M. Michel MERCIER

V. LES OBJECTIFS ET LES INDICATEURS DE LA MISSION « RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES »

Les crédits du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales figureront au sein d'une mission ministérielle intitulée « relations avec les collectivités territoriales », comportant trois programmes : un programme général et un programme par catégorie de collectivités territoriales (communes et groupements de communes, départements, régions). Il convient toutefois de noter que ces crédits ne représentent qu'une petite part des concours financiers de l'Etat à ces collectivités, qui pour leur plus grande part, figurent désormais en prélèvements sur recettes. On notera d'ailleurs qu'en annexe de l'avant-projet annuel de performance relatif à la mission précitée, sont associés aux prélèvements sur recettes des objectifs et des indicateurs. Enfin, afin de disposer d'une vision complète des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, il conviendrait également de tenir compte du programme « remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » (crédits évaluatifs) de la mission « remboursements et dégrèvements ».

A. LE PROGRAMME « CONCOURS FINANCIERS AUX COMMUNES ET AUX GROUPEMENTS DE COMMUNES »

L'avant-projet annuel de performance précise que « ce programme, dont le Directeur général des collectivités territoriales est responsable, regroupe l'ensemble des concours financiers attribués aux communes et à leurs groupements gérés par le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, en vue de répondre aux objectifs suivants : soutien à l'investissement local, couverture générale des charges de ces collectivités, renforcement de la péréquation, développement de l'intercommunalité. (...)

« Il convient de rappeler que les crédits budgétaires ne retraçent qu'une faible partie de l'effort financier de l'Etat aux communes et à leurs groupements : alors que les crédits budgétaires du programme représentent 0,6 million d'euros, près de 21 milliards d'euros sont versés aux communes et à leurs groupements en prélèvements sur recettes.

« Les prélèvements sur recettes sont détaillés et commentés dans une annexe informative « jaune » au projet de loi de finances qui leur est consacrée. Ils font par ailleurs l'objet de fiches « objectifs » et « indicateurs » distinctes mais complémentaires des projets annuels de performances ».

Par ailleurs, le ministère de l'intérieur souligne que « une grande partie des crédits affectés aux collectivités territoriales obéissent à des règles de calcul et d'évolution qui constituent pour elles autant de garanties. (...) Pour ces dotations, l'Etat ne saurait se fixer d'autre objectif que de respecter les engagements que lui imposent les textes constitutionnels et législatifs.

« D'autres crédits répondent en revanche à une logique de projet et d'effet de levier : c'est alors la capacité de l'Etat à soutenir durablement les projets des collectivités territoriales, en évitant le saupoudrage, que cherchent à mettre en évidence les indicateurs retenus ».

1. Le soutien aux projets des communes et groupements de communes

Cette action regroupe les crédits de la dotation globale d'équipement (DGE) et de la dotation de développement rural (DDR), dont la finalité est de soutenir les projets d'investissement des groupements de communes, ainsi que des communes, s'agissant de la DGE. Elle représente un montant de crédits de 362,631 millions d'euros en loi de finances pour 2004

Un objectif unique est associé à cette action, intitulé « promouvoir les projets de développement local », explicité à l'aide de deux indicateurs destinés à mesurer « l'effet de levier » des dotations susmentionnées, c'est-à-dire leur caractère incitatif.

L'indicateur n° 1 mesure l'évolution du volume des investissements des collectivités locales réalisés grâce aux subventions DGE ou DDR. Il est précisé que celle-ci « doit être calée au moins sur le taux d'investissement des APU (administrations publiques) ».

Cet indicateur est pertinent car il répond bien à l'objectif fixé pour les deux dotations. Il convient toutefois de préciser ce qu'il convient d'entendre par « grâce aux subventions » : au sens strict, il s'agirait ici de mesurer les investissements qui n'ont été réalisés que grâce aux subventions accordées dans le cadre de la DGE et de la DDR, et qui n'auraient donc pas été réalisés en l'absence de subventions. Il apparaît cependant qu'une telle mesure est impossible à mettre en oeuvre, puisqu'elle reviendrait à connaître les décisions qu'auraient prises les collectivités territoriales en l'absence de subventions. Par conséquent, la mesure porte sur les investissements ayant bénéficié d'une subvention, ce qui constitue une approximation de l'intitulé retenu. Il semblerait donc davantage pertinent de mesurer les investissements des collectivités locales « ayant bénéficié d'une subvention » plutôt que « réalisés grâce » à la DGE ou la DDR. Cet indicateur présente par ailleurs un biais puisqu'il est mécaniquement amélioré grâce à un saupoudrage des subventions, qui est contraire à l'effet incitatif recherché. Ce biais est toutefois levé par le second indicateur, décrit ci-après.

