M. Roland du LUART

II. LE PROGRAMME 166 « JUSTICE JUDICIAIRE »

A. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS : RÉDUIRE LES DÉLAIS DE TRAITEMENT DES AFFAIRES ET PÉRENNISER LES BONNES HABITUDES DE GESTION

Le programme 166 « Justice judiciaire » se rapporte aux moyens des juridictions civiles et pénales, Cour de cassation y compris. Il inclut également le casier judiciaire national, les moyens du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), ceux destinés à la formation des personnels et à la logistique ainsi que les moyens humains contribuant à la mise en oeuvre de la politique de l'accès au droit et à la justice.

Les dépenses de personnel (68,1 %) et les dépenses de fonctionnement (27,3 %) constituent l'essentiel de ce programme .

L'année 2008 doit permettre de poursuivre l'acclimatation à la culture de performance induite par la LOLF et de pérenniser les bonnes habitudes prises par les gestionnaires .

La logique de performance s'accompagne, en particulier, d'un objectif d' amélioration du délai de traitement des affaires civiles et pénales , afin de répondre au mieux aux attentes du justiciable.

La maîtrise des frais de justice , devenus limitatifs sous l'empire de la LOLF, continuera également d'être un enjeu du prochain exercice budgétaire .

Au total, la LOLF dans la justice doit contribuer à développer une culture de gestion compatible avec l'indépendance de l'autorité judiciaire. Il s'agit de dégager ainsi plus de moyens propices au développement d'une justice à laquelle aspirent de plus en plus nos concitoyens, et ce, dans le respect des efforts des contribuables, compte tenu du contexte budgétaire tendu.

Votre rapporteur spécial est persuadé que cette diffusion d'une culture de gestion est un levier essentiel du bon fonctionnement de la justice .

B. LES ACTIONS DU PROGRAMME : LA PRÉPONDÉRANCE DU PÉNAL SUR LE CIVIL

Après ventilation des crédits des actions « Soutien », « Formation » et « Support à l'accès au droit et à la justice », il apparaît que les affaires pénales absorbent 50,2 % des crédits de paiement du présent programme, tandis que le contentieux civil en représente 46,8 %.

Il convient de rappeler que, depuis 2007 et afin de faciliter la gestion des personnels dans les différents ressorts des cours d'appel, l'action 8 « Support à l'accès au droit et à la justice » regroupe les moyens humains des juridictions et les personnels du service de l'accès au droit, à la justice et de la politique de la ville (SADJPV) 10 ( * ) . Ces personnels, auparavant affectés au programme « Accès au droit et à la justice », sont ainsi rattachés au programme « Justice judiciaire ».

C. UNE ÉVOLUTION DE + 5,1 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT

Le présent programme compte, hors fonds de concours 11 ( * ) 2,692 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (- 0,7 % par rapport à 2007) et 2,73 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 5,1 % .

Les dépenses de personnel (titre 2) augmentent de 87,4 millions d'euros, soit une hausse de 4,7 % . Ce montant correspond à un plafond d'emploi fixé à 29.349 ETPT , déterminé à partir du plafond d'emploi accordé en loi de finances pour 2007 (30.301 ETPT) réajusté au vu de la consommation estimée au titre de cet exercice (28.960 ETPT) et majoré des créations d'emploi en 2008 (101 ETPT) ainsi que des extensions en année pleine des emplois créés courant 2007 (288 ETPT).

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) connaissent une hausse de 25,3 millions d'euros (soit + 3,4 %). Les frais de justice 12 ( * ) représentent le premier poste de dépense des services judiciaires en matière de fonctionnement, avec une enveloppe pour 2008 de 405 millions d'euros en crédits de paiement (392,4  millions d'euros en loi de finances pour 2007).

L'augmentation des dépenses de fonctionnement trouve également son origine dans le prolongement de la politique de mise en sûreté et sécurité des bâtiments , engagée en 2007 à la suite de l'agression d'un juge au tribunal de grande instance (TGI) de Metz. En 2008, les marchés de gardiennage 13 ( * ) , conclus par les juridictions grâce à des crédits exceptionnels en 2007, seront pérennisés.

