l'objectif 1 (pour 38 régions présentant un PIB inférieur à 75 % de la moyenne communautaire) ;

- la création de deux facilités budgétaires destinées à atténuer l'impact du paiement immédiat de la contribution au budget communautaire et à garantir qu'aucun nouveau membre ne soit contributeur net dès l'adhésion ;

- une facilité de renforcement institutionnel, dotée de 380 millions d'euros en crédits d'engagement et destinée à prendre le relais des actions financées jusque là par le programme PHARE ;

- une « facilité Schengen » de 858 millions d'euros, destinée à renforcer les contrôles que sept des dix adhérents devront exercer aux frontières extérieures de l'UE ;

- une facilité nucléaire de 375 millions d'euros, en vue du démantèlement de deux centrales nucléaires en Lituanie et en Slovaquie.

b) Coût net pour les Quinze : 15 euros par habitant et par an

En incluant les allègements de contribution (perte de recettes communautaires) dont ont bénéficié les dix adhérents jusqu'en mai 2004, ainsi que les paiements qui seront effectués au titre de l'achèvement des programmes de pré-adhésion engagés avant le 31 décembre 2003, les crédits d'engagement liés à l'élargissement sur la période 2004-2006 peuvent être évalués, aux prix de 1999, à 42,5 milliards d'euros (45,4 milliards d'euros aux prix de 2004), soit le plafond des perspectives financières, et les crédits de paiement à 27,9 milliards d'euros (soit 33,4 milliards d'euros en prix courants).

Le coût net de l'élargissement sur la période, c'est-à-dire déduction faite des contributions des nouveaux Etats-membres au budget (évaluées à 16 milliards d'euros en 2004-2006, sur la base d'un PNB représentant un peu moins de 5 % du PNB communautaire), est d'environ 17,4 milliards d'euros, soit approximativement 15 euros par habitant et par an pour les Quinze.

La France assurera le financement d'environ 20 % des dépenses d'élargissement, soit un montant de 4,06 milliards d'euros sur la période , qui inclut l'application au coût net de l'élargissement de la quote-part de 17 % du financement du budget assurée par la France (17 % x 17,4 milliards d'euros), et un surcoût lié à l'application de la correction britannique à l'ensemble des dépenses d'élargissement (3,3 % x 33,4 milliards d'euros) 36 ( * ) .

On peut donc estimer que l'élargissement crée de 2004 à 2006 un surcoût budgétaire annuel moyen d'environ 1,35 milliard d'euros pour notre pays, soit 22,5 euros par habitant, que l'on peut considérer comme modéré au regard de l'enjeu.

2. Le coût prévisionnel de l'élargissement en 2007-2013

Le chiffrage de l'impact financier de l'élargissement pour l'après 2006 est encore très aléatoire , du fait des probables changements de périmètre avec l'adhésion de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie 37 ( * ) , comme des incertitudes pesant sur les perspectives financières globales, dont les négociations ne font que débuter (cf. infra ). Il est néanmoins certain que ce coût sera nettement plus élevé que l'actuel.

Les estimations conduites par Maxime Lefebvre pour le Centre d'études européennes de Strasbourg (CEES) et l'Institut français des relations internationales (IFRI) dans leur rapport conjoint publié en août 2004 38 ( * ) , fondées sur la proposition de la Commission européenne de cadrage financier pour la période 2007-2013, font apparaître un coût net prévisionnel de l'élargissement de 31,4 milliards d'euros en 2013 (en intégrant l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie) , aux prix de 2004, soit plus de 75 euros par habitant et par an pour les 15 anciens Etats membres, cinq fois plus que sur la période 2004-2006 .

D'après Nicolas-Jean Bréhon 39 ( * ) , « les dépenses liées (soit le coût brut) à l'élargissement peuvent être évaluées entre 29 et 44 milliards d'euros par an entre 2007 et 2013, soit 257 milliards en sept ans . A partir de 2010, les nouveaux Etats membres absorberont plus de la moitié des dépenses de cohésion et plus du quart du budget communautaire. (...) Avec les règles actuelles de financement (la France apportant environ 17 % du budget et 30 % de la correction britannique (...)), la France supporterait un peu moins de 20 % de ce coût, soit 6 milliards d'euros, ou encore 100 euros par habitant et par an ».

Chiffrage du coût d'une éventuelle adhésion turque

Depuis le Conseil européen d'Helsinki de 1999, la Turquie bénéficie du statut de candidat et est donc intégrée au programme budgétaire de préadhésion (instrument PHARE). Les crédits d'engagement octroyés demeurent modestes : 149 millions d'euros en 2003 et 242 millions d'euros en 2004.