L'indicateur n° 2 porte sur les taux moyen de subvention. Il permet de neutraliser le biais susmentionné du premier indicateur, en mesurant la concentration des subventions accordées aux collectivités locales. Le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales indique qu'il « s'agit de s'assurer que les subventions allouées exercent un véritable effet incitatif sur les investissements financés. La cible serait ainsi formulée sous la forme d'une fourchette signifiant le souhait de l'Etat de s'assurer de l'effet de levier de ses dotation en évitant une concentration exagérée comme un saupoudrage qui leur ferait perdre leur caractère déterminant ». Aucune précision n'est donnée, à ce stade, sur la fourchette qui pourrait être retenue, et qui permettrait d'éviter les deux écueils susmentionnés. On notera que les deux objectifs associés à l'action sont complémentaires, puisque seule leur lecture combinée permet d'avoir une image claire de l'impact des dotations.

Votre rapporteur spécial regrette toutefois que ne soit pas proposé un indicateur concernant l'efficacité des procédures de subventionnement des opérations d'investissement des collectivités locales. Il rappelle que, lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2004 au Sénat, le rapporteur général, notre collègue Philippe Marini, avait interrogé le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, alors Alain Lambert, sur la consommation des crédits de la dotation de développement rural et de la dotation générale d'équipement, soulignant que « ce sont les deux dotations dont le taux de consommation est le plus faible. Les élus locaux s'en étonnent car ils ont le sentiment sur place que les crédits sont rares ».

Alain Lambert avait, en réponse, indiqué notamment que « le financement d'opérations donne lieu à des excursions des porteurs de projet vers les différents guichets. (...)

« D'abord, on obtient une dotation globale d'équipement. Ensuite, il faut obtenir, si possible, une subvention du département. Enfin, si le projet est suffisamment intéressant, la région peut octroyer une subvention. Et pour peu que l'on se situe dans une zone européenne, un dossier est également en cours à l'échelon européen. Au total, il faut, sinon quatre ou cinq ans, (...) au moins deux ans pour boucler le financement. Il y a là une cause importante de retard dans l'emploi des crédits. Nous devons simplifier les choses (...) ».

Votre rapporteur spécial considère qu'il serait utile d'étudier les possibilités de créer un indicateur permettant de calculer les délais de mise en oeuvre des investissements subventionnés par la DGE ou la DDR, afin de mesurer non seulement l'efficacité des aides, mais aussi leur « réactivité » par rapport aux projets des collectivités locales.

2. La dotation générale de décentralisation (DGD)

Le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales indique que « cette action reprend une partie des dotations destinées à compenser les charges globales de fonctionnement des communes résultant d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences ». Aucun indicateur n'est associé à cette action, dès lors qu'il s'agit d'une dotation dont le montant est déterminé par la loi. Pour autant, il est nécessaire de faire figurer cette dotation dans une action spécifique, dès lors que son objet est clairement distinct de celui des dotations susmentionnées.

Votre rapporteur spécial considère que, dès lors que la finalité de la DGD est la « compensation des charges résultant d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences », il serait possible d'en mesurer la performance en comparant le coût des charges transférées et le montant de la ressource transférée, puisqu'il s'agit bien ici de mesurer la capacité de la dotation accordée aux collectivités territoriale de financer les compétences qui leur ont été confiées. Votre rapporteur spécial relève d'ailleurs qu'une telle mesure est prévue par l'article 118 de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, qui modifie l'article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales pour prévoir que la commission consultative sur l'évaluation des charges établit chaque année, à l'intention du Parlement, un bilan de l'évolution des charges transférées qui « retrace; pour chaque catégorie de collectivités territoriales, l'évolution du coût des compétences qui leur ont été transférées ou confiées au cours des dix dernières années ». Un indicateur reprenant le principe de ce bilan annuel pourrait donc être mis en place au service d'un objectif de « juste compensation » des transferts de compétences.