Les dépenses d'investissement (titre 5) enregistrent, pour leur part, une augmentation de 22,2 millions d'euros, soit + 22,5 % , pour permettre la poursuite de travaux engagés.

Les 121 millions d'euros prévus en crédits de paiement sont concentrés sur l'action 6 « Soutien » et se répartissent entre :

- 47,8 millions d'euros pour des opérations conduites « sous convention de mandat » 14 ( * ) et concernant divers tribunaux (restructuration-extension du palais de justice de Toulouse, relogement du TGI d'Aix-en-Provence ainsi que des conseils des prud'hommes et du tribunal de Bobigny...), ainsi que l'opération de restructuration-extension de l'école nationale des greffes (ENG) ;

- 73,2 millions d'euros pour diverses opérations réalisées sans le recours à l'AMOTMJ (mise en sécurité et en sûreté des sites, poursuite d'opérations de constructions neuves, d'extension et de restructuration, accessibilité des locaux aux handicapés, travaux de désamiantage...).

Après une baisse de 45 % en 2007, les dépenses d'intervention (titre 6) reculent à nouveau en 2008 de 42 %. Le crédit de 1,9 million d'euros correspond au versement de la subvention au Conseil national des barreaux (CNB) au titre de la participation de l'Etat à la formation professionnelle des avocats.

D. LES OBJECTIFS FIXÉS PAR LA LOPJ EN TERMES DE CRÉATIONS D'EMPLOIS N'ONT PAS ÉTÉ ATTEINTS

Les ETPT du programme s'établissent pour 2008 à 29.349 , en baisse de 952 ETPT par rapport au plafond fixé en loi de finances pour 2007 comme il a été indiqué précédemment.

La réalisation de la LOPJ concernant les créations d'emplois est décrite dans le tableau ci-dessous.

Les créations d'emploi au titre de la LOPJ

Objectifs LOPJ
(2003-2007)

2003

2004

2005

2006

2007

TOTAL

(2003-2007)

Taux de réalisation

Magistrats

950

180

150

100

186

106

722

76 %

Fonctionnaires

3.500

520

559

255

14

65

1.143

32,6 %

Source : chancellerie

Au regard des objectifs fixés par la LOPJ, on constate donc un déficit en termes de création d'emplois avec un taux de réalisation de 76 % pour les magistrats et de seulement 32,6 % pour les fonctionnaires. Tout au long de l'exécution de la programmation, votre commission a déploré le retard accumulé progressivement.

Il convient, toutefois, de souligner l'extrême difficulté à mener une analyse solide des résultats obtenus en matière de création d'emplois au titre de la LOPJ. En effet, deux approches se sont « chevauchées » au cours des cinq dernières années.

La logique de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances conduisait à décompter les emplois nouveaux en autorisations de recrutement. Cette notion permettait de mesurer le nombre de personnes physiques pouvant être effectivement recrutées pour remplir le droit à recrutement en ETPT ouvert, quelle que soit la date de leur recrutement au cours de l'année.

Cette comptabilisation est davantage conforme au texte de la LOPJ que la logique issue de la LOLF, qui conduit à décompter les emplois ouverts au titre de la programmation en nombre d'emplois créés jusqu'en 2005, puis en nombre d'ETPT supplémentaires par rapport à la base d'ETPT retenue à partir du 1 er janvier 2006.

Votre rapporteur spécial a, pour sa part, choisi de présenter le bilan de la LOPJ en matière de création d'emplois en se fondant sur les autorisations de recrutement (logique de l'ordonnance de 1959), considérant que cette démarche était plus proche de l'esprit initial de la LOPJ.