Dans l'hypothèse de l'ouverture de négociations, il est vraisemblable que l'adhésion ne pourrait intervenir avant 2014-2015 au plus tôt, compte tenu de la nécessité de « digérer » préalablement l'élargissement à 25, puis à 27 ou 28 Etats membres, et de l'ampleur du défi que constituerait l'adhésion d'un pays qui serait le plus peuplé de l'Union (70 millions d'habitants aujourd'hui, dont 7 millions d'agriculteurs, mais 100 millions à l'horizon 2040) mais dont le PIB par habitant serait quatre fois inférieur à celui de l'Union à 25 . A moyen terme, c'est-à-dire à compter des prochaines perspectives financières, le montant des aides de préadhésion serait sans doute substantiellement accru.

A plus long terme et à cadre réglementaire inchangé, la Turquie atteindrait certainement le plafond de 4 % du PIB fixé pour les aides régionales, soit 22,5 milliards d'euros. Après une montée en puissance progressive, l'adhésion turque pourrait donc conduire à des dépenses supplémentaires annuelles comprises entre 20 et 25 milliards d'euros, et 28 milliards d'euros en 2025, soit près du tiers du budget actuel.

C'est donc peu dire que l'adhésion de la Turquie constituerait un choc budgétaire majeur , qui impliquerait une nouvelle et profonde redéfinition des politiques et de l'envergure du budget communautaire.

Source : « jaune » annexé au PLF 2005

C. LA NÉCESSAIRE REMISE EN CAUSE DE LA CORRECTION BRITANNIQUE

1. Un mécanisme de plus en plus difficile à justifier

Ainsi qu'il a été observé dans la première partie, la correction britannique se révèle de plus en plus coûteuse pour la France. D'un montant de 5,1 milliards d'euros en 2003, elle pourrait passer à 7,1 milliards d'euros en 2007. Elle voit, en outre, ses justifications originelles perdre de leur légitimité :

- les facteurs à l'origine de la correction britannique ont perdu de leur actualité : le Royaume-Uni demeure un important contributeur net, mais au même titre que d'autres Etats membres ; son niveau de richesse relatif s'est également considérablement amélioré depuis 1984 40 ( * ) ; la justification née d'une assiette TVA plus étendue dans ce pays que dans les autres Etats membres s'est réduite (mais demeure dans une faible mesure 41 ( * ) ) à mesure que la ressource TVA diminuait dans le budget communautaire au profit de la ressource PNB ; enfin le faible bénéfice que le Royaume-Uni retire de la PAC est aujourd'hui moins apparent, puisque la PAC représente la moitié - et non plus 70 % - des dépenses de l'Union. Le Royaume-Uni ne participe donc qu'à hauteur de 13 % au financement de l'Union à 25, alors que son PNB en représente 18 % ;

- la lisibilité de l'effort national est amoindrie : le mécanisme de correction est particulièrement complexe et donne prise à des contestations nationales qui relèvent de la problématique comptable et étroite du « taux de retour » (cf. infra) ;

- la perspective de l'élargissement est source d'inégalités de traitement . Les nouveaux Etats membres participent, en effet, à la correction au prorata de leur part dans le PNB communautaire (pour un coût global estimé à 500 millions d'euros en 2005, dont 220 millions d'euros à la charge de la Pologne), et l'essentiel des dépenses affectées à l'élargissement sera à terme soumis à ce mécanisme 42 ( * ) , ce qui conduira à fixer à environ 20 %, contre 17,3 % aujourd'hui, la contribution moyenne de la France aux dépenses d'élargissement.

2. La correction généralisée proposée par la Commission

Dans le cadre de sa proposition de réforme globale du financement de l'Union publiée le 14 juillet dernier, la Commission européenne a présenté un mécanisme destiné à se substituer progressivement au chèque britannique , qui serait redistribué entre les principaux contributeurs nets. Le dispositi, dont le financement serait assuré par l'ensemble des Etats membres, prévoit ainsi que chaque Etat membre bénéficie d'un remboursement des deux tiers de la part de son solde net qui dépasserait - 0,35 % de son RNB. La somme globale des remboursements serait en outre plafonnée à 7,5 milliards d'euros par an, soit le montant moyen prévisionnel de la compensation britannique sur la période 2008-2013. Tout dépassement de ce plafond donnerait lieu à une réduction à due concurrence du taux de remboursement de 66 %.

