M. Henri de RAINCOURT

IV. LE PROGRAMME 216 « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'INTÉRIEUR »

A. UN PROGRAMME DE SOUTIEN À UN MINISTÈRE PLUS QU'À UNE MISSION

Pour 2007, le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » définit une stratégie d'actions des services du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Cette stratégie est organisée selon quatre axes : réforme des structures, amélioration de l'efficience en matière de ressources humaines, mise en oeuvre du schéma directeur immobilier de l'administration centrale et développement du contrôle de gestion.

La particularité de ce programme réside dans le regroupement, en son sein, de plusieurs fonctions transversales , ayant en commun la fourniture de moyens à l'ensemble des structures du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Plus précisément, le présent programme concerne, notamment, l'exploitation des systèmes d'information et de communication transverses à l'ensemble du ministère, la programmation immobilière , la gestion et la formation du personnel (hors police) et l'ensemble des activités juridiques (traitement des contentieux, élaboration de normes).

Dès lors, l'enjeu du présent programme renvoie à sa capacité à fournir aux programmes opérationnels du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire une qualité de service répondant à leurs besoins et au meilleur coût.

Hormis les crédits des fonctions d'état-major 17 ( * ) et une part des crédits relatifs aux travaux d'expertise, d'audit, de prévision et d'études, les crédits des actions qui composent ce programme se « déversent » intégralement dans les autres programmes du ministère , qu'ils appartiennent à la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » ou à une autre mission pilotée ou copilotée par le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Ainsi, 45,7 % des crédits ventilés du présent programme sont répartis à l'intérieur de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », tandis que 54,3 % concourent à la conduite de programmes relevant d'une autre mission 18 ( * ) : « Relations avec les collectivités territoriales », « Sécurité civile », « Sécurité » (recevant à elle seule, pour le programme « Police nationale », 53 % des crédits ventilés) .

Ainsi, comme l'indique son intitulé même, le présent programme relève plus du « soutien » (logistique) d'un ministère que de celui d'une mission .

Tout en étant conscient de la difficulté de la tache, votre rapporteur spécial renouvelle donc son souhait, déjà exprimé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, que le présent programme « colle » mieux, dans les prochaines années, à la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » à laquelle il est rattaché qu'à un ministère dont le périmètre de compétence évolue de temps à autre (agrégation de l'aménagement du territoire en juin 2005, par exemple).

B. 71,1 % DES CRÉDITS DU PROGRAMME SONT CONCENTRÉS SUR TROIS ACTIONS

Avant ventilation, 71,1 % des crédits du programme sont concentrés sur trois de ses sept actions : l'action 3 « Système d'information et de communication », l'action 4 « Fonction soutien de gestion des ressources humaines » et l'action 5 « Affaires financières et immobilières » .

* Crédits ventilés vers :

- Administration territoriale (Mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ») : 211,7 millions d'euros ;

- Vie politique, cultuelle et associative (Mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ») : 0,02 million d'euros ;

- Concours spécifiques et administration (Mission « Relations avec les collectivités territoriales ») : 0,6 million d'euros ;

- Intervention des services opérationnels (Mission « Sécurité civile ») : 3,2 millions d'euros ;

- Coordination des moyens de secours (Mission « Sécurité civile ») : 1,5 million d'euros ;

- Police nationale (Mission « Sécurité ») : 244,8 millions d'euros.

C. UNE AUGMENTATION DE + 5,8 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT

Le présent programme comporte, hors fonds de concours 19 ( * ) , 517 millions d'euros en autorisations d'engagement , soit une baisse de - 21,8 % par rapport à 2006.

Les crédits de paiement du présent programme se montent à 501,4 millions d'euros, en hausse de + 5,8 % par rapport à 2006.

Alors que les dépenses de personnel (titre 2) connaissent un très léger recul en passant de 223,6 millions d'euros à 222,4 millions d'euros (- 0,5 %), les dépenses de fonctionnement s'élèvent à 241,6 millions d'euros et enregistrent une croissance de + 6,1 % . Les dépenses d'investissement suivent, plus encore, une pente ascendante en atteignant 36,7 millions d'euros, soit une hausse de + 40,6 % .

Ces évolutions traduisent, tant en fonctionnement qu'en investissement, les priorités assignées au présent programme.

