M. Auguste Cazalet

EXAMEN DES ARTICLES 53 À 56 RATTACHÉS

ARTICLE 53

Clarification des règles d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) pour les personnes rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi

Commentaire : le présent article vise à clarifier les règles d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) aux personnes rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale dispose, dans son premier alinéa, que l'AAH est versée à toute personne dont l'incapacité permanente est comprise entre 50 % et 79 %, dès lors qu'elle remplit deux conditions cumulatives :

- ne pas avoir occupé d'emploi depuis une durée fixée par décret ;

- être, compte tenu de son handicap, dans l'impossibilité, reconnue par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, de se procurer un emploi.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LE CONSTAT ET LES PRÉCONISATIONS DE L'AUDIT DE MODERNISATION SUR LES MODALITÉS D'ATTRIBUTION DE L'AAH

Les modalités d'attribution de l'AAH ont fait l'objet d'un audit de modernisation au premier semestre 2006 11 ( * ) .

Ce rapport relève que le nombre d'allocataires de l'AAH, qui était de 459.000 en 1986, a augmenté de près de 75 % en 20 ans, sans que les causes de cette augmentation, et la part respective de chacun des facteurs, aient été pleinement identifiées. Au cours des dernières années, la progression demeure soutenue, en particulier pour les allocataires dont le taux d'incapacité est compris entre 50 et 79%, et qui ont été reconnus dans l'impossibilité de se procurer un emploi compte tenu de leur handicap aux termes de l'article L.821-2 du code de la sécurité sociale.

L'audit a fait apparaître que les décisions d'attribution de l'AAH au titre de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale font l'objet d'écarts entre les départements qui engendrent des inégalités de traitement. Il a également mis en évidence la faible qualité des décisions prises par les COTOREP. En outre, il apparaît que cette notion, par son caractère absolu, pouvait constituer un frein au retour à l'emploi des allocataires.

Pour ces raisons, le rapport d'audit préconisait de substituer à la notion « d'impossibilité de se procurer un emploi » celle de « désavantage reconnu dans la recherche d'emploi du fait du handicap »

Il précisait que « cette proposition ne vise pas à faire évoluer la notion mais au contraire à rendre sa dénomination plus conforme au motif qui fonde l'octroi de l'AAH au terme de l'article L.821-2, ce qui élimine par la même occasion la confusion possible avec l'incapacité à travailler ou l'inaptitude. Elle suppose bien entendu une modification législative ».

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article réécrit et clarifie le premier alinéa de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, en prévoyant que l'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes :

1° Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 821-1, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret : il s'agit de la reprise du dispositif existant ;

2° Elle n'a pas occupé d'emploi depuis une durée fixée par décret : là encore, cette disposition existe déjà

3° La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées lui reconnaît, compte tenu de son handicap, « une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret ».

C'est cette notion de « restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret » qui, en se substituant à celle d'« impossibilité de se procurer un emploi », fonde la nouveauté du présent article.

Cette formulation reprend une classification de l'Organisation mondiale de la santé et se retrouve dans l'article 2 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Celui-ci, qui a introduit un article L. 114 au sein du code de l'action sociale et des familles, prévoit en effet, que « constitue un handicap (...) toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant ».

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances souscrit à la réforme proposée, qui donne suite aux préconisations de l'audit de modernisation.

Votre rapporteur spécial souhaiterait toutefois disposer d'une évaluation de l'économie permise par cette réforme .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 54

Financement de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations

Commentaire : le présent article vise à relever le montant des taxes affectées à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM).

