M. Yann Gaillard

II. LE PROGRAMME 175 « PATRIMOINES » : LA PRIORITÉ DU MINISTÈRE EN 2007

A. CARACTÉRISTIQUES DU PROGRAMME : 74 % DES MOYENS DU PROGRAMME BÉNÉFICIENT AU PATRIMOINE MONUMENTAL ET AUX MUSÉES

Ce programme représente 1.131,15 millions d'euros en autorisations d'engagement auxquels s'ajoutent 16,35 millions d'euros de fonds de concours d'une part, et 1.040,71 millions d'euros en crédits de paiement auxquels s'ajoutent 151,85 millions d'euros de fonds de concours, d'autre part. Les moyens consacrés au programme 175 sont en augmentation par rapport à 2006.

L'évolution la plus notable concerne les fonds de concours venant compléter les crédits de paiement, ils ont été multipliés par 5,5 entre 2006 et 2007. Sur les 151,85 millions d'euros mentionnés, 150,7 millions d'euros de fonds de concours bénéficieront à l'action 1 « Patrimoine monumental et archéologique ». Votre rapporteur spécial a demandé des précisions sur cette évolution, qui semble correspondre à l'affectation de 140 millions d'euros du produit des droits de mutation à titre onéreux au profit du centre des monuments nationaux.

Les effectifs inscrits au programme diminuent de 743 unités , pour s'établir à 3.225 ETPT . Les emplois rémunérés par les opérateurs hors plafond d'emplois du ministère s'élèvent à 10.732 emplois .

Rappelons que les moyens humains et financiers affectés au programme 175 doivent être appréciés après application du schéma de déversement analytique. Si l'on ajoute, comme le prévoit ce schéma, 213,72 millions d'euros provenant de l'action 7 « Fonctions soutien communes aux trois programmes » du programme 224, les crédits de paiement du programme 175 progressent de 18 % . La majorité des re-ventilations entre les programmes de la mission « Culture » bénéficie au programme 175, et plus particulièrement, en son sein, aux actions :

- 1-175 « Patrimoine monumental et archéologique », qui passe à 36 % des autorisations d'engagement de programme au lieu de 29,43 % et à 23 % du personnel du programme, contre 19 % avant déversement ;

- 2-175 « Architecture », qui progresse de 78 % au sein du programme 175, après déversement, du fait de la comptabilisation des effectifs des services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP) sur cette action, et des coûts y afférant 3 ( * ) . Cette action reste toutefois modeste, représentant 4 % du programme, contre 2 % avant déversement ;

- 3-175 « Patrimoine des musées de France » qui représente toujours 38 % du programme après déversement, alors qu'elle ne bénéfice pas de re-ventilation de l'action 7-224. Le maintien de son poids relatif au sein du programme tient au déversement de 85 % des crédits de l'action 8-175 « Acquisitions et enrichissement des collections publiques ». Ces crédits sont alloués à la direction des musées de France, notamment dans le cadre du fonds du patrimoine.

B. LA JUSTIFICATION AU PREMIER EURO A ÉTÉ AMÉLIORÉE

Le programme comprend huit actions, présentées dans le tableau suivant.

Justification au premier euro du programme 175

Votre rapporteur spécial estime que de réels progrès ont été réalisés , la justification au premier euro des dépenses des actions du programme 175 a été très largement améliorée. Un certain nombre de remarques doit toutefois être formulé.

1. Les difficultés récurrentes à financer les monuments historiques

En 2006 4 ( * ) , le financement des « Grands projets » de restauration de monuments historiques a donné lieu à l'utilisation d'une ressource exceptionnelle. En effet, l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC) a bénéficié de ressources exceptionnelles par le rattachement de produits des cessions de participations financières de l'Etat, pour des opérations à caractère patrimonial, pour un montant de 100 millions d'euros .