Ainsi, en matière de dépenses de fonctionnement, l'action 5 « Affaires financières et immobilières » connaît une forte progression de 26,8 millions d'euros de ses crédits de paiement (+ 72,6 %) . Ce mouvement à la hausse trouve une partie de son origine dans l'introduction de 16,6 millions d'euros de loyers budgétaires 20 ( * ) , l'intégralité des loyers budgétaires concernant l'administration centrale ayant vocation à s'imputer, pour la première fois en 2007, sur le seul programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Au-delà de cette innovation, le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a engagé, en 2006, un projet immobilier majeur : le regroupement à Levallois-Perret, sur un site unique, de l'ensemble des services concourant à l'activité de renseignement de la police nationale . S'appuyant juridiquement sur une location avec option d'achat (LOA), ce projet nécessite l'inscription, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007, de crédits destinés à couvrir l'annuité de la LOA (remboursement du capital et frais financiers), pour 15,6 millions d'euros en crédits de paiement (14,5 millions d'euros en autorisations d'engagement), ainsi que les dépenses d'exploitation / maintenance du bâtiment, pour 1 million d'euros.

En matière de dépenses d'investissement, l'action 3 « Système d'information et de communication » voit ses crédits de paiement augmenter de + 117,5 % avec un montant total de 26,1 millions d'euros pour 2007 . Cette augmentation substantielle s'explique par la poursuite d'investissements dans des projets lourds dans le domaine des « infrastructures réseaux et télécoms » : projet CRISTAL (téléphonie sur internet) doté de 5 millions d'euros, transmission de données via le réseau privatif du ministère (Réseau général de transport) pour laquelle une enveloppe budgétaire de 12,7 millions d'euros est réservée afin de couvrir tant les coûts de fonctionnement que d'équipement, téléphonie (7,6 millions d'euros) et messagerie (2,57 millions d'euros), notamment.

Enfin, la dotation de l'action 6 « Conseil juridique et traitement du contentieux » est principalement consacrée aux frais de contentieux et aux réparations civiles 21 ( * ) : 75,2 millions d'euros (en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement) sur 82,3 millions d'euros. Votre commission avait déjà soulevé, lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2005, la traditionnelle sous-évaluation de ce poste (136,3 millions d'euros consommés en 2005 pour une autorisation initiale de 81,8 millions d'euros). Aussi, votre rapporteur spécial sera-t-il vigilant, en exécution, sur l'évolution de ces dépenses pour lesquelles le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a d'ores et déjà mis en place un certain nombre de mesures visant à parvenir à une meilleure maîtrise de la consommation de ces crédits 22 ( * ) .

D. LA RÉDUCTION DES EFFECTIFS S'ACCOMPAGNE D'UNE POLITIQUE DE REQUALIFICATION DES EMPLOIS

Le présent programme s'appuie sur 3.400 ETPT, en baisse de 238 ETPT par rapport à 2006 (- 6,5 %).

Le transfert des réseaux sociaux du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire vers le programme « Administration territoriale » s'est accompagné du transfert de 178 ETPT (agents techniques du réseau de médecine de prévention) en direction de ce même programme (cf supra Partie II-D). En outre, 11 agents administratifs formateurs internes et 2 contractuels techniques de préfecture ont également été transférés vers ce programme (cf supra Partie II-D).

Alors qu'en 2006 , 11 emplois avaient été supprimés (départs non remplacés) dans le cadre de « l'effort de productivité de l'administration centrale du ministère », ce mouvement prend un peu plus d'envergure pour 2007 . Ainsi, hors transferts d'emplois, ce sont 44 ETPT qui seront supprimés, dont 33 au titre de « l'effort de productivité de l'administration centrale du ministère » (11 au titre de la poursuite de la réforme interministérielle des mises à disposition d'organismes tiers).

Comme l'année dernière, la répartition des emplois par action ne laisse apparaître aucun ETPT pour l'action 6 « Conseil juridique et traitement du contentieux » . Cette action concerne l'activité pré-contentieuse (démarche transactionnelle) et contentieuse dans des domaines aussi divers que la protection juridique des fonctionnaires (due en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires), la responsabilité de l'Etat résultant de l'exercice de polices administratives, d'accidents de la circulation impliquant un véhicule administratif, du refus de concours de la force publique ou d'attroupements et rassemblements... Comment des contentieux aussi « lourds » pourraient-ils être traités sans personnel ? Votre rapporteur spécial ne peut donc qu'à nouveau souhaiter que la ventilation des personnels entre actions soit revue dans le sens d'une plus grande transparence et d'une plus grande cohérence avec la réalité .