I. LE DROIT EXISTANT

L'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) bénéficie actuellement de trois taxes affectées :

- en application de l'article 1635-0 bis du code général des impôts, elle bénéficie du produit de la taxe perçue à l'occasion de la délivrance du premier titre de séjour. Le montant de cette taxe est fixé par décret dans des limites comprises entre 160 euros et 220 euros. Ces limites sont respectivement portées à 55 euros et 70 euros pour les étrangers auxquels est délivrée une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ;

- en application de l'article L. 341-8 du code du travail, elle perçoit le produit de la taxe perçue à l'occasion du renouvellement des autorisations de travail . Son montant et les modalités de sa perception sont actuellement fixés par décret, ce qui signifie que le législateur n'a pas épuisé sa compétence en la matière ;

- en application de l'article L. 211-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle reçoit le produit de la taxe perçue à chaque demande de validation d'une attestation d'accueil . Son montant est fixé à 15 euros. Elle est recouvrée comme en matière de droit de timbre.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article revalorise le montant de ces trois taxes :

- le montant de la taxe perçue à l'occasion de la délivrance du premier titre de séjour serait dorénavant compris entre 200 euros et 340 euros. L'exposé des motifs précise que le montant serait fixé par décret à 275 euros en 2007. En revanche, la fourchette prévue pour les étudiants ne fait l'objet d'aucune réévaluation : l'exposé des motifs précise que son montant serait maintenu à 55 euros, soit le minimum possible ;

- le montant de la taxe perçue à l'occasion du renouvellement des autorisations de travail serait fixé par décret dans une fourchette comprise entre 55 euros et 110 euros : il devrait s'établir à 70 euros en 2007. Le présent article en profite également pour préciser le cadre législatif applicable, en prévoyant que cette taxe est recouvrée comme en matière de timbre, sous réserve, en tant que de besoin, d'adaptations fixées par décret en Conseil d'Etat ;

- il double le montant de la taxe perçue à chaque demande de validation d'une attestation d'accueil, qui passerait ainsi de 15 euros à 30 euros.

L'exposé des motifs indique que les recettes supplémentaires résultant de ces mesures de revalorisation sont évaluées à 20 millions d'euros .

Elles devraient être utilisées pour financer la mise en oeuvre du contrat d'accueil et d'intégration, rendu obligatoire par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, ainsi que du nouveau diplôme initial de langue française pour les personnes étrangères primo-arrivantes titulaires d'un titre de séjour.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur spécial observe que le financement des établissements publics sous tutelle par le biais de taxes affectées participe du mouvement d'« agencisation de l'Etat » mis en évidence par notre collègue Philippe Marini, rapporteur général 12 ( * ) .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 55

Alignement du forfait logement de l'allocation de parent isolé (API) sur celui du revenu minimum d'insertion (RMI)

Commentaire : le présent article vise à aligner le forfait logement de l'API sur celui du RMI.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article L. 542-1 du code de la sécurité sociale dispose que toute personne isolée résidant en France et assumant seule la charge d'un ou de plusieurs enfants, bénéficie d'un revenu familial dont le montant varie avec le nombre des enfants.

L'allocation de parent isolé est, selon les dispositions du deuxième alinéa de cet article, égale à la différence entre le montant du revenu familial et la totalité de ses ressources, à l'exception de celles définies par décret en Conseil d'Etat.

Un forfait logement est toutefois défini pour la prise en compte des ressources du demandeur de l'API : celui-ci constitue un mode d'évaluation forfaitaire de l'avantage en nature que représente le fait de disposer d'un logement à titre gratuit ou du revenu de transfert procuré par le versement d'une aide au logement.

L'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale pose principe que ce forfait est déterminé en pourcentage de la base mensuelle des allocations familiales et qu'il est variable selon le nombre d'enfants à charge.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à aligner le mode de calcul du forfait logement applicable pour le calcul de l'API sur celui applicable pour le calcul du RMI.

Le forfait logement sera ainsi déterminé en fonction du montant du RMI. L'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles dispose que ce dernier varie dans des conditions fixées par voie réglementaire selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge. Son montant est fixé par décret et révisé une fois par an en fonction de l'évolution des prix.

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article s'inscrit dans une démarche d'harmonisation des conditions d'ouverture des droits aux minima sociaux que votre commission approuve.

D'après l'exposé des motifs du présent article, le forfait logement actuel, fixé à 100,61 pour une personne avec un enfant, sera porté à un montant de 103,93 euros, correspondant à celui du RMI pour deux personnes. L'API sera de ce fait légèrement plus faible, mais compte tenu de sa diminution de la revalorisation intervenant au 1 er janvier 2007, l'effet de cette mesure devrait être imperceptible pour les allocataires.