Des mesures transitoires seraient prévues afin d'alléger l'impact budgétaire pour le Royaume-Uni : ce pays bénéficierait de paiements forfaitaires annuels dégressifs (2 milliards d'euros en 2008, jusqu'à 500 millions d'euros en 2011), compensés par une hausse du taux de remboursement pour les autres Etats (33 % en 2008 puis 66 % en 2011). Ainsi que l'indique le tableau ci-après, l'application de ce régime transitoire ferait du Royaume-Uni le deuxième contributeur net (solde de 0,46 % du RNB), impliquant un fort impact budgétaire de 4 milliards d'euros par an, et non plus le plus faible contributeur net en cas de statu quo . La position de la France connaîtrait quant à elle des variations d'ampleur réduite.

Le Royaume-Uni s'est, de façon logique, fermement opposé à ce mécanisme et est hostile à toute renégociation de son chèque. Le gouvernement français, comme d'autres délégations, a quant à lui fait part de ses réserves et craint l'opacité et la complexité de ce système , qui accentue la promotion de la notion de « juste retour » au détriment du nécessaire débat sur la configuration et les priorités budgétaires de l'Union.

Simulations de soldes nets - Moyenne 2008-2013

(en % du RNB)

 

Sans correction

Statu quo (avec chèque RU)

Correction généralisée sans régime transitoire

Correction généralisée avec régime transitoire

Belgique

1,32

1,21

1,26

1,26

Danemark

-0,2

-0,31

-0,26

-0,26

Allemagne

-0,52

-0,54

-0,48

-0,49

Espagne

0,32

0,23

0,26

0,25

France

-0,27

-0,37

-0,33

-0,34

Italie

-0,29

-0,41

-0,35

-0,36

Pays-Bas

-0,55

-0,56

-0,48

-0,50

Autriche

-0,37

-0,38

-0,41

-0,41

Pologne

3,85

3,76

3,79

3,79

Suède

-0,47

-0,50

-0,45

-0,46

Royaume-Uni

-0,62

-0,25

-0,51

-0,46

Source : « jaune » annexé au PLF 2005, d'après le rapport de la Commission européenne sur les ressources propres

D. LES DIFFICILES NÉGOCIATIONS SUR LE CADRAGE PLURIANNUEL 2007-2013

1. Calendrier et proposition de la Commission

Les débats sur les prochaines perspectives financières (l'« Agenda 2007 ») ont débuté fin 2003 et ont donné lieu à une proposition de la Commission européenne, présentée le 10 février 2004 : « Construire notre avenir commun : défis politiques et moyens budgétaires de l'Union élargie 2007-2013 ». Les discussions s'intensifient depuis la présidence néerlandaise du second semestre de cette année, l'objectif étant d'aboutir au premier semestre 2005 à un accord politique requérant l'unanimité des 25 Etats membres, qui constituerait alors le fondement d'un accord interinstitutionnel entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission. Compte tenu de la difficulté des négociations et de la co-occurrence de plusieurs grands débats européens, une prolongation des débats sous présidence britannique (second semestre 2005), voire autrichienne (premier semestre 2006) n'est pas à exclure . Cette dernière éventualité conduirait toutefois à un retard préjudiciable au démarrage effectif de la nouvelle programmation budgétaire.

Les positions exprimées au sein du Collège des commissaires en 2003 ont parfois été très tranchées, à l'image des divergences de vues qui opposent les Etats membres, mais ont donné lieu à la proposition précitée dont les principaux axes, qui suivent en partie les recommandations du rapport Sapir de l'été 2003 (et qui avait été très controversé) sont les suivants :

- une nouvelle architecture des dépenses communautaires en cinq rubriques de taille inégale , conformément aux principes de la budgétisation par activités : croissance durable (qui comprend les actuelles actions structurelles et certaines politiques internes) ; développement durable et protection des ressources naturelles (qui inclut les deux piliers de la PAC et les dépenses en faveur de l'environnement et de la pêche) ; citoyenneté, liberté, sécurité et justice ; l'Union européenne en tant que partenaire mondial (actions extérieures, aides de pré adhésion et Fonds européen de développement) ; administration ;

- un cadrage financier très ambitieux puisqu'il prévoit que le budget communautaire atteigne, en 2013, 1,27 % du RNB de l'Union en crédits d'engagement (soit un niveau supérieur à l'actuel plafond de Berlin) et 1,15 % en crédits de paiement (cf. tableau infra ), soit des hausses respectives en volume de 31 % (4 % en rythme annuel) et 25 % par rapport à 2006.

