M. Michel Charasse

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LA MISSION

- La création de cette mission dans le PLF 2006, et les justifications de crédits qu'elle comporte, contribuent à une présentation plus claire des dépenses engagées par l'Etat au titre des prêts à des Etats étrangers . En outre, les informations fournies sur les montants d'annulations portées par la Coface, qui devraient représenter près du quart de l'APD française en 2006, sont désormais plus complètes, bien qu'elles ne demeurent pas encore à la hauteur des enjeux financiers.

Il apparaît cependant que la justification au premier euro des crédits imputés sur le programme 852 « Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France » est toujours quasiment inexistante , et partiellement compensée par les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial. De même, la justification des crédits du programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers » est trop lacunaire.

- La part toujours élevée des annulations de dette dans l'APD française en 2006 et 2007 est tributaire de la montée en puissance de l'initiative PPTE, de certains dispositifs bilatéraux et des montants très élevés d'annulations de dettes consenties au profit de certains pays , en particulier le Nigeria, l'Irak, le Cameroun et la République démocratique du Congo.

Outre que certaines de ces annulations demeurent soumises à des aléas, susceptibles de minorer le montant in fine déclaré en APD, la prépondérance de ces dispositifs peut susciter des inquiétudes quant à la capacité réelle de la France à honorer à moyen terme ses engagements d'APD . La probable diminution de ces traitements de la dette à compter de 2008 ne pourra qu'être relayée par une forte augmentation des crédits budgétaires, de l'ordre de un milliard d'euros, si la France veut respecter son engagement d'une APD équivalente à 0,7 % du RNB en 2012.

- Le programme 851 finance des prêts essentiellement dédiés aux pays émergents, et ne constitue pas à cet égard le « coeur de cible » de l'APD française .

- La cible pour 2009 de l'indicateur du programme 851 a été atteinte dès 2005, et celle de l'indicateur du programme 852 le serait dès 2006, ce qui tend à en relativiser, pour des raisons différentes, la pertinence.

Sous le bénéfice de ces observations, votre rapporteur spécial propose l'adoption des crédits de la mission « Prêts à des Etats étrangers ».

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION

A. TROIS PROGRAMMES QUI ONT SUCCÉDÉ À D'ANCIENS COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR

La mission « Prêts à des Etats étrangers » constitue un compte de concours financiers , doté de crédits évaluatifs en application de l'article 24 de la LOLF, et composé de trois sections présentées sous forme de programmes :

- le programme 851 « Prêts à des Etats étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure », qui correspond au chapitre 3 (article 10) de l'ancien compte spécial du Trésor (CST) n° 903-07 intitulé « Prêts du Trésor à des Etats étrangers et à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social », supprimé par la loi de finances pour 2006 ;

- le programme 852 « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France », qui correspond à l'ancien CST n° 903-17 « Prêts du Trésor à des Etats étrangers pour la consolidation de dettes envers la France » (également supprimé) et représente près des trois quarts des crédits de paiement de la mission ;

- et le programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers », qui correspond au chapitre 02 (article 10) de l'ancien CST n° 903-07.

Les dotations sur ces trois programmes permettent l'octroi de prêts à des Etats étrangers directement - s'agissant de la Réserve pays émergents (RPE) sur le programme 851 ou des prêts accordés en application d'accords de consolidation sur le programme 852 - ou indirectement pour le programme 853 (financement de l'activité de prêts très concessionnels de l'AFD et de la couverture du risque pays sur les contreparties non souveraines).

Le responsable de ces trois programmes est le directeur général du Trésor et de la Politique économique (DGTPE) du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (MINEFI), qui assure la présidence et le secrétariat du Club de Paris et qui négocie pour la France les accords bilatéraux de traitement de la dette.

Conformément à sa nature, cette mission ne comporte que des dépenses d'opérations financières relevant du titre 7. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2006, les autorisations d'engagement (AE) s'inscrivent en augmentation de 9,7 %, et les crédits de paiement (CP) en hausse de 75,7 %.

Montant et évolution des AE et CP demandés pour 2007

(en millions d'euros)

Programme

AE 2006

AE 2007

Evolution 2006/2007

CP 2006

CP 2007

Evolution 2006/2007

Part des CP de la mission en 2007

851 - Prêts à des Etats étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructures

300

300

stable

150

150

stable

15 %

852 - Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France

314,06

731,25

132,8 %

314,06

731,25

132,8 %

73,4 %

853 - Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers

474,6

163

-65,6 %

103,2

115,2

11,6 %

11,6 %

Total

1.088,66

1.194,25

9,7 %

567,26

996,45

75,7 %

100 %

Source : projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2007

En tant que compte de concours financiers, la mission « Prêts à des Etats étrangers » est structuré en dépenses et recettes (essentiellement des remboursements du capital des prêts consentis), dont la nature et les justifications sont détaillées infra pour chaque programme. Le compte devrait être quasiment équilibré en 2007, ainsi que l'indique le tableau suivant :

Equilibre du compte « Prêts à des Etats étrangers » pour 2007

(en millions d'euros)

Section

Recettes

Crédits

Solde

Section 1 - Prêts à des Etats étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructures

462

150

312

Section 2 - Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France

482,65

731,25

-248,6

Section 3 - Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers

52,2

115,2

-63

Total

996,85

996,45

0,4

Source : projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2007

B. UNE MISSION DANS LE PÉRIMÈTRE DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Cette mission concourt à l'aide publique au développement (APD) de la France et est donc intégrée dans le document de politique transversale (DPT) « Politique française en faveur du développement », qui recense les principaux programmes et missions du budget général et des comptes spéciaux qui concourent à cette politique publique.

Il importe de rappeler que les annulations de dettes ne sont pas intégralement comptabilisées dans l'APD . En premier lieu, seule l'annulation de créances civiles peut donner lieu à déclaration en APD, ce qui exclut par conséquent toutes les dépenses militaires. En second lieu, seules les annulations de prêts consentis à des conditions commerciales sont intégralement comptabilisées en APD. Par ailleurs, lorsqu'une annulation concerne un prêt initialement consenti aux conditions de l'APD, le montant de l'annulation n'est pas totalement intégré à l'effort d'APD. En effet, le principal du prêt (issu du principal et des intérêts de l'ancien prêt) a déjà été déclaré en APD au moment de son déboursement ; son annulation ne s'impute donc pas en APD pour éviter une double comptabilisation, et seule la part en intérêts ressortit à l'APD .

De même, les annulations de dette comptabilisées en APD ne se traduisent que pour une part minoritaire par une dépense budgétaire .

La comptabilisation des annulations repose sur la valeur nominale de la créance originelle, plutôt que sur sa valeur de marché , ce qui correspond, selon le ministère des finances, à l'impact réel en termes de développement de l'annulation de dette pour le pays débiteur et au coût pour le créancier . Pour le pays débiteur, le montant nominal correspond en effet au montant qui a été mis à sa disposition à l'origine de la créance, en prenant en compte les remboursements successifs. Que ce pays ait ou non l'intention ou la capacité de rembourser sa créance ne change rien au bénéfice qu'il en aura retiré.