B. LE PROGRAMME « CONCOURS FINANCIERS AUX DÉPARTEMENTS »

Le programme « concours financier aux départements » comporte d'importantes similitudes avec le programme précédent. Il regroupe l'ensemble des concours financiers attribués aux départements gérés par le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, « en vue de répondre aux objectifs suivants : soutien à l'investissement local, couverture générale des charges de ces collectivités, renforcement de la péréquation, développement de l'intercommunalité ».

Comme pour le programme précédent, il est souligné que les crédits budgétaires (0,96 milliard d'euros) ne représentent qu'une faible part des concours financiers de l'Etat (11,3 milliards d'euros sont versés aux départements sous la forme de prélèvements sur recettes, qui sont détaillés dans une annexe « jaune » et font l'objet de fiches « objectifs » et « indicateurs » distinctes du projet annuel de performance).

1. Les aides à l'équipement des départements

Cette action, dotée de 753 millions d'euros en loi de finances pour 2004, reprend les actuelles dotation départementale d'équipement des collèges et dotation globale d'équipement (DGE) des départements.

Cette action est accompagnée d'un objectif unique consistant à « promouvoir les investissements des départements ». Il est précisé que « la DGE des départements obéit largement à une logique de taux de concours : elle est attribuée pour l'essentiel au prorata des dépenses directes d'investissement effectuées durant l'année en cours pour les départements ». Cette logique diffère des critères d'attribution de la DGE des communes et explique que le seul indicateur retenu soit le volume d'investissement des départements soutenus par la DGE.

Cet indicateur paraît particulièrement fruste, et ne permet guère de mesurer la « performance » de la DGE des départements, puisqu'elle ne met aucunement en évidence l'effet de levier recherché.

La DDEC, quant à elle, est destinée à « compenser les charges d'investissement liées au transfert de la gestion des collèges aux départements ». Les mêmes remarques que celles susmentionnées relatives à la DGD semblent devoir être mentionnées : dès lors qu'il s'agit de compenser une charge, le meilleur indicateur de performance semble devoir être la comparaison entre l'évolution de la ressource et celle de la charge. Toutefois, une telle appréciation n'est, à l'évidence, pas simple : dès lors que la ressource fait l'objet d'une indexation déterminée par voie législative, la correspondance entre la dépense et la ressource transférée ne peut être améliorée que par une diminution de la dépense, ce qui n'est pas nécessairement - voire pas du tout - souhaitable, s'agissant ici de l'équipement des collèges.

On constate donc que le questionnement autour de la performance d'une dotation destinée à compenser un transfert, une création ou une extension de compétence est fondamentalement un débat politique, qui conduit à s'interroger sur ce qui constitue une « juste » compensation, tant du point de vue des finances de l'Etat que de celles des collectivités territoriales.

2. La dotation générale de décentralisation (DGD)

Comme pour le programme précédent, cette action ne fait l'objet d'aucun objectif ou indicateur, puisqu'elle reprend une partie des dotations destinées à compenser les charges globales de fonctionnement des départements résultant d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences.

C. LE PROGRAMME « CONCOURS FINANCIER AUX RÉGIONS »

Comme le programme « concours financier aux départements », le programme « concours financiers aux régions » regroupe l'ensemble des concours financiers attribués aux départements gérés par le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, « en vue de répondre aux objectifs suivants : soutien à l'investissement local, couverture générale des charges de ces collectivités, renforcement de la péréquation, développement de l'intercommunalité ». Par ailleurs, le montant des crédits budgétaires ne représente qu'un montant de 2,76 milliards d'euros, contre 4,8 milliards d'euros qui sont versés aux régions en prélèvements sur recettes, et font l'objet d'une documentation distincte.

1. Les aides à l'équipement des régions (DRES)

Cette action reprend l'actuelle dotation régionale d'équipement scolaire (DRES), soit un montant de 582 millions d'euros en 2004. Cette action n'est pas accompagnée d'objectifs et d'indicateurs, pour les raisons évoquées plus haut au sujet de la DDEC.

2. La dotation générale de décentralisation (DGD)

Les mêmes observations que celles relatives à la DGD des communes et des départements trouvent à s'appliquer à la DGD des régions.