Au terme de la programmation quinquennale et en tenant compte du plafond d'emploi demandé pour 2008, les emplois du programme sont répartis selon le tableau ci-après :

Répartition des ETPT par action

ETPT magistrats

ETPT fonctionnaires

Total ETPT

Action 1 : Traitement et jugement des contentieux civils

3.762

8.578

12.340

Action 2 : Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales

3.471

6.483

9.954

Action 3 : Cassation

243

316

559

Action 4 : Conseil supérieur de la magistrature (CSM)

3

10

13

Action 5 : Enregistrement des décisions judiciaires

3

303

306

Action 6 : Soutien

419

4.492

4.911

Action 7 : Formation

9

672

681

Action 8 : Support à l'accès au droit et à la justice

8

577

585

Total ETPT

7.714

22.587

29.349

Source : chancellerie

Le présent projet de loi de finances prévoit une création nette de 400 emplois, correspondant à 101 ETPT .

Ces 400 emplois se décomposent en :

- 187 créations d'emploi de magistrat , afin de mettre en oeuvre les priorités fixées par la chancellerie : mise en place des pôles de l'instruction 15 ( * ) , réforme de la carte judiciaire, création d'un juge délégué aux victimes ;

- 187 créations d'emploi de greffiers ;

- 26 créations d'emploi de secrétaires administratifs. Ces créations seront complétées par la transformation de 149 emplois de catégorie C en secrétaires administratifs.

Le renforcement des effectifs des greffes est ainsi en cours, même si le ratio entre le nombre de magistrats et celui de fonctionnaires reste durablement « défavorable » aux greffiers , comme en atteste le tableau suivant.

Evolution des effectifs de magistrats et fonctionnaires depuis 1997

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Magistrats

6.117

6.187

6.327

6.539

6.846

7.144

7.294

7.434

7.525

7.889

7.950

Fonctionnaires*

17.460

17.686

17.819

17.966

18.172

18.665

19.125

19.757

19.841

20.197

20.410

Ratio

2,85

2,86

2,82

2,75

2,65

2,62

2,62

2,66

2,63

2,55

2,57

Source : chancellerie

* Le nombre de fonctionnaires retenu concerne uniquement les greffiers en chef, les greffiers, les agents de catégorie C chargés de fonctions administratives, à l'exclusion des agents de catégorie C-technique.

Le ratio actuel de 2,57 fonctionnaires de greffe par magistrat traduit une réelle faiblesse du soutien logistique susceptible d'être apporté aux magistrats , tant pour le rendu des décisions de justice que pour la gestion des juridictions.

Si les efforts afin d'accroître les effectifs de magistrats, en conformité avec la LOPJ pour la période 2003-2007, méritent d'être salués, cela n'ont de sens que s'ils s'accompagnent d'un effort encore plus important en faveur des greffiers (dans les SAR et dans les cours), afin de ramener le ratio entre le nombre de magistrats et celui de fonctionnaires à un niveau plus satisfaisant. Or, c'est précisément l'inverse qui s'est produit au cours des dernières années, comme en atteste les taux d'exécution respectifs de la LOPJ en matière de création d'emplois : 76 % pour les magistrats et 32,6 % pour les fonctionnaires.

Comme en 2006, votre rapporteur spécial insiste sur cette difficulté qui met en péril l'ensemble de l'équilibre de l'institution judiciaire .

Le rythme des départs à la retraite , qui s'accélérera à partir de 2008, ne peut, en effet, que contribuer à aggraver la situation, la pyramide des âges des personnels des juridictions judiciaires étant particulièrement défavorable. En 2008, ce sont ainsi 230 greffiers qui partiront à la retraite, alors qu'une promotion de 200 élèves seulement sortira de l'ENG.

Par ailleurs, alors que de nouvelles promotions vont sortir de l'ENM, la réforme de l'ENG, menée en 2003, va entraîner un décalage dans le temps des flux d'entrée , la durée de la scolarité de l'ENG étant passée de 12 à 18 mois.

