M. Claude Belot

PROGRAMME 180 « PRESSE »

I. DES DISPOSITIFS ET DES CRÉDITS D'AIDE À LA PRESSE STABILISÉS PAR RAPPORT À 2006

Pour la première fois depuis 2003, les aides directes à la presse inscrites dans le programme 180 « Presse » se caractérisent par une stabilité, tant en ce qui concerne les dispositifs que les montants proposés dans le présent projet de loi de finances.

A. UN PROGRAMME CONSTITUÉ DES ABONNEMENTS DE L'ÉTAT À L'AFP ET D'AUTRES AIDES DIRECTES À LA PRESSE

1. Les aides directes à la presse relevant du programme 180 « Presse »

Le programme 180 « Presse » regroupe la plupart des aides directes de l'Etat à la presse pour encourager l'exercice de la liberté d'expression et de la liberté d'information dans une société démocratique.

Le programme 180 est doté de 274 millions d'euros répartis entre deux actions :

- l'action 1-180 : « Abonnements de l'Etat à l'AFP » (109,41 millions d'euros) ;

- l'action 2-180 : « Aides à la presse » stricto sensu (164,59 millions d'euros).

S'il est d'usage de rattacher les abonnements de l'Etat à l'AFP aux aides à la presse, cette présentation comporte une part d'arbitraire : les télévisions et les radios ont recours aux prestations de l'AFP au même titre que les entreprises de presse.

Compte tenu de la profonde dualité du programme 180, la présentation des crédits distingue les abonnements de l'Etat à l'AFP des aides à la presse stricto sensu .

2. Des aides indirectes à la presse d'un montant de plus de 400 millions d'euros

Votre rapporteur spécial rappelle en outre que les dépenses fiscales, c'est-à-dire les aides indirectes à la presse (soit 408,5 millions d'euros ), représentent 60 % du total des aides directes et indirectes à la presse :

- le taux super-réduit de TVA de 2,1 % correspond à une moins-value de 210 millions d'euros (en hausse de 2,4 % par rapport à 2005) ;

- le coût du régime spécial de provisions pour investissements, défini aux articles 39 bis et suivants du code général des impôts, dont l'article 7 du présent projet de loi de finances propose par ailleurs la prorogation pour les exercices 2007 à 2010, est estimé à 3 millions d'euros en 2004, mais à moins de 500.000 euros par an à compter de 2005 ;

- l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif (soit 1 million d'euros par an en 2005, 2006 et 2007) ;

- enfin, l'exonération de taxe professionnelle représente une autre dépense fiscale, mais à la charge des collectivités territoriales et qui ne figure donc pas dans le « bleu » budgétaire, d'un montant de 197 millions d'euros en 2006 (soit + 1,8 % par rapport à 2005).

B. ANALYSE DES CRÉDITS

1. Les abonnements de l'Etat à l'Agence France-Presse (action 1-180)

Les abonnements de l'Etat souscrits par les administrations à l'Agence France-Presse (AFP) s'élèvent à 109.412.916 euros dans le projet de loi de finances pour 2007, en progression de 1,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2006.

La poursuite en 2006 de la progression des abonnements de l'Etat à l'AFP s'inscrit dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens (COM) signé entre l'Etat et l'AFP le 20 novembre 2003, aux termes duquel l'AFP doit renforcer son rayonnement européen et international et parvenir à un résultat net positif en 2007.

Deux objectifs, conformes au COM, sont associés à l'action 1-180 :

- l'objectif n° 1 « Contribuer au développement de l'AFP » est mesuré par un indicateur de pénétration commerciale (en nombre de clients) par zone géographique : à cet égard, la progression globale du nombre de clients en 2005 (+ 10,9 %) est supérieure aux prévisions (+ 9,8 %) et permet d'envisager que la cible prévue en 2007 soit atteinte à cette date (laquelle prévoit une hausse de 4,4 % du nombre de clients en deux ans) si cette tendance favorable se poursuit ; il a été créé un second indicateur associé à l'objectif n° 1 mesurant le chiffre d'affaires de l'AFP (hors abonnements de l'Etat) qui constitue un bon indicateur de l'efficacité de l'action commerciale, conforme aux préconisations de votre rapporteur spécial lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2006 ;

- l'objectif n° 2 « Veiller à l'efficacité de l'action de l'AFP » est mesuré par l'indicateur du résultat net de l'AFP et par un second indicateur, également nouveau, relatif à l'excédent brut d'exploitation.