D. LE PROGRAMME « CONCOURS SPÉCIFIQUES ET ADMINISTRATION »

Ce programme regroupe « l'ensemble des concours financiers spécifiques gérés par le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, ainsi que les moyens dont la finalité est de concourir à la réalisation des autres programmes de la mission ». Il s'agit donc d'un programme « hybride », à la fois programme « support » et programme « fourre-tout », puisqu'il accueille les crédits qui ne trouvent pas leur place dans les autres programmes de la mission.

1. Les aides exceptionnelles aux collectivités territoriales

Cette action regroupe les subventions destinées à soutenir les collectivités territoriales qui sont « déstabilisées » par des « circonstances exceptionnelles » qui appellent un effort de solidarité nationale, pour un montant total de 135,258 millions d'euros en loi de finances pour 2004.

Le premier objectif associé à cette action consiste à « soutenir un rétablissement rapide des collectivités territoriales déstabilisées par des circonstances exceptionnelles ». L'indicateur associé à cet objectif mesure le délai moyen de réalisation des opérations achevées dans l'année, ainsi que le pourcentage des opérations achevées dans un délai de cinq ans. Cet indicateur semble constituer un outil pertinent pour mesurer la réactivité des subventions accordées aux communes en difficulté, par exemple à la suite de catastrophes naturelles.

Le second objectif associé à cette action consiste à « garantir une gestion des dotations adaptée aux contraintes des collectivités locales ». Le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales précise qu'il « s'agit de maximiser l'exactitude des montants de dotations notifiées aux collectivités locales tout en informant les collectivités de leurs dotations dans des délais compatibles avec le vote des budgets locaux ». L'objectif se conçoit donc du point de vue de l'usager, c'est-à-dire des collectivités territoriales, et concerne directement l'efficacité du travail effectué par la direction générale des collectivités locales (DGCL), tant en terme de qualité que de rapidité.

Trois indicateurs permettent d'éclairer la réalisation de cet objectif :

1) le nombre et le montant des rectifications opérées en cours d'année ;

2) le nombre de rectifications liées à la prise en compte d'une donnée erronée dans les calculs ;

3) la date de communication des dotations sur internet.

S'agissant des indicateurs 1 et 2, votre rapporteur spécial ne conteste pas leur utilité, puisqu'ils constituent des éléments significatifs de la qualité du travail de la DGCL. Il note toutefois que le bon renseignement de ces indicateurs doit être contrôlable, et qu'il doit donc être possible de vérifier le nombre de rectifications opérées par la DGCL.

2. L'administration des relations avec les collectivités territoriales

Cette action porte sur les objectifs généraux de la DGCL, qui concernent à la fois la qualité du travail normatif, et en particulier, les délais de production des textes d'application, l'amélioration de l'élaboration de la norme avec les organismes consultatifs et l'amélioration de l'information des collectivités territoriales et de l'administration territoriale sur la décentralisation.

Le premier objectif concerne la réduction des délais d'élaboration des textes d'application relevant de la responsabilité de la DGCL, dont il est précisé qu'il ne devra excéder 6 mois à compter de la publication de la loi. Cet objectif est mesuré à l'aide d'un indicateur concernant les délais réels de parution des textes réglementaires relevant de la responsabilité de la DGCL. Votre rapporteur spécial considère que cette mesure pourrait être améliorée en précisant, en outre, la proportion de ces textes dont le délai de parution excède la cible fixée, soit 6 mois à compter de la publication de la loi.

Le deuxième objectif consiste à améliorer l'élaboration de la norme avec les organismes consultatifs (Comité des finances locales, Commission consultative sur l'évaluation des charges, Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, Conseil national des opérations funéraires). Le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales souligne la spécificité du droit applicable aux collectivités territoriales, dont l'efficacité tient en partie au fait qu'il prend en compte les caractéristiques propres aux conditions de fonctionnement des collectivités territoriales. Il précise que « cet objectif passe par la consultation des organismes prévus à cet effet par la loi et garants d'une qualité des normes élaborées. La DGCL recherche, dans ce cadre, à recueillir sur les projets de textes du gouvernement un avis favorable de ces organismes consultatifs ».

L'indicateur associé à cet objectif mesure la proportion de textes soumis par le ministère de l'intérieur à l'avis des organismes ayant reçu un avis favorable. Votre rapporteur spécial considère que devra être précisé, à l'appui de cet indicateur, le nombre de textes considéré, afin de donner une idée de la représentativité des données de l'indicateur.