Par ailleurs, la deuxième tranche du plan de requalification des personnels au sein du ministère sera engagée en 2007 pour un montant de 3,5 millions d'euros. Portant, sur la période 2006 à 2010, ce plan vise à la suppression de 1.500 emplois environ et à la requalification de 4.700 emplois environ.

Enfin, un dispositif, validé par les comités techniques paritaires du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et de celui de l'outre-mer, sera mis en oeuvre dès le 1 er janvier 2007 afin de fusionner l'ensemble des corps administratifs du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire (administration centrale, cadre national des préfectures et de la police), des greffes des juridictions administratives et des personnels d'administration centrale relevant du ministère de l'outre-mer . Cette réforme, qui concernera près de 40.000 agents, permettra la réduction du nombre de corps : 3 au lieu de 16.

E. UNE MESURE DE LA PERFORMANCE AFFINÉE, DES RÉSULTATS PERFECTIBLES

A l'occasion du PAP 2007, les objectifs attachés au programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » ont évolué : deux des objectifs 2006 n'ont pas été reconduits, non plus que les deux indicateurs rattachés.

Il s'agit, d'une part, de l'objectif « Optimiser le coût du programme », un indicateur interministériel d'efficience général étant en cours d'élaboration. D'autre part, l'indicateur « Taux de réponse aux différents services du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, en matière de libertés publiques », associé à l'objectif « Améliorer la fourniture d'expertise aux préfectures, services de police et autres directions du ministère en matière de libertés publiques » n'a pu être maintenu en l'absence d'un système d'information permettant la mesure de cette performance.

Au total, le volet performance du présent programme comporte donc, désormais, 5 objectifs et 9 indicateurs. Ce recentrage va dans le sens d'une meilleure visibilité et d'une plus grande lisibilité des résultats, comme l'avait souhaité votre commission tant lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 qu'à l'occasion de la discussion du projet de loi de règlement pour 2005 .

Malgré ce progrès, un indicateur de performance demeure surprenant , puisque se fixant pour but de mesurer le pourcentage des travaux de l'Inspection générale de l'administration (IGA) n'ayant pas donné lieu à des suites dans un délai de six mois . Il n'est, en effet, pas indispensable de donner une suite positive à tous les rapports de l'IGA et, en tout état de cause, dans leurs domaines respectifs de compétences, les appréciations du Parlement et celles du gouvernement doivent prévaloir sur les préconisations des corps d'inspection. Ces préconisations n'ont donc pas à obligatoirement être suivies d'effet. Enfin, le cas échéant, le meilleur délai pour donner une suite à un rapport n'est pas forcément le plus court. Il peut dépendre du contenu de la suite à donner et de circonstances particulières (nécessité d'une concertation...).

Sur un objectif essentiel du présent programme « Améliorer la performance du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en systèmes d'information et de communication », la réalisation pour 2005 en matière de nombre d'heures d'indisponibilité s'est avérée conforme aux prévisions (pour le Réseau général de transport), voire plus performante (pour les applications). On peut, toutefois, regretter que l'autre indicateur associé à cet objectif et évaluant le taux de respect des échéances de livraison des études et des applications ne soit pas renseigné en réalisation pour 2005 .

Enfin pour l'objectif « Améliorer la gestion immobilière du ministère », le taux de livraison ne dépassant pas le budget prévu n'est que de 40 % en 2005, ce niveau de performance étant faible et devant être amélioré lors des prochains exercices (60 % prévu en 2006). De même, l'indicateur centré sur « le coût de la construction au m² » met en lumière des écarts significatifs entre les prévisions pour 2005, 2.120 euros et 2.300 euros pour des constructions relevant respectivement de la police nationale et de l'administration territoriale, et les réalisations, 2.362 euros et 2.505 euros. Ces écarts s'expliquent, d'une part, par l'évolution de l'indice des prix à la construction (différence entre l'indice prévisionnel et l'indice réel constaté) et, d'autre part, par des surcoûts exceptionnels (cantonnement de CRS de Furiani, par exemple). Le dépassement budgétaire constaté a été globalement d'environ 20 % sur l'ensemble des opérations en 2005 .