Proposition de la Commission européenne pour le cadre financier 2007-2013

(en millions d'euros)

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

1. Croissant durable

46.621

58.735

61.875

64.895

67.350

69.795

72.865

75.950

1a. Compétitivité pour la croissance et l'emploi

8.791

12.105

14.390

16.680

18.965

21.250

23.540

25.825

1b. Cohésion pour la croissance et l'emploi

37.830

46.630

47.785

48.215

48.385

48.545

49.325

50.125

Conservation et gestion des ressources naturelles

56.015

57.180

57.900

58.115

57.980

57.850

57.825

57.805

Dont : Agriculture - Dépenses relatives au marché et aides directes

43.735

43.500

43.673

43.354

43.034

42.714

42.506

42.293

3. Citoyenneté, liberté, sécurité et justice

2.342

2.570

2.935

3.235

3.530

3.835

4.145

4.455

4. L'UE en tant que partenaire mondial

11.232

11.280

12.115

12.885

13.720

14.495

15.115

15.740

Administration

3.436

3.675

3.815

3.950

4.090

4.225

4.365

4.500

Compensation

1.041

120

60

60

 
 
 
 

Total crédits d'engagement

120.688

133.560

138.700

143.140

146.670

150.200

154.315

158.450

Total crédits de paiement

114.740

124.600

136.500

127.700

126.000

132.400

138.400

143.100

Crédits de paiement en part du RNB

1,09 %

1,15 %

1,23 %

1,12 %

1,08 %

1,11 %

1,14 %

1,15 %

Marge sous plafond

0,15 %

0,09 %

0,01 %

0,12 %

0,16 %

0,13 %

0,10 %

0,09 %

Moyenne des crédits de paiement

1,14 % du RNB

 
 
 
 

Source : « jaune » annexé au PLF 2005

 
 
 
 
 
 
 

La Commission a également publié le 14 juillet 2004 un « paquet législatif » confirmant les orientations proposées en février, et comportant un projet d'accord interinstitutionnel, un rapport sur le système des ressources propres et des propositions de règlement dans les domaines de la politique régionale, des réseaux transeuropéens, de l'éducation et de la culture. Le principal apport de cet ensemble de mesures réside dans la proposition de suppression du « chèque britannique » au profit d'un mécanisme généralisé de correction des soldes nets (cf. supra ).

La discussion de ces propositions législatives doit intervenir au cours de l'automne 2004, selon l'approche modulaire recommandée (« building blocks ») par la présidence néerlandaise, qui consiste à présenter, pour chaque rubrique de dépenses, des options alternatives aux propositions de la Commission. Selon qu'un accord sur les grands principes des perspectives sera ou non trouvé d'ici la fin de l'année, il sera possible de déterminer si l'objectif d'un accord politique mi 2005 est réaliste ou non.

2. La position de la France et de ses partenaires européens

L'approche suivie par la Commission est loin de susciter un consensus au sein du Conseil. Dès décembre 2003, six Etats membres, parmi lesquels la France (avec l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède), avaient apporté leur contribution au débat par une lettre de leurs chefs d'Etat et de gouvernement, dans laquelle ils exprimaient leur souhait de voir les dépenses stabilisées à leur niveau actuel, et par conséquent ne pas dépasser 1 % du RNB de l'Union . La Commission n'a pas tenu de cette position commune et a privilégié une optique extensive, à laquelle sont favorables la plupart des nouveaux Etats membres et les trois pays de la cohésion (Espagne, Portugal et Grèce).

Les six signataires de la lettre considèrent que l'évolution du budget européen doit être cohérente avec les contraintes budgétaires nationales qu'impose le Pacte de stabilité , et qu'un effort de hiérarchisation des priorités et de redéploiement, notamment par une plus grande concentration des actions structurelles sur les nouveaux Etats membres, est nécessaire pour assurer la stabilisation du budget, à laquelle contribue déjà le nouveau cadre de la PAC décidé sous l'impulsion franco-allemande lors du Conseil européen de Bruxelles d'octobre 2002. Le gouvernement français a également rappelé la nécessité de fixer en premier lieu le cadre des dépenses , plutôt que de rendre ce débat concomitant de celui des recettes, ce qui est la stratégie suivie jusqu'à présent par la Commission.