La résorption du goulet d'étranglement est d'autant plus difficile qu'il faut six à neuf mois pour ouvrir un concours de magistrat ou de greffier. Le délai entre l'autorisation d'un concours de recrutement et ses premiers effets sur le terrain s'élève donc à au moins deux ans .

Votre rapporteur spécial souhaite une nouvelle fois souligner l'insuffisance des effectifs des greffiers et l ' hypothèque qu'elle fait peser sur le bon fonctionnement de l'ensemble du système judiciaire .

Le recours accru aux nouvelles technologies de l'information et de la communication , en 2008, devrait néanmoins améliorer sensiblement les conditions de travail des greffiers.

E. LA MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE SE CONFIRME, SANS REMISE EN CAUSE DE LA « LIBERTÉ DE PRESCRIPTION » DU MAGISTRAT

La croissance annuelle des frais de justice a enregistré une très forte hausse au début des années 2000 . Elle connaît, depuis 2002, une progression importante surtout en matière pénale (+ 13,3 % en 2002, + 2,1 % en 2003, + 27,3 % en 2004, + 17,2 % en 2005) en grande partie liée au recours aux nouvelles technologies pour l'administration de la preuve, qui fait échapper au domaine des prestations tarifiées un bon nombre de prestations réalisées à la demande ou sous le contrôle des magistrats.

Plusieurs facteurs institutionnels et technologiques peuvent expliquer cette évolution : développement des alternatives aux poursuites, généralisation de la téléphonie mobile, développement du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

Dans son rapport d'information « La LOLF dans la justice : indépendance de l'autorité judiciaire et culture de gestion » 16 ( * ) , votre rapporteur spécial avait d'ailleurs décrit cette dérive inquiétante et identifié les marges de manoeuvre en la matière. Votre commission avait, à la suite de ce rapport, demandé à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2 de la LOLF, une enquête sur les frais de justice, dont votre rapporteur spécial avait analysé les conclusions dans son rapport « Frais de justice : l'impératif d'une meilleure maîtrise » 17 ( * ) .

En 2006, la maîtrise des frais de justice constituait donc un des enjeux budgétaires majeurs du ministère de la justice , à double titre :

- avec l'entrée en vigueur de la LOLF, le régime des crédits limitatifs, désormais applicable aux frais de justice, et la réforme de l'ordonnancement secondaire imposaient la mise en oeuvre d'un nouveau circuit de la dépense ;

- surtout, alors que les dépenses avaient augmenté massivement au cours des trois dernières années (68 % entre 2002 et 2005), la loi de finances pour 2006 limitait à 370 millions d'euros les crédits affectés au paiement des frais de justice, soit une diminution de 24 % par rapport au niveau de la dépense en 2005.

Les efforts conjugués de l'administration centrale et des juridictions ont permis de relever ces deux défis. Au cours de la seule année 2006, la consommation des frais de justice a ainsi diminué de 22 % (- 28,6 % pour les frais de justice en matière pénale), passant d'un total de 487 millions d'euros à 379,4 millions d'euros .

A la suite de cette année de césure ayant permis un retournement de tendance dans la dynamique de cette dépense, l'enveloppe dédiée aux frais de justice en 2007 s'est élevée à 397,9 millions d'euros.

En 2008, une dotation de 405 millions d'euros est prévue pour couvrir les frais de justice, soit une hausse de seulement 1,7 % par rapport à 2007.

Dans le projet de loi de finances pour 2008, les frais de justice figurent, au sein du programme « Justice judiciaire », parmi les crédits de fonctionnement des actions ci-après (en crédits de paiement) :

- Action 1 « Traitement et jugement des contentieux civils » : 49,4 millions d'euros ;

- Action 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » : 279,7 millions d'euros ;

- Action 3 « Cassation » : 0,3 million d'euros ;

- Action 6 « Soutien » : 75,6 millions d'euros 18 ( * ) .

Votre rapporteur spécial tient à saluer les efforts produits par les magistrats ainsi que la politique de maîtrise des frais de justice engagée par la chancellerie 19 ( * ) , dont les effets n'ont pas tardé à se faire sentir.