Répartition des 100 millions d'euros issus des recettes de

privatisation des autoroutes

(en millions d'euros)

Opération

Montants

Palais de Chaillot

19,85

Ecoles d'architecture

15

UCAD

12,92

Cinémathèque française

12,55

Le Schéma directeur de Versailles

10,7

Grand Palais

9

Musée de l'Orangerie

7,64

Théâtre national de l'Odéon

5,12

Bons enfants

3,29

MUCEM - Fort Saint Jean

2,33

Cité nationale de l'histoire de l'immigration

1

BNF/INRA Richelieu

0,6

Source : direction du budget

Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit, dans son article 30, l'affectation, a priori pérenne, d'une recette fiscale , au centre des monuments nationaux (CMN) qui assurera dorénavant les opérations de maîtrise d'ouvrage sur les monuments nationaux relevant de sa gestion, puis par convention de mandat, sur des monuments appartenant à l'Etat.

Ce sont ainsi 70 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement qui seront alloués en 2007 au « redémarrage de nombreux chantiers ralentis ou arrêtés en 2006, notamment sur les monuments appartenant à l'Etat » selon le document budgétaire relatif à la mission « Culture ». Précisons que cette mesure fiscale est rétroactive sur 2006, 70 millions d'euros doivent compléter la dotation de la mission « Culture » au titre de l'année 2006 pour la restauration des monuments nationaux. Cette mesure trouverait plus logiquement sa place en loi de finances rectificative.

Votre rapporteur spécial constate :

- que la justification au premier euro de l'action 1-175, qui sera complétée par la recette fiscale précitée se veut précise, comme le montre le tableau suivant.

- que cette justification ne permet toutefois pas de savoir comment seront utilisés les 140 millions d'euros de recette fiscale pour les années 2006 et 2007 , et que des précisions complémentaires ont été demandées aux services du ministère de la culture. Une liste des sites susceptibles de bénéficier de subventions, en cours d'arbitrage a été transmise. Elle comprend 206 monuments. Le transfert par fonds de concours au ministère de la culture de la recette affectée au CMN semble source de lourdeurs et de complexités. Votre rapporteur spécial sera attentif aux arbitrages rendus dans ce domaine ;

- que la justification au premier euro présentée ne met pas en évidence la « réallocation » en 2007 de 70 millions d'euros de la dotation budgétaire de l'action 1-175 vers l'entretien, la réparation et la restauration de monuments dits « hors grands projets », c'est-à-dire en dehors du périmètre des monuments qui devraient bénéficier de l'affectation d'une partie des droits des mutations à titre onéreux .

Votre rapporteur spécial note, de plus, que les crédits d'intervention de l'action 1-175 diminuent de 18,5 % entre 2006 et 2007, alors même qu'il s'attendait à noter une augmentation de 70 millions d'euros sur ce titre 6.

Le tableau suivant met en évidence le caractère peu lisible de l'utilisation des crédits de l'action 1-175.

Tableau général des crédits de paiement consacrés à l'entretien,
à la réparation et à la restauration des monuments historiques, à l'archéologie
et à d'autres crédits du patrimoine monumental

Si l'effort de précision du ministère de la culture est louable, il est regrettable que le tableau de synthèse réalisé par votre rapporteur spécial ne figure ni dans les documents budgétaires ni dans les réponses au questionnaire budgétaire.

La répartition des crédits entre les catégories définies par le ministère est peu compréhensible, Chambord bénéficie de crédits au titre de la catégorie « Hors grands projets », mais aussi « autres crédits du patrimoine monumental ». Est-il normal que le Louvre bénéficie d'une subvention « Hors grands projets » ?

Votre rapporteur spécial souhaite que lui soient précisées l'utilisation et la répartition des 140 millions d'euros de recettes fiscales pour 2006 et 2007 évoqués ci-dessus, des 24 millions d'euros ayant bénéficié d'une levée de la mise en réserve prévue par la LOLF au titre de l'exécution 2006, et des 70 millions d'euros qui devraient être réalloués en 2007 vers la catégorie « Hors grands projets », du fait du versement des recettes fiscales précitées.