En revanche, cette mesure devrait générer 10 millions d'euros d'économies pour l'Etat.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 56

Subsidiarité de l'allocation de parent isolé

Commentaire : le présent article vise à conférer à l'allocation de parent isolé (API) un caractère subsidiaire par rapport aux autres minima sociaux.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article L. 524-4 du code de la sécurité sociale dispose que les organismes débiteurs de l'API sont subrogés de plein droit dans les droits de l'allocataire créancier d'aliments à l'égard du père ou de la mère débiteur d'aliments, à concurrence du montant de l'API effectivement versé, lorsque ledit allocataire est séparé ou abandonné.

A ce titre, la caisse d'allocations familiales (CAF) se charge par voie de recouvrement amiable, puis le cas échéant, forcé, du recouvrement de la pension alimentaire auprès du débiteur d'aliment. Cela suppose toutefois une décision de justice déjà rendue et, en pratique, la CAF n'a quasiment jamais recours à une telle procédure.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article réécrit complètement l'article L. 524-4 précité, afin de poser un principe de subsidiarité de l'API par rapport aux autres minima sociaux.

Il prévoit ainsi que la personne à laquelle est versée l'API est tenue de faire valoir ses droits aux prestations sociales légales, réglementaires et conventionnelles, à l'exception de l'aide à domicile et du RMI.

Elle doit également faire valoir ses droits aux créances d'aliments qui lui sont dues au titre des obligations instituées par les articles 212 et 214 (mariage), 255 (divorce) et 342 (filiation) du code civil ainsi qu'à la prestation compensatoire due en cas de divorce.

L'organisme débiteur assiste l'allocataire dans les démarches rendues nécessaires pour la réalisation de ces actions.

Lorsque l'allocataire a fait valoir les droits mentionnés au présent article, l'organisme débiteur de l'allocation est subrogé dans les créances de l'allocataire vis-à-vis des débiteurs de ces droits, dans la limite des montants versés au titre de l'allocation de parent isolé.

La personne à laquelle est versée l'allocation peut toutefois demander à être dispensé de faire valoir les droits aux créances d'aliments et à la prestation compensatoire. L'organisme débiteur des prestations familiales statue alors sur cette demande, en tenant compte de la situation du débiteur défaillant.

Si la personne ne respecte pas ces obligations, ou lorsque la demande de dispense est rejetée, le directeur de l'organisme débiteur met en demeure l'intéressé de faire valoir ses droits ou de justifier des raisons pour lesquelles il ne le fait pas. Si, malgré cette mise en demeure, l'intéressé s'abstient de faire valoir ses droits ou si une dispense ne lui est pas accordée au vu des justifications qu'il a présentées, l'allocation est réduite d'un montant au plus égal à celui de l'allocation de soutien familial due à un parent ayant un seul enfant (soit actuellement 82,36 euros).

Les contestations relatives aux refus de dispense et à la réduction du montant de l'allocation seront portées devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Il est prévu qu'un décret détermine le délai dont dispose l'allocataire pour faire valoir ses droits ainsi que les conditions de mise en oeuvre de la réduction de l'allocation.

Le II du présent article précise que ces dispositions seront applicables aux droits ouverts à l'allocation de parent isolé antérieurement au 1 er janvier 2007 à compter du 1 er mars 2007.

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article permet à l'Etat de réaliser une économie de 131 millions d'euros , mais se traduit largement par un report de charges sur la Caisse nationale d'allocations familiales. En effet, l'annexe 9 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 précise que cette mesure entraîne une charge supplémentaire de 115 millions d'euros en 2007 pour la CNAF.

Une telle règle est déjà appliquée en matière de revenu minimum d'insertion. La mesure est donc cohérente avec les démarches de convergence des règles applicables en matière de minima sociaux.

Un amendement rédactionnel est toutefois nécessaire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 11 Mission d'audit de modernisation, rapport sur l'allocation aux adultes handicapés, n° 2006-M-014-02 (IGF) et n° 2006-044 (IGAS), avril 2006.

* 12 Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2007, Tome I.