Il se félicite, en outre, que cette meilleure maître n'entame en rien la liberté de prescription des magistrats, principe essentiel au bon fonctionnement de notre justice.

Pour autant, votre rapporteur spécial souligne qu'il serait naturellement illusoire de croire que la maîtrise des frais de justice est définitivement acquise , les économies réalisées devant en effet, pour partie, permettre la revalorisation de certains tarifs devenus obsolètes au regard de la qualification requise.

A cet égard, il estime que l'indicateur portant sur la « Dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale », rattaché à l'objectif 5 « Maîtriser la croissance des frais de justice », pourra servir de base à un efficace suivi dans le temps de ce poste budgétaire.

En 2006, cette dépense moyenne s'élevait à 216,30 euros (contre 331 euros en 2005). La prévision actualisée en 2007 se monte, pour sa part, à 216 euros , tandis qu'une légère inflexion à la hausse se dessine pour 2008 avec une prévision de 225 euros.

Votre rapporteur spécial estime toutefois que cet indicateur, portant sur la seule matière pénale, mériterait d'être complété pour couvrir l'ensemble du domaine des frais de justice . Un tel enrichissement, par l'intermédiaire de sous-indicateurs, permettrait en effet de disposer d'une vision plus complète de l'évolution de ce poste de dépense.

F. LES ENJEUX BUDGÉTAIRES DE LA RÉVISION DE LA CARTE JUDICIAIRE

La réforme de la carte judiciaire, engagée le 27 juin 2007 par l'ouverture d' une concertation avec les représentants nationaux des professions juridiques et judiciaires, a été déclinée au plan local par les chefs des cours d'appel, d'une part, s'agissant des acteurs judiciaires et des professions juridiques et judiciaires, et par les préfets, d'autre part, s'agissant des élus et des diverses administrations déconcentrées de l'Etat.

Depuis le 12 octobre 2007 , le projet de nouveau schéma d'organisation de la carte judiciaire est présenté régionalement.

Votre rapporteur spécial rappelle qu'aucune réforme de structure de fond de l'institution judiciaire n'a été entreprise depuis 1958 et adhère pleinement à la volonté de rationaliser les moyens de la justice sur l'ensemble du territoire .

La réforme s'appuie sur deux principes essentiels : la qualité de la justice et la réalité du territoire .

Le regroupement et la mutualisation des moyens sont des conditions d'une justice plus rapide et plus efficace . En particulier, ils permettent :

- la spécialisation des juges , qu'ils soient ou non des magistrats professionnels, rendue indispensable par l'évolution des contentieux, de plus en plus techniques, et des procédures, de plus en plus contraignantes ;

- de lutter contre l'isolement du juge résultant de l'éparpillement actuel des juridictions, en facilitant les échanges avec des magistrats plus expérimentés ;

- de garantir la continuité du service public de la justice ;

- de respecter le principe de l'impartialité objective pour les contentieux traités par des pairs (contentieux commercial et social) ;

- d'assurer une égalité de traitement entre tous les justiciables ;

- d'assurer une meilleure sécurisation des juridictions et d'améliorer les conditions d'accueil des justiciables.

Les critères retenus pour dessiner la nouvelle carte judiciaire doivent tenir compte tant des réalités judiciaires actuelles, bien différentes de celles qui prévalaient en 1958 lorsque la carte judiciaire a été fixée de manière générale pour la dernière fois, que des réalités humaines et sociales inhérentes à la demande de justice et à l'accès au droit .

La réforme engagée est tout d'abord fondée sur le critère de l'activité judiciaire, qui conduit à regrouper les juridictions dont le niveau d'activité est inférieur au seuil critique en deçà duquel la bonne marche du service public de la justice n'apparaît pas optimale.

Les autres critères pris en considération sont :

- le développement démographique et économique ;

- la situation géographique et les conditions d'accès ;

- les spécificités de certaines régions ;

- les équilibres entre les territoires ;

- l'organisation administrative.