F. UNE « USINE À GAZ » POUR UN PROGRAMME PARTICIPANT « À LA CONDUITE ET AU PILOTAGE » DE QUATRE MISSIONS

Le schéma de déversement analytique du présent programme (cf. ci-dessous) montre les liens établis entre les actions de celui-ci et d'autres programmes.

La majorité des crédits reventilés (54,3 %) n'est pas destinée à la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » mais à des programmes de trois autres missions pilotées ou copilotées par le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Encore faut-il relever un progrès sensible au regard de la situation en 2006 où une quatrième mission était concernée (la mission « Politique des territoires », via son programme « Aménagement du territoire »). Il convient, toutefois, de déplorer encore la complexité du schéma de déversement analytique de ce programme .

Schéma de déversement analytique du programme 216

Source : « bleu » budgétaire de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » (page 113)

Les principales observations de votre rapporteur spécial
sur le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur »

- Le présent programme contribue au « soutien » de quatre missions pilotées ou copilotées par le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Le pilotage de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » ne représente qu'une minorité des crédits de ce programme « Soutien » (45,7 %). Il s'agit donc, comme l'admet l'intitulé même du programme, de la conduite et du pilotage d'un ministère, non d'une mission .

- Il conviendrait, pour les prochains exercices budgétaires, que le programme « colle » plus à la mission à laquelle il appartient qu'à un ministère dont le périmètre évolue (agrégation de l'aménagement du territoire en juin 2005, par exemple).

- Les crédits de paiement se montent à 501,4 millions d'euros, en hausse de + 5,8 % par rapport à 2006. Cette évolution traduit, tant en fonctionnement qu'en investissement, les priorités assignées au présent programme.

- Votre rapporteur spécial sera vigilant sur la consommation, en gestion 2007, des crédits de contentieux, traditionnellement sous-évalués et pour lesquels une enveloppe de 75,2 millions d'euros est ouverte pour 2007.

- Le volet performance du présent programme a été recentré, ce qui va dans le sens d' une meilleure visibilité et d'une plus grande lisibilité des résultats .

- Concernant la gestion immobilière du ministère, le taux de livraison des chantiers ne dépassant pas le budget prévu n'est que de 40 % en 2005. Ce niveau de performance est faible et il devra être amélioré lors des prochains exercices (60 % prévu en 2006).

- Doit être écarté l'indicateur portant sur le pourcentage des travaux de l'IGA n'ayant pas connu de suites dans un délai de six mois ( les appréciations du Parlement et du gouvernement doivent prévaloir sur celles d'un corps d'inspection ).

* 17 Les crédits d'état-major ne sont pas ventilés, conformément aux recommandations du comité interministériel d'audit des programmes.

* 18 Cf. infra (Partie IV-F) le « schéma de déversement analytique » du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

* 19 Les fonds de concours de ce programme sont estimés pour 2007, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, à 2,3 millions d'euros (dont 1 million d'euros au titre de l'action « Fonction soutien de gestion des ressources humaines »).

* 20 Expérimentée en 2006 et étendue en 2007 à tous les immeubles de bureau d'administration centrale en Ile-de-France, la technique des loyers budgétaires vise à faire directement supporter le coût de l'occupation d'un immeuble par l'administration occupante. Elle constitue un outil de responsabilisation des ministères en matière de gestion immobilière, en leur permettant notamment de prendre conscience du coût d'immobilisation du capital.

* 21 Ces frais de contentieux relèvent de l'engagement d'une responsabilité de l'Etat soit pour faute, soit sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques en cas de préjudice anormal et spécial. Ils concernent, notamment, l'indemnisation des bailleurs lorsque la force publique refuse son concours pour expulser des locataires.

* 22 Ces mesures correspondent à :

- l'imputation sur d'autres programmes des dépenses dont le rattachement au contentieux est contestable ;

- l'instruction donnée aux préfectures pour qu'elles accordent, dans l'utilisation des crédits, la priorité absolue à l'exécution de justice ;

- l'explicitation des conditions de recours à la procédure de transaction amiable ;

- l'élaboration d'outils de suivi des consommations locales, avec remontées trimestrielles d'information ;

- la mise en place de groupes de travail pour favoriser les échanges de bonnes pratiques entre préfectures et la diffusion de la connaissance de la jurisprudence ;

- l'instauration d'une veille juridique en matière de reconduite à la frontière.