La diminution du déficit réalisé en 2005 (de - 5,8 à - 3,1 millions d'euros a été plus favorable que les prévisions (le déficit prévisionnel s'établissait à - 4,2 millions d'euros en 2005). Votre rapporteur spécial observe cependant que la cible à atteindre en 2007 (- 3,9 millions d'euros) ne correspond pas encore au retour à l'équilibre, lequel constitue l'objectif central du COM signé avec l'Etat. En outre, il remarque que le chiffre d'affaires réalisé en 2005 (151,4 millions d'euros) est nettement inférieur aux prévisions (169,7 millions d'euros), bien qu'en progrès par rapport à 2004 (145 millions d'euros, soit une progression de 4,4 % du chiffre d'affaires en 2005). Si la situation de l'AFP est en voie d'assainissement, les efforts budgétaires doivent donc se poursuivre .

2. Les aides à la presse (action 2-180)

a) La diminution de certaines dotations : un recentrage des dispositifs sur les quotidiens d'information politique et générale et la prise en compte des besoins effectifs de financement

Les aides directes à la presse inscrites au programme 180 s'élèvent à 164,58 millions d'euros , en diminution de 3,7 % selon les informations figurant dans le bleu budgétaire.

Les évolutions correspondant à chacun des dispositifs d'aide sont détaillées dans le tableau ci-après.

Seule l'aide au transport postal augmente dans le présent projet de loi de finances, de 71,48 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2006 à 76 millions d'euros en 2007. Votre rapporteur spécial rappelle que cette aide consiste, d'une part, en une aide à l'exemplaire pour la diffusion postale de la presse d'information politique et générale, destinée à favoriser le pluralisme de l'information, et d'autre part, une aide à l'exemplaire distribué en zones peu densément peuplées, permettant le maintien d'un tarif égal sur tout le territoire, conformément à l'accord signé le 22 juillet 2004 entre l'Etat, la presse et La Poste sur les conditions de l'acheminement postal de la presse pour la période 2005-2008.

Dans la mesure où l'aide au transport postal est éclatée entre le programme 180 de la mission « Médias » et le programme 134 « Développement des entreprises » de la mission « Développement et régulation économique », il s'agit cependant d' un redéploiement du montant global de cette aide entre les deux programmes précités : la diminution des crédits inscrit au programme 134 a pour corollaire l'augmentation des dépenses relevant du programme 180, conformément à l'accord du 22 juillet 2004 précité qui définit une enveloppe globale, d'un montant stable de 242 millions d'euros par an, pour la période 2005-2008.

Néanmoins, votre rapporteur spécial observe que le montant total des aides au transport postal des titres de presse n'atteint que 237,7 millions d'euros , en deçà du niveau de 242 millions d'euros défini en juillet 2004 : les dépenses inscrites dans le présent projet de loi de finances ne respectent pas strictement les termes de l'accord du 22 juillet 2004 .

Par ailleurs, les diminutions proposées dans le présent projet de loi de finances correspondent principalement à une adaptation des aides aux besoins réels de financement , notamment en ce qui concerne l'aide aux diffuseurs (en diminution de 3,66 à 2 millions d'euros) et l'aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale (de 38 millions d'euros en 2005 à 31 millions d'euros en 2006 puis 22,56 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances). S'agissant de l'aide à la modernisation sociale, celle-ci doit permettre la prise en charge de la cessation d'activité professionnelle de 1.800 personnes , sur la base d'accords professionnels intervenus tant pour la presse quotidienne nationale que pour la presse quotidienne régionale ( cf. encadré ci-dessous ).

La présentation par les services du Premier ministre du dispositif d'aide à la cessation d'activité professionnelle dans les entreprises de presse quotidienne d'information politique et générale 7 ( * )

« Confrontée à d'importantes difficultés structurelles et conjoncturelles, la presse quotidienne française doit poursuivre ses efforts de modernisation et repenser ses modes de production pour assurer les moyens de son développement. Dans ce sens, des négociations ont été engagées entre les partenaires sociaux afin de parvenir à la mise en place d'une organisation du travail permettant aux entreprises de mieux maîtriser leurs conditions d'exploitation et de conforter ainsi leur indépendance économique. Conscient tout à la fois de la nécessité et de l'importance de ce processus, l'Etat a décidé d'accorder son soutien à cette démarche.

« L'article 135 de la loi de finances rectificative pour 2004 a prévu la mise en place d'une aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale. 38 millions d'euros ont été consacrés à cette aide dans la loi de finances initiale pour 2005.