Votre rapporteur spécial se demande s'il n'eût pas été préférable d'augmenter les crédits budgétaires dédiés au patrimoine, entendu dans sa globalité, et comprenant donc les monuments des collectivités locales, plutôt que d'affecter à nouveau une recette exceptionnelle aux seuls monuments nationaux.

2. Vers un règlement en demi-teinte du cas de l'INRAP

L'institut national des recherches archéologiques préventives (INRAP) se verra allouer une subvention pour charge de service public de 9 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement en 2007.

Votre rapporteur spécial rappelle qu'il avait soumis au Sénat l'adoption d'un amendement visant à doter l'INRAP d'une subvention pour charge de service public de 10,58 millions d'euros lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006. Le ministère de la culture avait estimé que l'amélioration de la situation financière de l'INRAP serait rapide et que la mesure proposée n'était pas utile. Il semble toutefois que cette subvention ait été nécessaire en 2006 puisque le ministère de la culture a finalement versé une subvention de 7,5 millions d'euros à l'INRAP afin de rembourser une partie de l'avance du Trésor. La subvention de l'INRAP en 2007 semble également inévitable puisqu'elle est prévue par le projet de loi de finances même.

Votre rapporteur spécial entend formuler les observations suivantes :

- la subvention allouée à l'INRAP devrait permettre de stabiliser sa situation financière, si elle va de pair avec le maintien d'une politique très stricte de gestion des ressources humaines . Il ne saurait être question de recruter des personnels supplémentaires, ce que ce soit en CDD ou en CDI ;

- l'effort d' amélioration du recouvrement de la redevance d'archéologie préventive par les DRAC et les directions départementales de l'équipement (DDE) doit être poursuivi ;

- l'INRAP doit profiter de l'assainissement de ses ressources pour rembourser le prêt du Trésor qui lui a permis de couvrir ses déficits successifs depuis 2002, soit 23 millions d'euros ;

- enfin, le ministère de la culture doit poursuivre son effort de rationalisation de la politique d'archéologie préventive en réunissant sans tarder, et comme il s'y est engagé devant le Sénat, le 12 mai 2006, le Conseil national de la recherche archéologique, qu'il préside afin de définir une politique de programmation de la recherche archéologique et des prescriptions de fouilles archéologiques.

Ce n'est que si les conditions précédemment énumérées sont respectées que la situation de l'archéologie préventive pourra être considérée comme satisfaisante.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial a remarqué que la société d'économie mixte « Bibracte » recevrait, en 2007, une subvention de 2 millions d'euros au titre des crédits de l'archéologie, ce qui semble très important par rapport à la subvention dont bénéficiera l'INRAP et au montant total des crédits alloués à l'archéologie, soit 25,86 millions d'euros, dont 1,7 million d'euros pour les collectivités territoriales. Votre rapporteur spécial a demandé des précisions sur ce point au ministère de la culture.

3. La situation des opérateurs du programme 175

Le programme 175 compte 17 opérateurs , 15 établissements publics et 2 associations. Seuls 4 d'entre eux ont fait l'objet d'une présentation détaillée (dit « bleu ») dans l'annexe au projet de loi de finances pour 2007 relative à la culture : la Bibliothèque nationale de France (BNF), le centre national d'art et de culture Georges Pompidou, le Musée du Louvre et le centre des monuments nationaux (CMN).

Votre rapporteur spécial estime indispensable que tous les opérateurs soient présentés dans le bleu, notamment en raison des subventions de fonctionnement qu'ils perçoivent et du nombre d'emplois qu'ils gèrent, recensés dans le tableau suivant.


Votre rapporteur spécial souhaite faire les observations suivantes :

- 26,37 % des subventions versées correspondent aux dotations d'opérateurs du programme 175 dont les comptes ne sont pas développés dans le « bleu » ;

- les effectifs figurant dans le « bleu » datent de 2005 ;

- la part des ressources propres des opérateurs, et son évolution doivent faire l'objet d'une attention particulièrement du ministère.