De ce point de vue, votre rapporteur spécial considère qu'un équilibre doit effectivement être recherché entre différents impératifs : la modernisation de la carte judiciaire, le renforcement de la qualité de la justice au service des justiciables et la prise en compte de la réalité des territoires .

Selon les réponses fournies par la chancellerie aux questionnaires budgétaires de votre rapporteur spécial, la réforme de la carte judiciaire sera progressive et étalée sur trois ans. Elle commencera en 2008 avec la mise en place des pôles de l'instruction et la réorganisation des conseils de prud'hommes , puis se poursuivra en 2009 avec les tribunaux d'instance (TI) et les tribunaux de commerce et s'achèvera en 2010 avec les TGI.

Votre rapporteur spécial estime que cette réforme de la carte judiciaire ne peut être envisagée à moyens constants et que, si on peut en espérer des sources d'économies à terme, elle nécessitera d'abord une importante « mise de fonds » initiale .

Plus précisément, les regroupements envisagés auront assurément un coût immobilier . Lors de son audition par votre commission, le 14 novembre 2007, Madame Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a ainsi évoqué un programme immobilier portant sur un montant total de 800 millions d'euros sur six ans (hors projet relatif au TGI de Paris).

Par ailleurs, les déplacements des personnels comporteront un coût social .

Toutefois, les contours exacts du schéma d'organisation de toutes les cours d'appel (CA) n'étant pas parfaitement appréhendés, le coût total de la réforme ne peut être définitivement évalué .

Il en est d'ailleurs de même des économies attendues . Celles-ci seront toutefois relativement limitées, si l'on considère que les juridictions concernées par la réforme de la carte judiciaire sont, dans la grande majorité des cas, hébergées dans des bâtiments mis à disposition par les collectivités territoriales, départements ou communes.

Le projet de loi de finances pour 2008 intègre l'impact de cette réforme à hauteur de 1,5 million d'euros, cette enveloppe visant à couvrir les mesures d'accompagnement social de la première année de la réforme .

Tel qu'il se présente aujourd'hui, le programme mettant en oeuvre la révision de la carte judiciaire n'aura de véritable impact sur les crédits de la mission « Justice » qu'à partir de 2009 .

G. UNE MESURE DE LA PERFORMANCE EN ÉVOLUTION

Avec la création d'un nouvel objectif en 2008 et d'un indicateur associé, le programme « Justice judiciaire » comporte un nombre conséquent d'objectifs et d'indicateurs , puisqu'il renvoie à 7 objectifs et à 22 indicateurs. Pour l'avenir et afin de conserver la lisibilité du document, il ne paraît pas souhaitable d'augmenter le nombre d'indicateurs.

Les objectifs retenus pour le présent programme se situent dans le prolongement de ceux fixés par la LOPJ avec une attention particulière pour l'amélioration de l'efficacité de la justice au service des citoyens, l'adaptation du droit pénal à l'évolution de la délinquance et le développement de l'effectivité de la réponse pénale .

En outre, le projet annuel de performances pour 2008 tient compte de la nécessité pour l'institution judiciaire de tirer le mieux profit des nouvelles technologies, avec l'apparition de l'objectif « Développer les modes de communication électronique modernes ». L'indicateur 7.1 « Taux d'équipement des services judiciaires en visioconférence » lui est associé. Il est décliné au niveau des CA, des cours d'assises, des TGI et des chambres de l'instruction.

Alors qu'en 2007 seulement 34,3 % des CA et 10,5 % des TGI sont équipés en visioconférence, l'objectif est de parvenir à un taux d'équipement de 100 % en 2008 . Il paraît souhaitable, comme le précise le projet annuel de performances, que « lorsque l'équipement des juridictions sera bien avancé, un indicateur relatif au taux d'utilisation de cet équipement pourra se substituer à celui relatif au taux d'équipement ».