Le troisième objectif consiste à améliorer l'information des collectivités territoriales et de l'administration territoriale sur la décentralisation, considérant que « la qualité du droit passe aussi par son accessibilité et sa visibilité ».

L'indicateur n° 1 associé à cet objectif mesure le taux de réponses aux élus locaux et aux pouvoirs publics. Il semble utile, mais mériterait toutefois d'être complété par une mesure des délais de réponse.

L'indicateur n° 2 mesure le nombre de visites supérieures à une minute sur les sites intranet et internet de la DGCL. Cet indicateur permet de mesurer la qualité des informations disponibles sur le site de la DGCL, dont il convient de souligner qu'il est en concurrence avec de nombreux sites afférents aux collectivités territoriales. Par conséquent, il constitue un bon indicateur, de nature à favoriser l'enrichissement du contenu du site.

E. LES OBJECTIFS ET LES INDICATEURS DE RÉSULTATS DES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES

La loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances conduit à ne faire figurer dans les missions et les programmes que les crédits budgétaires, et n'exige donc pas que les prélèvements sur les recettes de l'Etat - dont son article 6 autorise désormais de manière explicite le recours au profit des collectivités territoriales - soient accompagnés d'objectifs et d'indicateurs de performance. Toutefois, il convient de rappeler que la frontière entre les crédits budgétaires et les prélèvements sur recettes est mouvante, s'agissant des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, comme en témoigne d'ailleurs le passage en prélèvements sur recettes, via leur intégration dans la DGF, de nombreuses dotations budgétaires par la loi de finances pour 2004. Il convient donc de saluer l'initiative consistant, sur ce point, à traiter de manière similaire les crédits budgétaires et les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales.

En introduction, le ministère rappelle que « les trois quarts environ des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales sont constitués de prélèvements sur recettes. Si la loi organique relative aux lois de finances ne fait pas l'obligation de leur fixer des objectifs et des indicateurs dans des conditions identiques à celles qui s'appliquent aux crédits budgétaires, il aurait été d'autant plus regrettable de ne pas étendre le débat parlementaire à ces prélèvements qu'ils jouent un rôle essentiel dans les efforts menés par l'Etat pour assurer une péréquation accrue entre les collectivités territoriales et faciliter la mutualisation de leurs moyens par le développement de l'intercommunalité ».

De manière symétrique aux crédits budgétaires, la présentation des objectifs et des indicateurs fait l'objet de trois rubriques, correspondant aux trois programmes de la mission. Les objectifs et les indicateurs portant sur la péréquation des ressources entre les collectivités territoriales sont similaires pour les trois catégories de collectivités. Les commentaires suivants portant sur cet objectif, applicables aux communes et à leurs groupements, sont donc transposables aux éléments concernant les départements et les régions.

A. LES CONCOURS FINANCIERS AUX COMMUNES ET AUX GROUPEMENTS DE COMMUNES

Outre les éléments relatifs à la péréquation des ressources entre les collectivités, les concours financiers aux communes et leurs groupements se voient assigner deux objectifs spécifiques, relatifs au développement de l'intercommunalité.

1. Accroître le degré d'intégration des groupements

Le premier objectif est d' « accroître le degré d'intégration des groupements », soit « achever la couverture du territoire des EPCI à fiscalité propre, tout en veillant à ce que les groupements soient un acteur central du développement local ».

Votre rapporteur spécial considère en effet que cet objectif anime, depuis la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, un pan important de la politique menée en direction des communes.

Les deux indicateurs concernent le niveau du coefficient d'intégration fiscale (CIF), qui mesure le degré d'intégration ou l'importance des compétences transférées aux groupements, et le rapport entre la population regroupée dans des EPCI à taxe professionnelle unique (TPU) et la population totale regroupée en EPCI, qui permet de mesurer le développement de la TPU comme source de financement de l'intercommunalité.

Sur le premier indicateur, votre rapporteur spécial souligne la nécessité de neutraliser l'impact des variations dans la définition du CIF, dont le niveau a varié de manière importante dans le passé, compte tenu, par exemple, du degré de prise en compte des dépenses de transfert.