En ce qui concerne les opérateurs du programme 175 figurant dans le « bleu », les résultats semblent encourageants. Votre rapporteur spécial note que les ressources propres de la BNF sont limitées à 7 % de son budget et que les produits financiers représentent 15 % de ces ressources propres, en nette progression, grâce à une politique de placement dynamique arrêtée par accord entre l'agence comptable et la paierie du Trésor.

La part des ressources propres du centre Pompidou est passée de 26,5 % du budget de fonctionnement de l'établissement en 2005 à 29,16 % en 2006 .

Le taux d'autofinancement du Musée du Louvre continue de progresser grâce au dynamisme de la billetterie et à une politique active de mécénat, et s'établit à près de 35,8 % en 2006 . La marge de progression attendue est importante, le contrat d'objectif prévoit un taux d'autofinancement de 38,5 % en 2007 et une diminution de la part de l'Etat dans le financement des investissements du Louvre, passant de 66,1 % en 2005 à 63,6 % en 2008.

C. QUESTIONS/OBSERVATIONS SUR LE PROGRAMME 175 « PATRIMOINES »

1) Des précisions sont indispensables sur l' utilisation des ressources issues de l'affectation d'une ressource fiscale nouvelle pour 70 millions d'euros par an au CMN.

2) Votre rapporteur spécial souhaite que la subvention pour charge de service public accordée à l'INRAP, soit 9 millions d'euros, soit assortie de la poursuite des efforts de gestion de l'établissement public et de la définition d'une politique nationale de l'archéologie préventive .

3) La présentation des opérateurs du programme 175 doit être enrichie. L'évolution favorable des ressources propres des quatre opérateurs faisant l'objet d'un développement particulier doit être encouragée. Le taux d'autofinancement des opérateurs est une donnée à laquelle votre rapporteur spécial restera très attentif.

4) Votre rapporteur spécial note que deux dépenses fiscales font l'objet de mesures de performance : le dispositif de déduction des charges foncières afférentes aux monuments historiques est évalué par la mesure de l'effet de levier de la participation de l'Etat dans les travaux de restauration des monuments historiques, et la réduction d'impôts sur les sociétés pour les entreprises ayant effectué des versements en faveur de l'achat des trésors nationaux et autres biens culturels spécifiques par la mesure de l'effet de levier de la participation financière de l'Etat dans les acquisitions des trésors nationaux. Le ministre de la culture va dans le bon sens en évaluant la performance des dépenses fiscales, mais il conviendrait que le ministère de l'économie, pour sa part, affine l'évaluation des produits des dépenses fiscales liées au programme 175 .

5) Votre rapporteur spécial a relevé le transfert de la gestion de son personnel à la BnF , sur le modèle de ce qui a été mis en place depuis plusieurs années au musée du Louvre. Il souhaite qu'une évaluation de l'impact de cette réforme soit effectuée, afin que le ministère puisse dresser un bilan des coûts et des avantages liés à cette nouvelle politique des ressources humaines. Si les résultats sont probants, ce modèle devrait peut-être être étendu, ou inversement.

6) Enfin, votre rapporteur spécial note que le montant des opérations de mécénat dont ont bénéficié les opérateurs et les établissements publics de ce programme s'est élevé à 1,186 milliard d'euros en 2005 et au premier semestre 2006 . Il se demande pourquoi ce résultat ne figure pas dans l'évaluation des dépenses fiscales du programme « Patrimoines », qui ne dépasse pas 240 millions d'euros cumulés sur les années 2005, 2006 et 2007.

* 3 Rémunérations part des crédits de formation, part des crédits informatiques, crédits de fonctionnement et d'entretien des SDAP, etc.

* 4 Le versement de la dotation exceptionnelle a été effectué au titre de 2005.