Pour la France, le cadrage budgétaire de la Commission se traduirait en effet par un surcoût brut de 6 milliards d'euros en 2013 par rapport à 2006, et une détérioration de son solde net de 4 à 5 milliards d'euros.

Le rapport de notre collègue député Marc Laffineur et de notre collègue sénateur Serge Vinçon , remis au Premier ministre le 24 février 2004, outre qu'il constitue une démarche originale et très bienvenue d'association en amont du Parlement aux débats budgétaires européens, apporte un éclairage précis et argumenté sur les enjeux déterminants qui attendent l'Europe et la France.

Leur constat et leurs préconisations rejoignent assez largement la position exprimée par le gouvernement : la proposition de la Commission n'est en l'état pas acceptable, présente une méthodologie contestable et manifeste un manque de réflexion stratégique, le mécanisme de correction budgétaire généralisé est contraire à l'esprit communautaire, et le scénario à 1 % du RNB de l'Union doit demeurer l'approche prioritaire de la France . Un scénario intermédiaire tablant sur des crédits d'engagement à 1,10 % du RNB est toutefois proposé à titre informatif. Les auteurs du rapport manifestent également leur attachement au cadre financier de la PAC, tel qu'il a été acté en octobre 2002, et considèrent que la politique régionale doit être en premier lieu tournée vers les nouveaux membres de l'Union par redéploiement des fonds en provenance des actuels bénéficiaires, au premier rang desquels les pays de la cohésion. Dans ce contexte, l'objectif 2 ne devrait pas, selon eux, constituer la seule variable d'ajustement.

* 34 Les dépenses non obligatoires, qui représentent environ 60 % du budget, sont celles pour lesquelles le Parlement européen détient le dernier mot.

* 35 Un premier « étage » décidé à l'unanimité des Etats membres avec ratification par les parlements nationaux, un second étage relatif aux modalités de financement, décidé à la majorité qualifiée des Etats membres avec approbation du Parlement européen.

* 36 Le mécanisme de correction britannique s'applique en effet aux dépenses dont bénéficient les nouveaux Etats-membres, imputées sur les rubriques 1, 2, 3 et 5 du budget. Le Royaume-Uni se voit rétrocéder les deux tiers de sa contribution, soit environ 12,2 % du coût global de l'élargissement et 4,1 milliards d'euros cumulés sur la période. La France contribue à hauteur de 27 % (30,3 % avant l'élargissement) à ce mécanisme, ce qui représente 3,3 % du coût global de l'élargissement.

* 37 L'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie est acquise : ces deux Etats ont entamé leurs négociations d'adhésion début 2000 et ont vocation à intégrer l'UE en 2007, suivant le calendrier précisé au Conseil européen de décembre 2003 et rappelé par la Commission européenne le 6 octobre. Pour ces deux pays, l'objectif est de signer le traité d'adhésion dès 2005. Une clause pourrait néanmoins autoriser la Commission à reporter d'un an l'adhésion, si des difficultés sérieuses survenaient dans les préparatifs.

La Croatie a déposé une demande d'adhésion en février 2003, et le Conseil européen lui a formellement reconnu le statut de pays candidat en juin 2004. L'ouverture des négociations d'adhésion pourrait intervenir début 2005, mais la Commission a d'ores et déjà élaboré une stratégie budgétaire de préadhésion en bonne et due forme, impliquant notamment le transfert des crédits versés à la Croatie de la rubrique « actions extérieures » vers la rubrique « préadhésion ». La Croatie espère intégrer l'UE à la même date que la Roumanie et la Bulgarie, soit en 2007.

Le Conseil européen a également réaffirmé constamment, depuis juin 2000, la vocation à intégrer l'Union de l'ensemble des Etats des Balkans occidentaux.

* 38 « Quel budget européen à l'horizon 2013 ? Moyens et politiques d'une Union élargie ».

* 39 In Le Monde Economie du 29 septembre 2004 : « Coût de l'élargissement, les vrais chiffres ».

* 40 Le Royaume-Uni est aujourd'hui le pays le plus riche de l'Union selon le critère du PNB par habitant mesuré en parité de pouvoir d'achat, qui s'élève à 111,2 (104,2 pour la France) en 2003 pour une moyenne de l'UE à 100.

* 41 L'assiette TVA du Royaume-Uni représente encore 19 % de l'assiette de l'UE 25, pour un PNB équivalent à 18 % de celui de l'Union.

* 42 Dans la mesure où les dépenses d'élargissement ne bénéficieront naturellement pas au Royaume-Uni et dégraderont donc son déséquilibre budgétaire.