« Sur la base des accords professionnels du 30 novembre 2004, du 15 avril 2005 et du 27 juillet 2005 , qui ont posé le cadre général de la modernisation sociale au sein de la presse parisienne, le décret n° 2005-1096 du 2 septembre 2005 est venu déterminer les caractéristiques du dispositif spécifique de cessation d'activité mis en place pour les salariés concernés.

« Une convention cadre précisant notamment les conditions d'âge des personnels éligibles et fixant la clé de répartition du financement du dispositif entre l'Etat et la branche a été signée le 30 septembre 2005. L'Etat s'est engagé à participer au financement d'au maximum 586 départs (soit 497 ouvriers et 89 cadres techniques) sur toute la durée du plan.

« Au 1 er octobre 2006, les 10 premières conventions d'entreprises ont été signées et quatre autres sont en cours de finalisation pour un effectif total concerné par les départs de 448 personnes, soit un peu moins de 80 % de l'effectif total du plan . Elles concernent Le Monde, Le Figaro, L'Equipe, L'International Herald Tribune et des structures assurant la prépresse de plusieurs titres.

« Pour la presse en régions, une fois intervenus les accords entre partenaires sociaux, le décret n° 2006-657 du 2 juin 2006 a pu déterminer les caractéristiques du dispositif spécifique de cessation d'activité mis en place pour la presse quotidienne en régions. Ce texte reprend pour l'essentiel les dispositions du décret du 2 septembre 2005 relatif à la cessation d'activité de certains salariés de la presse parisienne.

« Les conventions cadres pour chacune des deux branches, rappelant notamment le principe cardinal de l'obligation de non-embauche, clé de la réussite du dispositif, ont été signées le 1 er août 2006.

« Presse quotidienne régionale et départementale confondues, le nombre de personnes à prendre en charge sur la durée du plan se situera autour de 1.800 personnes.

« Les quatre premières conventions d'entreprises sont en cours de finalisation. Elles concernent L'Alsace, Le Maine Libre, Le Courrier de l'Ouest et Presse Océan ».

Source : direction du développement des médias des services du Premier ministre

Par ailleurs, la diminution de l'aide à l'impression décentralisée des quotidiens (de 0,35 à 0,2 million d'euros) ainsi que de l'aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l'étranger (de 3,3 à 2,8 millions d'euros) traduisent un recentrage de ces dispositifs sur les quotidiens d'information politique et générale , dont la situation financière est la plus précaire au sein des titres de presse.

Par ailleurs, les modalités de l'aide au transport ferroviaire ont été revues. Selon les précisions apportées à votre rapporteur spécial dans les réponses à son questionnaire budgétaire, « la logique de la tarification a été intégralement revue. Le système de tarification au poids qui était appliqué depuis 1948 (dit « tarif GV32 ») a été abandonné au profit d'une logique de réservation d'espace qui traduit mieux la réalité économique de ce transport » 8 ( * ) .

Répartition et évolution des aides directes à la presse (action 2-180)

(en euros)

Sous-action

Dispositifs

LFI 2005

LFI 2006

PLF 2007

1

Aides à la diffusion

Aide au transport postal de la presse d'information politique et générale (sous-action n° 1-1)

66 000 000

71 483 595

76 000 000

Réduction du tarif SNCF pour le transport de presse (sous-action n° 1-2)

8 110 000

7 300 000

7 300 000

Aide à l'impression décentralisée des quotidiens (sous-action n° 1-3)

616 067

350 000

200 000

Aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l'étranger (sous-action n° 1-4)

3 300 000

3 300 000

2 800 000

Aide à la presse hebdomadaire régionale (sous-action n° 1-5)

1 420 000

1 420 000

1 420 000

Aide au portage de la presse (sous-action n° 1-6)

8 250 000

8 250 000

8 250 000

Sous-Total

87 696 067

92 103 595

95 970 000

2

Aides au pluralisme

Aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires (sous-action n° 2-1)

6 655 895

7 155 000

7 155 000

Aides aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces (sous-action n° 2-2)

1 400 000

1 400 000

1 400 000

Sous-Total

8 055 895

8 555 000

8 555 000

3

Encourager la modernisation

Aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale (sous-action n° 3-1)

38 000 000

31 000 000

22 562 084

Aide à la modernisation et à la distribution de la presse quotidienne nationale (sous-action n° 3-2)

12 400 000

8 000 000

8 000 000

Aide à la modernisation de la diffusion (sous-action n° 3-3)