Parmi les évolutions substantielles dans le cadre de la mesure de la performance de ce programme, il convient également de souligner la suppression de l'indicateur relatif au « Nombre d'affaires pénales traitées par magistrat à l'instruction (TGI) » .

Cette disparition s'explique par le fait que le nombre d'affaires traitées par magistrat à l'instruction n'est pas pertinent en tant qu'indicateur de performances. La hausse ou la baisse du volume d'affaires traitées ne constitue pas un indicateur de qualité ou d'efficacité de l'instruction . La complexité des affaires soumises à l'instruction, la création de juridictions interrégionales spécialisées ou encore le nombre d'ouvertures d'informations par les parquets, représentent autant d'éléments susceptibles de faire évoluer cet indicateur, sans aucun lien avec la performance.

D'une manière générale, les indicateurs, portant, tant en matière civile que dans le domaine pénal, sur les délais des procédures, l'ancienneté du stock, le nombre d'affaires traitées par magistrats et fonctionnaires sont satisfaisants dans leur conception. Ils répondent aux préoccupations des justiciables qui souhaitent une « justice plus rapide » .

L'analyse des performances du programme en matière de délais pour les décisions rendues au civil met en évidence une certaine stabilisation entre les prévisions actualisées 2007 et les objectifs pour 2008 . Ainsi, pour les TGI par exemple, le délai moyen de traitement des procédures prévu pour 2008 est de 6 mois, délai identique à celui qui sera probablement enregistré en 2007.

De même, les efforts pour réduire les stocks au civil semblent avoir atteint leurs limites comme l'illustre l'évolution de l'indicateur rendant compte de l'ancienneté moyenne du stock par type de juridiction : 10,5 mois en 2007 et en cible pour 2008 dans le cas des TGI.

Au pénal, les juridictions peinent également à réduire les délais , ainsi que le montre la stagnation du délai moyen de traitement des procédures pénales en matière criminelle (hors Cour de cassation) : 35 mois en 2007 (prévision actualisée) et un même temps d'attente prévu pour 2008 et 2009.

Une fois la décision rendue, encore faut-il qu'elle soit exécutée. De ce point de vue, le taux de mise à exécution témoigne de résultats encourageants . Par exemple, le taux de mise à exécution d'une condamnation à un travail d'intérêt général (TIG) devrait atteindre 95 % en 2007 et demeurer à ce niveau en 2008.

A cet égard, la mise en place de bureaux d'exécution des peines (BEX) 20 ( * ) a constitué un facteur d'efficacité certain, en évitant toute discontinuité entre le prononcé de la décision à l'audience et la mise en oeuvre de la sanction.

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 166 « JUSTICE JUDICIAIRE »

- L'année 2008 doit permettre de poursuivre l'acclimatation à la culture de performance induite par la LOLF et de pérenniser les bonnes habitudes prises par les gestionnaires .

- Le programme « Justice judiciaire » compte 2,73 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse, très notable dans le contexte budgétaire actuel, de 5,1 % .

- Au regard des objectifs fixés par la LOPJ sur la période 2003-2007, on constate un déficit en termes de créations d'emploi avec un taux de réalisation de 76 % pour les magistrats et de seulement 32,6 % pour les fonctionnaires.

- Le présent projet de loi de finances prévoit une création nette de 400 emplois, correspondant à 101 ETPT .

- Le ratio actuel de 2,57 fonctionnaires de greffe par magistrat traduit une réelle faiblesse du soutien logistique susceptible d'être apporté aux magistrats, tant pour le rendu des décisions de justice que pour la gestion des juridictions. Si les efforts afin d'accroître les effectifs de magistrats, en conformité avec la LOPJ pour la période 2003-2007, méritent d'être salués, ils n'ont de sens que s'ils s'accompagnent d'un effort encore plus important en faveur des greffiers. Le recours accru aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, en 2008, devrait néanmoins améliorer sensiblement les conditions de travail des greffiers.