2. Achever la couverture du territoire par l'intercommunalité

Le second objectif devrait, en bonne logique, précéder l'objectif n° 1, puisqu'il vise à « achever la couverture du territoire par l'intercommunalité », précisant que « l'émiettement communal français pose la question de la mise en commun des moyens pour améliorer les services aux citoyens ».

L'indicateur retenu est d'une grande simplicité, puisqu'il consiste à mesurer la proportion de la population et des communes couverte par l'intercommunalité.

Votre rapporteur relève que cet indicateur pourrait être affiné afin de mesurer le degré de développement de l'intercommunalité en fonction de critères géographiques (espaces ruraux ou urbains...).

B. ASSURER LA PÉRÉQUATION DES RESSOURCES ENTRE COLLECTIVITÉS

Le troisième objectif concerne la péréquation des ressources entre les collectivités. On rappellera que l'objectif et les indicateurs retenus pour les départements et les régions sont similaires à ceux présentés ci-dessus pour illustrer l'objectif consistant à assurer la péréquation des ressources entre les collectivités.

Le ministère de l'intérieur rappelle que « l'objectif de péréquation des ressources financières des collectivités locales sous-tend de nombreuses dispositions relatives aux dotations de l'Etat et à la fiscalité locale, dont les mécanismes visent à aider les collectivités considérées comme défavorisées compte tenu de leur niveau de ressources et de charges. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 consacre la péréquation comme une exigence constitutionnelle, en disposant que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales » ». Cet objectif est commun aux trois catégories de collectivités distinguées au sein des prélèvements sur recettes.

Plusieurs indicateurs ont été retenus pour illustrer cet objectif :

? l'indicateur n° 1 porte sur les « volumes financiers relatifs consacrés à la péréquation », qui mesure la part des dotations de péréquation (DNP, DSU, DSR, dotation d'intercommunalité) et du FSRIF (fonds de solidarité de la région Ile-de-France) dans l'ensemble des dotations. Cet indicateur est utile, mais constitue toutefois une approximation, dès lors que :

- d'une part, il est évident que l'intercommunalité permet, via la mise en commun des ressources des communes et leur redistribution, d'assurer une certaine péréquation au niveau local. En particulier, la mise en commun de la taxe professionnelle sur un périmètre intercommunal a contribué à réduire les distorsions entre voisins. Pour autant, il paraît délicat de considérer que la dotation d'intercommunalité est une dotation exclusivement péréquatrice;

- d'autre part, les travaux du Commissariat général eu Plan sur les effets péréquateurs des concours de l'Etat aux collectivités territoriales 17 ( * ) ont montré que la DGF permettait de corriger, à hauteur de 40 %, les inégalités de ressources entre communes (contre 34 % en 1994), soulignant que l'intensité péréquatrice des concours de l'Etat ne pouvait être définie en fonction de l'objet de chaque dotation.

? l'indicateur n° 2 mesure le rapport entre le niveau de dotations par habitant versées par l'Etat aux communes les plus pauvres et le niveau de dotations par habitant servi en moyenne par l'Etat. Cet indicateur permet de montrer dans quelle mesure l'Etat compense la faiblesse des ressources des communes les plus défavorisées par les dotations. Il semble toutefois un peu fruste : il ne permet pas, en particulier, de mettre en évidence les situations qui ne sont pas correctement appréhendées par les dotations de l'Etat. La revue « La Gazette des communes » comparait deux villes à la population comparable (proches de 10.000 habitants) et montrait que celle qui disposait d'un potentiel fiscal par habitant de 839 euros bénéficiait d'une attribution de DGF près de deux fois supérieure (268 euros par habitant) à celle qui disposait d'un potentiel fiscal de seulement 453 euros par habitant (DGF par habitant : 175 euros).

? l'indicateur n° 3 reprend la méthodologie retenue par le Commissariat général au Plan pour mesurer l'effet péréquateur des concours de l'Etat, afin de mesurer le taux de correction, grâce aux dotations de l'Etat, des inégalités de ressources des collectivités corrigées en fonction de leurs charges. Cet indicateur permettrait de mesurer, tous les cinq ans, l'efficacité global de l'effort mené en faveur de la péréquation.

* 17 « Evaluation des effets péréquateurs des concours de l'Etat aux collectivités territoriales », Commissariat général au Plan, Guy Gilbert, professeur à l'ENS Cachan, et Alain Guengant, directeur de recherche au CNRS, université de Rennes-I, juillet 2004.