3 500 000

3 660 000

2 000 000

Aide au développement des services en ligne des entreprises de presse (sous-action n° 3-4)

790 000

500 000

Aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale (sous-action n° 3-5)

29 000 000

26 741 550

27 000 000

Sous-total

81 900 000

70 191 550

60 062 084

Total action 2-180

178 651 962

170 850 145

164 587 084

Source : bleus budgétaires

Enfin, dans l'enveloppe de 27 millions d'euros allouée à l'aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale, 4 millions d'euros sont alloués, comme en 2006, à des opérations d'incitation à la lecture de la presse par les jeunes.

b) Une mesure de la performance encore perfectible

Votre rapporteur spécial se félicite que , dans la continuité des observations qu'il avait formulées lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2006, les objectifs et indicateurs de performance aient été complétés pour mieux mesurer la performance des différents dispositifs .

A cet égard, le nouvel objectif n° 5 vise à « Améliorer le ciblage et l'efficacité des dispositifs d'aide », mesuré par deux indicateurs :

- l'effet de levier des subventions attribuées dans le cadre du fonds d'aide à la modernisation, rapportant celles-ci au coût total des projets : cet indicateur pertinent comble une lacune, dans la mesure où votre rapporteur spécial avait observé, l'an passé, qu'un dispositif qui concentrait 18 % des aides directes à la presse de l'action 2-180 (soit le deuxième dispositif le plus doté parmi les aides directes à la presse) ne faisait l'objet d'aucune mesure de la performance ;

- la part des titres de la presse quotidienne d'information politique et générale dans le total des aides allouées traduit effectivement un besoin de recentrage sur les journaux dont la situation justifie qu'ils soient les principaux bénéficiaires des dispositifs, même si cet indicateur ne relève pas tant de la mesure de la performance que de la description, utile, des actions du programme.

Mais, comme l'an dernier, votre rapporteur spécial réitère son appel à ce que les services du Premier ministre participent à un groupe de travail interministériel sur la délicate question de l'efficacité des aides aux entreprises en général, et pas seulement des entreprises de presse.

Par ailleurs, il encourage la poursuite de la réflexion sur des indicateurs de qualité de service concernant la gestion des dispositifs d'aide, afin de répondre à cette question simple : les bénéficiaires sont-ils satisfaits des circuits de décision, des délais et des critères d'attribution des subventions ? A cet égard, il prend bonne note des travaux engagés en ce sens par la direction du développement des médias, selon les réponses apportées à son questionnaire budgétaire :

« Une réflexion est par ailleurs engagée pour mettre en place des indicateurs de qualité de service pour la gestion des aides à la presse. S'agissant de l'attribution de subventions, il semble peu pertinent de chercher à la mesurer sous la forme d'enquêtes de satisfaction. Celles-ci soulèvent en effet des problèmes méthodologiques tenant à la multiplicité des acteurs et à l'objectivité des bénéficiaires des aides. La recherche de critères objectifs et mesurables est privilégiée ».

Les principales observations de votre rapporteur spécial
sur le programme 180 « Presse » de la mission « Médias »

- L'amélioration du résultat net de l'AFP se poursuit, mais le retour à l'équilibre budgétaire ne sera pas encore atteint en 2007.

- Les aides au transport postal des titres de presse , inscrites dans le programme 180 « Presse » et le programme 134 « Développement des entreprises » de la mission « Développement et régulation économique », n'atteignent que 237,7 millions d'euros, ce qui n'est pas conforme à l'accord du 22 juillet 2004 entre l'Etat, les entreprises de presse et la Poste qui prévoit une aide annuelle de 242 millions d'euros entre 2005 et 2008.

- La diminution des dotations proposées pour l'aide à la modernisation sociale et l'aide à la modernisation de la diffusion correspond à une adaptation des ressources budgétaires aux besoins réels de financement.

- Le dispositif d'aide à l'impression décentralisée et d'aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l'étranger ont été recentrés sur la presse quotidienne d'information politique et générale.

- Une réflexion interministérielle devrait s'engager à propos des objectifs et des indicateurs de performance traduisant l'efficacité des aides publiques aux entreprises.

- Les travaux doivent se poursuivre sur la définition d'un objectif de performance mesurant la satisfaction des bénéficiaires des aides à la presse.

* 7 Source : réponses aux questionnaires budgétaires. Les éléments en gras sont soulignés par votre rapporteur spécial.

* 8 En d'autres termes, il est tenu compte de l'espace qu'occupent les journaux dans les wagons et qui n'est donc pas réservé aux passagers.