- En 2008, une dotation de 405 millions d'euros est prévue pour couvrir les frais de justice , soit une hausse de seulement 1,7 % par rapport à 2007.

- Votre rapporteur spécial tient à saluer les efforts produits par les magistrats ainsi que la politique de maîtrise des frais de justice engagée par la chancellerie.

- Concernant la révision de la carte judiciaire , votre rapporteur spécial rappelle qu'aucune réforme de structure de fond de l'institution judiciaire n'a été entreprise depuis 1958 et adhère pleinement à la volonté de rationaliser les moyens de la justice sur l'ensemble du territoire.

- Votre rapporteur spécial estime toutefois que cette réforme de la carte judiciaire ne peut être envisagée à moyens constants. Si on peut en espérer des sources d'économies à terme, comme pour toute réforme de structures, elle nécessitera d'abord une importante « mise de fonds » initiale.

- En particulier, les regroupements envisagés auront assurément un coût immobilier. Lors de son audition par votre commission, le 14 novembre 2007, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a évoqué un programme immobilier (hors Paris) portant sur un montant total de 800 millions d'euros sur six ans .

* 10 Cette action s'appuie au total sur 8 ETPT de magistrats et 577 ETPT de fonctionnaires. Il s'agit, d'une part, des personnels du SADJPV, et, d'autre part, des personnels en fonction dans les bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ), les centres départementaux d'accès au droit (CDAD) et les maisons de la justice et du droit (MJD).

* 11 1,3 million d'euros, principalement au titre de participations diverses aux dépenses de réception, de formation et de fonctionnement des tribunaux de commerce.

* 12 Dépenses de procédure laissées à la charge de l'Etat, selon les articles 800, R. 92 à R. 94 et R. 218 du code de procédure pénale.

* 13 Des agents, en charge de la surveillance des portiques de contrôle d'accès des juridictions, permettent d'assurer ou de renforcer leur niveau de sûreté.

* 14 Les opérations conduites  « sous convention de mandat » renvoient aux opérations prises en charge par l'opérateur du ministère l'AMOTMJ (agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice). En effet, pour chaque opération, une convention est signée entre le ministère et l'opérateur. Ces conventions de mandat avec l'AMOTMJ s'appliquent aux opérations les plus lourdes (supérieures à 15 millions d'euros).

* 15 Ces pôles ont été créés par la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale. Ils visent à permettre la mise en oeuvre du principe de la collégialité de la décision au sein des juridictions en matière pénale. Dès lors qu'il existe plusieurs juges d'instruction dans un tribunal, chaque information est confiée à une formation collégiale de trois juges d'instruction. Les décisions de mise en examen, d'octroi du statut de témoin assisté à une personne mise en examen, de placement sous contrôle judiciaire, de saisine du juge des libertés et de la détention, et de mise en liberté d'office ainsi que les avis de fin d'information, les ordonnances de règlement et de non lieu, doivent désormais être prises de manière collégiale. Les autres actes, c'est-à-dire ceux relevant des interrogatoires, des confrontations et de la délivrance des commissions rogatoires, peuvent être déléguées à l'un des juges d'instruction composant le collège.

* 16 Sénat, rapport d'information n° 478 (2004-2005).

* 17 Sénat, rapport d'information n° 216 (2005-2006).

* 18 Il s'agit des frais postaux, de l'indemnisation des victimes, de celles ayant bénéficié d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, ainsi que des frais liés aux révisions et erreurs judiciaires. On peut se demander si ces dépenses sont vraiment de même nature que celles liées aux procédures civiles et pénales (enquêtes...) et si elles ne devraient pas être disjointes de ces frais de justice, qui font l'objet d'une problématique particulière .

* 19 Les principales dispositions prises dans le cadre de cette politique ont été décrite par votre rapporteur spécial dans son rapport spécial n° 78 (2006-2007) - Tome III - annexe 15.

* 20 Expérimentaux dans huit juridictions en 2004, ils ont été généralisés à compter du 1 er janvier 2007.